Séance du 4 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
Le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature doit s'entendre comme un élément d'une réforme globale de la justice. Mais cette réforme ne peut logiquement intervenir qu'après la mise en place de tous les éléments de la pyramide, au premier rang desquels nous devons placer le renforcement de la protection de la présomption d'innocence.
L'actualité de mon département et l'exploitation médiatique qui a été faite des mises en examen de plusieurs maires de l'Oise ont révélé l'urgence de légiférer sur ce sujet et devraient engendrer une amélioration du régime de la responsabilité pénale de l'élu local. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Je puis vous dire, madame le garde des sceaux, que tous les maires de l'Oise qui ont été mis en garde à vue et mis en examen ont le véritable sentiment, après cette épreuve, d'avoir été présumés coupables et non présumés innocents.
MM. Henri de Richemont et Henri de Raincourt. C'est sûr !
M. Alain Vasselle. Après avoir été sensibilisée sur ce dernier point à ma demande, à la fois par le président du Sénat et par le président de l'association des maires de France, vous n'avez pas souhaité, madame le garde des sceaux, faire connaître publiquement les intentions du Gouvernement quant à l'évolution de la législation dans ce domaine, s'agissant notamment de la pénalité légale des maires.
Madame le garde des sceaux, vous avez présenté la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature comme la clé de voûte de la politique de réforme de la justice.
Cependant, sans l'un des voussoirs principaux que représente la protection de la présomption d'innocence, vous ne pouvez poser la dernière pierre à l'édifice. Il faut construire les choses dans l'ordre !
A la demande du Président de la République, ce texte aurait déjà dû être examiné depuis plusieurs mois par le Parlement. En guise de réponse, le Gouvernement a joué l'inertie.
M. Henri de Richemont. Bravo !
M. Alain Vasselle. Quelles sont les réelles intentions du Gouvernement quant au calendrier concernant votre projet de loi visant à renforcer la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ? Allez-vous tenir le calendrier qui semble être annoncé ?
J'aurais aimé, madame le garde ses sceaux, que vous-même et le Gouvernement fassiez preuve de la même célérité concernant la présomption d'innocence que celle dont vous avez fait preuve au sujet de la parité, du PACS et du cumul des mandats ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RRR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Marcel Charmant. Ce n'est pas une question !
M. Alain Vasselle. Quant à la responsabilité des magistrats, volet essentiel d'une réforme globale, le Gouvernement ne pourrait-il pas faire la lumière en ouvrant ce volet au lieu de le fermer ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RRR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord rappeler à M. Vasselle que j'ai répondu en détail ici même, voilà un mois, à une question qui m'était posée sur la responsabilité pénale des maires.
M. Claude Domeizel. Il n'était pas là !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je le prie donc de se reporter au texte de ma réponse. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles de Cuttoli. Circulez, il n'y a rien à voir !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. En réponse aux orientations et du travail développés avec M. Delevoye, président de l'Association des maires de France, j'avais tracé plusieurs pistes extrêmement concrètes pour que nous apportions une solution à cette mise en jeu de plus en plus courante de la responsabilité pénale des maires.
Vous m'interrogez par ailleurs sur le calendrier du Gouvernement, monsieur le sénateur. Sachez d'abord que la réforme de la justice est une réforme globale. M. le Premier ministre l'a voulue ainsi, comme il l'a annoncé le 19 juin 1997 dans la déclaration de politique générale du Gouvernement.
Cette réforme globale comporte trois volets.
Le premier vise à rapprocher la justice des citoyens. Telle est notre première priorité. Un texte est déjà définitivement adopté : il s'agit de la loi sur l'accès aux droits, qui permet de multiplier les maisons de la justice et du droit et les centres départementaux d'aide juridique, ainsi que de recourir davantage à la transaction et à la médiation au lieu d'aller systématiquement devant le tribunal.
Je remercie la Haute Assemblée ainsi que l'Assemblée nationale d'avoir fait diligence dans le vote de ce texte qui, à mes yeux, est extrêmement important. Je suis très heureuse qu'il ait été le premier voté définitivement.
M. Jean Chérioux. C'est pourtant bien secondaire !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne sais pas si, véritablement, les citoyens seraient d'accord pour considérer avec vous, monsieur Chérioux, que tout ce qui concerne la justice au quotidien, tout ce qui est le plus proche d'eux est secondaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Chérioux. Sûrement !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le deuxième projet de loi, qui concerne la simplification des procédures pénales, a été adopté par le Sénat en première lecture le 23 juin 1998 et sera examiné par l'Assemblée nationale le 23 mars prochain. Ce texte permettra de lutter avec plus d'efficacité contre la petite et moyenne délinquance qui empoisonne la vie de nos concitoyens, notamment les plus modestes d'entre eux. (MM. Robert Bret et Paul Loridant applaudissent.)
Un décret réformant la procédure civile et visant à réduire les délais en matière de justice civile - et n'est-ce pas celle qui est la plus proche de nos concitoyens ? - a été pris en décembre 1998.
Voilà pour le premier volet de la réforme, le plus important aux yeux du Gouvernement.
Le second volet a trait au respect des libertés.
La loi sur la délinquance sexuelle a été publiée le 17 juin 1998. Elle protège mieux les victimes, qui sont des enfants.
M. Alain Vasselle. Vous ne répondez pas à ma question !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le projet de loi sur la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui a été déposé à l'Assemblée nationale,...
M. Alain Vasselle. Enfin !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... sera examiné par celle-ci du 23 au 25 mars prochains. Vous voyez que votre impatience sera bientôt apaisée, monsieur Vasselle ! Le Sénat en sera saisi à la fin du mois de juin prochain.
J'en arrive maintenant à la question de l'indépendance de la justice.
M. Alain Vasselle. Et les maires ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Vous savez, puisque vous l'avez voté - je suppose que vous étiez présent (Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) - ...
M. Jean Chérioux. C'est inconvenant ! On ne s'adresse pas comme cela à la représentation nationale !
M. le président. Madame le ministre, je vous prie de conclure !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... que le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées le 18 novembre dernier. Et, puisque certains d'entre vous parlaient tout à l'heure de célérité, qu'ils sachent que nous n'attendons plus que la fixation de la date de réunion du Congrès.
M. le président. Veuillez conclure, madame le ministre !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le projet de réforme de la justice a été déposé, et il sera discuté ! (Protestations sur les travées du RPR. - Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Vasselle. Vous n'avez pas répondu à la question !

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