Séance du 26 janvier 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décision du Conseil constitutionnel (p. 1 ).

3. Egalité entre les femmes et les hommes. - Adoption d'un projet de loi constitutionnelle (p. 2 ).
Discussion générale : Mmes Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; MM. Guy Cabanel, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Larché, président de la commission des lois ; Mme Dinah Derycke, M. Philippe Richert.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

MM. Christian Bonnet, Yvon Collin, Patrice Gélard, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber, Mme Anne Heinis.

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

MM. Alain Vasselle, Michel Duffour, Mmes Marie- Madeleine Dieulangard, Janine Bardou, Monique Cerisier-Ben Guiga, M. Bernard Plasait, Mme Danièle Pourtaud, MM. le rapporteur, Robert Badinter.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.

Article additionnel avant l'article unique (p. 4 )

Amendement n° 5 de M. Charasse. - M. le président de la commission. - Réserve.

Article unique (p. 5 )

M. Jean-Luc Mélenchon.
M. le président. - Retrait de l'amendement n° 5 (précédemment réservé).
Amendement n° 1 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 6 rectifié de M. Charasse, 2 de M. Bonnet et 3 de M. Fauchon ; amendement n° 4 rectifié bis de M. Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Christian Bonnet, Pierre Fauchon. - Retrait de l'amendement n° 4 rectifié bis.

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

Mme le garde des sceaux, Mme Dinah Derycke, MM. Jean-Philippe Lachenaud, le président, Robert Badinter, Michel Charasse, Patrice Gélard, Yann Gaillard, Paul Girod, Michel Pelchat, le président de la commission, Alain Vasselle, Robert Bret. - Rejet du sous-amendement n° 6 rectifié, le scrutin public sur le sous-amendement n° 2 donnant lieu à pointage.

Suspension et reprise de la séance (p. 6 )

Rejet, par scrutin public après pointage, du sous-amendement n° 2.
M. Pierre Fauchon. - Retrait du sous-amendement n° 3.
MM. Jean-Louis Lorrain, Robert Badinter, Paul Girod, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Adnot, Patrice Gélard, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Emmanuel Hamel, le rapporteur, Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Adoption, par scrutin public à la tribune, de l'amendement n° 1 rectifié rédigeant l'article unique du projet de loi constitutionnelle.

4. Dépôt d'une proposition de loi (p. 7 ).

5. Retrait d'une proposition de loi (p. 8 ).

6. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 9 ).

7. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 10 ).

8. Dépôt d'un rapport (p. 11 ).

9. Ordre du jour (p. 12 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 22 janvier 1999, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, en application de l'article 54 de la Constitution, concernant le traité portant statut de la Cour pénale internationale.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

3

ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES
ET LES HOMMES

Adoption d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 130, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes. [Rapport n° 156 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux. Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Assemblée nationale a adopté, le 15 décembre dernier, à l'unanimité des suffrages exprimés, tous groupes politiques confondus, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité des femmes et des hommes qui est soumis à votre discussion aujourd'hui.
Ce texte a pour objet d'introduire dans notre Constitution l'objectif de la parité entre les femmes et les hommes dans les mandats électoraux et les fonctions électives. Il concrétise ainsi la volonté du Premier ministre, approuvé en cela par le Président de la République, de moderniser notre démocratie en donnant toute leur place aux femmes dans la vie publique.
Je souhaiterais d'abord vous rappeler que, pour donner un contenu concret à l'égalité des femmes et des hommes dans l'accès aux mandats et fonctions politiques, une révision constitutionnelle est nécessaire pour des raisons que je vais expliciter.
Après avoir précisé le contenu et la portée de cette modification constitutionnelle, je voudrais vous indiquer pourquoi le Gouvernement ne peut accepter l'amendement de votre commission des lois.
La nécessité de réviser la Constitution résulte d'abord du constat que l'on peut faire sur la place des femmes dans la vie politique.
Personne ne conteste aujourd'hui l'idée que les femmes devraient être plus présentes dans les assemblées élues et qu'elles devraient être plus nombreuses à exercer des fonctions électives.
Depuis la Révolution française, nombre de femmes, parfois au prix de leur vie, se sont battues pour que soient reconnus leurs droits de femmes et de citoyennes.
Depuis une cinquantaine d'années, les femmes se sont efforcées pied à pied de conquérir leur indépendance.
Simone de Beauvoir - on célèbre cette année le cinquantième anniversaire de la parution du Deuxième sexe - y a contribué considérablement.
Les femmes ont pu accéder, depuis la fin du siècle dernier, à l'éducation, à la culture. Plus récemment, elles se sont libérées du carcan juridique que leur avait imposé le code civil napoléonien. Désormais, elles peuvent disposer légalement du fruit de leur travail et décider librement de leur vie. A cet égard, l'évolution législative des années soixante-dix a été décisive.
Elles peuvent aussi recourir à l'interruption volontaire de grossesse grâce au courage et à l'obstination de Simone Veil, à qui je veux rendre hommage, et qui a fait voter, en 1975, la loi à laquelle nous sommes toutes et tous attachés.
Certes, bien du chemin reste à parcourir pour que l'égalité sociale et professionnelle soit complète entre les femmes et les hommes. Je pense en particulier à la question des salaires, mais aussi à la représentation insuffisante de celles-ci dans les emplois de direction, et ce dans le secteur privé comme dans le secteur public. Néanmoins, des progrès réels ont pu être accomplis partout.
Il est pourtant un domaine où les choses ne se sont pas améliorées avec le temps - et cela, bien que, à la Libération, le général de Gaulle et le Comité de libération nationale aient donné le droit de vote aux femmes - c'est celui de la place des femmes dans la vie politique.
Je tiens à le rappeler de nouveau, car nombreux sont nos concitoyens qui l'ignorent encore, surtout les jeunes, sans doute parce qu'ils ne peuvent même pas l'imaginer : la France est, avec la Grèce, la lanterne rouge des pays européens en ce qui concerne la représentation des femmes au Parlement.
Alors que les pays scandinaves comptent 40 % de femmes parmi leurs députés, les Pays-Bas 36 %, l'Autriche, l'Allemagne et l'Espagne 25 %, nous n'avons que 10,9 % de femmes à l'Assemblée nationale et - puis-je y insister ? - 5 % au Sénat, soit 19 femmes sur 321 sénateurs.
Malheureusement, un constat de même nature doit être fait pour les assemblées des collectivités locales et leur exécutif. Une seule femme est présidente d'un conseil général et deux seulement président un conseil régional.
Cet écart entre la part des femmes dans la population et leur représentation dans les assemblées politiques est à mes yeux choquant. Cette mise à l'écart des femmes me semble un archaïsme que nous ne devons plus supporter.
Elle me paraît constituer un grave danger pour l'équilibre de notre démocratie. Elle isole le monde politique du reste de la société. Elle engendre un décalage, source d'incompréhensions. Ainsi que le soulignait le rapport remis au Premier ministre en janvier 1997 par l'Observatoire de la parité, elle conduit à une « démocratie inachevée ».
Néanmoins, force est bien de constater que, sur le plan juridique, les femmes disposent en principe des mêmes droits que les hommes.
Depuis l'ordonnance du 21 avril 1944 - je le rappelais voilà un instant - elles ont le droit de vote et sont éligibles dans les mêmes conditions que les hommes.
Je rappelle également que le préambule de la constitution de 1946 - qui est aussi celui de notre Constitution - proclame que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes ».
Personne ne contestera pourtant que, malgré ce principe constitutionnel, l'égalité est restée en réalité lettre morte en politique.
Dans ce domaine, des résistances sociales, culturelles, psychologiques, linguistiques font obstacle à ce que les femmes occupent toute leur place.
Bien sûr, je ne méconnais pas le travail qui a été fait, et que j'approuve, dans le sens de l'égalité des hommes et des femmes. Ce travail a emprunté un chemin fondamental qui consiste à ignorer la différence des sexes pour répartir les places et les fonctions. Sans distinction de sexe, on doit pouvoir, dans notre pays, et on peut en effet, devenir avocat, médecin, pilote d'avion, informaticien, conducteur ou conductrice de bus...
La question qui est posée aujourd'hui est la suivante, et elle me paraît d'une autre portée : cette stratégie qui a consisté à ignorer la différence des sexes est-elle aujourd'hui la meilleure pour réaliser l'égalité des sexes au regard des mandats et des fonctions politiques ?
A cette question, je réponds sans hésiter comme le fait la philosophe Sylviane Agacinski : l'absence de prise en considération de la différence sexuelle en politique a conduit à l'exclusion des femmes. L'universalisme abstrait qui ne veut connaître que le citoyen, et non les hommes et les femmes, couvre un sexisme de droit, comme en 1789, ou un sexisme de fait, comme aujourd'hui. Il nous faut donc prendre en considération la différence sexuelle pour mettre fin à l'exclusion des femmes de la vie politique.
C'est pourquoi je suis convaincue qu'il nous faut dépasser le cadre de l'universalisme abstrait, qui ne veut connaître que le citoyen, et non les hommes et les femmes. Je l'ai dit devant l'Assemblée nationale, je le redis devant vous : la souveraineté doit s'incarner dans les deux moitiés de l'humanité que sont les hommes et les femmes.
Je ne crois pas que ce soit renier l'universalisme. Je ne crois pas que ce soit risquer de dévier vers le communautarisme car, à la vérité, on trouve des femmes dans toutes les catégories. L'humanité étant composée pour moitié d'hommes et de femmes, je crois que c'est une autre conception de l'universalisme que nous proposons avec ce texte.
Or, pour adopter les mesures concrètes permettant de lever les barrières qui empêchent aujourd'hui les femmes d'exercer pleinement leurs droits et leurs responsabilités politiques, il est nécessaire, sur le plan juridique, de réviser notre Constitution.
En effet, si l'on veut tendre vers l'objectif de parité dont a parlé le Premier ministre, et si on estime, comme je le fais, que cet objectif est souhaitable pour moderniser notre vie politique et renforcer la légitimité de la politique, il apparaît que les mesures incitatives sont insuffisantes et que les mesures législatives sont interdites.
Les mesures incitatives sont insuffisantes, on l'a vu, puisque la proportion des femmes dans les assemblées politiques est restée à peu près la même que celle qui existait en 1946.
Les mesures législatives sont interdites puisque, en 1982, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la loi portant réforme des élections municipales qui limitait à 75 % les personnes du même sexe qui pouvaient figurer sur une liste.
Se référant à l'article 3 de la Constitution et à l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel a fondé son invalidation sur le principe général selon lequel il n'existe en droit français que des citoyens dont l'accès au droit de vote et à l'éligibilité n'a de limites que l'âge, la nationalité et la capacité. Il a donc jugé que l'instauration de quotas était inconstitutionnelle.
Il a confirmé cette jurisprudence, le 14 janvier dernier, à propos de la loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux, des conseillers de l'assemblée de Corse et au fonctionnement de ces mêmes conseils. Seize ans après, le Conseil constitutionnel a repris mot pour mot ce qu'il avait dit en 1982 : il maintient qu'aucune distinction ne peut être faite entre les électeurs ou les éligibles en raison de leur sexe et il applique sa jurisprudence relative aux quotas sans prendre en compte le fait que la disposition censurée instituait non des quotas, mais la parité.
Bien entendu, je ne commenterai pas plus avant cette décision, mais elle donne incontestablement raison à ceux qui, comme moi, pensent que cette jurisprudence ne peut être surmontée que par une révision de la Constitution.
Il y a d'ailleurs au moins un point sur lequel je suis d'accord avec le professeur Vedel, pour lequel j'ai le plus grand respect et que la commission des lois du Sénat a entendu le 16 décembre dernier : comme il l'écrivait en 1992, « si les juges ne gouvernent pas, c'est parce que, à tout moment, le Souverain, à condition de paraître en majesté comme Constituant, peut, dans une sorte de lit de justice, briser leurs arrêts ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes, avec les députés, les représentants du souverain. Vous pouvez donc, si vous le souhaitez, modifier la Constitution. Il n'y a pas de gouvernement des juges dans notre pays, et, par conséquent, vous pouvez dire, comme vos collègues de l'Assemblée nationale, qu'il appartiendra désormais à la loi de déterminer les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions publiques.
A partir du moment où l'on estime, ainsi que j'en suis profondément convaincue, que la parité est souhaitable, il est nécessaire de changer la Constitution, conformément au principe fondamental du gouvernement républicain qui reconnaît au peuple le droit de changer la Constitution lorsqu'il la croit contraire à son bonheur.
Je voudrais maintenant évoquer le bien-fondé de la révision constitutionnelle, ainsi que le contenu et la portée du projet de loi constitutionnelle qui a été adopté par l'Assemblée nationale.
S'agissant du contenu de celui-ci, l'objectif visé par le Gouvernement est d'introduire la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique. Ce concept, adopté d'abord par les militants écologistes et féministes, a été repris par le Conseil de l'Europe au début des années quatre-vingt-dix. Il implique que la répartition des hommes et des femmes dans les instances politiques reflète leur répartition dans la population. J'insiste sur le fait qu'il doit bien sûr être entendu non pas comme un principe arithmétique rigide, mais comme un instrument que le législateur peut se donner pour faire en sorte que l'égalité de droit entre les femmes et les hommes ait un contenu concret.
Le Conseil des ministres avait choisi d'insérer à l'article 3 de la Constitution, qui porte sur la souveraineté nationale, la disposition selon laquelle « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ». L'objet de cette révision constitutionnelle est en effet d'autoriser le législateur à fixer les conditions dans lesquelles l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions pouvait être organisé. Celui-ci doit pouvoir choisir les mesures qu'il estime appropriées, qu'il s'agisse d'obligations ou d'incitations - j'insiste sur le fait que les deux possibilités sont ouvertes - pour rendre effective l'égalité des femmes et des hommes dans la vie politique.
La commission des lois de l'Assemblée nationale, tout en partageant totalement les intentions du Gouvernement, a cependant retenu une autre rédaction. Elle a souhaité substituer au verbe « favoriser », choisi par le Gouvernement, le verbe « déterminer ». Le Gouvernement est convaincu de la pertinence de ce choix, car le terme « favorise » pouvait apparaître comme péjoratif pour les femmes. Il risquait de donner à croire que leur accession aux responsabilités politiques résultait d'une faveur qui leur aurait été accordée par les hommes. Ce n'est pas, bien sûr, l'intention du Gouvernement. Il est clair que la révision doit conduire non pas à une préférence automatique donnée aux femmes, mais évidemment à une reconnaissance de leurs qualités.
En outre, la commission des lois de l'Assemblée nationale pouvait estimer que, en utilisant le terme « favoriser », le constituant entendait limiter la liberté d'appréciation du Parlement. Certains parlementaires craignaient que la formulation adoptée par le Gouvernement ne conduisît le Conseil consitutionnel à contrôler, pour chaque loi, si le législateur avait bien favorisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Il est clair, dans l'esprit du Gouvernement, que le législateur doit disposer de la liberté d'appréciation nécessaire pour retenir les mesures qu'il juge adaptées tout en respectant, bien évidemment, les autres normes constitutionnelles qui s'imposent à lui.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est montré favorable à la solution choisie par l'Assemblée nationale, qui permet de donner au législateur la compétence pour intervenir, sans emporter d'obligation d'agir dans un sens ou dans un autre ou d'employer une méthode plutôt qu'une autre.
Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité préciser le champ d'application du principe de l'égal accès des femmes et des hommes, en disant qu'étaient concernés les mandats électoraux et les fonctions électives. Cela signifie clairement que sont visées les élections à caractère politique, telles qu'elles sont, par exemple, énumérées à l'article L.O. 141 du code électoral, qui ne fait d'ailleurs pas de véritable distinction entre les expressions « mandats électoraux » et « fonctions électives ».
Par ailleurs, le champ d'application de la disposition inclut aussi l'élection des juges de prud'hommes, en vertu d'une décision du Conseil constitutionnel en date du 17 janvier 1979, mais non l'élection des représentants des assurés sociaux, en vertu d'une autre décision en date du 14 décembre 1982.
J'en viens maintenant à la portée de la révision constitutionnelle.
Je souhaiterais d'abord rassurer ceux qui craignent qu'elle ne conduise à une dérive communautariste ouvrant à toute minorité, ethnique, géographique, linguistique ou religieuse, le droit de réclamer des mesures de discrimination positive en sa faveur. Il doit être bien clair que la révision qui vous est proposée ne remet pas en cause le principe d'égalité entre citoyens conçu de façon abstraite, sans considération de race, de religion, d'opinion ou de catégorie.
En effet, les femmes ne sont ni une communauté ni une minorité. Elles sont tout simplement la moitié de l'humanité. Le sexe est un état de la personne, il ne saurait se réduire à une catégorie, car il transcende tous les groupes. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Par conséquent, l'instauration de la parité entre les femmes et les hommes n'est pas de nature à justifier l'émission de revendications paritaires par certaines catégories.
La révision constitutionnelle vise non à remettre en cause les principes de 1789 sur lesquels notre système politique est fondé, mais au contraire à leur donner un contenu concret dans le domaine particulier de l'exercice des responsabilités politiques par les femmes et les hommes. Faut-il d'ailleurs rappeler que la Déclaration de 1789 n'a pas suffi à elle seule à abolir l'esclavage, ni à faire reconnaître le droit de vote des femmes, et qu'il a bien fallu, ensuite, élaborer des lois pour que ces principes fondamentaux puissent être appliqués ? (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. S'agissant de la position de la commission des lois du Sénat, celle-ci propose, en premier lieu, d'inscrire la révision constitutionnelle non pas à l'article 3 de notre Constitution, mais à son article 4, et, en second lieu, de modifier profondément la rédaction du texte adoptée par l'Assemblée nationale.
Je voudrais vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi le Gouvernement ne saurait être favorable à cette approche qui, à ses yeux, est beaucoup trop réductrice.
S'agissant de l'insertion dans la Constitution de la modification proposée, je rappellerai d'abord que le projet de révision constitutionnelle vise à introduire dans notre ordre juridique l'idée fondamentale selon laquelle la souveraineté s'incarne dans les hommes et les femmes, et non dans un citoyen dénué de sexe. L'expérience a d'ailleurs prouvé que celui-ci est en réalité un homme !
C'est pourquoi le Gouvernement considère, en accord avec le Président de la République, qu'il est important d'inscrire l'objectif de parité à l'article 3 de notre Constitution, lequel traite des conditions d'exercice de la souveraineté. Son insertion à l'article 4 le priverait de toute sa signification philosophique.
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est d'ailleurs sans doute aussi pour cela que cette modification est proposée.
Je rappellerai ensuite que la révision constitutionnelle qui vous est soumise aujourd'hui s'inscrit dans un contexte juridique particulier. En effet, elle est une réponse à la jurisprudence du Conseil constitutionnel que j'ai rappelée tout à l'heure et qui, au nom d'une conception universelle du citoyen, a interdit au législateur de tenir compte du sexe des candidats pour promouvoir l'accès des femmes aux responsabilités politiques. Des deux décisions du Conseil constitutionnel de 1982 et de 1999, il résulte à l'évidence qu'une loi imposant des quotas ou des candidatures paritaires contredirait le principe d'universalité du suffrage que la haute juridiction fait dériver clairement de l'article 3 de la Constitution. Cette conception de l'universalité est celle du Conseil constitutionnel, mais l'on peut en adopter une autre, car il n'existe pas une définition unique de l'universalisme.
Le juge constitutionnel a fondé son raisonnement principalement sur l'article 3 de la Constitution et, accessoirement, sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il a en effet estimé que ces textes s'opposaient à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles pour tout suffrage politique. Si l'on souhaite moderniser notre vie politique en assurant la participation effective des femmes, il est donc nécessaire de modifier l'article 3 de la Constitution. L'inscription de la réforme à l'article 3 n'a pas seulement une dimension philosophique, elle a aussi une dimension juridique.
Je précise enfin que, en faisant porter la révision constitutionnelle sur le seul article 3, le projet de loi qui est soumis au Sénat n'exclut en rien l'adoption, que certains semblent souhaiter, de mesures concernant les partis politiques, s'agissant notamment de leur financement public.
En effet, l'article 3 de la Constitution régit la souveraineté et le droit de suffrage. Dans la mesure où les partis, aux termes mêmes de l'article 4, « concourent à l'expression du suffrage », l'objectif de parité inscrit à l'article 3 les concernera aussi. Il doit être bien clair que la modification envisagée de l'article 3 de la Constitution autorise le Parlement à adopter, s'il le souhaite, les mesures financières qu'il estimera appropriées pour inciter les partis à ouvrir leurs candidatures aux femmes.
Le fait que la modification de l'article 3 autorise le législateur à adopter des mesures d'incitation financière permet en outre de faire l'économie d'une constitutionnalisation du financement public des partis. Est-il vraiment souhaitable de constitutionnaliser ce financement public ? Je ne le crois pas.
J'en viens maintenant au contenu de la nouvelle règle constitutionnelle.
Si je pense qu'il est contestable de vouloir inscrire celle-ci à l'article 4 de la Constitution, je crois qu'il est encore plus difficile d'accepter la rédaction du texte retenue par la commission des lois du Sénat. Dire avec elle que « les partis favorisent l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », c'est reporter sur les seuls partis politiques une vague obligation morale, en faisant totalement abstraction de la compétence du législateur.
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le constituant ne saurait prier les partis politiques d'agir.
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il ne peut qu'inviter le législateur à prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ainsi, non seulement l'amendement de la commission des lois insère la révision constitutionnelle à l'article 4 de la Constitution réduisant le champ d'extension de la réforme aux seuls partis politiques, mais, de plus, il leur transfère la responsabilité de donner aux femmes la place qui leur revient dans l'action politique.
Le législateur demeure dès lors dépourvu de moyen d'action, si ce n'est par l'intermédiaire du financement public des partis.
Vous l'avez compris, je ne suis pas favorable à un tel système, qui conduit en réalité à priver le législateur des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la parité. Or, il est essentiel que la responsabilité de cette mise en oeuvre pèse sur lui et non sur les partis. Comme l'a déclaré Mme Roselyne Bachelot, dont je partage le sentiment,...
M. Hilaire Flandre. Sur ce point !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sur ce point comme sur d'autres, notamment le pacte civil de solidarité, monsieur le sénateur !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Même combat !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme l'a déclaré Mme Roselyne Bachelot, disais-je, « il faut bien établir que c'est la loi qui assure l'égal accès et que renvoyer à l'organisation des partis relève d'une mauvaise appréciation des mécanismes qui ont conduit à l'exclusion des femmes de la vie politique ».
M. Henri Weber. Très juste !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Jusqu'à présent, lesdits partis, hormis sous l'influence de certains responsables politiques, loin d'encourager les femmes souhaitant s'engager, ont, au contraire, tout fait pour les empêcher d'exercer des responsabilités.
Dois-je rappeler ce que disait le sénateur Bérard en 1919 pour justifier, si l'on peut dire, que le droit de vote ne soit pas octroyé aux femmes ? Il affirmait : « L'immense majorité des femmes de France, si vaillantes et si pleines de bons sens (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen), repousse le présent qu'on veut lui faire ; l'immense majorité des femmes de France ne veut pas du bulletin de vote (Nouveaux sourires sur les mêmes travées) : elle estime qu'elle n'a pas à quitter le foyer pour aller au forum, elle estime que la maison familiale, avec les enfants à élever, suffit largement à sa tâche et que, en ce domaine, la mission est assez haute, assez noble, assez grande ; elle estime que là se borne sa tâche pour la patrie. »
Mme Hélène Luc. Dans cette assemblée, il y a encore des hommes qui pensent ainsi !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, la parité n'est pas un présent qu'on offre aux femmes ! Je ne peux pas croire que le Sénat, en vidant de son contenu la réforme proposée par le Gouvernement et le Président de la République, veuille être un obstacle, comme voilà quatre-vingts ans maintenant, à une disposition que notre pays réclame.
Le constituant ne peut pas s'en remettre à la seule bienveillance des partis politiques pour réaliser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. Le législateur doit prendre ses responsabilités comme il l'a fait, par exemple, en imposant aux partis, par le biais de lois simples, des règles afférentes au financement public.
Par conséquent, si les partis politiques doivent contribuer essentiellement à l'égal accès des femmes et des hommes à la vie publique, ce ne peut être que dans des conditions que la loi détermine.
On pourrait objecter qu'imposer une telle règle aux partis ce serait limiter la liberté de choix des électeurs. Mais dois-je rappeler qu'au scrutin proportionnel où les listes sont bloquées il n'y a pas plus de choix donné aux électeurs de voter pour un tel ou une telle ?
M. Hilaire Flandre. C'est bien vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cela n'a jamis soulevé de problème consitutionnel.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Scrutin majoritaire !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Malgré le travail remarquable accompli par votre commission et par son rapporteur, auquel je veux rendre hommage, la proposition qu'elle présente ne me semble pas correspondre à la grande réforme voulue par le Gouvernement et attendue avec impatience par l'ensemble du peuple français qui ne comprend pas pourquoi les femmes ne peuvent avoir la place qui leur revient dans la vie politique.
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est pourquoi je vous demanderai d'adopter le texte retenu par l'Assemblée nationale, qui me semble de nature à contribuer à la modernisation de notre vie politique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, mon propos s'inscrit en toute complémentarité de l'intervention que vient de faire, avec talent et conviction, Mme Elisabeth Guigou.
La dimension historique de ce que l'on peut appeler « la marche des femmes » permet de mieux comprendre le débat de ce jour sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions, aux décisions politiques et, disons-le, au partage du pouvoir.
Cette longue marche est jalonnée de noms de femmes et d'hommes célèbres pour leur action. Le temps manquerait pour évoquer chaque mémoire. Je pourrais choisir Olympe de Gouges et la célèbre phrase qu'elle a prononcée en 1791 : « La femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit aussi avoir le droit de monter à la tribune. »
Je pourrais également évoquer la mémoire de François Poulain de la Barre qui, voilà trois cents ans, déclarait : « Toutes les lois semblent n'avoir été faites que pour maintenir les hommes dans la position où ils sont. » Je pourrais encore citer Condorcet qui, en 1787, parlant de l'exclusion des femmes, affirmait : « Songez qu'il s'agit des droits de la moitié du genre humain. »
Déjà en 1919, comme en 1938, le débat sur le droit de vote des femmes dans cette assembée avait donné lieu à de vifs échanges pour se terminer en 1944, comme l'a rappelé Mme Elisabeth Guigou, par une décision prise par ordonnance !
Vous me permettrez de reprendre d'un mot l'argumentation juridique et l'interrogation philosophique qu'un tel sujet sur l'égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités politiques mérite, argumentation et interrogation qui sont très présentes depuis plusieurs semaines dans les milieux concernés et dans la presse.
Une conception historique des droits universels, le débat sur la dialectique « nature-culture » qui façonne la femme et qui a traversé la réflexion de mes vingt ans, voire de mes trente ans, et la vôtre, j'en suis persuadée, aboutissent aujourd'hui à un constat : rien n'a changé dans la représentation du peuple, ou si peu.
Depuis des décennies, notre démocratie moderne débat sur le sujet. Chacun s'exprime et, pendant ce temps, les femmes continuent à être aussi peu nombreuses dans les assemblées parlementaires. Les chiffres ont été rappelés : elles représentent 5 % des sénateurs et 11 % des députés.
Les Françaises seraient-elles moins prêtes que les autres femmes européennes à prendre leurs responsabilités et à siéger dans les lieux de décision ?
Aucun démocrate ne peut le penser et se satisfaire de la situation actuelle d'une République dans laquelle la loi est votée par un Parlement composé à plus de 90 % par des hommes.
Pourquoi voulez-vous contraindre les femmes à entrer dans la vie politique si elles ne le souhaitent pas ? ont demandé certains d'entre vous dans le dialogue qui s'est instauré à la commission des lois. Cette question mérite réflexion. Dans l'organisation actuelle de la vie sociale, familiale et professionnelle, il est plus difficile à une femme qu'à un homme d'exercer de telles responsabilités, et nous le savons tous. Femme et savoir, femme et pouvoir, ce sujet a donné lieu à travers le temps et l'espace à une multitude de jugements et de sentences, de décrets et d'anathèmes, de malédictions, voire de fulminations.
Fort heureusement, nous n'en sommes plus là, mais le débat se poursuit.
Une amie philosophe parle de la mixité universelle de l'humanité et affirme que « le genre humain n'existe pas hors de cette double forme ».
L'un des enjeux de cette réforme constitutionnelle, c'est bien de reconnaître que le peuple est souverain dans sa double identité ; les femmes ne sont ni une communauté ni une minorité.
Comment, concrètement, avancer pour parvenir à une mixité de nos assemblées et répondre aux attentes des citoyennes et des citoyens dont nous sommes les représentants ?
La mise en oeuvre de la parité politique paraît plus aisément réalisable dans le cadre des élections aux scrutins de liste, à la proportionnelle : élections régionales, européennes et municipales.
S'agissant des élections au scrutin uninominal, comme l'a rappelé le Premier ministre le 9 décembre 1998, la parité n'est en aucune façon un prétexte pour modifier les modes de scrutin. « Une pensée, un objectif, pas d'arrière-pensée », a-t-il déclaré.
Je rappellerai que, si l'inscription de la parité a la préférence du Gouvernement, le législateur pourrait souhaiter la mise en place d'autres solutions, par exemple des seuils évolutifs. Il s'agirait alors d'aller vers la parité par étapes successives, en fonction du calendrier électoral.
Des dispositions pourraient être prises pour moduler une partie du financement des partis politiques en fonction de la place faite aux femmes.
Pour avancer des propositions, je m'appuierai sur les travaux de l'Observatoire de la parité, qui vient d'être renouvelé et qui sera présidé par une parlementaire, Mme Dominique Gillot. Elle succédera à Mme Roselyne Bachelot, dont chacun a salué le travail, ainsi que celui qui a été accompli par la commission politique animée par Mme Gisèle Halimi.
Les membres de l'Observatoire sont choisis parmi des élus, des spécialistes de l'emploi, de la formation professionnelle, des sociologues, des politologues, des journalistes, des historiens, des représentants du monde associatif ; il réunira ceux qui, aujourd'hui, travaillent individuellement ou collectivement sur l'ensemble des questions d'égalité.
Martine Aubry et moi-même souhaitons que leurs premières conclusions nous parviennent avant la fin du premier semestre 1999.
Je souhaiterais maintenant introduire une deuxième dimension à ce débat.
La parité n'est pas un but en soi. On entend, ici ou là, que cette aspiration ne concerne que quelques femmes privilégiées. La juste place des femmes dans les lieux de décision, c'est à l'évidence un levier pour accélérer la mise en mouvement de notre société sur des sujets qui ne sont pas suffisamment visibles à ce jour : inégalités que vivent trop de femmes dans le monde du travail et dans l'accès à la formation, violences subies dans leur vie personnelle...
La place des femmes dans le monde du travail ne cesse de croître. A présent, dans la tranche d'âge de vingt-cinq à cinquante ans, huit femmes sur dix travaillent. Mais leur activité se concentre fortement dans un faible nombre de secteurs et dans l'emploi précaire. Elles subissent beaucoup plus que les hommes le temps partiel contraint puisque, aujourd'hui, 84 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes.
La même fragilité est constatée si l'on s'intéresse à la formation et à la qualification professionnelle des femmes : près de 80 % des employés et des ouvriers sont des femmes, et ces dernières accèdent deux fois moins que les hommes à la formation tout au long de la vie.
Aucune femme n'est aujourd'hui à la tête d'une des deux cents premières entreprises françaises. Le fameux plafond de verre ! Et pourtant, les jeunes femmes accèdent à présent plus que les hommes à l'enseignement supérieur : cent vingt filles pour cent garçons.
La situation est identique dans la fonction publique. Certains secteurs ont été très largement féminisés : il en est ainsi de la magistrature, des cadres administratifs, des personnels de l'enseignement supérieur, dont les femmes représentent plus de 52 % des effectifs. Toutefois, la place des femmes dans les grands corps de l'Etat, comme le Conseil d'Etat, la Cour des comptes ou l'Inspection générale des finances, est encore très réduite : les femmes ne représentent que 19,9 % des effectifs.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Ce n'est pas vrai !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne les salaires, les écarts sont encore très importants. La moyenne des salaires des hommes est supérieure de 25 % à la moyenne des salaires des femmes. Et, à travail égal, l'écart des salaires s'élève encore à 12 %.
Dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle, la persistance des inégalités nous a conduites, Martine Aubry et moi-même, à demander au Premier ministre de charger Mme Génisson, députée, d'une mission d'analyse et de réflexion sur ce sujet.
De la précarité à l'exclusion, il n'y a qu'un pas : 41 % des familles exclues ou en grande précarité sont des familles dites monoparentales. Ne nous cachons pas derrière les mots : 90 % de ces familles sont composées de femmes seules avec des enfants.
Des femmes beaucoup plus nombreuses dans nos assemblées se seraient mobilisées davantage sur ces sujets de société (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit), qui sont restés en dehors des débats publics. J'évoquerai à cet égard les violences, celles de toute nature que subissent les enfants et un nombre encore trop important de femmes dans leur vie quotidienne.
Si le droit à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse ont été largement débattus dès le début des années soixante-dix, les problèmes de violences - violences conjugales, harcèlement sexuel - n'ont été entendus qu'au début des années quatre-vingt-dix, quand les femmes se sont senties suffisamment libres pour aborder cet aspect très personnel mais déterminant de leur vie.
Nous allons nous engager dans une dynamique, celle que la construction européenne a su impulser à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, aux droits et devoirs de chaque citoyenne et de chaque citoyen.
La logique des mesures que nos voisins européens ont prises pour avancer et que nous traduisons par « discrimination positive » existe dans le droit social français, qui a su s'adapter pour prendre en compte la situation des plus démunis.
Rompre l'égalité de droit pour remédier aux inégalités de fait, c'est ce que la République fait au quotidien pour préserver la cohésion sociale, ciment de notre démocratie.
Permettez-moi d'insister en concluant, mesdames, messieurs : notre responsabilité de représentants des citoyennes et des citoyens est engagée dans ce débat et dans les décisions qui en découlent.
Nous ne pourrons plus nous satisfaire de l'immobilisme actuel dans le partage du pouvoir. Saisissons cette occasion pour moderniser notre vie publique en adoptant, dans l'article 3 de la Constitution, le principe de l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions. Nous avancerons ainsi dans l'objectif historique de la parité qui est soutenu, je vous le rappelle, par 75 % de nos concitoyens et par les plus hautes autorités de l'Etat. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai souhaité être le rapporteur de ce projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes. Et j'ai mené ma mission dans un esprit de progrès, de transformation d'une condition qui, en effet, est regrettable.
Je n'ai pu atteindre tous les objectifs que je souhaitais voir se réaliser.
Mme Hélène Luc. Mais cela ne tient qu'à vous !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Ce n'est pas si facile que cela, madame !
C'est en tout cas en toute sincérité que je voudrais rapporter les décisions et les appréciations de la commission des lois.
L'examen par la commission des lois du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes a été précédé de nombreuses auditions, dont le compte rendu est annexé à mon rapport.
Ces auditions ont démontré la complexité du problème et la difficulté de trouver une solution acceptable pour tous.
La complexité de ce problème a été illustrée par des débats entre constitutionnalistes sur le choix de l'article de la Constitution à réviser afin de mieux équilibrer la présence des femmes et des hommes dans la vie publique.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'objet du texte qui nous est soumis, car chacun le connaît.
Je rappellerai simplement que, selon l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, ce texte vise à remédier à une présence très insuffisante des femmes au sein des institutions publiques en complétant l'article 3 de la Constitution, qui affirme le caractère indivisible et universel de la souveraineté nationale, afin d'assurer la conciliation de ces principes avec l'objectif d'un égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.
La loi favoriserait, selon la rédaction initiale du présent projet de loi, ou déterminerait les conditions dans lesquelles serait organisé, selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Le débat en commission a permis de dégager sans difficulté un accord sur le constat de la situation et sur la nécessité d'y porter remède.
La solution à trouver, unique objet de notre débat, doit concilier les principes fondamentaux sur lesquels repose notre démocratie avec l'objectif d'une participation plus équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique.
Le rapporteur que je suis s'efforcera d'exposer les données principales du problème puis les orientations retenues par la commission des lois.
Les statistiques sont connues et l'insuffisance du nombre de femmes élues en France est patent, comme Mme la garde des sceaux et Mme la secrétaire d'Etat l'ont d'ailleurs souligné.
Les élections législatives de 1997 ne doivent pas donner une fausse illusion. Elles ont certes permis d'enregistrer une progression sensible du nombre des femmes députés, puisque celles-ci constituent 10,9 % de l'effectif de l'Assemblée nationale, avec 63 députés sur 577, au lieu de 6 % sous la précédente législature. Mais si l'on ajoute à ces chiffres ceux du Sénat, on constate que le Parlement de la République ne compte même pas 10 % de femmes à son effectif !
Ce résultat, comparé aux statistiques des quatorze autres pays de l'Union européenne, est critiquable : la France se situe en effet à l'avant-dernière place, juste avant la Grèce, qui, elle, se caractérise par des résultats encore plus regrettables.
M. Claude Estier. Pas pour le Sénat ! Le Sénat, lui, est bien à la dernière place !
M. Guy Cabanel, rapporteur. J'ai parlé du Parlement dans son ensemble.
Il y a quand même dans ce tableau des éléments qu'il faut souligner.
Près de 30 % des élus français au Parlement européen sont des femmes, contre 20 % en 1984. La progression a été constante.
Mme Hélène Luc. C'est un scrutin à la représentation proportionnelle !
M. Guy Cabanel, rapporteur. C'est exact !
Les 110 986 conseillères municipales de France constituent 21,7 % des élus communaux contre 17,7 % en 1989, et 7,6 % des maires sont de sexe féminin contre 5,4 % en 1989.
Enfin, le quart des conseillers régionaux élus en mars 1998, selon un scrutin à la représentation proportionnelle, sont des femmes, alors que la proportion de ces dernières dans les conseils généraux n'est que de 7,4 %, les élections se déroulant, dans ce dernier cas, au scrutin majoritaire. C'est dire que, s'il y a certes une évolution, cette dernière n'est qu'à peine dessinée.
Cette évolution, insuffisante certes mais tout de même significative, a été obtenue sans modification de la législation électorale et, dans la plupart des cas, grâce au scrutin à la proportionnelle et parce que les partis politiques ont, depuis plusieurs années, commencé à prendre des mesures volontaristes pour présenter des candidatures féminines, même dans les scrutins uninominaux.
Toute comparaison avec les pays étrangers doit être effectuée avec prudence et en tenant compte des traditions, des régimes institutionnels et des modes de scrutin différents.
Je dois dire que la mission présidée par notre collègue Mme Nelly Olin sur la place des femmes dans la vie publique, mission à laquelle j'ai eu l'honneur d'appartenir, a mis en lumière des éléments édifiants.
Certes, la France enregistre un retard important. Mais il est intéressant de noter que les pays ayant la plus grande proportion de femmes dans les assemblées - je pense ici aux pays de l'Europe du Nord, au premier rang desquels la Suède - n'ont adopté aucune législation contraignante, aucune loi d'obligation de quotas ou de parité. Les résultats enregistrés dans ces pays proviennent de l'action déterminée des associations féministes et de la volonté des partis ; peut-être cet élément a-t-il compté lors des débats au sein de la commission des lois.
Au demeurant, cinq pays dans le monde, dont un seul en Europe, la Belgique, ont fixé des quotas de femmes pour les candidatures aux élections ; et encore, en Belgique, ces quotas n'ont été appliqués que pour les élections locales, avec des résultats assez surprenants, puisque aucune progression forte de la présence féminine dans ces assemblées locales n'a été enregistrée.
Aucun pays n'a jusqu'à présent inscrit dans sa constitution de disposition autorisant le législateur à imposer des candidatures paritaires aux élections politiques.
Ce constat, que nul ne conteste, n'implique cependant pas un accord sur la meilleure solution possible, car, si nous sommes d'accord sur la maladie, nous ne le sommes pas sur la thérapeutique.
En effet, faut-il prendre des mesures contraignantes, à travers les lois électorales d'obligation, ou n'est-il pas préférable, au moins dans un premier temps, d'adopter des mesures incitatives ?
La réponse à cette question dépend d'une appréciation politique d'opportunité mais aussi d'une analyse attentive des conséquences de l'une ou de l'autre orientation sur les principes de base de notre démocratie.
L'égale éligibilité des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives a déjà été établie en droit par le général de Gaulle avec l'ordonnance du 21 avril 1944. Elle a été inscrite à l'article 4 de la Constitution de 1946, puis à l'article 3 de la Constitution de 1958.
Il s'agit donc non pas de savoir si l'égalité doit ou non être affirmée, mais de déterminer comment traduire cette égalité en droit dans les faits et donc comment assurer une égalité réelle des chances.
Notre droit comporte déjà certaines mesures de discrimination positive destinées à créer une différence de traitement pour compenser une inégalité de fait maintenue en dépit de l'égalité en droit. On trouve ainsi de telles dispositions en droit social, en droit fiscal ou en droit de l'aménagement du territoire.
En revanche, aucune mesure de discrimination positive n'a jamais été appliquée dans le domaine électoral, puisque l'article 3 de la Constitution accorde des droits civiques strictement égaux à tous les nationaux français majeurs des deux sexes.
Dans ses décisions du 18 novembre 1982 et du 14 janvier 1999, le Conseil constitutionnel, s'appuyant sur l'article 3 de la Constitution et sur l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, a estimé que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu ».
La fixation de quotas dans la législation électorale est donc subordonnée à une révision de la Constitution, et c'est ce que prévoit le projet de loi soumis au Sénat.
Dès lors que l'article 3 ne serait pas modifié, une législation imposant des candidatures paritaires ne pourrait intervenir, comme vient de le confirmer le Conseil constitutionnel.
L'égalité entre les sexes étant juridiquement établie en droit, sinon en fait, le projet de loi qui nous est soumis ne la remettrait-elle pas en cause ?
On peut en effet considérer qu'un texte conditionnant la recevabilité de candidatures à la présence d'une proportion déterminée de femmes et d'hommes créerait une discrimination entre les sexes, alors que la démocratie ne reçoit les êtres humains qu'en tant que tels.
Il est également possible de soutenir qu'une telle conception de l'égalité est abstraite et donc plus formelle que réelle. Le projet de loi constitutionnelle aurait alors pour objet de réduire l'écart entre les droits proclamés et la réalité des droits exercés.
Le texte soulève aussi, pour les membres de la commission des lois du Sénat, la question de l'universalisme républicain, qui constitue un fondement de notre démocratie.
Selon l'article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple » et « aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice ». Cela signifie que le Parlement tout entier représente la nation tout entière, et que chaque parlementaire pris isolément ne représente rien que lui-même, puisque la qualité de représentant est attribuée à l'organe et non à ses membres pris isolément.
Les élus ne représentent pas les électeurs de leur circonscription, mais la nation tout entière, bien qu'ils pensent souvent le contraire.
L'obligation de candidatures paritaires qui serait faite ne provoquerait-elle pas une division du corps électoral ? Telle est la principale question soulevée par le projet de loi. Il y a des arguments pour, et des arguments contre.
Mme Francine Demichel, constitutionnaliste, a contesté que les femmes appartiennent à une catégorie, relevant que le sexe apparaissait comme le seul élément indissociable de la notion même de personne.
Tous les attributs qu'une personne peut posséder sont soit contingents - nom, profession, situation matrimoniale, appartenance à une classe ou à un groupe social - soit mouvants - âge - soit encore irrecevables dans un droit démocratique - race, couleur de peau - et le sexe, estime Mme Francine Demichel, seul élément qui contribue à définir l'identité même de l'individu, doit pour cela même être pris en compte pour la théorie de la représentation.
Ainsi, la moitié du genre humain ne pouvant être assimilée à aucune catégorie ou minorité, l'instauration de la parité entre les femmes et les hommes dans le domaine électoral ne pourrait pas, selon Mme Demichel, fonder ensuite des revendications de quotas en faveur de telle ou telle partie de la société.
Ce point de vue est cependant très contesté.
Ainsi Mme Elisabeth Badinter considère-t-elle que, dès lors que l'éligibilité est établie en droit de la même manière pour tous, le citoyen, donc le candidat, donc l'éventuel élu, ne peut être distingué selon des caractéristiques particulières tenant à la race, à la religion, à la culture ou au sexe.
Toute différenciation, pour Mme Badinter, briserait l'unité du corps électoral, pourrait susciter des revendications de quotas de la part de telle ou telle catégorie de la société et conduire au communautarisme, par essence contraire à l'intégration républicaine.
Un tel risque doit être évalué à sa juste mesure.
L'appréciation que votre rapporteur en a fait l'a conduit, dans un premier temps, à estimer que l'établissement de la parité entre les femmes et les hommes ne serait pas de nature à justifier des revendications comparables de la part de catégories minoritaires, les femmes ne pouvant être assimilées ni à une catégorie ni à une minorité.
La commission des lois, à l'issue d'un long débat, a considéré que le risque de communautarisme - quand bien même il serait peut-être moins important que certains le craignent - comportait trop de conséquences graves pour être encouru.
Elle s'est donc prononcée contre une rédaction du texte qui permettrait à la loi d'imposer des quotas, y compris aux alentours de 50 %, c'est-à-dire de la parité, car cela porterait atteinte au principe de l'universalité du suffrage.
Un texte autorisant des quotas pour les femmes serait susceptible d'encourager le développement du communautarisme. Pareil mouvement irait à l'encontre de toute politique d'intégration, particulièrement nécessaire à notre société actuellement.
Aussi votre commission n'a-t-elle pas retenu la proposition de compléter l'article 3 de la Constitution soit dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, soit, comme je l'ai proposé, dans celle du texte initial du projet de loi constitutionnelle.
Elle a estimé qu'un meilleur équilibre dans la participation des femmes et des hommes à la vie publique relevait principalement de la responsabilité des partis, puisque ce sont eux qui désignent les candidats, pour l'essentiel.
Le rôle des partis politiques est d'ailleurs prévu par l'article 4 de la Constitution, selon lequel ils « concourent à l'expression du suffrage ». Les partis politiques peuvent donc prendre eux-mêmes librement les dispositions adéquates.
Les efforts engagés par les partis politiques depuis quelques années traduisent déjà une certaine prise de conscience, on l'a constaté. Ils ont commencé à produire quelques effets et laissent espérer de nouveaux progrès.
Le souhait émis par un certain nombre de partis politiques de voir leurs efforts encadrés et facilités par des dispositions juridiques conduit aussi votre commission à proposer de compléter l'article 4 de la Constitution, puisqu'il concerne le statut constitutionnel des formations politiques.
En premier lieu, il convient d'inscrire à l'article 4 de la Constitution, sans ambiguïté aucune, le principe selon lequel il relève de la responsabilité des partis politiques de favoriser la mise en oeuvre du principe constitutionnel de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Dès lors, le champ d'application de la révision constitutionnelle serait mieux assuré, les mandats et les fonctions susceptibles d'être concernés ne pouvant être que ceux pour lesquels les partis présentent des candidats, à l'exclusion, par exemple, des fonctions de juge élu. Naturellement, cette solution devrait respecter la totale liberté des candidatures individuelles.
L'affirmation de la responsabilité des partis politiques en la matière, non contestée dans les faits, ne remettrait en cause aucun principe constitutionnel fondant notre démocratie.
En second lieu, il paraît opportun de pouvoir, si nécessaire, encourager les partis politiques dans les efforts amorcés pour permettre une répartition plus équilibrée des femmes et des hommes assumant des responsabilités politiques.
A cet effet, la commission vous propose que l'article 4 de la Constitution prévoie aussi que les règles relatives au financement public des partis politiques puissent, si le législateur le décidait, contribuer à la mise en oeuvre des principes constitutionnels énoncés à l'article 4 de la Constitution : égal accès, respect par les partis des principes de souveraineté et de démocratie.
Cette législation, de caractère incitatif, placerait les partis politiques dans une situation égale au regard du risque électoral éventuel qu'ils craindraient d'assumer face à l'égalité des femmes et des hommes.
Il appartiendrait au législateur de définir les modalités de cette modulation du financement public, qui pourrait être établie sans majoration de la masse globale des subventions accordées aux partis.
Cette incitation devrait rester suffisamment modérée pour ne pas « compromettre l'expression démocratique des divers courants d'idée et d'opinion », selon la jurisprudence établie par la décision du Conseil constitutionnel du 11 janvier 1990 sur la loi relative à la limitation des dépenses électorales.
A mon sens, cette législation incitative pourrait être applicable pour une durée limitée. Une fois les résultats obtenus, on pourrait éventuellement revenir à des dispositions de droit commun.
Telles sont les propositions de la commission des lois que son rapporteur vous demande loyalement d'approuver.
Elles doivent être considérées comme la traduction de la recherche d'un compromis ne présentant aucun risque au regard des principes fondamentaux de la démocratie, mais permettant d'atteindre progressivement, donc sans rupture brutale, les résultats souhaités.
Ces solutions pourraient, certes, être refusées, aussi bien par ceux qui les jugeraient excessives que par ceux qui les estimeraient insuffisantes.
Dès lors que chacun entendrait se limiter à ses positions de principe initiales - certes légitimes - aucun accord ne pourrait être dégagé et la situation resterait donc, hélas ! en l'état.
Je ne peux pas croire que tel soit le sentiment d'un seul d'entre nous.
La recherche d'un accord en matière constitutionnelle requiert un vote identique des deux assemblées, puis celui du Congrès à la majorité des trois cinquièmes.
En conclusion, je vous dis donc du fond du coeur que chacun doit faire un effort, le Sénat, mais aussi l'Assemblée nationale et le Gouvernement. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d'émettre un souhait : évitons d'aborder ce débat bardés d'arrière-pensées ou de préjugés (Rires sur les travées socialistes),...
Mme Hélène Luc. On ne peut pas parler de préjugés !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois, ... voire, madame le garde des sceaux, d'une certaine malice. Vous avez cité tout à l'heure le sénateur Bérard. Mais peut-être était-ce, après tout, la vérité du moment ! (Murmures sur les travées socialistes.)
M. Pierre Mauroy. Oh !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Toutefois, c'était en 1919 ! Puis-je vous faire remarquer que, depuis, certaines choses ont évolué, parfois d'ailleurs sous l'inspiration du Sénat, ...
M. Jean-Louis Carrère. Le droit de vote des femmes, par exemple ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... et que, circonstance atténuante, l'énorme majorité d'entre nous n'étaient pas nés à cette date ? (Sourires.)
Je salue au passage la mémoire de celui qui fut l'un de nos grands ancêtres et qui fut un grand sénateur : admettez que nous puissions évoluer et ne plus dire aujourd'hui, peut-être, les mêmes choses dans les mêmes termes ! (MM. Chérioux et de La Malène applaudissent.)
Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une révision constitutionnelle et non une loi ordinaire, et nous entendons que le texte que nous allons adopter ne remette en cause ni l'esprit ni la lettre de la Constitution.
Je regrette que certains aient tenté de stigmatiser par avance les parlementaires de toutes tendances qui envisageraient d'exercer à l'égard du présent projet de loi leur pouvoir souverain de constituant.
On a pu notamment laisser entendre que ne pas se rallier à la rédaction proposée - mais laquelle, d'ailleurs, celle du Gouvernement qui a peut-être recueilli l'accord du Président de la République, ou celle de l'Assemblée nationale, qui comportent entre elles, vous l'avez noté, quelques divergences appréciables ? - caractériserait une conception conservatrice, antiféministe,...
M. Pierre Mauroy. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... que l'on voudrait considérer commodément comme typique de la droite sénatoriale.
M. Bernard Piras. C'est un peu vrai !
M. Guy Fischer. Vous le reconnaissez vous-même !
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je voudrais répondre à ces préjugés un peu rapides, mais encore partagés, par deux remarques.
Tout d'abord, à l'origine des lois ordinaires sur la contraception et l'interruption volontaire de grossesse, l'IVG, on trouve des propositions ou des projets de loi déposés par la droite ; puis ces lois ont été adoptées...
M. Jean-Louis Carrère. Par la gauche !
M. Bernard Piras. Oui, par la gauche !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... de manière très consensuelle...
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas vrai !
Mme Hélène Luc. Sans la gauche, le projet de loi sur l'IVG ne passait pas, bien que ce soit Mme Simone Veil qui l'ait proposé !
M. Bernard Piras. Relisez les débats !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. J'ai relu les débats ! S'il n'y avait pas eu une conjonction des voix de droite et de gauche...
Mme Nicole Borvo. Justement ! Aujourd'hui, c'est la même chose !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... - car vous étiez heureusement minoritaires à l'époque ! -, ces lois n'auraient pas été votées.
Mme Hélène Luc. Sans la gauche, ces lois n'auraient pas été votées !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Or elles l'ont été, et elles l'ont été...
M. Bernard Piras. Par des hommes !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... par des assemblées qui, je le constate sans m'en réjouir, étaient composées à 90% d'hommes.
Mme Hélène Luc. Mme Veil l'a dit elle-même !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. L'argument un peu rapide que vous avez avancé tout à l'heure sur l'attitude systématiquement hostile à l'égard des femmes, qui serait celle d'assemblées où les hommes sont majoritaires, ne me paraît donc pas sérieux.
M. Christian de La Malène. Il ne l'est pas !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. J'en viens à ma deuxième remarque.
Ce débat s'engage dans des conditions difficiles en raison du délai qui nous a été imparti compte tenu de l'ordre du jour prioritaire fixé par le Gouvernement. Au sein de la commission, certains, toutes tendances confondues, ont d'ailleurs semblé regretter qu'un temps suffisant ne nous ait pas été laissé, mais c'est un fait.
Mme Hélène Luc. Mais non ! Nous avons eu tout le temps de réfléchir à cette question depuis longtemps ! Voyons, voyons, monsieur le président !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Voyons, voyons, madame Luc ! (Sourires.) Puis-je vous dire qu'il ne suffit pas d'évoquer les questions mais qu'il faut aussi les étudier sérieusement et en évaluer les conséquences.
A cet égard, je vous informe tout de suite, parce que certaines allusions y ont été faites tout à l'heure, que nous aborderons exactement dans le même état d'esprit le débat sur le PACS. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo. Nous nous en doutons !
Mme Hélène Luc. C'est tout à fait significatif !
M. Bernard Piras. Vous anticipez !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Nous aurons la même volonté d'aller au fond des choses, et nous montrerons que le PACS est un monstre juridique !
Mme Nicole Borvo. Et la présence des femmes, c'est un monstre juridique ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je vous invite d'ailleurs, pour constater le sérieux de notre étude sur cet autre texte, à venir assister demain à la série d'auditions publiques que nous organisons : partisans et adversaires auront largement le temps de se faire entendre.
Mme Nicole Borvo. Tant mieux !
M. Christian de La Malène. Nous irons au fond des choses !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Sur le projet relatif à la parité, malgré le peu de temps qui nous a été laissé, nous avons cependant entendu procéder à des auditions, et nous avons eu à coeur d'entendre les opinions de manière égale, notamment plusieurs femmes connues pour leurs engagements antérieurs en faveur des droits des femmes.
Je dois à la vérité de dire que la qualité de l'apport à la fois philosophique et intellectuel de toutes celles qui ont comparu devant la commission a ébranlé les certitudes de plus d'un d'entre nous.
Mais, d'ailleurs, quelles sont ces certitudes ? On nous parle d'exigence de l'opinion publique, voire de sa partie féminine, à laquelle, dans les circonstances actuelles, vous imaginez bien que nous prêtons une attention particulière !
Nous savons ce qu'il faut penser des sondages ; ce n'est pas la loi, et nous ne gouvernons point ni ne légiférons sous leur pression. Il n'empêche, voilà à peine six mois, l'opinion publique, par le biais des sondages, a été interrogée sur le problème de la parité hommes-femmes.
La première question était la suivante : estimez-vous que la parité entre les hommes et les femmes dans les assemblées doit être une obligation inscrite dans la Constitution ? Les Français dans leur ensemble ont répondu oui à 20 %, les hommes à 22 % - pas de préjugés ! (Sourires) - et les femmes à 18 %.
M. Jean Chérioux. Les femmes sont intelligentes !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Deuxième question : faut-il obliger les partis politiques à présenter autant de femmes que d'hommes aux élections ? Y étaient favorables 29 % des Français dans leur ensemble, 31 % des femmes - là, elles gagnent ! - et 27 % des hommes.
Enfin, faut-il trouver d'autres moyens - cela fait appel à notre imagination, mais vous savez que nous n'en manquons point ! - pour améliorer la place des femmes en politique ? Y étaient favorables 46 % de l'ensemble des Français, 44 % des hommes et 47 % des femmes.
M. Pierre Mauroy. La cause est entendue !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Nous devons donc progresser dans notre réflexion.
Nous entendons toutefois le faire de manière raisonnée,...
Mme Nicole Borvo. En cent ans !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... en prenant notre temps, afin d'aboutir à des mesures qui ne soient ni une régression pour les femmes, comme certaines, parmi les plus éminentes, ont tenu à nous le dire, ni un danger pour la démocratie universelle. (Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. C'est incroyable !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Vous pouvez rire, mesdames ! Nous, cela ne nous a pas fait rire quand elles nous l'ont dit ; cela nous a simplement permis de comprendre que le sujet méritait une réflexion approfondie, étant entendu que, lorsque le Sénat se livre à une telle réflexion, il accomplit le travail qui lui est imparti par la Constitution. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Que vous ayez pu laisser entendre que cela porterait atteinte à la démocratie, c'est vraiment incroyable !
M. Jean Chérioux. La démocratie, vous êtes bien mal placée pour en parler !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Ces femmes que nous avons entendues, qu'ont-elles voulu nous dire ? J'aborde là le fond du débat.
Historiquement, grâce à sa conception intégratrice de l'égalité, grâce aussi à sa vision universaliste de la démocratie, la France a connu une évolution qui a fait d'elle une référence en matière de droits des femmes, au sens le plus large, pour ce qui concerne l'éducation, la vie professionnelle - à cet égard, ce que vous avez dit du Conseil d'Etat prouve que vous n'y connaissez pas grand-chose, madame le secrétaire d'Etat -...
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Mesurez vos propos, monsieur le président !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... pour ce qui concerne la vie familiale, la vie associative, l'accès à la fonction publique. Toutes les femmes qui voyagent à l'étranger le savent.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Citez vos chiffres, nous pourrons les confronter !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je ne voudrais pas que nos débats d'aujourd'hui effacent l'importance de ce bilan, quels que soient les efforts que nous avons encore à consentir.
Grâce à cette action que nous avons menée, nous avons évité une certaine conception aseptisée, rigidifiée des rapports hommes-femmes qui prévaut dans certains Etats. Je m'en réjouis et je souhaite que notre débat d'aujourd'hui soit donc mené sans caricature.
Les comparaisons géographiques ont souvent servi à justifier la réforme proposée. Pour m'en tenir aux démocraties - dans le système soviétique, on avait trouvé un moyen : on mettait des contingents de femmes - je dirai seulement que chaque pays a mené ou laissé aller son évolution, au regard du sujet qui nous occupe, à son rythme, parfois beaucoup plus rapidement que la France, mais parfois aussi au détriment d'autres aspects.
Dans les pays où l'on trouve le plus de femmes parlementaires, comme en Suède, on trouve beaucoup moins de cadres supérieurs ou bien encore - nous, élus locaux, qui avons le mérite d'être « cumulards », savons bien que les efforts en ce domaine sont relativement insuffisants ! - moins de crèches permettant aux mères de jeunes enfants de travailler, comme en Allemagne ou aux Etats-Unis.
En tout état de cause, aucun des pays souvent cités en exemple n'a eu recours à des quotas obligatoires identiques à ceux qui résulteraient nécessairement de la rédaction qui nous est proposée.
A fortiori, les Etats-Unis - où les résultats ne sont d'ailleurs pas si extraordinaires - n'ont jamais étendu au domaine électoral leurs expériences en matière de discrimination positive, expériences aujourd'hui si critiquées qu'ils sont obligés d'y renoncer progressivement.
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas le même problème !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Placée à cet endroit de la Constitution, la modification proposée - c'est là le point essentiel - induirait nécessairement des quotas en matière électorale. Nous y sommes opposés pour trois raisons.
Premièrement, ce serait l'échec de notre évolution historique et l'aveu de l'incapacité dans laquelle nous serions d'aboutir à un résultat souhaité par tous par des moyens plus conformes aux exigences démocratiques.
Mme Hélène Luc. Et d'avoir 5,6 % de femmes sénateurs, ce n'est pas un échec ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Il y a entre ceux qui soutiennent la proposition qui nous est faite et ceux qui s'y opposent une divergence fondamentale que l'on rencontre d'ailleurs dans tous les domaines.
Mme Odette Terrade. Les femmes, ce n'est pas une catégorie, c'est la moitié de l'humanité !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Face à ce problème réel, vous avez recours à la contrainte. (Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Nous, nous voulons prendre le problème à bras-le-corps et le résoudre en utilisant des moyens conformes aux exigences de la démocratie.
Mme Odette Terrade. Et dans cinquante ans, cela n'aura pas changé !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Vous ne serez plus là ! (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est vraiment pas une raison !
M. Pierre Mauroy. Ni une réponse !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Deuxième raison de notre opposition : la mesure qui nous est proposée serait la négation de l'unité du corps électoral et du principe du mandat représentatif, qui fait de chaque élu, quelles que soient ses caractéristiques propres, le représentant de la nation.
Mme Danièle Pourtaud. Mais tel est bien le cas des femmes élues !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Le deuxième alinéa de l'article 3 de la Constitution pose un principe intangible et fondateur en disposant qu'aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale.
M. Michel Charasse. Voilà !
Mme Odette Terrade. Très juste !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Pour vous faire mesurer le risque auquel nous sommes confrontés, mes chers collègues, je veux vous livrer une information. Elle vaut ce qu'elle vaut, puisqu'elle est tirée du Nouvel Observateur (Rires sur les travées socialistes),...
M. Claude Estier. Ce n'est sans doute pas votre lecture favorite !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... qui peut tout de même être considéré comme une source importante d'information ! D'ailleurs, pour être honnête, le sondage était, lui aussi, tiré du Nouvel Observateur ! (Exclamations sur les travées socialistes.) Voyez, on peut tout en faire !
Eh bien, dans le Nouvel Observateur du 20 janvier 1999, on annonce - je dis cela avec toutes les précautions d'usage - la création d'un collectif « Egalité », qui s'est donné pour mission de « défendre le droit des Afro-Français à une représentation médiatique ». Un temps d'antenne à la télévision pour les Afros-Français, pourquoi pas ? Mais je reprends la citation, « Un jour, viendra le tour de la représentation politique. S'il faut des quotas, on les constituera ».
M. Claude Estier. Cela, vous ne l'avez pas lu dans le Nouvel Observateur !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Ah si ! J'ai mes sources !
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas le sujet !
M. Guy Penne. S'il y avait une association d'affreux, vous pourriez en être ! (Rires sur les travées socialistes.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur Penne, votre propos est stupide. De notre temps, les affreux étaient ceux que nous combattions avec le sentiment de défendre l'honneur de la France. Alors, vous pouvez ravaler votre propos ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Aucun parlement démocratique ne pourra être un représentant statistique de la société ; ce n'est pas son rôle. Cela l'est d'autant moins que la collectivité que forment l'ensemble des élus doit définir l'intérêt général, c'est-à-dire faire abstraction des particularismes pour forger l'unité et ne pas exacerber les différences.
J'en viens au troisième et dernier motif d'opposition à la rédaction proposée.
On nous a dit que le principe de parité était facile à mettre en place lorsque le mode de scrutin était la proportionnelle.
Mme Hélène Luc. Eh bien voilà !
Mme Odette Terrade. Voilà pourquoi il faut la proportionnelle !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Au sein de la commission, je faisais remarquer à l'un de nos collègues qui y travaille très activement que, si le groupe communiste est, au sein du Sénat, celui qui compte proportionnellement le plus de femmes,...
Mmes Hélène Luc et Nicole Borvo. Absolument !
M. Jacques Larché président de la commission des lois. ... dont nous reconnaissons qualité, c'est à la représentation proportionnelle qu'il le doit.
Un sénateur du RPR. Bien sûr !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. C'est d'une logique absolue. La proportionnelle favorise ce que l'on veut faire aujourd'hui, mais il y a un obstacle, et personne n'a été capable de me dire comment on pourrait le franchir : la conciliation entre le principe de la parité et le scrutin majoritaire.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas un bon argument ! On peut y arriver avec le scrutin majoritaire !
Mme Hélène Luc. Il faut étendre la proportionnelle, c'est clair !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. J'en suis tout à fait d'accord. Mais notre opposition est fondamentale : vous êtes favorable à la proportionnelle,...
Mme Hélène Luc. Oui !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... moi pas ! Je ne veux donc pas d'un système qui vise à l'étendre ou à la rendre pratiquement obligatoire.
On nous a proposé des « trucs » qu'un éminent professeur de droit, favorable à la parité, a qualifiés de « relativement farfelus ». Je lui laisse la responsabilité de son propos.
Certains ont proposé en commission de doubler le nombre de députés dans chaque circonscription, d'élire en quelque sorte un duo homme-femme. Certains ont proposé que des circonscriptions soient réservées aux hommes et d'autres aux femmes.
M. Hilaire Flandre. Et les transsexuels ?
M. Jean-Louis Carrère. Des multi-PACS ? (Sourires.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. En vertu de quels critères ? Je ne vois pas très bien comment on procéderait dans les Landes ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre Mauroy. Le scrutin municipal est une solution !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Le scrutin municipal est proportionnel. Comme vous le savez, il existe deux scrutins majoritaires : le scrutin majoritaire cantonal et le scrutin majoritaire législatif auquel vous avez toutes raisons de demeurer attachés depuis quelque temps...
M. Jean Chérioux. Il y a aussi l'élection du Président de la République !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Pourquoi y aurait-il une seule voie de conciliation ! Si vous me le prouviez, j'accueillerai cette suggestion avec le plus grand intérêt.
Dès lors, nous en sommes venus à rechercher de véritables solutions. Nous partageons le constat et l'objectif qui sont les vôtres. Nous avons identifié le blocage institutionnel qui a trait au choix des candidats par les partis politiques.
J'espère que nous parviendrons à trouver des mesures incitatives qui, selon vous, madame le garde des sceaux, font partie de celles qui devraient être envisagées.
Telles sont les conclusions auxquelles nous sommes parvenus à la suite des travaux approfondis que nous avons accomplis. Nous souhaitons et nous faisons tous des efforts pour que plus de femmes soient présentées et élues. Au fond, c'est notre objectif commun, mais, selon nous, il ne doit pas être atteint par des moyens qui emporteraient avec eux des principes fondateurs de notre démocratie, ceux-là même qui nous ont permis d'être tous ensemble dans cet hémicycle aujourd'hui pour débattre de cette question fondamentale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission, sans du tout vouloir entrer dans une polémique, je voudrais dire qu'une femme, pas plus qu'un homme, n'aime entendre qu'elle ne domine pas son sujet quand elle avance un certain nombre de chiffres ! Mais peut-être n'avons-nous pas les mêmes sources et je vais me permettre de citer les miennes.
S'agissant de la place des femmes dans la fonction publique, je réaffirme que, dans les grands corps de l'Etat, Conseil d'Etat, Cour des comptes, inspection générale des finances, la place des femmes à ce jour est de 15,9 %.
Je tiens à votre disposition un ensemble de tableaux concernant les cadres et professions intellectuelles supérieures, l'emploi dans les grands corps de l'Etat, les emplois laissés à la décision du Gouvernement. Ces chiffres sont issus de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, la DGAFP, du bureau des statistiques, en date du 1er juin 1997.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. S'agissant des mesures prises dans certains pays européens, j'en citerai trois qui contredisent vos propos.
En Allemagne, la deuxième loi sur l'égalité des droits entre les femmes et les hommes, et qui a été adoptée en septembre 1994, a permis la mise en place de mesures positives en ce qui concerne l'administration, qui doit présenter tous les trois ans un plan d'action avec obligation de résultats.
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je citerai le Royaume-Uni : un premier palier ayant été franchi en 1995 avec plus de 30 % de femmes, le Gouvernement s'est fixé un objectif de parité aux postes de décision dans la fonction publique.
Enfin, en ce qui concerne les Pays-Bas, une banque de données a été instituée depuis 1995, regroupant les coordonnées des femmes disposant des diplômes et des compétences pour occuper des postes de direction.
C'est pour limiter mon intervention à une douzaine de minutes que je ne suis pas entrée tout à l'heure dans le détail de mes affirmations ; mais j'ai ressenti le besoin d'ajouter ces explications. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles de Cuttoli. Et la proportion dans la magistrature ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je souhaite simplement vous faire remarquer, madame le secrétaire d'Etat, que j'ai parlé uniquement du Conseil d'Etat. Vous, vous avez généralisé.
Pour ma part, compte tenu de mon ancienneté, je suis entré au Conseil d'Etat l'année où les deux premières femmes y entraient.
Au Conseil d'Etat, la règle - que l'on devrait supprimer d'ailleurs - veut que l'avancement se fait au « tour de bête ». Vous pouvez tuer père et mère, mais vous débuterez au tableau comme auditeur !
Pouvez-vous me citer un seul cas de révocation d'un conseiller d'Etat pour insuffisance professionnelle ?... D'ailleurs, aucun conseiller d'Etat n'a jamais fait preuve dans sa vie d'insuffisance professionnelle ! C'est tellement évident qu'on n'a jamais eu besoin d'en révoquer. (Sourires.)
Cela étant, les membres du Conseil d'Etat avancent au « tour de bête ». Pour ma part, je suis entré juste après mon ami Chandernagor (Murmures sur les travées socialistes)...
Mme Danièle Pourtaud. Et alors ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. ... et, tout au long de notre vie professionnelle, nous nous sommes suivis.
Pour les femmes, c'est pareil. Elles sont entrées au Conseil d'Etat et elles y entrent de plus en plus. Alors qu'il n'y avait que deux femmes dans ma promotion de l'ENA, elles sont 35 % dans la promotion actuelle. Elles ont donc toutes les chances d'accéder un jour au « tour de bête » à la présidence du Conseil d'Etat.
Mme Odette Terrade. Ce qu'on veut, c'est que cela aille plus vite !
M. Claude Estier. L'expression « tour de bête » est pour le moins malvenue !
M. Charles de Cuttoli. Il y a 74 % de femmes à l'Ecole nationale de la magistrature !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 60 minutes ;
Groupe socialiste : 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 22 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Victor Hugo déclarait en 1872 : « Il y a des citoyens, il n'y a pas de citoyennes. C'est là un état violent, il faut qu'il cesse. »
A sa manière, il dénonçait ce qui se cache derrière le neutre du terme citoyen. Il en distinguait les deux genres - le masculin, le féminin. Cette mise en opposition - il y a des citoyens, il n'y a pas de citoyennes - cette évidente séparation des genres, la mise en lumière de deux conditions différentes, soudain, jetaient à bas le mythe universaliste.
Oui, la République, la démocratie, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'avaient de féminin que le déterminant et d'universel que le mythe.
Olympe de Gouges ne l'avait-elle pas aussi dénoncé à sa manière en rédigeant une déclaration des droits de la femme ?
Cet ordre universel neutre, abstrait, mais ne se déclinant qu'au masculin, a perduré pendant 150 ans. Notre Marianne fut longtemps, trop longtemps, la seule femme présente dans les hémicycles et les salles de conseil.
Redire, cinquante ans après que le droit de vote et d'éligibilité a été accordé aux femmes, que l'égal accès des hommes et des femmmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives est organisé par la loi, ce n'est pas aller contre le principe d'universalité. C'est au contraire l'expliciter, le réaffirmer. C'est faire, en somme, comme Victor Hugo : poser les termes de l'égalité, nommer et les hommes et les femmes, convoquer, dans la Constitution, les deux composantes de l'humain, les deux composantes du peuple.
Parce que cette évidence n'en est apparemment pas une pour tous, rappelons qu'il est une vérité, et que cette vérité est universelle, à travers les âges et sous tous les cieux : l'humanité est sexuée. Ce n'est donc pas aller contre l'universel que de refuser le neutre, ce n'est donc pas bafouer l'universel que de dire qu'il s'y loge 50 % de féminin, ou de dire qu'il s'y loge 50 % de masculin.
Je connais par avance la réplique, et je ne pense pas qu'elle soit imparable : quiconque approche l'universel d'une manière qui n'est pas neutre est accusé de « différentialisme ». On lui reproche en outre de catégoriser, de distinguer qui des origines, qui des races, qui des religions.
Bref, nous serions coupables de vouloir favoriser le premier pas vers le communautarisme, premier pas qui, inéluctablement, en entraînerait d'autres. Or notre République est fondée sur le refus de la division du peuple en catégories.
Cette règle fondamentale est inscrite à l'article 3 de la Constitution. Nous y souscrivons pleinement, et le présent projet de loi ne le remet nullement en cause. Les femmes, en effet, ne constituent en rien une catégorie, ni une section du peuple. Elles ne sont pas une minorité : elles sont la moitié de notre peuple, elles sont la moitié de tous les peuples.
Cette vérité se trouve d'ailleurs inscrite en filigrane dans les thèses même de ceux qui refusent ici le projet de révision tel qu'il a été adopté à la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale puisqu'ils préconisent également l'inscription de la différence sexuée ; simplement, il serait possible d'inscrire cette différence à l'article 4 sans conséquence et elle serait inacceptable à l'article 3.
Il y a là, on le voit bien, une véritable contradiction qui montre qu'il s'agit davantage pour la majorité sénatoriale de calculs politiques et d'arrière-pensées politiciennes.
On me répondra que, parmi ceux qui défendent la thèse de l'universalisme neutre ou abstrait, lequel serait le principe fondateur de notre démocratie et de notre République, figurent des hommes et des femmes de gauche.
Je répondrai que je ne mets pas sur le même plan ceux qui se sont illustrés tout au long de leur vie par leur combat pour la défense des droits des femmes et les autres qui se sont souvent battus contre ces droits, qu'il s'agisse du droit des femmes à disposer de leur corps, ou de leur émancipation civile et économique. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ces derniers se servent de l'universalisme comme paravent pour masquer leur conservatisme. Ils croient prendre les défenseurs de la parité à leur propre piège. Ils leur disent : Vous posez une différence pour revendiquer l'égalité, mais alors, ne craignez-vous pas que cette différence s'exprime dans la représentation ? Ainsi, les femmes vont faire de la politique pour les femmes, et comme des femmes !
Je vous réponds, mesdames et messieurs de la majorité sénatoriale, que c'est bien mal considérer les femmes que de leur prêter de telles pensées. Les femmes ne sont pas uniquement déterminées par leur sexe ! C'est parce qu'elles sont femmes qu'on les empêche de faire de la politique, mais ce n'est pas parce qu'elles sont femmes qu'elles vont la faire autrement ! Victimes d'une discrimination par le sexe, nous n'allons quand même pas la rétablir dans l'hémicycle !
Les sénatrices n'ont pas, me semble-t-il, donné l'impression de ne représenter que des femmes ; elles représentent leur département, leur pays, et s'attachent, comme vous messieurs, à résoudre les préoccupations les plus criantes de leurs concitoyens. Comme vous, elles siègent dans toutes les commissions de la Haute Assemblée et même, depuis peu, à la commission des lois. Après tout, nos collègues masculins n'ont jamais été accusés de ne représenter que leurs congénères mâles !
Soyons clairs, je ne crois pas que les femmes feront de la politique différemment des hommes, et inversement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Juger a priori que, contrairement aux hommes, les femmes auraient une approche différente de la représentation nationale revient à considérer qu'elles constituent une spécificité, une exception par rapport à une norme générale, la norme étant l'être humain de sexe masculin. Rien ne justifie cette vision réductrice. Comme les hommes, les femmes politiques adhèrent à un idéal, portent des projets et défendent le programme de leur parti.
Rappelons qu'il n'est question ni de fonder un corps électoral distinct ni de limiter les femmes à la seule représentation des femmes. Ce n'est pas la République sexuée, c'est le partage équilibré des responsabilités au sein de la République.
Il y a certainement, dans ce soupçon, un reste de conservatisme mal digéré. Ce conservatisme a pour origine l'époque où il a été décidé de cantonner la femme au foyer tandis que l'homme faisait de la politique. Cela a été dit aussi bien par Mme Guigou que par Mme Péry. De cette lointaine séparation subsistent de nombreuses marques, par exemple les champs de compétence traditionnellement dévolus aux femmes dans les assemblées.
Il demeure toujours l'idée que, si une femme a tenu à faire de la politique, eh bien, elle n'a qu'à s'occuper de choses qui l'intéressent ! Et qu'est-ce qui, naturellement, l'intéresse ? La famille ! Ainsi s'est dessinée, et de façon très insidieuse, l'idée d'une spécificité féminine en politique.
Les femmes avaient réussi à abattre les frontières ; elles s'étaient introduites, un peu par effraction, dans la sphère publique, mais on s'est chargé de leur rappeler de ne pas oublier au passage ce à quoi on les avait assignées.
Une réminiscence de ces anciennes attitudes est l'accusation d'incompétence qui, bizarrement, ne s'accorde qu'au féminin en politique. En 1919 - nous avons tous relu le compte rendu des débats - le rapporteur de la commission des lois disait ici même, pour s'opposer au vote des femmes, que « les femmes n'ont pas une éducation politique suffisante et que de toute façon la femme votera pour Untel, non parce qu'il a des idées justes et intéressantes, mais parce que sa tête lui plaît ». (Sourires.)
Ces propos font sourire, mais les préjugés demeurent quelque peu. C'est ainsi que M. Juppé déclarait en 1997 à l'Assemblée nationale qu'« il convient d'abord de favoriser l'accès des femmes aux conseils municipaux, afin qu'elles y fassent leur apprentissage », c'est-à-dire leur « éducation politique », comme on le disait en 1919.
Ce n'est pas, à mon sens, un hasard si l'on voit cette accusation réapparaître, de manière plus fine certes, lors de ces débats. On craint en effet que des femmes incompétentes ne soient investies par les partis politiques et qu'elles ne deviennent ainsi des élus de second rang. Leur situation serait alors humiliante.
En réalité, les femmes se sentent aujourd'hui humiliées, non par la proposition qui nous est faite de partager le gouvernement du pays, mais par leur exclusion, de fait, de l'exercice plein et entier de leurs responsabilités de citoyennes.
Car l'échec est patent. Les quelques femmes élues, que d'aucuns croient « spécifiques » et que l'on voudrait à part sont en effet une exception. Une exception quantitative, d'abord, puisqu'elles siègent parmi 90 % d'hommes ; une exception mondiale ensuite, puisque la France s'est difficilement hissée au cinquantième rang mondial en 1997, grâce aux efforts des partis de la gauche plurielle et, en particulier, du parti socialiste.
Mais il est presque inutile de rappeler les chiffres tant le constat est unanime : cette situation doit cesser et l'égalité doit être rétablie dans les faits.
On a voulu donner du temps au temps, faire confiance aux nouvelles générations. Les militantes sont, il est vrai, de plus en plus nombreuses ; elles partagent davantage les tâches du foyer avec leur compagnon ; elles s'investissent de plus en plus en politique. Avec le temps, il est probable que les choses s'équilibreront. Mais combien de temps ?
Combien de temps faudra-t-il pour que les résistances, résistances particulièrement fortes dans les partis politiques, disparaissent ? On veut croire que le machisme n'a plus droit de cité. Mais s'il ne se dit pas, s'il n'ose plus se dire, il reste pourtant bien présent.
Il nous faut des mesures non seulement incitatives, mais aussi coercitives pour déjouer ce courant très puissant et très pernicieux.
Nous ne comptons plus les propositions de loi déposées en vain au cours de la dernière décennie par des élus de gauche, voire d'autres tels que Gilles de Robien et Nicole Ameline. Des dispositions visant l'introduction de la mixité ont été votées en 1982 et 1998 sur l'initiative de la gauche. Je rappelle d'ailleurs qu'en 1982 le Sénat a adopté majoritairement l'obligation de mixité pour les listes présentées aux élections municipales. Le Sénat l'a refusée en 1998 pour les élections régionales. Le Sénat était-il donc plus progressiste en 1982 qu'aujourd'hui ? La question est posée.
Certes, le problème est constitutionnel. Le verrou qui a été installé voilà dix-sept ans et auquel on vient de redonner un tour de clé très récemment doit définitivement sauter. Cela n'est possible que par une modification de la Constitution.
C'est l'objectif du présent projet de loi, qui, d'une part, réaffirme à l'article 3, précisément visé par la décision du Conseil constitutionnel, l'égalité d'accès aux mandats électoraux et fonctions électives et qui, d'autre part, donne les moyens au législateur de déterminer les conditions dans lesquelles est organisé cet accès.
L'objectif de la parité faisait partie du programme du candidat Chirac aux élections présidentielles en avril 1995. Alain Juppé a déclaré devant les députés en mars 1997 que la seule voie possible était la révision de la Constitution. Enfin, Lionel Jospin, dans son programme pour moderniser notre vie publique, a proposé d'avancer volontairement vers la parité.
L'opinion publique, dans sa presque totalité, aspire à une présence en nombre à peu près égal de femmes et d'hommes au Parlement, dans les conseils régionaux, généraux et municipaux. La société, quant à elle, vit désormais dans une mixité réalisée dans presque tous les domaines, même si elle reste à parfaire. La politique est véritablement, force est d'en convenir, le dernier univers composé à 90 % de costumes-cravates ! (Sourires.)
Il faut prendre garde à cette évidence et ne pas déconnecter encore un peu plus le monde politique de la réalité. Il perdrait définitivement sa crédibilité aux yeux de la population !
J'en reviens à votre proposition, monsieur le rapporteur. Vous souhaitez amender l'article 4 plutôt que l'article 3. Outre que nous touchons ainsi à la symbolique, et cela n'est pas indifférent, je remarque que l'article 4 ne concerne que les partis politiques. Les élections prud'homales, qui, selon le Conseil constitutionnel, découlent de la souveraineté nationale, seront donc écartées de la modification constitutionnelle. Cette conséquence n'est pas sans gravité. J'observe qu'elle a été passée sous silence.
Le second changement, et il est grave, transfère aux partis la compétence d'organiser cet égal accès aux mandats et fonctions. Il dépouille en quelque sorte le législateur de son pouvoir de fixer le cadre de l'égal accès.
L'Assemblée nationale avait modifié le projet présenté par le Gouvernement, en accord avec le Président de la République, par crainte de conférer ce pouvoir au seul Conseil constitutionnel. Vous auriez dû être sensibles à cet argument, argument que le Gouvernement a entendu. Pourtant, vous préférez démissionner de votre responsabilité de législateur en la transférant aux partis politiques.
La modification constitutionnelle que vous proposez n'étant pas contraignante, elle sera inefficace, et vous le savez. En effet, si les partis sont décidés à favoriser l'égal accès, ils peuvent déjà le faire.
S'ils ne le souhaitent pas, rien ne sera véritablement changé.
Il est évident que vous ne voulez pas de nouvelles interventions du législateur en ce domaine, et ce pour deux raisons que vous avez d'ailleurs reconnues, dont l'une tient à l'absence de pouvoir de blocage du Sénat pour les lois ordinaires et l'autre à la crainte de l'extension du mode de scrutin proportionnel à toutes les élections, et cela en dépit des engagements très fermes pris par le M. Premier ministre.
M. Hilaire Flandre. On sait ce que cela vaut !
Mme Dinah Derycke. En réalité, vous ne voulez pas de la révision. Vous la videz de sa substance parce que vous n'osez pas vous y opposer, ce qui serait beaucoup plus honorable !
En conclusion, je rappelerai que, depuis deux siècles, la France est la patrie des droits de l'homme, de tous les hommes, quel que soit leur sexe. Pourtant, les femmes sont, de fait, exclues de la vie politique. Notre démocratie reste ainsi inachevée.
Ne croyez-vous pas, comme l'ONU l'a dénoncé dans une convention ratifiée par la France en 1983, que les discriminations à l'encontre des femmes empêchent ces dernières de servir l'humanité tout entière ?
Ne croyez-vous pas qu'il est temps, pour la France, d'ouvrir un nouveau chapitre, en mettant en oeuvre concrètement le principe de l'égalité des droits des hommes et des femmes, en consacrant officiellement et symboliquement le partage des responsabilités politiques entre les hommes et les femmes ?
Ainsi, ensemble, dans la diversité individuelle de nos potentialités, de nos talents et de nos vertus, nous ferions honneur à notre histoire, nous ferions honneur à la France.
C'est ce à quoi vous nous invitez avec le texte que vous nous proposez, madame la garde des sceaux, et, pour cette raison, nous le voterons ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pendant deux décennies, enseignant au collège, j'ai pu constater combien l'objectif d'égalité des chances pour nos jeunes est difficile à atteindre, voire utopique.
Les maîtres et professeurs ont beau expérimenter, innover, s'engager avec détermination pour réduire les handicaps, un constat amer s'impose : les jeunes, à leur arrivée dans l'institution scolaire, sont déjà à un tel point marqués, imprégnés par leur vécu, leur expérience, leur apprentissage de la société que l'école est incapable de répondre à cet objectif de justice sociale que sous-tend la notion d'égalité des chances.
Certes, des exceptions existent et chacun pourra citer un jeune issu d'une famille modeste ou d'un quartier difficile qui a fait des études brillantes et qui occupe dans la société une place éminente. Mais les statistiques nous le rappellent en permanence : suivant leur lieu de naissance, le milieu familial où ils passent leur jeunesse, les fréquentations qu'ils ont, les écoles où ils sont scolarisés..., nos enfants ont plus ou moins de chance de pouvoir suivre des études à l'université, fréquenter de grandes écoles, réussir leur insertion dans la société.
Le fait d'être obligé d'admettre que « le hasard des naissances » et la vie conditionnent à ce point les chances offertes à nos jeunes a, pour moi, toujours été particulièrement choquant ; et c'est profondément injuste.
Il y a quelques années encore, je n'étais pas conscient que la situation des filles - des femmes - relève de la même analyse et de la même logique. Et pourtant, là aussi, il faut bien le reconnaître, quand on naît fille, la famille, l'école, la société ne vous réservent pas a priori le même parcours qui si on naît garçon.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Philippe Richert. C'est tout aussi choquant et injuste.
En septembre 1996, M. Alain Juppé, alors Premier ministre, avait souhaité une réflexion approfondie sur la représentation des hommes et des femmes dans les livres scolaires, outils pédagogiques par excellence, mission à laquelle je m'étais alors attelée avec ma collègue député de l'Assemblée nationale Mme Simone Rignault.
Nous nous étions rendu compte, après examen minutieux de bon nombre de manuels, à quel point les livres scolaires étaient encore remplis de stéréotypes désuets sur la représentation des deux sexes, sans compter que certaines femmes, ayant pourtant marqué par leur action tel ou tel domaine éminent, étaient même totalement occultées.
Or, les manuels et ouvrages scolaires livrés à nos enfants pour leur apprentissage et leur préparation à la citoyenneté ne doivent-ils pas, justement, être le reflet de l'evolution de la société, favoriser l'égalité des chances et la diffusion des valeurs de notre société ?
Sans conteste, un rapprochement peut être opéré entre cette mission et le texte de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Nous devons veiller de façon vigilante dans toutes les sphères de notre société à l'image et la représentation de la femme qui est véhiculée, que ce soit dans le système éducatif, dans la publicité ou en politique. C'est un préalable indispensable à toute volonté de légiférer.
Dès lors, peut-on se satisfaire de la situation des femmes en France à l'entrée du xxie siècle ? Bien sûr, il est indéniable que des progrès décisifs ont été accomplis dans les dernières décennies et que les principales aberrations ont disparu de notre droit positif : les femmes sont devenues électrices ; la notion de « mari-chef de famille » est sortie du code civil ; l'interruption volontaire de grossesse à été légalisée ; l'égalité professionnelle a progressé depuis quelques années, même si un écart de près de 25 % subsiste dans les salaires.
Cependant, dans la sphère dite « publique », les femmes restent encore très largement sous-représentées, eu égard à leur importance quantitative : elles n'ont pas encore suffisamment accès aux fonctions électives et aux mandats politiques.
Comment y remédier ?
Le présent projet de loi constitutionnelle propose une solution qui, même si elle est critiquée et critiquable sur certains points, a le mérite de tenter de faire avancer la problématique. Je me félicite de ce débat car il est indispensable de faire évoluer la situation même si le texte que le Sénat va adopter risque de différer de celui qui a été voté par l'Assemblée nationale.
Mais, avant d'entamer ces questions de fond, revenons un peu en arrière.
Depuis le xvie siècle, la citoyenneté ne se définit plus comme l'aptitude à la magistrature. En mettant fin à cette conception antique élaborée par Aristote, le droit républicain moderne a divisé la citoyenneté en deux étages, nettement distincts, dont le premier comprend les droits civils et le droit de vote tandis que le second - l'accès direct à la décision politique - est désormais réservé dans nos démocraties aux élus et représentants du peuple.
Or force est de constater qu'aujourd'hui, malgré de notables progrès, trop peu de femmes ont accès à ce deuxième étage de la citoyenneté.
Ainsi, en dépit de la percée observée en juin 1997 lors des élections législatives, les femmes ne représentent que 10 % des députés, et la France demeure en net retrait par rapport à ses partenaires de l'Union européenne. Elle se place dorénavant à l'avant-dernier rang de la représentation parlementaire féminine, juste avant la Grèce, qui ne compte que 6 % de députés femmes.
Pourtant, le troisième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, inséré dans notre actuelle Constitution, déclare : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. » Le débat que nous avons aujourd'hui trouve donc son origine non dans un déficit législatif, mais dans le constat d'un écart manifeste entre le droit et le fait.
Certains observateurs estiment que le verrou principal qui a grippé, voire bloqué, la progression de l'accès des femmes à la candidature a été posé par la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982, qui a déclaré non conforme un amendement au projet de loi sur le mode d'élection des conseillers municipaux visant à limiter à 75 % la proportion des candidats d'un même sexe pouvant figurer sur une liste.
Cette jurisprudence a d'ailleurs été très récemment confirmée à propos d'un amendement, déposé et adopté lors de l'examen du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et au fonctionnement desdits conseils, visant à imposer la parité entre candidats de sexes opposés sur chaque liste.
Le corollaire indispensable à l'introduction de la notion de quotas est une révision préalable de la Constitution.
A ce sujet, je souhaite rappeler au Sénat que le principal motif invoqué alors par le Conseil constitutionnel pour s'opposer à ce texte fut le non-respect du principe d'égalité.
L'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen établit avec force le principe d'égalité entre les citoyens et interdit clairement toute division par catégorie des électeurs. le principe d'égalité s'oppose donc à la parité lorsque celle-ci est conçue comme un principe arithmétique. Ainsi, inscrire en droit la parité suppose non seulement une révision de la Constitution, mais une remise en cause radicale de son préambule.
L'obstacle majeur à l'institution de la parité semble être le principe d'indivisibilité du corps électoral. Comme pour les électeurs, on ne peut pas diviser les personnes éligibles en catégories sans porter gravement atteinte au dogme de l'unité et de l'homogénéité du corps des citoyens. C'est un fondement de notre droit constitutionnel.
Ainsi, l'instauration de quotas ou de la parité présente un risque important : celui de changer la conception individualiste de notre droit, dans la mesure où c'est l'appartenance au groupe qui définirait les droits et non plus la qualité de l'individu. Attention à la dérive communautariste, que Mme la ministre a d'ailleurs évoquée dans son exposé liminaire, même si, pour elle, le risque n'existant pas, cette crainte est sans fondement.
Oui, la citoyenneté est un concept universel et égalitaire, et c'est précisément cela qui a assuré sa pérennité dans l'histoire des démocraties.
Bref, la parité n'est pas l'égalité. D'ailleurs, celle-ci est déjà inscrite dans la Constitution sous la forme de la non-discrimination.
L'intention implicite du Gouvernement semble bien être l'instauration de la parité par quotas pour toutes les élections en faisant croire que sa promotion sous la contrainte permettra l'égalité.
Il faut que les choses soient clairement dites. Si, effectivement, la parité ne sera pas inscrite dans le texte de la Constitution, il reste qu'elle sera un objectif général pour toutes les élections, et le législateur aura la charge d'en définir et en assurer la mise en oeuvre.
Comment le fera-t-il ? Avec des quotas généralisés ? C'est possible. Pour vous, madame la ministre, la répartition des hommes et des femmes dans toutes les instances politiques doit être égale, la parité étant, je vous cite, une « égalité concrète de situation ».
S'agissant des règles électorales, si la parité s'inscrit facilement dans le cadre du scrutin de liste, comment le législateur pourra-t-il l'assurer aux scrutins uninominaux ? Quant à la mise en oeuvre de l'égal accès aux fonctions électives, comment sera-t-elle réalisée en généralisant les scrutins proportionnels ?
Pourquoi modifier l'article 3 de la Constitution ? Cet article assure l'égalité des droits civiques à tous les nationaux français majeurs des deux sexes. Est-il vraiment nécessaire de modifier la Constitution, et plus particulièrement son article 3, pour établir une égale éligibilité alors que celle-ci découle déjà du texte fondamental et qu'aucune disposition du code électoral ne limite en quoi que ce soit l'éligibilité des femmes ou des hommes ?
L'instauration de la parité, c'est-à-dire la mise en place d'une discrimination positive, représente un pas qui n'a été franchi nulle part ailleurs, notamment au niveau de la Constitution.
Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les Etats-Unis n'ont rien fait de tel. Pour les pays scandinaves, souvent cités en exemple, il en est de même : les Suédois et les Norvégiens ont des textes qui s'appliquent uniquement dans la sphère administrative et, s'il est exact que le pourcentage de femmes au sein de leurs assemblées politiques est l'un des plus élevés, soit près de 40 %, vous l'avez redit, madame la ministre, les choses n'ont évolué que sous l'effet d'une politique volontariste des partis, sans qu'aucune mesure législative contraignante ait été prise. Ceux-ci ont en effet imposé, en leur sein, des quotas de 40 % ; voilà un bel exemple de pragmatisme.
En Europe, seule l'Italie avait mis en place une législation au début des années quatre-vingt, mais une décision de la Cour constitutionnelle de 1995 a invalidé cette disposition prévoyant une inscription privilégiée des femmes sur les listes de candidatures aux élections municipales. Quant à la solution belge, elle est très en deçà de celle qui est actuellement envisagée en France.
Au total, en droit comparé, la formule de la parité est écartée et seules les mesures incitatives à l'intérieur des partis politiques portent leurs fruits, même si la maturation des esprits est parfois très longue.
Cela rejoint d'ailleurs l'un des enseignements des travaux de la mission commune d'information sur la place et le rôle des femmes dans la vie publique, constituée au Sénat, en octobre 1996, sur l'initiative de son président, M. René Monory, mission présidée par Mme Nelly Olin et dont j'ai eu l'honneur de rapporter les travaux.
Cet enseignement pourrait être résumé en ces termes : la sous-représentation des femmes dans les instances et les lieux de décision publics n'est pas due au premier chef à des barrières juridiques. En effet, elle tient avant tout à des résistances sociologiques et psychologiques, à la pratique politique, notamment à celle des partis. Ainsi, une action volontariste des partis politiques permettrait de faire évoluer considérablement la situation, pour peu qu'ils le souhaitent vraiment ou qu'on les y oblige.
M. Claude Estier. Voilà !
M. Philippe Richert. D'ailleurs, en dehors de tout changement majeur dans la législation, les élections législatives de 1977 n'ont-elles pas révélé une véritable percée des femmes dont l'ampleur se résume à un seul taux : plus 80 % par rapport à la précédente législature ?
Mme Dinah Derycke. A gauche !
M. Philippe Richert. En mars 1998, le nombre de femmes élues aux élections régionales a été multiplié par deux, la progression a été également sensible aux dernières élections cantonales, tout cela quels que soient les partis politiques concernés.
Ainsi, au-delà des chiffres et des statistiques, il paraît évident que le changement des mentalités et des pratiques des partis est la clé du succès. Mais il ne se décrète pas, pas plus qu'il ne se déclenche à la simple lecture d'un principe solennellement inscrit dans notre loi fondamentale.
C'est pour cela qu'il semble plus logique de modifier l'article 4 de la Constitution consacré aux partis et aux groupements politiques, afin d'y introduire un alinéa précisant que ces derniers favorisent l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions.
Il s'agit de susciter une prise de conscience que l'équilibre entre les hommes et les femmes dans la vie publique doit être un objectif prioritaire, tant dans les instances élues qu'au sein des structures des partis politiques eux-mêmes.
De plus, sans que cela transparaisse clairement, ne peut-on voir, sous couvert du texte qui nous est proposé par le Gouvernement et qui a été revu par l'Assemblée nationale, une volonté affichée de voir la parité présente dans toutes les élections, donc de nous imposer d'une façon ou d'une autre une modification du mode d'élection des membres du Parlement, par exemple ?
M. Claude Estier. Il n'y a pas besoin de modifier la Constitution pour modifier un mode de scrutin !
M. Philippe Richert. Si nous poussions le raisonnement bien plus loin, l'interprétation de ce texte constitutionnel, qui incite à la parité pour toutes les élections, ne nous obligerait-il pas à choisir systématiquement le scrutin de liste, constitutionnellement correct puisque la parité pourrait y être appliquée stricto sensu ?
Le groupe de l'Union centriste, au nom duquel je m'exprime, soutiendra la démarche de la commission des lois, y compris en ce qui concerne la modification de la Constitution, mais je souhaiterais attirer votre attention, en dernier lieu et en mon nom personnel, mes chers collègues, sur certaines limites à l'inscription constitutionnelle de ce principe.
Tout d'abord, l'adoption par le Sénat de ce projet de loi, et donc son approbation de cette modification constitutionnelle, ne provoquera pas immédiatement et automatiquement une arrivée massive des femmes sur le devant de la scène politique, parce que permettre « l'égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives » ne veut pas dire que, à compter de l'entrée en vigueur du texte, les femmes seront élues et que leur présence sera « numériquement significative ». Nous devons accompagner la mise en oeuvre de ce projet de loi, et je m'adresse plus particulièrement ici à mes collègues de sexe masculin.
J'ai fait pour ma part ma révolution culturelle (Sourires), et je crois que nous devons nous unir pour poursuivre dans cette voie, par une mutation de nos mentalités et de nos comportements. A chacun de nous de l'accomplir !
Veillons ensuite à ce que ce texte ne devienne pas un leurre, mais qu'il soit bel et bien suivi d'effet. Je reste persuadé que c'est par étapes progressives - que nous parcourerons, je l'espère, à grandes enjambées - que nous aboutirons à un résultat satisfaisant et positif.
Enfin, l'incitation à la mise en place d'une politique volontariste de la part des partis sera-t-elle suffisante ? Tout le monde s'accorde à penser que les partis politiques se doivent de montrer l'exemple, mais pour qu'une société soit équilibrée, ne convient-il pas que l'évolution touche le domaine privé, qui est celui de l'entreprise, et l'administration ?
La mission d'information sénatoriale relevait dans ses conclusions que « le taux significatif de femmes dans les assemblées politiques en Suède n'empêchait pas les femmes de ce pays de n'occuper que 10 % des postes d'encadrement dans les entreprises privées et 30 % dans l'administration, ces taux s'établissant, en France, respectivement à 22 % et 40 % ». On ne peut décidément pas être bon partout ! Nous accusons donc, en France, un retard dans nos assemblées parlementaires, mais nous sommes plus avancés dans d'autres sphères d'activité, et il faut s'en féliciter.
La modification de la Constitution que nous adopterons, je l'espère, aujourd'hui donnera au législateur les moyens d'obliger les partis politiques à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions. Ce sera une nouvelle étape vers plus de justice et vers un renforcement du rôle et de la place des femmes. Ce sera aussi pour les assemblées, j'en suis persuadé, un enrichissement, car la présence de femmes élues plus nombreuses influencera la qualité et la teneur des débats, grâce aux sensibilités et aux approches souvent complémentaires des deux sexes.
Mais la décision de modifier la Constitution pour y inscrire solennellement l'égal accès aux responsabilités politiques des femmes et des hommes constitue aussi, bien entendu, un signe fort en direction de la société, pour que, dans tous les domaines, les femmes voient leur place revalorisée, comme leurs mérites le justifient amplement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Henri Weber applaudit également.)
M. le président. Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en guise d'introduction à mon bref propos, j'indiquerai que, par référence à ce qu'a dit le précédent orateur qui est intervenu avant la suspension de séance, ma révolution culturelle est faite depuis longtemps.
Dès 1971, un tiers des membres de mon conseil municipal étaient des femmes. En 1967, j'ai eu une suppléante, qui est devenue députée lorsque je suis entré au Gouvernement ; elle a siégé pendant deux législatures à l'Assemblée nationale.
Les membres de la commission des lois ont eu le privilège d'entendre, dans un silence qui, il faut bien le dire, est assez inhabituel, une grande dame, dont la force de conviction n'avait d'égale que la hauteur de vue, leur expliquer les raisons pour lesquelles elle était hostile au principe de ce qu'il est convenu d'appeler la « parité hommes-femmes ».
Professeur de philosophie à l'Ecole polytechnique, elle avait reçu, nous a-t-elle dit, mandat de ses élèves féminines de les laver de l'humiliation que représente à leurs yeux ce terme de « parité ».
Invitant les commissaires à se méfier des fausses évidences, elle a dénoncé la manipulation des concepts, la détérioration du concept d'universalité au profit d'un droit à la différence, celui-là même qui a permis à de tristes théoriciens de l'extrême droite de justifier les pires excès des régimes racistes. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Le dualisme du projet de loi constitutionnelle, a-t-elle affirmé, ouvre la voie au multidifférencialisme. A ses yeux, comme, en son temps, à ceux de Simone de Beauvoir, le remède proposé est pire que le mal et, après avoir rappelé que c'est une assemblée d'hommes qui a donné l'IVG aux femmes, d'avancer plaisamment : « Si l'on s'engage dans la voie du projet de loi, demain, dans un jury d'assises, un violeur dira : Je ne veux pas être jugé par des femmes. » (Exclamations sur plusieurs travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Les perspectives de l'échec de la république universelle l'inquiètent : « Les lobbies sont déjà en place, qui viendront réclamer leurs quotas de noirs, de beurs, d'homosexuels... » Ne jouez pas au coup par coup, nous a-t-elle adjuré, mais voyez plutôt le coup d'après.
Les Etats-Unis ont aujourd'hui compris les méfaits de la doctrine de la Cour suprême separate but equal, qui a abouti trop longtemps à justifier l'apartheid dans les Etats du Sud. Et ce sont aujourd'hui les professeurs noirs, avec les quotas qui conduisent certains à les décrédibiliser, qui sont depuis quelque temps les premiers à demander qu'on en finisse avec ces quotas. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mme Hélène Luc. C'est insupportable !
Mme Odette Terrade. Les femmes ne sont pas des quotas !
M. Christian Bonnet. L'évolution ô combien souhaitable se fera naturellement, On ne tardera pas à le vérifier lorsque l'on connaîtra la composition des listes pour les élections européennes. La sanction, selon moi, sera rude pour ceux qui n'auraient pas compris la nécessité de faire leur place aux femmes, et en bonne place s'entend. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme Hélène Luc. Qu'avez-vous fait dans vos groupes ? Il faut bien reconnaître que vous avez échoué jusqu'à présent. Il faut donc faire autre chose !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, laissez l'orateur s'exprimer. Vous ne pouvez demander à vous exprimer dans le calme si vous perturbez vous-mêmes les autres orateurs. Ecoutons donc M. Bonnet en silence. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Bonnet. Le principal mérite de ce débat sera d'avoir fait comprendre aux têtes des listes qui paraissent devoir prendre le départ pour le scrutin du mois de juin qu'elles ne peuvent pas ruser avec la place qu'occuperont les femmes sur leurs listes.
M. Jean-Marie Poirier. Très bien !
M. Christian Bonnet. En ce domaine, la vie politique est en retard sur l'évolution de la société - cela est indéniable - mais si la prise de conscience a été lente à venir, elle est là.
Ainsi, la semaine dernière, sur les trois nominations en jeu au CSA, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, deux ont profité à des femmes, et Mme le garde des sceaux est, au demeurant, une brillante illustration de la place éminente que des femmes remarquables peuvent prendre dans notre vie politique. Il est donc véritablement paradoxal de la voir défendre un texte qui sacrifie à ce travers bien français qui consiste à tout prétendre régler par la loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Dominique Braye. Ça, c'est sûr !
Mme Hélène Luc. Quand ça ne fonctionne pas, on ne peut pas faire autrement !
M. Christian Bonnet. La commission des lois, dont la conviction majoritaire s'est trouvée renforcée par l'argumentation développée devant elle, a décidé, plutôt que d'amender l'article 3 de la Constitution, de procéder à une adjonction à l'article 4 qui traite de la place des partis dans l'organisation des pouvoirs publics. Cette suggestion venait - le procès-verbal de la commission en fait foi - de l'autorité à laquelle je faisais allusion en commençant mon propos.
Soucieuse de ne pas paraître indifférente au problème posé - mais mal posé - par le projet de loi et estimant que sa solution réside dans une politique volontariste à l'intérieur des formations politiques, elle a voté un amendement se décomposant en deux parties bien distinctes.
La première, qui pose le principe selon lequel les partis « favorisent un égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives », n'a pas donné lieu à discussion. La seconde, en revanche, a prêté à discussion. Elle dispose en effet, depuis un vote intervenu ce matin même en commission, que « les règles relatives à leur financement public peuvent contribuer à la mise en oeuvre des principes énoncés aux alinéas précédents. »
Ces principes, ce sont la souveraineté, la démocratie et l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Or, nous sommes un certain nombre à estimer qu'il n'est pas convenable - qualificatif à prendre dans sa plus large acception - d'introduire dans la Constitution une question relative au financement des partis politiques. Ce serait là une grande et affligeante première dans la mesure où elle abaisserait une loi constitutionnelle au niveau d'une loi ordinaire. Ne touchez aux lois que d'une main tremblante, écrivait Montesquieu.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Christian Bonnet. Et c'est avec plus de précautions encore, des précautions infinies, qu'il convient de toucher à la loi suprême, à la loi fondamentale, que des modifications incessantes n'ont, ces temps, que par trop tendance à banaliser et à fragiliser. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Grande première, disais-je, grande et paradoxale première dans la mesure où, dans le souci de faire aux femmes qui le désirent la place qu'elles méritent dans notre vie publique, on en viendrait à les humilier en faisant d'elles un enjeu financier ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Telles sont les raisons pour lesquelles, bien qu'il n'ait pas eu l'aval de la commission, mais assuré du concours de nombre de mes amis, je défendrai, lors de la discussion des articles, un sous-amendement tendant à la suppression du second alinéa du texte proposé par la commission pour l'article 4 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis cinq mille ans, depuis qu'a commencé à se mettre en place une société hiérarchisée, avec Etat, culte, armée, organisation socio-économique, les pouvoirs - tous les pouvoirs - ont été exclusivement exercés par des hommes.
Un sénateur du RPR. Et Cléopâtre ?
M. Yvon Collin. Bien sûr, mes chers collègues, nous ne pouvons sérieusement porter, à nous seuls, ici, la responsabilité de cinquante siècles d'histoire, et ce d'autant moins que les revendications des mouvements féministes en termes de pouvoir ou de place des femmes dans la vie publique n'ont véritablement pris leur essor que depuis les années soixante-dix. Notre responsabilité se limite donc à ce qui s'est passé ces trente dernières années, et force est de constater que les évolutions sont lentes - c'est le moins que l'on puisse dire ! - quels que soient les domaines.
Certes, l'accès massif à un travail salarié a donné aux femmes une autonomie financière qu'elles n'avaient pas auparavant ; mais, dans tous les pays du monde, y compris le nôtre, à travail égal, le salaire est inégal entre les hommes et les femmes. Ajoutons - circonstance aggravante - que le chômage touche davantage les femmes que les hommes.
Certes, nous dira-t-on, les femmes ont gagné la bataille du droit à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse. Il faut toutefois signaler que les trop nombreux signes d'atteintes à ces droits dans plusieurs pays du monde, même en Europe, nous imposent à tous une vigilance de tout instant.
Certes, s'agissant des droits politiques, les femmes, à force de courage et de détermination, les ont obtenus. Mais là aussi, le triomphalisme n'est pas complètement de mise. Si les droits sont là, il n'en est pas de même des résultats en termes d'occupation des mandats électoraux. La difficulté consiste donc, aujourd'hui, à accroître la place des femmes dans la vie publique.
Nous connaissons les chiffres. La France est caractérisée par un énorme retard dans l'accès des femmes aux fonctions politiques. Notre pays est confronté à une situation de quasi-blocage qui évolue très lentement, ce que quelques constats éclairent : il y avait autant de femmes parlementaires en 1946 au sein de l'Assemblée constituante qu'en 1993 au sein de l'Assemblée nationale. Il a fallu attendre 1983 pour atteindre le taux de 10 % de femmes dans les conseils municipaux...
Mme Danièle Pourtaud. 8 % !
M. Yvon Collin. ... et 1995 pour arriver à 20 %. Les femmes représentent moins de 10 % des maires, et, de plus, à de rares exceptions près, elles sont à la tête de communes de moins de 2 000 habitants. Très peu nombreuses au sein des conseils généraux et du Parlement, elles sont également écartées des présidences de structures intercommunales et, bien sûr, sauf un ou deux cas, des présidences des conseils régionaux et généraux.
Mme Danièle Pourtaud. Bravo !
M. Yvon Collin. Pourquoi une telle situation existet-elle ? Une explication est souvent avancée : le caractère latin méditerranéen, dont la France participerait, serait plus machiste que le caractère nordique ou anglo-saxon.
Cette explication ne peut nous satisfaire, car les pays européens du Sud - l'Italie, l'Espagne et le Portugal - dépassent largement la France, qui, on le sait, rivalise avec la Grèce... pour la dernière place ! Surtout, il faut bien constater que la Grande-Bretagne est également très en retard, phénomène qui a peut-être été occulté par la longue présence de Mme Thatcher aux affaires du pays.
On peut alors se poser la question du poids de l'histoire. La France et la Grande-Bretagne sont les deux pays qui ont mené les premiers combats démocratiques et gagné les premières victoires. La démocratie a bâti pendant des décennies - un siècle et demi pour notre pays - une image masculine qui se prévalait en plus d'universalité. On se rappelle Olympe de Gouges - c'est une fierté de mon département, puisqu'elle était montalbanaise - qui habitait non loin d'ici et écrivit la première déclaration des droits des femmes : « La femme, disait-elle, a le droit de monter à l'échafaud. Il faut qu'elle ait le droit de monter à la tribune. » On connaît son sort : elle monta à l'échafaud ! Et il fallut cent cinquante ans aux femmes, non pour monter à la tribune mais pour avoir le droit de vote.
Les autres pays ont vu les hommes et les femmes accéder plus tard, presque en même temps pour l'un et l'autre sexe, à la citoyenneté. Peut-être est-ce pour cela, d'ailleurs, qu'ils ont moins de réticences à répartir plus équitablement les responsabilités politiques ?
On peut aussi avancer l'idée que les femmes françaises disposent d'atouts qui peuvent se retourner contre elles pour l'exercice de responsabilités politiques. Ainsi, la France est le deuxième pays européen en termes de travail salarié féminin, et le premier pays en ce qui concerne le travail féminin à plein temps.
Mme Hélène Luc. Tout à fait !
M. Yvon Collin. La plus grande autonomie financière et psychologique donne une liberté que le temps consacré au travail peut à l'évidence réduire pour des activités politiques. (Protestations sur certaines travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. Il ne faut pas le prendre comme ça !
M. Yvon Collin. Il est aussi permis de signaler que la prise de pouvoir passe par des rites, des méthodes façonnées par les hommes. La politique, on le sait, est un combat permanent pour s'imposer, en premier lieu, au sein de son parti politique - ce n'est pas facile - ensuite face à l'adversaire et, enfin, pour imposer ses idées. Les hommes, de tout temps majoritairement au pouvoir, ont construit des armes éloigné de la sensibilité féminine.
Mes chers collègues, quelles que soient les raisons de la faiblesse numérique des femmes dans la vie politique, si l'on se réfère au rythme de progression actuel, il faudra encore cinq cents ans pour arriver à la parité.
Parce que les évolutions naturelles sont lentes, il est nécessaire de provoquer une arrivée massive des femmes dans le champ du pouvoir politique par le biais législatif et préalablement par celui d'une révision de la Constitution.
En effet, même si, en droit, l'égale éligibilité des hommes et des femmes est établie, seule la mention explicite de ce droit dans la Constitution permettra d'adopter des lois favorisant la parité.
Le présent projet de loi constitutionnelle s'inscrit dans cette démarche qui n'est pas, c'est vrai, sans soulever des querelles juridiques.
Ceux qui s'opposent à cette modification avancent notamment le principe d'universalité. Ainsi, selon certains, la représentation des femmes « ès qualités » mettrait à mal ce principe et ouvrirait la porte à des représentations spécifiques des différentes couches, classes, catégories de la société.
Les radicaux de gauche, attachés à l'intégrité de la République, ne peuvent qu'être extrêmement sensibles à cet argument. Pourtant, ils sont favorables à cette modification de l'article 3 de la Constitution, considérant que les femmes ne sont pas une catégorie ou une couche spécifique de la population. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées socialistes.) Elles sont, comme les hommes, l'humanité même. Sans les femmes, comme sans les hommes, il n'y aurait pas d'humanité ! (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Yvon Collin. L'argument de l'universalité ne peut donc être retourné contre elles. Depuis deux cents ans, la vie politique démocratique française a vu décliner l'universalité au masculin. La conséquence en est l'injustice, mais pas seulement. Un individu ne peut bien marcher que sur ses deux jambes.
La démocratie ne peut fonctionner harmonieusement qu'en faisant participer à la décision non pas des femmes et des hommes, mais le féminin et le masculin, dans leurs différences mais aussi dans leur égalité.
Cette égalité est souvent mise en cause dans le droit, et, dans les pays développés, dans les faits.
Dire que les femmes et les hommes sont différents et que, en conjuguant ces différences, ils ne peuvent que rendre le monde meilleur, ce n'est pas s'attaquer à l'égalité ; au contraire, c'est dire que l'universalité ne peut être que mixte, féminine et masculine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gélard. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes tous d'accord pour constater qu'il y a un problème dans la vie politique française : la sous-représentation des femmes au Parlement et parmi les titulaires des fonctions et mandats électifs.
On a même entendu dire, ce matin, que la France - triste record ! - était la lanterne rouge des démocraties quant à la représentation féminine.
M. Claude Estier. C'est vrai !
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est la vérité !
M. Patrice Gélard. Je crois que nous sommes tous d'accord pour porter le diagnostic, pour constater cette évidence. Toutefois, nous divergeons sur les thérapeutiques à employer.
M. Henri Weber. C'est vrai également !
M. Patrice Gélard. En d'autres termes, il y a un problème, même s'il n'est peut-être pas forcément d'une actualité brûlante, comme certains voudraient nous le faire croire.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Oh !
M. Patrice Gélard. Ainsi, la manifestation qui a eu lieu tout à l'heure devant le Sénat n'est pas tout à fait représentative. Certes, les sondages d'opinion n'ont pas encore fait état d'une exigence absolue, mais c'est politiquement correct.
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet. On aura tout entendu !
M. Patrice Gélard. Je voudrais reprendre le diagnostic et évoquer les remèdes.
En ce qui concerne le diagnostic, je conviens de la sous-représentation des femmes dans la vie politique.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Il est difficile de dire le contraire !
M. Patrice Gélard. Mais relativisons quelque peu. On l'a dit, il y a une extension considérable des femmes au travail. On l'a dit également, il y a une extension considérable des femmes responsables, tant dans la fonction publique que dans le secteur privé. La France devance même, à cet égard, les pays nordiques, qui sont pourtant champions toutes catégories quant à la représentation féminine dans leur parlement.
Permettez-moi de vous faire part de mon expérience d'enseignant : d'année en année, j'ai vu le nombre des étudiants diminuer, tandis que celui des étudiantes augmentait. Mais cela, c'est secondaire. Ce que j'ai surtout vu, c'est que les étudiantes étaient les meilleures, qu'elles obtenaient systématiquement les meilleures places, les meilleures mentions et qu'elles étaient fréquemment majors de leur promotion. C'est un phénomène général que l'on constate non pas seulement dans les facultés de droit, mais aussi dans les écoles d'ingénieurs : on pourrait citer le cas de l'Ecole polytechnique, de l'Ecole centrale, de HEC, où les majors de promotion sont de plus en plus fréquemment des femmes qui, dès lors, obtiennent de plus en plus souvent des emplois de la plus haute responsabilité.
On assiste également à une féminisation croissante, dans des proportions très élevées, de corps entiers d'activité professionnelle : nous connaissons tous la situation de l'enseignement, où 65 % des enseignants sont des femmes, de la magistrature, du métier d'avocat, des métiers sociaux et des métiers de la santé, de la fonction publique, où le nombre des femmes dépassent souvent très largement celui des hommes.
M. Dominique Braye. Eh oui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cela dépend du grade !
M. Patrice Gélard. Nous devons aussi constater - évidemment, l'évolution est lente, mais réelle - l'augmentation croissante du nombre des femmes dans les conseils municipaux - dans le mien, il y en a 45 % - ...
Mme Hélène Luc. C'est bien !
M. Patrice Gélard. ... dans les conseils généraux, dans les conseils régionaux, parmi les députés européens et parmi les maires. Il est vrai - nous en sommes tous d'accord - que beaucoup de progrès restent à faire au niveau des conseils généraux, des conseils régionaux et, bien entendu, du Parlement.
On a dit beaucoup de choses sur la situation dans les pays étrangers, et je voudrais tout de même relativiser quelque peu les propos tenus à cet égard : exception faite des démocraties du nord de l'Europe, qui ont une tradition de représentation féminine forte et ancienne, on ne peut généraliser ce qui a été dit par les uns ou par les autres sur les autres pays européens. Les choses sont beaucoup plus compliquées qu'il ne le paraît et mériteraient souvent une analyse plus fine, notamment en ce qui concerne les lois ayant favorisé la place des femmes, ici ou là, dans les pays étrangers. On a oublié de dire, par exemple, que le Sénat américain ne compte que deux femmes sénateurs. Ce n'est pas assez, nous le reconnaissons tous.
Mme Dinah Derycke. Ce n'est pas une référence !
Mme Nicole Borvo. Bravo le Sénat français !
M. Patrice Gélard. J'estime dommage que les femmes interviennent par des protestations diverses, car, ce faisant, elles ne donnent pas un bon exemple pour la suite ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Maîtrisez-vous, mesdames !
M. Claude Estier. Vous n'intervenez jamais comme cela ?
M. Patrice Gélard. Non, je n'interviens pas !
M. Claude Estier. Pas vous peut-être, mais les membres de votre groupe le font ! Votre collègue Dominique Braye, par exemple !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. Gélard a la parole, nous l'écoutons !
M. Patrice Gélard. Qui est responsable de cette situation ? Ce n'est pas la Constitution : celle-ci garantit pleinement l'égalité de l'homme et de la femme dans plusieurs articles, que ce soit au travers de l'article Ier ou de l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - je ne vais pas les rappeler, vous les connaissez tous par coeur - ou encore de l'alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946, ou de l'article 1er de notre Constitution.
Nous avons dit et répété que la femme était l'égale de l'homme ou que l'homme était l'égal de la femme, et cette égalité absolue est garantie dans le texte constitutionnel.
Dans ce cas, me direz-vous, pourquoi déposer un projet de loi afin de favoriser cette égalité ou de déterminer les conditions dans lesquelles elle pourrait être mieux réalisée ? Tout simplement parce que nous reconnaissons qu'il existe des blocages dans notre société.
Qui est le responsable réel de cette situation ? Est-ce le législateur ? C'est ce qu'on voudrait nous faire croire. Mais le législateur n'est pas en cause ! En effet, dans le passé, il a pris un certain nombre de mesures pour favoriser ou aider les femmes à accomplir un certain nombre de tâches, et je n'entrerai pas dans le détail des divers aménagements qui ont été opérés dans le cadre de la fonction publique, des conventions collectives ou de la législation concernant, par exemple, les victimes de guerre ou les veuves de guerre.
Peut-être ces aménagements sont-ils insuffisants, et sans doute pouvons-nous regretter de ne pas être allés plus loin dans le statut de l'élu ou dans le statut du candidat aux élections, ce qui aurait peut-être permis aux femmes de se présenter plus librement auxdites élections. Mais rien n'a été fait pour favoriser, justement, l'égalité de situation d'une femme et d'un homme lorsqu'ils se présentent à une élection, et on peut le déplorer.
Toutefois, le législateur est resté fidèle à la conception générale de notre Constitution, il est resté attaché au principe d'égalité, au principe d'universalité, au principe d'intégration, et il a toujours été hostile, depuis la Révolution française, à toute mesure législative qui instaurerait des catégories.
Alors, si ce n'est pas le législateur, peut-être est-ce la société qui est responsable ! Il existe, en effet, une vieille règle que tous les chercheurs en sociologie et en science politique ont mise en évidence : il faut toujours un certain temps pour que les psychologies, pour que les mentalités s'adaptent à des situations nouvelles. Des études anciennes ont ainsi démontré que, sous la IIIe République, le maire aristocrate restait maire alors que l'aristocratie n'avait plus de raison d'être. Et l'on observe aujourd'hui ce même phénomène : les hommes restent là parce qu'il y a une tradition, parce que des habitudes ont été prises et que la société ne les a pas changées.
La loi n'a jamais modifié les mentalités ! Lorsqu'elle veut le faire, elle risque de s'engager dans un processus dangereux, car la loi ne fait que suivre les mentalités.
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est faux !
M. Patrice Gélard. Alors, qui est coupable si ce n'est ni la société ni le législateur ? Eh bien, ce coupable, montrons-le du doigt : ce sont les partis politiques.
Il n'y a pas eu besoin de loi dans les pays scandinaves ou dans les autres démocraties européennes pour faire en sorte que la représentation féminine soit à peu près égale à celle des hommes.
Ce sont donc les partis politiques qui n'ont pas fait l'effort nécessaire pour permettre que, lors des investitures puis des campagnes électorales, les femmes puissent bénéficier d'une situation comparable à celle des hommes.
Il est vrai que le militantisme féminin a été plus tardif que le militantisme masculin, mais on peut regretter que les partis politiques français, contrairement, par exemple, aux partis politiques allemands, britanniques ou américains, n'aient pas fait l'effort que le parti conservateur et le parti travailliste en Grande-Bretagne, la SPD et le CDU en Allemagne, le parti démocrate et le parti républicain aux Etats-Unis ont pu réaliser. Dans ces différents pays, dans chaque circonscription, il y a un vice-président homme et un vice-président femme ou bien, lorsque le secrétaire est un homme, le secrétaire adjoint est une femme et inversement.
Il existe cependant chez nous une exception qu'il convient de saluer : c'est celle du parti communiste qui, depuis très longtemps, a fait dans ce domaine des efforts que les autres partis auraient intérêt à suivre, je dois le reconaître.
Mme Hélène Luc. Merci !
M. Claude Estier. Et le parti socialiste ?
M. Patrice Gélard. Le parti socialiste a fait des efforts récents, je le reconnais, mais dans un contexte très facile, celui de la dissolution, qui lui a permis, compte tenu du très petit nombre d'élus dont il disposait, de présenter dans toutes les circonscriptions des candidats nouveaux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier. Merci Chirac !
Mme Nicole Borvo. C'est en effet le responsable !
M. le président. Monsieur Gélard, ne distribuez pas les mérites, sinon nous n'en sortirons pas !
M. Patrice Gélard. J'arrête, monsieur le président !
La raison essentielle de la réforme qu'on nous propose, nous la connaissons : il s'agit de faire sauter le verrou des décisions du Conseil constitutionnel de 1982 et de 1999.
M. Henri Weber. Exactement !
M. Patrice Gélard. C'est la seule motivation !
M. Henri Weber. En effet, c'est la seule !
M. Pierre Mauroy. Non, il y en a d'autres !
Mme Nicole Borvo. Mettez-vous d'accord ! (Sourires.)
M. Patrice Gélard. Il s'agit de permettre l'instauration de quotas lors des élections. (Ah ! sur les travées socialistes.) Or sans doute, à cet égard, d'autres solutions étaient-elles possibles. Mais on ne les a ni explorées, ni analysées, ni discutées.
M. Marcel Debarge. On attend !
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
M. Patrice Gélard. Les autres formules possibles consistaient tout d'abord à modifier la Constitution en visant directement le régime des élections. Le droit électoral devenait ainsi partie intégrante du droit constitutionnel. Mais on ne l'a pas fait, car cela aurait pu nous entraîner trop loin.
La deuxième solution consistait, tout en modifiant la Constitution, à renvoyer à la loi organique pour tout ce qui concerne le droit électoral. On ne l'a pas fait non plus.
D'autres solutions ont cependant été proposées. Celle du Gouvernement consistait à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et mandats. Mais, comme l'a justement souligné le doyen Vedel, dans un article paru dans le journal le Monde , cette solution aurait obligé le législateur à demander à chaque fois au Conseil constitutionnel si le projet de loi, quel qu'il soit, dont il était saisi était ou non conforme à ce principe. Il se serait ainsi défaussé de son pouvoir législatif sur le Conseil constitutionnel.
Quant à déterminer les conditions d'exercice de ce principe, cela implique qu'à l'occasion de l'examen de chaque nouvelle loi électorale le Conseil constitutionnel pourra estimer que la loi n'a pas assez tenu compte de la nécessité de déterminer les conditions d'égal accès des hommes et des femmes.
En d'autres termes, adopter le texte retenu par l'Assemblée nationale nous aurait obligés, à chaque modification de notre droit électoral, à intégrer la dimension d'égalité.
Mme Danièle Pourtaud. Eh oui !
M. Pierre Mauroy. C'est normal !
M. Patrice Gélard. Nous aurions ainsi été contraints d'instaurer, si ce n'est des quotas du moins des mesures contraignantes pour chaque élection. Or ces mesures portent gravement atteinte à la liberté d'expression du suffrage, à la liberté de candidature et à l'égalité, donc à des principes républicains et démocratiques intangibles. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Parmi les autres solutions possibles, j'en ai déjà indiqué une tout à l'heure : favoriser, lors des campagnes électorales, les possibilités de candidature pour les femmes. Mais il en est encore d'autres, qui consistent, par exemple, à interdire brutalement la réélection. On peut utiliser n'importe quelle formule et n'importe quelle arme, mais, en interdisant la réélection, on ouvre la possibilité, à chaque réélection, à de nouveaux candidats - donc à des candidats femmes - de se présenter.
Voilà pourquoi j'estime que nous devons nous rallier au texte proposé par la commission des lois. A notre sens, en effet, les quotas sous-tendus par le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale sont contraires au principe essentiel sur lequel reposent notre République et notre démocratie, car ils portent atteinte non seulement au principe d'égalité, en particulier à l'égalité des mérites et des talents dont il est fait mention à l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais aussi à des droits et à des libertés essentiels : le droit et la liberté de suffrage, le droit et la liberté d'être librement candidat aux élections.
Analysons un peu plus en profondeur le système des quotas.
D'abord, je rappelle que, si nous avons parfois pratiqué dans notre pays le système des quotas, nous n'en sommes pas glorieux pour autant. Ainsi, lorsque nous avons établi le système du double collège en Algérie ou en Afrique noire, il s'agissait bien de quotas puisqu'il s'agissait alors de favoriser la population métropolitaine. (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
C'est bien ce que nous avons fait sous la IVe République, et nous n'avons pas à en être fiers !
M. Marcel Debarge. Aucun rapport !
M. Patrice Gélard. Si, il y a un rapport : ce sont des quotas !
Mme Dinah Derycke. Non, cela n'a aucun rapport !
Mme Hélène Luc. Et pourquoi pas les quotas laitiers ?
M. Patrice Gélard. Notre droit administratif et notre droit du travail comportent aussi, ou ont comporté, certaines dispositions s'apparentant aux quotas. Il en est ainsi de certains emplois réservés pour les veuves de guerre, ou encore de la législation sur les handicapés.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Elle se défend !
M. Patrice Gélard. Nous savons que la réglementation européenne autorise ce type de dispositions dans la vie professionnelle ; mais, là, nous sommes dans la vie politique !
Où a-t-on pratiqué les quotas dans la vie politique ? Le rapport présenté par M. Cabanel mentionne un certain nombre d'Etats, mais sa liste est incomplète et imparfaite. En effet, outre l'Argentine, le Brésil et la Corée - ce dernier pays les a d'ailleurs supprimés dans sa nouvelle Constitution -, le Népal, le Bangladesh et le Pakistan pratiquent les quotas. Mais quelle sorte de quotas ? Au Bangladesh, au Pakistan et au Népal, étant donné que les femmes ne peuvent pas être élues députées, ce sont les députés hommes qui élisent les députées femmes, ce qui est assez extraordinaire ! (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo. Quelle comparaison !
M. Patrice Gélard. En d'autres termes, lorsque des quotas ont été imposés dans une Constitution, ils ont le plus souvent été le fait de régimes non démocratiques, de régimes qui ne respectent pas les droits de l'homme, notamment en matière d'égalité entre l'homme et la femme. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier. Vous n'avez pas de meilleures références ?
Mme Nicole Borvo. C'est triste !
Mme Hélène Luc. Oui, c'est vraiment triste !
M. Patrice Gélard. Ajoutons que, autrefois, les pays communistes avaient tous établi un système non officiel de quotas pour organiser leurs élections.
M. Dominique Braye. On a vu ce que cela a donné !
M. Patrice Gélard. Il y avait ainsi 35 % de femmes, 25 % de jeunes, 22 % de vieux, 14 % de kolkhoziens, tant d'ouvriers, etc., afin que la représentation politique soit la plus proche possible des statistiques officielles de la composition de la population.
M. Dominique Braye. Officielles !
M. Henri Weber. Nous sommes en démocratie !
M. Patrice Gélard. Justement, monsieur Weber, j'y viens : le système des quotas a été supprimé lorsque ces pays sont devenus démocratiques.
M. Lucien Lanier. Très bien !
M. Patrice Gélard. Résultat, on s'est aperçu que, systématiquement, les règles qui avaient été imposées avant cette suppression ont été remises en cause.
Mme Hélène Luc. J'en ai assez d'entendre parler de quotas à propos des femmes !
M. Patrice Gélard. J'ajoute que toute discrimination positive consistant à favoriser un groupe au détriment d'un autre est dégradante et dévalorisante pour ceux qui en bénéficient. (Nouveaux applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier. Mais les femmes ne sont pas un groupe !
M. Patrice Gélard. Partout où des quotas ont été mis en place, que ce soit dans la vie professionnelle, dans la vie militaire ou dans la vie politique, ceux qui en ont bénéficié ont été dévalorisés.
Mme Hélène Luc. Les femmes sont une catégorie, pas un quota !
M. Patrice Gélard. Ensuite, toute discrimination positive est attentatoire à la liberté de choix, à la liberté d'expression des suffrages, à la liberté de candidature et à la théorie du mandat représentatif.
Je suis donc favorable au choix de la commission des lois, qui considère qu'il est nécessaire de trouver une solution à la sous-représentation féminine dans nos assemblées ; je suis également favorable à l'alinéa supplémentaire que M. le rapporteur nous propose d'insérer dans le texte, parce qu'il permet de donner une consistance charnelle à un principe que nous voulons affirmer dans la Constitution.
Mme Nicole Borvo. Charnelle ? C'est intéressant !
M. Claude Estier. Le fric !
M. Patrice Gélard. Pas forcément : cela peut prendre d'autres aspects !
Enfin, nous sommes tous convaincus qu'un problème existe, et qu'il faut le résoudre. Mais les partis politiques sont en première ligne dans cette affaire !
Mme Odette Terrade. Certes !
M. Patrice Gélard. Il n'appartient pas au législateur, au nom de ce problème, de jouer avec les principes fondamentaux de la République et de la démocratie en remettant, même partiellement, même temporairement, ces principes en jeu. Ce serait alors trop dangereux, et cela risquerait de conduire rapidement à toutes les dérives, comme ce fut le cas chaque fois que des quotas ont été imposés ici ou là. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour exprimer mon soutien aux revendications exprimées par les manifestants qui se sont réunis à midi devant le Sénat (Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants) à l'appel des associations et du collectif « Droit des femmes » pour protester contre la décision de la commission des lois du Sénat de modifier totalement la philosophie du projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis aujourd'hui.
Je crois d'ailleurs savoir que M. le président du Sénat a reçu tout à l'heure, avant la séance, une délégation de ces manifestants.
M. le président. Le président est très démocrate, madame !
Mme Odette Terrade. Par l'annulation de la modification constitutionnelle initialement prévue à l'article 3 et en proposant de modifier, cette fois, l'article 4, la Haute Assemblée, si elle suit l'avis de la majorité de la commission des lois, assignerait aux seuls partis politiques la responsabilité de « favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ».
C'est dire combien des résultats significatifs pour une juste représentation des femmes dans les assemblées politiques seraient plus longs à obtenir !
C'est dire également combien le Sénat, comme par le passé, adopterait une position passéiste et figée et prendrait la responsabilité d'être en décalage avec la vie réelle !
Nous avons, au contraire, je le pense, le devoir d'offrir de notre chambre une image moderne, ouverte sur la société, attentive aux aspirations populaires, qui, sur ce sujet de la parité, sont très largement unanimes.
Au travers de la commission des lois, la droite sénatoriale entend, en fait, minimiser la portée du projet de loi constitutionnelle.
Au-delà de l'effet d'annonce, qui pourrait paraître séducteur, il s'agit bien de dénaturer le texte initial en portant gravement atteinte à la possibilité de mettre en oeuvre des dispositions législatives futures qui feraient vivre le principe de parité.
C'est, bien sûr, également une manoeuvre pour tenter de reporter à une date ultérieure la réunion du Parlement en Congrès.
Les associations féministes et féminines, les citoyennes et les citoyens, les élus qui déplorent la sous-représentation des femmes et veulent y remédier l'ont d'ailleurs bien compris. Depuis l'annonce de la proposition de la commission des lois, la mobilisation ne s'est pas fait attendre pour rappeler l'exigence que les femmes occupent dans la vie politique une place proportionnelle à celle qu'elles occupent dans la société.
Vendredi dernier, au Sénat, sur l'initiative de mon groupe et du groupe communiste de l'Assemblée nationale, s'est tenue une « rencontre pour réussir la parité » qui a réuni près de cent personnes. Cette initiative a donné lieu à une motion, signée par l'ensemble des participants, ayant pour objet de témoigner de la détermination des femmes, face à la décision de la commission des lois, de soutenir l'appel au rassemblement lancé par plusieurs associations, ce mardi, devant le Sénat, et de faire connaître leur colère à M. le Président de la République et à M. le Premier ministre, qui s'étaient formellement engagés à faire aboutir la parité pour moderniser réellement la vie politique et renforcer la démocratie.
De plus, les participants à cette rencontre ont réaffirmé leur volonté de voir adopté conforme le texte voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, afin de permettre la tenue du Congrès de Versailles le 8 mars, ainsi que leur détermination à veiller à l'application de la loi constitutionnelle par l'adoption de lois et la publication de décrets d'application nécessaires à la concrétisation de l'objectif de parité.
Ces revendications sont claires. Elles traduisent l'aspiration à un plus juste accès des femmes dans la vie politique, aspiration aujourd'hui partagée par près de 80 % de nos concitoyens, las de constater, une fois encore, un écart aussi important entre les principes et les faits.
En effet, personne ne peut nier, pas même la commission des lois du Sénat, l'écart « choquant », pour reprendre l'expression du Conseil d'Etat, entre la part des femmes dans la population et leur représentation dans les assemblées politiques.
La France est, avec la Grèce, - cela a été dit - le pays européen où les femmes sont le moins représentées au Parlement. Nos assemblées sont respectivement à 90 % et à 94,1 % masculines. Nous ne sommes que 10,9 % de femmes à l'Assemblée nationale, et 5,9 % au Sénat.
Comment une assemblée qui compte seulement 19 femmes sur 321 membres peut-elle prétendre être représentative de la société ? Au rythme du dernier renouvellement triennal de septembre, où une seule femme sur 102 sénateurs a été élue - il s'agit de notre collègue socialiste Yolande Boyer - c'est en siècles qu'il nous faudra compter pour noter une évolution significative !
Il faut également souligner les différences de traitement de l'égalité des sexes par chacun des groupes représentés. En effet, sur dix-neuf sénatrices, cinq sont membres du groupe communiste républicain et citoyen, qui ne compte que seize élus. La présidence de celui-ci est assurée par une femme, mon amie Hélène Luc, sénatrice du Val-de-Marne.
Au total, le Parlement compte 82 femmes parmi ses 893 élus, soit 9,18 %, alors que les femmes représentent 51 % de la population et 53 % du corps électoral.
Mme la garde des sceaux l'a rappelé ce matin, la situation n'est guère plus brillante pour les autres mandats : 21 % de conseillères municipales, mais seulement 7 % de femmes maires ; aucune femme dans 23 conseils généraux, une seule présidente de conseil général sur 104 ; deux femmes à la tête de conseils régionaux. Et l'on pourrait continuer encore longtemps cette énumération !
Au-delà de ces chiffres, peu glorieux, il y a un autre constat, à mon sens plus fondamental : ce déficit de femmes dans notre vie politique constitue un déficit majeur pour la démocratie. Combattre ce déficit revêt l'importance d'un véritable enjeu de société puisque cela permettra de corriger une situation qui a figure de démocratie inachevée du fait du choix, qui a jusqu'à présent prévalu, de se priver de la moitié de l'humanité.
Le principe d'égalité existe depuis longtemps dans notre droit, et pourtant, dans les faits, on est loin du compte. Il est par conséquent grand temps d'avoir une démarche volontariste. Modifier notre Constitution, qui, certes, contenait déjà ce principe, est une étape afin de passer d'un principe de proclamation à un principe de réalité.
Dans ce contexte, la parité devient un objectif, un instrument à faire de l'égalité. Car le concept fondamental est, bien entendu, l'égalité des sexes dans tous les domaines : politique, certes, mais également social, économique et familial.
Certains objectent que la parité remettrait précisément en cause l'égalité des citoyens puisqu'elle introduirait une discrimination positive. Mais force est de constater que, au fil du temps, l'universalisme n'a servi que les hommes et leur pouvoir ! Aussi, la mixité de l'humanité me paraît plus garante de démocratie que la neutralité de sexe que certains prêtent à la citoyenneté.
Par ailleurs, la dérive de catégorisation ne me semble pas planer sur notre droit fondamental, tant il est vrai que l'on ne pourrait réduire les femmes à une catégorie sociale, et encore moins à une minorité. Elles sont, je le rappelle, au même titre que les hommes, une composante de l'humanité qui traverse toutes les catégories.
Notre attachement à voir un plus grand nombre de femmes participer à la vie publique ne tient ni du paternalisme ni de l'idéalisme. La féminisation de notre vie politique ne se substituera pas au débat d'idées nécessaire à une démocratie. Elle renforcera cette dernière en la rendant plus représentative de la société. C'est, à notre sens, une mesure de justice.
J'entends également certaines voix s'élever pour dire que c'est aux électeurs qu'il appartient de choisir. Je partage, pour ma part, l'avis de M. Carcassonne, professeur de droit public auditionné par la commission des lois, qui considère qu'on ne peut invoquer la liberté de l'électeur pour s'opposer à la parité puisque, en l'absence de possibilité de panachage, l'électeur est d'ores et déjà privé de liberté dans la plupart des scrutins.
M. Henri Weber. C'est exact !
Mme Odette Terrade. Quant à l'argument selon lequel l'instauration de la parité conduisant à l'augmentation du nombre de femmes élues aboutirait, en fait, à leur dévalorisation, voire à une fragilisation de leur situation, permettez-moi de retourner quelque peu la remarque. En effet, celle-ci est alors valable pour les hommes, qui, durant de longues années, ont été les seuls à avoir accès aux assemblées politiques.
Veuillez m'excuser cette liberté de langage, mes chers collègues, mais il est bien malheureux que la peur de « l'homme potiche » n'ait jamais hanté les esprits, alors qu'elle semble devenir une préoccupation majeure, y compris dans notre éminente assemblée, dès qu'il s'agit de femmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Oui, il est urgent de mettre un terme à l'exclusion des femmes de la représentation politique. C'est pourquoi le Gouvernement a saisi les deux assemblées d'un projet de loi constitutionnelle.
A cet égard, madame la ministre, le choix de la voie référendaire n'aurait-il pas été plus judicieux que celui de la saisine du Parlement ?
L'un des objectifs majeurs du projet de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd'hui est de faire sauter le verrou posé par le Conseil constitutionnel depuis sa décision du 18 novembre 1982, confirmée plus récemment par celle du 14 janvier dernier.
Le débat à l'Assemblée nationale a, de notre point de vue, enrichi le texte initial, en rendant la marge d'appréciation du juge constitutionnel plus infime. Il laisse ainsi au législateur la responsabilité du choix des moyens pour mettre en oeuvre l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Cette mesure me paraît, de plus, offrir davantage de garanties pour mettre en oeuvre les autres réformes législatives qui contribueront, effectivement, à l'égalité des femmes et des hommes.
C'est pour les mêmes raisons que le groupe communiste à l'Assemblée nationale avait voté avec enthousiasme ce projet de loi constitutionelle ainsi amendé, en appelant de ses voeux des réformes ultérieures assurant un égal accès des femmes et des hommes à la représentation politique.
En effet, la meilleure des lois, fût-elle constitutionnelle, ne permettra pas, à elle seule, un plus grand accès des femmes à la vie politique, aux fonctions et mandats électifs. D'autres lois seront nécessaires pour que cette réforme constitutionnelle ne reste pas lettre morte et ne s'en tienne pas seulement à une portée symbolique. Des mesures volontaristes sont indispensables, telles que celles qui portent sur le statut de l'élu, le non-cumul des mandats et la révision des modes de scrutin. On constate en effet que les scrutins à la proportionnelle facilitent, de fait, l'élection de femmes.
Notre souhait de réformes complémentaires vise non pas à remplacer une élite masculine par une élite féminine, mais à faire qu'un plus grand nombre de nos concitoyens et de nos concitoyennes participent à la vie politique et investissent les lieux de décision.
Au-delà de la sphère du politique, il y a aussi, bien sûr, toutes les pistes de lois à envisager pour lutter efficacement contre les discriminations dans le monde professionnel, tant du point de vue du salaire que du point de vue de la carrière. C'est la première attente des Françaises interrogées dans une toute récente enquête d'un magazine féminin. Notre rôle de parlementaires est d'apporter des solutions concrètes à ces problèmes majeurs.
Madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse d'avoir pu m'exprimer, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, sur ce sujet de l'égalité des femmes et des hommes, qui, vous l'avez compris, me tient particulièrement à coeur.
Les embûches et les étapes ont été nombreuses dans la lutte des femmes pour conquérir leurs droits et parvenir à l'égalité. Je pense notamment au droit de vote, au droit à l'IGV, à l'accès à la contraception, aux luttes pour l'emploi, aux luttes pour l'égalité professionnelle.
Aujourd'hui, tout n'est pas réglé, loin s'en faut. Pourtant, cette modification constitutionnelle peut être un levier pour la conquête d'une plus grande égalité des sexes, à la hauteur d'une société moderne et démocratique du troisième millénaire. Le groupe communiste républicain et citoyen est fier d'y prendre sa part.
Aussi, nous nous opposerons aux amendements de la commission des lois, préférant la version issue des travaux de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Madame Luc, Mme Terrade a été écoutée attentivement. J'espère qu'il en sera de même pour les autres orateurs. Je vous en remercie à l'avance. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
La parole est à M. Weber.
Mme Hélène Luc. Bien sûr, nous allons écouter attentivement M. Weber ! (Rires.)
M. Henri Weber. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai écouté, pour ma part, avec beaucoup d'attention les interventions de nos collègues de la majorité sénatoriale. Ils ne m'ont pas convaincu.
On peut, je crois, ramener les arguments qui nous ont été proposés aux trois grands types d'objections que les conservateurs opposent habituellement aux grandes réformes démocratiques. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Le premier de ces arguments est l'argument de l'effet pervers. La mesure que vous projetez, vient de nous dire à l'instant notre collègue Patrice Gélard, produira exactement l'effet contraire à celui que vous recherchez. En favorisant les candidatures féminines, votre loi va aboutir à la « dévalorisation » des femmes élues. L'idée va s'imposer qu'une grande majorité d'entre elles doivent leur mandat moins à leur mérite qu'à leur appartenance sexuelle. Leur autorité, leur image, n'en sortiront pas grandies, et encore moins celles de notre représentation nationale.
Le deuxième argument, également classique, est celui de l'inanité : la réforme que vous proposez, a dit ce matin notre collègue Guy Cabanel, est vaine et inutile, car l'évolution spontanée de notre société conduit naturellement et sans heurt au même résultat. La longue marche des femmes vers l'égalité s'est accélérée depuis vingt ans. Les Françaises, comme l'ont déjà fait avant elles les Scandinaves, conquerront la parité par leur propre mouvement, sans qu'il soit nécessaire de recourir, une fois de plus, à la loi.
Le troisième argument est celui de la mise en péril. En votant cette mesure, nous a expliqué notre collègue Jacques Larché, vous allez ouvrir la boîte de Pandore du communautarisme et mille diables vont vous sauter au visage. Si des mesures spécifiques sont prises en faveur des candidatures féminines, au nom de quoi refuseriez-vous des soutiens analogues aux catégories sociales qui s'estiment injustement sous-représentées : les « Afro-Français » - si je me souviens bien de son expression puisée aux meilleures sources du Nouvel Observateur - les ouvriers, les chômeurs de longue durée ?
Où irait notre République, a-t-il ajouté, si elle désignait ses représentants non plus sur des qualités universelles, communes aussi bien aux hommes qu'aux femmes, aux riches qu'aux pauvres, aux noirs qu'aux blancs, aux croyants qu'aux mécréants - l'intelligence, l'efficacité, le dévouement au bien public - mais sur les traits particuliers qui différencient les citoyens les uns des autres ?
Vous ai-je bien entendu ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Non !
M. Henri Weber. Si !
Ces trois arguments, qu'on va sans doute entendre à nouveau cet après-midi, à mon sens, ne résistent pas à l'analyse.
S'agissant du premier, je ferai remarquer, tout comme notre collègue Patrice Gélard, qu'il ne manque pas de femmes compétentes, énergiques, courageuses, qualifiées, dans notre pays pour exercer des mandats électifs, bien au contraire. Vous en incarnez, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, deux exemples remarquables, et vous n'êtes pas seules dans votre cas ni au Gouvernement ni dans notre pays, loin de là ! Mais force est de constater que ces capacités ne sont pas souvent sollicitées et, a fortiori désignées, pour les candidatures. D'autres l'ont dit avant moi : si les partis politiques avaient fait leur travail, en matière d'investiture, nous ne serions pas la lanterne rouge de l'Europe en matière de présence des femmes dans notre Parlement et nous n'aurions pas, aujourd'hui, à recourir à l'aiguillon de la loi.
A ce sujet, je n'aurai pas le masochisme de tenir la balance égale entre les partis de gauche et de droite. Les premiers ont fait un véritable effort pour promouvoir la mixité. On ne peut pas en dire autant des seconds.
Si la loi incite et contraint nos partis à présenter davantage de candidates, je ne crois pas que la représentation nationale aura à en rougir ni les électeurs à en souffrir.
Aujourd'hui, on compte 120 étudiantes pour 100 étudiants dans nos universités. Les leaders du dernier mouvement lycéen étaient des lycéennes. De nombreuses femmes animent nos syndicats et nos associations. Ce ne sont pas les femmes capables qui manquent, c'est la volonté de leur faire toute leur place. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
L'argument de l'inanité ne tient pas non plus.
Je ne nie pas que de grands progrès aient été accomplis dans la marche vers l'égalité entre hommes et femmes, et j'ai même la faiblesse de croire que le mouvement de mai 68 y est pour quelque chose.
Mais Mme Nicole Péry nous a rappelé des chiffres accablants : plus on s'approche des postes de pouvoir et de prestige, plus la résistance à la féminisation est forte, plus la présence des femmes est rare. La sphère de la représentation politique - on l'a vu encore récemment au Congrès de Versailles - reste largement une chasse gardée. Si l'on s'abandonne au mouvement naturel de la société, nos enfants et petits-enfants reprendront ce débat dans trente ans, à peu près au point où nous l'aurons laissé.
Par la brèche ouverte dans l'universalisme républicain, a dit notre collègue M. Richert, vont s'engouffrer immanquablement d'autres catégories sociales qui feront valoir elles aussi leur droit à être justement représentées.
A cette objection, vous avez répondu par avance, madame la ministre - ainsi que plusieurs de nos collègues, dont Mme Derycke et M. Collin - en rappelant que les femmes ne constituaient ni une minorité, ni une communauté, ni une catégorie sociale, mais l'autre moitié de l'humanité. J'ajouterai que cette autre moitié a longtemps été exclue de la citoyenneté, non pas seulement de fait, comme l'ont été les ouvriers au xixe siècle, ou comme le sont les beurs et les blacks aujourd'hui, mais de droit, et ce n'est pas une mince différence.
On agite le spectre d'une République sexuée, alors que pendant près de deux siècles elle a simplement été sexiste. C'est sous le gouvernement de Léon Blum, en juin 1936, qu'ont été désignées les premières femmes ministres. Ces ministres femmes n'avaient pas le droit de vote, « grâce », en particulier, à la vigilance patriarcale du Sénat. La République a tenu les femmes à distance de la vie publique. Son suffrage, prétendument universel, n'était que masculin, sa citoyenneté confinait les femmes dans la sphère privée, son code civil les traitait voilà peu de temps encore en mineures. La République leur doit réparation. Elle doit amorcer la pompe qui introduira la mixité effective et la féminisation de nos institutions.
M. Jean Chérioux. On n'a pas attendu après vous !
M. Henri Weber. Les femmes n'auraient pas besoin de discriminations positives pour tenir toute leur place dans nos assemblées si elles n'étaient pas victimes de tant de discriminations négatives !
Faciliter leur intégration complète dans notre démocratie, ce n'est pas faire le lit de la République des quotas, et pas davantage de la République des genres ; c'est donner au contraire un contenu concret à ces principes d'universalisme républicain dont nous nous réclamons les uns et les autres.
Cette intégration passe par un plus juste partage des tâches éducatives et ménagères dans les foyers, par la fin de la double journée de travail, mais aussi par moins de prévention et d'obstruction de la part des appareils politiques au moment des désignations aux mandats électifs.
Nous sommes tout autant que vous opposés au communautarisme qui, au demeurant, est étranger à notre culture politique et à nos traditions, mais nous refusons de faire de cette opposition un prétexte à l'immobilisme.
Mes chers collègues, l'amendement que nous soumet la commission des lois nous paraît inopportun pour au moins deux raisons.
La première tient au caractère purement incantatoire de sa formulation : les partis « favorisent l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux... ». Les partis de gauche, vous l'avez reconnu, ont fait des efforts dans ce sens : le parti socialiste a présenté 30 % de candidates aux dernières élections législatives et sa liste pour les élections européennes respectera, comme la précédente, une stricte parité. Je suis curieux de savoir comment seront composées les vôtres, messieurs de la majorité !
M. Hubert Falco. La liberté !
M. Henri Weber. On prend rendez-vous et l'on verra bien !
M. Jean Chérioux. On n'attend pas après vous !
M. Hubert Falco. La liberté, mon cher ami !
M. le président. Je vous prie de bien vouloir poursuivre, monsieur Weber.
M. Henri Weber. Qu'est-ce qui peut pousser, en effet, les partis conservateurs, si l'on vous suivait, à se comporter demain autrement qu'hier ? Absolument rien, sinon des incitations financières qui doivent, au demeurant, rester modérées « pour ne pas compromettre l'expression démocratique des divers courants d'opinion ».
En limitant les moyens de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux à de modestes « malus » financiers, la commission des lois révèle tout l'enthousiasme que lui inspire cette bataille pour une véritable égalité dans l'exercice de la souveraineté.
Avec un tel amendement, mes chers collègues, le Conseil Constitutionnel pourrait de nouveau retoquer, comme en 1982, un projet de loi proposant modestement qu'aucune liste aux élections régionales ne puissent compter plus de 75 % de membres d'un même sexe.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, l'amendement que vous nous proposez est moins restrictif et plus précis. Il se garde bien d'anticiper sur les modalités des scrutins qui est l'affaire du législateur, mais il autorise celui-ci à promouvoir effectivement le principe de mixité, qui est l'autre nom du principe d'égalité. C'est pourquoi les sénateurs socialistes le voteront sans réserve. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis quelques années, un mouvement, dont l'ampleur s'accentue, s'est développé en faveur d'une meilleure participation des femmes à la vie publique et aux responsabilités politiques.
Evolution des temps ?
Traduction d'un sentiment qui s'affirme ? Selon les sondages, 82 % des Français sont favorables à la féminisation de la vie politique.
Inquiétudes électorales du monde politique ? Il y a 53 % d'électrices...
Poids grandissant des femmes, fatiguées des barrages qu'elles doivent franchir, dans un monde qu'elles estiment trop accaparé et trop marqué par l'élément masculin ?
Insatisfaction de la population qui ne trouve pas les réponses qu'elle attend dans la vie politique ?
Sans doute toutes ces raisons, qui ne sont pas limitatives, ont-elles leur poids respectif ; toujours est-il que la loi s'empare aujourd'hui de ce grave sujet, dans lequel la France ne brille pas par un état d'avancement excessif !
Mme Nicole Borvo. C'est joliment dit !
Mme Anne Heinis. Elle est avant-dernière au classement général dans l'Union européenne, juste avant la Grèce, avec 82 femmes sur 893 parlementaires, soit 9,18 %, dont 19 au Sénat sur 321, soit 5,9 %.
Mais il y a des signes intéressants qui se profilent et je n'en citerai que deux : 30 % des Français élus au Parlement européen sont des femmes, contre 20 % en 1984, et le pourcentage des femmes élues dans les conseils municipaux progresse très régulièrement. Elles étaient 14 % en 1983, 17,7 % en 1989, 21,7 % en 1995, et c'est bien là qu'est le vivier futur.
Tout sujet grave demande le temps de la réflexion, des échanges pour arriver à un débat approfondi avant l'élaboration de solutions, et c'est ce qui a manqué.
Bien sûr, le Sénat et l'Assemblée nationale ont procédé aux auditions d'usage au Parlement. Mais la solution était choisie d'avance : la parité, sans aucune autre alternative, ce qui laissait peu de place à une discussion largement ouverte...
M. René-Pierre Signé. Il y a bien longtemps qu'on en parle !
Mme Anne Heinis. ... et qui aurait peut-être permis d'envisager d'autres choix, d'y préparer les esprits avant de devoir en arriver à modifier la Constitution.
Je regrette, entre autres choses, que la mission d'information du Sénat, malgré ma demande, n'ait pas auditionné quelques très jeunes femmes pour connaître leur vision des choses. Je doute qu'elle soit la même que celle de leur mère au même âge !
En témoignent les réactions des jeunes filles élèves à l'Ecole polytechnique qui se sont senties humiliées par le principe de la parité et des quotas qui les dévalorisent, et qui ont demandé à leur professeur Mme Badinter de nous faire part de leur indignation. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du Rassemblement pour la République.)
Modifier la Constitution est un acte grave. Aucun pays du Nord que l'on nous cite en exemple n'a utilisé ce moyen.
Ce sont les partis politiques eux-mêmes qui ont fixé des règles au sein de leurs formations ; cela est tout de même à méditer !
A l'époque où l'on se plaint, à juste titre, de la perte de repères, on ne devrait, à mon sens, toucher à la Constitution qu'avec des doigts de velours et seulement en cas d'absolue nécessité.
Or, tant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans ses articles Ier, III et VI, que le préambule de la Constitution de 1946, intégré dans la Constitution de 1958, posent formellement les principes nécessaires : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. »
Depuis l'origine, toute la difficulté, en France, réside dans la mise en oeuvre de ces principes, qui relève plus de la volonté politique et de l'évolution des mentalités que de la loi constitutionnelle.
C'est sur l'éducation et la formation des esprits, en particulier au sens civique, que devront porter nos efforts. Anne-Marie Couderc souligne très justement qu'il faudra une grande volonté de la part de tous les acteurs, hommes et femmes, car il faudra que les partis politiques, encore à dominante masculine, acceptent de jouer le jeu et que les femmes acceptent de s'investir courageusement, faute de quoi les dés seront pipés !
Laurence Parisot, P-DG de l'IFOP à trente et un ans, dit : « Je n'ai pas eu besoin de quota pour réussir, j'ai eu besoin de travail et de courage. » (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Odette Terrade. Tout dépend des situations et des milieux sociaux !
M. René-Pierre Signé. Mauvaise démonstration !
Mme Anne Heinis. Elle ajoute : « Ce qui compte le plus pour une femme, c'est l'exemplarité. Plus les femmes verront des femmes qui réussissent, plus elles prendront confiance en elles pour se lancer à leur tour, sans complexe. » C'est exactement la même chose en politique !
Sur un autre plan, la notion de « parité », sous son apparente simplicité, pose de nombreux problèmes.
Elle pose d'abord un problème d'ordre constitutionnel qui a amené successivement l'Assemblée nationale puis le Sénat à modifier le projet initial, la commission des lois du Sénat renvoyant à juste titre le texte aux partis politiques directement concernés.
Egalité de nombre ? Egalité d'accès ? Egalité de résultats ? Egalité des chances ? L'approche est complexe.
En tout état de cause, seule la proportionnelle, avec les risques de politisation excessive et les vices de blocage de l'exécutif qu'on lui connaît, permet l'égalité du nombre, excluant du même coup le scrutin uninominal, qui seul permet l'émergence de candidats libres, garantie de liberté. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
A titre d'exemple, en 1986, la proportionnelle, avec 33 % de candidates, n'a donné que 5,89 % de femmes élues, tout simplement parce que les femmes n'étaient pas dans un rang éligible. Dont acte !
C'est donc à très juste titre que M. Allouche pose la question de la compatibilité entre une logique philosophique universaliste et la logique d'action politique. C'est là toute l'ambiguïté, car ces deux logiques ne sont pas du même ordre. La première répond, en effet, à une logique de représentation, et la seconde à une logique d'action.
Non ! le nombre n'est pas tout, même s'il est important, et le risque de n'avoir aucun poids politique parce qu'on ne représente que des « quotas » existe bel et bien, comme le souligent Françoise Hostalier, ainsi qu'Evelyne Pisier et bien d'autres.
Dans l'action, la détermination des responsables pèse lourd.
Ainsi, aux dernières élections législatives, la volonté politique de leur leader, favorisée par le fait qu'ils avaient moins de sortants, a permis aux partis de gauche de faire élire un nombre de femmes députés considérablement plus important que par le passé, alors qu'il n'y avait eu, entre 1993 et 1997, ni mesures contraignantes ou incitatives, ni modification du mode de scrutin. Quel excellent exemple !
En outre, l'effet « quota » peut se retourner contre le but que l'on se fixe. Les Américains en font l'amère expérience, car les gens ne sont plus choisis pour leurs compétences et leurs qualités, mais en fonction de simples critères mathématiques. Ils ne sont plus que des pions.
M. Lucien Lanier. Très bien !
Mme Anne Heinis. Il faudra bien qu'un jour le balancier revienne à un certain équilibre entre une conception de la femme presque uniquement considérée comme génitrice de la tribu ou du clan, pour laquelle les progrès techniques et sociaux peuvent alléger - Dieu merci ! - de nombreuses contraintes, et une conception éthérée et immatérielle selon laquelle nous sommes tous des êtres asexués.
Oui ! hommes et femmes, nous sommes égaux en droit et en dignité, mais nous sommes différents et faits pour être complémentaires, ce qu'on oublie trop. C'est vrai dans l'ordre naturel, mais aussi dans l'ordre des sociétés, si l'on veut que celles-ci soient harmonieuses et équilibrées, ce qui n'est pas exactement le cas.
Pardonnez-moi de vous le dire, madame le garde des sceaux, le gadget de la féminisation autoritaire des titres et des fonctions ne me paraît ni conforme au génie de notre langue, qui a ses subtilités admirables et particulières, ni porteur de progrès, car il ne faut pas rendre petits de grands sujets par l'insignifiance des moyens qu'on leur attache. En agissant ainsi, on les défavorise. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Que les femmes, puisqu'il s'agit d'elles, prennent garde à ne pas être élues a minima, c'est-à-dire par défaut, alors que l'objectif est qu'elles puissent apporter leurs capacités et leur spécificité aux différents niveaux d'exercice des responsabilités, et ce en coresponsabilité avec les hommes.
Faciliter l'accès des femmes à la vie politique est une chose, et il faut le faire. Vous imaginez bien, mes chers collègues, que ne je peux que le souhaiter et y participer dans la mesure de mes moyens.
Mais les femmes ont-elles tellement envie d'aller dans la politique telle qu'elle est pratiquée actuellement ? C'est aussi une question importante !...
Et, si le spectacle du champ politique transformé en arène permanente déplaît tant à nos concitoyens qu'ils s'en détournent de plus en plus, disons, pour faire une concession grammaticale qu'il déplaît encore plus à nos concitoyennes !
A ce titre, le langage est parfois tragiquement révélateur. Un des domaines où l'on entend qualifier un homme de « tueur » est le milieu politique, même s'il en est d'autres... On ne parle pas de « tueuse » ! Souhaitons qu'on n'en arrive pas là !
En réalité, nous avons besoin de combats loyaux, car la politique est toujours un combat, mais elle ne doit pas être réduite à un champ de bataille, à des affrontements stériles forts loin des préoccupations de la population.
Si les femmes, pour différentes raisons, ont encore peu investi le domaine politique, en revanche, en moins d'un demi-siècle, elles en ont pris d'autres d'assaut, en particulier le monde du travail, ce qui n'est pas sans poser parfois quelques problèmes d'équilibre et d'efficacité dans certains métiers, comme l'enseignement, la magistrature, le milieu hospitalier et bien d'autres, qui ont besoin d'une mixité adaptée.
Nous sommes le pays développé avec le plus fort taux d'activité féminin : 45,7 % en moyenne, mais 73 % dans la tranche d'âge de vingt-cinq à quarante-neuf ans.
En outre, les femmes représentent 34 % des cadres et des professions intellectuelles, contre 25 % voilà quelques années, 86 % du corps infirmier, 77 % dans la santé et le social, avec 41 % du corps médical.
Il faut également noter qu'il y a un homme pour vingt-cinq femmes dans la dernière promotion des médecins scolaires.
Les femmes représentent 45 % des effectifs de la magistrature, 65 % de l'enseignement primaire, 50 % de l'enseignement secondaire, contre seulement 10 % de professeurs d'université.
Malheureusement, on retrouve cette décroissance des taux en fonction du niveau, un peu partout, car les femmes accèdent encore assez peu aux postes de décision, ce qui est dommage, notamment à la haute fonction publique désignée par le Gouvernement. Sans doute celui-ci, madame le garde des sceaux, qui nous donne des leçons aujourd'hui, serait-il le bienvenu en donnant l'exemple, d'autant que, l'an dernier, au concours de l'ENA, 40 % des reçus étaient des filles.
Dans le milieu de l'entreprise, les femmes représentent 26 % des chefs d'entreprises, mais 30 % des créateurs d'entreprises, de taille assez petite puisqu'elles ne dirigent aucune des cent premières entreprises françaises bien qu'à taille égale leurs entreprises affichent, en moyenne, de meilleurs résultats.
Il convient toutefois de noter une exception intéressante, les femmes ne constituent que 4,2 % de la population carcérale.
Serait-ce un progrès que d'en compter 50 % ? Je ne le crois pas et, sans doute, vous non plus.
De ces quelques chiffres, on peut, me semble-t-il, tirer quelques enseignements.
Une évolution dynamique est en cours et, contrairement à ce que croient certains en toute bonne foi, je pense qu'elle va s'accélérer, car cette fin de siècle va vite, jusqu'à ce que le mouvement change de nature, avec une nouvelle distribution des cartes.
Prééminence des femmes après celle des hommes ? Ce serait tout aussi fâcheux.
Equilibre constructif enfin trouvé ? Ce serait l'idéal, car il me semble que nous sommes faits pour que nos qualités respectives se complètent et nos défauts se compensent. Il n'y pas une partie de l'humanité qui soit meilleure que l'autre !
Ces chiffres semblent bien montrer aussi que les femmes veulent user de leur liberté relativement nouvelle, historiquement, pour faire les choix qui leur conviennent, dans les domaines qui les attirent, ce qui me semble bien loin d'une sorte d'égalitarisme paritaire.
Il ne faut pas confondre discrimination et différence. La discrimination est arbitraire, alors que la liberté se nourrit de la différence, à condition que la liberté ne soit pas écrasante, sous peine de s'autodétruire, entraînant dans sa chute les plus faibles et les moins armés pour combattre.
Mais c'est là un autre débat ! Et le débat d'aujourd'hui, c'est la modification de l'article 4 de la Constitution.
Le Sénat, fidèle en cela à sa tradition qui est de privilégier les solutions constructives par rapport à un simple refus, nous propose de confier aux partis politiques la responsabilité de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ; mais il faudra que les partis fassent beaucoup d'efforts !
Le Sénat nous propose également de permettre que les règles relatives au financement public des partis politiques puissent contribuer à la mise en oeuvre de ce principe.
Mais des amendements vont peut-être modifier ces propositions.
Mme Tasca, dans son rapport, résume parfaitement la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui : « Curieux pays que celui où nous vivons, les principaux responsables politiques s'accordent sur le constat et les solutions qui pourraient améliorer la place faite aux femmes dans la vie publique française, mais ils jugent nécessaire que des lois, y compris constitutionnelles, les y contraignent. Le juridisme étatique français s'exprime ici avec éclat, mais peut-on échapper à sa culture et à son histoire ? »
Ce que j'aurais souhaité, c'est justement qu'on échappe enfin à ce carcan qui nous paralyse dans tous les domaines.
Je réaffirme donc mon hostilité profonde à la modification de la Constitution sur ce sujet qui aurait mérité, à mon sens, une approche beaucoup plus large et non une sorte de détournement politique de la question. La modification éventuelle de la Constitution n'aurait dû être qu'une hypothèse en cas de nécessité, pour permettre l'aboutissement des discussions.
Je suis également défavorable à l'introduction dans la Constitution des éléments relatifs au financement des partis. Ce n'est pas la place de tels dispositifs.
Mon objectif est, non seulement de ne pas nuire à la cause de la féminisation de la vie politique - que je défends - mais de la servir.
M. René-Pierre Signé. Vous le faites fort mal !
Mme Anne Heinis. Or, aucun des textes dont nous avons débattus ne donne vraiment satisfaction.
Je déplore d'être obligée de me prononcer sur un projet de loi qui risque de se transformer en un piège. En conséquence, personnellement, je réserve mon vote jusqu'à la fin des débats. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
(M. Guy Allouche remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens à souligner l'excellente qualité du travail effectué par la commission des lois et dire combien j'ai apprécié les interventions de mes collègues de la majorité sur le présent texte de loi. Je m'associe à leurs remarques. Permettez-moi cependant d'apporter ma modeste contribution.
Le constat qui est sans appel de l'insuffisante représentation des femmes dans la vie politique française ne doit pas nous conduire aujourd'hui à un simple vote de « bonne conscience ». Le projet de révision constitutionnelle qui nous est soumis est critiquable à plusieurs égards et semble oublier, voire ignorer, les principes qui fondent la démocratie et notre droit constitutionnel. Non seulement ce projet porte atteinte à l'indivisibilité de la souveraineté, dont le citoyen est titulaire, mais il risque également de porter atteinte à la dignité de la femme dans les implications qu'il comporte.
Est-il besoin de procéder à une révison surabondante, alors que le principe d'égalité des sexes est déjà consacré par notre texte constitutionnel ? En effet, le troisième alinéa du préambule de la constitution de 1946 précise que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».
Si le terme de parité n'apparaît pas dans la rédaction actuelle du projet de loi, c'est bien de l'égalité parfaite qu'il s'agit ; il suffit pour cela de se reporter à l'exposé des motifs. Or ce projet - tant dans sa rédaction initiale que dans celle qui a été adoptée par l'Assemblée nationale - impliquera la faculté accordée au législateur d'établir des quotas.
Cette révision n'a finalement qu'un seul but : inscrire la discrimination positive dans notre Constitution et ainsi surmonter la censure du juge constitutionnel qui, dans sa décision du 18 novembre 1982, rappelait le principe de l'indivisibilité du peuple et de la République.
Cette importante décision du Conseil constitutionnel a servi de fondement à la décision non moins importante du 9 mai 1991 refusant la notion de « peuple corse ». J'ajouterai également que la même application de la jurisprudence de 1982 vient d'être faite par le Conseil constitutionnel le 14 janvier 1999 concernant la loi sur le mode de scrutin régional ; MM. Bonnet et Gélard l'ont rappelé à juste titre.
Si la jurisprudence que je viens de rappeler est moins fondée sur l'égalité que sur l'indivisibilité du peuple français, c'est bien à ce principe qu'il est porté atteinte aujourd'hui par ce projet de loi.
Les dispositions de l'article 3 de la Constitution consacrent le principe selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple », le caractère « universel, égal et secret » du suffrage, la qualité d'électeurs des « nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ».
Les dispositions de l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyende 1789 proclament l'égalité devant la loi.
Le rapprochement de ces deux articles s'oppose à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles. Ce point a été souligné par le professeur Jean Boulouis, que je me permets de citer : « Il paraît ainsi tout à fait clair qu'il ne s'agit par tant d'égalité que d'identité, les citoyens n'étant pas identiques parce qu'ils sont égaux, mais étant égaux parce que leur qualité les fait par définition identiques, "toute division par catégorie des électeurs en des éligibles" ne pouvant qu'être exclue ».
Une différenciation au sein du corps électoral risquerait d'ouvrir la boîte de Pandore de tous les communautarismes. (M. Claude Estier proteste.) Pourquoi ne pas pousser la logique de la parité à d'autres catégories de la population, notamment en matière socioprofessionnelle ou encore religieuse ?
Combien de personnes se sont émues du nombre important de fonctionnaires qui siégeaient à l'Assemblée nationale ? On pourrait très bien dénoncer également cette surreprésentation d'un corps professionnel et demander que soit assurée une plus juste répartition des différentes professions au sein d'une assemblée !
M. Claude Estier. Cela n'a rien à voir !
M. Jean Chérioux. Cela n'a rien à voir parce que cela vous gêne !
M. Alain Vasselle. L'égalité ne se fonde pas sur la différenciation. L'humanité est universelle et irréductible ; ce principe transcende les différences catégorielles. Revenir sur le principe d'universalité équivaut à revenir sur les fondements de notre République et de la démocratie. Nous risquons aujourd'hui d'introduire, pour reprendre l'expression d'Elisabeth Badinter, le biologique dans le politique.
M. Henri Weber. Pauvre Elisabeth !
M. Alain Vasselle. Il faudrait éviter que le remède ne soit pire que le mal. Une égalité effective dans la représentation des institutions publiques, acquise au moyen de quotas, n'est qu'une humiliation supplémentaire infligée à la femme (M. Claude Estier proteste), car, d'une façon générale, la règle du quota, même décidée avec des intentions louables, n'est pas exempte de conséquences dangereuses. Au-delà des discriminations à rebours qu'elle peut entraîner, cette règle peut se retourner contre les femmes et faire planer un doute sur la qualité des personnes concernées.
Ces conséquences ont pu être observées dans la pratique des politiques d' affirmative action aux Etats-Unis. Si la Cour suprême n'a pas condamné ces politiques, elle en a restreint considérablement aujourd'hui l'utilisation.
Sur le plan communautaire, le débat reste encore très vif. Dans un arrêt du 17 octobre 1995 - l'arrêt Kalanke - la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que la discrimination positive était contraire à une directive de 1976 interdisant toute discrimination fondée sur le sexe. Bien que la Cour ait nuancé récemment son interprétation dans un arrêt du 11 novembre 1997 - l'arrêt Marschall - le débat n'est pas clos. Si le traité d'Amsterdam admet la discrimination positive, ce n'est que dans le domaine professionnel, et non dans le domaine de la représentation politique.
Nos regards doivent également se tourner vers nos voisins. On nous cite très souvent les pays nordiques en exemple. En effet, en Suède, 43 % de femmes siègent au Parlement. La France à côté fait figure de mauvaise élève. Cependant ces pays n'ont pas garanti une bonne représentation des femmes dans la vie politique en modifiant leur Constitution ! L'égal accès des femmes aux institutions publiques a été réalisé par des mesures volontaristes à l'intérieur des partis politiques. La Belgique a bien essayé d'imposer des quotas à 25 % lors des élections municipales de 1994, mais le taux n'a pas été atteint, faute de candidates !
Au problème que je viens de soulever s'ajoute l'ambiguïté d'une rédaction imprécise de l'article unique du projet de loi que le texte voté par l'Assemblée nationale n'a pas levée. En effet, le texte initial du projet dispose : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. » Le texte adopté par l'Assemblée nationale dispose : « La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
Le terme « favorise » substitué au terme « détermine » accentue-t-il ou atténue-t-il l'obligation de faire ce qui incombe ici au législateur ? Car il s'agit bien d'un blanc-seing qui lui sera donné par le constituant.
Comme l'a souligné d'ailleurs le doyen Georges Vedel, « le projet de révision n'énonce aucun principe qui pourrait guider le législateur. Le vrai débat de principe n'est pas celui de l'égalité entre les hommes et les femmes, qui est réglé depuis un demi-siècle, mais celui de savoir jusqu'où, pour assurer l'égalité de fait entre les deux sexes, on peut limiter en droit la liberté de choix de l'électeur ».
La liste des problèmes soulevés ne s'arrête pas là. Le principe d'égal accès aux mandats électoraux serait difficilement réalisable dans le cadre des scrutins uninominaux. Faudrait-il réserver des circonscriptions aux femmes et des circonscriptions aux hommes ? Sur quels critères ?
Assurément, il faut réaliser l'égalité entre les hommes et les femmes dans les institutions publiques. Cependant, si vous me permettez cette formule, parce que la femme est un homme comme un autre, il ne faut pas modifier notre texte fondamental.
Rien dans la loi aujourd'hui ne s'oppose ou n'interdit à une femme de se porter candidate à des élections, que ce soit dans le cadre d'élections organisées au scrutin uninominal majoritaire à deux tours ou dans le cadre d'élections à la proportionnelle.
Pour assurer l'effectivité de l'égalité des sexes, d'autres voies restent ouvertes, d'autres pistes doivent être examinées, au premier rang desquelles je citerai la volonté des partis politiques. Parce que les partis concourent à l'expression du suffrage, ceux-ci doivent prendre leurs responsabilités et accélérer un processus déjà amorcé ces dernières années.
La commission des lois a proposé un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article unique du projet de loi consitutionnelle pour compléter non plus l'article 3 de la Constitution, mais l'article 4.
L'incitation des partis politiques à présenter un plus grand nombre de femmes pourrait, selon M. le rapporteur, se réaliser, en particulier par la modulation du financement public des partis.
L'amendement proposé par la commission des lois complète de la manière suivante l'article de la Constitution : les partis politiques « favorisent l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ».
« Les règles relatives à leur financement public peuvent contribuer à la mise en oeuvre du principe énoncé à l'alinéa précédent. »
Si le premier alinéa ne pose pas de problème de fond, il en va tout autrement de ce dernier alinéa que je viens de rappeler. La rédaction adoptée ne permet pas de nous garantir l'absence de mesure législative mettant en oeuvre le principe d'égalité par l'intermédiaire soit de primes incitatrices, soit de sanctions réductrices qu'il faudrait à mon sens rejeter. Je partage donc le point de vue de M. Bonnet et je soutiendrai son amendement tendant à supprimer ce second alinéa.
A la volonté des partis politiques doit s'ajouter une mobilisation plus importante des femmes. L'insuffisante représentation de celles-ci ne résulte pas exclusivement de l'attitude des hommes.
Ce projet de loi constitutionnelle soulève de nombreuses critiques et interrogations. Appartient-il à l'Etat de prôner un certain modèle ? La représentation politique se fonde-t-elle sur ce qui différencie ou sur ce qui est commun ? A-t-on le droit de modifier la conception de la souveraineté et de son mode d'exercice ?
Mes chers collègues, je laisse à vos réflexions ces questions et j'espère que nous trouverons la réponse à travers votre vote majoritaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention vient en complément de celle de ma collègue Odette Terrade, dont je partage totalement l'analyse.
Le groupe communiste républicain et citoyen a deux représentants, Robert Bret et moi-même, au sein de la commission des lois. Je veux ici brièvement évoquer notre étonnement sur le cours pris par la discussion au sein de cette commission et sur l'art qu'ont nos collègues de droite de contourner les vraies questions. Je voudrais aussi dire que nous désapprouvons les conclusions de la commission des lois.
Il y a manifestement un déphasage considérable entre les messages délivrés par la Haute Assemblée et l'aspiration à la modernisation de la vie politique dont la parité est un pilier. A cet égard, il faut donc se méfier des sondages évoqués tout à l'heure par M. le président de la commission des lois.
L'opinion publique n'aime pas les gadgets, le clinquant d'annonces non suivies d'effet. Ce fut d'ailleurs fatal au Gouvernement Juppé si hâtivement constitué en 1995.
Ce qui est proposé aujourd'hui répond au contraire à une aspiration profonde de la société et est porté par un gouvernement au sein duquel les femmes jouent un grand rôle et donnent, par leur talent, leur dynamisme et leur simplicité, une nouvelle dimension à la pratique gouvernementale.
La parité, même si elle doit rester un chantier sur lequel il faut travailler avec beaucoup de patience, sera, si elle est votée, un tournant important de la vie politique française.
Face à cela, que dit la commission des lois ? Son président et son rapporteur l'ont rappelé.
Premièrement - cela a déjà été dit - notre commission s'appuie sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, article VI : « La loi est l'expression de la volonté générale. (...) Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
Dès lors, en quoi la parité serait-elle discriminatoire ? La discrimination n'est-elle pas dans l'emploi du mot : « citoyen », qui est au seul genre masculin, puisque c'est de cela qu'il s'est agi ?
Il y a en fait une réticence tenace à conjuguer l'universalisme dans sa totalité.
Le second argument réside dans cette insistance de la commission à souligner que l'on glisserait vers le communautarisme après une telle révision constitutionnelle. Mais y a-t-il un seul parti politique qui défende les quotas, qui demande une place particulière pour une minorité religieuse, ethnique ou culturelle ? Pourquoi agiter ce leurre, alors que les femmes ne sont pas une catégorie, mais qu'elles sont la moitié de l'humanité ? (Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Enfin, la commission a conclu - on l'a entendu dans la bouche de divers orateurs - à la responsabilité des partis politiques. Certes, ceux-ci ont leur responsabilité mais, mes chers collègues, une responsabilité inégale. Nous ne sommes pas exactement sur le même plan par rapport à cela, y compris dans les scrutins de liste, comme le rappelait M. le rapporteur. Ainsi, en 1994, lors des dernières élections européennes, seules les listes se réclamant de la gauche et de l'extrême gauche ont atteint la parité.
Mais le parti communiste français, qui a dans ce domaine une tradition que vous n'avez pas, a accompli des efforts que vous n'avez pas fais !
M. Alain Vasselle. Vous n'avez pas eu besoin de la loi pour cela !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Vous avez remplacé une femme au Sénat !
M. Michel Duffour. Je suis l'un des représentants du département des Hauts-de-Seine, avec vous, monsieur Ceccaldi-Raynaud. Sur trois députés communistes, deux sont des femmes ; sur cinq municipalités, trois sont dirigées par des femmes !
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Michel Duffour. Dans un département où nous avons fait des efforts...
M. Alain Gournac. Continuez !
M. Michel Duffour. ... et où nous avons obtenu des résultats, nous convenons nous-mêmes qu'il faut évidemment aller plus loin, car la lenteur des changements est trop grande. Il est donc indispensable de légiférer pour, progressivement probablement, mais rapidement à coup sûr, changer la donne sur ce plan-là.
M. Alain Vasselle. C'est un signe de faiblesse !
M. Michel Duffour. C'est un signe de force, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle. Vous n'êtes pas capables tout seul d'augmenter le nombre de femmes, il vous faut une loi pour y parvenir. C'est de la faiblesse, c'est de l'incapacité !
M. Michel Duffour. Vous, dans l'Oise, vous ne pourriez pas citer des chiffres comparables !
M. le président. Monsieur Vasselle, vous avez été écouté silencieusement ; veuillez faire en sorte qu'il en aille de même pour vos collègues.
M. Alain Vasselle. C'est parce qu'il n'y avait rien à redire à ce que j'ai dit !
M. Michel Duffour. M. Gélard a affirmé que nous étions tous d'accord sur le constat - il serait difficile de ne pas l'être - mais que nous n'étions pas d'accord sur les thérapies. Mais a-t-on entendu dans cette partie de l'hémicycle l'ébauche d'une thérapie quelconque ?...
J'ai entendu M. Gélard parler du Bangladesh,...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Parlez-nous des Hauts-de-Seine !
M. Michel Duffour. ... de l'Union soviétique, du Pakistan pour conclure, avec raison, que l'exemple ne pouvait venir de là mais qu'il n'y avait aucune solution pour un régime démocratique.
Soyons francs, dans toute la discussion qui s'est déroulée en commission, se profilait en arrière-pensée la crainte d'un changement de mode de scrutin. Vous le savez : nous sommes, nous, communistes, partisans de la proportionnelle. Nous pensons que c'est le meilleur scrutin et que, à court terme, il sera nécessaire d'insuffler une dose de proportionnelle, mais, aujourd'hui, ce n'est pas la question.
Alors, mes chers collègues, va-t-on sacrifier la parité, qui est une question de principe, une question de civilisation, une question fondamentale, à des craintes subalternes sur un mode de scrutin ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les réformes constitutionnelles sont pour nous l'occasion d'un véritable retour aux sources. Elles nous permettent d'appréhender ce qui constitue l'essence même de notre République ; elles requièrent que nous nous plongions dans les débats passionnants, souvent divergents, qui animent habituellement plutôt nos philosophes, sociologues ou anthropologues.
Aujourd'hui, notre objectif - partagé, je l'espère - est de tendre, plus encore qu'hier, vers une réelle démocratie, vers un « pouvoir du peuple » plus accompli, une démocratie dont les institutions ont trop longtemps confisqué le droit de vote à une partie du peuple puisque 1789 n'a pas voulu des deux sexes en politique, une démocratie au sein de laquelle la fonction représentative demeure, dans les faits, très difficilement accessible à l'une des deux composantes de notre société.
Cette aspiration légitime rencontre l'adhésion d'une large majorité des Français. Toutefois, les moyens pour y parvenir semblent nous diviser.
Il y a ceux pour qui seules des initiatives volontaristes permettront de surmonter ce qui fait obstacle à l'accession des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Et puis il y a ceux qui préfèrent, encore et toujours, miser sur la bonne volonté des partis politiques.
C'est cette approche qu'entend privilégier la majorité sénatoriale. C'est cette approche qui nous vaut aujourd'hui l'avant-dernière place au palmarès européen de la présence des femmes dans les assemblées.
Mes chers collègues, la proposition que nous soumet la commission des lois, c'est un enterrement de première classe des espoirs suscités par la mobilisation des femmes, par les bons résultats obtenus par les candidates aux dernières législatives, par les engagements des plus hauts responsables de notre pays que sont le Président de la République et le Premier ministre.
Au coeur de notre débat figurent les principes fondateurs que sont la souveraineté, la liberté et l'égalité du peuple, l'universalité du suffrage.
Ils furent des concepts d'émancipation mais consitutent aujourd'hui, ironie du sort, des obstacles aux mesures volontaristes qui sont, indéniablement, un préalable à l'amélioration de la représentation des femmes dans nos assemblées. Les exégètes du principe d'universalisme en sont eux-mêmes bien conscients.
Le Président de la République, le Premier ministre et nos collègues députés, en modifiant l'article 3, nous proposent d'envisager que l'expression de la souveraineté tienne compte désormais d'une réalité bien tangible : la mixité du peuple français, la mixité des citoyens électeurs et, en conséquence, la mixité de ceux qui les représentent.
Cette proposition est-elle si iconoclaste et si porteuse de dérives vers un communautarisme, étranger jusqu'ici au système français ?
Permettez-moi d'éprouver un malaise face à certaines assimilations tendant à mettre sur le même plan les aspirations vers une plus juste représentation des femmes et celles de communautés se constituant sur la base d'une origine, d'une religion ou d'un handicap commun.
Nos discussions suscitent une autre question : les femmes élues apportent-elles « un plus » au débat politique, ont-elles une réelle spécificité ?
Après tout, des lois aussi fondamentales que celles qui portaient sur la contraception, la dépénalisation de l'avortement, l'autorité parentale ont été portées, votées par des hommes. MM. Badinter et Neuwirth peuvent en témoigner.
Mais ne croyez-vous pas que des assemblées plus féminisées auraient engagé ces réformes plus tôt ?
Mes chers collègues, hommes ou femmes, nous sommes élus pour défendre et pour incarner des projets politiques dans lesquels se retrouvent nos concitoyens.
Nous contribuons chacune, chacun, par notre expérience, par notre parcours, à apporter des éclairages différents à nos travaux parlementaires.
Ce n'est pas, me semble-t-il, prendre le risque de sombrer dans un « différentialisme », sujet de bien des polémiques, que de vouloir se donner les moyens d'instaurer un plus juste équilibre de nos assemblées.
Par ailleurs, soumettre au suffrage des électeurs des listes composées à parité d'hommes et de femmes est-elle une violation de la liberté de l'électeur ?
Je relève que l'on ne s'est guère posé cette question au cours des nombreuses élections où la plupart des listes étaient essentiellement, pour ne pas dire « exclusivement », composées d'hommes ?
Qui peut, aujourd'hui, raisonnablement prétendre que les stratégies volontaristes mises en oeuvre aux élections européennes ou législatives ont violé la liberté de l'électeur, sauf à renoncer au système d'investiture par les partis politiques ?
Notre collègue Dinah Derycke a bien su, ce matin, décoder ce que sous-tendent les craintes de la majorité sénatoriale, qui, de toute évidence, redoute de devoir recourir à la loi, expression de la volonté générale, élaborée par des représentants élus, pour déterminer les conditions d'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux.
Alors que l'accent est mis depuis plusieurs années sur le renforcement du rôle du législateur, c'est un renoncement surprenant.
La majorité sénatoriale a déjà refusé le projet de loi tendant à limiter les possibilités de cumuler les mandats, projet qui pourtant contribuerait au rééquilibrage de la participation des femmes et des hommes dans les assemblées élues.
Va-t-elle de nouveau enrayer le processus de modernisation de la vie publique si nécessaire à notre démocratie ?
Nous attendons depuis trop longtemps que, dans la sphère politique, l'égalité, pilier de la devise de notre République, n'en reste pas au stade de la déclaration de principe.
C'est ce défi que nous devons relever aujourd'hui. A chacun de prendre ses responsabilités, mes chers collègues. Les socialistes prendront les leurs ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. « Pour que la société soit transformée ne faut-il pas que la femme intervienne aujourd'hui dans les affaires publiques ? ». Ainsi s'exprimait George Sand en 1848. Depuis, la situation des femmes en politique a certes évolué, mais à pas comptés.
Cent ans après, grâce au général de Gaulle, nous avons enfin obtenu le droit de vote. Mais que d'obstacles à franchir encore pour que la représentation des femmes ne reste pas aussi faible, sinon marginale !
En effet, après plus de cinquante ans d'exercice des droits civiques, nous, les femmes parlementaires, ne représentons toujours que 10,5 % des députés et moins de 6 % des sénateurs.
A eux seuls, ces deux chiffres montrent à quel point les femmes sont encore très largement tenues à l'écart de la vie politique et du pouvoir.
Cette « exception française » que constitue la faible représentation des femmes en politique nous distingue singulièrement des autres démocraties européennes. La France est, avec la Grèce, la lanterne rouge des pays européens dans ce domaine.
Comment expliquer cette situation ?
Il y a certes un héritage historique, mais aussi le fait que, dans nos mentalités, il est dans l'ordre naturel des choses de répartir les rôles entre hommes et femmes en réservant aux hommes la vie publique et aux femmes les responsabilités de la vie privée.
Mais le passé n'explique pas tout. En Espagne, notre pays voisin au même passé religieux et culturel que le nôtre, après qu'ont été prises des initiatives pour féminiser l'institution, il y a près de 25 % de femmes au Parlement.
A titre personnel, pour avoir été pendant plusieurs années la seule femme présidente d'un conseil général, ayant occupé pendant neuf années cette fonction, j'ai pu mesurer le privilège que constituait parfois l'exception mais aussi les difficultés qu'il fallait surmonter. J'ai pu constater qu'il régnait une certaine méfiance à l'égard des actions conduites par une femme exerçant un véritable pouvoir décisionnel et que des jugements beaucoup plus sévères leur étaient réservés. En effet, nos mentalités réservent presque exclusivement ce pouvoir décisionnel aux hommes. (Mmes Cerisier-ben Guiga, Printz et Terrade applaudissent.)
Je veux bien croire qu'il se dessine aujourd'hui une évolution plus favorable et je m'en réjouis.
Cependant, je suis convaincue que seule la présence d'un plus grand nombre de femmes dans la vie politique permettra d'accélérer cette évolution. (Applaudissements sur certaines travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
En effet, ce déséquilibre contribue beaucoup plus qu'il n'y paraît au décalage entre la société civile et la classe politique.
Cette situation me semble constituer un grave danger pour l'équilibre de notre démocratie, qui devrait être le reflet de notre société composée pour plus de la moitié de femmes.
Aujourd'hui, chacun est désormais convaincu que le faible nombre de femmes élues constitue à la fois une injustice flagrante et le signe d'un dysfonctionnement de la démocratie.
Face à ce constat d'échec, comment pouvons-nous favoriser l'accès des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ?
Ici même, au Sénat, nous avions engagé une réflexion à ce sujet au sein de la mission commune présidée par Mme Olin, chargée d'étudier la place et le rôle des femmes dans la vie publique.
Plusieurs solutions avaient été examinées, parmi lesquelles la parité et la modulation du financement public des partis politiques en fonction de la proportion des candidatures féminines.
Aucune de ces solutions n'est véritablement satisfaisante et, pour ma part, je trouve choquant que nous soyons dans l'obligation d'imposer la contrainte pour corriger une lacune criante, parce que les partis n'ont pas su mettre en oeuvre la responsabilité qu'ils détiennent de l'article 4, parce qu'ils n'ont pas su favoriser l'accès des femmes en politique.
Je me réjouis néanmoins aujourd'hui de la tenue de ce débat, qui présente à mon sens un immense avantage : celui de sensibiliser l'opinion publique, d'ailleurs favorable à ce courant.
Si la parité n'est sans doute pas une recette miracle, je crains que ceux qui feignent de croire qu'il est possible aux femmes d'acquérir sans modification des textes les droits auxquels elles peuvent prétendre ne se trompent.
Mme Odette Terrade. Eh oui !
Mme Janine Bardou. La modification qui nous est proposée est donc une étape nécessaire. Elle ne doit plus être retardée.
Je ne sous-estime pas, cependant, les réserves que suscite ce texte, notamment de la part des juristes qui s'opposent à ce projet au nom de leur attachement au principe de l'universalité. Je ne sous-estime pas non plus le danger d'une dérive vers l'instauration d'un scrutin à la proportionnelle.
Très attachée au scrutin uninominal, je n'oublie pas l'exemple des élections législatives de 1986, où 33 % des femmes étaient candidates alors que seulement 5,89 % d'entre elles furent élues.
Nous pouvons donc en déduire que, malgré certaines promesses électorales de l'époque, les femmes n'étaient pas les mieux placées sur les listes ; dans le choix qu'ils font pour désigner leurs candidats, les partis restent maîtres du jeu.
Les bureaux des partis politiques, presque exclusivement masculins, n'hésitent pas à se montrer généreux en donnant les circonscriptions les plus difficiles... aux femmes.
Mme Odette Terrade. C'est vrai !
Mme Janine Bardou. Dans ces conditions, confier, dans la Constitution, aux partis politiques la responsabilité de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions politiques ne me semble pas la meilleure solution. Nous ne voulons point que nous soit octroyée une faveur mais nous voulons faire en sorte que la mixité trouve sa traduction politique dans la parité et que les femmes soient présentes dans toutes les instances de décision de notre société.
Nous devons faire confiance aux femmes. Aussi, malgré ses insuffisances, je voterai le projet de loi tel qu'il nous est proposé. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de soulever quelques questions.
A quelle fin le Président de la République et le Gouvernement ont-ils soumis au Parlement ce projet de loi organique ? Il me semble que le Président de la République comme le Gouvernement ont voulu que le législateur puisse prendre toutes les dispositions nécessaires afin de donner aux citoyens de sexe féminin une juste place dans la représentation nationale.
Or, que nous propose pour sa part la commission des lois du Sénat ? Elle nous suggère de former un voeu pieux et de confier cette mission aux seuls partis politiques, en feignant de croire que ceux-ci agiront demain autrement qu'ils ne l'ont fait depuis un demi-siècle, sans qu'il soit le moins du monde nécessaire d'exercer une contrainte sur eux.
Que signifie cette attitude ? Elle traduit le fait que, une fois de plus, la majorité sénatoriale, fidèle à sa vocation conservatrice, cherche à retarder, et si possible à bloquer pour de bon, une réforme profonde de la société, même si cette réforme est voulue par le Président de la République. La majorité sénatoriale ne veut d'aucun dispositif contraignant dont l'Assemblée nationale aurait la maîtrise, surtout s'il s'agit d'instaurer des quotas... Elle pourrait dire : « cachez ce quota que je ne saurais voir ». (Sourires.)
Mais l'existence depuis cinquante ans d'un quota implicite de 90 % d'hommes dans la représentation nationale n'a guère offensé votre sourcilleux sens de l'égalité, chers collègues de la majorité. Et encore, si nous sommes en deçà du seuil des 95 %, c'est grâce à la prise de conscience récente des seuls partis de gauche !
Plus sérieusement, c'est en pensant à toutes les générations de femmes privées de la possibilité de dire le droit et subissant celui qui était édicté par les seuls hommes, c'est en pensant à la génération des femmes qui ont tenu la France à bout de bras pendant toute la guerre de 1914-1918 et que la Haute Assemblée a privées du droit de vote jusqu'en 1944 - il s'agit de nos grands-mères, ce n'est pas si loin ! - que je développerai brièvement deux arguments en faveur du projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis aujourd'hui.
Tout d'abord, il me paraît évident qu'il sera nécessaire de prendre des mesures contraignantes diversifiées pour venir à bout de l'un des blocages les plus anciens et les plus forts de notre société, celui qui tend à éliminer les femmes de la vie politique.
Ensuite, la société française, devenue mixte au cours de ce siècle, ne peut se reconnaître que dans une représentation nationale elle aussi mixte.
Ainsi, cette représentation nationale, et tout particulièrement le Sénat, passablement discrédité dans l'opinion depuis des années - et cela va en s'aggravant (Mme Terrade approuve) - retrouverait une crédibilité qu'elle est en train de perdre.
Je rappelle, après d'autres orateurs qui m'ont précédée, que c'est l'histoire qui a fait que femmes et hommes ne sont pas à égalité aujourd'hui devant la politique, que les hommes ont confisqué l'universalité républicaine depuis que la République existe, qu'eux seuls ont eu le droit de penser la République et que, lorsqu'une femme leur a contesté ce monopole, elle a terminé sa vie sur l'échafaud.
Mais il y a plus grave et plus proche de nous : rien, dans l'éducation de la majorité des femmes jusqu'aux années soixante-dix, ne les préparait à une carrière politique, et aucun modèle valorisant de femme politique n'a été proposé aux femmes de ma génération. Ainsi, les grandes féministes étaient absentes de nos manuels scolaires, et elles le sont d'ailleurs encore.
Mais surtout, plus profondément, l'éducation familiale et scolaire a longtemps installé un terrible sentiment d'infériorité au coeur du psychisme des femmes. Rien, dans l'éducation des filles, ne valorisait l'affirmation de soi, la prise de responsabilités, au contraire de ce qui prévalait pour l'éducation des garçons, à la même époque et dans les mêmes milieux. Comment peut-on dire que nous abordons la compétition politique avec des chances égales, quand toutes les qualités nécessaires à cette activité ont été soigneusement développées chez les hommes et cessent tout juste aujourd'hui d'être réprimées chez les femmes ? Prendre des mesures volontaristes s'impose avec d'autant plus de force que les femmes doivent surmonter les handicaps souvent inconscients installés dans leur esprit par des millénaires d'oppression.
Je n'aurai pas le temps d'aborder dans tous ses détails la question de la transposition de la mixité dans la représentation nationale, mais dites-vous bien, mes chers collègues, que la société française a tant gagné à la mixité dans tous les domaines de la vie au cours de ce siècle (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen) qu'elle attend avec impatience que la mixité touche enfin le monde politique.
Je dirai en conclusion que l'instauration d'un égal accès des femmes et des hommes à la vie politique est une exigence de justice. Donner enfin la parole aux femmes, permettre aux citoyennes d'avoir prise sur leur vie, traiter dans le débat politique les dénis de droit et les injustices qui sont aujourd'hui passés sous silence parce que seules les femmes en sont victimes contribuerait à rétablir la confiance du peuple à l'égard de la classe politique. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « les femmes : quelle puissance ! », s'exclamait Michelet. Et pourtant, bien rares sont les silhouettes féminines qui ont pu, ici ou là, jadis ou naguère, incarner le pouvoir ou se glisser dans ses allées.
Partout, l'établissement des systèmes représentatifs s'est traduit par un cantonnement des femmes dans la sphère privée, et il aura fallu presque tout un siècle pour que, de la Finlande en 1906 à la Suisse en 1971, l'Europe occidentale réalise, en leur permettant de voter, l'« admission des femmes au droit de cité » que Condorcet, seul ou presque, appelait de ses voeux à l'aube de la Révolution.
Ce n'est qu'à partir de 1944 que les Françaises, sous la IVe République, commencèrent à user du droit d'éligibilité, acquis peu après le droit de vote. Mais les pratiques issues des institutions de 1958 ont maintenu le plus souvent à moins de 2 % la proportion des femmes à l'Assemblée nationale.
La situation actuelle n'est pas beaucoup plus brillante. En effet, seulement 63 sièges de députés sur 577, soit 10,9 %, sont occupés par des femmes. Certes, ce pourcentage est encore plus faible en Grèce, où il atteint 6,3 %, mais la Suède fait beaucoup mieux avec 40,4 %.
Dans ces conditions, pour corriger une situation que chacun s'accorde à juger insatisfaisante, la tentation est évidemment forte, surtout dans un pays comme le nôtre, marqué par l'empreinte du droit romain et du code Napoléon, de recourir à une démarche normative.
Cette démarche fut d'ailleurs engagée par le précédent gouvernement. Le Premier ministre s'était alors prononcé sur « la place des femmes dans la vie publique », observant que « nous continuons à vivre, en quelque sorte, sous l'empire de la loi salique ».
Son successeur a conforté cette approche, tout en reconnaissant, dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997, que, dans ce domaine, « le progrès passe d'abord par l'évolution des mentalités et le changement des comportements ».
Il a néanmoins jugé nécessaire d'« aller plus loin » et a annoncé une révision de la Constitution « afin d'y inscrire l'objectif de la parité entre les hommes et les femmes ». Si nous ne pouvons, madame le ministre, que faire nôtre l'objectif affiché, nous devons cependant dire toutes nos craintes quant à la méthode retenue.
En effet, sous couvert de parité, ce projet de loi organique vise exclusivement à rendre constitutionnelles des lois qui instaureront des quotas de femmes.
Permettez-moi, à cet égard, de formuler trois remarques.
La première est d'ordre constitutionnel. J'observe que, aux termes de l'article Ier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », et que, selon l'article VI du même texte, tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi, ils sont « également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
Dès lors, je note qu'à moins de supprimer ce dernier article, toute loi imposant des quotas, même après la modification constitutionnelle que vous nous proposez, madame le ministre, restera en contradiction avec ce principe fondateur de notre démocratie.
Ma deuxième remarque - mais ce point a déjà été longuement souligné - aura trait à la dignité des femmes et à l'atteinte qui sera portée à celle-ci au travers de leur citoyenneté. En effet, avec l'instauration de quotas, les femmes ne seront plus réellement respectées dans leur dimension citoyenne, puisque leurs pouvoirs de représentativité dépendront en réalité des quotas à atteindre.
Ainsi, et je sais bien que ce propos n'est pas du goût de tous, on ne sera pas très éloigné du slogan : « il suffit d'être femme pour être élue », avec tout ce que cela peut comporter de valeurs collectivement négatives pour les femmes. A cet égard, je le répète à la suite d'autres orateurs qui m'ont précédé, la pertinence des propos d'Elisabeth Badinter ne peut manquer de nous frapper. (Exclamations amusées sur les travées socialistes.)
Troisième remarque, j'observe que les avancées constatées dans la représentativité politique des femmes relèvent de décisions partisanes et non de contraintes normatives, l'exemple belge étant à cet égard peu probant.
En effet, Valéry Giscard d'Estaing a été le premier chef d'Etat de la Ve République à se préoccuper non seulement d'améliorer la « condition féminine », mais encore de féminiser les institutions politiques.
M. Jean-Claude Gaudin. Cela ne lui a pas réussi !
M. Bernard Plasait. En sept ans, vingt et un portefeuilles ministériels ont ainsi été attribués à des femmes. La décision prise par le parti socialiste de s'imposer un quota de quelque 30 % de candidates pour les élections législatives de 1997...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cela a marché !
M. Bernard Plasait. ... a permis l'élection de quarante-deux femmes dans ses rangs.
M. Henri Weber. Bravo à lui !
M. Bernard Plasait. Encore faut-il mentionner le fait que l'objectif des 30 % de candidatures n'a pas été atteint, et que 30 % de candidates ne signifie pas 30 % d'élues !
M. Claude Estier. C'est quand même mieux que 5 % !
M. Bernard Plasait. Cette dernière remarque me conduit à dire combien j'approuve la démarche de la commission des lois, qui propose de rattacher les nouvelles dispositions non à l'article 3, mais à l'article 4 de la Constitution,...
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Bernard Plasait. ... mais elle m'oblige aussi à insister sur les implications qu'entraînera mécaniquement une telle modification sur les modes de scrutin. Il est en effet clair qu'un système de quotas serait incompatible avec le mode de scrutin majoritaire.
M. Henri de Richemont. C'est vrai !
M. Bernard Plasait. Quoi qu'il en soit, je crois vraiment que c'est seulement dans la mobilisation des femmes elles-mêmes et dans le volontarisme des partis que réside la clé de l'accès des femmes aux responsabilités.
A cet égard, j'ai entendu tout à l'heure avec beaucoup d'intérêt, et même avec beaucoup d'émotion, l'excellente intervention de ma collègue Anne Heinis, qui a, je crois, remarquablement exprimé la vérité.
Dans l'éternel débat, ouvert par Montesquieu, entre l'action par la loi et l'action par les moeurs, les expériences européennes donnent incontestablement le pas à celle-ci sur celle-là. La Haute Assemblée trace la meilleure voie pour la nécessaire évolution des mentalités et des comportements. J'ai écouté tout à l'heure, avec beaucoup d'intérêt là aussi, notre collègue Christian Bonnet, dont je partage totalement le souci de ne pas réduire la Constitution à un inventaire à la Prévert en introduisant des mesures d'incitation financière qui n'ont aucunement leur place dans la charte fondamentale de notre démocratie. Je crois que notre assemblée serait bien inspirée d'écouter sa sagesse, ainsi que celle de Mme Heinis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Gaudin. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », proclamait, en 1789, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
« En 1848, les Français ont obtenu le suffrage universel », affirmaient mes livres scolaires. C'est ce que j'ai cru longtemps !
Mais il faut bien se rendre à l'évidence : l'histoire de notre pays porte en elle cette étrange contradiction, longtemps dissimulée : l'homme universel de la Déclaration de 1789 était masculin. Il priva les femmes, pendant plus de cent cinquante ans, de leur droit légitime à prendre part aux affaires de la cité.
Il faudra attendre l'ordonnance de 1944, prise par le Conseil national de la Résistance...
De nombreux sénateurs du RPR. Non ! Par le général de Gaulle !
Mme Danièle Pourtaud. ... par le Conseil national de la Résistance, disais-je, pour réparer cette injustice. (Protestations vives et prolongées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin. Impossible !
M. Guy Cabanel, rapporteur. C'était le Comité français de libération nationale !
M. le président. Mes chers collègues, laissez Mme Pourtaud s'exprimer ! Elle seule a la parole !
Mme Danièle Pourtaud. Nous consulterons donc les historiens (Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), mais il ne change rien à vos contestations qu'il s'agissait d'une ordonnance de 1944 qui a enfin réparé cette injustice et a rendu aux femmes la citoyenneté, c'est-à-dire non seulement leur droit d'électeur (M. Charles Ceccaldi-Raynaud s'exclame)...
M. le président. Monsieur Ceccaldi-Raynaud, ménagez-vous, s'il vous plaît ! (Sourires.)
Mme Danièle Pourtaud. Cette ordonnance de 1944, disais-je, a donc rendu aux femmes leur citoyenneté, c'est-à-dire non seulement leur droit d'électeur, mais aussi leur droit à l'éligibilité.
M. René-Georges Laurin. Et qui a pris l'ordonnance de 1944 ?
M. Claude Estier. Le général de Gaulle, d'accord !
Mme Danièle Pourtaud. L'affaire était-elle réglée pour autant ? J'aurais aimé pouvoir répondre par un « oui » clair et définitif.
Mais si j'interviens aujourd'hui, c'est pour défendre la nécessité de mesures volontaristes afin d'organiser les conditions d'un égal accès des femmes et des hommes à l'éligibilité, ce qui implique - nous le savons tous - une modification constitutionnelle.
Un sénateur sur les travées des Républicains et Indépendants. Non !
Mme Danièle Pourtaud. Des mesures volontaristes sont donc nécessaires et, faute de temps, je ne citerai que deux motivations essentielles à cet égard : d'une part, il faut s'opposer au poids de notre mémoire collective, à cette histoire d'hommes qui a exclu pendant plus d'un siècle les femmes de la sphère publique, les cantonnant à la sphère privée ; d'autre part, il faut lutter contre la persistance, depuis la Libération, d'une sous-représentation scandaleuse des femmes dans toutes les assemblées politiques.
A mon tour, je ne ferai qu'évoquer le poids de l'histoire.
En fait, jusqu'en 1944, les femmes furent, à l'égal des hommes, de tous les combats pour la liberté - en 1789, en 1848, en 1871, pendant la guerre de 1914-1918 et, bien sûr, entre 1939 et 1945 - sans jamais se voir reconnaître leur droit de participer à la vie publique.
Pendant cent cinquante ans - mais est-ce vraiment oublié ? On pourrait en douter en écoutant, ce matin encore, certains discours - a subsisté, à des degrés divers, cette croyance insensée selon laquelle la libération politique de la femme représenterait un danger pour la sauvegarde de la famille. C'est ce qui explique que la première proposition de loi en faveur du droit de vote des femmes, en 1902, envisageait de l'accorder aux femmes majeures, célibataires, veuves ou divorcées ! Elle fut néanmoins repoussée. Pas moins de trente-huit propositions de loi furent ensuite déposées, sans succès. C'est de cette histoire-là que nous sommes, tous et toutes, les héritiers.
Il ne faut pas, néanmoins, rejeter aujourd'hui l'universalisme, cette « égalité des êtres », par-delà leurs différences, « à jouir de tous les droits fondamentaux », comme le rappelait Robert Badinter, il y a quelques jours, à l'UNESCO, en célébrant le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
En revanche, ce que je condamne absolument, c'est une lecture masculine erronée, une application inachevée de l'universalisme, qui, trop longtemps, non seulement a exclu les femmes du droit de vote et de l'éligibilité, mais laissa aussi perdurer l'esclavage. (Protestations sur les travées du RPR.)
Cet héritage, malgré des avancées majeures, pèse encore dans l'inconscient collectif de ma génération et de la génération précédente.
En effet, si, en 1944, cessa l'exclusion, on oublia de concevoir l'inclusion réelle des femmes dans la vie publique.
J'en viens maintenant au constat accablant et inacceptable pour toutes les Françaises, et, je l'espère, pour tous les Français.
Par le nombre de femmes qui siègent à l'Assemblée nationale - ne parlons pas du Sénat ! - la France, comme de nombreux intervenants l'ont souligné avant moi, est bel et bien la lanterne rouge de l'Europe.
Et, malheureusement, les choses n'évoluent pas spontanément dans le sens de l'égalité, comme préfèrent le laisser croire certains orateurs de la majorité sénatoriale. La preuve en est que les femmes étaient plus nombreuses à l'Assemblée nationale en 1946 qu'en mai 1997, avant les dernières élections. Si, en 1998, le nombre de conseillères régionales a doublé, on a pu constater aux dernières élections cantonales et sénatoriales que cet élan s'était arrêté tout net !
C'est pourquoi je crois en une mobilisation à la fois constante et volontaire à tous les niveaux de notre société. En d'autres termes, la parité est une ambition à la fois juridique et culturelle. Ce que nous voulons, c'est que cette modification constitutionnelle inaugure une évolution irréversible des mentalités et des comportements dans notre pays. De nombreuses femmes aspirent en effet à un meilleur partage des responsabilités familiales. Ce n'est un secret pour personne : le militantisme politique, chemin normal pour accéder aux responsabilités électives, s'exerce d'abord le soir et le week-end !
Par ailleurs, au-delà de toute interprétation philosophique, cette modification de notre Constitution correspond à une démarche pragmatique. Elle permettra de faire sauter le célèbre verrou du Conseil constitutionnel de 1982, reverrouillé le 14 janvier dernier. Bref, cette modification constitutionnelle est un outil pour produire de l'égalité.
Après cette loi d'habilitation constitutionnelle, il sera nécessaire d'adopter une ou des lois d'application afin d'obliger les partis à présenter un nombre égal d'hommes et de femmes à la candidature, et ce, pour tous les modes de scrutin. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin. Voilà ce que cela cachait !
Un sénateur du RPR. Les quotas !
M. Claude Estier. La candidature !
Mme Danièle Pourtaud. Nous ne devons pas non plus négliger les voies indirectes qui contribuent à la réalisation de notre objectif, comme, par exemple, la limitation du cumul des mandats. Je pense aussi, madame la ministre, à la proposition de loi que viennent de déposer les membres des deux groupes parlementaires socialistes, visant à créer une délégation parlementaire « aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes », dans chacune des assemblées. J'espère qu'elle sera inscrite rapidement à l'ordre du jour.
En conclusion, mes chers collègues, vous me permettrez de déplorer que la majorité sénatoriale s'obstine à vouloir au mieux retarder, au pis empêcher la fin de cette injustice, en dépit des engagements présidentiels et au mépris de l'opinion publique. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. C'est vous qui le dites !
Mme Danièle Pourtaud. Cette tradition machiste n'est pas une nouveauté puisque la Haute Assemblée avait fait échouer à six reprises, dans l'entre-deux-guerres, des propositions de loi en faveur du vote des femmes. J'espère que, cette fois-ci, nous pourrons aboutir.
Je me battrai, quant à moi, pour que nous puissions très vite, par des lois, rendre efficiente cette modification de notre Constitution et concrétiser l'objectif de parité. Mais j'espère aussi que nous pourrons, un jour, voter, sans remords, leur suppression, à moins qu'elles ne deviennent indispensables pour préserver la place des hommes... (Rires.)
M. Jean-Claude Gaudin. Ne nous provoquez pas !
Mme Danièle Pourtaud. « L'égalité n'est jamais acquise, c'est toujours un combat ! », disait voilà peu de temps, François Mitterrand. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Claude Gaudin. Oh ! là là !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Monsieur le président, avec votre autorisation, j'entends éclairer un point d'histoire. Je n'ai pas voulu interrompre Mme Pourtaud, même si, comme d'autres, j'ai dit que l'ordonnance avait été prise non par le Conseil national de la Résistance mais par le Comité français de libération nationale.
Je voudrais bien situer l'événement : au printemps 1942, le général de Gaulle, alors qu'il était sur des territoires limités et disposait de capacités restreintes pour parler au nom de la France, avait déjà annoncé que, après la libération du territoire, les femmes voteraient comme les hommes et seraient éligibles comme eux.
En 1994, le Comité français de libération nationale réunissait auprès de lui une assemblée consultative provisoire qui comprenait des élus des trois départements algériens, lesquels, selon la vieille loi Tréveneuc, avaient des droits à la représentation nationale hors du territoire envahi. Il avait ajouté, à la demande du Conseil national de la Résistance, un autre tiers de résistants venant de la résistance intérieure, qui étaient souvent amené par des Lysander ou par des sous-marins venant près des côtes françaises, et un tiers représentant la résistance extérieure, c'est-à-dire le mouvement des Français libres et la petite résistance Nord-Africaine qui avait favorisé le débarquement.
Cette assemblée a eu à débattre, en mars 1994, de l'esquisse de ce qui serait l'ordonnance du 21 avril 1944 pour l'organisation des pouvoirs publics à la libération du territoire national. Fernand Grenier, officier communiste incarcéré en Afrique du Nord sous Vichy et libéré lors des événements ayant suivi le débarquement américain, avait même déposé un amendement visant à accorder dès l'instant même le droit de vote et l'égibilité aux femmes ; mais cet amendement avait été rejeté par cette assemblée encore - peut-être était-ce une tradition des assemblées en France ? - et le général de Gaulle imposa alors, dans l'ordonnance du 21 avril 1944, ce qui devint l'article 14, article prophétique, qui disposait que, après la libération de l'ensemble du territoire national, à la première élection où le peuple français pourrait s'exprimer pour désigner ses représentants nationaux, les femmes comme les hommes auraient le droit de vote et d'égibilité. Nous étions le 21 avril 1944. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin. Mme Pourtaud n'était pas née !
Mme Nicole Borvo. Merci de la démonstration !
Mme Odette Terrade. Et les femmes ont voté pour la première fois aux élections municipales d'avril et de mai 1945 !
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le point de vue que je vais exprimer n'engage que moi, mais il témoigne de convictions qui sont chez moi profondes et que je partage entièrement avec ma femme.
La révision qui nous est proposée soulève trois ordres de questions : philosophique, constitutionnelle, politique. Et toutes ces questions se situent, c'est vrai, à un niveau élevé de réflexion.
Le débat philosophique, on le sait, divise notamment les féministes. Il porte sur le concept d'humanité. Que cette dernière soit composée physiquement de femmes et d'hommes implique-t-il que l'on doive la considérer par essence comme duale ? Je le dis clairement, je ne le pense pas plus qu'Elisabeth Badinter.
L'humanité est une à travers ses composantes. Elle est ce qui est commun à tous les êtres humains, au-delà de toute distinction. C'est pourquoi l'universalité - j'ai eu plusieurs fois l'occasion de m'exprimer à ce sujet - est le propre des droits de l'homme, sauf à en dénaturer la portée. Les droits de l'homme sont ceux de tous les êtres humains, sans que l'on puisse considérer ce que sont leur sexe, leur race ou toute autre considération. Et même si, pour notre honte, il est arrivé à nos sociétés d'y déroger, cette universalité ne souffre, à mon sens, aucune distinction, même sexuelle.
En un mot, mes chers collègues, je ne crois pas et je n'ai jamais cru qu'il existe une différence de nature entre homme et femme que l'on puisse ériger en principe politique. (Applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Je remarque d'ailleurs, mes chers collègues, que c'est cette prétendue différence que les misogynes ont, tout au long de l'histoire, invoquée pour tenir précisément les femmes à l'écart des responsabilités politiques.
Pour ma part, je le dis simplement : toutes les femmes que j'ai connues dans ma vie professionnelle, à l'université, au Palais, dans la vie publique et politique, ne me sont jamais apparues différentes des hommes. Il n'est pas deux façons - l'une masculine, l'autre féminine - d'enseigner, d'écrire, de plaider, de juger, de légiférer ou de gouverner !
A ce dernier égard, je considère que nombre de femmes témoignent de vertus de caractère, de sang-froid et d'autorité, vertus que, bien à tort - ou bien à la légère - on se plaît à qualifier de viriles.
M. Bernard Plasait. Très bien !
M. Robert Badinter. Au-delà de la question philosophique, le projet de révision, par nature, nous posait une question constitutionnelle fondamentale. Et notre rapporteur en a, à cet égard, avec précision et éloquence, défini les termes.
Ce qui est constitutionnellement en question dans cette révision, c'est ce qui est au coeur même de notre Constitution, à savoir la question de la souveraineté. L'article 3 de notre Constitution est clair : « La souveraineté nationale appartient au peuple... »
Or, selon ce qui a toujours été la conception républicaine de la démocratie, le peuple français est composé de tous les citoyens français à l'encontre desquels ou entre lesquels aucune distinction quelle qu'elle soit - le Conseil constitutionnel l'a rappelé dans sa décision relative au peuple corse - ne saurait être faite.
La souveraineté, comme la République, est un tout indivisible. Aussi, voyez-vous, lorsque j'entends, comme je l'ai entendu ce matin, que la souveraineté devrait s'incarner dans les deux moitiés de l'humanité que sont les femmes et les hommes, j'avoue que je ne peux pas suivre cette argumentation. Je ne conçois pas ce que serait une souveraineté ainsi incarnée en deux parties, pas plus d'ailleurs que je ne conçois, je le reconnais, ce qu'est un universalisme concret : l'universalisme est l'universalisme tout court !
Je remarque - et je conclurai sur ce point - que, s'agissant de principes constitutionnels, dans aucune démocratie, pas même dans les Etats d'Europe du Nord, et Dieu sait qu'ils sont bien plus avancés que nous et qu'ils montrent la voie en ce domaine, le principe ou l'objectif de parité n'a été inscrit dans la Constitution.
J'en arrive à la question qui, elle, est purement politique : pour autant, pouvons-nous accepter l'état de choses existant ? Assurément non !
A cet égard, je vais abandonner les grands principes et redevenir plus concret. De quoi s'agit-il ? S'il s'agit des élections au scrutin de liste, il n'y a rien de plus facile ! Très franchement, il suffit, pour les partis, de désigner comme candidats à égalité et, je me plais à le marquer, à mon sens alternativement, femmes et hommes, la désignation de la tête de liste - on en revient toujours au choix des personnes ! - relevant du choix des militants ou des instances du parti.
Les partis de gauche et, en premier lieu, historiquement, le parti communiste, ont, à cet égard, adopté cette pratique, et ils s'en sont trouvés très bien.
Peut-on imposer, par la loi, dès lors que la Constitution le prévoirait, cette règle aux partis politiques ? Au regard des décisions du Conseil constitutionnel, la réponse est très claire : oui, on le peut, rien ne l'interdit, car il n'existe pas en France, je le rappelle, de principes supraconstitutionnels.
Dès lors, puisqu'il s'agit, en réalité, de faire figurer sur les listes de candidats au scrutin proportionnel un nombre égal de femmes et d'hommes, cela relève bien de la désignation des candidats par les partis politiques !
Quant au scrutin d'arrondissement, il est évident que l'on voit mal comment, à cet égard, on pourrait interdire à tout citoyen qui satisfait aux conditions d'éligibilité, qu'il s'agisse d'une femme ou d'un homme, de se présenter ! C'est un droit fondamental pour tout citoyen, en dehors de toute question de sexe.
Dès lors, de quoi s'agit-il dans le domaine des scrutins uninominaux ? Il s'agit de susciter un nombre égal de candidates femmes, notamment dans les circonscriptions où le parti a une chance sérieuse de voir élire son candidat, et cette investiture-là relève aussi des partis politiques.
Je suis donc forcé de conclure que, constitutionnellement, sauf à vouloir changer la nature de la souveraineté, c'est bien à l'article 4, qui concerne le rôle des partis politiques dans la démocratie, et non pas à l'article 3, qui concerne la souveraineté nationale, que la révision doit trouver sa place. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais, si elle y trouve sa place, encore faut-il qu'elle atteigne aussi une indiscutable effectivité, et je suis au regret de dire que celle-ci n'apparaît pas, à mon sens, dans l'amendement de la commission des lois.
En effet, pourquoi sommes-nous ici réunis ? Pour débattre d'une révision constitutionnelle. A cause, vous l'avez très bien dit, madame le garde des sceaux, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, jurisprudence qui, au regard des principes existants, est parfaitement justifiée.
Cela signifie, en clair, qu'il nous faut procéder à une révision constitutionnelle qui, pour être effective, doit comporter une disposition habilitant le législateur à définir de façon contraignante les conditions de mise en oeuvre par les partis politiques de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions électives. Faute de cela, cette révision ne pourrait, je le pense, atteindre son objectif, qui consiste tout de même à aller - c'est en tout cas bien le pouvoir du constituant - au-delà de ce que le Conseil constitutionnel a jugé... et d'ailleurs, sur ce point, bien jugé.
A partir de ces considérations, ma conclusion sera brève.
La contribution la plus précieuse que la culture européenne aura apportée à la cause de la liberté, c'est l'invention de la démocratie. Or la démocratie repose sur l'idée simple et forte que la façon la plus heureuse pour un peuple d'être gouverné est de se gouverner lui-même en choisissant librement, à intervalles réguliers, ses représentants.
La contribution la plus précieuse, à mon sens, que la France aura apportée à cette idée démocratique, c'est l'invention de la République une et indivisible - que je qualifierai, pourquoi pas, d'universelle - une République composée de citoyens qui jouissent tous de droits semblables, sans distinction aucune entre eux, qu'il s'agisse, bien entendu, de cette distinction physique que l'on a évoquée et qui est bien évidemment le lot commun de l'humanité, mais aussi de toutes les autres : de la race, des opinions, des origines ou des croyances religieuses. Je n'ai pas besoin, à cet égard, de rappeler la Déclaration universelle des droits de l'homme ou la Convention européenne : tous des citoyens, rien que des citoyens.
Voilà les fondements de notre République. Elle n'a jamais été une mosaïque de communautés ni une juxtaposition de composants différents. Elle ne connaît et n'a jamais connu que des individus, des êtres humains et des citoyens, sans discrimination aucune.
Certains - et de mes meilleurs amis - ont souligné avec raison que, longtemps, très longtemps - je dirai trop longtemps - la République n'a pas eu le courage de conformer ses lois à ses principes et qu'elle a refusé, au mépris de l'universalité qu'elle proclamait, l'égalité des droits politiques, notamment aux femmes. Mais gardons-nous de tirer de ce que furent des défaillances honteuses ou des discriminations odieuses un enseignement contraire à la vérité !
Lorsque les républicains ont manqué aux droits de l'homme, ils ont trahi les fondements même de la République, c'est-à-dire l'universalité des droits de l'homme et le refus de toute distinction ou discrimination entre les citoyens. Je crois profondément que c'est ce message-là qui donne à l'idée républicaine, en France et hors de France, sa grandeur.
Rien n'est plus précieux, en tout cas pour nous, que cette universalité, qui traduit si fortement l'unité de l'espèce humaine, l'identité commune à tous les êtres humains, au-delà de toutes leurs différences, seraient-elles de sexe. (Applaudissements prolongés sur certaines travées des groupes socialiste et communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à bien vous écouter, on pourrait penser que vous êtes tous d'accord sur un constat : les femmes ne sont pas assez représentées dans la vie politique française.
Par exemple, monsieur Gélard, vous verriez d'un bon oeil une féminisation accrue des conseils municipaux, des conseils généraux, des conseils régionaux, voire du Parlement. D'ailleurs, vous avez cité l'exemple de votre propre conseil municipal, au sein duquel les femmes sont présentes à 45 %, ce dont je vous félicite.
Il est vrai que, les femmes, il est de bon ton de les couvrir de fleurs.
M. Henri de Richemont. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Vous dites même que, parmi vos étudiants, ce sont vos étudiantes qui se distinguent le plus. J'avoue éprouver quelques craintes devant de tels éloges !
Mme Nicole Borvo. Moi aussi !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Car de quoi sont-ils suivis ces éloges, je vous le demande ? Où sont ensuite ces femmes brillantes ?
Mme Hélène Luc. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Où sont, dans le même ordre d'idées, tous ces jeunes beurs, tous ces jeunes blacks qui sont aujourd'hui diplômés de nos universités et que l'on ne trouve plus nulle part, ni dans l'administration, ni dans nos partis politiques, ni dans les fonctions électives ? (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Patrice Gélard. Elles sont dans les palais de justice, magistrates, avocates !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Ou à la première présidence de la Cour de cassation !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. De quoi, par conséquent, ces éloges sont-ils suivis ?
Face à ce constat, j'entend dire que la Constitution n'est pas responsable du phénomène,...
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... que l'égalité est garantie dans tous les domaines,...
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... que le législateur lui-même n'est pas responsable...
M. Paul Masson. C'est le peuple qui est responsable !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... et que, d'ailleurs, des mesures ont été prises.
Mais alors, face à un tel constat, que faire ? Que proposez-vous ?
Si j'ai bien écouté, la plupart d'entre vous proposent tout simplement de s'en remettre aux partis politiques pour favoriser l'accès des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Si j'ai bien écouté, le mouvement naturel et l'évolution spontanée des choses nous conduiront à la parité !
Plusieurs sénateurs du RPR. Oui !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Laissez-moi vous dire qu'il y a une légère contradiction à soutenir que les partis sont responsables et à en faire le remède à une situation qu'ils ont soit créée soit tolérée !
M. René-Georges Laurin. Et améliorée !
M. Henri Weber. Perpétuée !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme l'a fort bien fait remarquer M. Weber, avec toute la dialectique qui est la sienne, chaque fois qu'une grande réforme de société est proposée, on trouve toujours des conservateurs pour dire qu'elle produira un effet contraire à celui qu'on vise, qu'elle est inutile puisque le temps y pourvoira et, enfin, qu'elle met en péril nos principes les plus sacrés.
M. Paul Masson. C'est le débat démocratique !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Laissez-moi vous redire que la parité ne remet nullement en cause les principes de 1789.
L'égalité entre les hommes et les femmes est notre seul véritable principe constitutionnel. La question qui se pose est celle de sa réalisation effective et, pour cela, je ne fais confiance ni à l'évolution spontanée des choses ni, permettez-moi de le dire, aux seuls partis politiques, quoi-que je fasse plus confiance aux partis politiques de gauche (Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen), ...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Ça, on le sait !
M. Jean-Pierre Schosteck. Ce n'est pas un scoop !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... qui ont montré récemment qu'ils savaient tout de même aller dans le sens de la modernité, qu'aux partis politiques de droite. (Brouhaha sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez Mme le garde des sceaux s'exprimer !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je fais confiance au législateur pour prendre ses responsabilités.
Plusieurs sénateurs du RPR. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Vous craignez, dites-vous, que le projet de loi constitutionnelle ne conduise à une république sexuée. Mais, comme l'a dit M. Weber - je le cite de nouveau avec plaisir - cela fait deux cents ans que vous supportez sans inconvénient une république sexiste !
M. Henri de Richemont. Mais non, ce n'est pas vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Vous craignez que l'on n'ouvre la boîte de Pandore. Mais, comme l'a très bien dit Mme Dinah Derycke, ce n'est pas aller contre l'universalité que de dire que la loi organise les conditions de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions.
Bien entendu, nous n'acceptons pas - pas plus, d'ailleurs, que le Conseil constitutionnel - que le peuple soit une addition de catégories ou que certaines sections du peuple s'attribuent la souveraineté.
M. Henri de Richemont. C'est pourtant ce que vous faites !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Mais il ne s'agit pas que de cela. Il s'agit de prendre en compte le fait que l'universel humain est constitué d'hommes et de femmes. D'ailleurs, les hommes demeurent libres et égaux en droit ; et de qui naissent-ils si ce n'est d'un homme et d'une femme ?
M. Henri de Richemont. Et le PACS, alors ? (Exclamations sur les travées socialistes.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Ce que nous voulons, c'est que le souverain cesse de s'identifier avec un universel uniquement masculin, et, pour cela, je préfère faire confiance aux mesures que prendra le législateur plutôt qu'aux partis politiques, qui, dans leur bienveillante bonté, finiraient bien, j'en suis sûre, dans quelques siècles, par faire une place égale aux femmes et aux hommes !
A ceux qui invoquent la liberté de l'électeur, je dirai que cette liberté n'a pas empêché, pendant des siècles, que cet électeur n'ait le choix qu'entre un homme et un autre homme.
M. Paul Masson. Jeanne d'Arc !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Au fond, si vous êtes tous d'accord sur le constat, nombre d'entre vous me semblent surtout d'accord pour ne rien faire ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Chaque fois que j'entends dire qu'il faut laisser les mentalités évoluer, qu'on ne change pas la société par décret, j'entends, en réalité, une réticence à agir - réticence pour ne pas dire plus, naturellement !
Je crois, comme l'ont très bien dit Mmes Dieulangard et Pourtaud, que l'heure d'agir est en effet arrivée et qu'il convient que le législateur prenne toutes ses responsabilités.
Nous avons entendu deux interventions dissonantes par rapport à la dominante des groupes politiques : celle de Mme Bardou, à droite de cette assemblée, celle de M. Badinter, à gauche.
Je veux tout d'abord remercier Mme Bardou de ses propos et la féliciter de son indépendance d'esprit.
Je dirai à M. Robert Badinter qu'il a, en effet, dans sa position, le mérite de la continuité, le mérite de la cohérence avec sa conception de l'universalisme, qui n'est pas la mienne, et aussi le mérite de la solidarité intellectuelle avec sa femme, ce dont je le félicite. Je respecte cette approche.
M. Michel Charasse. C'est un républicain !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cette approche philosophique, je la respecte, mais je constate qu'elle a servi, trop souvent, à masquer un sexisme de fait (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) et à admettre au même rang que les hommes uniquement celles des femmes qui, en effet, n'avaient en tête que de ressembler aux hommes, quelquefois même de singer les hommes.
Je crois, moi, que l'on peut vouloir l'égalité dans la différence. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ces deux interventions montrent en tout cas que, au-delà des clivages politiques, c'est bien d'un débat de société fondamental qu'il s'agit ici.
Il faut que les femmes soient aidées par le législateur à accéder aux mandats et aux fonctions électives dont elles ont été trop longtemps privées. Il est temps de ne plus s'accommoder de cette situation, de ne plus faire simplement confiance à l'évolution naturelle des choses. Il est temps que le législateur puisse prendre les mesures qui s'imposent.
C'est la raison pour laquelle j'invite le Sénat à adopter le texte que l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité des votants, tous groupes politiques confondus. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article additionnel avant l'article unique
(réservé)



M. le président.
Par amendement n° 5, M. Charasse propose d'insérer, avant l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les articles 1er, 4, 6, 7, 9, 10, 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen des 20 - 26 août 1789, reprise et confirmée par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, sont modifiés comme suit :
« 1° Dans la première phrase de l'article 1er, après les mots : "Les hommes", sont ajoutés les mots : "et les femmes" ;
« 2° Dans la première phrase de l'article 4, après les mots : "de chaque homme", sont ajoutés les mots : "et de chaque femme" ;
« 3° Dans les deuxième et quatrième phrases de l'article 6, après les mots : "Tous les citoyens", sont ajoutés les mots : "et toutes les citoyennes" ;
« 4° Dans la première phrase de l'article 7, les mots : "Nul homme" sont remplacés par le mot : "Nul" ;
« - dans la seconde phrase de l'article 7, après les mots : "tout citoyen", sont ajoutés les mots : "ou citoyenne" ;
« 5° Dans l'article 9, après les mots : "Tout homme", sont ajoutés les mots "ou femme" ;
« 6° Dans l'article 11, après les mots : "tout citoyen", sont ajoutés les mots : "ou toute citoyenne" ;
« 7° Dans la seconde phrase de l'article 13, après les mots : "tous les citoyens", sont ajoutés les mots : "et toutes les citoyennes" ;
« 8° Dans l'article 14 :
« - après les mots : "Tous les citoyens", sont ajoutés les mots : "et toutes les citoyennes" ;
« - après les mots : "ou par leurs représentants" sont ajoutés les mots : "ou leurs représentantes" ;
« II. - Les quatrième, sixième, huitième et onzième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris et confirmé par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, sont modifiés comme suit :
« a) Dans le quatrième alinéa, après les mots : "Tout homme", sont ajoutés les mots : "ou toute femme" ;
« b) Dans le sixième alinéa, après les mots : "Tout homme", sont ajoutés les mots : "ou toute femme" ;
« c) Dans le huitième alinéa, après les mots : "Tout travailleur", sont ajoutés les mots : "ou travailleuse" ;
« d) Dans le onzième alinéa, les mots : "à la mère" sont remplacés par les mots : "à la mère ou au père". »
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, je demande la réserve de cet amendement jusqu'après l'examen de l'article unique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Pas d'objection !
M. le président. La réserve est ordonnée.

Article unique



M. le président.
« Article unique. - Il est ajouté à l'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 un alinéa ainsi rédigé :
« La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
Sur l'article unique, la parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues j'interviens dans ce débat sur les principes qui l'animent.
Je veux dire, sans m'en cacher, répondant à ceux d'entre nous, dans cette assemblée - sur les deux ailes -, qui se réclament de principes universalistes auxquels je donne mon adhésion philosophique la plus complète, qu'ils ne sauraient toutefois extraire l'énoncé de ces principes de la réalité sociale dans laquelle ils sont conduits, qu'on le veuille ou non, à prendre leur place ; et cette réalité sociale est le seul concret, le seul réel sur lequel le législateur est en état d'intervenir.
Entre, d'une part, la nostalgie de l'ancien monde, des valeurs, des codes, des symboles, de la domination masculine sur l'ensemble de la société, qui nous surplombaient tous, hommes comme femmes, nostalgie qui, voyant le monde changer, s'inquiète, s'affole, parfois au nom des plus nobles motifs, et, d'autre part, le remords que je qualifierai sans aucune méchanceté de formel des Républicains qui s'inquiètent de ce que, n'étant pas intervenus à temps, ils ont trahi, à la fondation même de la République, le concept d'universalité en refusant aux femmes le droit de vote et la participation politique, entre cette nostalgie et ce remords, dis-je, il y a une autre voie qui - je me permets de le dire - est précisément celle qu'a prétendu ouvrir le socialisme moderne. Elle se résume dans la formule de Jean Jaurès lorsqu'il dit : « Le socialisme proclame que la République politique conduit nécessairement à la République sociale. » C'est que, entre les deux, il y a toute la différence de la pratique, celle du combat des vieux schémas culturels qui nous ont dominés et qui pénètrent nos instincts mêmes.
L'universalité est un « en soi ». Pour qu'elle soit un « pour soi », la distance entre les deux, c'est la conscience et la lutte, et cette lutte a un contenu social.
La caractéristique des rapports entre les hommes et les femmes, mis de côté leurs rapports intimes, encore que même ceux-ci soient pénétrés par les valeurs qui surplombent l'ensemble des comportements humains, et en dépit de moments de douceur de la vie humaine, c'est, pour le reste, la domination, l'oppression. Le réel en témoigne - pas les constructions intellectuelles ! - et c'est à ce réel que nous nous heurtons.
Laissons aux générations qui nous suivront, si elles venaient à constater qu'un déséquilibre se serait creusé qui aurait renversé la situation et mis les unes à la place des autres dans les mêmes rapports de domination, le soin de corriger les inégalités qui auraient alors été créées.
Pour le moment, assumons, nous, nos responsabilités, qui consistent, en cet instant, à corriger cette inégalité sociale fondamentale qui parcourt toute notre société.
Je le dis avec ferveur parce que je crois que, sur cette affaire, le clivage - oui, Robert Badinter a raison ! - est de nature philosophique. Mais il n'oppose pas les Républicains aux différencialistes. Je récuse complètement l'étiquette dont, au passage, nous serions affublés sur un tel sujet.
Oui ! l'esprit républicain est parfaitement concilié avec la république sociale telle que nous la concevons, c'est-à-dire avec sa dimension de lutte.
Le grand partage, il est entre l'école de l'idéalisme philosophique, qui proclame des droits abstraits, et le matérialisme, qui, lui, part des rapports réels qui sont inscrits dans la réalité des rapports de production et des rapports sociaux. Et c'est là que se déroule l'intervention législative.
J'en termine, monsieur le président, pour ne pas abuser de votre indulgence, non sans avoir dit à Robert Badinter que, même en matière d'universalité de la condition humaine, on peut proclamer l'universalité des droits, mais qu'il y a une réalité, qui, elle, est incontournable, et qu'Elisabeth Badinter, dans l'un de ses livres x, y ou L'un est l'autre, deux magnifiques ouvrages que je recommande à la lecture de tous, tant ils ont été, pour moi, des tournants de ma pensée, dit qu'en attendant il y a des différences qui sont insurmontables et qui touchent au plus profond de la psyché humaine. Elle dit, à un moment donné : « Cher Robert, qui vous réclamez de l'universalisme par définition, la vie d'une femme commence par une certitude et finit par une certitude, celle d'avoir engendré et réalisé ainsi, à travers elle, la continuité matérielle, tandis que la vie de l'homme commence par une certitude - il sait de qui il est l'enfant, quel sexe l'a engendré - mais finit par un doute : qu'en sera-t-il de lui ? »
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous le voyez bien, il y a une base matérielle qui structure la psyché humaine et que vous ne pouvez pas surmonter ! (Brouhaha sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Bernard Plasait. Arrêtez-le, c'est Jaurès !
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, je vais arrêter à cet instant.
Mes chers collègues, la philosophie vous ennuie peut-être, mais moi, que voulez-vous, c'est comme cela que je la fais !
Voilà pourquoi il faut suivre Mme le ministre et la majorité de l'Assemblée nationale, qui, elles, cherchent à régler des problèmes concrets et non pas à agiter des fantasmes. (Applaudissements sur certaines travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, M. Charasse m'a fait savoir qu'il retirait l'amendement n° 5, précédemment réservé.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'organiser un scrutin public à la tribune lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
Or, selon l'article 42, alinéa 14, de notre règlement, lorsque, avant le vote sur l'article unique d'un projet - et c'est le cas - il n'a pas été présenté d'article additionnel, le vote de l'article unique équivaut à un vote sur l'ensemble.
Mais la commission des lois a présenté un amendement n° 1 rectifié, qui rédige entièrement l'article unique, de telle sorte que le vote sur cet amendement a valeur de vote sur l'article unique, et donc sur l'ensemble du projet de loi.
En conséquence, il y aura lieu, le moment venu, d'organiser le scrutin public à la tribune sur l'amendement de la commission des lois, modifié, le cas échéant, par un ou plusieurs sous-amendements. Par ailleurs, les explications de vote sur l'amendement vaudront explications de vote sur l'article unique et, partant, sur l'ensemble du projet de loi.
Sur l'article unique, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1 rectifié, M. Cabanel, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi l'article unique :
« L'article 4 de la Constitution est complété par les deux alinéas suivants :
« Ils favorisent l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
« Les règles relatives à leur financement public peuvent contribuer à la mise en oeuvre des principes énoncés aux alinéas précédents. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Par sous-amendement n° 6, M. Charasse propose, dans le texte des deux alinéas présentés pour l'article 4 de la Constitution :
1° De remplacer le mot « favorisent » par les mots : « contribuent à » ;
2° D'ajouter après le mot : « électives » les mots : « dans les conditions prévues par la loi » ;
« 3° De remplacer les mots : « peuvent contribuer » par le mot : « participent ».
Par sous-amendement n° 2, M. Bonnet propose de supprimer le second alinéa du texte présenté par l'amendement n° 1 rectifié pour compléter l'article 4 de la Constitution.
Par sous-amendement n° 3, M. Fauchon propose de compléter in fine le texte présenté par l'amendement n° 1 rectifié pour compléter l'article 4 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Une loi organique détermine les modalités d'application du principe énoncé au deuxième alinéa du présent article. »
Par amendement n° 4 rectifié bis, M. Charasse propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article unique pour compléter par un alinéa l'article 3 de la Constitution :
« Sous réserve du respect du libre choix du suffrage universel et du principe de l'unité et de l'indivisibilité de la République, les modalités permettant d'assurer l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions publiques, électives ou non, sont fixées par la loi dans les conditions prévues par la Constitution. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1 rectifié.
M. Guy Cabanel, rapporteur. La commission a proposé cette rédaction parce qu'elle s'est prononcée, de façon liminaire, contre tout texte qui permettrait l'instauration des quotas par la loi. Elle n'a donc pas pu accepter ni le texte de l'Assemblée nationale ni le texte initial du projet de loi constitutionnelle, car l'un et l'autre pouvaient ouvrir la possibilité des quotas.
Pour autant, la commission estime nécessaire de prendre des dispositions destinées à encourager une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les assemblées élues. Elle estime que la responsabilité principale en la matière revient aux partis politiques dont le rôle est explicitement reconnu par l'article 4 de la Constitution, selon lequel ils « concourent à l'expression du suffrage ».
La commission propose donc de compléter l'article 4 de la Constitution afin d'encourager les partis politiques dans l'exercice de leurs responsabilités.
En premier lieu - c'est l'objet du premier alinéa du texte proposé par la commission - il convient d'énoncer sans ambiguïté aucune qu'il relève de la responsabilité des partis politiques de favoriser la mise en oeuvre du principe constitutionnel de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
De plus, l'affirmation de la responsabilité des partis en la matière, non contestée dans les faits, ne remettrait en cause aucun principe constitutionnel fondant notre démocratie.
Dans l'hypothèse où l'action des partis se révélerait insuffisante pour parvenir à un résultat significatif, le législateur doit pouvoir adopter des mesures législatives pour les inciter à respecter le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Tel est l'objet principal du second alinéa du texte proposé par la commission pour compléter l'article 4 de la Constitution.
La commission suggère donc que les règles relatives au financement public des partis politiques puissent, si le Parlement le décidait, contribuer à la mise en oeuvre non seulement du principe d'égal accès aux mandats et fonctions, mais aussi à celle des autres principes énoncés à l'article 4 de la Constitution qui concerne les partis.
En effet, il a paru préférable à la commission de ne pas limiter le champ de la modulation éventuelle de financement public en fonction du seul principe de l'égalité d'accès aux mandats et fonctions.
Les principes constitutionnels auxquels le financement public des partis pourrait contribuer seraient ceux de la souveraineté nationale et de la démocratie - les partis y sont déjà soumis par l'article 4 de la Constitution - et celui de l'égal accès aux mandats et fonctions qui serait affirmé par le premier alinéa du texte proposé par la commission.
Cette législation de caractère incitatif placerait les partis politiques dans une situation égale au regard du risque électoral qu'ils craindraient d'assumer en appliquant cet amendement. Elle devrait rester suffisamment modérée pour ne pas compromettre l'expression démocratique des divers courants d'idées et d'opinions, selon la jurisprudence établie par la décision du Conseil constitutionnel du 11 janvier 1990 sur la loi relative à la limitation des dépenses électorales.
Ainsi, l'amendement de la commission ne se limite pas à affirmer l'obligation pour les partis de favoriser l'égal accès ; il permettrait également à la loi de prendre des mesures incitatives dont la conformité aux principes fondamentaux de la démocratie n'est pas contestée.
J'ajoute que lors des travaux en commission, un débat a eu lieu sur le second alinéa du texte qui vous est proposé et, à deux reprises, la majorité de la commission a rejeté un sous-amendement visant à le supprimer.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 6.
M. Michel Charasse. Je ne suis pas certain que la solution proposée par la commission des lois soit la meilleure. En tout cas, si le Sénat entend s'engager dans cette voie, c'est-à-dire non plus modifier l'article 3 de la Constitution mais modifier son article 4, encore faut-il que nous adoptions un texte dont nous serions certains de l'efficacité et qui ait quelque chance d'aboutir au résultat recherché.
Au fond, la première tentative faite par la gauche après 1981 a consisté à imposer un certain nombre de règles aux partis politiques à travers la loi de 1982 relative aux élections municipales qui a été déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les conditions qui ont été rappelées au cours de ce débat. Je n'y reviens pas.
Nous restons donc après tout dans cette ligne. Dans ce cas, si nous n'obligeons pas les partis à agir en matière de candidatures, ce qui est le contraire de l'article 3 modifié qui, lui, autorise à agir en matière d'élections, d'élus, et conduit peut-être à un système de quotas d'élus - ce qui n'est pas la même chose qu'un système de quotas de candidats - il faut prévoir que les partis politiques « contribuent », et non plus « favorisent », à l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les conditions prévues par la loi. Il faut contraindre les formations politiques et seule une loi prévue par la Constitution peut le faire. Si la Constitution le prévoit, alors le Conseil constitutionnel ne pourra pas réitérer les décisions rendues en 1982 et encore dernièrement au début de cette année.
Quant à la pénalisation sur les règles de financement, l'argent des contribuables ne peut pas ne pas participer activement au respect des obligations imposées aux partis par la loi.
Le sous-amendement n° 6, que j'ai rédigé pendant l'intervention de mon collègue et ami M. Robert Badinter, vise simplement, au premier alinéa du texte proposé pour l'article 4 de la Constitution, à remplacer le mot « favorisent » par les mots « contribuent à » et à ajouter, à la fin de cet alinéa, les mots : « dans les conditions prévues par la loi ».
M. Dominique Braye. Quelle loi ?
M. Michel Charasse. Celle qui sera votée par le Parlement !
M. Charles de Cuttoli. Et qui instituera les quotas !
M. Dominique Braye. Et voilà !
M. Michel Charasse. Enfin, le sous-amendement vise au second alinéa du même texte, à remplacer les mots : « peuvent contribuer », par le mot : « participent ». Il y a ainsi un lien entre le respect des obligations législatives destinées à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux candidatures, et donc aux mandats selon l'appréciation des électeurs, et la contribution demandée aux contribuables.
Tel est l'objet du sous-amendement n° 6.
M. le président. La parole est à M. Bonnet, pour défendre le sous-amendement n° 2.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, j'ai déjà eu l'occasion d'exposer, lors de la discussion générale, la raison qui m'a conduit à déposer un tel sous-amendement.
Il ne me semble pas convenable - qualificatif à prendre dans sa plus large acception - d'introduire dans la Constitution une question relative au financement des partis politiques. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) Ce serait là une innovation grande et dangereuse dans la mesure où elle abaisserait une loi constitutionnelle au niveau d'une loi ordinaire.
« Ne touchez aux lois que d'une main tremblante », écrivait Montesquieu !
« Aux lois » disait-il, et c'est avec plus de précaution encore, des précautions infinies, qu'il convient de toucher à la loi suprême, à la loi fondamentale que des modifications incessantes n'ont que par trop tendance à banaliser et fragiliser. (Très bien ! sur les mêmes travées.)
« Si les constitutions réglaient tous les problèmes », écrivait, il n'y a pas si longtemps, le professeur Cadart, elles seraient inapplicables de par leur rigidité. »
Dangereuse innovation, ai-je dit, mais paradoxale tout autant, dès lors que, dans le souci de faire aux femmes qui le désirent la place qu'elles méritent dans notre vie publique, on en viendrait à les humilier en faisant d'elles un enjeu financier. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
C'est dans la mesure où cette double innovation me pose problème que j'ai déposé ce sous-amendement tendant à supprimer le second alinéa du texte proposé par la commission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Fauchon, pour défendre le sous-amendement n° 3.
M. Pierre Fauchon. Pour résumer ma pensée, je suis de ceux qui pensent qu'il y a un vrai problème, qu'il faut le résoudre - je m'en expliquerai lors du vote final - et le résoudre non seulement en posant un principe, mais en assortissant ce principe d'une disposition qui le rende opérationnel. Dans cet esprit, je suis favorable à l'amendement présenté par M. le rapporteur.
Cependant, sinon dans la crainte, du moins dans l'éventualité où, par impossible, la partie de cet amendement qui vise à assurer l'efficacité du dispositif par une certaine mise en oeuvre des moyens de financement ne serait pas votée, je crois qu'il faut tout de même prévoir - je rejoins ici une partie des préoccupations exposées tout à l'heure par notre collègue Michel Charasse - que le législateur devra prendre les mesures utiles pour rendre opérationnel le principe que nous aurions ainsi posé sans l'assortir, et je le regretterais, des mesures qui garantissent son efficacité, d'où la formule selon laquelle « une loi organique détermine les modalités d'application du principe énoncé au deuxième alinéa du présent article ».
M. le président. Monsieur Charasse, votre sous-amendement n° 4 rectifié bis est-il maintenu, compte tenu du dépôt du sous-amendement n° 6 ?
M. Michel Charasse. Monsieur le président, dès lors qu'un consensus semble se dégager pour modifier l'article 4 et non plus l'article 3 de la Constitution, je retire l'amendement n° 4 rectifié bis et je rectifie mon sous-amendement n° 6 en ajoutant, après les mots : « dans les conditions prévues par la loi », l'adjectif « organique » pour aller dans le sens de M. Fauchon.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié bis est retiré.
Je suis donc saisi, par M. Charasse, d'un sous-amendement n° 6 rectifié, ainsi rédigé :
« Dans le texte des deux alinéas proposés par l'amendement n° 1 pour compléter l'article 4 de la Constitution :
« 1° Remplacer le mot "favorisent" par les mots "contribuent à" ;
« 2° Ajouter, après le mot "électives", les mots : "dans les conditions prévues par la loi organique".
« 3° Remplacer les mots "peuvent contribuer" par le mot "participent". »
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n° 6 rectifié, 2 et 3 ?
M. Guy Cabanel, rapporteur. Le sous-amendement de M. Charasse ayant été déposé voilà quelques instants à peine, la commission n'a pas pu l'examiner et je ne peux donc pas exprimer l'avis de celle-ci.
J'indiquerai néanmoins quelques orientations.
Premièrement, s'agissant de remplacer le mot : « favorisent » par les mots : « contribuent à », j'avais moi-même suggéré cette proposition en commission - M. Badinter s'en souvient - mais elle avait été rejetée. Je puis donc en conclure, par parallèlisme, que l'avis de la commission n'a pas changé sur ce point et reste défavorable.
Deuxièmement, notre collègue Michel Charasse propose, après les mots : « fonctions électives », d'ajouter les mots : « dans les conditions prévues par la loi organique ». Sur son texte initial qui précisait : « par la loi », je lui aurais répondu que, forcément, quand il y a dans la Constitution un principe, la loi suit. Mais ici, je suis dans l'impossibilité de donner un avis, car la commission des lois n'a pas examiné ce point.
Enfin, concernant le remplacement des mots : « peuvent contribuer » par le mot « participent », il s'agit, là aussi, d'un sujet que nous avons évoqué en commission. J'avais moi-même proposé de retenir le verbe « contribuent », mais la majorité de la commission a proposé de retenir l'expression : « peuvent contribuer ».
Je ne pense pas que la commission ait changé d'avis ; elle est donc défavorable à ce dernier point.
Sur l'ensemble de ce sous-amendement n° 6 rectifié que la commission n'a pu examiner, j'émets donc un avis défavorable.
J'attire toutefois l'attention de M. Charasse sur le fait que la loi organique, là où il la place, n'est pas la même que celle qui est mentionnée dans le sous-amendement n° 3 de M. Fauchon.
Dès lors, si M. Charasse acceptait de modifier son texte, sur ce point, celui-ci subirait le même sort que le sous-amendement de M. Fauchon, sur lequel j'interviendrai dans un instant.
J'en arrive à la pièce maîtresse de notre débat, le sous-amendement n° 2.
M. Alain Vasselle. C'est le meilleur !
M. Guy Cabanel, rapporteur. M. Christian Bonnet l'a défendu en commission la semaine dernière et la commission l'a rejeté par un scrutin assez partagé.
Ce matin, M. Christian Bonnet a représenté le même texte et la commission l'a rejeté à une large majorité.
La commission est donc défavorable au sous-amendement n° 2.
Je tiens à ajouter que la possibilité d'utiliser les dispositifs d'ordre financier revient non pas à accorder une prime pour les candidatures féminines ou pour les élues féminines, mais, à l'image des financements publics accordés lors des campagnes électorales, à produire un effet incitatif sans contrainte. En effet, vous avez rejeté cette option mais il ne faut pas pour autant rester à des voeux pieux.
J'en viens maintenant à l'argument le plus important de M. Bonnet. Selon lui, il s'agirait d'introduire subrepticement dans la Constitution un texte qui la polluerait, qui n'y aurait pas sa place.
En fait - et j'en suis absolument navré pour M. Bonnet - le doyen Vedel, qui est une autorité incontestable...
M. Emmanuel Hamel. Ce n'est pas le doyen Vedel qui fait la loi !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Certes, mais il a eu l'élégance de discuter à coeur ouvert avec nous de textes constitutionnels.
Le doyen Vedel, disais-je, qui a présidé en 1993 le comité réuni par François Mitterrand pour étudier le toilettage de notre Constitution, avait estimé que, du fait de l'importance prise par les règles relatives au pluralisme et au financement des campagnes électorales, les lois devaient se fonder sur des principes constitutionnels.
Il proposait même - c'était la proposition 28 du comité - de modifier l'article 4 de la Constitution en rédigeant ainsi son deuxième alinéa :
« La loi détermine les conditions dans lesquelles l'Etat contribue au financement des campagnes électorales et des activités des partis et groupements politiques. Une loi organique - là, il justifiait le sous-amendement de M. Fauchon - fixe les règles qui assurent le respect des principes d'égalité de libre information des citoyens dans les consultations électorales. »
Il s'agissait là d'une proposition de nature purement constitutionnelle. Nous ne faisons donc pas preuve d'originalité aujourd'hui.
Je tiens à le dire en mon âme et conscience à tous mes collègues, quels que soient les bancs où ils siègent que, si le sous-amendement de M. Bonnet était adopté, il pourrait en résulter de grandes difficultés d'application et d'interprétation par les médias, voire par les Français, dans un sens défavorable au Sénat de la République.
En revanche, prendre une décision de principe en ayant le courage d'imaginer des mesures incitatives est une tentative pour mieux répondre au défi qui nous est lancé par la nécessité d'aménager l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Je vous rappelle d'ailleurs, mes chers collègues, que le Président de la République et le Premier ministre s'étaient mis d'accord pour que nous puissions en débattre. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
S'agissant du sous-amendement n° 3, M. le président de la commission des lois avait songé à le réserver parce qu'il est bien évident que le noeud du problème réside dans le vote qui va intervenir sur le sous-amendement n° 2 de notre estimé collègue M. Bonnet.
Si ce sous-amendement était rejeté, peut-être serait-il intéressant de compléter le texte par le sous-amendement n° 3 de M. Fauchon, qui ne nie pas la possibilité d'une mesure incitative, mais qui permet, grâce à la loi organique, au Parlement d'exercer un contrôle.
Je suis donc plutôt favorable au sous-amendement n° 3 de M. Fauchon.
(M. Christian Poncelet remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la présidence.)

présidence de m. christian poncelet

M. le président. Mes chers collègues, l'unanimité des membres de notre assemblée souhaite que nous procédions au vote sur ce projet de loi constitutionnelle avant le dîner. Je demande donc à chacun de faire un effort de concision. (Applaudissements.)
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 rectifié et sur les sous-amendements n°s 6 rectifié, 2 et 3.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais tâcher d'être aussi brève que possible, d'autant que vous avez compris ma position.
La commission des lois a adopté l'amendement n° 1 rectifié, qui vise à substituer à la modification de l'article 3 de la Constitution voulue par le Gouvernement et adoptée par l'Assemblée nationale une révision de l'article 4. Elle estime en effet que la mise en oeuvre de l'égalité d'accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives relève de la responsabilité des partis. Elle craint par ailleurs que la révision proposée de l'article 3 de la Constitution ne mette en cause l'universalité du suffrage et ne conduise à une « démocratie communautarisée ».
Ces craintes ne sont pas fondées, selon moi.
D'abord, nous ne pouvons pas connaître de dérive communautariste, comme je l'ai dit tout à l'heure, parce que les femmes ne sont pas une catégorie. Le sexe est un état de la personne. Par conséquent, je ne pense pas que l'on puisse craindre une telle dérive.
Je crains par ailleurs que la réponse que la commission des lois tente d'apporter à l'insuffisance de la présence des femmes ne soit vraiment trop réductrice et inadaptée par rapport à l'objectif visé. (Murmures sur de nombreuses travées.)
Il est vrai que le projet de révision repose sur l'idée fondamentale que la souveraineté s'incarne dans des hommes et dans des femmes. C'est la raison pour laquelle elle doit être inscrite à l'article 3 de notre Constitution. (Murmures persistants sur de nombreuses travées.)
M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter en silence Mme le garde des sceaux.
Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Selon moi, il est vraiment préférable d'inscrire la révision à l'article 3 de la Constitution. Je ne pense pas qu'on puisse réduire la parité à une simple obligation imposée aux partis politiques. Je pense, en effet, qu'on la priverait de ce fait de la signification symbolique que nous voulons lui donner. (Marques de désapprobation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Pierre Mauroy. Quel chahut !
M. Jean-Louis Carrère. Quel manque de politesse !
M. le président. Poursuivez, madame le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je pense aussi qu'inscrire cette révision à l'article 4 de la Constitution priverait celle-ci d'une grande partie de sa portée pratique. Laisser une telle responsabilité aux seuls partis reviendrait à s'en remettre entre leurs mains. Or, c'est en raison de leur inaction que le Gouvernement a proposé la présente révision de la Constitution. (Murmures sur de nombreuses travées.)
De plus, la réforme ne serait dès lors pas applicable aux candidatures présentées en dehors des partis politiques, je pense par exemple aux élections prud'homales pour lesquelles la Cour de cassation vient de rappeler qu'évidemment les partis ne peuvent pas présenter de candidats.
Voilà pourquoi il faut véritablement inscrire la révision à l'article 3 de la Constitution.
Je dirais aussi que la révision de l'article 4 de la Constitution ne me paraît pas constituer une habilitation suffisante du législateur. (Murmures continus sur les mêmes travées.)
M. le président. Mes chers collègues, si vous continuez à bavarder pendant que Mme le ministre expose l'avis du Gouvernement, je serai obligé de reporter le vote après le dîner, à vingt-deux heures, voire à vingt-deux heures trente. (Vives exclamations.)
Je vous invite donc à faire preuve de courtoisie à l'égard de Mme le ministre. (Applaudissements.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Merci, monsieur le président, d'user de cette arme dont l'effet sera, je l'espère, décisif pour nous permettre d'achever la discussion avant le dîner ! (Sourires.)
Le fait d'inscrire la révision à l'article 3 de la Constitution n'empêche nullement le législateur de prendre des mesures à l'égard des partis politiques. Je rappelle en effet que l'article 3, qui régit la souveraineté et le droit de suffrage, n'est nullement incompatible avec des mesures destinées aux partis politiques.
Je vous ferai maintenant part de mes interrogations sur l'opportunité d'inscrire dans la Constitution le principe du financement public des partis politiques qui, pour le moment, n'est régi que par des lois ordinaires : celles du 11 mars 1988 et du 15 janvier 1990. En lui donnant une valeur constitutionnelle, vous allez limiter la marge de manoeuvre du législateur. Je serai pour ma part très réticente à l'égard de cette perspective de constitutionnalisation qui me paraît mériter pour le moins réflexion.
J'en viens au sous-amendement n° 6 rectifié de M. Charasse. Il donne compétence au législateur pour déterminer les conditions de l'égal accès des hommes et des femmes, aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ce qui est préférable à l'optique précédente, qui se fonde uniquement sur la confiance dans les partis politiques. Mais, je viens de le dire, j'attache une réelle importance à ce que la règle nouvelle figure à l'article 3 de la Constitution.
Je suis donc défavorable également à ce sous-amendement n° 6 rectifié, tout en soulignant qu'il représente un progrès en effet par rapport au précédent.
Le sous-amendement n° 2 présenté par M. Bonnet supprime la référence qui était faite au financement public des partis politiques comme moyen pour favoriser l'égal accès des femmes aux responsabilités politiques.
C'est vrai, j'ai exposé devant vous les doutes que je rencontrais quant à l'opportunité de consacrer dans la Constitution le principe du financement public des partis. Il n'en demeure pas moins que le sous-amendement de M. Bonnet se heurte aux mêmes objections de principe que celles que je viens de vous expliquer à propos de l'amendement de la commission des lois.
Ce texte, en effet, ne permet pas au législateur, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre concrète de l'égalité d'accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Voilà pourquoi je suis opposée à un tel sous-amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 3, sa rédaction peut laisser supposer qu'il complète l'amendement n° 1 rectifié, c'est-à-dire qu'il combine la référence au financement public des partis et le renvoi à une loi organique pour déterminer les conditions dans lesquelles les partis favoriseront la parité. Je ne peux que m'opposer à une telle proposition.
Si, monsieur le sénateur, vous entendiez, par votre amendement, supprimer la consécration dans la Constitution du principe du financement public des partis, je rejoindrais plus facilement votre préoccupation.
Mais, dans un tel cas, outre les objections de principe que je ne rappellerai pas et qui s'opposent à ce que l'objectif de parité soit inscrit uniquement à l'article 4 de la Constitution, il ne me paraît pas souhaitable de donner un statut organique aux lois électorales. Et, là, je réponds également à la dernière mouture du sous-amendement n° 6 rectifié de M. Charasse. En effet, ces textes relèvent aujourd'hui du législateur ordinaire et aucune raison ne justifie le changement que vous proposez.
Enfin, j'ajouterai qu'imposer au législateur organique d'intervenir pour déterminer les modalités d'application de l'égalité d'accès des femmes et des hommes dans la vie politique alourdirait considérablement la procédure sans que j'en voie de véritable justification. Les mesures en faveur de la parité me paraissent relever de la compétence du législateur ordinaire.
Je vous demanderai donc de rejeter ce sous-amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 6 rectifié.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Mon explication de vote vaudra à la fois pour les amendements et les sous-amendements.
Avec l'amendement n° 1 rectifié de la commission, nous passons d'une situation dans laquelle le constituant exerce pleinement ses responsabilités pour organiser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives à une situation dans laquelle il se défausse, pour l'essentiel, de ses responsabilités sur les partis politiques.
S'agissant des modalités, la responsabilité exclusive renvoyée aux partis et la marge de compétence du législateur se trouvent limitées aux seules règles du financement public - et encore sont-elles éventuelles - pour parvenir à une représentation équilibrée des femmes et des hommes.
Avec un tel système, le constituant, outre qu'il devrait s'en remettre à la bonne volonté des partis politiques - nous voyons depuis cinquante ans ce que cela donne ! - ne serait toujours pas habilité à prendre des dispositions prévoyant notamment d'autres mesures relatives par exemple, c'est vrai, à la parité sur les listes électorales. En limitant l'habilitation du législateur aux règles du financement public, le pis-aller que représente un tel financement deviendrait donc la norme.
Certains affirment que modifier l'article 3 remettrait en cause le principe de la souveraineté, de l'indivisibilité de la République. Or il s'agit non pas de diviser la souveraineté, mais de l'exercer ensemble et de la partager. C'est une exigence de la démocratie. Il faut donner un contenu concret à l'exercice de la souveraineté, à l'exercice de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Introduire une telle révision à l'article 3 ne remet nullement en cause le principe d'égalité des citoyens ; je l'ai dit ce matin, tout comme Mme le garde des sceaux et bien d'autres oratrices et orateurs tout au long de la journée. Les femmes ne sont ni une communauté, ni une minorité, ni une catégorie ; elles sont la moitié de l'humanité, la moitié de notre peuple !
M. Emmanuel Hamel. Beaucoup plus !
Mme Dinah Derycke. En politique, la situation actuelle est une discrimination positive en faveur des hommes, discrimination qu'il faut inverser grâce à ce projet de loi.
Introduire quelques dispositions, beaucoup plus faibles d'ailleurs, à l'article 4, comme le propose M. le rapporteur, c'est bien sûr amoindrir fortement la portée, y compris symbolique, de ce projet de loi, et nous ne pouvons y souscrire.
Quant aux sous-amendements, on nous laisse le choix entre ceux qui ne veulent strictement rien modifier et ceux qui, pour tranquilliser leur conscience et pour ne pas avoir l'air de vider totalement de sa substance cette révision constitutionnelle, se disent qu'il conviendrait tout de même d'instaurer quelques garde-fous. Cela prouve qu'ils n'ont aucunement confiance dans ce qu'ils nous proposent d'inscrire à l'article 4 !
Le groupe socialiste votera donc contre l'amendement n° 1 rectifié de la commission des lois et ne participera pas au vote des sous-amendements, qui, sur le fond, ne changent ni la finalité ni la philosophie du texte qui nous est proposé ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. J'accorderai au sous-amendement n° 6 rectifié le même sort qu'aux sous-amendements n°s 2 et 3, et je n'interviendrai pas ultérieurement.
Je précise que je m'exprime à titre personnel, indépendamment donc de mon groupe. Je le fais en conscience et je vais émettre une opinion dissidente qui me conduit à rejeter tous les amendements et sous-amendements, y compris l'amendement n° 1 rectifié de la commission des lois.
Je n'invoquerai ni mes convictions, fermement affirmées pendant plus de vingt-cinq ans de vie politique, ni l'action qu'à titre personnel j'ai pu mener dans les différentes assemblées et à l'occasion des différentes désignations de candidats pour promouvoir un accès égal des femmes et des hommes aux responsabilités politiques.
Il s'agit d'affirmer une volonté : celle de l'égal accès aux candidatures, et un objectif qui est effectivement la parité, dont nous sommes très loin aujourd'hui. Actuellement, il existe un blocage juridique qu'il convient de surmonter, ainsi qu'un blocage politique : on ne peut pas faire confiance aux partis politiques - ils l'ont montré - pour faire évoluer la situation.
Le mieux est donc d'en revenir au texte de l'Assemblée nationale, comme d'ailleurs le Président de la République nous y avait invités en donnant son accord à ce texte. Le groupe de Démocratie libérale à l'Assemblée nationale avait fait de même.
M. le président. Monsieur Lachenaud, je me permets de vous interrompre pour dissiper toute ambiguïté d'interprétation.
Le Président de la République a donné son accord au texte qui a été effectivement présenté par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. Mais le texte modifié par l'Assemblée nationale n'a pas été soumis à son appréciation, que je sache !
Veuillez poursuivre, monsieur Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le président, je me permets de penser que, entre le texte qui a reçu l'accord du Président de la République et celui qui, après débats, est sorti des travaux de l'Assemblée nationale, il n'y a pas de différence fondamentale.
Ce qui est important, c'est la volonté, pour le constituant, pour le législateur, pour les partis politiques et pour tous les acteurs de la vie politique, d'affirmer que l'objectif est la parité.
Il faut que cela figure dans un article de la Constitution qui ait véritablement une valeur symbolique, c'est-à-dire l'article 3. Par conséquent, je voterai contre l'ensemble des amendements et sous-amendements pour qu'on en revienne au texte initial. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, vous nous avez invités à la concision. Aussi serai-je d'une extrême briéveté sur ce sous-amendement n° 6 rectifié, présenté par notre collègue Michel Charasse, qui est fin constitutionnaliste.
Que les choses soient bien claires : s'agissant de la place de la révision constitutionnelle, j'ai indiqué très fermement les raisons, à mon avis tout à fait fondamentales, pour lesquelles c'est à l'article 4, et non pas à l'article 3 relatif à la souveraineté du peuple, que devait se trouver le siège de la révision. Mais, pour que cette révision ait une portée, j'ai aussi marqué qu'il fallait qu'elle soit bien évidemment assortie de mesures contraignantes.
Si nous sommes réunis ici, c'est parce que le Conseil constitutionnel a mis un verrou. Si vous voulez faire sauter ce verrou, à mon sens il faut adopter la référence aux « conditions définies par la loi ». A défaut, rien ne peut être fait en dehors du financement, qui, vous le reconnaîtrez, dans une affaire de cette importance, est quand même singulièrement secondaire.
Donc, curieusement, c'est à propos de ce sous-amendement n° 6 rectifié, très technique, que se joue en réalité le sort de la révision au regard de ce qui l'a motivée à l'origine, c'est-à-dire la position prise par le Conseil constitutionnel, que je ne critique pas et dont je ne fais que prendre acte. Mais il faut que, sur ce point, le constituant prenne position : ne pas accepter ce sous-amendement, c'est manifester une volonté de ne rien faire.
Voilà pourquoi le vote qui surviendra sur ce sous-amendement aura une importance, à mes yeux, décisive.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. J'ai écouté avec beaucoup d'attention, naturellement, les explications qui ont été présentées par notre rapporteur et par le garde des sceaux sur ce sous-amendement n° 6 rectifié, dont je précise, en priant mes amis de m'excuser de ne pas l'avoir fait tout à l'heure, que je l'ai déposé à titre personnel et que je n'engage donc pas mon groupe.
Si nous voulons, mes chers collègues, répondre à la grave question qui nous est posée, c'est-à-dire si nous voulons effectivement assurer l'égalité des hommes et des femmes, comme le dit le préambule de la Constitution de 1946, et cela « dans tous les domaines », y compris dans un domaine où - nous le déplorons tous - nous constatons qu'elle n'existe pas, c'est-à-dire celui de l'accès aux fonctions électives, alors il faut nous en donner les moyens !
On peut agir de deux manières.
Ou bien l'on procède par le biais de quelque chose qui ressemblerait à s'y méprendre à des quotas d'élus. Or ce serait une atteinte incroyable à la souveraineté nationale - elle n'existerait plus ! - et à l'indivisibilité de la République. C'est ce qui aurait pu découler du texte de l'article 3, sur lequel je ne m'exprime plus puisqu'il n'existe pratiquement plus pour l'instant.
Ou bien il faut agir par le biais des règles de candidature et, dans ce cas, ceux qui sont les mieux placés sont tout de même les partis politiques, qui « concourent à l'expression du suffrage » - article 4 - et qui, qu'on le veuille ou non, sont à l'origine de l'immense majorité des candidatures.
Encore faut-il, mes chers collègues, et Robert Badinter l'a dit brillamment il y a un instant, avec précision et d'une façon très claire, doter le texte de nos institutions lui-même de dispositions comportant un minimum de règles ou d'obligations !
Alors, monsieur le rapporteur, quand je dis que je remplace « favorisent » par « contribuent à », ce n'est pas la même chose !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Bien sûr !
M. Michel Charasse. « Favoriser », cela signifie qu'on les laisse en quelque sorte faire ce qu'ils peuvent. « Contribuer à », c'est plus fort, plus contraignant, c'est même une obligation !
Comment faire si une loi - une loi organique, pourquoi pas, monsieur Fauchon, parce que c'est important - ne le dit pas ? C'est la raison pour laquelle j'ajoute les mots : « dans les conditions prévues par la loi organique », qui n'est pas adoptée forcément en termes conformes par les deux chambres, puisque M. Fauchon n'a pas proposé qu'elle soit adoptée en termes identiques par l'Assemblée et le Sénat.
En ce qui concerne le deuxième alinéa, je propose le mot « participent » au lieu des mots « peuvent contribuer ». Je le dis au rapporteur, cela me paraît être la moindre des choses qu'il y ait un minimum de règles dans le domaine du financement public. A partir du moment où c'est l'argent des citoyens, c'est-à-dire des contribuables, alors cet argent doit être bien employé et l'on n'imagine pas qu'il le soit par une formation politique qui ne s'attacherait pas à faire respecter strictement les obligations d'égalité des citoyens sans considération de sexe qui figurent dans nos textes !
Si l'on ne retient pas le deuxième alinéa de ce sous-amendement, monsieur le rapporteur - je regrette que la commission ne l'ait pas retenu - je me pose la question de savoir ce que le Conseil constitutionnel fera si nous introduisons dans la loi des dispositions - je réponds à M. Bonnet - qui comporteraient ce que j'appellerai des sanctions financières, même si je n'aime pas beaucoup ce terme, car, dès lors que les partis politiques se constituent et exercent leurs activités librement, comme le prévoit la Constitution, le Conseil constitutionnel ne pourrait-il pas considérer qu'une sanction financière constitue une atteinte à leur liberté ?
C'est la raison pour laquelle, monsieur Bonnet, cette fois, je ne peux pas être d'accord avec vous et je préfère maintenir ce deuxième alinéa.
Alors voilà, monsieur le président. Je pense que ce sous-amendement n° 6 rectifié, qui donne satisfaction à M. Fauchon et qui répond en partie aux arguments de M. Bonnet, permet de rendre applicable la proposition de la commission des lois, dont on peut penser ce que l'on veut. Ce n'est peut être pas la meilleure solution, mais c'est celle qui va être retenue : soyons donc efficaces, faisons en sorte qu'elle s'applique effectivement.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le président, je maintiens ce sous-amendement.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Chapeau, monsieur Charasse, quel talent, quelle astuce !
En réalité, vous nous faites réintégrer, grâce à votre sous-amendement, sans nous le dire tout en nous le disant, ce dont nous ne voulons pas, c'est-à-dire les quotas.
M. Charles de Cuttoli. Exact !
M. Patrice Gélard. Par conséquent, j'en suis désolé, mon cher collègue, quel que soit votre talent, quelle que soit votre capacité juridique, je dis non à votre amendement. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Moi aussi, j'exprimerai une opinion dissidente par rapport à celle de la majorité sénatoriale, dont je suis solidaire. Je ne suis pas favorable à l'amendement de notre commission, qui réduit beaucoup trop une question de société à un certain nombre de mécanismes et d'artifices politiques.
Je ne suivrai pas non plus notre collègue M. Charasse, qui cherche à faire le bien de la commission malgré elle puisque, si je comprends bien, toute son argumentation vient de s'effondrer sous le niet de notre collègue Patrice Gélard. Je voterai donc contre les trois sous-amendements et je m'abstiendrai sur l'amendement de la commission parce que je ne veux pas me désolidariser par trop de la majorité sénatoriale.
Il s'agit d'un problème très grave. La commission a voulu faire un progrès, mais ce progrès ne me paraît pas à la hauteur de l'enjeu, et nous aurons tout le temps de la réflexion au cours de la navette.
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, je souhaite vous poser une question de procédure : dans le cas - improbable - me semble-t-il -, où le sous-amendement n° 6 rectifié serait adopté, les sous-amendements de M. Bonnet et de M. Fauchon deviendraient-ils sans objet ?
M. le président. Bien sûr ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Girod. C'est ce que je voulais savoir. Il était bon que chacun le sache. A partir de l'instant où le sous-amendement n° 6 rectifié aura été adopté, le sous-amendement n° 2 ne viendra plus en discussion. C'est l'une des raisons - pas la seule - pour lesquelles je voterai contre le sous-amendement n° 6 rectifié.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Je me contenterai d'intervenir à ce moment du débat pour donner ma position sur les sous-amendements, sur l'amendement et sur le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale.
Comme mon collègue M. Jean-Philippe Lachenaud, j'ai vu trop d'hypocrisie de la part des formations politiques, qui, toutes tendances confondues - madame le garde des sceaux, excusez-moi : je ne perçois pas les différences auxquelles vous avez fait allusion tout à l'heure dans votre intervention - avançaient toutes sortes de bonnes raisons pour ne pas trouver la candidate destinée à solliciter un mandat de député alors qu'elles n'éprouvaient aucune difficulté à trouver 50 ou 60 candidates à présenter aux conseils municipaux des différentes communes des mêmes circonscriptions.
Le Sénat, après l'Assemblée nationale, doit, au-delà peut-être des imperfections rédactionnelles de l'article 3 - nous pourrions d'ailleurs aisément y revenir, si cela s'avérait nécessaire, en seconde lecture - marquer sa volonté politique de voir effectivement réalisée dans les années à venir et pour les prochaines élections une parité entre les femmes et les hommes et lancer un message aux partis politiques précisant que les électeurs et nous-mêmes n'accepterons plus que cette égalité ne soit pas réellement concrétisée. C'est pourquoi je voterai le texte issu de l'Assemblée nationale. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) J'espère qu'il sera largement adopté et qu'une loi ordinaire viendra ensuite apporter les précisions nécessaires. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Je n'ai pas désapprouvé les propos que certains, même si je n'étais pas d'accord avec eux, ont pu tenir, mais je tenais à faire connaître ma position personnelle. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois. M. Jacques Larché, président de la commission de lois. Je formulerai une remarque de principe.
Je n'arrive pas à comprendre comment, dans l'esprit de certains, le sauvetage de la démocratie passe par l'institution des quotas. Nous avons dit que nous n'en voulions pas. C'est une position de principe à laquelle nous devons nous tenir.
M. Paul Masson. Très bien !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Cela étant dit, j'en viens au sous-amendement n° 6 rectifié déposé par M. Charasse.
Malgré l'amitié qui m'unit à M. Bonnet, je ne voterai pas son sous-amendement - il le sait, d'ailleurs. Aussi le vote du sous-amendement n° 6 rectifié nous place-t-il face à un dilemme cruel, à savoir repousser le sous-amendement présenté par un ami tout en adoptant celui de quelqu'un qui ne siège pas sur nos bancs, mais dont nous apprécions tous la courtoisie.
J'ai entendu la remarque formulée par M. Gélard laissant supposer que M. Charasse est tellement astucieux - cela, nous le savons bien - que, par un moyen détourné, il cherche à nous faire « avaler » les quotas sans que nous nous en apercevions.
Je répondrai que ce n'est pas exact.
En effet, ce sous-amendement introduit à l'article 4 de la Constitution une disposition prévoyant une loi. Or un tel texte ne pourra pas contrevenir aux principes figurant à l'article 3 de la Constitution, principes en vertu desquels les dispositions proposées ont été jugées non constitutionnelles jusqu'à présent. Voter le sous-amendement n° 6 rectifié simplifierait bien les choses : de manière plus élégante, nous aboutirions à une rédaction qui pourrait recueillir un consensus.
Il n'est pas inutile de mentionner expressément la loi.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Organique !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Si l'on veut : avec une loi organique, le texte ira obligatoirement devant le Conseil constitutionnel ; comme cela, nous serions pleinement rassurés et le texte serait annulé tout de suite s'il instituait des quotas.
A mon sens - je peux me tromper car, en fin de journée, nous n'avons peut-être pas toujours la lucidité suffisante pour comprendre toutes les subtilités qui sont familières à notre ami M. Charasse - dans de telles conditions, le sous-amendement n° 6 rectifié est acceptable. Il l'est parce qu'il résout tous nos problèmes. Il nous évite la critique qui accompagnerait immédiatement le vote du sous-amendement de M. Christian Bonnet.
Si nous voulons éviter les quotas, nous sommes en revanche tout à fait déterminés à obtenir un résultat politique, et ce résultat politique, le sous-amendement n° 6 rectifié nous permet de l'obtenir.
En relisant tant l'amendement n° 1 rectifié de la commission que le sous-amendement n° 6 rectifié de M. Charasse, il ne me semble pas que leur adoption aboutirait à une mesure tendant à l'humiliation des femmes.
Réflexion faite, je vous propose donc, en accord avec M. le rapporteur, de voter ce sous-amendement. (Non ! sur certaines travées du RPR.)
M. Charles de Cuttoli. Cela permettra les quotas !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Ce n'est qu'une proposition, mes chers collègues, vous ferez ce que vous voulez, mais nous devons exprimer les choses clairement.
Premièrement, nous ne voulons pas des quotas.
Deuxièmement, nous pensons que les partis politiques doivent jouer un rôle déterminant dans ce que nous voulons réaliser.
Troisièmement, pour inciter les partis politiques à réaliser ce que nous attendons d'eux, il faut nous doter de certains moyens constitutionnels. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je prends la parole car je suis effaré par les propos qui viennent d'être tenus par M. le président de la commission des lois. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
On ne peut pas dire une chose et son contraire, être favorable au sous-amendement n° 6 rectifié et être opposé aux quotas, être opposé aux primes, car c'est une prime accordée aux femmes (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes) que de donner plus d'argent aux partis politiques qui inscriront des femmes sur leur liste et de prendre une mesure de sanction à l'égard de ceux qui n'en présenteront pas.
Mes chers collègues, quelle opinion avez-vous de notre démocratie ? Notre peuple n'est-il pas souverain, n'est-il pas majeur, n'est-il pas en mesure d'apprécier, de sanctionner ou d'approuver les partis politiques qui ne sont pas capables de présenter suffisamment de femmes sur les listes ?
Laissez au peuple le soin de décider en âme et conscience si la représentation des femmes n'est pas suffisante dans les différentes élections, quelles soient cantonales, locales ou nationales !
Je suis effaré par tout cela.
Si l'on dit « non » aux quotas, « non » aux primes, on ne peut qu'être opposé au sous-amendement n° 6 rectifié de M. Charasse et qu'approuver le sous-amendement n° 2 de M. Bonnet. Ce n'est que si ce dernier sous-amendement est accepté que nous pourrons approuver la présente loi. Dans le cas contraire, il faudra voter contre. En tout cas, c'est ce que je ferai.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 6 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 2.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Dans la logique de la tactique suivie par la commission des lois, laquelle, par le biais d'amendements, bouleverse sur le fond le contenu du projet de loi constitutionnelle, déniant au législateur toute compétence pour assurer l'égal accès des femmes et des hommes à la vie politique, M. Bonnet nous propose d'aller plus loin encore en supprimant toute référence constitutionnelle à d'éventuelles sanctions financières.
Quoique vigilant à l'égard de toute ingérence dans l'organisation institutionnelle des partis politiques, je ne suis pas sensible à vos arguments, monsieur Bonnet. En effet, votre objectif est on ne peut plus clair : comme vos collègues de la majorité sénatoriale, vous vous opposez à la promotion de la parité. (Un brouhaha couvre la voix de l'orateur.)
M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence s'il vous plaît !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas sérieux, monsieur le président !
M. Robert Bret. Avant tout, vous redoutez tout volontarisme dans ce domaine. Vous rejetez l'idée même que cette réforme puisse permettre de lever l'obstacle posé dès 1982 par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui sanctionne toute mesure législative favorisant la représentation des femmes au sein de nos institutions.
Plutôt que d'introduire des mesures nécessaires, contraignantes ou incitatives, vous préférez, monsieur Bonnet, laisser se poursuivre une évolution déjà amorcée, ce qui revient, en réalité, à préconiser le statu quo.
Pour sa part, le groupe communiste républicain et citoyen entend s'engager sur la voie de la mise en oeuvre d'actions positives et efficaces, en vue de combler le grave déséquilibre qui persiste dans la représentation des hommes et des femmes dans le champ politique. Cela permettra notamment de redonner tout son sens à notre démocratie.
Par conséquent, nous voterons contre le sous-amendement n° 2. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 2, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Mes chers collègues, les scrutateurs m'informent qu'il y a lieu à pointage. Je vais donc suspendre la séance pour le temps d'y procéder.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.
Voici après pointage, le résultat du dépouillement du scrutin n° 65 : :

Nombre de votants 243
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue des suffrages 118
Pour l'adoption 83
Contre 118

Monsieur Fauchon, le sous-amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Pierre Fauchon. Pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure et pour calmer l'impatience d'un certain nombre de nos collègues, je retire mon sous-amendement pour faire gagner du temps au Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur quelques travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. Le sous-amendement n° 3 est retiré.
Avant de mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié, ce qui vaudra vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Lorrain pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la place et le rôle des femmes dans la vie publique constituent incontestablement un problème de société, au sens le plus noble de cette expression. Tout débat sur ce sujet met en cause des schémas sociologiques et psychologiques profondément ancrés dans les mentalités et les comportements des acteurs de la vie publique.
Les femmes ont dû attendre 1944 pour se voir reconnaître leur citoyenneté à part entière et le droit de vote, soit bien plus tard que dans beaucoup d'autres pays.
Aujourd'hui, elles ont les mêmes droits que les hommes, reçoivent la même formation. Pourtant, elles demeurent encore très minoritaires dans les instances de décision et les lieux de pouvoir, en politique comme dans la haute administration ou aux postes clés de l'économie.
La situation des Françaises dans la vie publique est donc très loin de correspondre à la place et au rôle essentiels qu'elles ont conquis dans les autres secteurs de la société.
Mais cette situation est due non à l'existence de barrières juridiques, mais à un écart entre le droit et le fait.
L'égalité des droits est assurée dans notre pays. Cette inégalité, cette difficulté d'accès tiennent avant tout à des résistances sociologiques fortes et à une pratique politique des partis que seule une action volontariste permettrait de dépasser. Il ne sert à rien de modifier la Constitution en y introduisant le principe de l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions si les partis ne prennent pas leur responsabilité. L'égalité d'accès ne pourra être obtenue qu'à travers la création d'un véritable statut de l'élu permettant à chacun et à chacune d'exercer mandats et fonctions quelle que soit son activité professionnelle. L'action des partis est, à cet égard, déterminante.
Voilà pourquoi la modification de l'article 4 de la Constitution, précisément relatif aux partis, a une véritable signification : c'est un signe fort en direction des partis politiques. Mais la loi, même fondamentale, ne peut qu'édicter des règles égales pour tous. Elle ne peut pas favoriser tel ou tel au risque de devenir soit opprimante, soit discriminatoire, c'est-à-dire au risque de porter gravement atteinte à la dignité de la personne, en l'occurrence la femme.
Enfin, j'ajoute que ceux de nos voisins européens qui sont arrivés à la parité, les Scandinaves, notamment, le doivent essentiellement à l'action volontariste des partis.
Notre attitude se veut dynamique et pragmatique. L'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ne s'inscrit pas dans une politique médiatiquement correcte ; il est un mouvement de fond que nous devons soutenir et amplifier afin de ressourcer la citoyenneté et de vivre la politique autrement.
Le groupe de l'Union centriste votera donc ce texte tel que modifié par le Sénat, sous l'impulsion de sa commission des lois, dont je tiens ici à saluer le travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai indiqué de façon très précise et avec conviction pourquoi il ne fallait pas toucher à l'article 3 de la Constitution, définissant la souveraineté nationale : il s'agit là, en effet, du coeur de la Constitution.
De la même façon, j'ai marqué également avec conviction qu'il était impossible de rester dans cette situation injuste et refusée par tous.
Or tout progrès au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel doit, pour être effectif, passer par la loi. C'est pourquoi je suis intervenu en faveur du sous-amendement n° 6 rectifié, déposé par M. Charasse, sans lequel - permettez-moi de le dire - l'amendement n° 1 rectifié est vide de sens. Je n'insisterai pas davantage. Je voterai donc contre l'amendement n° 1 rectifié. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Odette Terrade applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je pense, comme d'autres, que la réforme dont nous débattons en ce moment a plus sa place à l'article 4 qu'à l'article 3 de la Constitution, et ce pour les raisons qui viennent d'être excellemment détaillées tout à l'heure par M. Badinter. Je suis par conséquent de ceux qui considèrent que le fait de toucher à l'universalité serait une erreur de fond et que commencer à rompre l'unité totale aboutira à un moment ou à un autre, qu'on le veuille ou non, à une contagion débouchant sur des communautarisations ou des sectorisations du peuple français, qui doit rester un et indivisible. C'est la raison pour laquelle j'étais tenté de voter l'amendement n° 1 rectifié.
Mais, voilà quelques instants, le Sénat a repoussé le sous-amendement n° 2, déposé par M. Bonnet.
MM. Henri de Raincourt et Hubert Falco. Absolument !
M. Paul Girod. La confusion qui a entouré ce vote ne m'a pas permis d'intervenir. Le brouhaha était tel alors que toute tentative aurait été inutile. Autant il faut toucher à cette sectorisation d'une main tremblante, autant il faut être extrêmement prudent quand on fait figurer au sein de la Constitution une notion nouvelle. Or élever au niveau constitutionnel la notion même de financement public des partis politiques, qui perdurera alors à travers tous les temps,...
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Paul Girod. ... me semble être une imprudence. C'est du ressort de la loi, et non de la Constitution !
Un sénateur socialiste. Très juste !
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Paul Girod. C'est la raison pour laquelle, regrettant le rejet de ce sous-amendement, je ne peux pas, en conscience, voter l'amendement n° 1 rectifié de la commission des lois, dans la mesure où il comporte cette introduction à long terme quasi définitive du financement public des partis politiques.
L'ancien système, comme tout le monde le sait, était mauvais et aboutissait à des catastrophes. Mais ce n'est pas parce que le Parlement s'est résolu au système actuel comme à un moindre mal qu'il faut en faire une disposition constitutionnelle !
C'est pourquoi, monsieur le président, mes chers collègues, tout en approuvant la démarche de la commission des lois sur l'article 4, je regrette cette intrusion du financement public dans la Constitution et je m'abstiendrai donc sur l'amendement n° 1 rectifié, qui, à mon avis, va sur ce point à l'encontre du travail du constituant. (Applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur quelques travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitaient que cette journée de débat soit constructive et fasse avancer, sur la voie choisie d'un commun accord par le Gouvernement et le Président de la République, l'égalité entre les hommes et les femmes dans notre vie démocratique. Je déplore que la commission des lois persiste dans sa stratégie de blocage.
Le rapport de M. Cabanel pointe des chiffres encourageants quant à la présence des femmes dans les assemblées parlementaires et locales. Alors, pourquoi ce blocage ?
Il est noté que les règles de conduite interne aux partis ont permis de féminiser les candidatures, d'augmenter le niveau de participation des femmes dans la sphère politique. Alors, pourquoi ce refus de reconnaissance officielle ?
Il n'est plus de mise ni d'attendre ni de compter sur l'évolution naturelle des choses.
Titulaires du droit de vote et du droit d'éligibilité, les femmes restent très fortement sous-représentées.
Hommes et femmes représentent respectivement la moitié des talents, des qualifications potentielles de l'humanité, et donc de la France. Leur participation complémentaire et équilibrée aux responsabilités permettrait donc de faire naître des idées, des valeurs, des comportements qui s'entremêleraient, qui produiraient de la valeur ajoutée, donnant le meilleur résultat pour l'ensemble de la société.
Les femmes représentent un ferment de changement et d'innovation pour la société, et celle-ci en a un besoin urgent et vital.
Certes, il ne suffit pas d'être femme pour être une élue efficace ou pour mener une bonne politique. Il existe des options et des choix antagoniques qui marquent leur engagement politique, comme pour les hommes.
Mais la préoccupation forte des femmes en termes de transparence, d'authenticité, de refus du combat des chefs serait de nature à redonner aux grands débats de notre pays le sens, la finalité et l'intérêt dont ils n'auraient jamais dû se départir et qui remobiliseraient nos concitoyens, à commencer par la jeunesse.
Je tenais à marquer l'attachement du groupe communiste républicain et citoyen à voir franchir une étape significative tant pour notre démocratie que pour l'évolution de notre société : celle de l'inscription à l'article 3 de notre Constitution de l'objectif de parité. Les associations, qui militent de longue date pour cette cause et qui se sont encore mobilisées aujourd'hui ont, par leur action, favorisé et conforté cette exigence : c'est au texte constitutionnel puis à la loi d'assurer cet égal accès aux mandats et aux fonctions. Madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, c'est la voie que, au nom du Gouvernement, vous nous proposez et que nous approuvons pleinement.
Ainsi, cet ajout à l'article 3 autorise l'introduction de mesures positives en faveur de la parité dans nos futures lois électorales, mesures permettant aux femmes d'accéder à une citoyenneté pleine et entière.
Je tiens à rappeler à cet égard que l'instauration de la proportionnelle pour tout ou partie, la limitation significative du cumul des mandats et l'amélioration sensible du statut de l'élu sont les éléments nécessairement complémentaires de la parité. (Et voilà ! sur les travées du RPR.)
J'entends les arguments juridiques avancés par les tenants du principe de l'universalité posé par la Déclaration des droits de l'homme pour tenter de justifier leurs réserves, voire leur opposition à la modification de l'article 3 de notre Constitution traitant de la souveraineté nationale.
Depuis 1982, la référence à cet article a, entre autres, permis au Conseil constitutionnel de censurer - il l'a fait très récemment encore - toute tentative du législateur pour assurer une répartition équilibrée des hommes et des femmes dans le domaine politique.
Comment s'étonner que la majorité sénatoriale, habituel adversaire de la promotion des droits des femmes. (Protestations sur les travées du RPR)...
C'est indiscutable, messieurs !
M. Jean-Claude Gaudin. Ça suffit !
Mme Hélène Luc. Malgré la plaidoirie de M. Jacques Larché, la majorité a adopté un comportement profondément rétrograde !
Nombreux sont ceux ici qui se souviennent, par exemple, des arguments parfois scandaleux de certains sénateurs de la majorité sur la remise en cause de l'IVG, notamment. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Claude Gaudin. Ne mélangez pas tout ! Ah, ce n'est pas du Victor Hugo !
M. le président. Un peu de silence, mes chers collëgues ! Seule Mme Luc a la parole !
M. Hubert Falco. Qu'elle dise des choses décentes !
Mme Hélène Luc. Nous regrettons vivement qu'une fois encore la Haute Assemblée bloque toute évolution de notre société, évolution pourtant nécessaire à la démocratisation de notre vie politique. Nous voterons donc contre le texte tel qu'il a été remanié. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, je voterai cet amendement, qui constitue un moindre mal.
M. Jean-Louis Carrère. C'est bien !
M. Philippe Adnot. J'ai entendu les partisans de l'accession à la parité par la Constitution, j'ai entendu les partisans de l'accession à la parité par l'action des partis politiques. Ces deux opinions sont très louables, mais j'aurais préféré entendre exprimer la confiance en faveur des femmes dans leur capacité à atteindre la parité par l'acte volontaire de candidature (Vives exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen), par la reconnaissance simple de leurs compétences par les électeurs. (Rires sur les mêmes travées.)
Ce qui est antidémocratique, ce sont les quotas. Ce qui est antidémocratique, c'est la proportionnelle, c'est la main-mise absolue de la vie politique par les partis politiques ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Le non-inscrit que je suis, élu lors de chaque scrutin en dehors et parfois contre les partis, peut prouver qu'il existe une vie en dehors de ces schémas. C'est le peuple - le peuple seul ! - qui doit déterminer qui est élu.
Toutes les femmes que j'ai interrogées se sentent outragées (Protestations sur les travées socialistes) ...
Mme Dinah Derycke. Pas nous !
M. Philippe Adnot. ... par cette envie irrépressible que certains ont de leur donner d'une manière condescendante ce qu'elles peuvent prétendre obtenir par leurs qualités personnelles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'issue de cette discussion, où la clarté n'a pas toujours été évidente,...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Charles Descours. Oui, c'est vrai !
M. Patrice Gélard. ... il convient d'en tirer les enseignements.
En ce qui me concerne, j'ai été éclairé au moins sur un point, à savoir les intentions profondes des auteurs de ce projet de loi constitutionnelle. Ces intentions sont nettes : il s'agit tout d'abord d'instaurer des quotas. (Protestations sur les travées socialistes.) Nous le savions déjà, d'ailleurs, puisque, lors du vote de la loi relative aux conseils régionaux, tout avait été mis clairement noir sur blanc : il devait y avoir des listes avec 50 % de femmes et 50 % d'hommes, sans que nous sachions très bien le sort qui serait fait au cinquante et unième et au cinquante-troisième. (Exclamations ironiques sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. Claude Estier. C'est ridicule !
M. Jean-Claude Gaudin. Tirez au sort !
M. Patrice Gélard. Mais le débat ne s'arrête pas là : tout à l'heure, Mme le ministre nous a dit qu'il fallait faire figurer ces mesures à l'article 3 pour étendre les dispositions relatives aux quotas aux élections prud'homales. Mais pourquoi pas, pendant qu'on y est, à d'autres élections professionnelles ? Pourquoi ne pas instaurer également, par exemple, les quotas dans la magistrature ? (Protestations sur les travées socialistes.)
Il y aura donc des quotas aux prud'hommes, des quotas dans les tribunaux de commerce. Pourquoi n'organiserait-on pas désormais des concours séparés entre hommes et femmes dans la magistrature, puis, à terme, dans toute la fonction publique ? Ne va-t-on pas rétablir les collèges et les lycées de filles ? (Vives protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
En réalité, ce que l'on nous propose de faire, c'est de mettre en place une citoyenneté duale, une démocratie duale.
Cette démocratie-là, cette société-là, cette citoyenneté-là, je ne la reconnais pas. Ce ne sont pas les valeurs de la République, ce ne sont pas les droits et les libertés, ce n'est pas la démocratie, c'est autre chose.
C'est la raison pour laquelle je voterai, avec la majorité de mes collègues du groupe du RPR, le texte proposé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Madame le garde des sceaux, je voterai, bien sûr, ce texte, car il traduit non pas une stratégie de blocage, comme vous le soutenez - peut-être n'y avez-vous pas réfléchi suffisamment - mais bien, en réalité, nous le verrons de plus en plus, une véritable stratégie d'efficacité.
Je le voterai sous le signe de la justice et tout autant sous le signe de l'utilité, je dirai même de la nécessité, car je suis de ceux qui croient que la participation d'un plus grand nombre de femmes aux responsabilités politiques pourra contribuer très fortement à la rénovation de notre vie politique.
Je le voterai aussi sous le signe de l'égalité, valeur à laquelle tout le monde s'est référé, et permettez-moi d'y ajouter, à titre personnel, un autre signe et d'évoquer une autre vertu de la République : je le voterai, en ce qui me concerne, sous le signe de la fraternité entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Jolibois.
M. Charles Jolibois. Monsieur le président, mes chers collègues, une majorité importante du groupe des Républicains et Indépendants était favorable à une modification de l'article 4 de la Constitution. En effet, le texte du Gouvernement contenait une sorte de contradiction entre l'indivisibilité de la souveraineté, l'universalité et, surtout, la liberté de candidature à laquelle, vous le comprendrez probablement, un groupe composé d'indépendants est par nature très attaché.
Le projet de loi qui nous a été proposé instituait un système pernicieux parce que, sans le dire, il amenait de manière sûre aux quotas. Nous savons, en effet, à l'issue des auditions auxquelles a procédé la commission des lois - qui a mené un débat approndi -, que les quotas étaient la seule solution pour parvenir au résultat désiré.
Il fallait donc modifier l'article 4 de la Constitution et non l'article 3.
Par ailleurs, une discussion s'est engagée au sein de notre groupe, la majorité d'entre nous considérant que le sous-amendement de M. Bonnet devait être voté. Le financement des partis politiques n'a pas sa place, en effet, dans un texte constitutionnel, et les conséquences d'une telle insertion peuvent être extrêmement dangereuses.
Le sous-amendement de M. Bonnet ayant été repoussé, une partie du groupe des Républicains et Indépendants va donc s'abstenir, tandis que certains - dont je suis - voteront l'amendement de la commission des lois et que d'autres - un tout petit nombre - voteront contre cet amendement.
Je devais à l'honnêteté de vous exprimer cette division qui s'est manifestée au sein de notre groupe. Mais, après tout, un sujet de cette importance prend de la grandeur quand les intéressés s'expriment selon leur conscience et ne suivent pas les instructions qu'on leur donne ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Hamel. (Ah ! sur de nombreuses travées.)
M. Emmanuel Hamel. Les éminentes fonctions que vous assumez, madame le garde des sceaux, le prouvent : la femme n'a pas besoin de quotas pour être reconnue, pour être promue.
Ce texte est contraire à l'éminence, à la dignité de la femme et à sa capacité de rayonnement si elle veut les assumer.
Vive les femmes ! A bas les quotas ! Je voterai donc contre ce texte ! (Rires.)
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Mes chers collègues, nous sommes maintenant dans une situation très claire. (Exclamations amusées.) En effet, à l'issue d'un moment de grande confusion, nous avons devant nous non plus le texte original, mais un texte fondé essentiellement sur l'article 4 de la Constitution.
Ce texte transfère, certes, la responsabilité vers les partis politiques, mais nous savons que ces derniers ont une responsabilité dans cette affaire. Il ajoute, au demeurant, un élément d'incitation au travers des règles de financement des partis politiques. Ce deuxième alinéa a suscité des discussions, mais celles-ci ont été tranchées par un vote.
Maintenant, il faudrait que le Sénat s'en tienne à cette position, puis qu'il y ait suffisamment de concertation entre le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement...
M. Claude Estier. Et le Président de la République !
M. Guy Cabanel, rapporteur. ... et le Président de la République, en effet, pour parvenir à une solution qui respecte la volonté sénatoriale de ne pas accepter de bouleversement législatif, de ne pas accepter ces lois électorales contraignantes que nous avons écartées aujourd'hui en renonçant à inscrire dans l'article 3 de la Constitution la formule envisagée.
En cet instant, je vous demande simplement de penser aux femmes. (Sourires.) Certes, ce que nous avons fait n'aura de valeur que si celles-ci ont la volonté de réclamer aux partis leur place dans la vie politique, et des mesures doivent être prises à cet égard, car le statut de l'élu et les conditions de candidature forment un ensemble.
Nous, nous avons une position claire. On ne pourra donc pas considérer, à l'issue de ce débat, que le Sénat aura accepté du bout des lèvres une demi-mesure : il a pris ses responsabilités.
Je remercie tous nos collègues qui m'ont aidé dans cette tâche, mais je n'en citerai que deux : M. Gélard, qui a été très clair dans sa condamnation sans appel des quotas et qui a peut-être contribué à transformer ma démarche initiale, et M. Fauchon, qui a eu le souci de trouver une solution jusqu'au bout, même dans certains moments délicats, pour nous permettre d'aboutir à un texte qui soit autre chose qu'une simple déclaration de principe.
Je vous appelle donc à voter ce texte, sur lequel nous poursuivrons la réflexion pendant la navette. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très brièvement, je tiens à dire que je suis scandalisée d'entendre des hommes dire à quel point ils respectent les femmes tout en continuant à interdire à la majorité d'entre elles de participer à la vie politique ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l'amendement n° 1 rectifié, tendant à rédiger l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
Conformément à la décision de la conférence des présidents, il va être procédé à un scrutin à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre X.)
M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
Le scrutin va rester ouvert encore quelques minutes pour permettre à ceux qui n'ont pas répondu à l'appel nominal de venir voter.
Personne ne demande plus à voter ?...
La scrutin est clos.
J'invite MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 66:

Nombre de votants 307
Nombre de suffrages exprimés 277
Majorité absolue des suffrages 139
Pour l'adoption 164
Contre 113

4

DÉPO^T D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Pierre Biarnès, Henri d'Attilio, Bertrand Auban, Jean-Pierre Bel, Mmes Maryse Bergé-Lavigne, Yolande Boyer, MM. Jean Besson, Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Marcel Charmant, Michel Charzat, Raymond Courrière, Roland Courteau, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Mmes Dinah Derycke, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Léon Fatous, Serge Godart, Jean-Noël Guérini, Roger Hesling, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, André Lejeune, Claude Lise, Jacques Mahéas, Marc Massion, Jean-Luc Mélenchon, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Gérard Roujas, André Rouvière, Claude Saunier, Michel Sergent, René-Pierre Signé, Simon Sutour, Michel Teston, André Vézinhet, Marcel Vidal et Henri Weber une proposition de loi relative au droit de mourir dans la dignité.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 166, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu une lettre par laquelle M. Pierre Biarnès déclare retirer la proposition de loi relative au droit de mourir dans la dignité (n° 215, 1996-1997) qu'il avait déposée avec plusieurs de ses collègues au cours de la séance du 13 février 1997.
Acte est donné de ce retrait.

6

DÉPO^T D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Denis Badré une proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur :
- la communication de la commission au Conseil et au Parlement européen, sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 (E 1049) ;
- le document de travail de la commission : accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (E 1128).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 164, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

DÉPO^T D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1202 et distribuée.

8

DÉPO^T D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Louis Souvet un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans (n° 114, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 165 et distribué.

9

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 27 janvier 1999, à quinze heures et le soir.
1. - Discussion du projet de loi (n° 133, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance.
Rapport (n° 157, 1998-1999) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucun amendement n'est plus recevable.
2. - Suite de la discussion du projet de loi (n° 18, 1998-1999) d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.
Rapport (n° 129, 1998-1999) de M. Michel Souplet, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 132, 1998-1999) de M. Albert Vecten, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis (n° 151, 1998-1999) de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements



Conclusions de la commission des affaires économiques (n° 502, 1997-1998) sur :
_ la proposition de loi de M. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation immobilière exonérant les exploitants de mines de leur responsabilité en matière de dommages liés à leur activité minière (n° 220, 1996-1997) ;
_ la proposition de loi de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues complétant le code minier (n° 298 rectifié, 1996-1997) ;
_ la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 229, 1997-1998) ;
_ la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la responsabilité des dommages liés à l'exploitation minière (n° 235 rectifié, 1997-1998) ;
_ la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière (n° 247, 1997-1998) ;
_ la proposition de loi de M. Jean-Paul Delevoye et plusieurs de ses collègues relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation (n° 248, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 8 de M. Paul Masson à M. le Premier ministre sur le redéploiement des forces de sécurité.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 155, 1998-1999) sur la proposition de loi de M. Alain Vasselle et plusieurs de ses collègues relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer (n° 210, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 janvier 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quarante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Financement de la politique
d'aide sociale des départements

432. - 25 janvier 1999. - M. André Diligent appelle l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur la question délicate mais attendue de la réforme du contingent d'aide sociale. Les conseils généraux essaient de répartir, de la manière la plus équitable possible, entre l'ensemble des communes, le montant de cette participation à la politique sociale des départements qui atteint une somme globale de 12 milliards de francs. Cependant, toutes les études récentes ont montré que le calcul de la contribution conduit à des disparités. Un exemple : en 1996, le contingent pour Roubaix - ville de près de 100 000 habitants - atteignait 354 francs par habitant, soit 6,6 % des ses dépenses de fonctionnement. Pour cette ville, l'effort d'équité est largement compromis par le mécanisme de l'écrêtement, imposé par la loi. En 1995, à la suite des quatre tours d'écrêtement, la majoration était de plus de 6 millions de francs, représentant ainsi plus de 20 % de son contingent. Au regard de cette réalité, il lui demande où en sont les études entamées par le Gouvernement sur ce projet de réforme pour lequel l'association des maires des grandes villes a proposé un certain nombre d'améliorations, parmi lesquelles l'application obligatoire des critères définis par le décret du 31 décembre 1987 dans la fixation du contingent versé par chaque commune, le plafonnement de la contribution globale des communes à un taux proche de la moyenne nationale (15 %), la suppression de l'écrêtement prévu à l'article 7 du décret du 31 décembre 1987, enfin le classement des communes en fonction de l'indice synthétique comparable à celui de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et reprenant une partie des critères définis par le décret de 1987 et la répartition de la contribution globale en fonction de ce classement.

Respect et défense des droits des sourds

433. - 26 janvier 1999. - Mme Marie-Claude Beaudeau rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que M. le Premier ministre a confié le 26 décembre 1997 une mission à une députée chargée de définir les mesures à prendre en faveur du respect et de la défense des droits des sourds dans leur accès à la citoyenneté. Un rapport définissant 115 propositions lui a été remis et a été publié le 30 juin 1998. Elle lui demande de lui faire connaître les suites données à ce rapport et les premières mesures qu'elle envisage de prendre sans attendre.

Conséquences de la tempête abattue sur Loctudy
le 20 décembre 1998

434. - 26 janvier 1999. - M. Alain Gérard appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité de reconnaître à titre exceptionnel le caractère de catastrophe naturelle à la tempête d'une violence extrême qui s'est abattue sur le port de Loctudy dans la nuit du 20 décembre 1998, détruisant toute la flottille des bateaux de pêche et endommageant les navires de plaisance. Le fait que la tempête soit depuis 1990 un événement naturel assurable ne saurait dispenser l'Etat de toute intervention dès lors qu'on est en présence d'un agent naturel d'intensité anormale. Reconnaître à titre exceptionnel le caractère de catastrophe naturelle à la tempête du 20 décembre 1998 - comme ce fut le cas pour celle d'octobre 1987 restée dans beaucoup de mémoires - permettrait d'indemniser les dommages matériels et immatériels subis au-delà de la couverture des risques déjà prévue contractuellement pour les véhicules maritimes.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 26 janvier 1999


SCRUTIN (n° 65)



sur le sous-amendement n° 2, présenté par M. Christian Bonnet, à l'amendement n° 1, rectifié par M. Guy Cabanel au nom de la commission des lois, tendant à une nouvelle rédaction de l'article unique du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes (suppression de la référence au financement des partis politiques).

Nombre de votants : 243
Nombre de suffrages exprimés : 235
Pour : 83
Contre : 152

(Chiffres établis après pointage).
Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 2. _ MM. Paul Girod et Jacques Pelletier.
Contre : 16.
Abstentions : 2. _ MM. Fernand Demilly et Georges Mouly.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. François Abadie et Jacques Bimbenet.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 19. _ M. Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Charles Ceccaldi-Raynaud, Jean Chérioux, Désiré Debavelaere, Philippe de Gaulle, François Gerbaud, Georges Gruillot, André Jourdain, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Guy Lemaire, Serge Lepeltier, Paul Natali, Paul d'Ornano, Jean-Jacques Robert, Louis Souvet et Alain Vasselle.

Contre : 26. _ MM. Pierre André, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Jean-Patrick Courtois, Xavier Darcos, Jean-Paul Delevoye, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Philippe François, Francis Giraud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Roger Husson, Alain Joyandet, Lucien Lanier, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Paul Masson, Lucien Neuwirth, Jacques Oudin, Alain Peyrefitte, Michel Rufin, René Trégouët et Maurice Ulrich.

Abstentions : 2. _ MM. Yann Gaillard et Jean-Pierre Schosteck.
N'ont pas pris part au vote : 52.
Dont M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 20.
Contre : 12. _ MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Belot, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Marcel Deneux, Pierre Fauchon, Yves Fréville, Francis Grignon, Marcel Henry, Jean Huchon, Jean-Jacques Hyest et Philippe Richert.

Abstentions : 4. _ MM. Maurice Blin, Jean Faure, Rémi Herment et Michel Mercier.

N'ont pas pris part au vote : 16. _ MM. Philippe Arnaud, Bernard Barraux, Jacques Baudot, Michel Bécot, Mme Annick Bocandé, MM. André Bohl, André Dulait, Daniel Hoeffel, Claude Huriet, Alain Lambert, Henri Le Breton, Marcel Lesbros, Kléber Malécot, René Marquès, René Monory et Philippe Nogrix.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour : 36.
Contre : 4. _ Mme Janine Bardou, MM. Jean-Philippe Lachenaud, Jacques Larché et Michel Pelchat.
N'ont pas pris part au vote : 7. _ MM. Jean Boyer, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Jacques Dominati, Serge Mathieu, Philippe Nachbar, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 6.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Jean-Paul Bataille
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Christian Bonnet
James Bordas
Joël Bourdin
Louis Boyer
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Charles Ceccaldi-Raynaud
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Jean Delaneau
Gérard Deriot
André Diligent
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
André Ferrand
Alfred Foy
Serge Franchis
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Paul Girod
Louis Grillot
Georges Gruillot
Anne Heinis
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Jacques Machet
André Maman
Louis Mercier
Louis Moinard
Paul Natali
Paul d'Ornano
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Henri de Raincourt
Charles Revet
Henri Revol
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra

Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Henri Torre
François Trucy
Alex Türk
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin

Ont voté contre


Guy Allouche
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Janine Bardou
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Didier Borotra
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Robert Bret
Guy-Pierre Cabanel
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jean-Pierre Demerliat
Marcel Deneux
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Michel Esneu
Claude Estier
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Marcel Henry
Roger Hesling
Jean Huchon
Roland Huguet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Paul Masson
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Lucien Neuwirth
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Guy Penne
Daniel Percheron
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Philippe Richert
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Simon Sutour
Odette Terrade

Michel Teston
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
Maurice Ulrich
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


MM. Maurice Blin, Fernand Demilly, Jean Faure, Yann Gaillard, Rémi Herment, Michel Mercier, Georges Mouly et Jean-Pierre Schosteck.

N'ont pas pris part au vote


François Abadie
Louis Althapé
Philippe Arnaud
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Jean Bernard
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Annick Bocandé
André Bohl
Jean Boyer
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Gérard César
Jacques Chaumont
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Charles de Cuttoli
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Gérard Delfau
Jacques Delong
Christian Demuynck
Charles Descours
Jacques Dominati
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Daniel Hoeffel
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Christian de La Malène
Alain Lambert
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Jacques Legendre
Marcel Lesbros
Simon Loueckhote
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Serge Mathieu
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
Jean Puech

Jean-Pierre Raffarin
Victor Reux
Henri de Richemont
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Martial Taugourdeau
Jacques Valade
Serge Vinçon
Guy Vissac

N'a pas pris part au vote


M. Christian Poncelet, président du Sénat.

SCRUTIN (n° 66)



sur l'amendement n° 1 rectifié, tendant à une nouvelle rédaction de l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes (modification de l'article 4 de la Constitution).

Nombre de votants : 306
Nombre de suffrages exprimés : 276
Pour : 163
Contre : 113

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 12.
Contre : 3. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer et Yvon Collin.
Abstentions : 4. _ MM. Fernand Demilly, Paul Girod, Lylian Payet et Jacques Pelletier.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ MM. François Abadie, Jacques Bimbenet et Georges Mouly.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 83.
Contre : 4. _ MM. Michel Barnier, Jacques Chaumont, Serge Lepeltier et Mme Lucette Michaux-Chevry.
Abstentions : 4. _ MM. Yann Gaillard, Emmanuel Hamel, Jean-François Le Grand et Alain Vasselle.
N'ont pas pris part au vote : 8. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, Hubert Haenel, Patrick Lassourd, Simon Loueckhote, Philippe Marini, Bernard Murat, Charles Pasqua et Yves Rispat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 42.
Contre : 4. _ MM. Didier Borotra, Serge Franchis, Pierre Jarlier et Jean-Marie Poirier.
Abstentions : 2. _ MM. Jacques Baudot et André Diligent.
N'ont pas pris part au vote : 4. _ MM. Daniel Bernardet, Daniel Hoeffel, Alain Lambert et Henri Le Breton.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 22.
Contre : 6. _ Mme Janine Bardou, MM. Joël Bourdin, Marcel-Pierre Cleach, Jacques Dominati, Jean-Philippe Lachenaud et Michel Pelchat

Abstentions : 19. _ MM. Nicolas About, José Balarello, Jean-Paul Bataille, Christian Bonnet, Louis Boyer, Jean-Claude Carle, Jean Clouet, Jean Delaneau, Jean-Léonce Dupont, Mme Anne Heinis, MM. Jean-François Humbert, Roland du Luart, Philippe Nachbar, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Guy Poirieux, Jean-Pierre Raffarin, Henri de Raincourt et Charles Revet.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour : 4.
Contre : 2. _ MM. Gérard Delfau et Alex Türk.
Abstention : 1. _ M. Alfred Foy.

Ont voté pour


Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
René Ballayer
Bernard Barraux
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
James Bordas
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jean Chérioux
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre

René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Janine Bardou
Michel Barnier
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Marcel-Pierre Cleach
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Franchis
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jarlier
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Serge Lepeltier
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Jean-Marie Poirier
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé

Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Alex Türk
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


Nicolas About
José Balarello
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Christian Bonnet
Louis Boyer
Jean-Claude Carle
Jean Clouet
Jean Delaneau
Fernand Demilly
André Diligent
Jean-Léonce Dupont
Alfred Foy
Yann Gaillard
Paul Girod
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Jean-François Humbert
Jean-François Le Grand
Roland du Luart
Philippe Nachbar

Lylian Payet
Jacques Pelletier
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Guy Poirieux
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Charles Revet
Alain Vasselle

N'ont pas pris part au vote


François Abadie
Daniel Bernardet
Jacques Bimbenet
Hubert Haenel
Daniel Hoeffel

Alain Lambert
Patrick Lassourd
Henri Le Breton
Simon Loueckhote
Philippe Marini
Georges Mouly
Bernard Murat
Charles Pasqua
Yves Rispat

N'a pas pris part au vote


M. Christian Poncelet, président du Sénat.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 307
Nombre de suffrages exprimés : 277
Majorité absolue des suffrages exprimés : 139
Pour l'adoption : 164
Contre : 113

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.