Séance du 11 mars 1999






SECTIONNEMENT ÉLECTORAL

Adoption des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 208, 1998-1999) de M. Jean-Paul Delevoye, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi (n° 303, 1996-1997) de MM. Jacques Oudin, Charles Ceccaldi-Raynaud, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Patrice Gélard, Lucien Lanier, René-Georges Laurin, Paul Masson, Jean-Pierre Schosteck et Alex Türk visant à modifier l'article L. 255 du code électoral.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, en remplacement de M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre collègue Jean-Paul Delevoye, rapporteur de la présente proposition de loi concernant le sectionnement électoral, empêché de participer à la séance publique de ce jour, m'a demandé de le remplacer.
Je le fais donc bien volontiers en m'inspirant naturellement du rapport qu'il a présenté à la commission des lois, avant que celle-ci ne l'adopte.
Le sectionnement électoral d'une commune est décidé par le conseil général, sauf dans le cas d'une fusion de communes.
La proposition de loi qui nous est soumise, présentée par M. Jacques Oudin et plusieurs de ses collègues, dont moi-même, tend à transférer du conseil général au préfet le pouvoir de décision en matière de sectionnement - hormis le cas de fusion de communes - afin de supprimer un cas de tutelle d'une catégorie de collectivités territoriales sur une autre catégorie de collectivités, ce qui semble contraire à l'esprit des lois de décentralisation.
En principe, l'élection des membres du conseil municipal se déroule dans une circonscription électorale unique : la commune elle-même.
La loi prévoit cependant deux hypothèses dans lesquelles la commune peut être divisée en sections ou secteurs dont chacun élit un nombre déterminé de conseillers : elle organise le sectionnement à Paris, Lyon et Marseille ; elles permet, selon des conditions qu'elle fixe, le sectionnement électoral dans les communes de moins de 30 000 habitants, en distinguant le cas général du cas plus particulier de la fusion de communes.
Selon les informations communiquées à Jean-Paul Delevoye par le ministère de l'intérieur, quatre-vingt-quatre communes totalisant 741 308 habitants ont aujourd'hui fait l'objet d'un tel sectionnement.
Une commune peut être divisée en sections électorales, à la condition qu'elle se compose de plusieurs agglomérations d'habitants distinctes et séparées.
Chaque section doit être composée de territoires contigus.
Le sectionnement électoral peut être proposé par le préfet, un conseiller général, le conseil municipal ou des électeurs de la commune concernée. Mais la décision appartient au conseil général.
Aucune décision en matière de sectionnement ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la demande, délai pendant lequel une enquête est ouverte à la mairie de la commune intéressée et le conseil municipal consulté.
Le nombre de conseillers municipaux élus par chaque section est proportionnel à celui des électeurs inscrits, aucune section ne pouvant, cependant, avoir moins de deux conseillers à élire.
Les sectionnements ainsi opérés subsistent jusqu'à nouvelle décision. Un tableau de ces opérations est dressé chaque année par le conseil général au cours du dernier trimestre de l'année.
La décision du conseil général créant, maintenant, modifiant ou supprimant un sectionnement électoral peut être, bien entendu, contrôlée par le juge administratif.
En cas de fusion de communes, chacune des anciennes communes peut constituer de plein droit, sur sa demande, une section électorale, sauf cas particulier.
La procédure de droit commun n'est pas applicable aux communes associées et le conseil général n'a donc pas de décision à prendre dans ce cas.
Aussi la proposition de loi ne s'appliquerait-elle pas en cas de fusion de communes.
Le pouvoir de décision du conseil général en matière de sectionnement électoral était déjà inscrit à l'article 12 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale.
Ce pouvoir n'a pas été remis en cause par les lois de décentralisation, la rédaction en vigueur de l'article L. 255 du code électoral concernant le sectionnement électoral procédant de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.
Pourtant, une intervention, même indirecte, du conseil général dans les conditions d'élection des membres d'un conseil municipal apparaît contraire à l'esprit des lois de décentralisation, dans la mesure où elle semble donner, de fait, à une collectivité territoriale un pouvoir de tutelle sur une autre collectivité territoriale.
Aussi la proposition de loi tend-elle à transférer la décision de sectionnement électoral du conseil général au préfet et comporte-elle un aménagement de la procédure en conséquence.
L'Assemblée des présidents de conseils généraux et l'Association des maires de France ont exprimé un avis favorable sur le principe de ce transfert de compétence.
La proposition de loi initiale ne concernait pas le sectionnement électoral résultant d'une fusion de communes.
Son article unique ne modifierait pas les conditions de fond, mais seulement la procédure de décision, aux termes de l'article L. 255 du même code.
Le sectionnement serait décidé par le préfet, au lieu du conseil général.
La proposition pourrait en être formulée par un conseiller général, le conseil municipal, des électeurs de la commune, le préfet lui-même, comme actuellement, mais aussi par le conseil général, son pouvoir de décision étant remplacé par un droit d'initiative.
Le délai minimal de six mois entre la demande et la décision ainsi que l'enquête ouverte à la mairie de la commune et la consultation du conseil municipal seraient maintenus.
De même, les sectionnements opérés subsisteraient jusqu'à une nouvelle décision et un tableau des opérations de sectionnement serait, tout comme dans le droit en vigueur, établi au cours du dernier trimestre par le préfet, et non plus par le conseil général.
La commission des lois a donc approuvé le principe du transfert du pouvoir de décision au préfet, considérant qu'il s'agissait d'actualiser un texte pour tenir compte des principes ayant présidé aux lois de décentralisation, selon lesquels - je le rappelle - aucune tutelle ne peut être exercée par une collectivité sur une autre.
Elle a cependant apporté quelques précisions à la proposition de loi initiale.
Ainsi, il n'est pas apparu nécessaire à votre commission des lois de maintenir une intervention du conseil général dans une procédure concernant l'élection des conseillers municipaux. Le conseil général n'aurait donc ni pouvoir de décision ni capacité d'initiative.
Le délai de six mois avant la prise de décision partirait de la date à laquelle le conseil municipal concerné aurait été consulté, au lieu de la date de la demande.
La commission des lois vous propose également l'adjonction d'un article 2 à la proposition de loi, afin d'abroger l'article L. 3216-1 du code général des collectivités territoriales, que l'adoption de la proposition de loi rendrait obsolète.
Enfin, la commission des lois a adopté une modification rédactionnelle de l'intitulé de la proposition de loi.
Sous le bénéfice de ces observations, elle vous propose donc d'adopter les conclusions qu'elle vous soumet.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi visant à modifier l'article L. 255 du code électoral constitue une mesure technique qui reçoit le plein accord du Gouvernement.
Il s'agit, en effet, de faire évoluer la législation sur le sectionnement électoral dans les communes pour l'adapter au contexte institutionnel qui a profondément changé depuis l'instauration des règles qui sont reprises à l'article L. 255 du code électoral.
Je rappelle qu'aux termes de cet article le sectionnement est fait par le conseil général, sur l'initiative soit d'un de ses membres, soit du préfet, soit du conseil municipal ou d'électeurs de la commune intéressée. Le conseil général prend sa décision après le déroulement d'une enquête à la mairie de la commune intéressée et la consultation du conseil municipal par les soins du président du conseil général.
Le sectionnement électoral des communes a été instauré pour permettre à des parties de communes qui constituent des agglomérations distinctes et séparées, et qui correspondent souvent à des entités historiques ou géographiques telles que d'anciennes paroisses ou des villages isolés, d'avoir un régime électoral particulier en élisant leurs propres conseillers municipaux dans leur section. Cette section constitue donc une circonscription électorale distincte à l'intérieur de la commune.
La législation a évolué au début des années soixante-dix avec l'encouragement au regroupement de communes. Cela explique que les textes en vigueur distinguent deux catégories de sections électorales : d'une part, les sections traditionnelles prévues par les articles L. 254 et 255 du code électoral, instituées par le conseil général quand la commune se compose de plusieurs agglomérations distinctes et séparées ; d'autre part, les sections de communes instituées en application de l'article L. 255-1 du même code, créées de plein droit, en cas de fusion de communes, dans les anciennes communes fusionnées.
Cette législation, dont la partie la plus ancienne remonte au xixe siècle, est remise à jour avec la proposition de loi qui est examinée aujourd'hui.
Le Gouvernement partage l'analyse des auteurs de la proposition de loi ; il avait lui-même lancé une réflexion à ce sujet et consulté l'Association des maires de France et l'Assemblée des présidents de conseils généraux, qui se sont montrées l'une et l'autre favorables à l'évolution de la loi pour transférer du conseil général au préfet la compétence en matière de sectionnement électoral.
Les motifs de ce changement sont de deux ordres.
Le premier est lié à la décentralisation : il semble contraire à l'esprit des lois de décentralisation de donner à une collectivité locale des pouvoirs sur l'organisation électorale d'une autre collectivité locale, ce qui s'apparente à une forme de tutelle d'une collectivité sur une autre.
Le second motif a trait à la cohérence de la législation, laquelle confie déjà au préfet des compétences pour les modifications des limites communales et les créations de communes. On a constaté, par le passé, l'effet néfaste du partage actuel des compétences qui avait conduit à ce que le préfet soit sollicité pour ériger en commune une section de commune pendant que le conseil général était sollicité par le conseil municipal de cette même commune pour en supprimer le sectionnement.
M. Jacques Oudin. C'est le cas qui a justifié de ma part le dépôt de cette proposition de loi !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Tant sur le plan des principes que du point de vue de la pratique administrative, une révision de l'article L. 255 du code électoral était donc souhaitable.
Le Gouvernement n'a pu, dans ces conditions, qu'approuver le dépôt d'une proposition de loi allant dans le sens d'une mise à jour unanimement souhaitée.
Une réforme plus radicale supprimant le sectionnement électoral et faisant de chaque commune une circonscription électorale unique aurait pu être envisagée, car le sectionnement électoral a sans doute moins de sens aujourd'hui qu'en 1884, époque de la rédaction du texte législatif dont la révision est à l'ordre du jour. En effet, les agglomérations distinctes d'une même commune sont, avec les moyens de transport d'aujourd'hui, beaucoup plus proches que par le passé.
En procédant ainsi on risquerait toutefois de créer des tensions dans ces communes qui ont trouvé un équilibre institutionnel.
Seules quatre-vingt-quatre communes françaises sont concernées par le sectionnement électoral.
La pratique du sectionnement électoral ne prend pas d'extension et présente peu d'inconvénients. A vouloir trop unifier on risquerait, il est vrai, de conduire à la revendication d'une plus grande autonomie de la part de sections qui souhaiteraient, à leur tour, devenir des communes à part entière. Notre pays a déjà un nombre de communes suffisamment important pour que l'on ne crée pas les circonstances motivant de nouvelles créations.
Le Gouvernement est donc favorable à la réforme technique issue de la proposition de loi. Il est également favorable à la rédaction retenue par votre commission des lois.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er