Séance du 9 février 1999







M. le président. La parole est à M. Joly, auteur de la question n° 399, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Bernard Joly. Compte tenu de l'objet de ma question, je suis ravi, madame le secrétaire d'Etat, que ce soit vous qui soyez mon interlocutrice.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en octobre et novembre dernier, le Gouvernement a trouvé à l'Assemblée nationale une majorité pour inclure, par voie d'amendement, la majoration pour enfants dans les avantages personnels de vieillesse, dont le cumul avec une pension de réversion.
Le Sénat a suivi sa commission des affaires sociales en supprimant cette disposition, car il estime que ce droit est bien distinct.
J'ai relu les échanges qui ont eu lieu dans les deux assemblées sur cette question. Il me paraît inutile de rouvrir le débat sur la revalorisation du montant de l'allocation de veuvage et sur le fait que le fonds national de l'assurance veuvage est inclus dans le fonds de solidarité vieillesse.
Ce qui me tient à coeur, c'est la reconnaissance d'une réalité.
Comme vous l'avez dit ici même, madame le secrétaire d'Etat, cette majoration de 10 % n'est pas liée au fait d'avoir encore des enfants à charge ; elle est liée au fait d'en avoir eu dans le passé. Malgré cela, des veuves ont été obligées de se pourvoir en cassation. Dans ses arrêts, la chambre sociale de la Cour de cassation a clairement précisé que la majoration pour enfants applicable aux pensionnées du régime général constitue un avantage distinct de la pension elle-même, qui n'a pas à être prise en compte dans la base de calcul de la limite de cumul autorisé entre un avantage personnel de vieillesse et la pension de réversion du régime général et qui doit, le cas échéant, s'ajouter au montant réduit de cette pension, après application des règles de cumul.
Ce n'est pas à la Cour de cassation de faire la législation ! Ce pouvoir revient au Parlement. Néanmoins, il est établi que la Cour de cassation défend la volonté du législateur.
J'ai saisi le Médiateur de la République de ce litige. M. Stasi a confirmé la position de notre collègue Jacques Pelletier et a présenté au Gouvernement une proposition de réforme, le 12 février 1998, en comité interministériel.
La situation constatée portant atteinte au principe d'égalité, le Médiateur proposait soit de donner instruction aux caisses régionales d'assurance maladie d'appliquer d'office et systématiquement le mode de calcul retenu par la Cour de cassation pour déterminer la limite du cumul, soit de modifier les textes applicables en la matière, de manière à lever toute ambiguïté sur leur interprétation.
Malgré la revalorisation intervenue, l'inclusion dans le plafond de la majoration pour enfants a pour effet de fixer la pension de réversion de la mère de famille à un montant inférieur à celui qui aurait été attribué si cette mère de famille n'avait pas eu trois enfants. C'est ce qui ressort de l'observation de cas concrets.
Pourquoi, en dépit des décisions de la Cour de cassation, de celle du Médiateur et des situations observées, pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, cet acharnement du pouvoir exécutif à nier que la majoration pour enfants est bien un droit distinct de la pension elle-même et qu'elle n'a pas à être comprise dans la base de calcul de la limite de cumul autorisé entre un avantage personnel de vieillesse et la pension de réversion du régime général ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale dispose que le conjoint survivant peut cumuler la pension de réversion avec des avantages personnels de vieillesse ou d'invalidité dans la limite d'un montant qui est aujourd'hui un peu supérieur à 5 000 francs.
La question posée, monsieur Joly, est de savoir si le montant des avantages personnels pris en compte pour appliquer cette limite, supérieure au montant de la retraite de base de 80 % des retraités, doit ou non comprendre la majoration de 10 % pour enfants.
Je veux tout d'abord préciser, monsieur le sénateur, que la majoration de 10 % dont il est question ne concerne pas, comme vous l'avez indiqué, des enfants encore à charge, pour lesquels le conjoint survivant dispose d'une majoration particulière de 450 francs par mois, qui n'est soumise, bien entendu, à aucune limite.
La Caisse nationale d'assurance vieillesse a toujours estimé que la majoration de 10 % devait être considérée comme un élément de la pension de vieillesse. Aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis 1992 ne l'ont d'ailleurs démenti.
Du fait des arrêts de la Cour de cassation de 1992 et des multiples contentieux qui ont été introduits depuis, le Gouvernement a souhaité clarifier le mode de calcul de la pension de réversion.
La disposition adoptée par le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 est donc conforme à la pratique de la CNAV et ne modifie en rien les avantages dont bénéficient actuellement les veuves.
Le Gouvernement, sensible à la situation des veuves, s'est fixé comme priorité d'améliorer la situation des plus modestes d'entre elles. Permettez-moi, monsieur Joly, de rappeler brièvement ces mesures.
Il s'agit, tout d'abord, de l'augmentation de 52 % à 54 %, à compter du 1er juillet 1998, du taux de liquidation de la pension de réversion des veuves de mineurs. Cette mesure est tout à fait légitime quand on sait que la quasi-totalité de ces veuves n'ont pas de pension personnelle et sont en majeure partie non imposables.
Il s'agit ensuite de la revalorisation de 2 %, au 1er janvier 1999, du montant de la pension minimale de réversion servie par le régime général et les régimes alignés, dont bénéficieront 600 000 veuves. Je rappelle que la loi de 1993 sur la revalorisation des retraites prévoyait une revalorisation de l'ordre de 0,6 %.
Il s'agit en outre de la réforme de l'allocation veuvage au travers de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, puisque les veuves bénéficieront, la deuxième année, d'une allocation mensuelle de 3 107 francs, alors que le montant actuel est de 2 041 francs.
Enfin, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions prévoit de favoriser la reprise d'un emploi par les personnes qui viennent d'être touchées par le décès de leur conjoint, c'est-à-dire d'autoriser le cumul, pendant un an, de l'allocation de veuvage et des revenus tirés d'une activité, à hauteur de 100 % pendant les trois premiers mois d'exercice de l'activité et de 50 % pendant les neuf mois suivants.
Telles sont les mesures que je souhaitais vous rappeler, monsieur le sénateur, et qui montrent que le Gouvernement se préoccupe de la situation du conjoint survivant dans notre pays.
M. Bernard Joly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Madame le secrétaire d'Etat, vous m'avez rappelé les mesures qui ont en effet été prises en faveur des veuves. Cependant, et c'est ce sur quoi je tenais à attirer votre attention, un certain nombre de veuves qui ont eu des enfants à charge sont obligées d'aller jusqu'en cassation pour obtenir satisfaction, c'est-à-dire pour obtenir un supplément auquel le ministre des finances réserve un sort particulier, puisque ces 10 % ne sont pas imposables.
Mais toutes les veuves n'ont pas la patience d'aller jusqu'en cassation, et la plupart abandonnent en cours de route ; seules les plus obstinées vont jusqu'au bout.
Je n'ose pas penser que les caisses d'assurance maladie comptent là-dessus pour diminuer le déficit de la sécurité sociale !
Il faut que vous étudiiez ce problème à fond. Il est essentiel, en effet, de corriger cette injustice flagrante. Ce n'est pas parce que les veuves ne descendent pas dans la rue et ne saccagent pas tout sur leur passage qu'il ne faut pas prendre en considération leur demande.
M. Jacques Machet. Très bien !

APPLICATION DE LA LOI SUR LA VEILLE SANITAIRE