Séance du 22 décembre 1998







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Luc pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 9 décembre dernier, j'invitais une classe de sixième du collègue Jean-Macé de Fontenay-sous-Bois à visiter le Sénat. Les élèves m'ont interrogé sur les thèmes dont nous allions débattre. Je leur ai répondu que nous allions examiner le projet de loi sur le dopage. Ils se sont alors engouffrés dans une discussion sur ce sujet, citant le nom des champions dont on parle actuellement.
Parmi ces mots d'enfants, il en est deux que je voudrais vous citer.
L'un disait : « Le dopage, c'est le contraire de ce qu'il faut faire, je trouve que c'est une bêtise ; que cela met en danger la santé et rend les gens méfiants, car ils ne croient plus qu'un champion puisse gagner. »
Un autre disait : « Je trouve que c'est bien d'en parler au Sénat ! »
Lorsque, au stade de France, Sarah, du collège Matisse de Choisy-le-Roi, a lu la charte élaborée par les collégiens, ce sont des milliers d'enfants et de sportifs qui ont frémi à l'idée de tout ce que le sport a de noble.
Madame la ministre, je suis particulièrement sensible à la prévention, à la formation et à l'éducation dès le plus jeune âge. A ce titre, nous nous réjouissons de voir inscrite dans le texte la formation à la prévention du dopage en direction des enseignants.
Nous serons attentifs, madame la ministre, aux mesures que vous prendrez en concertation avec le ministre de l'éducation nationale pour sensibiliser de plus en plus le secteur éducatif au phénomène du dopage.
En nous soumettant ce texte, madame la ministre, vous avez, à travers une question jusque-là taboue, posé comme condition préalable la participation du mouvement sportif à l'éradication du dopage.
Le travail approfondi accompli tant à l'Assemblée nationale qu'ici même, avec des sensibilités différentes - ce qui montre l'intérêt des navettes entre les deux assemblées pour approfondir le dialogue -...
MM. Alain Lambert et Jean Chérioux. C'est très vrai !
Mme Hélène Luc. Oui, cela prouve d'ailleurs que le bicamérisme est nécessaire !
Ce travail aura permis d'élaborer, sur votre initiative, madame la ministre, un texte équilibré, rappelant avec fermeté les limites de la légalité, mais ayant aussi pour souci de prévenir le monde sportif d'un fléau extrêmement dangereux pour la santé.
Pour notre part, nous n'en doutons pas, ce texte jouera un rôle moteur au sein des législations européennes et montrera que notre pays est déterminé à améliorer la santé des sportifs en luttant contre ce qui, trop souvent, vise à entacher l'exploit.
Pour toutes ces raisons, c'est évidemment sans réserve que nous accorderons nos suffrages au texte qui nous est proposé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. Au nom du groupe de l'Union centriste et de son président, M. Jean Arthuis, nous ne pouvons que nous réjouir de l'issue de cette discussion, même si le texte n'est pas tout à fait définitif. Certains ont cru devoir dire que la première lecture s'était passée dans un anonymat général. Ce qui est important, c'est que le texte soit voté et appliqué.
Mme Luc évoquait tout à l'heure le rôle du bicamérisme. Nous sommes conscients de cet oecuménisme, qui n'a rien d'une autosatisfaction générale, bien au contraire ! Cela signifie que, sur les grands problèmes de société, nous savons nous rencontrer. C'est en revenant, dans de nombreux cas, au texte initial qu'est apparue cette compréhension entre la commission, le Sénat et le Gouvernement. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Nous sommes au stade d'une véritable avancée en matière de lutte contre le dopage. Quelques points méritent d'être soulignés du fait de leur importance.
La notion de dopage est apparue clairement au grand jour, pour moi, ainsi que pour nombre de nos confrères, comme une véritable maladie. Mais, madame la ministre, vous avez su faire la part entre ce qui relève de la sanction et ce qui relève de la maladie. Une maladie débouchant sur une sanction ne pouvait rester une maladie. Les toxicomanies font partie des maladies. Néanmoins, le dopage, dans sa conception socio-économique, quand il devient un phénomène de société, n'est plus une maladie. Il est un fléau contre lequel nous devons lutter les uns et les autres.
Cette confrontation a permis de mettre en évidence le véritable besoin de développer dans notre pays une politique de santé publique, dont la médecine sportive était véritablement jusqu'ici le parent pauvre. Soulignons également la pauvreté des moyens accordés au département de la jeunesse et des sports. Il faut encore mettre en valeur ces médecins qui travaillent dans des conditions souvent précaires et relevant, dans de nombreux cas, du bénévolat. Alors qu'on s'inquiétait du remboursement de nombreux actes en matière de visite médicale, il faut rappeler que de nombreux médecins travaillent gratuitement et s'occupent des équipes de football, de rugby, etc., au sein de leur petite collectivité, loin des feux de la rampe.
Au-delà des textes, ce débat relève aussi de la déontologie et de l'éthique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du Rassemblement pour la république et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Delaneau pour explication de vote.
M. Jean Delaneau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais remercier tous ceux dont le travail a permis d'aboutir à ce texte, notamment nos deux collègues qui sont intervenus tout à l'heure.
Je voudrais également vous remercier, madame la ministre, d'avoir engagé le débat avec le Parlement, en commençant par le Sénat. Nous ne pouvons que nous réjouir - et je rejoins sur ce point tout à fait les propos de Mme Luc - de ces navettes. Mais elles ne sont pas terminées, puisque, le rapporteur et le président de la commission des affaires culturelles en ont bien conscience, comme vous-même madame la ministre, il reste encore un certain nombre d'aménagements à apporter.
Que se serait-il passé s'il n'y avait pas eu ces navettes ? Vous vous seriez trouvée face à un texte très différent de votre texte initial, complété par le Sénat, et la commission mixte paritaire qui aurait eu lieu dans ces conditions aurait été, selon moi, extrêmement difficile.
Le texte nécessite encore d'être amélioré sur quelques points pour qu'il soit le meilleur possible.
En tout cas, c'est tout à l'honneur de nos assemblées de pouvoir dialoguer sur un texte qui n'est pas politique. Il s'agit en effet d'un texte de société tout à fait important pour l'avenir.
Entre-temps, il y a eu cette dramatisation, ce pilori médiatique qui ont failli condamner le sport auprès de l'opinion publique. Très vite, on a commencé à dire que le dopage était partout dans le sport. Après la grande fête du Mondial, ceux qui, comme nous, soutiennent le développement du mouvement sportif, qu'il s'agisse du sport de masse ou de l'élite qui représente notre pays à l'étranger, ont vraiment reçu une douche froide. Les sportifs ne méritaient pas qu'on en restât à ces images que nous avons vues cet été.
Heureusement que ce texte est venu en discussion. Nous nous en étions entretenus voilà quelques semaines en commission avec M. le rapporteur car, tel qu'il venait de l'Assemblée nationale, ce texte nous posait quelques problèmes. La voie que vous avez trouvée, monsieur le rapporteur, est bonne et il reste maintenant à la parfaire.
Au nom du groupe des Républicains et Indépendants, je tiens à dire que nous soutenons, bien sûr, le résultat de ce travail, dont je me réjouis, car il est à l'honneur du Parlement et aussi à l'honneur du sport ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Nous pouvons nous réjouir de la façon dont le dialogue s'est déroulé en commission.
Il reste encore un travail à effectuer avec l'Assemblée nationale pour tenter d'améliorer ce texte. Le projet de loi est forcément incomplet.
Il faudra ensuite mettre la loi en application et nous devrons régulièrement être informées de sa mise en application.
Ce texte ne constitue qu'un des éléments de ce qu'il faut faire en matière de dopage et de sport. Madame la ministre, nous attendons avec impatience vos propositions pour une future loi sur le sport qui donnera lieu à un débat encore plus large. Il faudra y associer davantage les sportifs, car il est curieux de lire, à la veille de ce vote, des interventions dans la presse, émanant notamment de membres du Comité international olympique, sur la façon dont le Parlement débat !
Il faut que le travail se fasse en amont et que nous ayons effectivement ce dialogue avec les sportifs, avant de compléter, entre les deux assemblées, ce qu'il nous paraîtra essentiel de mettre dans la loi. Nous comptons sur vous, mais vous pouvez également compter sur notre vigilance.
Nous nous félicitons de la façon dont les choses se sont déroulées en commission, grâce à son président M. Gouteyron et à son rapporteur M. Bordas. (Applaudissements.)
M. Adrien Gouteyron, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons à la fin d'un débat qui a été intéressant et riche.
Je voudrais rappeler que, lorsque le Sénat a examiné ce texte en première lecture, il l'a fait d'une manière très approfondie. C'était au mois de mai ; nous étions, madame la ministre, parfaitement conscients de l'importance du sujet que nous traitions et de sa difficulté. Nous avons abordé ce débat sans idée préconçue, avec une totale liberté d'esprit et beaucoup de lucidité.
Le débat a eu lieu sans recevoir beaucoup d'écho à l'extérieur. Peut-être l'avez-vous regretté ? Nous aussi. Cela ne nous a pas empêchés de bien travailler.
M. Michel Charasse. Nous lirons l'Equipe !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission. Puis les événements de l'été ont révélé à l'opinion publique, avec une espèce de brutalité médiatique, l'importance des phénomènes de dopage et ont rendu le sujet encore plus sensible qu'il ne l'était.
L'Assemblée nationale a délibéré sous le choc de ces événements. Elle a adopté des articles substantiels, qui modifiaient non pas seulement ce que nous avions voté, mais même vos propositions, et a introduit de nouvelles dispositions.
Nous avons estimé aujourd'hui que les dispositions qu'avait ajoutées l'Assemblée nationale ou certaines des modifications qu'elle avait apportées au texte correspondaient à des intentions certes louables, mais qu'elles ne pouvaient être approuvées en l'état. Notre souci, en cette matière difficile, je le répète, a été de respecter les intentions, mais aussi un certain nombre de principes auxquels, ici et ailleurs, on est légitimement attaché.
Sans doute le texte n'a-t-il pas encore atteint son état définitif, mais il n'en est peut-être pas très loin, du moins nous l'espérons, madame la ministre. Nous souhaitons en tout cas qu'il soit définitivement adopté sans tarder, de manière que la France soit enfin pourvue d'une loi qui lui permette de faire face à une situation d'autant plus délicate qu'elle touche non seulement les sportifs de haut niveau mais aussi, hélas ! des pratiquants de tout niveau. C'est peut-être d'ailleurs cet aspect qui, même s'il n'est pas le plus visible, nous a le plus émus. (Applaudissements.)
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je souhaite tout d'abord remercier le président, le rapporteur et tous les membres de la commission des affaires culturelles, ainsi que l'ensemble du Sénat, du travail qui a été effectué dans cette assemblée.
M. Gouteyron l'a rappelé à juste titre, c'est dans la quasi-indifférence des médias que, le 28 mai dernier, votre assemblée a adopté ce texte, en première lecture, à l'unanimité. Il est important de le rappeler parce que cela montre que ce ne sont pas les événements de l'été qui ont provoqué la mise au point d'un texte dans l'urgence, une urgence qu'aurait dictée l'émotion. C'est en fait dès septembre 1997 que nous avons mis en place un premier groupe de travail en vue d'élaborer une réponse législative à l'extension du fléau du dopage dans le sport de haut niveau comme dans le sport amateur.
Bien sûr, les événements de cet été ont créé un choc. Comment aurait-il pu en être autrement ? Il n'y a pas de plus belle épreuve, d'épreuve plus propre à susciter l'admiration de tous que le Tour de France.
Mais ces événements ne doivent pas nous faire oublier, je l'ai dit tout à l'heure, qu'il n'y a pas de sports prédestinés, que l'on marquerait au fer rouge du dopage, pendant que d'autres seraient indemnes de ce fléau. Cinquante-sept pratiques sportives sont concernées. Il nous faut donc accomplir un effort de prévention à l'égard de l'ensemble des pratiquants de toutes les activités sportives.
La focalisation des médias sur tel ou tel sport ne doit surtout pas nous amener à relâcher notre vigilance et notre effort touchant les autres sports. La lutte contre le dopage concerne bien l'ensemble du sport !
Le travail que vous avez effectué, mesdames, messieurs les sénateurs, a permis à la France, s'exprimant par la voix du Président de la République et par celle du Premier ministre, de faire adopter, lors du sommet de Vienne, un texte qui non seulement tend à régler le problème du dopage, mais reconnaît également la singularité du sport ainsi que la nécessité de sauvegarder le sport et le mouvement sportif. C'est une première dans l'histoire de l'Union européenne.
C'est également grâce à votre travail que je vais pouvoir, à la conférence internationale de Lausanne, formuler des propositions claires et précises, présenter un travail législatif complet concernant tout le mouvement sportif, national et international.
Indiscutablement, la Haute Assemblée et l'Assemblée nationale ont eu les mêmes motivations et ont travaillé à partir des mêmes fondements : essentiellement, la protection de la santé. Nous allons donc pouvoir très rapidement aboutir à un accord sur la rédaction des dispositions qui composent ce projet de loi, afin de promouvoir les solutions les plus efficaces et de répondre aux défis qui nous sont lancés. C'est pourquoi, monsieur Gouteyron, je pense que ce texte pourra, très bientôt, être adopté définitivement et appliqué. Ainsi des dispositifs tels que celui des antennes médicales, que le Sénat a adopté aujourd'hui, pourront très vite entrer dans les faits. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Le texte a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. Madame la ministre, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu souligner l'intérêt du bicaméralisme. Nous avons été particulièrement sensibles au fait que vous avyez relevé le caractère constructif du travail qui est accompli par le Sénat. Peut-être, madame la ministre, pourrez-vous en faire part à vos collègues ! (Sourires.)

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