Séance du 4 mars 1999






ÉGALITÉ
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
constitutionnelle en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle (n° 228, 1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes. [Rapport n° 247 (1998-1999).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai d'autant plus brève que Mme Péry vous apportera quelques éclaircissements sur les questions que vous avez soulevées.
Tout d'abord, je voudrais remercier M. Cabanel de son esprit extrêmement constructif ainsi que de la sincérité dont il a fait preuve lors de l'intervention qu'il a prononcée à la tribune ce matin.
Plusieurs orateurs et oratrices ont indiqué que leur principal souci était de corriger une anomalie, de réparer une injustice. C'est, en effet, le souci de nombre d'entre vous sur ces travées, à gauche, bien entendu, mais également, j'ai cru le noter, chez des orateurs de la majorité sénatoriale.
A l'adresse de M. de Rohan, qui a été un porte-parole important de la majorité sénatoriale, je souhaite formuler quelques remarques.
Dans mon intervention liminaire, je crois avoir répondu à vos questions. Je l'ai fait, me semble-t-il, avec clarté, car il s'agit de questions légitimes. Cela dit, puisque vous avez réitéré ces questions, je ne vois pas d'inconvénient à me répéter, si cette fois-ci je pouvais être entendue, mieux en tout cas que je ne l'ai été jusqu'à présent.
Tout d'abord, le Gouvernement souhaite qu'un accord intervienne entre les deux assemblées, et il fera tout ce qui est en son pouvoir - il a déjà agi dans ce sens ces dernières semaines - pour favoriser cet accord, bien entendu sur des bases qui sont acceptables pour lui - je les ai indiquées dans mon propos liminaire - car le Gouvernement veut que cette réforme aboutisse.
Ensuite, le Gouvernement n'a pas d'arrière-pensée. Il n'entend pas utiliser la parité pour mener une guerre contre le Sénat. Ce que souhaite le Gouvernement, c'est, je le répète, que la réforme constitutionnelle aboutisse. Le Gouvernement veut lever le verrou constitutionnel et, pour cela, il faut modifier l'article 3 de la Constitution, car c'est bien là que se pose le problème.
Je ferai remarquer qu'un tel verrou n'existe pas dans les autres ordres de nomination, que ce soit dans les domaines administratifs, économiques ou financiers, où là, naturellement, c'est la volonté qui prévaut.
Vous avez eu tout à fait raison de souligner, avec d'autres, que nous devons effectivement poursuivre nos efforts dans la fonction publique.
Plusieurs oratrices et orateurs ont insisté sur le fait que la loi n'allait pas suffire à créer toutes les conditions pour instaurer la parité. Elle peut certes lever des obstacles, mais il restera ensuite, bien entendu, à concrétiser cette volonté.
Nous avons commandé le rapport Colmou. C'est dire que nous sommes très attentifs à cette question dans la fonction publique.
Vous m'avez posé une question particulière sur la haute magistrature. A cet égard, je suis particulièrement vigilante.
Les premiers présidents, au nombre de trente-cinq - ils sont proposés et nommés par le Conseil supérieur de la magistrature - comptent aujourd'hui deux femmes.
Au sein du Conseil supérieur de la magistrature, présidé par M. le Président de la République et vice-présidé par moi-même, j'essaie de seconder au mieux M. le Président de la République dans ses efforts pour attirer l'attention du Conseil supérieur de la magistrature sur la nécessité de nommer des femmes.
La question des procureurs généraux, qui sont nommés par décret en conseil des ministres, me préoccupe au premier chef. Je n'ai pas toujours rencontré le succès escompté s'agissant des procureurs et des procureurs généraux. Là encore, je me conforme à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature. J'avais nommé une femme procureur général ; malheureusement elle est décédée peu de mois après. J'espère que cette absence féminine sera très bientôt comblée. En tout cas, je m'y emploie.
D'une façon générale, dans la fonction publique, les femmes sont souvent très nombreuses, et c'est le cas dans la magistrature. Nous devons faire en sorte qu'elles accèdent à des fonctions intermédiaires de manière à disposer d'un vivier pour les nommer dans des fonctions supérieures. Cela devra être le premier pan de la politique que nous devons mener. Je n'en dirai pas plus sur ce point, puisque Mme Péry, qui est en charge des droits des femmes, va intervenir pour exposer les intentions du Gouvernement, notamment sur l'Observatoire de la parité. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je souhaite à mon tour vous remercier pour le ton général qui préside à cette deuxième lecture. Le mois de réflexion entre vos deux lectures a été bénéfique ; il a permis ce débat constructif.
Mme Elisabeth Guigou a répondu avec beaucoup de clarté à certaines interrogations. Je me bornerai à ajouter quelques précisions sur deux sujets : l'Observatoire de la parité et le rapport de Mme Colmou.
L'Observatoire de la parité a été mis en place en 1995 et un travail intéressant y a été mené.
Je ne considère pas cet observatoire comme une instance « alibi ». J'ai estimé normal de demander à la nouvelle rapporteuse - j'ai bien noté, monsieur Cabanel, que vous aviez utilisé le féminin à ce sujet - Mme Dominique Gillot, de bien vouloir nous présenter ses réflexions et ses propositions pour le mois de juin. Ce délai permettra de respecter à la fois cette instance et notre souci d'avancer sur le sujet.
Je m'adresserai maintenant plus particulièrement à M. de Rohan, qui a fait référence à l'avis négatif du rapport Colmou.
Permettez-moi, sur ce point, de vous faire part de mon sentiment : les femmes entrent dans la fonction publique par concours, ce qui est une garantie d'égalité, il est donc impropre d'envisager des quotas à ce sujet.
Mais si les femmes entrent massivement dans la fonction publique par concours, le problème commence à se poser avec les constructions de carrière et le fameux « plafond de verre ». Je ne reviens pas sur les chiffres, ils ont été cités et commentés ce matin.
Cet après-midi même, une réunion interministérielle a lieu à Matignon précisément pour étudier les propositions concrètes de Mme Colmou sur ce sujet, notamment les plans d'égalité qui pourraient être mis en place dans chaque ministère. Ne doutons pas de la volonté de M. le Premier ministre à cet égard, ce serait vraiment lui faire un mauvais procès.
Je ne souhaite pas non plus trop allonger mon propos en vous lisant la liste de l'ensemble des nominations intervenues depuis le mois de juin 1997. Permettez-moi simplement d'en citer quelques-unes qui me semblent intéressantes puisqu'elles portent sur une trentaine de postes auxquels des femmes n'avaient jamais été nommées. Il s'agit, par exemple, d'une déléguée à la sécurité routière, d'une directrice des affaires stratégiques et internationales au Secrétariat général de la défense nationale, d'une directrice générale au CNRS ou d'une déléguée interministérielle à la ville. Cela reste évidemment très insuffisant, et nous devons poursuivre tous ensemble dans cette voie.
Ce que je souhaite maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est que ce débat trouve une issue positive. Si l'article 3 de la Constitution devait être modifié, comme le propose le Gouvernement - nous savons que le Président de la République a émis un avis positif sur ce point - je pense que cela constituerait une avancée tout à fait positive.
Personnellement, je ne chercherai pas alors à savoir qui a gagné. C'est nous tous qui y gagneront. C'est la démocratie qui y gagnera (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE, de l'Union centriste et du groupe du RPR.)
M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article unique