Séance du 4 mars 1999







M. le président. Par amendement n° 2, M. Cabanel, au nom de la commission, propose d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Leur financement public contribue à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi .»
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 4, déposé par MM. Chérioux, Fourcade, Lachenaud et Richert, et tendant, au début du texte présenté par l'amendement n° 2 pour compléter l'article 4 de la Constitution, à remplacer les mots : « Leur financement public contribue » par les mots : « Ils contribuent ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Guy Cabanel, rapporteur. L'amendement n° 2, qui a été adopté par la commission, tend à compléter l'article 4 de la Constitution, dont je rappelle les termes : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. » A ce texte, nous proposons d'ajouter un alinéa ainsi rédigé : « Leur financement public contribue à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 » - celui que nous venons d'adopter - « dans les conditions déterminées par la loi. »
C'est la reprise du dernier alinéa de l'amendement que nous avions déjà adopté en première lecture. Vous vous en souvenez, nous avions ajouté deux alinéas au texte proposé pour l'article 4 de la Constitution : l'un reprenait le principe d'égal accès des femmes et des hommes, que nous n'avions pas inséré dans l'article 3 ; l'autre portait sur le financement public et était destiné à jouer de manière incitative pour stimuler l'application du principe d'égal accès par les partis politiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. Permettez-moi d'en rappeler brièvement les raisons.
J'ai déjà eu l'occasion de dire devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que je considérais le financement des partis politiques comme l'un des moyens privilégiés pour parvenir à la parité recherchée.
Il est vrai que, lors de la première lecture, le Gouvernement s'était opposé à la première version modifiant l'article 4 de la Constitution, mais c'est parce qu'il s'agissait alors de faire confiance à la seule bonne volonté des partis politiques.
Aujourd'hui, la situation est différente. Tout d'abord, vous venez de voter un amendement modifiant l'article 3. Il s'agit donc maintenant, en complément de cet article 3, de dire que l'on fera désormais recours au financement des partis politiques pour pouvoir faire progresser la parité.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 4.
M. Jean Chérioux. Le Sénat vient d'adopter un amendement tendant à affirmer, dans l'article 3, le principe d'égal accès des femmes et des hommes à toutes les fonctions publiques. Mais il a bien été dit, au cours des débats, que l'on n'aurait pas recours à une modification intempestive des lois électorales ; je crois vous l'avoir entendu dire, madame le garde des sceaux.
Je pense également qu'il n'est pas question d'établir des quotas, qui, en tout état de cause, seraient contraires à la notion de souveraineté du peuple, une et indivisible.
Par conséquent, le meilleur moyen, et cela a été reconnu voilà quelques instants par la Gouvernement lui-même, de favoriser l'accès des femmes aux différents mandats électoraux et aux fonctions électives, est de le faire à travers les partis politiques. C'est ce que propose M. le rapporteur.
Toutefois, l'amendement n° 2 me gêne quelque peu dans la mesure où il introduit la notion de financement public dans le texte de la Constitution. En outre, cette mention n'est pas nécessaire parce qu'il va de soi que, l'un des moyens utilisés pour favoriser l'égalité des hommes et des femmes sera le financement public. Je ne vois donc pas pourquoi on introduirait dans le texte de la Constitution une disposition qui n'y a pas sa place et qui n'est pas nécessaire. Au demeurant, je crois savoir qu'un certain consensus se dégage dans cette assemblée pour considérer qu'il est préférable d'écrire l'article 4 comme je le propose. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 4 ?
M. Guy Cabanel, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur le sous-amendement n° 4, étant entendu que, comme vient de l'expliquer M. Chérioux, les mesures seront prises dans des conditions déterminées par la loi comme il est prévu dans l'amendement n° 2. Il sera donc possible de prendre des mesures de toute nature.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 4 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement considère également qu'il n'est pas absolument indispensable de faire référence, dans la Constitution, au financement public des partis politiques.
Par conséquent, je ne vois pas d'objection à l'adoption de ce sous- amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 4.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'exprimerai à la fois un motif de satisfaction et une réserve.
Ma satisfaction tient à l'initiative de notre collègue M. Jean Chérioux, qui propose de ne pas mentionner la notion de financement dans la Constitution, initiative qui rejoint d'ailleurs celle qui avait été prise lors de la première lecture. Je ne peux donc que m'en réjouir et m'en féliciter.
Ma réserve est due à l'avis très favorable exprimé par Mme le garde des sceaux à l'amendement de la commission. En effet, ce qui me gêne, dans cet amendement, c'est le renvoi à une loi. On pourra faire ce que l'on veut avec une loi ordinaire et, s'il y a divergence entre le Sénat et l'Assemblée nationale, nous risquons de ne pouvoir faire prévaloir notre propre point de vue. Nous savons bien que, dans le contexte actuel, l'Assemblée nationale aura toujours le dernier mot quant aux décisions relatives aux mesures financières, et je doute qu'il ne soit pas pris de telles dispositions dans le cadre d'une loi ordinaire par le Gouvernement sur ce sujet.
M. René-Pierre Signé. C'est la Ve République !
M. Alain Vasselle. Cela signifie que l'on attache des moyens financiers au résultat recherché pour s'assurer que des femmes seront effectivement présentes sur des listes. Vous ne m'empêcherez pas de voir là un lien indirect avec une forme de quota. Je vous renvoie à certains éditoriaux qui faisaient référence, d'une manière un peu caricaturale, il est vrai, et pas très agréable, aux quotas laitiers !
Pour terminer mon intervention, je souhaite poser une question relative au rôle des partis politiques.
Notre démocratie devra-t-elle vivre dorénavant au rythme des partis politiques, lorsqu'une loi ordinaire sera votée sur le sujet ? Comment feront celles et ceux qui voudront se placer en dehors des partis politiques lors des élections locales et nationales ?
J'espère que j'obtiendrai une réponse dans les textes qui nous seront présentés dans le futur.
Je ne voudrais pas que l'on déduise de ma proposition que je n'ai pas le souci de permettre à des femmes d'accéder à des fonctions électives.
En ce qui me concerne, je peux dire que, dans le cadre des élections municipales, j'ai fait tout ce qu'il fallait pour permettre aux femmes de s'inscrire sur la liste que je conduisais. Or j'ai eu le plus grand mal à en trouver une (Exclamations sur les travées socialistes et sur certaines du groupe communiste républicain et citoyen), et si j'avais été obligé d'assurer la parité entre les hommes et les femmes, je n'y serais pas parvenu. Il s'ensuit que, malgré votre volonté, mes chers collègues, il n'est pas certain que vous obteniez cette parité dans les petites communes.
C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai.
M. Lucien Neuwirth. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Mes chers collègues, la rédaction qui était proposée par la commission était très mauvaise. En effet, c'était une véritable mise en cause des partis politiques, qui risquait de donner à penser que seules des questions financières les amèneraient à placer des femmes en position d'être élues. (Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Or on sait très bien que ce n'est pas ainsi que cela se passe !
Le mouvement historique nous a conduits à une maturité politique suffisante pour comprendre que les femmes ont désormais leur place dans la vie publique aussi. (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen votera le sous-amendement n° 4. Nous souhaitons en effet, d'une part, exclure de la Constitution la référence aux règles du financement public des partis politiques et, d'autre part, donner, dans ce projet de loi constitutionnelle, la priorité à l'affirmation de la parité à l'article 3.
La jurisprudence à venir du Conseil constitutionnel sera donc confrontée à un objectif futur de la loi : favoriser l'égal accès des femmes et des hommes à la vie publique. Les partis politiques, comme il se doit, y concourront.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 4, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3, ainsi modifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement, qui vient d'être modifié par le sous-amendement n° 4, ne nous pose aucun problème.
Bien entendu, nous aurions souhaité en rester à la modification du seul article 3. La majorité sénatoriale souhaite maintenir un ajout à l'article 4. Ce n'est plus, reconnaissez-le, mes chers collègues, que le pâle souvenir du texte qui avait été élaboré par la majorité sénatoriale en première lecture.
M. Josselin de Rohan. Que voulez-vous de plus ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais, au point où nous en sommes, nous allons passer l'éponge !
Avec le texte qui nous est maintenant soumis, il s'agit d'affirmer la contribution des partis politiques à la mise en oeuvre du principe de parité. Comment ne pas approuver cette généreuse affirmation de principe ? C'est pourquoi nous voterons cet amendement n° 2.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 2, accepté par la commission et par le Gouvernement.
M. André Diligent. Je m'abstiens.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, après l'article unique.

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