Séance du 2 février 1999







M. le président. Par amendement n° 83, M. Souplet, au nom de la commission des affaires économiques, propose d'insérer, avant l'article 45 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 111-2, il est inséré, dans le code rural, un article L. 111-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-3. - Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles, la même exigence d'éloignement doit être imposée à toute construction ultérieure à usage d'habitation ou à usage professionnel nécessitant une autorisation administrative de construire. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Souplet, rapporteur. Alors que sont imposées aux bâtiments agricoles - création ou extension - relevant ou non de la législation sur les installations classées des règles d'éloignement par rapport aux constructions et aux habitations existantes, les mêmes exigences ne sont pas requises en cas de création de locaux d'habitation ou professionnels à proximité de ces mêmes bâtiments, ce qui donne lieu à des conflits croissants.
La nouvelle rédaction de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, récemment parue, ne donne pas satisfaction, dans la mesure où elle se contente de compléter la liste des motifs qu'un maire peut invoquer pour accorder ou refuser un permis de construire, sans poser le principe général de la réciprocité, ce à quoi la commission tient beaucoup.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le sujet est délicat, voire épineux !
L'implantation et l'extension de bâtiments et équipements liés aux activités d'élevage sont soumises au respect de règles d'éloignement par rapport aux lieux d'habitation. En revanche, la construction de maisons d'habitation n'est pas soumise à des règles équivalentes. Cela se traduit par des contentieux de plus en plus nombreux, créant une pesante incertitude juridique pour les exploitants agricoles.
Au moment où les agriculteurs éleveurs font un effort sans précédent dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, la mise en place d'un dispositif juridique plus sécurisant paraît essentielle. En ce sens, je ne peux que conforter la position de M. le rapporteur.
Cette question a fait l'objet de nombreuses propositions d'amendements à l'occasion de l'examen de la loi de modernisation de l'agriculture conduisant le Gouvernement à décider la mise en place d'un groupe interministériel.
Ce groupe de travail interministériel avait écarté l'idée d'une règle de réciprocité applicable aux constructions à usage d'habitation. En effet, cela reviendrait à créer une servitude de nature à gêner l'exercice de l'activité agricole, puisqu'elle interdirait aux exploitants agricoles eux-mêmes d'obtenir le permis pour des constructions nouvelles à l'usage d'habitation, ce qui montre bien la difficulté particulière de l'exercice.
Cependant, mon prédécesseur, M. Louis Le Pensec, est revenu à la charge et, dans le décret n° 98-913 du 12 octobre 1998 portant modification des dispositions réglementaires du code de l'urbanisme, nous avons obtenu une clarification de l'article R. 112-2 de ce code.
Je vous rappelle la rédaction antérieure de l'article R. 112-2 : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. »
Le décret précité a ajouté l'alinéa suivant : « Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. »
Cette disposition d'ordre réglementaire satisfaisant exactement l'amendement n° 83, celui-ci me paraît dès lors sans objet et je demande donc à la commission de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 83 est-il maintenu ?
M. Michel Souplet, rapporteur. En commission, nous avons discuté longuement de ce problème. Nous connaissons tous de nombreux cas de personnes qui, ayant obtenu un permis de construire à proximité d'une ferme, viennent ensuite « rouspéter », et c'est l'agriculteur qui est ennuyé.
Je maintiens donc l'amendement n° 83.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 83.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je rejoins la position de notre collègue Michel Souplet.
Dans l'explication qu'a donnée M. le ministre, mon attention a été attirée par un point : la difficulté que pourrait rencontrer un agriculteur pour implanter une maison d'habitation à proximité du lieu où il exerce son activité professionnelle, c'est-à-dire à proximité de ses bâtiments d'exploitation agricole.
Je me demande si c'est vraiment un obstacle majeur et s'il n'y a pas une solution juridique à cette situation, car, autant que je sache, en zone protégée, en zones ND ou en zones à caractère agricole, aucune maison d'habitation n'est constructible exceptées celles qui sont liées à l'activité agricole.
Je ne comprends pas les raisons pour lesquelles il y aurait un obstacle à la mise en application de la disposition proposée.
Il faut certainement peu de chose, que ce soit sur le plan réglementaire ou sur le plan législatif, pour régler le problème.
Il me semble que la Haute Assemblée aurait intérêt à adopter l'amendement de la commission et à profiter de la navette parlementaire pour déterminer la réglementation qu'il y aura lieu de retenir pour régler définitivement ces contentieux qui n'en finissent pas, notamment dans nos communes rurales.
M. Marcel Deneux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Je tiens à apporter mon soutien à l'amendement n° 83 et à demander à M. le ministre s'il est sûr de son argumentation.
Il me semble que l'exploitant agricole pour sa propre maison a l'autorisation de construire. Je voterai donc l'amendement n° 83.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 83, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 45 bis.
Par amendement n° 571, M. François et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, avant l'article 45 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 7 de la loi n° 76-669 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. 7. - Pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article premier de la présente loi, un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur des installations classées, fixe les règles générales et les prescriptions techniques applicables aux installations classées soumises à autorisation. Ces règles et prescriptions, qui s'imposent de plein droit aux installations nouvelles, déterminent les mesures propres à prévenir et à réduire les risques d'accident ou de pollution de toute nature susceptible d'intervenir ainsi que les conditions d'insertion dans l'environnement de l'installation et de remise en état du site après arrêt de l'exploitation.
« Des arrêtés interministériels, pris après avis du conseil supérieur des installations classées et des organisations professionnelles intéressées, peuvent préciser, en fonction des caractéristiques spécifiques des différentes catégories d'installations classées soumises à autorisation, les modalités d'application des règles et prescriptions mentionnées à l'alinéa précédent, ainsi que les délais et les conditions dans lesquels elles s'appliquent aux installations existantes.
« Ces règles générales et prescriptions techniques peuvent faire l'objet d'adaptation aux circonstances locales par l'arrêté préfectoral d'autorisation. »
La parole est à M. François.
M. Philippe François. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, un article additionnel 45 bis, qui modifie l'article 16-1 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, afin de ne pas soumettre au régime de la loi « installations classées » les petites carrières utilisées dans un but commercial. Cette adjonction de bon sens, qui tend à une application du « principe de réalité », doit être poursuivie dans le domaine des règles générales et des prescriptions techniques qui sont imposées aux installations classées soumises à autorisation et parmi lesquelles figurent de nombreuses activités agricoles.
L'article 7 de la loi « installations classées » a été modifié par l'article 45 de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie - loi dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur - pour faire échec à un arrêt du Conseil d'Etat du 21 octobre 1996, qui annulait l'arrêté du ministre de l'environnement du 1er mars 1993 relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau et rejets de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, au motif que les dispositions de l'article 7 de la loi « installations classées » n'attribuent compétence à l'arrêté ministériel pour édicter des règles générales et des prescriptions techniques que pour des catégories bien déterminées d'installations et en fonction des caractéristiques spécifiques de celles-ci.
Or, cet arrêté du 1er mars 1993 imposait de façon indifférenciée pour la quasi-totalité des installations classées soumises à autorisation préfectorale des prescriptions applicables à l'ensemble des rejets et qui, par la généralité de leur objet, ne visent pas de façon spécifique certaines catégories d'installations.
Les sénateurs n'avaient eu connaissance de cette modification de l'article 7 qu'en commission mixte paritaire et avaient émis les réserves les plus expresses tant sur le procédé que sur le fond.
L'article 7 de la loi « installations classées » ainsi modifié, en reconnaissant au ministre chargé des installations classées la faculté d'adopter des règles générales et des prescriptions techniques de manière « autonome » pour l'ensemble des installations soumises à autorisation - après simple consultation de ses collègues du Gouvernement, je tiens à le souligner - se situe en dehors du droit commun en matière de pouvoir réglementaire.
Il donne compétence au ministre chargé des installations classées pour adopter des règles générales et des prescriptions techniques « visant l'ensemble des installations classées ». Pour cela, il est contraire aux dispositions de l'article 21 de la Constitution, qui confie au Premier ministre l'exercice du pouvoir réglementaire.
Dans des domaines très voisins et présentant un degré au moins équivalent de technicité, la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 ou encore la loi sur le bruit prévoient que les règles générales et les prescriptions techniques sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
C'est pourquoi cet amendement prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les règles générales et les prescriptions techniques applicables à toutes les installations classées soumises à autorisation. En conséquence, des arrêtés interministériels peuvent adapter aux différentes catégories concernées, en fonction de leurs caractéristiques spécifiques, ces règles générales et ces prescriptions techniques, ainsi que préciser leurs conditions d'application aux installations existantes.
L'avantage, en outre, qui résulte de l'adoption de telles règles sous l'arbitrage du Premier ministre est de permettre une réelle proportionnalité des mesures imposées aux différentes activités économiques concernées au regard des contraintes financières et sociales qui s'imposent à elles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Souplet, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je comprends la préoccupation exprimée par M. François. Pour autant, la modification de procédure qu'il propose ne peut pas être introduite par le biais de la loi d'orientation agricole car la procédure des installations classées ne concerne pas les seules activités agricoles, elle concerne beaucoup d'autres secteurs.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 571.
M. Gérard César. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Mon collègue Philippe François pose un problème important pour la profession agricole, mais aussi pour la profession d'exploitant de carrière.
Je me trouvais à un colloque voilà quelques jours dans ma région et j'ai pu noter que se constituent, ici et là, des carrières illicites qui posent des problèmes. Evidemment, l'association des exploitants de carrière est tout à fait défavorable à la création de telles carrières qui viennent concurrencer, par le faible prix qu'elles pratiquent, le travail des exploitants de carrière déclarés.
Ce problème ne concerne pas que l'exploitation de la tourbe, celle de la grave, de la marne sont également touchées.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 571, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 45 bis.

Article 45 bis