Séance du 16 mars 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 1 ).

3. Dépôt du rapport annuel de M. le médiateur de la République (p. 2 ).

4. Ratification du traité d'Amsterdam. - Discussion d'un projet de loi (p. 3 ).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Xavier de Villepin, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Michel Caldaguès, Michel Barnier, Hubert Durand-Chastel, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Claude Estier, Pierre Fauchon, James Bordas, Jean-Pierre Fourcade, Serge Vinçon, Mme Marie-Madeleine Dieulangard.

5. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires australiens (p. 4 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 5 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

6. Ratification du traité d'Amsterdam. - Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi (p. 6 ).
Discussion générale (suite) : MM. Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

Clôture de la discussion générale.

Exception d'irrecevabilité (p. 7 )

Motion n° 2 de Mme Luc. - MM. Michel Duffour, Xavier de Villepin, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères ; le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.

Question préalable (p. 8 )

Motion n° 1 de M. Pasqua. - MM. Charles Pasqua, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.

Article 1er. - Adoption par scrutin public (p. 9 )

Article 2. - Adoption par scrutin public (p. 10 )

Vote sur l'ensemble (p. 11 )

Mme Hélène Luc, MM. Christian de La Malène, Emmanuel Hamel, Guy Cabanel, Claude Estier, Charles Ceccaldi-Raynaud, Jacques Machet, Jean-Jacques Robert, Michel Barnier, Bernard Seillier.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

7. Adoption définitive de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 12 ).

8. Dépôt de propositions de loi (p. 13 ).

9. Dépôt d'un rapport (p. 14 ).

10. Ordre du jour (p. 15 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 15 mars 1999, le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie et de la loi relative à la Nouvelle-Calédonie.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel , édition des lois et décrets.

3

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL
DE M. LE MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le médiateur de la République son rapport au Président de la République et au Parlement pour l'année 1998.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

4

RATIFICATION DU TRAITÉ D'AMSTERDAM

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 250, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes. [Rapport n° 259 (1998-1999).]
M. Emmanuel Hamel. Faut-il commencer la discussion compte tenu de la démission de la Commission européenne ? Ne conviendrait-il pas de la différer, de réfléchir ?
M. le président. Monsieur Hamel, vous n'avez pas la parole ! Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous soumet aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam. Nous abordons ainsi la dernière étape d'un processus qui a démarré, il y a plus d'un an, avec la saisine conjointe, par le Président de la République et le Premier ministre, du Conseil constitutionnel.
Les travaux qui ont contribué à préparer ce débat ont été d'une excellente qualité et je tiens à remercier le président de la commission des affaires étrangères, M. de Villepin, qui est aussi le rapporteur de ce projet de loi. Je crois pouvoir dire que nous avons travaillé en étroite et parfaite collaboration, comme cela avait déjà été le cas lors du débat sur la révision constitutionnelle. Je tiens à souligner combien j'ai appprécié l'esprit coopératif et constructif dans lequel se sont déroulés nos travaux.
Le traité d'Amsterdam est une étape de la construction européenne,...
M. Emmanuel Hamel. De la destruction de la France !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. ... une étape annoncée par le traité de Maastricht, qui disposait, dans son article N, qu'une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres serait convoquée en 1996 pour examiner les dispositions du traité à modifier.
Je ne rappellerai pas le long processus qui a conduit à l'adoption de ce traité : la mise en place du groupe Westendorp en juin 1995, composé des représentants personnels des ministres des affaires étrangères, puis la conférence intergouvernementale proprement dite, qui s'est déroulée de mars 1996 jusqu'au 17 juin 1997, et enfin, le 2 octobre 1997, à Amsterdam, la signature du traité par les ministres des affaires étrangères.
Aujourd'hui, tous les Etats membres, sauf la France, ont ratifié le traité. Il est donc temps que notre pays achève, à son tour, cette procédure, afin de permettre l'entrée en vigueur de ce traité.
M. Emmanuel Hamel. Ne nous pressons pas de faire le mal !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Certes, le traité d'Amsterdam n'a pas toute la force ni toute la portée qu'il aurait dû avoir si les objectifs fixés à l'origine de la conférence intergouvernementale avaient pu être atteints. Amsterdam n'est pas - nous pouvons le regretter, sur toutes les travées - le traité fondateur de l'Europe politique et sociale que nous voulons construire. Ses lacunes sont importantes, j'y reviendrai tout à l'heure.
Toutefois, malgré ses défauts, le traité d'Amsterdam marque une étape positive de la construction européenne. Il s'inscrit dans la suite logique du traité sur l'Union européenne, qu'il corrige et complète, et il intervient à la veille d'une évolution profonde de l'Union : celle-ci aura, demain, après l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, un autre visage.
Cette année 1999 est décisive à plus d'un titre.
En premier lieu, l'euro vient d'être mis en place dans des conditions satisfaisantes, plus conformes, en tout cas, à notre vision politique et économique que ce que nous pouvions espérer il y a deux ans. Nous pouvons être satisfaits du résultat : l'euro, instrument au service de la croissance et de l'emploi, s'est fait sur une base large ; il n'est pas surévalué.
Un Conseil de l'euro, l'« Euro-Onze », a été mis en place. Il sera l'interlocuteur de la Banque centrale européenne et le moteur de la coordination indispensable des politiques économiques en Europe. Bref, il constituera, me semble-t-il, l'amorce d'un « gouvernement économique ». En effet, pour nous, encore une fois, l'euro n'est pas une fin en soi ; c'est un outil indispensable à la croissance et à l'emploi.
En second lieu, l'année 1999 est décisive au regard des réformes que l'Union doit mener à bien dans les domaines du fonctionnement et du financement de ses politiques communes. La négociation de l'Agenda 2000 est, après l'euro et avant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, le second temps fort de cette année pour l'Union européenne.
Il s'agit d'une négociation difficile et complexe.
Tout d'abord, la négociation est difficile compte tenu des positions de départ des Etats membres et de l'attachement très fort, parfaitement légitime au demeurant, de beaucoup d'entre eux à leurs intérêts nationaux ; je veux vous rassurer : c'est le cas de la France, vous le savez.
Ensuite, la négociation est complexe en raison du nombre de questions qui composent l'Agenda 2000. On parle essentiellement de la PAC ; c'est normal, elle représente presque la moitié des dépenses en jeu. Mais il y a aussi les fonds structurels et les ressources propres. Il est indispensable - telle est en tout cas la position du Président de la République et du Gouvernement - de traiter l'ensemble et de ne rien conclure de manière séparée. A l'heure où je vous parle, il est clair que rien n'est conclu. Une telle attitude ne pourrait que rendre encore plus difficile la recherche d'une solution globale.
Dans cette affaire, la volonté de la France est d'aider la présidence allemande. Le nouveau gouvernement allemand, en place depuis moins de six mois, a la tâche difficile. Raison de plus pour nous de tout faire pour l'aider à parvenir à un accord, à Berlin, les 24 et 25 mars prochains, surtout dans le contexte actuel.
C'est pourquoi, après avoir rencontré, à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, mon homologue allemand, Günther Verheugen, j'envisage de me rendre, dans les prochains jours, chez d'autres de nos partenaires, en particulier en Espagne et au Portugal.
D'ici au Conseil européen de Berlin, le calendrier de rencontres de la présidence sera très dense. Le chancelier Gerhard Schröder achèvera ainsi, vendredi prochain à Paris, sa tournée des capitales, où il rencontrera, ensemble, ce qui est un signe de l'unité de la France sur cette affaire, le Président de la République et le Premier ministre. Cette tournée devrait lui permettre d'évaluer les marges de manoeuvre de chaque Etat membre dans la perspective d'un compromis final.
Dimanche prochain, les ministres des affaires étrangères et les ministres des affaires européennes se réuniront en conclave avant le Conseil Affaires générales de lundi. Puis se tiendra le Conseil européen extraordinaire, les 24 et 25 mars, et j'ai bon espoir, malgré les questions qui demeurent en suspens, que nous parviendrons à un accord. J'ajoute que le climat actuel, qui fait la une des médias, rend encore plus nécessaire un succès à Berlin.
Derrière tout cela se trouve la perspective de l'élargissement. Lancé en 1998, ce processus va prendre, dans les prochains mois, un tour nouveau. Nous allons, en effet, aborder maintenant les chapitres difficiles et entrer, peu à peu, dans le vif de la négociation.
Je constate que les choses progressent plutôt vite et bien, même s'il reste à chacun des candidats beaucoup de travail et d'efforts importants à fournir. Nous les y aidons. Nous devons le faire plus encore, nous Français, si nous voulons préparer correctement l'Union européenne de demain.
Et puis, bien sûr, au mois de juin, auront lieu les élections européennes, porteuses d'espoir, à un moment où notre volonté est de rapprocher l'Europe de ses citoyens, de donner à ceux-ci les moyens et le goût de mieux participer à la construction européenne.
Voilà, brossé à très grands traits, le contexte dans lequel s'inscrit l'exercice de ratification que nous allons, je l'espère, je le crois, je le sais, achever aujourd'hui.
En autorisant la ratification de ce traité, nous donnerons à l'Union européenne la possibilité de franchir une étape qui, sans avoir une portée historique majeure, a tout de même - j'y insiste - un sens et une utilité. Il convient de prendre toute la mesure de cette étape, d'en apprécier les forces et les faiblesses, sans illusions ni critiques excessives, « ni excès d'honneur, ni indignité », comme le rappelle le président de Villepin dans son rapport. D'ailleurs, sans nous concerter, nous avons utilisé la même formule, puisque je l'avais moi-même évoquée à la tribune de l'Assemblée nationale.
Nous devons également voir comment cela peut nous permettre de mieux préparer l'avenir. En effet, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises devant vous, le traité d'Amsterdam, malgré ses limites, a son importance, parce qu'il marque l'amorce d'un tournant : d'une part, certaines tendances ont pu être corrigées - je pense, naturellement, au domaine de l'emploi ; d'autre part, des compléments ont été apportés aux chapitres sur lesquels le traité de Maastricht ne donnait pas à l'Union des instruments suffisants pour réaliser les ambitions qu'elle s'était assignées.
Tout d'abord, en quoi le traité d'Amsterdam permet-il la correction de tendances qui nous semblaient négatives pour l'Europe ? Essentiellement, parce qu'il contrebalance la dimension fortement monétaire - certains ont pu dire « monétariste » - et financière du traité de 1992. Vous savez, en effet, que le traité d'Amsterdam comporte un chapitre nouveau entièrement consacré à l'emploi, à la coordination et au suivi des politiques nationales dans ce domaine, et au développement d'une stratégie commune européenne. L'union monétaire est ainsi clairement rééquilibrée, stabilité économique et lutte pour l'emploi étant mises politiquement sur le même pied.
Permettez-moi de rappeler que, parallèlement au bouclage de la négociation du traité, nous avons pu faire adopter un texte complémentaire au pacte de stabilité et de croissance, de même valeur, et qui le rééquilibrait : ce fut la résolution sur la croissance et l'emploi du Conseil européen d'Amsterdam.
Ce qu'il faut retenir avant tout de cette démarche, c'est la dynamique qu'elle a enclenchée et qui trouve aujourd'hui son plein épanouissement avec l'initiative, qui doit prendre corps sous la présidence allemande, d'un pacte européen pour l'emploi.
C'est grâce à cette dynamique nouvelle que nous avons pu mettre en oeuvre par anticipation les dispositions du traité d'Amsterdam relatives à l'emploi, tenir un sommet exclusivement centré sur ce sujet, dès novembre 1997, à Luxembourg, et consacrer depuis lors cette priorité européenne pour l'emploi.
Les délais de ratification, pour un texte de ce niveau, sont toujours longs - nous le voyons bien aujourd'hui - et nous ne pouvons donc que nous féliciter d'avoir pu, sans attendre, mettre à profit les nouveaux instruments créés par le traité.
C'est dans le même esprit qu'il convient de situer, pour les apprécier, les dispositions du traité dans le domaine social.
L'avancée majeure est évidemment, grâce au changement d'orientation décidé par le gouvernement britannique, à l'époque nouveau, de Tony Blair, l'intégration du protocole social dans le traité, dont les dispositions sur le rapprochement des législations et sur le dialogue social est complété par de nouvelles dispositions permettant au Conseil d'adopter, à la majorité qualifiée - c'est important - des mesures de lutte contre l'exclusion sociale ainsi que des dispositions visant à assurer l'application du principe d'égalité des chances et d'égalité de traitement.
A cet égard, la volonté d'aller vers une Europe plus respectueuse des droits fondamentaux des citoyens est partout présente dans ce traité. Elle se traduit par un renforcement des dispositions relatives aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, de la clause de non-discrimination et du principe d'égalité entre hommes et femmes, ainsi que des droits sociaux fondamentaux.
L'Europe, après Amsterdam, sera aussi une Europe plus attentive aux attentes en matière de santé et d'environnement, grâce à des dispositions plus contraignantes pour les Etats, et donc plus protectrices pour les individus.
Le nouvel article relatif aux services publics - l'article 7 D - participe de la même ambition : il consacre la place des services publics au rang des valeurs communes de l'Union, et reconnaît leur rôle particulier dans la cohésion sociale et territoriale de l'Europe et des Etats membres. C'était pour nous, pour le Gouvernement, pour la France un objectif essentiel.
Et puis, le traité d'Amsterdam comporte de nombreuses autres dispositions, qu'il convient plutôt de lire comme des compléments au traité de Maastricht : c'est tout ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC ; c'est le troisième pilier ; ce sont aussi, malgré les lacunes, quelques petits progrès dans le domaine institutionnel. Je vais évoquer brièvement ces questions.
En instituant, à Maastricht, une politique étrangère et de sécurité commune, les Etats membres de l'Union avaient commencé à lever les limitations qui freinaient la coopération politique, créée par l'Acte unique. C'était un pas décisif, mais - nous l'avons constaté bien vite avec le conflit de l'ex-Yougoslavie - encore très insuffisant.
Le traité d'Amsterdam s'efforce d'aller plus loin, il va plus loin, puisqu'il donne à la PESC un visage et une voix, nous savons aujourd'hui que ce haut représentant, Mme ou M. PESC, sera une personnalité politique, et il est absolument nécessaire que ce soit le cas. En outre, cette personnalité, qui sera désignée en juin prochain, à Cologne, disposera, pour agir, d'instruments et de structures nouveaux, que nous souhaitons les plus performants possible. Je pense notamment à la définition de stratégies communes, qui permettront, dans les zones géographiques prioritaires - la Russie, les Balkans bien sûr, la Méditerranée à la demande de la France - d'avoir une vision globale et de mobiliser tous les instruments de la Communauté et des Etats membres. (M. Hamel s'exclame.) Monsieur Hamel, je peux vous rassurer : la diplomatie française ne se fondera pas intégralement dans la politique étrangère et de sécurité commune.
M. Emmanuel Hamel. Pas intégralement mais en partie ! Nous cessons d'être nous-mêmes !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Il s'agit de commencer à lui donner une identité.
Parallèlement, le traité ouvre des perspectives de progrès dans le domaine de la défense européenne. Il faudra aussi, je crois, les utiliser pleinement. Ce sera difficile, il ne faut pas nous le cacher. Mais des signes encourageants sont là, inconstestablement. Je pense en particulier à la déclaration franco-britannique adoptée, l'automne dernier, à Saint-Malo, qui insiste sur le développement de moyens opérationnels européens, naturellement articulés avec ceux de l'OTAN, mais pouvant être mis en oeuvre - et c'est fondamental - même si les Etat-Unis ne souhaitent pas s'engager militairement. Les récentes déclarations du Premier ministre Tony Blair montrent qu'il y a une vraie volonté du gouvernement britannique d'aller plus loin dans cette voie. D'autres partenaires semblent avancer avec nous dans ce sens, je pense notamment à l'Allemagne - c'est très important - mais aussi aux Pays-Bas. Autant de signes positifs que l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam nous permettra peut-être de traduire par des initiatives concrètes.
L'autre grand domaine dans lequel le traité d'Amsterdam apporte des compléments substantiels, c'est celui de la sécurité intérieure, avec des progrès réels dans le secteur des affaires intérieures et de la justice.
Là encore, si le traité de Maastricht avait le mérite d'inscrire ces questions, tout à fait essentielles, au rang des questions d'intérêt commun, il n'avait pas permis l'adoption de procédures et d'instruments efficaces. Dans ce domaine, dont l'importance majeure est aujourd'hui reconnue, la réalité nous a, en quelque sorte, rattrapés, mettant en lumière la nécessité, pour faire face à des phénomènes d'une ampleur nouvelle, de recourir à des procédures plus ambitieuses.
Ce sujet a déjà fait l'objet de nombreux débats devant le Parlement, puisque ce sont les dispositions relatives à la politique en matière d'asile, de visas et d'immigration qui ont rendu nécessaire la révision de la Constitution, préalable à la ratification qui nous occupe aujourd'hui. Puisque cette discussion approfondie est très récente et puisqu'elle a pris devant le Sénat une qualité particulière, je n'y reviendrai pas dans le détail maintenant. Nous pourrons bien sûr le faire, si vous le souhaitez, au cours du débat.
Je rappellerai simplement qu'avec le traité d'Amsterdam les Etats membres se sont donné pour objectif la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Je rappelle aussi que, pour ce faire, le traité prévoit, d'une part, l'application de la méthode communautaire aux politiques en matière d'asile, de visas et d'immigration, d'autre part, un renforcement très substantiel de la coopération policière et judiciaire pénale. Enfin, ces dispositions seront complétées par celles de la convention de Schengen, dont chacun reconnaît aujourd'hui les acquis, et qui seront intégrées au traité.
Je terminerai naturellement cette présentation du traité d'Amsterdam par les questions institutionnelles.
Nous avons évoqué, lors de nos précédents débats, les avancées, limitées mais réelles, du nouveau traité dans le sens d'une Europe plus démocratique, grâce au renforcement des pouvoirs législatifs du Parlement européen et à une meilleure association des Parlements nationaux aux travaux de l'Union. Sur ce point, d'ailleurs, la révision constitutionnelle a été l'occasion de traduire ce souci dans nos procédures nationales, par une révision substantielle de l'article 88-4.
L'autre apport de ce traité sur le plan institutionnel, c'est la reconnaissance des coopérations renforcées, à l'intérieur du schéma institutionnel commun.
Ces coopérations renforcées ou différenciées, c'est-à-dire la possibilité d'actions d'avant-garde à quelques-uns à l'intérieur de l'Union, sont, en effet, la seule réponse possible aux défis de l'Europe de demain, qui comptera vingt, vingt-cinq et, un jour sans doute, trente membres, voire davantage. Les défis de cette Europe à trente - appelons-là ainsi - sont ceux du nombre et de l'hétérogénéité. En effet, si l'appartenance à l'Europe constitue bien le ciment commun d'un édifice européen qui deviendra plus diversifié, le degré d'adhésion au projet européen lui-même ne sera peut-être pas équivalent tout de suite, dans toutes ses composantes, pour tous les Etats membres, d'où ce besoin de coopérations plus spécifiques.
Il faut donc, si nous voulons ne rien perdre de ce qui fait la spécificité du projet européen, trouver les outils qui donneront de la souplesse à l'édifice, sans rien céder sur la cohérence d'ensemble, sans freiner la dynamique intégratrice, fondée sur la solidarité des politiques communes. L'Europe de demain ne doit pas être une Europe à la carte, « une Europe self-service » pour reprendre la formulation de M. Jacques Delors ; elle doit au contraire s'organiser autour d'un coeur, d'un groupe de pays leaders. C'est le sens des coopérations renforcées.
Mais un tel dispositif ne saurait fonctionner efficacement tant que nous n'aurons pas mené à bien l'autre volet, majeur, de la réforme institutionnelle, ce que l'on appelle désormais les « reliquats » d'Amsterdam. Il s'agit des trois questions qui figurent dans la déclaration que nous avons, en même temps que le traité, signée avec nos partenaires belges et italiens. Ces trois questions sont le format de la Commission, l'extension du vote à la majorité qualifiée et, dans ce cadre, la repondération des voix au sein du Conseil.
Ce sont là trois lacunes fondamentales du traité d'Amsterdam. Nous les avons soulignées d'emblée et vous avez également exprimé, dès septembre 1997, votre préoccupation à cet égard.
Depuis lors, vous le savez, les autorités françaises ne sont pas restées inactives. Ce sujet a été évoqué sans relâche auprès des Etats membres de l'Union européenne, mais aussi auprès des pays candidats à l'élargissement. Tous nos partenaires, c'est essentiel, ont maintenant admis la nécessité de reprendre la réflexion sur ces trois points, nécessité que les pays candidats comprennent maintenant clairement. La présidence allemande s'est donc engagée à présenter, en juin prochain, à Cologne, une proposition de calendrier et de méthode pour mener à bien cette réforme.
En effet, il est plusieurs manières possibles de préparer et de conduire une telle réforme : charger une personnalité, ou bien plusieurs - une sorte de comité de sages - de faire un rapport au Conseil indiquant l'état des réflexions et des positions ; on pourrait aussi imaginer de désigner des représentants personnels des chefs d'Etat et de Gouvernement, à l'instar de ce qui a été fait dans un autre cadre. Peu importe la manière. Nous faisons confiance à la présidence allemande. Nous souhaitons, pour notre part, ne pas perdre de temps, et c'est là l'élément essentiel. Nous pourrions ainsi conclure, si cette démarche efficace est retenue, avant la fin de l'an 2000, c'est-à-dire sous la présidence française, pour laquelle ce pourrait être une des tâches essentielles, une des ambitions importantes.
Cet enjeu institutionnel est, je le sais, fondamental pour le Sénat. Le Gouvernement a donc tenu l'engagement qu'il avait pris et que j'ai déjà eu l'occasion de confirmer devant vous à plusieurs reprises. Le projet de loi qui vous est soumis est assorti d'un amendement gouvernemental, car, vous le savez, le règlement des assemblées n'autorise pas d'amendements parlementaires aux projets de loi de ratification. Cet amendement, adopté par l'Assemblée nationale, introduit un article additionnel qui réaffirme l'exigence d'une réforme institutionnelle avant le prochain élargissement.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. L'élaboration de ce texte a fait l'objet de larges consultations et je sais qu'il a recueilli une très large majorité au sein de la commission des affaires étrangères du Sénat.
J'ose en déduire que sa rédaction agréera à la Haute Assemblée, car elle est sans ambiguïté : il faut une réforme préalable à l'élargissement. Mais comme vous l'avez sans doute aussi noté, tout en manifestant notre détermination, nous avons veillé à marquer que notre attitude envers l'élargissement est totalement positive.
Voilà pour ce qui concerne l'article 2. Je ne prétendrais pas que ce texte est parfait, mais il me semble pourtant difficile de faire beaucoup mieux. Ou, pour paraphraser Eugène Delacroix, je dirai que si l'expérience nous apprend, d'abord, qu'il faut beaucoup corriger - et nous l'avons fait - elle nous apprend, ensuite, qu'il ne faut pas trop corriger - nous ne pouvons guère le faire davantage. De toute façon, vous le savez bien, pour des raisons que j'ai rappelées tout à l'heure, notre marge de manoeuvre en la manière est très limitée.
J'ai donc bon espoir que le Sénat saura, comme sa commission des affaires étrangères, se reconnaître dans le texte de cet article additionnel.
Si tel est bien le cas, je vous invite à donner votre accord, avec autant de force que lors de la révision constitutionnelle, à l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam. L'Assemblée nationale a ouvert la voie en autorisant la ratification par 447 voix pour et 75 voix contre. Je ne doute pas que le Sénat saura relever le défi par une majorité encore plus significative ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Funeste espoir !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier de Villepin, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici enfin saisis du projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam. Je dis : « enfin » car, vous le savez, la France sera, après la Grèce, le dernier pays à ratifier ce texte.
Tout n'a-t-il pas déjà été dit sur le traité, au moment, notamment, du débat sur la révision constitutionnelle ? Ce débat, certes, a été l'occasion de traiter un point majeur : le passage éventuel à la majorité qualifiée pour les questions liées à la circulation des personnes.
A se concentrer sur ce seul aspect, on aurait pu croire que les négociateurs du traité avaient montré beaucoup d'audace. Il ne faut pas céder à cette erreur d'optique, car le traité pèche plus par défaut que par excès. En effet, il n'a fait qu'effleurer la question, pourtant fondamentale, de la réforme des institutions, dont la démission collective de la Commission, la nuit dernière, illustre encore la nécessité. Vous en êtes témoin, monsieur le ministre, le Sénat et sa commission des affaires étrangères, sur une longue période, n'ont cessé d'insister sur la réforme des institutions de l'Europe.
M. Emmanuel Hamel. Compte tenu de la démission de la Commission, nous devrions arrêter le débat, pour réfléchir !
M. Robert Bret. Sage proposition !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Merci de votre conseil, monsieur Hamel.
M. Michel Caldaguès. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Je vous en prie, monsieur Caldaguès.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Michel Caldaguès. Je voulais simplement dire que, au sein de la commission des affaires étrangères, tout le monde n'a pas prôné le renforcement des pouvoirs de la Commission,...
M. Emmanuel Hamel. Ah ! que non !
M. Michel Caldaguès. ... qui est un des aspects du traité d'Amsterdam. Je tenais à faire cette mise au point au moment où la Commission donne le spectacle de son incapacité à maîtriser les pouvoirs, à mon sens trop étendus, qui lui ont été consentis.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Monsieur Caldaguès, vous parlez bien sûr de la Commission de Bruxelles, et non de la commission des affaires étrangères.
M. Michel Caldaguès. Certes !
M. le président. Tout le monde avait compris, monsieur de Villepin.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Ne vous défendez pas, monsieur le président de la commission ! (Sourires.)
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Monsieur le ministre, vous pourrez, j'espère, préciser votre analyse des derniers événements et les enseignements que vous en tirez.
Aussi, me semble-t-il, le débat d'aujourd'hui doit désormais se concentrer sur ce thème essentiel pour l'avenir de la construction européenne. L'introduction d'un article additionnel sous la forme d'un amendement gouvernemental, rappelant la nécessité de réformer les institutions avant la conclusion des négociations d'adhésion, doit contribuer à recentrer le débat sur ce point décisif.
Aussi, après un examen des forces et des faiblesses du traité d'Amsterdam, je souhaiterais commenter l'article additionnel introduit par le Gouvernement à la suite notamment de la demande que nous avions formulée au nom de la commission des affaires étrangères. J'évoquerai ensuite les voies et moyens possibles d'une réforme des institutions.
Quelles sont les forces et les faiblesses du traité ?
Je ne voudrais pas revenir ici sur le détail des dispositions d'un texte dont il a été dit à plusieurs reprises qu'il ne brillait pas par sa transparence.
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Les rapports parlementaires ainsi que vos explications, monsieur le ministre, ont apporté les éclairages nécessaires.
Je souhaiterais, pour ma part, porter une appréciation d'ensemble sur le traité. Ce texte présente des avancées qui ne sont pas négligeables. Une large part de ces acquis sont d'ailleurs à mettre au crédit des négociateurs français, M. Barnier notamment que je tiens à saluer ici, auxquels il faut rendre un juste hommage. Mais le traité est le fruit d'un compromis qui est décevant sur bien des points, d'où des lacunes graves qu'il faut souligner.
Une évaluation d'ensemble du traité me conduira à passer en revue les quatres grands volets de ce texte.
S'agissant tout d'abord de la mise en place progressive d'un espace de libre circulation des personnes, je relèverai deux progrès réels.
En premier lieu, l'application éventuelle, dans un délai de cinq ans, du vote à la majorité qualifiée pour les questions liées à la libre circulation des personnes permettra de régler avec plus d'efficacité des problèmes qui se posent désormais à l'échelle de l'Union européenne tout entière.
M. Emmanuel Hamel. Il y en a d'autres !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Des garde-fous existent, qu'il s'agisse de l'unanimité requise au sein du Conseil pour le passage à la communautarisation dans le délai de cinq ans ou encore du respect de la souveraineté des Etats pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure.
L'intégration de l'acquis de Schengen à l'Union européenne constitue une autre avancée. Elle simplifiera un dispositif passablement complexe et permettra de faire bénéficier l'Union européenne des acquis indéniables réalisés par les Etats membres de l'espace Schengen en matière de contrôle des frontières extérieures. Un lien indispensable est ainsi posé entre liberté de circulation et sécurité.
Toutefois, les modalités du partage de l'acquis de Schengen entre le premier pilier, communautaire, et le troisième pilier, intergouvernemental, soulèvent encore des incertitudes que vous pourrez peut-être, monsieur le ministre, contribuer à dissiper.
J'évoquerai deux progrès, certes, mais aussi deux inquiétudes.
Ma première inquiétude porte sur la multiplication des statuts dérogatoires consentis au Royaume-Uni, à l'Irlande et au Danemark. Cette participation à la carte n'est pas seulement source de complexité. Elle décrédibilise aussi la position de l'Union européenne à l'égard des pays candidats à l'adhésion qui sont tenus, comme c'est d'ailleurs souhaitable, d'accepter l'intégralité de l'acquis communautaire.
Par ailleurs - c'est un autre élément de déception - rien n'a vraiment été fait pour progresser dans la voie d'un espace judiciaire européen que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux. L'application du vote à la majorité qualifiée n'aurait-elle pas permis en particulier d'aller plus loin dans le domaine essentiel de la lutte contre le trafic des stupéfiants qui, à mes yeux, représente une priorité pour l'Union européenne ?
M. Pierre Fauchon. Très juste !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Le deuxième volet essentiel du traité d'Amsterdam est consacré à la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC.
Je ferai état, sur ce chapitre, de deux évolutions positives : d'une part, la mise en place d'une unité de planification et d'alerte rapide, qui permet d'amorcer très en amont la concertation nécessaire, et, d'autre part, l'institution d'un haut représentant pour la PESC, dans la mesure où le sommet de Vienne de décembre dernier a posé le principe de la nomination d'une personnalité politique à ce poste. La représentation de l'Union européenne sur la scène internationale devrait s'en trouver renforcée.
Deux autres aspects du traité appellent un commentaire plus réservé.
Tout d'abord, la mise en oeuvre de coopérations renforcées, désormais permise par le traité, a été exclue pour la PESC, alors même qu'elle en constituait le domaine d'élection.
Par ailleurs, rien n'a vraiment progressé dans le domaine de la sécurité européenne.
Une observation générale doit toutefois tempérer ces appréciations. En effet, en matière de politique étrangère et de défense, la volonté politique importe davantage que la lettre d'un traité. Or, de ce point de vue, les récentes initiatives franco-britanniques, qu'il s'agisse de la déclaration commune de Saint-Malo sur la sécurité européenne ou encore de la concertation entreprise dans le conflit du Kosovo, ont levé un coin d'espoir. Cette voie doit être aujourd'hui confirmée.
J'aborderai maintenant le troisième volet du traité, à savoir les politiques communes.
Il faut, dans ce domaine, se féliciter de l'intégration du protocole social au traité, après la levée de l'opposition britannique, ainsi que de la création d'un nouveau titre sur l'emploi.
On peut, certes, s'interroger sur la portée pratique de ces dispositions. Elles ont du moins pour mérite d'ouvrir la politique communautaire sur des sujets plus proches des préoccupations des citoyens. Cela n'est pas indifférent au moment où l'Europe tend parfois à susciter plus de défiance que d'enthousiasme.
Enfin, la dernière mais aussi la plus importante des questions à l'ordre du jour de la Conférence intergouvernementale, la réforme institutionnelle, constitue aussi la principale source de déception. Le traité d'Amsterdam n'a en fait apporté sur ce plan que deux modifications : d'une part, une extension de la procédure de codécision, qui associe à parité le Parlement européen et le Conseil dans la procédure de décision et d'autre part, la mise en place des coopérations renforcées. Or, ces deux mesures, pourtant limitées, suscitent bien des incertitudes.
L'extension de la codécision ne soulève pas en elle-même d'objection de principe. Toutefois, elle a pour effet de faire du Parlement européen la seule institution qui sorte renforcée du traité d'Amsterdam, compte tenu du statu quo observé à l'égard du Conseil et de la Commission. Ainsi, il faut bien le reconnaître, elle a favorisé plus la faculté d'empêcher que la capacité d'initiative, comme cela aurait été pourtant souhaitable.
Les coopérations renforcées devraient, quant à elles, permettre à certains Etats désireux d'aller de l'avant, sur des domaines déterminés, de s'associer, tout en respectant le cadre institutionnel de l'Union européenne. A cet égard, cette formule représentait une véritable alternative à l'extension du vote à la majorité qualifiée qui avait été refusée à Amsterdam. Les conditions excessivement rigoureuses définies pour la mise en oeuvre d'une coopération renforcée, ainsi que la possibilité pour tout Etat de s'y opposer, affaiblissent beaucoup ce nouvel instrument.
Par ailleurs, le protocole sur les institutions joint au traité d'Amsterdam reporte à des échéances lointaines et bien incertaines la nécessité d'une réforme.
J'en viens maintenant à l'analyse de l'article additionnel qu'a introduit le Gouvernement dans le projet de loi autorisant la ratification du traité.
La formule - vous l'avez dit monsieur le ministre - revêt un caractère exceptionnel. En fait, si, formellement, cet article 2 émane du Gouvernement, il répond, dans les faits, à une initiative du Parlement.
Qu'il me soit permis de revenir rapidement sur les origines de l'article additionnel. Au lendemain de la négociation d'Amsterdam, nous étions nombreux à exprimer notre déception et notre inquiétude pour l'avenir de l'Europe.
Fallait-il alors rejeter le traité ?
M. Emmanuel Hamel. Oui !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Nous aurions dû, alors, renoncer aux quelques avancées contenues dans ce texte. La France aurait pris la responsabilité d'ouvrir une crise majeure en Europe,...
M. Emmanuel Hamel. Il y a des crises nécessaires !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. ... sans aucune garantie de provoquer le choc salutaire à même de décider nos partenaires à discuter d'un texte plus ambitieux.
Mais nous ne pouvions pas davantage nous résigner à approuver le texte en l'état et à consentir ainsi à l'abaissement des ambitions de l'Europe.
Entre un rejet injustifié et une « approbation-résignation », il fallait trouver, pour le Parlement, le moyen de réaffirmer la nécessité de procéder à une réforme profonde des institutions, avant l'élargissement.
J'avais ainsi été conduit à plaider, au nom de la commission des affaires étrangères, pour l'adjonction d'un article additionnel qui, compte tenu du cadre étroit réservé au droit d'amendement parlementaire s'agissant des projets de loi de ratification, aurait été présenté par le Gouvernement. D'autres voix éminentes s'étaient élevées dans ce sens. Le Gouvernement nous a entendus, et je m'en réjouis. Je vois, aujourd'hui, quatre raisons de donner notre approbation à l'article additionnel tel qu'il résulte du vote de l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, l'article, comme je l'avais demandé, a fait l'objet d'une concertation avec le Parlement. C'est d'ailleurs devant la commission des affaires étrangères du Sénat, monsieur le ministre, que vous avez d'abord présenté le texte du projet d'amendement gouvernemental. La rédaction qui a été finalement retenue s'est largement inspirée des observations des parlementaires.
Ensuite, le texte de l'article 2 réalise un équilibre satisfaisant entre des exigences parfois difficiles à concilier. D'une part, il engage le Gouvernement devant le Sénat et l'Assemblée nationale tout en lui laissant la liberté nécessaire sur la façon de conduire la négociation internationale. Le gouvernement auquel vous appartenez est tenu d'agir, monsieur le ministre, mais il ne doit pas recevoir un mandat contraignant qui ne serait conforme ni à l'esprit de nos institutions ni aux nécessités propres à une négociation internationale qui requiert pragmatisme et souplesse. Par ailleurs, l'article additionnel rappelle la nécessité de conduire une réforme institutionnelle avant les adhésions tout en évitant, dans la forme, une stricte « conditionnalité » qui aurait pu blesser, gêner les pays candidats à l'adhésion.
La troisième raison qui conduit la commission des affaires étrangères à proposer une adoption conforme de ce texte trouve son origine dans le souci d'éviter de nouveaux débats devant les deux assemblées, débats qui seraient source de délais supplémentaires pour une ratification qui n'a déjà, à nos yeux - nous l'avons dit souvent, monsieur le ministre - que trop tardé.
Enfin, il est clair que cet article additionnel ne représente qu'une étape dans un processus où l'essentiel se jouera dans le déroulement de la négociation à venir avec nos partenaires de l'Union européenne. Il y aurait donc quelque paradoxe à faire de cet article un point de fixation et à retarder le passage à l'étape décisive que représente la préparation de la réforme.
Regardons donc vers l'avenir. La réflexion sur les contours possibles de la réforme institutionnelle est aujourd'hui ouverte. Le Parlement doit y avoir ses parts. Vous me permettez de conclure mon propos par quelques observations sur ce thème.
A mon sens, la réforme nécessaire doit s'articuler autour d'un double objectif : l'efficacité, d'abord, car il s'agit de faire fonctionner une Union élargie ; la légitimité, ensuite, car il faut également combler un fossé qui s'est creusé entre l'Europe les citoyens.
M. Emmanuel Hamel. A juste titre !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. La recherche de l'efficacité passe d'abord, je crois, par une extension du vote à la majorité qualifiée qui, pour le premier pilier, devrait devenir la règle. La majorité qualifiée pourrait en particulier s'appliquer dans le domaine de l'harmonisation fiscale afin d'éviter la pratique du dumping fiscal. L'Allemagne paraît s'être ralliée à cette évolution.
M. Emmanuel Hamel. Supprimez les parlements, pendant que vous y êtes !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Où en sommes-nous nous-mêmes ? Vous pourrez peut-être, monsieur le ministre, nous apporter les précisions nécessaires.
L'extension de la majorité qualifiée suppose toutefois une révision de la pondération des voix au sein du Conseil. Il convient de prendre une plus juste mesure du critère démographique et de revenir vers un système proche de l'équilibre qui prévalait pour l'Europe des douze.
Il faut encore favoriser - j'insiste sur ce point ! - une réorganisation de la Commission afin d'éviter l'émiettement actuel des responsabilités, qui est sans doute l'une des causes majeures de la crise institutionnelle qui s'est ouverte cette nuit et des nombreux dysfonctionnements constatés en son sein. Ne l'oublions pas, la construction européenne a besoin d'une Commission forte, qui doit être contrôlée avec efficacité.
L'organisation du travail du Conseil mérite aussi réflexion. Songeons que, dans le scénario d'un élargissement maximal, la présentation au sein du Conseil de la position de chaque Etat, qui est de règle, réclamerait à elle seule quatre heures !
On doit enfin chercher à assouplir les règles relatives à la mise en oeuvre des coopérations renforcées telles qu'elles ont été posées par le traité d'Amsterdam. Le principe des coopérations renforcées pourrait s'appliquer aux questions de politique étrangère et de sécurité commune. L'expérience de Schengen a en effet montré que, à six ou sept, on va plus loin, plus vite aussi, qu'à quinze ou vingt. Et les avancées enregistrées suscitent alors de nouvelles adhésions. C'est, je crois, ce modèle pragmatique de construction enropéenne qu'il convient de suivre.
La légitimité doit constituer l'autre volet essentiel de la réforme. Elle suppose une mise en oeuvre concrète du principe de subsidiarité.
N'est-il pas temps, en effet, de délimiter domaine par domaine les questions qui relèvent de la compétence communautaire et celles qu'il revient aux Etats de traiter ?
Elle passe ensuite par une plus grande association des parlements nationaux à la politique menée à Bruxelles. A cet égard, l'élargissement du champ d'application de l'article 88-4 de notre Constitution à la suite de la dernière réforme constitutionnelle représente une avancée certaine.
Enfin, nous devons, je crois, revoir dans un sens plus positif notre attitude vis-à-vis du Parlement européen. Cette institution connaît, après Amsterdam, une extension de son rôle. Dans ce contexte, l'éparpillement de la représentation française constitue un handicap certain.
Quels moyens utiliser pour faire aboutir cette réforme institutionnelle ? Il importe d'abord, en amont, d'éviter le mécanisme trop lourd de la conférence intergouvernementale et de confier le travail préparatoire à des personnalités européennes incontestables.
La France doit élargir le cercle de ses soutiens. Rien ne se fera sans l'Allemagne, et vous pourrez peut-être, monsieur le ministre, nous indiquer quel est l'état des discussions entre nos deux pays.
En conclusion, le traité présente d'indéniables avancées, mais aussi des lacunes évidentes.
L'introduction d'un article additionnel permet de corriger de manière partielle la déception liée à l'absence de réforme institutionnelle d'ampleur.
Le vote du projet de loi de ratification ne représente qu'une étape. Dans la période décisive qui s'ouvre désormais, le Parlement, fidèle à la mission de « veille » qui lui revient dans les affaires européennes, devra s'assurer de la détermination et de la capacité du Gouvernement à convaincre nos partenaires de la nécessité de procéder à une véritable réforme du fonctionnement de l'Union.
Avec l'article additionnel, le Gouvernement s'engage devant nous. Et cet engagement prend un relief d'autant plus fort que les négociations sur la réforme institutionnelle pourraient être conclues sous présidence française avant la fin de l'an 2000.
Ainsi, avec la vigilance qui s'impose, la commission des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à voter le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Par certains membres de l'Assemblée nationale seulement !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. Monsieur le ministre, je commencerai mon propos là où vous avez terminé le vôtre. Il me semble que l'actualité le justifie et que nos discours, ce matin, ne peuvent être tout à fait les mêmes, compte tenu de la crise extrêmement grave...
M. Emmanuel Hamel. Et il y en aura d'autres !
M. Michel Barnier. ... que nous avons connue cette nuit dans l'histoire de la construction européenne, qui pourtant en a connu beaucoup d'autres.
S'agissant de la décision inédite, prise en commun par les vingt commissaires européens, de démissionner, je veux simplement dire, pour avoir eu l'honneur et la chance de travailler au coeur des institutions européennes et pour avoir défendu auprès de la Commission les projets et les idées françaises à la place qui est la vôtre aujourd'hui, monsieur le ministre, que cette décision est un acte de dignité collective et un acte de responsabilité.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Michel Barnier. Je pense qu'il ne pouvait en aller autrement si l'on se souvient de ce que doit être et de ce que doit rester la Commission européenne dans l'esprit et dans la lettre du traité fondateur de Rome et des traités qui l'ont complété depuis.
La Commission doit être et doit rester une institution collégiale et non une structure intergouvernementale. Elle doit être et doit rester le creuset où se préparent et s'exécutent, avec transparence et avec une rigueur qui a quelquefois manqué, les politiques communautaires décidées par le Conseil et contrôlées par le Parlement européen.
J'ai, comme vous tous, mes chers collègues, reçu hier - est-ce un signe ? - le bulletin hebdomadaire de la Commission européenne, qui rappelle en quoi le traité d'Amsterdam élargit le rôle de cette instance : il y est indiqué que la Commission disposera de facto, à l'issue de la ratification de ce traité, d'une capacité d'initiative accrue.
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
M. Michel Barnier. Elle pourra mettre en oeuvre de nouvelles politiques, notamment en matière d'emploi et de santé,...
M. Michel Caldaguès. Belle perspective !
M. Emmanuel Hamel. Il faut réduire son rôle au lieu de l'encourager !
M. Michel Barnier. ... sans oublier l'intégration dans le traité des accords de Schengen, qui augmentent ses domaines d'intervention. Mais certains évoqueront ce point après moi.
Selon ce bulletin, le rôle du président de la Commission sera également renforcé. Bien sûr, les commissaires continueront à être nommés par les Etats membres, mais ce sera désormais « en commun accord » avec le président de la Commission, ce dernier ayant dorénavant le pouvoir de refuser la nomination de certaines personnes au poste de commissaire européen. En outre, le président de la Commission pourra procéder en cours de mandat à une redistribution des portefeuilles des commissaires.
M. Emmanuel Hamel. C'est de l'impérialisme !
M. Michel Barnier. Voilà ce que contient le traité d'Amsterdam, dont la ratification nous est demandée aujourd'hui.
Tous ces éléments expliquent davantage encore pourquoi, compte tenu de son rôle névralgique, la Commission européenne doit être et doit rester une institution collégiale et, surtout, une institution incontestable et respectée. N'est-elle pas la gardienne des traités, la gardienne de l'intérêt général européen ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si, par la force de l'actualité, nous parlons de la Commission, c'est toutefois, comme vient de le dire M. le président de Villepin, tout le système institutionnel européen qui est aujourd'hui en cause. Dans les mois qui viennent, ce système doit être remis à plat et faire l'objet d'une réflexion politique à laquelle, monsieur le ministre, je vous le confirme, notre Haute Assemblée participera pour vous apporter sa contribution.
Le système institutionnel européen doit faire l'objet d'une réforme qui a été - c'est vrai - manquée à Amsterdam faute d'une volonté politique suffisante et commune des quinze gouvernements européens, gouvernements dont la majorité appartenait alors d'ores et déjà, je le rappelle sans malice, au camp social-démocrate.
M. Aymeri de Montesquiou. Sans malice !
M. Michel Barnier. Sans malice, parce que c'est la vérité !
S'il faut rechercher une responsabilité dans cet échec de la réforme institutionnelle, elle est largement partagée par ces quinze gouvernements.
Instruit par l'expérience, mes chers collègues, et quel qu'ait été mon travail personnel dans cette négociation - M. de Villepin a bien voulu le rappeler - je n'ai naturellement à ce titre aucune leçon ni même aucun conseil à donner. Peut-être me permettrai-je cependant, dans ma responsabilité de parlementaire, d'exprimer quelques souhaits.
Mon premier souhait, monsieur le ministre, est que vous ne laissiez pas la future conférence intergouvernementale qui sera un jour ou l'autre convoquée statuer sur autre chose que sur les institutions. Raymond Barre a dit un jour - et il a, lui aussi, une certaine expérience en la matière ! - que l'Union ne peut pas faire bien plus d'une chose à la fois. Ainsi, que la future négociation sur les institutions ne s'occupe que de cette question, et peut-être aura-t-elle alors l'occasion de réussir là où nous avons échoué ! Fixons-nous comme objectif de réunir cette conférence intergouvernementale et de réussir cette réforme dès que nous serons sortis des négociations et des turbulences liées à l'Agenda 2000, à la réforme et à la défense de la politique agricole commune, à la réforme des fonds structurels et du budget - sans parler des secousses liées à la mise en place d'une nouvelle Commission et d'un nouveau Parlement européen au mois de juin - tel est mon premier souhait.
Dans le prolongement de ce qu'a dit M. Xavier de Villepin, monsieur le ministre, mon deuxième souhait est que l'ambition de cette réforme institutionnelle ne se résume pas aux trois seuls points durs que l'on étudie habituellement et qui sont en cours de discussion.
La réforme de la Commission est un sujet d'actualité : cette dernière doit demeurer, je le dis à nouveau, une institution collégiale, avec des commissaires assumant des responsabilités clairement définies pour pouvoir diriger réellement et effectivement leur administration.
Quant au nouveau système de vote, il se décompose en deux points que j'aborderai dans l'ordre qui me paraît s'imposer.
D'abord, il s'agit de la pondération des voix, clé du nouveau système de vote. En effet, il faut rappeler, sans vouloir humilier les petits Etats, qui, en tant qu'Etats, comptent autant que les autres, que l'actuel système de vote n'est pas juste : le Luxembourg, avec 300 000 habitants, pèse deux voix dans le vote au sein du Conseil, alors que l'Allemagne, avec 90 millions d'habitants, pèse dix voix. Non seulement ce n'est pas juste, mais je dirai même que ce n'est pas conforme à l'équilibre démocratique. Il faut donc repondérer les voix pour tenir compte davantage des populations, des citoyens, des contributions budgétaires, sans humilier, je le répète, les Etats plus modestes.
Ensuite, il s'agit de la nécessaire extension, souhaitée par M. le président de la commission des affaires étrangères, la pratique du vote à la majorité qualifiée, dès l'instant où cette majorité qualifiée sera plus juste.
Tels sont les sujets qui sont en discussion depuis bien longtemps.
Monsieur le ministre, la France doit cependant avoir l'ambition d'aller au-delà, dans cette négociation institutionnelle. Elle doit, par exemple, conforter le rôle du Conseil européen, qui est l'élément principal des institutions européennes parce qu'il est le lieu de l'impulsion politique. C'est là que se trouvent les chefs d'Etat et de gouvernement. Il est donc aussi le lieu de la légitimité démocratique.
Mon idée serait - est-ce naïf ou trop idéaliste ? - qu'à la faveur de cette réforme on puisse décider que le président du Conseil européen soit nommé ou choisi par ses pairs pour une durée plus longue que les six mois du tourniquet qui prévaut actuellement dans les institutions européennes.
Il convient aussi de réformer le fonctionnement de ce même Conseil, qui, nous le savons bien, n'est pas correct, en particulier le fonctionnement du Conseil affaires générales. Peut-être pourrait-on instituer un Conseil affaires européennes. Peut-être encore - pourquoi pas ? - décider que chaque gouvernement serait désormais représenté à Bruxelles de manière permanente par un ministre proche du Premier ministre, afin de faire remonter le niveau de discussion et de négociation au plan politique.
Il faut renforcer les coopérations, notamment faciliter - c'est contenu dans le traité d'Amsterdam - les coopérations renforcées, pour la mise en oeuvre desquelles il ne faudrait plus faire de l'unanimité une règle absolue et systématique.
J'ajouterai, à mon tour, que cette réforme des institutions doit être l'occasion, pour que les citoyens y comprennent enfin quelque chose, pour qu'ils « s'y retrouvent », de clairement définir - je sais bien que c'est un exercice difficile ! - d'une part, ce dont l'Union doit s'occuper pour qu'ensemble nous soyons plus forts et plus efficaces et, d'autre part, ce dont l'Union ne doit pas, ou plus, s'occuper parce que cela peut être mieux fait, plus près du terrain et des gens, par les Etats, voire par les collectivités territoriales.
Certains sujets - je pense au système de protection sociale, à l'éducation, à une grande partie de la fiscalité - qui touchent aux familles, aux personnes, doivent rester de manière définitive et clairement dite de la compétence de chaque pays et ne pas faire l'objet de je ne sais quelle négociation ou prise de décision à l'échelon communautaire.
M. Emmanuel Hamel. Tout doit être géré comme cela !
M. Michel Barnier. Monsieur le ministre, j'approuve votre intention de donner à la prochaine présidence française cette ambition de conclure elle-même...
M. Emmanuel Hamel. ... sa destruction !
M. Michel Barnier. ... cette réforme institutionnelle. C'est une belle ambition, et, vous le savez bien, c'est non pas d'arrogance mais d'imagination, de doigté, de volonté, d'esprit commun qu'il faudra faire preuve durant cette période.
Je sais que, sous l'autorité du Président de la République et du Gouvernement, la diplomatie française en est capable. Je sais aussi que, sur ce terrain de la politique, de la réforme des institutions, de l'ambition de cette Europe politique, l'action de la France est attendue, voire espérée.
A propos des institutions, je tiens à faire deux remarques complémentaires sous forme de regrets.
D'abord, à titre personnel, après avoir été en colère, je ne comprends toujours pas pourquoi, quelques mois avant les élections européennes, alors que nous en avions le temps, nous n'avons pas su changer le mode de scrutin pour l'élection des députés européens français.
Nous allons donc voter, le 13 juin prochain, en faveur de listes nationales fabriquées - on le voit en ce moment - par les partis politiques, c'est-à-dire loin des gens, à qui l'on demandera simplement d'approuver ce que les partis auront préparé.
Je vous donne rendez-vous dans cinq ans, mes chers collègues. Nous constaterons alors, parce qu'il ne peut pas en être autrement avec ce système, que les députés européens seront restés loin des citoyens, qu'ils ne pourront pas rendre de comptes, qu'ils n'auront pas de territoire en charge.
Je ne vous fais pas de reproche, monsieur le ministre. Vous avez travaillé, comme moi, à un nouveau système, que le Premier ministre avait approuvé et que le Président de la République avait soutenu. Il a manqué une volonté politique, notamment à l'Assemblée nationale. Je veux dire, en cet instant, que je le regrette. Mais nous y reviendrons.
Mon second regret, que j'exprime au nom du groupe du RPR, c'est que, par habilité, par trop grande prudence, dans le souci d'aller vite, vous n'ayez pas eu suffisamment le souci, il y a quelques semaines, d'écouter et d'entendre les propositions que notre groupe vous a faites pour améliorer l'information du Parlement national et son association à la politique européenne. J'avais pourtant essayé de vous convaincre que c'était l'intérêt non seulement du Gouvernement mais aussi de la politique européenne elle-même de ne plus être conduite comme s'il s'agissait seulement de politique étrangère.
Quand on parle de la chasse - nous allons en reparler un jour prochain - quand on parle de la monnaie, quand on parle de la politique agricole commune, quand on parle des transports, on ne parle pas, on ne parle plus, de politique étrangère, on parle de la vie quotidienne des citoyens !
Voilà pourquoi le déficit démocratique, dont on parle tant,...
M. Emmanuel Hamel. Et qui s'aggrave !
M. Michel Barnier. ... dont on va tant parler aux élections européennes, commence ici.
M. Michel Caldaguès. Très juste !
M. Michel Barnier. C'est ici qu'il faut commencer à le réduire en mieux associant, en mieux informant les parlementaires que nous sommes, qui, ensuite, relaieront, expliqueront, diffuseront.
M. Michel Caldaguès. On a fait le contraire !
M. Charles Pasqua. On n'en prend pas le chemin !
M. Michel Barnier. J'étais sûr que Charles Pasqua m'entendrait sur ce point.
M. Charles Pasqua. Ne me confondez pas avec Michel Caldaguès, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Michel Barnier. S'agissant de l'idée d'une veille constitutionnelle, j'ai, voilà quelques jours, lors d'une réunion de la délégation des affaires européennes, soulevé le problème du caractère anticonstitutionnel du futur statut des députés européens.
Voilà un exemple qui prouve que nous devrions disposer, au niveau du Parlement et du Gouvernement, d'une veille constitutionnelle sur les actes ou les projets communautaires.
Nous devrions aussi renforcer l'information et aller plus loin dans l'application de l'article 88-4 et, enfin, soumettre à un débat, puis à un vote, la décision grave que vous ou votre successeur, monsieur le ministre, aurez à prendre, dans cinq ans, lorsqu'il s'agira de décider de communautariser la politique de sécurité des citoyens.
Au total, mes chers collègues, vous le comprenez bien, en évoquant cette réforme institutionnelle, notre idée n'est pas que l'on retarde l'élargissement, ou plutôt la réunion de l'Europe, et l'accueil des pays de l'Europe centrale, orientale et baltique, qui sont à notre porte et à qui nous avons fait la promesse de les accueillir, mais bien plutôt de faire en sorte que cet élargissement réussisse, qu'il ne soit pas un marché de dupes.
M. Emmanuel Hamel. Il l'est !
M. Michel Barnier. En effet, les deux grands risques que fait courir cet élargissement, si l'on n'y prend garde, c'est, d'une part, que l'Union ne fonctionne plus du tout, alors qu'elle fonctionne déjà mal à quinze faute de cette réforme institutionnelle, et, d'autre part, que l'Union, comme le souhaitent un certain nombre de Français mais aussi, à côté de nous, des Anglo-Saxons, se résume à un grand marché, à une grande zone de libre-échange.
Souvenez-vous de ce qu'a dit Vaclav Havel à cette tribune, il y a quelques jours. Il a dit son espoir que, une fois dans l'Union, on ne fasse pas que du commerce, mais que l'on sache aussi faire de la politique.
M. Emmanuel Hamel. Pour se libérer du pouvoir capitaliste !
M. Michel Barnier. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, le groupe du RPR, dans sa majorité, approuve le texte de l'article additionnel proposé par le Gouvernement, conformément à ce que le Parlement, Assemblée nationale et Sénat, avait souhaité.
Enfin, monsieur le ministre, sans insister sur ce traité d'Amsterdam à propos duquel tout a déjà été dit et bien dit, j'ajouterai que nous sommes nombreux à ne pas vouloir nous résoudre à l'idée que l'on ne ferait que du commerce au sein de l'Union européenne et qu'au fond le seul cadre où l'on ferait de la politique serait celui de l'OTAN.
Nous sommes là au coeur du sujet. Nous voulons que l'Europe soit souveraine, que l'Europe soit européenne, pour reprendre le mot du général de Gaulle. (M. Emmanuel Hamel s'exclame.) Nous ne nous résignerons jamais à ce qu'elle reste sous influence américaine, à ce que, sans qu'on puisse le leur reprocher puisque c'est leur attitude historique, les Américains continuent à venir faire chez nous leur politique avec notre argent.
M. Nicolas About. Il faut rester indépendant !
M. Emmanuel Hamel. Vous oubliez le plan Marshall !
M. Michel Barnier. Monsieur le ministre, le traité d'Amsterdam nous offre de nouveaux outils pour construire cette Europe politique ; M. Xavier de Villepin les a rappelés. Ces outils doivent être utilisés ; dès l'instant où ce traité sera ratifié, nous en disposerons.
Le traité comporte également des avancées utiles en ce qui concerne les droits de l'homme, la parité, la santé, l'environnement, la reconnaissance de la spécificité de nos départements et territoires d'outre-mer - vous ne l'avez pas dit, et je veux le rappeler - la reconnaissance des missions de service public. Sur ce dernier point, je me souviens, chers collègues de l'opposition sénatoriale, de la détermination du Président de la République et du Premier ministre, Alain Juppé, qui ont exigé que la France obtienne cette reconnaissance dans le traité.
Je citerai aussi, au titre des avancées utiles, le fait d'avoir conforté le siège du Parlement européen à Strasbourg et celui d'avoir mis l'homme au coeur du projet européen au travers du chapitre social.
Voilà des avancées, nombreuses, plus nombreuses qu'on ne l'a dit, qui justifient que l'on ratifie ce traité !
J'évoquerai enfin deux grands sujets. Le premier concerne la sécurité des citoyens. Il faut mener en commun la lutte contre les menaces communes : réseaux de pédophilie, drogue, mafias, criminalité organisée. Ce sont des menaces non plus locales est nationales mais internationales contre lesquelles il faut lutter ensemble. C'est cela que signifie le traité d'Amsterdam.
Le second grand sujet concerne, les outils de la politique étrangère commune. Il faut avoir une stratégie commune envers la Russie, les Balkans, la Turquie, le Maghreb, tout ce qui nous entoure. Ne feignons pas de croire que tout ce qui se passe autour de nous peut nous laisser indifférents : soixante-dix jeunes soldats français sont morts en Bosnie ; nous dépensons aujourd'hui 3,5 milliards de francs par an pour participer au maintien de la paix dans les Balkans. Nous ne pouvons pas être et nous ne sommes d'ailleurs pas indifférents, comme le prouve la détermination de la France et de votre gouvernement, monsieur le ministre, à régler la question du Kosovo, sous l'autorité du chef de l'Etat.
Mes chers collègues, ce traité, que je connais bien, est utile, mais il est insuffisant. Il faut le ratifier pour ce qu'il contient. Il faut aussi l'expliquer, comme vous avez commencé de le faire, monsieur le ministre, dans la presse et par votre action. Il faut aussi le dépasser et préparer les prochaines étapes de cette Europe politique.
C'est dans cet esprit de réalisme, de vigilance parlementaire et, enfin, de volontarisme, que notre groupe, dans sa grande majorité, approuvera ce projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam.
En agissant ainsi, nous sommes solidaires, ce qui ne vous étonnera pas, monsieur le ministre, de l'action du chef de l'Etat, M. Jacques Chirac. Nous sommes aussi en accord avec le message qu'il nous a récemment adressé et avec l'action qui est la sienne depuis plus de trois ans, pour que l'Union européenne s'engage vers la construction de cette communauté humaine mais aussi de cette puissance politique pour laquelle nous continuerons d'agir et de nous battre. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, du RDSE et sur quelques travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde en convient, le traité d'Asmterdam ne constitue pas un grand projet porteur au regard des avancées européennes. Ratifions-le une fois pour toutes et passons à l'étape suivante !
Mais, pour ratifier un texte, il faut lui reconnaître quelques mérites : j'en citerai quatre, qui sont loin d'être négligeables.
Premièrement, l'innovation essentielle est la communautarisation des matières liées à la circulation des personnes, qui permet les transferts de compétences nécessaires. Il s'agit de définir en commun les dispositions relatives aux frontières intérieures et extérieures, aux politiques de visas, d'asile et d'immigration, décisions qui intéressent directement la vie quotidienne des citoyens européens.
Dans ces domaines, l'action isolée des Etats est devenue de plus en plus difficile à maîtriser et il s'avérait indispensable d'établir un partage de souveraineté efficace, avec condition de réciprocité des autres Etats participants. La pleine souveraineté des Etats est d'ailleurs très largement réduite en raison de l'interdépendance de fait entre tous les Etats par suite du développement considérable des communications et des transports et de l'intensification des pressions migratoires au sud comme à l'est de l'Europe, notamment.
L'intégration des accords de Schengen à l'Union européenne prouve également que l'on peut expérimenter un processus à plusieurs Etats membres avant d'en faire la règle commune. Cette méthode pragmatique pourrait certainement être appliquée à d'autres domaines novateurs.
Une deuxième avancée du traité d'Amsterdam est la présence d'un nouveau chapitre sur l'emploi, indiquant, pour la première fois, que « l'emploi est une question d'intérêt commun et que les Etats membres coordonnent leur action dans ce domaine au sein du Conseil ».
Il s'agit d'encourager l'établissement de politiques nationales favorables à l'emploi et de les coordonner au niveau européen, l'objectif étant d'aboutir à un pacte européen pour l'emploi, au même titre qu'il existe un pacte de stabilité et de croissance. La création d'un comité consultatif de l'emploi chargé de formuler des avis et de suivre l'évolution de la situation dans les Etats membres et dans la Communauté constitue un progrès dans le fonctionnement des institutions européennes.
Le troisième aspect important du traité est l'accroissement significatif des prérogatives du Parlement européen. S'agissant de la seule institution démocratique dans tous les rouages européens, il faut s'en féliciter.
La procédure de codécision entre le Parlement et le Conseil européen est étendue à tous les domaines dans lesquels le Conseil statue à la majorité qualifiée - excepté pour la politique agricole commune et la politique commerciale commune - ainsi qu'à quelques domaines où le Conseil statue à l'unanimité. Le Parlement européen peut donc rejeter définitivement un texte, et le Conseil et le Parlement sont désormais placés à égalité.
Cette extension du rôle du Parlement va dans le sens d'une construction européenne plus proche des citoyens. Mais il conviendra, lors de la réforme future des institutions, d'élargir encore le rôle législatif et le pouvoir d'initiative du Parlement au détriment de la Commission européenne, afin notamment de rééquilibrer la séparation des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, qui est la règle dans toute démocratie se respectant. Les Parlements nationaux devraient être mieux associés aux décisions européennes, une avancée est d'ailleurs prévue dans le traité d'Amsterdam et la délégation européenne du Sénat est des plus attentives à cet égard.
Quant au pouvoir réel du Parlement européen, il serait plus reconnu en France si nos députés à Strasbourg étaient plus présents et, surtout, plus unis au niveau des décisions, notre pays souffrant de l'éparpillement de ses élus et des décisions franco-françaises au détriment de l'efficacité et de notre image dans l'Union. A moins de trois mois des élections européennes, il est important d'en être conscients pour y remédier.
J'en viens à la quatrième avancée notable du traité d'Amsterdam : le volet concernant la politique étrangère et de défense commune se voit doté d'instruments plus performants et d'une ambition politique plus affirmée.
Deux raisons majeures poussent à l'optimisme en ce domaine : d'une part, le revirement spectaculaire des Anglais, qui ont admis, au sommet de Saint-Malo, la nécessité de doter l'Union européenne d'une défense militaire commune ; d'autre part, la création d'un haut représentant pour la PESC, innovation qui donnera une identification, un visage à l'Europe pour sa politique étrangère, à condition toutefois que ce haut représentant ait de l'autorité et un profil politique, à condition qu'il ne s'agisse pas d'un haut fonctionnaire de plus à la Commission de Bruxelles.
Enfin, il n'est pas besoin de déplorer à nouveau l'absence de réforme institutionnelle, qui était pourtant l'objectif principal du traité d'Amsterdam. Tirons les leçons de l'échec et interrogeons-nous sur le choix de la procédure d'une conférence intergouvernementale qui a prouvé son incapacité à aboutir. Comme l'a écrit notre rapporteur, l'expérience montre que les avancées européennes les plus importantes ont été initiées par des groupes ad hoc . Dans ces conditions, ne conviendrait-il pas de réfléchir à une autre méthode que la conférence intergouvernementale. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Le texte de ratification qui nous est présenté, avec l'article additionnel que le Gouvernement a bien voulu introduire à la demande du Parlement - c'est un modèle de concertation - est satisfaisant, car il inscrit la volonté française de procéder à la réforme préalablement à l'élargissement.
Cette disposition renforce la position de la France au sein de l'Union. Notre pays, très volontariste à cet égard, pourra ainsi jouer un rôle moteur dans la prochaine réforme des institutions. Plus que tout autre Etat membre nous craignons en effet la dilution de l'Union dans un marché économique toujours plus grand, mais dépourvu de vision et de valeurs de civilisation, qui sont l'essence même de notre destinée européenne.
Je voterai donc pour la ratification du traité d'Amsterdam, renforcé de cet article additionnel. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux mois après le Congrès du Parlement consacré à la révision de la Constitution, le Sénat, après l'Assemblée nationale, est saisi de la ratification du traité d'Amsterdam.
Le problème, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, est de savoir si ce traité correspond à la construction d'une Union européenne répondant aux espoirs des différents peuples qui la composent, espoir de dignité et d'épanouissement, de progrès économiques et sociaux, dans un espace de paix, espoir de participer à l'élaboration et au suivi des décisions.
Force est de constater que le traité d'Amsterdam est loin de répondre à ces préoccupations.
Mon ami M. Michel Duffour interviendra d'ailleurs pour présenter une motion d'irrecevabilité développant cette contradiction essentielle entre le traité d'Amsterdam et la démocratie, valeur fondatrice de la République française.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet. L'Europe, déjà évoquée comme terre d'abondance dans la mythologie et la littérature gréco-romaine, est une idée forte et porteuse d'une dynamique positive.
Traversée d'un passé commun meurtrier, elle porte, par la variété des peuples et des ressources qui la composent, d'immenses potentialités de richesse pour elle-même et l'ensemble de la planète. Elle est un appel aux rencontres, aux échanges d'expériences, aux coopérations multiples dans un but simple et clair : la correction des inégalités et l'amélioration de la vie des hommes dans un avenir de paix.
Nous faisons clairement le choix de cette Europe, de cet espace de codéveloppement de nations décidant souverainement de partager leurs efforts et leurs destins.
Cette image stimulante ne correspond pas - il s'en faut de beaucoup - au vécu des populations.
Ce qui grandit, c'est l'inquiétude du lendemain, la peur du chômage, des emplois précaires, des menaces pour l'éducation, la santé et les retraites. Ce qui frappe, ce sont les stratégies des grands groupes, qui sont uniquement préoccupés par l'accroissement de leurs profits financiers et qui, de délocalisations en restructuration et en fusions-absorptions, rejettent, en Europe comme dans le monde, des milliers de travailleurs dans le désespoir et la pauvreté.
Les chiffres sont là : aujourd'hui, on compte quelques 18 millions de chômeurs et près de 60 millions de pauvres dans les pays de l'Union européenne, qui sont pourtant parmi les pays les plus riches du monde.
Cette réalité n'est nullement le fruit d'une quelconque fatalité. Elle est au contraire la conséquence d'une logique libérale implacable qui conduit à la baisse le coût du travail pour accroître la rentabilité financière. Aujourd'hui, l'Union européenne est intégrée dans la mondialisation capitaliste avec une circulation accélérée et accrue des capitaux spéculatifs, une déréglementation des services publics et une réduction des dépenses publiques.
Le résultat de cette logique du traité de Maastricht est malheureusement vérifiable concrètement sur le terrain. Hier, c'était la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde ; demain, ce sera la suppression de 12 000 postes par le groupe français de télécommunication Alcatel, dont les effectifs sont, pour un tiers, en France, et dont les bénéfices sont en forte hausse. Je pourrais malheureusement multiplier les exemples. Chacun perçoit de plus en plus clairement qu'une progression des bénéfices financiers et des actions en bourse s'accompagne de toujours plus de licenciements.
Ce qui est vrai pour les entreprises l'est également pour le système bancaire. Ainsi, la volonté de fusionner la BNP avec la Société générale et Paribas, dans l'optique de construire la première banque d'Europe, voire du monde, se traduira non pas par des créations d'emplois mais, sans doute, par toujours plus de licenciements.
Quant aux décisions de privatisation du Crédit lyonnais et de modification des caisses d'épargne, elles contribuent grandement à conforter ou introduire une exigence accrue de rentabilité financière, pourtant responsable de tant de gâchis humains.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment qu'il faut remettre en cause les fondements de la construction européenne, qui sont soumis aux critères dominants de la monnaie et de la finance.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le récent exemple de la démission de M. Lafontaine en est une parfaite illustration.
M. Lafontaine a tenté d'obtenir une baisse des taux d'intérêts pour faciliter l'activité économique des entreprises publiques ou privées et favoriser ainsi la formation, la création d'emplois et la hausse des salaires. La campagne menée contre lui par les grands banquiers et la Banque centrale européenne a démontré, s'il en était besoin, leur puissance.
La démission de M. Lafontaine et la satisfaction des milieux financiers internationaux soulignent clairement la difficulté de mettre en oeuvre une politique de progrès dans le cadre de l'organisation monétaire de l'Europe aujourd'hui. Elle souligne également le rôle de la Banque centrale européenne, qui revendique son indépendance face aux pouvoirs politiques, mais qui refuse, dans le même temps, d'accepter des pouvoirs politiques indépendants d'elle.
L'emploi est, selon nous, au coeur de cette nécessaire réorientation progressiste.
Nous saluons les efforts faits durant la dernière période, à compter du sommet de Luxembourg, pour replacer l'emploi parmi les priorités de l'Europe. Il faut toutefois constater que ces efforts, notamment ceux du Gouvernement français, n'ont pas encore produit d'effets significatifs pour compenser les suppressions massives d'emplois.
A Luxembourg, sur l'initiative de la France, la lutte contre le chômage est devenue un axe de la politique européenne, mais pas sur le même plan que la réalisation de l'Union économique et monétaire. En effet, l'adoption des « lignes directrices pour l'emploi » n'est pas contraignante, elle n'est pas assortie de sanctions, alors que les critères de convergence prévoient des sanctions financières très lourdes pour les Etats.
La priorité est toujours celle de la satisfaction des marchés financiers.
M. Fauret, chargé de conférence à l'université Panthéon-Sorbonne, a bien résumé, selon moi, la situation en déclarant : « Le dispositif pour l'emploi arrêté à Amsterdam nous semble participer davantage de l'incantation ou de la méthode Coué que de l'innovation audacieuse, potentiellement de nature à résoudre le problème du chômage en Europe. »
L'employabilité, la flexibilité et la rentabilité restent les maîtres mots de la politique sociale européenne.
Est-il étonnant, dans ces conditions, que M. Balladur, lors de l'examen du traité par les députés, pousse les feux en exigeant « l'assouplissement des conditions de travail » ?
L'emploi, problème numéro un en Europe, mais ne constituant pas l'actuelle priorité, exige donc un changement de cap radical.
Un autre objectif du traité d'Amsterdam était d'engager une réforme institutionnelle en vue du prochain élargissement européen. A ce jour, compte tenu des différences d'appréciation, il y a peu d'évolution, et l'amendement proposé par le Gouvernement n'a qu'un caractère assez formel.
La réussite de cet élargissement se fondera d'abord sur la pleine participation des peuples. Le fossé qui s'élargit entre les citoyens et les centres de pouvoirs européens constitue, nombre d'entre nous le constatent, un obstacle majeur au développement de l'Europe.
Faire vivre le projet européen, l'élargir à d'autres pays, nécessite de revoir le rapport entre nation et Europe, entre citoyen et pouvoir. Il faut réaffirmer que la souveraineté, conçue comme une liberté pour chaque peuple de choisir son destin, est inaliénable. Si nous sommes, bien entendu, conscients de la nécessité de partager des responsabilités d'ordre économique, monétaire et politique, celles-ci doivent être décidées, maîtrisées et réversibles, ce qui implique, selon nous, de maintenir un droit de veto au Conseil des ministres européens.
L'intervention citoyenne et le rôle des parlements nationaux doivent retrouver une place décisive.
Ce contrôle doit être partagé avec le Parlement européen. Il est en effet nécessaire de modifier la situation actuelle, dans laquelle quelque 400 comités d'exécution ne comprenant aucun élu ont en charge le suivi des décisions de la Commission, hors de tout contrôle public et parlementaire.
Le traité d'Amsterdam permet-il d'avancer d'une manière positive vers une Europe, facteur de paix et de stabilité ?
L'OTAN assure une emprise grandissante sur notre continent. Force héritée d'un passé que l'on croyait révolu, cet organisme reste une force de guerre. L'Europe s'avère encore incapable de construire une politique de sécurité fondée sur une démarche de paix et de démilitarisation.
Le traité d'Amsterdam ne répond certainement pas aux enjeux et laisse libre cours, de fait, à la domination américaine sur le continent européen.
Je noterai également l'extrême faiblesse du traité d'Amsterdam au regard du besoin de coopération internationale pour le développement.
L'Europe constitue certes une puissance économique formidable, mais elle agit de manière insuffisante face aux souffrances qui s'abattent sur l'immense majorité de l'humanité, notamment sur les pays du pourtour méditerranéen, mais aussi sur les peuples qui ne se relèvent pas des déséquilibres instaurés jadis par le colonialisme.
Des forces montent en Europe pour s'opposer au libéralisme, ainsi que l'attestent de nombreuses luttes. Ni Maastricht ni Amsterdam ne répondent aux enjeux du XXIe siècle.
A la question : « a-t-on besoin de l'Europe ? », les communistes répondent affirmativement. Nous disons oui à des politiques et à des institutions communes au service d'un projet commun. Nous réaffirmons, sans aucune ambiguïté, notre volonté europrogressiste, mais l'Europe a besoin de changements significatifs pour se dégager des contraintes des critères financiers. La confrontation des idées est tout à fait salutaire, notamment sur les thèmes de l'Europe et de la démocratie, de l'Europe et des objectifs sociaux, de l'Europe et de la paix.
L'Europe et la démocratie, c'est aujourd'hui l'opacité la plus épaisse. L'Europe se construit sans la participation des citoyens, ce qui explique leur euroscepticisme. La démocratisation des institutions européennes est donc une question clé, quel que soit le nombre des pays concernés. Les citoyens doivent prendre leur place dans la construction européenne, en participant notamment à des référendums précédés de débats nationaux sur toutes les questions importantes.
Mais nous devons aussi penser à la revitalisation du rôle du « Comité économique et social européen », au sein duquel siègent des membres des mondes syndical, patronal et associatif, et qui pourrait avoit le droit de suspendre une décision aux conséquences contestables.
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Il faut également promouvoir une intervention politique dans des secteurs aujourd'hui indépendants, qu'il s'agisse de la Banque centrale européenne, de la Commission et de la Cour de justice, dont les arrêts sont sans appel. Les derniers événements qui sont liés à la Commission et qui ont été soulignés ce matin par plusieurs collègues montrent d'ailleurs l'importance de telles réformes.
De même, il faut trouver une articulation juste entre le respect des souverainetés nationales de chaque pays et le partage des responsabilités à l'échelon européen.
J'en viens à l'Europe et aux objectifs sociaux. Après le passage à l'euro et à la veille de l'élargissement, nous devons corriger le déficit en cette matière. L'organisation d'états généraux pour l'Europe sociale permettrait de conforter les acquis jugés positifs, d'identifier les obstacles liés à la logique libérale et de réfléchir collectivement à des investissements répondant aux besoins de la population.
On nous parle souvent du pacte pour l'emploi, mais sans référence aux moyens financiers et politiques. Pourquoi ne pas traduire en objectifs précis et contraignants, comme c'est le cas pour les critères financiers de Maastricht, les lignes directrices trop vagues adoptées par le Conseil européen de Luxembourg en décembre 1997 ?
L'important est de faire reculer la mise en concurrence des travailleurs. Plusieurs dossiers doivent avancer, notamment l'établissement d'un salaire minimum dans chaque pays, d'un haut niveau de protection sociale, d'une revalorisation des services publics et d'une réduction de la durée du travail à trente-cinq heures sans diminution de salaire et avec création d'emplois.
Ces grands axes sociaux mobilisateurs nécessitent des financements importants impliquant une autre utilisation de l'argent et aussi une dissuasion des placements financiers et de la spéculation. Nous ne pourrons évacuer plus longtemps les propositions de taxation de mouvements de capitaux.
L'Europe et la paix : c'est un acquis de l'Union européenne à préserver, mais aussi à étendre. Je pense particulièrement à la solution politique du conflit entre Serbes et Albanais du Kosovo.
Préserver la paix à l'intérieur de l'Europe implique la correction des inégalités de développement entre pays, mais aussi entre régions, d'où l'importance des mesures de solidarité comme la PAC ou les fonds structurels.
Préserver la paix, c'est rapprocher les peuples et notamment leur jeunesse grâce au développement de bourses, du type de celles qui sont disponibles dans le cadre du programme ERASMUS, mais qui sont aujourd'hui notoirement insuffisantes.
Préserver la paix, c'est aussi respecter et promouvoir les droits de l'homme dans les domaines politique, économique, social et culturel, et ce non seulement dans tous les Etats de l'Union, mais aussi dans tous les pays du monde.
Enfin, nous ne pensons pas que l'OTAN soit facteur de paix et la volonté de renforcer son rôle est plutôt la traduction d'une volonté fortement hégémonique des Etats-Unis. Alors, pourquoi ne pas revaloriser le rôle de l'OSCE, fortifiant le rôle de l'Europe ?
En conclusion, oui, l'Europe est riche en potentialités. Nous allons travailler, avec tous ceux qui le souhaitent, à les transformer en actes concrets. Aujourd'hui, le traité d'Amsterdam, englué dans les critères financiers, ne répond pas à l'attente des peuples. Nous serons donc amenés à voter contre sa ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel. Et vous aurez raison !
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat va dans quelques heures ratifier le traité d'Amsterdam. Ainsi sera achevée la procédure parlementaire.
Il reste que la France aura été le dernier des quinze pays membres de l'Union européenne à décider cette ratification, ce qui peut s'expliquer par le fait qu'il a fallu, chez nous, contrairement à la plupart de nos partenaires, procéder en deux temps avec une révision préalable de la Constitution. Celle-ci ayant été acquise le 18 janvier dernier à Versailles à une très forte majorité, le vote que nous allons émettre aujourd'hui en est la suite logique.
L'objectif assigné au traité d'Amsterdam signé le 20 octobre 1997 était de créer les conditions politiques et institutionnelles nécessaires pour permettre à l'Union européenne de se développer tout en renforçant ses acquis.
Sans revenir sur le premier débat que nous avons eu à l'occasion de la révision constitutionnelle, il s'agit aujourd'hui de nous demander ce qu'est, et surtout ce que peut être, la construction européenne avec le traité d'Amsterdam.
Ce traité a été signé en pleine phase de transition de l'Europe : mise en place de la monnaie unique, préparation de l'élargissement, préparation des réformes des politiques de l'Union, recherche de réponses à apporter aux processus de mondialisation, réflexion plus générale sur la place de l'Union sur la scène internationale, d'un point de vue aussi bien politique, social qu'économique et financier.
Que les choses soient bien claires : pour nous le traité d'Amsterdam ne constitue qu'une étape, mais une étape indispensable.
Si l'on se penche sur ce demi-siècle de travail commun pour la constitution d'une véritable union européenne, tout traité de transition qu'il est, le traité d'Amsterdam est et sera nécessaire à la poursuite de la construction européenne. Déjà il permet, par le constat de ses insuffisances et de ses points positifs, un examen critique qui permet de rebondir et de relancer la dynamique, de tester la volonté européenne des Etats membres. Il n'est pas fondateur, mais régénérateur, et il devrait contribuer à circonscrire ce que l'on veut vraiment faire en Europe, pour l'Europe et pour ses citoyens.
Je voudrais souligner d'abord ce qui constitue à nos yeux les principales avancées du traité d'Amsterdam.
En premier lieu, ce traité marque un pas certain dans le sens d'une Europe plus respectueuse des droits fondamentaux de ses citoyens. Il consacre comme fondements et valeurs de l'Union les principes de démocratie, de respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de l'Etat de droit. Il renforce la lutte contre toutes les formes de discriminations.
Ce qui prend un caractère de véritable nouveauté, c'est la création d'un mécanisme de sanction à caractère politique si une violation grave et persistante des droits fondementaux par un Etat membre est constatée, allant jusqu'à la suspension de certains des droits de l'Etat concerné.
En deuxième lieu, l'Europe se veut aussi plus proche des préoccupations de ses citoyens.
L'emploi devient un des objectifs fondamentaux de l'Union. En devenant priorité politique commune, la lutte pour l'emploi contribue à réorienter la construction européenne dans le sens de la solidarité et de la justice sociale. Depuis la signature du traité d'Amsterdam, une volonté politique commune s'est dégagée pour mettre progressivement sur un même plan l'emploi et la stabilité budgétaire liée à la mise en place de la monnaie unique.
De plus, les bases d'une politique sociale de l'Union ont été lancées avec l'intégration du protocole social dans le traité.
Mon amie et collègue Marie-Madeleine Dieulangard développera dans un moment ces acquis essentiels pour nous socialistes.
Les services publics sont élevés au rang des valeurs communes. Leur rôle est reconnu en tant que facteur de cohésion sociale et territoriale de l'Union.
S'agissant de la santé publique, les dispositions ont été renforcées dans le sens de la protection des consommateurs.
L'environnement, désormais inscrit dans les objectifs généraux de l'Union, doit être pris en compte dans l'ensemble des politiques menées par l'Union européenne à travers, notamment, la notion de développement durable.
En troisième lieu, si le traité de Maastricht a été le traité de la monnaie unique, le traité d'Amsterdam peut être considéré comme celui de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.
Ce chapitre nous a déjà largement occupés lors de la révision constitutionnelle, qui a permis de souligner l'importance des nouvelles possibilités de mener des politiques en matière d'asile, de visas et d'immigration. Un lien étroit a été, cette fois-ci, établi entre libre circulation des personnes et sécurité intérieure.
Faut-il, une fois encore, souligner les avantages d'un exercice commun des politiques en matière de libre circulation des personnes, qui sont indispensables à la concrétisation d'un véritable espace européen de liberté, de justice et de sécurité ?
L'intégration des acquis de Schengen est, dans cette perspective, essentiel. Véritable acquis de l'Union, c'est l'intégration d'un mécanisme qui a fait ses preuves.
Enfin, avec la communautarisation de la coopération judiciaire civile et le renforcement de la coopération en matière pénale, une voie est aujourd'hui ouverte vers la constitution d'un espace judiciaire européen.
Un véritable espace de liberté est donc dessiné dans ce traité, qui fait aujourd'hui partie de l'identité européenne. C'est la conjugaison d'une garantie de sécurité aux frontières de l'Union et du processus d'harmonisation des politiques liées à la libre circulation des personnes qui contribue fortement à renforcer la sécurité des citoyens.
Je relèverai enfin au chapitre des évolutions positives les dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune avec la mise en place d'une unité de planification et d'alerte rapide, ainsi que l'institution d'un haut représentant pour la PESC, poste qui devrait revenir à une personnalité politique.
Ainsi, comme on le voit, ce traité contient de nombreuses potentialités et offre des possibilités d'action certaines.
Faut-il pour autant s'en satisfaire ? Je réponds tout de suite que ces dispositions demeurent à nos yeux insuffisantes. Elles le sont non seulement au regard des ambitions affichées à l'origine, mais surtout compte tenu de la nécessité même de réformer l'Union afin de revitaliser sa dynamique intégratrice et d'assurer de bonnes conditions politiques et institutionnelles pour un nouvel élargissement.
Le principal échec est donc bien celui de la réforme des institutions qui a été à peine ébauchée.
Certes, la complexité institutionnelle a été réduite, mais de façon très insuffisante.
Quelques avancées, cependant, sont à noter : dans le sens d'une plus grande efficacité des décisions, avec l'extension de la majorité qualifiée à de nouveaux domaines ; dans le sens d'un fonctionnement plus démocratique, avec le renforcement des pouvoirs législatifs du Parlement européen, à travers notamment l'extension de la codécision ; dans le sens d'une plus grande efficacité des politiques, avec l'introduction de la possibilité d'engager des coopérations renforcées.
Ce dernier mécanisme est encore ambigu : c'est un facteur d'intégration puisqu'il permet aux Etats membres qui se sentent prêts de pousser plus avant leur coopération et la coordination de leurs politiques ; c'est aussi un outil de cohésion dans un certain sens, puisqu'il permettra à l'avenir d'éviter la multiplication des exceptions, en particulier dans la perspective de l'élargissement à de nouveaux pays qui doivent reprendre l'ensemble de l'acquis communautaire ; mais c'est également s'agit de l'un vecteur potentiel de l'organisation à terme d'une Europe à plusieurs vitesses.
En tout état de cause, ce système de coopération renforcée ne doit pas être un substitut à une véritable réforme des institutions.
D'autres avancées du traité d'Amsterdam vont dans le sens d'une plus grande transparence, avec la perspective d'une meilleure association des Parlements nationaux au processus communautaire, et dans le sens d'une plus grande légitimité démocratique, avec le renforcement des pouvoirs de la Cour de justice, en particulier dans la protection des droits fondamentaux et individuels.
Malgré le consensus dégagé sur la nécessité d'une réforme, aucun compromis satisfaisant pour l'ensemble des Etats membres n'a pu être trouvé jusqu'à présent pour régler la vraie question de l'efficacité et de la cohérence du fonctionnement des institutions à travers, essentiellement, la réforme du mode de prise de décision.
A ce propos, je voudrais souligner à nouveau que, contrairement à ce que certains affirment, la procédure de la majorité qualifiée est beaucoup plus favorable à la France, pays volontariste en matière européenne, que ne l'est l'unanimité. Cette procédure évite en effet toute possibilité de veto d'un seul pays. La majorité qualifiée améliore aussi la qualité des décisions, qui risquent moins d'être prises selon le plus petit dénominateur commun.
C'est l'efficacité dans une union élargie qui importe avant tout, ce qui suppose notamment - cela a déjà été dit, je me bornerai à le résumer - une repondération des voix au sein du Conseil et une nouvelle composition de la Commission européenne.
Il est évident que ce dernier problème trouve aujourd'hui une actualité toute particulière, qui doit nous amener à réfléchir non seulement sur la composition de la Commission, mais également sur son fonctionnement et sur les conditions d'exercice de ses pouvoirs.
M. Michel Barnier. Très bien !
M. Claude Estier. D'une façon générale, il s'agit de faire en sorte que le prochain élargissement n'affaiblisse pas les institutions surtout s'il se traduit par une augmentation du nombre des petits pays.
C'est pourquoi nous ne pouvons que nous féliciter de l'adjonction par le Gouvernement - lui seul pouvait le faire ; mais il l'a fait, M. de Villepin l'a rappelé tout à l'heure, en concertation étroite avec le Parlement - d'un article 2, qui donne encore plus de force à la déclaration que la France a signée avec la Belgique et l'Italie, soulignant la nécessité pour l'Union de réaliser, avant la conclusion des premières négociations d'adhésion, une réforme de ses institutions qui lui permette de poursuivre la conduite de ses politiques, conformément à ses objectifs de paix, de prospérité et de solidarité, tout en accueillant de nouveaux membres.
Afin que le fonctionnement des institutions de l'Union soit, comme le prévoit cet article 2, plus démocratique et plus efficace, nous soutenons en particulier l'extension de la majorité qualifiée à tous les domaines susceptibles de contribuer à la lutte pour l'emploi.
Nous examinerons avec attention les premières propositions que la présidence allemande soumettra au Conseil européen de Cologne en juin prochain.
Nous sommes favorables à la mise en place d'un comité des sages, qui puisse préparer dans de bonnes conditions cette réforme majeure qui pourrait être adoptée sous la présidence française au cours du second semestre 2000, comme vous venez, monsieur le ministre, d'en exprimer l'espoir et comme nous l'espérons tous.
En attendant, il serait souhaitable que, dès à présent, soient examinées les possibilités d'amélioration du fonctionnement des institutions sans même qu'une modification du traité soit nécessaire. Nous soutiendrons toute initiative qui irait dans ce sens. En particulier, nous encourageons le gouvernement français dans sa volonté que le budget européen permette de développer réellement les potentialités du traité qui puissent se mesurer à l'aune de la création d'emplois.
Mes chers collègues, je dirai en conclusion que, au regard des actions déjà entreprises, le traité d'Amsterdam permet l'enclenchement d'une nouvelle dynamique. Si ses dispositions sont insuffisantes, aucune d'entre elles n'est cependant inacceptable.
Notre défi aujourd'hui consiste à approfondir et à dépasser les dispositions d'Amsterdam. Un grand pas a déjà été fait dans ce sens depuis juin 1997, en particulier dans le domaine de l'emploi.
Avancer vers une union plus politique, rechercher plus encore la convergence entre l'approche économique et l'approche politique de la construction européenne, faire de l'Europe un véritable espace de croissance, de liberté et de justice, tels sont et demeurent nos objectifs. Au-delà du traité d'Amsterdam, sachons mobiliser nos énergies pour les atteindre ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la réforme de la Constitution, le débat et le vote de ce jour sur le traité d'Amsterdam sont à la fois une formalité et une minute de vérité.
Formalité, puisque l'accord du Parlement ne fait pas de doute et que la médiocrité du contenu même du traité lui évite du moins de prêter le flanc à aucune critique majeure, si ce n'est celle que provoque son insuffisance même.
Minute de vérité, parce que cette insuffisance, placée sous la lumière vive et cruelle de l'actualité - particulièrement en ce jour - autorise et rend même nécessaire une critique qui atteigne non seulement les dispositions du traité - ou son manque de dispositions ! - mais, à travers elles, les questions de fond qu'il n'a pas su résoudre et les questions de méthode.
Je m'en tiendrai ici à trois brèves réflexions, laissant à mon collègue M. Denis Badré le soin de présenter tout à l'heure une analyse d'ensemble.
Ma première réflexion sera pour remercier la commission des affaires étrangères et son rapporteur de l'excellent travail accompli, qui a le mérite rare de dégager clairement les acquis - pour autant qu'il y en ait...
M. Emmanuel Hamel. Ils sont rares !
M. Pierre Fauchon. ... et les insuffisances, hélas beaucoup plus lourdes, du traité.
Le rapport de la commission a également le mérite de mettre en lumière les atermoiements, les contradictions, en particulier en ce qui concerne les coopérations renforcées, les lacunes sur les institutions, comme sur la PESC.
Il a peut-être plus encore le mérite de mettre le doigt sur la cause de toutes ces malfaçons, qui réside dans cette méthode des conférences intergouvernementales, dont il faut bien constater que ce traité marque les limites dès lors qu'il s'agit d'imaginer et d'innover. Or, justement, il s'agissait d'imaginer et d'innover !
Je puis d'autant plus souscrire aux conclusions de ce rapport qu'elles reprennent largement celles qui ont été exprimées précédemment par la délégation pour les affaires européennes dans un texte que j'avais eu l'honneur de soumettre à son approbation à l'époque de notre regretté et excellent ami et collègue, M. Genton.
Plusieurs sénateurs sur diverses travées. Il est toujours en vie !
M. Pierre Fauchon. Je qualifie M. Genton de « regretté collègue » en tant qu'il a cessé d'être membre du Sénat ! Il est certes bien vivant et va publier incessamment ses mémoires, si ce n'est déjà fait, mémoires fort intéressants d'ailleurs.
M. Emmanuel Hamel. Nous les lirons avec intérêt !
M. Pierre Fauchon. Ma deuxième réflexion concerne le deuxième pilier, c'est-à-dire la politique extérieure et de sécurité commune.
A la lumière des événements les plus récents, il est permis de penser que la création tant d'un poste de « haut représentant », si haut soit-il dans le vocabulaire, que d'une « unité de planification et d'alerte rapide », si rapide soit-elle dans le vocabulaire, ne saurait être présentée comme autre chose qu'un aménagement technique dont il n'est même pas sûr qu'elle constituera une amélioration réelle, étant donné l'absence de coordination avec la Commission.
Sont tout autrement significatifs dans ce domaine la reconnaissance de l'abstention constructive, dans des conditions pour le moins ambiguës, vous l'avez souligné, et le fait que ce domaine ne peut donner lieu à des coopérations renforcées. On voit bien, dès lors, qu'il ne s'est dégagé aucune volonté politique réelle. L'organisation de l'actuelle conférence sur le Kosovo, dont on peut se féliciter, montre tout à la fois que les Européens ne sont pas incapables d'agir sur les événements qui les concernent, quand ils le veulent, mais qu'une telle action ne parvient pas à s'inscrire dans le cadre de l'Union, ce qui en limite inévitablement l'autorité et les moyens.
Ainsi se trouve posé, comme cela été fait excellemment par M. de Villepin, le problème même des coopérations renforcées, qui doit être au coeur de nos réflexions et dont l'importance est de plus en plus évidente au fur et à mesure que, d'une part, les Européens, ou du moins certains d'entre eux, reprennent conscience de leurs responsabilités dans un monde qui ne saurait se soumettre à un leadership unique et que, d'autre part, la multiplication des membres de l'Union tend à en faire une zone commune d'échanges et de gestion, placée sous le signe du libéralisme, d'un libéralisme assez irresponsable mais dépourvu de conscience et de volonté politique claire.
Ma troisième et dernière réflexion portera sur le problème des institutions.
A juste titre, le second article proposé met l'accent sur la double préoccupation de les rendre plus efficaces et plus démocratiques.
On a dit beaucoup de choses excellentes sur ce sujet. Je me permettrai surtout de suggérer d'ajouter à ses termes celui de « clarté ». En effet, le premier défaut des institutions européennes est peut-être, d'abord et avant tout, l'absence de clarté : absence de clarté dans les responsabilités qui sont tellement entremêlées, souvent sous le beau nom de « codécisions », que l'on se trouve en présence d'une confusion et non d'une séparation des pouvoirs, ce qui est contraire aussi bien à l'efficacité qu'à la démocratie.
Le conflit actuel entre le Parlement et la Commission est à cet égard plein d'enseignements. N'est-ce pas une situation étrange que celle d'un Parlement qui envisage de censurer une Commission qu'il ne nomme pas à proprement parler, même s'il en approuve la nomination, qui se demande s'il va procéder à des censures individuelles ou collectives, qui porte sa critique sur des points de gestion assez mineurs, il faut bien le dire, à l'égard desquels la censure, me semble-t-il, appartiendrait plutôt au Conseil européen qu'au Parlement ? Généralement, les exécutifs qui peuvent être censurés sont ceux qui représentent les majorités des parlements, qui sont issus de ces majorités et qui en ont au départ reçu la confiance. En l'occurrence, tel n'est pas le cas, même s'il existe une sorte de vote d'investiture.
Enfin, si le Parlement a la faculté de censurer, il ne peut pas être dissous. Or, dans une démocratie moderne, il convient que le législatif, qui dispose du pouvoir de censure, soit aussi menacé de dissolution de la part de l'exécutif, pouvoir qui, dans la théorie pourrait appartenir au Conseil européen.
On voit bien que nous sommes dans un système qui « coince », si j'ose employer cette expression, et qui n'est pas satisfaisant.
Une autre absence de clarté, tout aussi importante, réside dans les règles de jeu dont la complexité est encore aggravée par le traité d'Amsterdam. La seule lecture de ce traité est en elle-même une redoutable épreuve. Peu nombreux sont ceux qui ont la capacité d'intégrer tout ce qu'il contient.
M. Emmanuel Hamel. C'est en effet incompréhensible.
M. Pierre Fauchon. Ce n'est pas incompréhensible pour l'ensemble de nos collègues, mais c'est difficile à intégrer. On comprend ligne par ligne mais, quand on essaie de raccorder toutes les données, on s'aperçoit que l'on est devant un buisson d'épines impénétrable. L'ensemble des institutions européennes donne l'impression d'être un fourré impénétrable qui décourage et irrite des gens comme notre excellent collègue, et je le comprends quelquefois.
M. Emmanuel Hamel. Ah !
M. Pierre Fauchon. Surtout, cela révolte les citoyens européens que l'on voudrait par ailleurs rendre conscients et fiers de leur oeuvre commune.
Dès lors, il apparaît de plus en plus clairement que la question de constitution d'une Union européenne digne de ce nom se trouve posée et qu'elle ne cessera de grandir au fil d'une actualité toujours plus riche.
A cet égard, vient immédiatement à l'esprit un problème de procédure. En effet, les plus ardents, les plus résolus rêvent - et j'en entends de plus en plus souvent parler - d'une sorte d'assemblée constituante, à l'image de la convention de Philadelphie, fondatrice des Etats-Unis d'Amérique. Mais on ne peut alors s'empêcher de penser à un autre congrès, le Parlement de Francfort de 1848, qui s'est perdu dans les méandres des débats parlementaires. Nous devons donc être attentifs à ces deux leçons de l'histoire, en nous souvenant que c'est le Parlement de Francfort qui est l'exemple le plus proche de nous.
Je serais pour ma part - mais cela est strictement personnel - plus enclin à souhaiter que le Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement s'attaque à ce sujet, sans doute avec le concours d'autres institutions, notamment le Parlement européen et les parlements nationaux, mais en imprimant à la démarche - et les institutions de la Ve République nous l'ont appris - ce que seul un exécutif volontaire peut apporter de clarté et de cohérence.
D'ailleurs, d'une manière générale, j'ai tendance à penser - et les événements de cette nuit me confortent dans cette opinion - que ce qui manque le plus à l'Europe, au-delà des problèmes de pondération des voix, de majorité, de nombre de commissaires notamment, c'est un exécutif fort, donc nécessairement concentré. Ce peut-être une personne, ce peut-être un collège restreint, mais cet exécutif doit être capable de surmonter les particularismes, de dépasser les intérêts particuliers et catégoriels pour dégager une politique telle que les citoyens de nos vieilles nations et beaucoup d'autres dans le monde - ils sont nombreux, et nous en rencontrons à chacun de nos voyages - puissent penser avec confiance et avec fierté : l'Europe est de retour !
C'est dans cet esprit que les membres du groupe de l'Union centriste voteront le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants considère la construction européenne comme essentielle pour l'avenir de la France. Cependant, elle a souvent été mal expliquée et parfois mal comprise. Elle a pu donner l'impression de se faire pour les peuples, mais sans eux.
Il est vrai que certaines décisions prises à Bruxelles peuvent paraître lointaines et mal adaptées à nos spécificités nationales et locales.
Aussi ne doit-on pas être surpris d'entendre certaines remarques et interrogations touchant à la préservation de notre identité, à notre indépendance, à nos traditions.
Quelles garanties comporte le traité d'Amsterdam ? Nous devons répondre à ces préoccupations et apporter des apaisements.
Ainsi, l'absence de réforme profonde des institutions européennes ne doit pas dissimuler certaines avancées démocratiques comme l'élargissement de la procédure de codécision ou le renforcement du contrôle du Parlement européen sur la Commission de Bruxelles.
De plus, le traité permet de réaliser certains progrès en ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, même si beaucoup reste à faire dans ce domaine.
A ce sujet, j'adhère totalement à ce qu'a dit mon collègue Jean-Paul Emin lors du débat organisé sur cette question au Sénat, le 11 février dernier.
La conférence de Rambouillet est porteuse de nouveaux espoirs pour le Kosovo. Son existence a déjà représenté un premier progrès pour l'Europe. L'approbation du projet d'accord par les Kosovars, hier, à Paris, en est un autre.
Ces progrès montrent que la conviction et la solidarité européenne peuvent donner des résultats. Mais le volontarisme ne doit pas nous conduire au triomphalisme. Nous devons avoir conscience des limites d'une PESC à la maturation lente, aux objectifs souvent trop ambitieux et aux résultats parfois décevants.
Si le traité d'Amsterdam renforce la politique étrangère, il devra encore franchir certains obstacles majeurs, comme les divergences des Etats membres en matière de stratégie et d'objectifs diplomatiques et militaires.
L'Europe doit se construire politiquement avant de s'affirmer diplomatiquement. La PESC ne peut qu'être le prolongement extérieur de l'Europe politique. Elle ne peut réussir sans elle.
Je souhaite également évoquer le volet emploi du traité d'Amsterdam, qui a été mis en oeuvre par anticipation et auquel nous attachons une attention toute particulière. L'emploi doit, en effet, constituer l'une des priorités des actions conduites au niveau européen.
La Commission de Bruxelles a proposé plusieurs lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres. Je rappellerai simplement que la délégation pour l'Union européenne et la commission des affaires sociales de notre assemblée se sont prononcées sur ces propositions en décembre dernier.
Beaucoup reste à faire dans ce domaine, même si le traité d'Amsterdam apporte, là encore, quelques améliorations.
Ce traité contient, par ailleurs, certaines avancées, certes limitées, en matière de droits fondamentaux et de non-discrimination, de reconnaissance des missions de service public, de protection de l'environnement, de santé publique et de politique commerciale.
Il intègre, enfin, l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne. Celle-ci pourra ainsi bénéficier d'une coopération en matière de sécurité et de libre circulation qui, malgré ses limites, a montré son intérêt et ses qualités.
Le traité d'Amsterdam n'est donc pas négligeable. Il doit être considéré non pour ce qu'il aurait dû être, mais pour ce qu'il est : un pas dans la bonne direction, malgré quelques divergences qui constituent autant de « pièges » dans lesquels il faudra éviter de tomber. Quatorze Etats l'ont ratifié. La France est la dernière à le faire.
La décision du Conseil constitutionnel du 31 décembre 1997 nous a imposé un processus en deux étapes. La réforme de la Constitution que nous avons adoptée à Versailles, le 18 janvier dernier, en constitue la première.
Je sais que certains de nos collègues auraient souhaité que nous allions plus loin, notamment en ce qui concerne le contrôle du Parlement. Mais le véritable enjeu n'est pas l'extension du champ d'application de l'article 88-4, même si celle-ci est un point positif. En effet, elle ne règle pas le problème fondamental de la place des parlements nationaux dans le processus de décision communautaire.
M. Michel Barnier. Très bien !
M. James Bordas. Or là est le véritable enjeu politique. L'important n'est pas de parler ; il faut être entendu.
C'est non pas le nombre de résolutions qui compte, mais la manière dont elles sont prises en compte.
M. Michel Barnier. Exactement !
M. James Bordas. L'article 2 du projet de loi que nous examinons aujourd'hui permet à la France d'exprimer sa détermination de voir réaliser des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l'Union européenne avant que s'engagent les premières négociations d'adhésion.
Cet article ne revêt aucun caractère normatif ni contraignant et il doit plutôt être interprété comme un message politique à l'intention de l'opinion publique et comme un message diplomatique en direction de nos partenaires.
En tant que parlementaires, nous devons l'interpréter comme un appel à prendre plus d'initiatives. Nous ne devons pas laisser les diplomates décider seuls de l'avenir institutionnel de l'Europe et donc, indirectement, de notre propre avenir.
La méthode intergouvernementale a montré ses limites et nous pouvons craindre que la nouvelle CIG, à l'origine de laquelle devrait se trouver le Conseil européen de Cologne, en juin prochain, ne conduise aux mêmes échecs que par le passé.
C'est à nous, parlementaires, de prendre des initiatives en la matière. A cet égard, les parlements nationaux doivent s'imposer pour pouvoir être en position de force lors de la future réforme des institutions de l'Union. Ils doivent non pas attendre que l'on pense à eux, mais gagner leur place dans le concert européen, afin d'obtenir une réelle influence sur les décisions qui sont prises à ce niveau.
La création d'une représentation permanente du Sénat à Bruxelles constituera un premier pas en ce sens, mais il faudra aller plus loin encore.
Le groupe des Républicains et Indépendants défend une vision libérale et démocratique de l'Europe. Ce choix transcende le clivage entre défenseurs de la souveraineté nationale et partisans du fédéralisme. Il signifie que l'Europe doit faire vivre ensemble, de manière harmonieuse, la diversité des peuples et des Etats qui la composent. Il implique également une réforme des institutions européennes sur la base d'un principe de subsidiarité mieux compris et d'un contrat qui préciserait clairement les droits et les obligations des institutions nationales et européennes.
Cette réforme devra notamment concerner la Commission européenne, dont la démission, hier soir, doit nous amener à réfléchir sur son rôle...
M. Emmanuel Hamel. En le réduisant !
M. James Bordas. ... et sur son fonctionnement. Elle devra aussi donner aux parlements nationaux la place qu'ils méritent, celle qui leur revient au nom des peuples qu'ils représentent.
C'est de cette manière que l'Europe pourra relever les défis qui l'attendent : consolidation de l'euro, achèvement de l'Union économique et monétaire, financement futur des politiques communes, harmonisation sociale et fiscale, élargissement...
C'est dans cette perspective que nous devons considérer le traité d'Amsterdam, qui ne constitue qu'une étape dans le long processus de la construction européenne.
C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants approuvera le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui. (Applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborde ce débat en ayant en mémoire l'excellent plaidoyer en faveur de la construction européenne prononcé ici même par le président Vaclav Havel et, comme vous tous, je suis sous le coup de la démission collective de la commission qui vient d'intervenir.
C'est la raison pour laquelle je ne peux m'empêcher de penser, en dépit de l'excellent rapport de M. de Villepin, dans lequel tout était dit, que la ratification du traité d'Amsterdam ne fera que modestement avancer l'oeuvre entreprise depuis un demi-siècle. Mais je ne suis guère étonné qu'à l'occasion de ce débat chacun souhaite réaffirmer ses convictions favorables ou opposées à l'Europe, afin de prendre date, bien que la dernière révision constitutionnelle, votée à une très large majorité par le Congrès, rende quelque peu dépassé l'inventaire détaillé des éléments positifs et négatifs du traité d'Amsterdam.
Intervenant au nom de mes collègues du Rassemblement démocratique et social européen, je souhaite présenter quatre brèves observations et formuler un voeu.
Ma première observation concerne l'acquis éventuel du traité que nous devons ratifier, à savoir le renforcement de la coopération en matière de libre circulation des personnes et l'évolution vers une politique commune intégrant les acquis de Schengen. C'est pour moi un progrès, car il est cohérent d'aller vers une définition à la majorité qualifiée, dans cinq ans, des politiques d'immigration, d'asile et de contrôles aux frontières.
L'évolution du monde, le développement rapide des mafias de toutes espèces et l'attraction qu'exerce de plus en plus sur tous les déshérités d'Afrique et d'Asie le niveau de vie et d'emploi de l'espace européen sont incontournables. Il faudra que l'évolution engagée par le traité se poursuive en matière pénale et policière. Quelle que soit la dimension de l'Union européenne, que nous soyons quinze, vingt ou vingt-cinq Etats, il est inconcevable que la sécurité des frontières et la répression d'un certain nombre de crimes et délits ne soient pas traitées en commun. A cet égard, le traité va dans la bonne direction.
La deuxième observation que je tiens à présenter va plutôt en sens inverse. Rien, en effet, dans le traité et dans les protocoles qui l'accompagnent ne prévoit les conséquences de la mise en place de l'euro. S'il est question de l'Europe sociale - cela a été beaucoup évoqué dans les interventions précédentes - rien n'est dit sur les conséquences qu'il va falloir tirer de la création d'une monnaie unique en matière de fiscalité, de politique budgétaire et de financement de la protection sociale. D'ailleurs, j'ai noté que, au cours du débat à l'Assemblée nationale, certains orateurs hostiles à la poursuite de la construction européenne ont fait de la monnaie unique et du rôle de la Banque centrale européenne la cible de leurs interventions et déploré le caractère trop monétariste de cette avancée.
Il convient, monsieur le ministre, que vous soyez plus explicite sur ce point essentiel et que vous nous disiez, suffisamment à l'avance, ce que le Gouvernement proposera pendant la présidence française pour consolider cette étape importante. Comment mieux coordonner les politiques budgétaires et fiscales ? Comment aborder le choc des années 2010 en matière de retraites dans l'ensemble des pays européens ? Comment faciliter la création d'entreprises tournées vers les nouvelles technologies ? Comment financer à la fois - c'est la grande interrogation - les politiques communes, les conséquences de l'élargissement et l'effort de coopération vis-à-vis des pays émergents sans surcharger les contribuables européens ? C'est sur ces points, monsieur le ministre, que le Gouvernement est attendu.
En troisième lieu, le traité d'Amsterdam est, à mon avis, trop timide sur la mise en oeuvre du principe de subsidiarité. Il est pourtant essentiel, aussi bien pour démocratiser davantage les institutions européennes que pour donner du poids au Parlement européen et aux parlements nationaux, de donner un contenu précis à ce principe. Comme l'ont proposé MM. Giscard d'Estaing et Balladur, il serait utile d'« élaborer un véritable code des réglementations européennes précisant à chacun ses droits, ses compétences et ses devoirs ». Sinon - c'est le risque que nous courons, mes chers collègues - ce sont les juridictions qui définiront, chacune à sa manière et selon ses traditions, les bases juridiques qu'il conviendra de respecter. Certes, la pratique de la décentralisation à la française n'est peut être pas le modèle absolu à proposer à nos partenaires. Mais si l'on veut rendre la construction européenne plus lisible et donc mieux acceptée, il est nécessaire de s'orienter dans cette voie.
Ma quatrième observation sera pour apporter le soutien de mon groupe à l'amendement introduit par le Gouvernement au texte même de la ratification du traité. Rejoignant la déclaration franco-italo-belge sur le « préalable institutionnel à l'élargissement » et résultant d'un large consensus qui, comme l'a rappelé très justement M. de Villepin, au nom de la commission des affaires étrangères, dépasse les clivages politiques traditionnels, cette disposition exprime clairement la position de tous ceux qui redoutent un dysfonctionnement des institutions européennes. Le Gouvernement, en proposant ce texte, a pris un engagement : nous serons vigilants quant à sa matérialisation.
Cependant, il est clair que les incidents de la nuit dernière apportent un éclairage sur ce point. Pour ma part, j'y vois non pas une crise grave, mais la prise de conscience par le Parlement européen de son rôle en matière de contrôle de la Commission. J'y vois aussi la nécessité, pour les membres de la Commission, de contrôler leurs administrations, et de ne pas simplement se comporter comme des dirigeants désincarnés appelés à sanctionner ce qui leur est proposé par leurs services. Par ailleurs, l'aspect collectif de la Commission doit prendre plus d'importance.
Il me semble, monsieur le ministre, que le Gouvernement français pourrait saisir l'occasion de cette crise pour faire des propositions. En effet, on ne saurait laisser subsister une vacance de l'ensemble des institutions européennes. Peut-être cette crise permettra-t-elle d'accélérer la réforme des institutions, à laquelle nous sommes tous attachés ?
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. J'en arrive au voeu que je souhaite présenter pour conclure mon intervention, même si, je le sais, il ne ralliera pas une très large majorité.
M. Serge Vinçon. Sait-on jamais ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Comme l'a dit M. François Bayrou à l'Assemblée nationale et ainsi que l'a proposé ici même le président Vaclav Havel, le traité d'Amsterdam devrait marquer la fin de la construction de l'Europe par le biais des traités.
Mes chers collègues, chacun ici est attaché à la politique agricole commune, même si nous sommes soucieux de préserver les souverainetés nationales. Cette fantastique contradiction, qui traverse tout le paysage politique français, me paraît toujours quelque peu amusante. Nous avons fait suffisamment de progrès, nous avons mis en oeuvre suffisamment de politiques communes pour pouvoir envisager la préparation d'une constitution européenne écrite de manière lisible et compréhensible par tous.
Il est sûrement utopique de faire une telle proposition aujourd'hui, mais le passage de négociations complexes conduites par des experts prudents à l'élaboration d'une véritable Constitution marquera, pour nos concitoyens comme pour les autres Européens, un véritable changement. Dimension politique, subsidiarité et Constitution, tels sont les trois élements majeurs d'une avancée de la politique européenne, à laquelle, pour ma part, j'apporterai mon entier soutien.
L'Europe est riche de mécanismes, d'institutions, de systèmes. Notre objectif essentiel doit être de lui donner un sens et une dimension politique. C'est pour les jeunes générations que nous travaillons, c'est pour elles que nous tenons à dépasser les objectifs, parfois jugés trop monétaristes, pour leur proposer demain des emplois compétitifs et une responsabilité politique à l'échelle du continent européen.
L'entrée réussie de l'euro et l'échec renouvelé au Kosovo indiquent les deux bornes de la construction européenne. Elles marquent le chemin qui nous reste à accomplir. C'est pourquoi mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen apporteront leurs suffrages au projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - Mme Dieulangard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui, adopté par l'Assemblée nationale, et autorisant la ratification du traité d'Amsterdam, représente un enjeu considérable pour notre pays.
Nous le savons, le traité d'Amsterdam, signé le 17 juin 1997, doit, pour entrer en application, être préalablement ratifié par chacun des pays de l'Union européenne, sans exception. A l'heure actuelle, tous les pays membres l'ont effectivement ratifié, à l'exception de la France. Singulière situation pour notre pays qui veut être le moteur de l'Europe. Peut-être est-ce la marque de sa prudence ? Maintenant, mes chers collègues, faisons parler la raison et autorisons la ratification du traité d'Amsterdam qui ouvre une nouvelle page de l'histoire de l'Europe en affirmant l'ambition de la France.
Le traité d'Amsterdam est l'aboutissement de la Conférence intergouvernementale prévue par le traité de Maastricht, de façon à le remplacer. Ce dernier, rappelons-le, instaurait l'Union européenne le 7 février 1992. Il reposait sur trois piliers, le premier étant constitué des Communautés européennes, le deuxième concernant la politique étrangère et de sécurité, le troisième la justice et les affaires intérieures.
L'objectif du traité d'Amsterdam est de consolider ces trois piliers. Ses apports se situent dans quatre domaines : placer l'emploi et les droits des citoyens au coeur de l'Union ; supprimer les dernières entraves à la libre circulation et renforcer la sécurité ; permettre à l'Europe de mieux faire entendre sa voix dans les affaires internationales, en simplifiant les procédures de décision dans ce domaine ; enfin, rendre plus efficace l'architecture de l'Union en vue de son élargissement.
Le traité d'Amsterdam démontre la volonté de prendre en compte les fortes demandes sociales qui sont exprimées par les citoyens. Avec vingt millions de chômeurs dans l'Union européenne, le chômage constitue le problème économique et sociale le plus préoccupant. Il représente en effet un véritable fléau à la fois humain et économique. Humain d'abord, si l'on considère la perte de reconnaissance sociale qu'il représente et les répercussions sur la cellule familiale qui, je ne peux m'empêcher de le rappeler, est la base de notre société.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Serge Vinçon. Economique ensuite, dans la mesure où il est un fardeau pour les finances publiques.
Plus que jamais, l'Union européenne doit jouer un rôle moteur en matière de politique de l'emploi et de lutte contre le chômage. Le traité d'Amsterdam lui en donne les compétences. A titre d'exemple, je citerai celle qui prévoit la mise en place d'une coordination des politiques de l'emploi, avec, en particulier, l'adoption par le Conseil de lignes directrices annuelles dont les Etats membres de l'Union européenne sont invités à tenir compte.
Tous ici nous sommes persuadés que l'Europe ne peut se permettre de regarder les Etats-Unis gérer les crises à sa place, encore moins de subir éternellement l'hégémonie américaine en matière de défense. Dans ce domaine également le traité d'Amsterdam met en place des outils permettant de faire naître, enfin pourrions-nous dire, cette politique européenne et de sécurité commune que nous appelons de nos voeux. En effet, il prévoit notamment la possibilité de définir pour les Quinze des stratégies communes par le biais du Conseil européen. Cette décision ne pourra être prise qu'à l'unanimité, mais les Etats qui le souhaitent pourront adopter une attitude d'abstention constructive. Il crée, par ailleurs, une unité de planification et d'alerte rapide, capable de donner les analyses communes et les impulsions nécessaires à la PESC. Il dote enfin l'Union européenne d'un haut représentant pour la politique étrangère, qui travaillera à la cohérence diplomatique et à la mise en oeuvre des stratégies communes.
Afin que l'Union européenne puisse disposer en propre d'une double capacité à décider et à agir et participer activement à l'équilibre géopolitique de la planète, il est urgent de donner à la politique européenne et de sécurité commune toute sa crédibilité. Ainsi, l'Europe pourra non seulement prévenir les conflits, mais également être un acteur majeur et incontournable sur la scène internationale. C'est bien évidemment l'une des raisons pour lesquelles la ratification du traité d'Amsterdam s'impose.
C'est dans le domaine de la sécurité, de la justice et de la liberté de circulation dans un espace sans frontières que le traité d'Amsterdam présente les avancées les plus importantes. La réforme prévue doit permettre une mise en commun des moyens et des expériences dans ces domaines, afin d'améliorer et de coordonner l'efficacité des politiques nationales.
Le traité prévoit l'unanimité comme seule modalité de décision, au moins pendant cinq ans, pour les questions relatives au droit d'asile, à l'immigration, à la libre circulation et à la coopération policière et judiciaire. Aucune décision ne peut être adoptée contre l'avis d'un Etat, même si celui-ci est isolé dans son refus. Passé le délai de cinq ans, le Conseil peut prendre des décisions à la majorité qualifiée. Disons-le sans ambages, nous regrettons que l'amendement déposé par le groupe du Rassemblement pour la République lors du débat sur la révision constitutionnelle n'ait pas été retenu.
M. Michel Caldaguès. Très bien !
M. Serge Vinçon. Il donnait au Parlement l'occasion de prendre toute sa place pour légitimer le Gouvernement dans sa décision de passer ou non à la majorité qualifiée. Ce vote solennel aurait traduit la volonté du peuple français exprimée à travers ses représentants. Il aurait eu non pas seulement une portée symbolique, mais bien une dimension politique incontestable et utile, j'en suis sûr, pour le Gouvernement.
M. Michel Caldaguès. On ne saurait mieux dire !
M. Emmanuel Hamel. Alors, il faut voter « non » !
M. Serge Vinçon. Néanmoins, nous ne pouvons pas imaginer qu'un gouvernement, quel qu'il soit, fasse fi, à cette date, de l'avis du Parlement qui, de toute façon, pourra provoquer un débat sur le sujet.
L'Union européenne est à un tournant crucial de son histoire. Après l'instauration de l'euro, il lui reviendra, dans les prochaines années, de gagner le pari de l'élargissement à l'Europe centrale et orientale. Pour y parvenir, elle doit réformer ses institutions, tant il est vrai que l'élargissement ne peut se faire au détriment du processus d'intégration. L'Union européenne, nous le savons, fonctionne déjà difficilement à quinze, et ne pourra en aucun cas remplir correctement ses missions avec deux fois plus d'Etats membres si ses institutions et mécanismes ne sont pas réformés. Le Président de la République le répète sans cesse : une réforme institutionnelle est indispensable avant tout élargissement. Comment imaginer qu'il ne soit pas impératif de modifier la pondération des voix au Conseil des ministres ? Si cette réforme institutionnelle n'était pas accomplie, l'Europe risquerait une véritable paralysie.
Il est rassurant de constater que le traité d'Amsterdam a su prévoir une situation aussi délicate. En effet, un protocole spécial y stipule qu'au moins un an avant que le nombre d'Etats membres n'excède vingt une nouvelle conférence intergouvernementale se réunira afin de procéder à une révision d'ensemble du fonctionnement des institutions. L'article additionnel rappelle cette exigence du Président de la République.
Adopter le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam est une nécessité tant il est vrai que, aujourd'hui, enjeu national et enjeu européen sont en permanence étroitement liés, tant il est vrai, également, que l'engagement national et l'engagement européen sont indissociables, tant il est vrai, enfin, que l'avenir de la France et l'avenir de l'Europe ne font qu'un.
En 1958, le général de Gaulle a été l'un des artisans les plus énergiques de la construction de l'Europe en permettant à la France de participer à la Communauté économique européenne dès son origine et conformément au traité de Rome signé un an plus tôt. En 1968, et toujours sous la présidence du général de Gaulle, l'Union douanière décidée élimine les droits de douane intra-communautaire. En 1972, alors que Georges Pompidou est au pouvoir, la CEE s'élargit au Danemark, à l'Irlande et au Royaume-Uni.
En 1986, le Premier ministre, Jacques Chirac, autorise la constitution d'un grand marché grâce à l'Acte unique européen. Enfin, sous la présidence de Jacques Chirac, l'euro a été mis en vigueur. La France fait partie des onze pays sélectionnés grâce à l'excellente gestion économique et financière entamée par Edouard Balladur et poursuivie par Alain Juppé.
Si je rappelle ces faits, c'est pour indiquer, d'une part, que la France a été présente dans chaque étape décisive de la construction européenne et, d'autre part, que les gaullistes ont pris une place éminente et détermimante dans les décisions importantes. Il convient de rappeler également, par souci d'objectivités l'action de Valéry Giscard d'Estaing, alors Président de la République, au sommet de Paris, en 1974, pour favoriser l'élection au suffrage universel du Parlement européen.
Le Président de la République nous a invités, le 2 mars dernier, à autoriser la ratification du traité d'Amsterdam, en déclarant notamment ceci : « Le destin de la France n'a jamais été de se replier sur son hexagone. Il est au contraire de se projeter vers l'extérieur et de faire vivre et partager ses idéaux ».
Nous avons compris son message : nous ne devons pas nous complaire dans l'examen des lacunes passées ou dans un diagnostic aussi vain qu'inutile des insuffisances à venir de l'Europe, nous devons nous donner les moyens de remédier à ses carences et multiplier ses atouts de façon qu'elle réponde aux besoins de la France, à ses réalités humaines en même temps qu'à sa vocation d'incarner un modèle culturel, politique et social qui lui soit propre. C'est enfin parce que nous faisons confiance au Président de la République que nous approuvons ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment rapprocher les citoyens de l'Union européenne en construction ? C'est un des défis, et non des moindres, que dut relever la conférence intergouvernementale qui devait aboutir à la signature du traité d'Amsterdam.
Un tel doute existentiel, quarante ans après la signature du traité de Rome, pourrait prêter à sourire s'il n'était révélateur d'un certain malaise qui a fini par caractériser la perception qu'ont les citoyens de l'évolution de l'Union européenne. Ceux-ci, dans leur diversité, manifestent tantôt un désintérêt pour des décisions qu'ils jugent trop lointaines et peu lisibles, tantôt une méfiance, voire une hostilité. Et pourtant, ils adhèrent en grande majorité au projet aussi révolutionnaire et ambitieux qu'est la monnaie unique tout en déplorant parfois, en matière de politique étrangère, ce qu'ils percoivent comme une paralysie des partenaires européens dans les conflits qui éclatent à nos portes.
En effet, durant plus de trente ans, la concrétisation de la dimension sociale de l'Europe fut occultée par l'édification d'un grand marché unique, voire instrumentalisée à son profit, inspirée trop exclusivement par une logique de marché et de compétitivité.
Or cette tendance demeure : ainsi, dans le projet de directive sur la consultation et l'information des travailleurs que nous venons d'examiner au sein de la délégation pour l'Union européenne, le dialogue social est, certes, au coeur du dispositif ; mais c'est pour mieux le replacer dans le cadre du renforcement de la compétitivité de nos entreprises et de l'accompagnement des mutations que seront amenés à connaître les salariés.
Nulle part n'est évoqué le simple respect de règles de démocratie au sein de l'entreprise alors que cela fait également partie intégrante du modèle social européen que nous entendons défendre et promouvoir, face à des références venues d'outre-Atlantique, ou dans la perspective de l'élargissement à nos voisins de l'Europe centrale et orientale.
Le traité d'Amsterdam va-t-il apporter des progrès en termes de lutte contre le chômage, contre les exclusions ?
M. Emmanuel Hamel. Non !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Il n'est qu'une étape - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - mais il devrait permettre, sur ces points, de rééquilibrer la construction européenne en contrebalançant le poids des objectifs économiques et monétaires au profit d'un projet plus citoyen dont on sait qu'il est conditionné par la réalisation d'objectifs de cohésion sociale.
Cette entreprise repose pour l'essentiel sur le volontarisme politique de nouvelles équipes, telles que celles qui ont été élues au cours de ces trois dernières années.
Ainsi, dès juin 1997, au cours du sommet d'Amsterdam, Lionel Jospin a souhaité mobiliser ses partenaires par le biais de la résolution sur la croissance et l'emploi afin de démontrer que les objectifs de l'Union européenne ne se résument pas aux seuls préceptes du pacte de stabilité.
Mais c'est surtout la décision commune d'anticiper la mise en oeuvre des nouvelles dispositions du traité relatives au volet emploi qui est la plus significative de cette volonté des gouvernements.
Parvenir à un niveau élevé de l'emploi est tout d'abord érigé au rang d'objectif prioritaire de l'Union européenne. A cette fin, la démarche retenue par les Etats membres repose sur deux orientations fondamentales : la coordination des politiques nationales, d'une part, la prise en compte de l'effet sur l'emploi de l'ensemble des politiques européennes, d'autre part.
Cette stratégie contourne le débat classique sur la nature intergouvernementale ou supranationale des politiques engagées à l'échelon européen ; elle s'appuie sur l'idée que l'efficacité de politiques nationales peut également dépendre de convergences organisées entre partenaires européens.
Cette stratégie n'est pas totalement nouvelle puisque le sommet d'Essen, en 1994, avait permis d'expérimenter des mécanismes de coordination.
Claude Estier a déjà eu l'occasion d'exprimer la déception des sénateurs socialistes qu'un tel consensus ait été obtenu sans augmenter le poids budgétaire de cette politique.
En effet, les actions d'encouragement que le Conseil peut désormais définir à la majorité qualifiée, en codécision avec le Parlement européen, et qui devraient permettre de faciliter l'échange d'informations et de soutenir des projets pilotes seront à la fois limitées dans le temps - cinq ans au maximum - et dans leur niveau d'engagement financier. En effet, ce financement est imputé sous la rubrique 3 des perspectives financières qui représentent 6 % environ du budget communautaire.
Les lignes directrices pour l'emploi qu'arrête chaque année le Conseil, à la majorité qualifiée, sont l'instrument privilégié de cette nouvelle politique. Elles sont élaborées par la Commission, après une vaste consultation du Parlement européen, du comité économique et social et du comité des régions ; elles sont fondées sur l'examen des situations et des politiques nationales.
La procédure organisée pour ces lignes directrices peut s'apparenter à celle qui a été adoptée pour le suivi des politiques macro-économiques.
En effet, un pays qui prendrait trop de distance avec ces lignes directrices encourt le risque de se voir rappeler à l'ordre par ses partenaires, au travers de recommandations.
Mais le parallèle s'arrête là, car ces recommandations ne sont ni rendues publiques ni assorties de sanctions. Par ailleurs, le comité de l'emploi, qui sera la cheville ouvrière de ce système, ne dispose pas de la même latitude que le comité monétaire.
Il reste donc bien des pierres, dont certaines angulaires, à apporter à cet édifice.
Les dix-neuf lignes directrices qui ont été définies pour 1998 s'articulent autour de quatre grands axes : l'amélioration de la capacité d'insertion professionnelle, le développement de l'esprit d'entreprise, l'encouragement à la capacité d'adaptation des entreprises et des travailleurs, ainsi que le renforcement des politiques en faveur de l'égalité des chances.
Les lignes directrices pour 1999 se fondent sur ces mêmes objectifs-cadres.
Je reviendrai brièvement sur le plan d'action national qu'a présenté Martine Aubry pour l'année dernière et qui en est la traduction concrète.
Ainsi, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a mis en place des mécanismes qui concourent à l'amélioration de l'insertion professionnelle de deux catégories particulièrement vulnérables : les jeunes et les adultes en chômage de longue durée.
Il s'agit du programme TRACE, ou trajet d'accès à l'emploi, du contrat de qualification pour adulte et du « nouveau départ » qui est proposé à tout chômeur de longue durée.
Par ailleurs, le nouveau système d'avances remboursables pour les jeunes ou les bénéficiaires de minima sociaux, le soutien à l'innovation technologique pour les cadres et les chercheurs participent à la politique d'encouragement à la création d'entreprises.
La Commission a procédé, en juin dernier, à un bilan à mi-parcours des différents plans nationaux. Elle a d'ailleurs salué la démarche suivie par le gouvernement français.
Elle a regretté, en revanche, que la question de la conciliation de la vie professionnelle et familiale ne soit pas suffisamment appréhendée.
Le gouvernement français a souhaité, dans un premier temps, faire un état des lieux de l'ensemble des problèmes que soulevait cette légitime aspiration qu'ont de plus en plus de salariés et que vivent avec une acuité particulière les femmes.
Mme Majnoni d'Intignano a communiqué son rapport la semaine dernière. Le Parlement aura prochainement l'occasion de se saisir de ses réflexions et nous pourrons travailler autour de propositions concrètes qui ne devront pas concerner seulement les femmes.
Je souhaite revenir également sur une suggestion formulée en 1998, mais aussi en 1999 : le nécessaire développement de l'emploi dans les services.
En effet, le Premier ministre, Lionel Jospin, a obtenu, en décembre dernier, que la baisse de la TVA sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre fasse l'objet d'une directive afin d'expérimenter, sur les trois ans, la création d'emplois dans les secteurs tels que l'aide à domicile, mais aussi les travaux de réparation et de rénovation. Il s'agit à la fois d'exploiter le gisement d'emplois que représentent ces différentes activités et de combattre les circuits parallèles qui échappent à la légalité. Cette initiative démontre que la fiscalité peut-être orientée dans un sens plus ciblé sur l'emploi.
Convient-il, dans le cadre de ce volet emploi social, de fixer des objectifs quantifiés, à l'image de ce qui existe en matière de convergence économique ?
La question s'était déjà posée lors de la négociation du traité de Maastricht ; elle a resurgi au cours des discussions sur le traité d'Amsterdam ; elle demeure, alors que les partenaires européens esquissent ce qui sera le pacte européen pour l'emploi.
Rappelons tout d'abord que certains objectifs sont déjà assortis d'une sorte d'obligation de résultat, ainsi que d'un calendrier. C'est le cas des dispositifs consacrés aux « nouveaux départs » que doivent mettre en place les pouvoirs publics à destination des chômeurs de longue durée ou des jeunes. Il est également demandé que le nombre de chômeurs bénéficiant d'une formation soit augmenté de 20 %.
Toutefois, nos marchés du travail demeurent très différents. Le chômage est en baisse en Europe avec un taux moyen de 9,6 %, il frappe tout de même plus de 16 millions de personnes, et les situations sont disparates : l'Espagne compte encore plus de 17 % de chômeurs alors que les Pays-Bas n'en ont que 3,6 %.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le souligner au cours d'une récente réunion de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, la reprise de l'emploi en France se traduit, par exemple, par une forte augmentation des missions d'intérim, alors même que l'Italie vient à peine d'autoriser cette organisation de travail atypique.
Il faut cependant noter qu'un accord est intervenu entre partenaires sociaux sur un encadrement minimum des contrats à durée déterminée. Toutefois, les législations du travail demeurent globalement très différentes et, pour l'heure, il n'est pas question - et on peut probablement le regretter - de se lancer dans une entreprise de rapprochement de ces législations.
Le traité d'Amsterdam réaffirme par ailleurs la nécessité d'intégrer dans l'ensemble des politiques communautaires la préoccupation de l'emploi.
A cet égard, nous avons souvent rappelé notre attachement à voir se concrétiser le projet de grands travaux en matière d'infrastructures et de télécommunications qu'avait souhaité lancer Jacques Delors. Cette initiative s'est heurtée aux réticences de certains Etats membres en raison de son coût. Certaines pistes telles que l'emprunt peuvent être toutefois explorées.
D'autres secteurs d'activité aussi prometteurs que les technologies de l'information ont également besoin d'un soutien important de l'Union européenne, qui viendrait conforter des entreprises européennes disposant d'atouts évidents.
Permettez-moi une remarque sur cette orientation : alors qu'il a été prévu que le Conseil Ecofin s'associe aux travaux du Conseil affaires sociales dès lors qu'il s'agit de fixer les lignes directrices en matière d'emploi, la réciproque n'est pas reconnue et les ministres des affaires sociales ne participent pas aux rencontres de leurs collègues en charge de l'économie lorsque ceux-ci statuent sur les grandes orientations économiques.
Cette question de procédure, apparemment anodine, est, me semble-t-il, paradoxale au regard des objectifs proclamés.
J'en viens maintenant au volet de la politique sociale.
L'innovation réside, selon moi, dans trois faits majeurs. Avant tout, le traité d'Amsterdam procède à une « validation », voire à une légitimation de différents textes clés pour le développement d'une politique sociale en Europe. Je pense, bien sûr, à l'intégration du protocole social annexé au traité de Maastricht, mais aussi à la charte sociale européenne de Turin de 1961, ou à la charte sociale des droits sociaux de 1989.
Au Conseil, l'unanimité reste requise, par exemple, pour les questions relatives à la sécurité sociale, aux ressortissants des pays tiers, au droit de grève. La majorité qualifiée s'applique, en revanche, pour les questions d'hygiène et de sécurité, d'information et de consultation des travailleurs, ou d'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Il faut noter, sur ce dernier point, que les actions de discrimination positive s'adressent non plus aux seules femmes, mais aux représentants du sexe sous-représenté dans une activité professionnelle.
La lutte contre l'exclusion sociale, qui avait été quelque peu paralysée par le refus des gouvernements britannique et allemand de débloquer les programmes de lutte contre la pauvreté, trouve également un ancrage dans le nouveau traité d'Amsterdam.
C'est sur les questions relevant de la majorité qualifiée que la procédure de codécision avec le Parlement européen s'appliquera. Cette avancée devrait contribuer à remédier au déficit démocratique qui a caractérisé le fonctionnement des institutions européennes pendant de trop longues années.
Enfin, le renforcement de la dimension sociale de l'Union européenne passe également par les services d'intérêt général. Alors que leur existence avait été régulièrement remise en cause lors des précédentes initiatives, largement inspirées par une doctrine ultra-libérale, ils voient leur rôle pleinement reconnu ; ils figurent parmi les valeurs communes de l'Union et concourent à la « promotion de la cohésion sociale et territoriale ».
Le récent débat sur la modernisation d'EDF, les mesures adoptées pour le maintien de l'approvisionnement des populations les plus vulnérables, la nécessité d'assurer un approvisionnement sur tout le territoire, tout cela a permis de démontrer que de telles exigences étaient au coeur du service public, même après l'ouverture du marché à la concurrence.
Je terminerai en rappelant qu'un traité, tout comme une loi, ne vaut que par la manière dont on le fait vivre.
Nous avons mis l'emploi au coeur des priorités européennes, et nous continuerons à le faire. Cette proclamation solennelle ne fait pas l'impasse sur les initiatives qui ont été développées ces dernières années ; elle met en exergue, toutefois, la façon dont cette exigence avait été reléguée au second plan de la construction européenne.
Nous avons des outils à notre disposition. Ils sont relativement modestes, mais ils s'inscrivent parfaitement dans la démarche des stratégies communes qu'ont entendu privilégier les gouvernements.
Nous avons la volonté politique de relier union économique et lutte contre le chômage ; cette stratégie anime d'ailleurs, selon les derniers échos, les propositions qui figureront prochainement dans le cadre du pacte européen pour l'emploi, dont vous pourrez peut-être nous parler, monsieur le ministre.
C'est pour ces différentes raisons que les sénateurs socialistes ratifieront le traité d'Amsterdam. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES AUSTRALIENS

M. le président. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir dans notre tribune officielle une délégation du Legislative Council de l'Etat de Victoria, en Australie, conduite par son président, M. Bruce Chamberlain. Cette délégation est accompagnée de M. Jean-Jacques Robert, vice-président du groupe d'amitié France-Australie.
Je leur souhaite la bienvenue parmi nous. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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RATIFICATION DU TRAITÉ D'AMSTERDAM

Suite de la discussion
et adoption définitive d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes.
Dans le suite de la discussion générale, la parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le jour de la signature du traité de Maastricht ; j'étais à Budapest, où des amis hongrois enthousiastes m'invitaient à fêter ce qu'ils considéraient d'emblée comme un événement considérable pour l'Europe et pour eux.
Je m'étais évidemment gardé de gâcher la fête en signalant que, pour nous, Maastricht allait d'abord donner son nom à des critères plutôt qu'à un grand projet pour notre vieux continent.
Nous savons ce qu'il en est advenu. Il apparaît aujourd'hui que ce sont les Hongrois qui avaient raison : le traité de Maastricht restera dans l'histoire. C'est en effet à Maastricht qu'a été fondée la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, même s'il nous faut encore et d'urgence concrétiser celle-ci. Mieux encore, Maastricht a concrètement débouché, en temps et en heure, sur l'avènement de l'euro, avènement qui, aujourd'hui, manifeste de manière éclatante la réalité de l'Union européenne et l'appartenance des Européens à une communauté politique.
Bien plus, l'Europe a étonné le monde, qui ne la croyait plus capable de mener à terme un projet aussi ambitieux. Ce faisant, elle a redonné confiance et fierté à des Européens prêts à se laisser aller et à accepter un déclin apparemment inéluctable.
L'évolution est telle que nombre de ceux qui repoussaient toujours Maastricht il y a deux ou trois ans seulement n'ont plus aucun état d'âme à son endroit, et je n'en connais pas qui aient suivi le chemin inverse. Le traité de Maastricht finit par rassembler autour de lui et non contre lui, alors que, le jour du référendum, nous sommes passés bien près d'un résultat que nous pourrions amèrement regretter aujourd'hui.
Après Maastricht, Amsterdam ! A son tour, ce nouveau traité a mauvaise presse. Peut-être est-ce le lot des traités : leur rédaction compliquée et leur contenu technique ne les rendent pas attrayants ; ils en font, au contraire, une affaire de spécialistes, et c'est dommage.
Mais pour Amsterdam, comme pour Maastricht, nous ne disposons peut-être pas encore d'un recul suffisant. C'est notamment pourquoi nous sommes loin des conditions qui permettraient l'organisation, dans de bonnes conditions, d'un référendum. Le traité aborde en effet de manière un peu complexe de nombreuses questions, alors qu'un référendum doit sanctionner un vrai débat démocratique sur une question claire et précise telle que : faut-il ou non poursuivre la construction européenne ? Ou bien : êtes-vous favorable à l'adhésion de tel candidat ? Ou bien encore : acceptez-vous tel transfert de compétences ?
Il valait mieux ne pas dévoyer la procédure du référendum en l'engageant dans des conditions qui risquaient de ne servir ni la démocratie, ni la France, ni l'Europe.
Ce que nous devons, en revanche, retenir du débat sur l'opportunité du référendum, c'est, à mon sens, surtout la nécessité devant laquelle nous sommes de développer un très grand effort de pédagogie sur l'Europe. Puissions-nous, mes chers collègues, saisir l'occasion de la campagne qui va s'ouvrir pour engager cet effort !
Mais revenons au traité.
Il est normal de dire de lui que c'est mieux que rien, mais qu'il aurait été satisfaisant qu'il aille plus loin. On est donc d'accord pour prendre acte d'un petit progrès, en regrettant, bien sûr, l'absence d'avancées plus spectaculaires. Nous ne pouvons évidemment pas refuser les progrès qui existent au motif que d'autres, que nous espérions, n'ont pu encore se concrétiser. M. le président de Villepin le disait parfaitement ce matin !
Sans doute attendait-on de la conférence intergouvernementale mise en place en 1966 ce qu'elle ne pouvait ni ne devait donner : une nouvelle vision de l'Europe, susceptible de fonder un vrai projet politique séduisant pour la jeunesse. Cela veut dire que nous attendons toujours ce projet. Nombreux, ici, notamment au sein du groupe de l'Union centriste, auquel j'ai l'honneur d'appartenir, sont ceux qui sont plus que jamais décidés à participer à sa construction.
Mais le temps des premières impressions est passé. L'actualité vient nous le rappeler de manière crue.
S'agissant des institutions, la CIG nous a proposé une analyse des problèmes mais bien peu de solutions immédiatement acceptables par tous, par les petits comme par les grands Etats membres.
Derrière l'actualité immédiate, et plus profondément encore, l'élargissement qui s'engage, et qui concerne dix pays et 100 millions d'habitants, exige une adaptation profonde des institutions dans l'intérêt des candidats eux-mêmes, dans l'intérêt de l'Union et, bien sûr, dans l'intérêt de chacun des actuels Etats membres, et donc de la France.
Cette reconstruction institutionnelle aurait, au demeurant, dû se faire même sans nouvel élargissement. On ne peut simplement plus la différer, et aujourd'hui moins que jamais.
Mais il y a élargissement, et j'y vois une fantastique opportunité pour nous ramener à l'essentiel. En effet, l'Union des Quinze ne peut refuser cet élargissement ; elle ne peut refuser de devenir l'Europe tout court.
L'Union sera donc large. C'est d'ailleurs dans la nature de cette union, dont nous avons lancé la construction il y a cinquante ans, que de demeurer toujours ouverte. Le traité de Rome l'a explicitement confirmé et les pays d'Europe centrale et orientale qui aspirent à nous rejoindre sont engagés dans une démarche parfaitement légitime.
Nous ne sommes pas propriétaires exclusifs d'une Europe à laquelle leurs destins les rattachent autant que les nôtres, et ce n'est qu'un accident dramatique de l'histoire qui les a coupés de nous pendant cinquante ans, les privant de participer, dès l'origine, à une oeuvre de prospérité et de sécurité, de paix, de liberté et de démocratie.
L'Union aurait aussi bien pu être lancée à l'Est ou en un autre temps. La fin de la guerre franco-allemande ou l'entrée dans la guerre froide ont servi de déclencheur à un processus inscrit dans l'histoire de notre continent.
Alors, qu'on ne vienne plus nous dire qu'entre approfondissement et élargissement il faudra choisir, comme si nous ne disposions que d'une quantité d'Europe définie ou limitée !
Comment pourrions-nous nous être engagés dans cette aventure en nous coupant d'avance les ailes, en acceptant d'entrée l'hypothèse qu'elle pourrait être piètre ou fade, sans pouvoir ou sans influence ? Ce n'est pas ce à quoi nous ont invités Jean Monnet ou Robert Schuman ; ce n'était certainement pas, non plus, le choix du général de Gaulle.
Pour être à la fois large et forte, l'Union devra, bien sûr - même si ce n'est pas simple - mettre en oeuvre une réelle subsidiarité, c'est-à-dire limiter strictement ses compétences aux domaines dans lesquels elle sera plus efficace que chacun de ses membres ; il lui faudra également tenter de rénover ses institutions, afin de disposer d'une réelle capacité de décision dans chacun de ses domaines.
Définition des compétences, recherche d'un fonctionnement efficace, comme le dit François Bayrou - Jean-Pierre Fourcade le rappelait d'ailleurs ce matin - il s'agit bien de proposer aujourd'hui pour l'Europe une constitution qui dise ce qu'elle doit faire et comment elle pourra le faire.
La démarche à laquelle nous incitent les pays candidats à l'adhésion est particulièrement exigeante. Elle suppose une volonté politique forte. Elle ne pourra déboucher qu'au prix d'un approfondissement de la démocratie, donc dans une démarche lisible par tous, simple et qui associe réellement les citoyens.
Un tel objectif était sans doute trop ambitieux pour la conférence intergouvernementale, mais il demeure ; et il est clair que l'élargissement va à l'échec, un échec pour tous, un échec pour la sécurité sur notre continent, si nous nous contentons de dire que nous trouverons bien des solutions au fur et à mesure ou le moment venu. Sur un sujet aussi essentiel, le « on verra » n'est pas admissible.
L'article 2 du projet nous semble donc bien le minimum qu'il fallait dire aujourd'hui, monsieur le ministre, sachant, bien sûr, que nous n'avons pas capacité à amender le texte d'un traité.
Je me permets simplement d'insister, monsieur le ministre : il y a urgence et c'est difficile.
Un engagement lucide et sans réserve des chefs d'Etat s'impose pour que réussisse un élargissement qui se fera, bien ou mal. Il y faut un engagement aussi déterminé et actif que celui qui a permis de réaliser et de réussir l'union monétaire.
A défaut d'un excès d'honneur, pour reprendre, là aussi, l'expression de M. de Villepin - excès d'honneur qui n'a jamais été imaginé - le traité d'Amsterdam ne mérite pas non plus d'excès d'indignité. Il apporte en effet de substantielles modifications au traité de l'Union et au traité instituant les Communautés.
Les doutes des exégètes portent plutôt sur la volonté politique d'utiliser les nouvelles possibilités qu'il offre. C'est oublier peut-être que la volonté de construire une Europe politique existe plus que jamais. Nous faisons confiance aux hommes en charge de la construction européenne, c'est-à-dire de plus en plus à nous tous. D'ailleurs, cette nuit nous a rappelé que les hommes continuent de contrôler les institutions.
Ainsi, M. Vaclav Havel nous a-t-il exhortés, à cette tribune, voilà quelques jours, à « marier » plus que jamais ces « deux valeurs européennes traditionnelles à quel point importantes et combien de fois trahies : l'humilité et la responsabilité ». Nous avons sans doute tous un effort à faire pour retrouver l'humilité, mais n'avons-nous pas, en réalité, un effort encore plus grand à faire pour assumer nos responsabilités ?
Si l'on confronte les objectifs et les résultats, le bilan est positif. Et l'absence d'accord sur la repondération des votes au Conseil a trop éclipsé d'autres résultats non négligeables.
Ainsi, en ce qui concerne les relations entre l'Union et le citoyen, les progrès dans le domaine des droits fondamentaux, les dispositions relatives à l'emploi, l'intégration du protocole social, l'accent mis sur l'environnement, le protocole sur la subsidiarité, le bilan est positif.
S'agissant de l'efficacité des dispositions sur l'emploi, les pragmatiques joueront d'abord la carte des réseaux transeuropéens, bien évidemment créateurs d'emplois, et les réalistes s'attacheront à mettre en synergie et à améliorer les pratiques du dialogue social.
Pour préparer l'avenir, il nous faudra surtout nous mettre rapidement en ordre de marche pour consolider à l'OMC la protection de notre modèle économique. Il ne peut être question ni de baisser la garde devant les Américains ni de céder devant le dumping économique ou social de pays moins développés. Il ne faut en aucun cas renoncer à nos exigences sociales et environnementales.
S'agissant des deuxième et troisième piliers, l'objectif était de corriger les insuffisances constatées lors de l'application du traité.
On est allé bien au-delà en communautarisant une partie du troisième pilier et en intégrant les accords de Schengen. C'était indispensable pour obliger les candidats à l'adhésion à considérer ceux-ci comme de l'« acquis » non négociable.
Certes, cette avancée s'est produite au prix d'une différenciation au profit de la Grande-Bretagne, du Danemark et de l'Irlande. Certes, le système sera compliqué, mais il constitue une première application des coopérations renforcées. Mon collègue M. Pierre Fauchon ayant insisté sur ce sujet ce matin, je n'y reviendrai pas.
J'en viens donc à la politique étrangère et de sécurité commune. A ce sujet, les modifications proposées témoignent d'une volonté d'améliorer la situation.
Mais, si les innovations apportées rendent certaines avancées possibles, les véritables progrès dépendront de l'utilisation qui sera faite des instruments nouveaux, notamment des stratégies communes qui ouvrent la porte à la majorité qualifiée. Beaucoup dépendra aussi de la capacité du nouveau secrétaire général du Conseil à exercer une fonction éminente, celle de haut représentant pour la PESC, fonction délicate et primordiale.
L'essentiel dépendra surtout, là aussi, de notre capacité à être humbles devant les faits et l'histoire, mais aussi responsables devant l'avenir.
L'ensemble des efforts déployés pour rétablir la paix au Kosovo le rappelle.
Nous devons plus généralement déplorer qu'en matière de défense, tout ou presque reste à faire. Depuis l'échec de la CED, voilà quarante-cinq ans, nous n'osons pas vraiment rouvrir le dossier.
L'élargissement actuel de l'OTAN à trois pays d'Europe centrale n'est pas non plus, contrairement aux apparences, un succès pour l'Europe ; en revanche, à l'évidence, c'en est un pour les Etats-Unis. En effet, ceux-ci y voient une occasion de marquer à nouveau le primat d'une Alliance atlantique politique sur une Union européenne économique et de consacrer le fait que, pour eux, la vraie Europe est et doit rester atlantique et américaine.
Il est urgent de réaffirmer que, pour nous, au contraire, l'Union européenne est l'autorité politique qui choisira sans doute, mais en pleine responsabilité, l'appartenance à l'Alliance pour assumer sa défense et qui pèsera alors d'un autre poids au sein de celle-ci.
Il ne s'agit pas de choisir l'une ou l'autre, c'est-à-dire l'Alliance ou l'Union. Il n'est pas question de subordonner l'une à l'autre ; elles ne sont pas de même nature. Nous voulons, pour notre part, une union politique européenne, membre d'une Alliance atlantique.
Touchant trop peu aux institutions, le traité d'Amsterdam contribue insuffisamment à faire avancer le débat sur le financement de l'Union.
L'ampleur du dossier de l'Agenda 2000 et les intérêts divergents des Etats membres rendent les négociations difficiles. Chaque semaine, des voix discordantes se font entendre sur tel ou tel aspect, conduisant certains à douter de la possibilité de parvenir à un accord.
Nous sommes conscients de ces difficultés, mais refusant de céder au pessimisme, nous pensons qu'il est possible de créer un cadre financier nouveau permettant à l'Union d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés, sachant que, dans la perspective de l'élargissement, la nécessité d'appliquer le principe de subsidiarité ne peut plus relever de l'incantation.
Nous devons répondre à la question suivante : « quel budget pour construire l'Union européenne ? ». Une approche politique de cette question s'impose en tenant compte du fait que l'autorité budgétaire reste partagée entre les Etats membres et l'Union européenne.
Je ne céderai pas à la tentation de revenir en détail sur cette question, dont vous savez pourtant combien elle m'intéresse. Je me contente de vous renvoyer, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la résolution sur le financement de l'Union que vient d'adopter la commission des finances puis, tacitement, notre assemblée, puisqu'il n'a pas été demandé de débat en séance. Ce dernier fait confirme à mes yeux une grande convergence de nos idées sur un dossier capital pour l'avenir de l'Union.
Je ne pense d'ailleurs pas que nous soyons en grand désaccord avec vous, monsieur le ministre, sur ce point. Mais notre assemblée est bien dans son rôle en vous redisant solennement sa détermination à voir avancer rapidement et substantiellement ce dossier.
J'indique simplement que la voie du « ravaudage » des actuelles contributions des membres débouche sur une impasse. La généralisation du chèque britannique serait la fin de l'Union.
La voie qui s'ouvre sur de nouvelles ressources propres est bien la seule possible. Il faut l'explorer sans perdre de temps, car les investigations seront longues avant que l'on puisse déboucher sur des faits concrets.
Il est d'autant plus important d'engager immédiatement une vraie réflexion sur la liste et le contenu des politiques de l'Union que cette réflexion sur les ressources propres de l'Union ne débouchera pas tout de suite. Par ailleurs, le débat sur les contributions nettes, qui bafoue le principe de solidarité financière, laisse songeur... Il est en tout cas tout sauf européen.
Il demeure que l'Union devra tôt ou tard disposer d'un vrai budget c'est-à-dire non pas d'un important budget, mais d'un budget lisible, accepté par les Européens, donc par les parlements nationaux, qui, pour l'instant, votent les recettes sans avoir leur mot à dire concernant les dépenses.
Pour ce qui est du volet institutionnel, mon collègue Pierre Fauchon l'a déjà évoqué. Je n'insisterai donc pas sur ce point, sauf pour parler de la Commission.
Pour dépasser le débat sur l'organisation fédérale ou interétatique de l'Union, il faut se souvenir d'abord que l'Europe s'est construite jusqu'ici en s'enrichissant des apports de deux courants : l'institutionnel, plus latin, qui inscrit dans le marbre et installe dans la durée, et le contractuel, plus anglo-saxon, qui permet de vivre et d'agir au quotidien. Il fallait les deux courants.
Notons aussi que la Commission n'a jamais été un secrétariat général du Conseil et que son président n'a jamais eu la moindre autorité hiérarchique sur les membres du Conseil.
Au contraire, la formule d'un Conseil réunissant les chefs d'Etat représentant leurs pays respectifs et la Commission ayant vocation à porter les intérêts de l'Union est originale et n'est pas vraiment fédérale.
Une structure analogue a d'ailleurs - est-ce vraiment un hasard ? - été reprise par le système de banques centrales qui rassemble autour de la table les présidents des banques centrales des Etats membres de l'Union monétaire et le président de la Banque centrale européenne, qui a le même droit de parole que les autres, pas plus !
Cela dit, on peut considérer comme fédéral un système dans lequel un transfert de souveraineté ne peut se concevoir qu'assorti d'une réelle capacité à décider.
C'est donc parce que nous considérons que, dans certains domaines limités, des transferts de souveraineté se justifient et même s'imposent - c'est le cas de la monnaie et ce peut l'être de la défense - c'est parce que nous voulons que, précisément et surtout dans ces domaines, « cela marche », que nous demandons des institutions adaptées et efficaces. Alors sans doute pourrons nous être considérés comme fédéralistes.
Si nous tombons d'accord sur cette définition du fédéralisme, alors je crois que nous sommes tous fédéralistes !
Aujourd'hui, les citoyens demandent du lisible, du clair, du simple, du compréhensible. C'est l'un des grands défis que nous devons relever.
L'impératif d'efficacité concerne par ailleurs, au premier chef, les exécutifs communautaires.
La Commission vient de réaffirmer, cette nuit même, son caractère collégial mais, en matière d'homogénéité et d'efficacité, il reste des progrès à faire.
Il faudra bien sûr briser le tabou du droit de chaque Etat membre à disposer d'un commissaire. Il faut surtout profiter de la crise ouverte cette nuit pour reprendre une réflexion sérieuse sur le rôle véritable et irremplaçable de la Commission. Encore faut-il là aussi, là surtout, faire en sorte que « cela marche ».
L'actualité nous rappelle que la construction européenne reste d'autant plus exigeante qu'elle nous est précieuse.
Une rigueur absolue de tous les instants, sur tous les dossiers et à tous les niveaux s'impose. Le moindre laxisme, la moindre erreur détournent les Européens, non plus de la Commission, mais de l'Europe et nous risquons de retrouver alors les critiques faciles et largement injustes sur une Union qui ne générerait que des charges et des contraintes.
S'agissant de l'avenir à court terme de la Commission, monsieur le ministre, nous allons devoir très vite opérer des choix, sous le regard attentif, critique et intéressé de tous les Européens.
Accepter une situation transitoire, floue et durable serait une catastrophe pour l'Europe. Cela donnerait raison à tous ceux qui préféreraient la voir se défaire.
Au contraire, l'occasion nous est donnée aujourd'hui de poser une nouvelle fois le problème de fond de la réforme des institutions et d'exprimer immédiatement et à nouveau la volonté politique que cela marche tout de suite et bien.
Nous devons saisir cette opportunité. Il nous faut très vite une nouvelle commission, opérationnelle bien sûr, mais surtout, je reprends l'expression de M. Vaclav Havel, « humble et responsable ».
Plus généralement, cherchons systématiquement, et dans tous les domaines, à privilégier la solution qui construit le mieux l'Europe, celle qui lui permet de se renforcer à l'intérieur et d'affirmer son identité dans le monde, celle enfin en laquelle les citoyens se reconnaissent, celle qui permet à chacun tout à la fois et naturellement d'être citoyen de sa ville, de conserver jalousement et précieusement sa nationalité et de devenir vraiment européen.
Nous constaterons ainsi que, dans sa diversité, l'Union est d'abord riche de ses hommes. Nous vérifierons ainsi que, si elle nous apporte une prospérité incontestable et appréciée, elle nous apporte bien plus en rendant contagieuses la paix, la liberté et la démocratie, et c'est là le plus grand service que nous pourrons rendre aux Européens et au monde.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré les imperfections du traité d'Amsterdam, les membres du groupe de l'Union centriste voteront sa ratification, sans aucun état d'âme, plus que jamais forts de leur détermination à poursuivre la construction européenne avec autant de rigueur que de passion. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos hésitations, qui se traduisent beaucoup plus par une perte de temps qu'elles ne pèsent sur l'issue du débat quant à la ratification sur le traité d'Amsterdam, mettent d'autant plus en valeur le courage des pères de l'Europe. Au-delà de la référence historique, c'est leur conception de la politique qui doit servir d'exemple.
On peut s'interroger : pourquoi la France est-elle le seul Etat de l'Union à se poser encore la question de la ratification ?
M. Emmanuel Hamel. Parce qu'elle est la France !
M. Aymeri de Montesquiou. Est-ce de la désinvolture ? Est-ce parce que le Gouvernement considère que les débats sur la parité et le PACS sont plus importants ?
En tout cas, cela donne des arguments aux eurosceptiques, et ce n'est pas digne du rôle que la France a toujours joué comme pays initiateur d'avancées majeures dans la construction européenne. Depuis le 2 octobre 1997, elle réfléchit. C'est dire si elle aura pris la mesure de son engagement...
On peut remarquer, néanmoins, que la menace d'une non-ratification du traité par la France n'a jamais été brandie par le Président de la République ou par le Gouvernement lors des négociations sur l'Agenda 2000. C'est à son honneur, car cela signifie que des négociations techniques et financières, bien que déterminantes pour l'architecture des politiques communes jusqu'en 2006, ne font pas partie du socle constitué par Rome, Maastricht, Amsterdam. C'est tout à l'honneur de la France. Certes, mais il faut que le Gouvernement non seulement montre de la pugnacité et de la détermination, mais aussi fasse preuve d'imagination, car nous ne gagnerons pas dans un bras de fer lors de ces négociations sur la réforme de la politique agricole commune.
Pourquoi donc ratifier ce traité controversé et critiqué, même par les défenseurs les plus fervents de la construction européenne ?
Le président de la République rappelait, dans un message solennel délivré au Parlement le mardi 2 mars, que « l'Europe est le fruit d'une nécessité, d'un idéal et d'une volonté ».
Jusqu'ici, l'Europe s'est effectivement construite sur la nécessité économique. D'une certaine manière, cette Europe trouve son aboutissement avec l'Union monétaire. Elle trouve ainsi son aboutissement, mais aussi sa limite.
Certes, l'euro constitue un formidable outil dont on ne mesure pas encore toute la force. Il fera mentir le gouverneur Conolly, qui affirmait : « Le dollar, c'est notre monnaie et c'est votre problème. » Il faut que, dorénavant, cette contrevérité impérialiste apparaisse d'un autre âge. Mais il faut bien avouer que l'euro ne fait pas rêver.
Je pense que ce fut un manque d'imagination, certainement un manque de courage, et donc une erreur, de ne pas avoir décidé de faire coïncider le lancement de l'euro avec un référendum sur le traité d'Amsterdam.
Européens de la majorité gouvernementale ou de l'opposition, nous avons manqué d'audace, de sens politique, d'esprit de débat. Nous aurions pu démontrer qu'Amsterdam s'inscrivait tout naturellement dans la logique des étapes antérieures.
Nous aurions alors facilement expliqué que le traité d'Amsterdam était déterminant pour la vie quotidienne des citoyens européens : sécurité intérieure commune, politiques de l'emploi mieux coordonnées, affirmation des droits de l'homme comme fondements de l'Union. Nous avons manqué de confiance dans nos idées et dans le bon choix des citoyens.
En 1992, un référendum avait été organisé sur le traité de Maastricht, alors que celui-ci comportait des dispositions techniques certainement éloignées des préoccupations immédiates des citoyens, tels les critères de convergence. Je suis donc de ceux qui regrettent que le peuple français n'ait pas été consulté en 1999 sur un traité qui concerne beaucoup plus la vie quotidienne.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. En effet, avec le traité d'Amsterdam, on rend la « Maison Europe » habitable pour le citoyen.
D'abord, il y aura davantage de transparence dans les relations avec l'administration communautaire. Désormais, elle est soumise à des obligations quant à ses relations avec les citoyens de l'Union. Ceux-ci ont, par exemple, un droit d'accès aux documents des institutions et aux traitements des données à caractère personnel.
Ensuite, il y aura davantage de sécurité : les questions liées à la libre circulation des personnes, à l'asile et à l'immigration sont progressivement communautarisées et la coopération policière et judiciaire est renforcée. Dans un tout autre domaine, la sécurité alimentaire et sanitaire du consommateur européen est systématiquement prise en compte.
En outre, il y aura davantage de social : une plus grande coordination des politiques de l'emploi est recherchée.
Enfin, la mise en oeuvre du principe de subsidiarité, selon lequel « l'Europe n'intervient que lorsque l'action envisagée peut être mieux réalisée au niveau communautaire », est essentielle. Ce terme est pratiquement inconnu de la plupart des citoyens alors qu'il leur est nécessaire pour se dégager des contraintes administratives réelles ou imaginaires. Il permet aussi de compenser l'éloignement des décisions que constituent le renforcement de la PESC et la communautarisation progressive du troisième pilier.
Rappelons-le sans cesse aux citoyens : le traité d'Amsterdam comporte un protocole annexé sur l'application de ce principe de subsidiarité et du principe de proportionnalité « en vertu duquel l'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité ».
Ces deux principes doivent être expliqués simplement et mis en oeuvre de manière rigoureuse par les institutions, sous le regard vigilant de la France. Ce sont les clefs de voûte de la communication entre l'Union et les citoyens. Ceux-ci pourront se réapproprier des domaines dont ils ont l'impression qu'ils leur échappent injustement et qui sont essentiels pour générer une adhésion, voire un patriotisme européen. Ce sont des concepts dynamiques à mettre en oeuvre. L'Europe apparaîtra alors comme protectrice et non contraignante, comme l'était la patrie pour nos pères et comme la France devrait l'être pour nous.
Sinon, comme le dit Paul Valéry dans Regards sur le monde actuel, « l'Europe sera punie de sa politique ; elle sera privée de vins et de bière et de liqueurs. Et d'autres choses... ». Monsieur le ministre, vous savez bien que j'inclus dans ces autres choses les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, qui doivent être fixées au niveau national.
Il faudra, pour appliquer ces deux principes, s'atteler à la tâche indispensable qui consiste à distinguer entre les compétences exclusives et les compétences partagées avec les Etats membres.
Il est donc proposé dans ce traité de nouveaux outils vers une Europe politique. Si, comme cela est vraisemblable, le traité est ratifié, il nous appartient d'offrir, dès à présent, une nouvelle dimension à l'Europe.
Dans ces lieux, nombre d'orateurs l'ont rappelé, M. Vacla Havel nous a donné, voilà quinze jours, une formidable « leçon d'Europe » ; sans prétention, sans concession non plus. Il est parvenu à nous redonner goût à un projet européen ambitieux, que nous avions tendance à oublier, hypnotisés que nous sommes par les contingences financières et endormis sous l'édredon de l'acquis.
Le Président de la République tchèque est venu nous dire son amour d'une certaine Europe, une Europe généreuse, ouverte et non tentée par un repli frileux sur elle-même ; une Europe qui ne soit pas seulement un nouveau bloc d'Etats. Il nous a parlé d'une Europe placée sous les deux sceaux de l'humilité et de la responsabilité.
Chers collègues, c'est de cette Europe-là dont nous devons parler à nos électeurs, à tous les Français. La campagne des élections européennes sera une occasion majeure de faire aimer l'Europe et, plus encore, la France dans l'Europe.
M. Pierre Laffitte. Bravo !
M. Aymeri de Montesquiou. Saisissons l'heureux hasard du calendrier, d'une part pour expliquer aux Français ce que le traité d'Amsterdam nous apportera concrètement - plus de sécurité, une plus grande lutte contre les inégalités et les discriminations - et, d'autre part, pour les écouter, puis leur proposer une vision européenne ambitieuse.
Paul Valéry écrivait : dans le même recueil, « Toute politique implique, et généralement ignore qu'elle implique, une certaine idée de l'homme, et même une opinion sur le destin de l'espèce, toute une métaphysique qui va du sensualisme le plus brut jusqu'à la mystique la plus osée ».
Il faut que la politique européenne que nous souhaitons sache, consciemment, ce qu'elle veut faire du destin de l'homme.
L'Europe ne pourra pas se passer bien longtemps d'une constitution qui affirme les fondements de son action, ses valeurs fondatrices de la démocratie, des droits de l'homme, de la lutte sans réserve contre les discriminations raciales, sexistes et religieuses.
L'Europe que nous voulons dessiner sera une Europe généreuse, sans condescendance à l'égard des anciens pays de l'Est qui frappent à nos portes. Et je me réjouis, à ce titre, que la délégation du Sénat pour l'Union européenne ait décidé de suivre et d'accompagner la candidature de chaque Etat postulant. C'est une occasion de dépasser les préjugés et de renforcer nos liens avec les futurs Etats membres.
L'Europe que nous voulons dessiner, c'est aussi l'Europe de la paix et de la prévention des conflits, dans laquelle notre continent est capable de prendre en charge sa propre politique de défense, dans le respect des alliances, en coopération avec les Etats-Unis, mais sans demander à chaque fois la permission de ces derniers.
Maintenant que l'Europe économique et financière est réalisée, le citoyen, et même l'homme dans toute sa dimension, doit être au coeur des priorités de l'Union européenne.
Mon groupe, le Rassemblement démocratique et social européen, qui affirme son engagement en faveur de l'Europe, votera, avec réalisme et par humanisme, le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais, au terme de ce débat, me contenter de remercier en quelques mots les différents intervenants, puisque tous ont approuvé la ratification du traité d'Amsterdam. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Pardonnez-moi, c'est l'inconscient qui a parlé ! Mais c'est peut-être justement parce que j'ai anticipé sur la suite de notre débat que j'ai commis cette omission, que le groupe communiste républicain et citoyen, j'en suis sûr, me pardonnera.
Mme Danielle Bidard-Reydet. On vous pardonne !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Avant de répondre aux différents orateurs, permettez-moi d'intervenir sur l'événement qui a été commenté par chacun d'entre vous, de façon bien légitime d'ailleurs, à savoir la démission collective de la Commission. Il s'agit là d'un événement qui est important pour l'Union européenne et dont nous devons tirer toutes les leçons.
En effet, en démissionnant, la Commission a marqué la fin d'une crise qui était latente depuis plusieurs mois et qui aurait sans doute finalement abouti à la censure par le Parlement européen. La Commission a donc démissionné, et elle l'a fait dans des conditions de dignité qui méritent le respect.
Il faut peut-être rappeler ce qu'ont été les étapes de cette crise. Des faits ont été découverts et allégués par la presse. Le Parlement européen a ensuite eu un débat sur la censure, laquelle n'a pas été votée. Mais, à l'issue du vote, dont les résultats étaient serrés et constituaient déjà un coup de semonce, le Parlement européen, avec le plein accord de la Commission, a chargé un comité d'experts indépendants d'enquêter sur les faits. La Commission s'est totalement prêtée au jeu. Puis elle a tiré elle-même, cette nuit, les leçons des résultats des travaux de ce comité d'experts indépendants en démissionnant de façon collective.
C'est donc à l'issue d'un processus démocratique que la Commission a démissionné et, je le répète, cela mérite, à mes yeux, le respect.
M. René-Georges Laurin. Respect de la corruption !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Cette issue digne nous met toutefois dans une situation inédite et imprévue.
Elle est inédite parce que, jamais, dans les annales de l'Union européenne, une Commission n'avait été acculée à la démission. Elle est aussi imprévue parce que le traité n'a tout simplement pas prévu le cas. Il contient bien un article sur la censure, mais aucun article susceptible de régler la situation née d'une démission en cours de route. Cela va nous obliger maintenant à trouver une solution. Laquelle ?
En fait, deux solutions sont possibles. La première, c'est la nomination immédiate d'une nouvelle Commission qui irait jusqu'à la fin de l'année. La seconde consiste à attendre l'application du traité d'Amsterdam en confiant l'exécution des affaires courantes à la présente Commission jusqu'à ce que le Parlement européen nouvellement élu se saisisse de l'affaire.
Tout ce que je peux vous dire pour l'instant, à propos du communiqué commun du Président de la République et du Premier ministre, c'est que le Conseil européen de Berlin s'emparera de la question la semaine prochaine.
Dans quels termes ? Il reviendra aux chefs d'Etat et de Gouvernement de le dire, de prendre leurs responsabilités. Toutefois, je peux d'ores et déjà vous donner mon opinion personnelle : il serait préférable, me semble-t-il, d'attendre le mois de juin que le nouveau Parlement, moins sensible à la fièvre électorale, soit à même d'examiner sereinement les nominations relatives à la nouvelle Commission, en respectant précisément les dispositions que nous nous apprêtons à ratifier aujourd'hui, celles du traité d'Amsterdam. Si nous n'attendons pas, je crains qu'en répondant en urgence à un problème réel la crise ne suscite en Europe une situation de désordre à vrai dire assez aléatoire.
Cela dit, je vous rassure, la crise ne met pas, comme j'ai pu le lire ou l'entendre, les institutions européennes en panne ! D'abord, le Parlement européen est là et il est solide. Ensuite, la Commission, dès lors qu'elle exécute les affaires courantes, conserve ses pouvoirs de gestion. Enfin et surtout, le Conseil européen s'emparera la semaine prochaine des sujets importants que vous avez abordés, parmi lesquels Agenda 2000. Cela constitue une pression supplémentaire sur le chemin de la réussite : il faut trouver une solution à ces problèmes, qui, on le sait, sont extrêmement délicats.
Au-delà, cette crise aura été salutaire si nous sommes capables de rebondir et de progresser dans la voie de la réforme des institutions, réforme que nous souhaitons, que l'Assemblée nationale a approuvée en votant l'article 2 et que le Sénat va, je crois, dans sa très grande majorité approuver à son tour. Si cette crise peut nous permettre d'avoir des institutions plus efficaces, plus démocratiques, plus transparentes, alors elle aura été utile et marquera une nouvelle étape de la construction européenne.
Puisque j'en suis à la réforme des institutions, je répondrai d'abord - je reviendrai ensuite aux propos du rapporteur, qui me le pardonnera - à Michel Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Je partage un grand nombre de ses analyses ; il n'en sera pas surpris.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, sur la crise de la Commission, sur le manque de collégialité qui en est à l'origine et sur les réponses qu'il faut y apporter.
En 1994, j'étais parlementaire européen et je me souviens que, de fait, cette Commission est mal née. Elle a en effet été approuvée à une majorité extrêmement faible, ce qui n'aurait pas dû se produire au sein du Parlement européen de l'époque. C'est en fait à ce moment-là qu'est née la crise de légitimité, qui n'a jamais cessé.
Vous avez mis en avant une série de réformes institutionnelles que j'approuve. Effectivement, nous devrons répondre rapidement, sous la présidence française en l'an 2000, aux trois questions qui sont restées sur la table après Amsterdam. J'évoquerai d'abord celle du format de la Commission, c'est-à-dire de son organisation, celle de sa meilleure hiérarchisation et celle du renforcement de sa collégialité.
Avec les nominations de la nouvelle Commission, il faudra apporter une réponse appropriée en rendant cette Commission plus forte et non pas plus faible.

Nous avons besoin d'une Commission forte. Je ne partage pas la thèse de ceux qui pensent qu'il serait nécessaire de recentrer la Commission. Il ne faudrait surtout pas l'affaiblir ni la rendre, dans les circonstances actuelles, plus soumise au Parlement européen ou à d'autres instances. Elle doit continuer à jouer son rôle et, plus elle sera forte, plus elle sera responsable !
Vous avez évoqué les deux autres réformes indispensables. Je pense toutefois que la repondération des voix n'est légitime que si l'on propose des avancées décisives en matière d'extension du vote à la majorité qualifiée, que, pour ma part, je placerai avant, la repondération des voix n'étant que la conséquence de l'extension du vote à la majorité qualifiée.
Voilà pour les trois questions restées ouvertes à Amsterdam.
Vous avez mis en avant une critique qu'en revanche je ne partage pas. « Le traité d'Amsterdam a été signé par une majorité de gouvernements socialistes », avez-vous dit.
M. Michel Barnier. Ce n'est pas une critique, c'est une constatation !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. C'est une constatation, mais devrais-je vous rappeler - bien que je n'aie pas l'habitude de faire de polémique dans cette assemblée - qu'à l'époque, le gouvernement de Tony Blair avait un mois et le Gouvernement auquel j'appartiens dix jours ! Il est clair que nous n'avons pas pu peser sur des décisions qui avaient été, pour l'essentiel, quand même entérinées lors d'un Conseil européen informel quelques semaines auparavant. Mais ce n'est qu'un point de détail.
Je peux toutefois témoigner personnellement du fait qu'à Amsterdam ce sont au moins autant Helmut Kohl et José-Maria Aznar - ils n'appartiennent pas vraiment à la famille socialiste et socio-démocrate ! - qui n'ont pas permis l'accord que vous et moi aurions souhaité comme tel ou tel chef de gouvernement socialiste. Mais cet aspect, après tout, est anecdotique et il appartient au passé !
Vous avez proposé d'aller plus loin en matière de réformes institutionnelles, et je vous suis sur ce point. Il faut effectivement envisager une autre forme de nomination du président du Conseil européen, qui puisse lui donner une durée plus grande et, donc, une légitimité plus forte. Je pense comme vous, et je ne plaide pas pro domo , je veux dire pour la maison que nous avons occupée l'un et l'autre, le ministère des affaires européennes : il faudra réformer le conseil affaires générales et placer, au sein de chaque gouvernement, un ministre des affaires européennes auprès du Premier ministre parce que, comme vous l'avez fort bien souligné, il s'agit non plus de politique étrangère mais de plus en plus de politique intérieure et que les ministres des affaires étrangères, qui ont une vision globale et un poids politique n'ont plus, compte tenu des multiples tâches qu'ils ont à assumer, la possibilité matérielle de suivre d'aussi près des dossiers d'une très grande complexité. Voilà pourquoi la présidence française peut se fixer la belle ambition, qui est la vôtre et qui a été reprise par plusieurs orateurs, d'une grande réforme des institutions européennes.
Au demeurant, je voudrais apporter un petit bémol à votre propos. Nous ne devons pas, semble-t-il, charger la barque au risque d'avoir une conférence intergouvernementale fourre-tout, une de plus, qui reproduirait les défauts de la précédente. C'est pourquoi, à titre personnel, je serais assez partisan de donner un mandat étendu à un comité de sages ou à une personnalité pour balayer toutes ces questions, les unes devant trouver des solutions dans les traités, les autres des réponses simples et pratiques sans modification des traités. On pourrait ainsi laisser la conférence intergouvernementale, sous présidence française, se concentrer sur les trois reliquats du traité d'Amsterdam. Cette méthode est peut-être peu ambitieuse mais elle me semble plus sûre, surtout si nous voulons répondre à la demande des pays candidats à l'élargissement, qui a été relayée quasiment sur toutes les travées et que nous devons prendre en compte.
Si le Sénat vote - ce qu'il va faire, j'en suis sûr - l'article 2 du projet de loi, ce sera reconnaître la nécessité d'une réforme institutionnelle préalable à l'élargissement tout en manifestant la volonté de procéder rapidement à cet élargissement et donc d'engager encore plus rapidement des réformes institutionnelles.
J'en viens aux observations de M. de Villepin, dont je partage très largement les conclusions.
Tout d'abord, je souhaite vous faire part, monsieur le sénateur, de l'état des discussions avec l'Allemagne sur cette question institutionnelle.
Un accord se dégage sur les points qui doivent être étudiés. Il s'agit pour l'essentiel, je le répète, des trois reliquats d'Amsterdam.
Un consensus apparaît aussi sur la méthode. A Cologne, la présidence allemande proposera les modalités et le calendrier d'une réforme institutionnelle. Il lui appartiendra de choisir entre les trois formules que j'ai citées ou d'autres encore : soit des représentants personnels, soit une personnalité, soit un comité de sages. Je pense que, comme nous, elle est plutôt favorable à l'une des deux dernières formules. Mais il est important que nous soyons d'accord sur le calendrier. Or ce point fait l'unanimité au sein de l'Union européenne. Tout le monde s'accorde à reconnaître que la France, par son rôle, par sa force, par sa voix, par son intérêt pour la question est sans doute la mieux placée pour la traiter en l'an 2000.
L'Allemagne est donc d'accord pour que les réformes institutionnelles soient conclues sous présidence française. Elle nous y aidera, comme nous allons l'aider à réussir l'Agenda 2000 et, plus globalement, sa présidence.
Monsieur le rapporteur, vous avez formulé deux critiques à propos de la justice et des affaires intérieures.
L'accord de Schengen, intégré désormais dans le traité, devient une coopération renforcée. Pour ma part, je crois que l'on ne peut pas s'étonner du fait que certains pays - je pense à la Grande-Bretagne et à l'Irlande - restent en partie en dehors. Mais ces pays, notamment la Grande-Bretagne, il faut le rappeler, se rapprochent à grands pas des autres Etats membres, ces dernières semaines. Ils envisagent la reprise d'une grande partie de l'acquis Schengen. C'est pourquoi j'espère que votre observation perdra petit à petit de son opportunité.
Si la coopération judiciaire civile a été communautarisée, ce qui permet un recours possible à la majorité qualifiée, un consensus s'est fait jour à Amsterdam entre les Etats membres pour penser qu'il était impossible d'aller aussi loin sur les questions sensibles comme la coopération judiciaire pénale. Celle-ci pourra néanmoins recourir aux instruments prévus par le troisième pilier rénové ; je pense à l'entrée en vigueur des conventions de manière anticipée et aux décisions-cadres, qui sont proches des directives.
Vous m'avez interrogé par ailleurs sur le partage des dispositions de Schengen entre les premier et troisième piliers.
Comment a-t-on procédé ?
D'abord, on a effectué un recensement de l'acquis, qui, vous le savez, comporte les dispositions de la convention, d'une part, le droit dérivé, c'est-à-dire les décisions du comité exécutif, où, pour le moment je représente la France - ce ne sera pas le même cas de figure après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam - d'autre part.
Ensuite, on a procédé, selon la teneur des dispositions et du droit dérivé à leur ventilation entre le premier et le troisième pilier, conformément au partage opéré par Amsterdam. Des discussions ont été engagées, chaque point a été examiné dans le détail, tout le monde a pu donner son point de vue.
Aujourd'hui, même si deux points restent en suspens, aucun problème particulier ne semble se poser.
Pour ce qui est de la clause de sauvegarde, nous pensons qu'il faut la mettre dans le premier pilier puisqu'il y en a une dans le troisième pilier, à l'article K. 7. De cette façon, il y en aura une dans chaque pilier, ce qui, me semble-t-il, est de nature a rassurer tous ceux qui pourraient s'inquiéter. De toute façon, la Cour de justice des Communautés n'exercera ses compétences que de façon limitée sur cette disposition.
S'agissant du système d'information Schengen, vous le savez, le France plaide pour qu'on le laisse dans le troisième pilier.
En ce qui concerne l'harmonisation fiscale, je vous rappelle, ce que vous savez fort bien, que le Gouvernement, avec, je crois, l'approbation de M. le Président de la République, défend le principe de la majorité qualifiée en la matière. C'est une position à laquelle s'est rallié, j'insiste sur ce mot, le nouveau gouvernement allemand, ce qui prouve que les évolutions vont dans la bonne direction.
A M. Durand-Chastel, je dirai que j'ai apprécié la tonalité à la fois volontariste et pragmatique de son discours. Je ne reviendrai que sur un point.
Il propose d'élargir les pouvoirs du Parlement européen au détriment de ceux de la Commission pour rééquilibrer les pouvoirs de l'exécutif et du législatif.
Pour ma part, j'aurais tendance à rappeler également le rôle très important du Conseil, qui a toute sa place, et sans doute la première, dans le dispositif. On peut vouloir une Europe fédérale, mais elle repose encore et reposera longtemps sur un dispositif de coopérations entre des gouvernements.
Mme Bidard-Reydet s'est inscrite à sa façon dans la ligne du parti communiste, ligne euro-constructive, sur laquelle je reviendrai plus tard. J'ai déjà eu l'occasion de répondre sur ce point à M. Hue, à l'Assemblée nationale.
Madame le sénateur, vous avez dit que les lignes directrices pour l'emploi n'avaient pas la même force que les règles présidant à l'Union économique et monétaire. Il est vrai qu'il n'y a pas de sanction financière à ces critères. La logique financière reste donc seule à l'oeuvre. Mais je crois qu'il faut non seulement souligner les insuffisances du traité en la matière mais aussi aller plus loin, y compris en matière sociale et en matière d'emploi.
Pour ma part, je reste absolument convaincu que, tous ensemble, nous avons commencé à réorienter la construction européenne. A Amsterdam, nous avons à la fois adopté un traité, mais aussi mis en place une résolution qui a ensuite donné naissance au Sommet européen de Luxembourg, aux lignes directrices pour l'emploi et qui donnera naissance, demain, au pacte européen pour l'emploi.
C'est dans ce sens que nous devons aller et, à cet égard, je ferai volontiers écho à certaines des priorités que vous avez avancées en matière économique et sociale - les droits des travailleurs, la réduction de la durée du travail, la promotion des services publics - dont le traité d'Amsterdam, pour la première fois, reconnaît la légitimité et le rôle pour la cohésion sociale et territoriale de l'Union.
Vous avez insisté sur la domination des Etats-Unis sur l'Europe à travers l'OTAN. Faut-il pour autant ne rien faire ? Mon sentiment est que nous devons, au contraire, avancer vers une défense européenne, et je pense que ce n'est pas l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, qui peut être la réponse la plus efficace. Il faut s'orienter, comme cela était d'ailleurs proposé à Amsterdam, vers la fusion de l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, et de l'Union européenne et pouvoir ensuite disposer de façon concrète et pratique des moyens opérationnels de l'OTAN.
La mondialisation de l'économie est une réalité. On ne peut que la constater. Mais, face à cette réalité, l'Europe doit apporter des réponses dignes des valeurs qui la fondent. Tel est le sens de l'Europe que nous appelons de nos voeux.
Il me semble que le traité d'Amsterdam apporte certaines réponses face à une conception qui, jusqu'à présent, a été trop monétariste et trop financière. Même si nous savons que l'Union européenne est un paquebot qui ne bouge pas rapidement, dont les inflexions sont lentes, j'ai, pour ma part, la conviction qu'elle est aujourd'hui en marche.
Claude Estier a employé une formule à laquelle je souscris, à savoir que le traité d'Asmterdam était non pas un traité fondateur mais un traité régénérateur. Je me réjouis de noter que les points que vous relevez comme positifs, monsieur le sénateur, sont ceux qui, à mon sens, font d'Amsterdam une étape utile, qui contient beaucoup de potentialités, notamment en matière d'emploi et dans le domaine social.
Je suis d'accord aussi sur les insuffisances que vous avez soulignées, et, je l'ai dit, nous travaillons à les corriger le plus vite et le mieux possible. En matière de réforme institutionnelle en particulier, je veux manifester mon accord avec l'importance que vous avez accordée à la question de la majorité qualifiée. Comme vous, je pense que c'est un gage d'efficacité et que ce système sera favorable à un pays comme la France, qui a adopté une démarche volontariste. C'est pourquoi nous devons résolument nous inscrire dans cette perspective. Ainsi, nous devons affirmer sans timidité qu'un sujet tel que la fiscalité peut se prêter au vote à la majorité qualifiée.
L'intervention qu'a prononcée M. Fauchon se situe naturellement dans la droite ligne du rapport très détaillé qu'il a effectué sur la révision constitutionnelle. Son analyse est tout à fait pertinente.
Je ne reviendrai que sur certains points qui font écho à des thèmes d'actualité. Je pense en particulier à son interrogation sur la censure que le Parlement peut voter à l'encontre d'une commission, qui constitue elle-même un exécutif d'une nature particulière.
Je rappellerai qu'il faudrait aller plus loin dans la cohérence du système : je pense à la proposition de M. Jacques Delors sur le choix du président de la Commission. Il faut en effet clarifier les choses, faciliter l'identification du pouvoir politique au sein des institutions européennes : comment instaurer un pouvoir de censure illimité sans prévoir en contrepartie une sorte de droit de dissolution ?
A cet égard, il me semble que M. Fauchon a soulevé une véritable interrogation, qui méritera de la part du Sénat une réflexion approfondie.
M. Bordas a souligné que ce traité était insuffisant mais non négligeable. C'est vrai. Nous avons raison de dire qu'il faut le considérer pour ce qu'il est et non pour ce qu'il devrait ou aurait dû être.
M. Bordas a rappelé l'enjeu majeur qui se pose pour le Parlement à l'occasion de cette ratification. Ce n'est pas l'extension de l'article qui importe en elle-même, c'est la valeur qui sera accordée par le Gouvernement aux résolutions qui seront votées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.
De ce point de vue, je veux rassurer le Sénat et plusieurs intervenants qui se sont plaints de l'insuffisance des réformes qui ont été votées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution. Il est évident qu'interviendra dans cinq ans sur la partie communautarisée du troisième pilier, un vote dont le sens politique sera fort. Je ne sais si c'est le présent gouvernement ou un autre qui sera en place à ce moment-là - ce sera peut-être le même avec quelques différences, nous verrons - mais ce n'est pas l'important. Ce qui est clair, c'est que sera votée une résolution qui aura un contenu politique extrêmement fort.
M. Jean-Pierre Fourcade s'est félicité, pour sa part, des avancées en matière d'immigration. Il a indiqué sa préférence, soulignant qu'il serait cohérent, dans cinq ans, d'aller vers la majorité qualifiée. Puisque nous sommes en dehors du débat de la révision constitutionnelle et que nous nous plaçons non pas uniquement sur le plan des principes mais sur le plan de la réalité, je dois dire que vous avez raison, monsieur le sénateur, et que, le moment venu, il faudra parachever cette communautarisation, et ce dans la logique même du traité d'Amsterdam.
Vous m'avez interrogé par ailleurs, monsieur le sénateur, sur les initiatives que pourrait prendre la France, sous sa présidence, pour tirer les conséquences du passage à l'euro. Nous serons à un moment où les dispositions prévues dans le cadre de l'euro auront atteint leur maturité et nous pourrons aborder la mise en place généralisée de l'euro à l'horizon 2002, dans de bonnes ou de très bonnes conditions.
M. Vinçon voit dans les dispositions relatives à la PESC une des raisons majeures de ratifier ce traité. Il est clair, en effet, qu'il s'agit d'avancées concrètes importantes, et certains de nos partenaires souhaiteraient déjà les mettre en oeuvre : je pense à la déclaration franco-britannique de Saint-Malo, à laquelle les Allemands, mais aussi les Néerlandais, souhaitent maintenant s'associer.
Cependant, l'actualité nous montre aussi l'urgence qu'il y a à donner à l'Europe un visage et une voix. C'est pourquoi la nomination de M. ou Mme PESC, en juin, sera si importante.
Vous avez insisté, monsieur le sénateur, sur le fait que la qualification de la France à l'euro devait beaucoup à la bonne gestion du gouvernement Juppé. Pourquoi pas ? Mais les mérites en la matière sont largement partagés ; c'est le moins que l'on puisse dire.
Je rappellerai simplement les conditions dans lesquelles s'est opérée, à l'époque, la dissolution de l'Assemblée nationale et le fait que la France, à l'époque, ne remplissait pas les critères de Maastricht. Mais peu importe ! C'est dans la continuité de l'action des différents gouvernements que nous avons pu réaliser la présente avancée.
Mme Dieulangard a parfaitement rappelé en quoi le traité d'Amsterdam permet des avancées. Nous en voyons déjà les effets. Après elle, je soulignerai que nous souhaitons, à travers le pacte européen pour l'emploi, faciliter, accélérer, renforcer la mise en place des actions dans le domaine social et, d'abord, dans le domaine de l'emploi, à propos duquel elle a fait toute une série d'observations pertinentes.
M. Badré a procédé à une analyse des forces et des faiblesses du traité d'Amsterdam ; c'est une analyse que je partage. Bien entendu, cela mériterait un débat, mais le temps dont nous disposons aujourd'hui ne nous permet malheureusement pas de le mener.
Evoquant la fédéralisme, monsieur Badré, vous avez souhaité un vrai budget, de vraies ressources propres, des transferts de souveraineté sur des points forts.
Il est certain que l'Europe contient des éléments fédéraux. Comment nier que l'euro en est un ? Comment nier que la défense que nous voulons bâtir ne peut avoir d'inspiration que fédérale ? La monnaie et la défense sont deux points importants dans une fédération. J'ai cependant le sentiment que, à la fois dans son équilibre institutionnel et dans une série d'autres domaines - je pense à la justice, au budget - l'Europe n'est pas, aujourd'hui, une fédération.
C'est pourquoi je reste attaché à la formule de Jacques Delors : l'Europe est une fédération d'Etats-nations, formule dont on a pu dire qu'elle était contradictoire dans les termes mais qui souligne bien, à côté de l'existence d'éléments fédéraux, l'importance des nations.
Enfin, M. de Montesquiou s'est interrogé sur le retard mis par la France pour ratifier le traité et il a regretté l'absence de référendum.
On peut, certes, s'étonner que nous soyons les derniers à ratifier, mais n'oublions pas que les Néerlandais, les Belges et les Grecs n'ont eux-mêmes procédé à cette ratification qu'assez récemment ; cela signifie que nous ne nous sommes pas véritablement laissé distancer par nos partenaires.
En tout état de cause, nous sommes dans les temps pour l'application du traité.
Au demeurant, nous connaissons les causes de ce retard. Pour ne pas évoquer celles qui sont plus subjectives, j'en citerai une, qui est objective : la nécessité devant laquelle nous nous trouvions de réviser préalablement la Constitution.
S'agissant du référendum, je considère qu'il serait tout à fait légitime de consulter le peuple sur la construction européenne. Cela a d'ailleurs été fait à propos du traité de Maastricht.
Cependant, pour qu'un référendum soit réussi, il faut définir une question claire, à laquelle on puisse répondre par « oui » ou par « non », et dont les enjeux apparaissent distinctement à l'opinion. Or il ne me semble pas que ce traité, si complexe, abordant des sujets très divers, pouvait donner lieu à une question simple.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'était la même chose avec le traité de Maastricht !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. J'approuve donc pleinement le choix qui a été fait par le Président de la République, en accord avec le Gouvernement, de faire procéder à la révision, puis à la ratification par la voie parlementaire.
Cela a d'ailleurs permis au Parlement - et ce sera ma conclusion - de procéder à un ajout que lui seul pouvait décider : je veux parler de l'article 2, qui a été élaboré en concertation avec votre commission des affaires étrangères. J'y vois la marque d'une détermination forte de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui constituera pour le gouvernement actuel et pour ses successeurs une contrainte politique importante. Il ne s'agit pas d'une déclaration d'intention pure et simple ; c'est une déclaration politique qui engage à la fois le Parlement et le Gouvernement.
C'est pourquoi, après ce débat très constructif, j'attends avec confiance un vote d'une très grande clarté, susceptible de rivaliser par son ampleur avec celui de l'Assemblée nationale, ce qui doit être l'ambition constante de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du RDSE.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

M. le président. Je suis saisi par Mmes Luc, Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Bret, Dufour, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Loridant, Ralite, Renar et Mme Terrade d'une motion n° 2, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 250, 1998-1999). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Duffour, auteur de la motion.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, se déclarer pour ou contre l'Europe n'a guère de sens : l'Europe est une réalité incontournable. C'est pourquoi lire aujourd'hui les critiques, fortes, qu'adressent les communistes au traité d'Amsterdam comme un reproche selon lequel il y aurait « trop d'Europe » relève du contresens.
Nous constatons, comme tout un chacun, une crise profonde de confiance au regard de la construction européenne.
L'espérance européenne, telle qu'elle est vécue par des millions de gens, ne peut pas trouver son compte dans la seule ode à la bonne santé boursière !
Le traité de Maastricht a été regardé comme une contrainte insupportable par nombre de progressistes. L'obsession des critères de convergence, du grand marché, de la monnaie unique et de la libre concurrence, si chère à nos libéraux, a laissé en friche des pans entiers de la construction européenne et de son contenu démocratique.
Des fêlures durables sont apparues, et le traité d'Amsterdam n'a pas permis de les résorber. En effet, ce traité ne réoriente pas la construction passée, il s'inscrit dans le même sillon. Les avancées très réduites qu'il prévoit s'agissant de l'emploi ou de la place du Parlement européen ne compensent pas le déficit démocratique.
Nos concitoyens veulent pouvoir peser à chaque moment sur les grands choix. La construction européenne choisie ne le leur permet pas.
Une des grandes nouveautés contemporaines réside dans le fait que nos sociétés sont amenées à penser leur avenir et à relever de grands défis à l'échelle de la planète. Malheureusement, la mondialisation a d'abord été financière. Certains s'en tiendraient d'ailleurs bien là car, à leurs yeux, la libre circulation des capitaux devrait suffire à réguler les relations entre les peuples.
Mais les enjeux du développement, de l'environnement, de la faim, de la recherche médicale ou des migrations, et bien d'autres problèmes encore, se situent aussi à l'échelon planétaire. Or ils ne se régleront pas avec les schémas qui ont été au coeur des précédents traités et des politiques suivies jusqu'à présent.
La modialisation financière s'est imposée à coups de déréglementation, de domination économique et de perte de souveraineté.
Les coopérations entre les peuples qui ont à mettre en commun des savoirs et des acquis ne peuvent pas prendre le même chemin. La marche en avant ne peut faire fi des nations, de leur souveraineté, de ce creuset où se forgent les citoyennetés.
La conscience d'appartenir à un ensemble où le destin de son peuple est solidaire de celui des autres émergera sans braver ni brader des sentiments nationaux. La citoyenneté européenne n'est pas un substitut à la citoyenneté française.
C'est bien pour cela que nous nous sommes engagés pour que le traité d'Amsterdam soit soumis à référendum. Mais, nous a-t-on objecté, puisqu'il s'agit de la même orientation que celle du traité de Maastricht, pourquoi voter à nouveau ?
Le fait que Maastricht ait été approuvé par référendum, à une faible majorité d'ailleurs, ne change rien à la question de fond : une démocratie comme la nôtre doit, à chaque étape de la construction européenne, que l'on approuve ou que l'on conteste les mesures proposées, donner la parole au peuple. C'est un facteur de cohésion indispensable. Les citoyens ont le droit de revenir sur des décisions et de défaire ce qui a été acté à un moment donné. Rien ne doit être considéré comme irréversible.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Michel Duffour. Pourtant, c'est bien le sentiment d'une irréversibilité qui a été donné.
Nous fournit-on, avec ce traité, les moyens de remédier à la carence de démocratie dont souffrent les institutions européennes ? A notre avis, non !
Vous n'êtes pas les seuls à le dire, nous rétorquera-t-on, puisque le projet de ratification lui-même indique que la République française exprime sa détermination de voir réaliser, au-delà des stipulations du traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l'Union européenne.
Ou bien lisez, nous dira-t-on peut-être, le rapport établi par M. Villepin, qui, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, porte un jugement sévère sur la réforme constitutionnelle, évaquant un rendez-vous manqué.
Mais alors, pourquoi une telle prudence dans les propositions ? Comment comprendre une si grande complaisance dans les propos tenus sur le fonctionnement de la Commission européenne ? Pourquoi n'entend-on aucune autocritique dans ce que dit M. Barnier sur sa riche expérience ministérielle ? Vous donnez à penser que, pour vous, les choses ne vont plus, mais qu'elles ne peuvent aller mieux !
Nous pensons, pour notre part, que l'Union européenne empiète trop sur les responsabilités qui doivent demeurer de la seule compétence nationale et fait, en revanche, souvent bien mal en matière de coopération, ce qui devrait relever ou relève de ses missions.
Nous sommes tout à fait opposés à une fuite en avant vers un fédéralisme sapant les fondements nationaux. Quoi qu'affirment les uns et les autres, la lecture du rapport de notre commission des affaires étrangères met en cause le droit de veto de chaque gouvernement dans l'application des dispositifs des coopérations renforcées, et cela nous alerte.
Une architecture nouvelle pour les institutions européennes est à créer : une architecture dans laquelle la Commission ne pourrait plus faire jouer son initiative exclusive en oubliant le souhait exprimé par les peuples, où les parlementaires européens et nationaux seraient placés en coopération, où les forces vives de chaque nation pourraient faire entendre leur voix.
La Commission peut-elle conserver des pouvoirs intacts ?
Poser la question, après les événements de ces vingt-quatre dernières heures, c'est y répondre. Nous n'y voyons pas une simple péripétie ou les balbutiements d'une administration jeune, pas plus d'ailleurs qu'un choc salutaire qui renforcerait le bien-fondé du traité d'Amsterdam. Nous n'avons pas seulement affaire à la crise d'une entité jusqu'alors peu contrôlée ; cette crise est surtout le symptôme d'une institution paralysée parce qu'elle ne se nourrit pas du débat démocratique de chaque nation.
Amsterdam ne remédie pas à cela.
L'approbation du président de la Commission par le Parlement européen est un leurre : elle ne contrebalance pas les pouvoirs de la Commission mais renforce ceux de son président ; c'est notre commission des affaires étrangères elle-même qui l'indique à la page 32 du rapport.
Le traité propose de surmonter la bureaucratie, non pas par la démocratie mais par le renforcement des pouvoirs du président.
Peut-on accepter un aussi large pouvoir discrétionnaire du président dans l'attribution des tâches au sein du collège ? Ne faut-il pas, au regard des analyses libérales et dogmatiques, éloignées le plus souvent des réalités nationales, que la Commission produit - par exemple, sur nos services publics - rogner ses pouvoirs en matière de politique de concurrence et de politique commerciale ?
Les parlementaires communistes sont très préoccupés du peu de place que prennent les citoyens dans la construction européenne. Une telle pratique appelle des changements radicaux, tels que le rapprochement entre salariés et citoyens des différents pays sur des objectifs communs : voilà qui serait une chance pour la construction européenne.
Il est dommage que le traité se contente d'étendre le rôle consultatif du Conseil économique et social, du Conseil et de la Commission au Parlement sans revaloriser cette instance, la rénover, lui permettre de disposer d'une sorte de droit d'alerte qui suspendrait éventuellement l'application d'une décision ou d'une directive. Loin de s'en trouver perturbée et affaiblie, l'Europe serait ainsi renforcée.
La semaine dernière, le Parlement européen a examiné de nouvelles directives visant à libéraliser partiellement le transport ferroviaire. Bien que tous les groupes européens, à l'exception du groupe où siègent mes amis politiques, aient appelé à un vote positif, la moitié des parlementaires français ont enfreint la discipline de vote de leurs groupes.
Cela n'illustre-t-il pas le fait que, dans un pays comme le nôtre, l'intervention forte d'acteurs sociaux amène des représentants, en toute conscience, à envisager les problèmes sous un angle autre que celui sous lequel les présente la pensée unique libérale ?
N'a-t-on pas besoin, pour la construction de notre Europe, d'envisager une tout autre place pour les associations, les syndicats ?
Je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes prononcé, voilà quelque mois, pour la tenue d'une conférence sociale européenne en France même sur l'organisation de réseaux informels pour mieux informer les citoyens et recueillir leur avis. Comment pensez-vous concrétiser une telle idée ?
Nous savons bien que toute politique de coopération, dès qu'elle appelle une prise de décision, entraîne des transferts de compétences. Cela ne nous fait pas peur. Nous ne sommes pas frileux sur les partages de compétences, à condition qu'ils soient réversibles, effectués dans la clarté, effectivement consentis par notre peuple.
On ne peut pas continuer indéfiniment à diriger, à gérer l'Europe comme une entreprise selon les dogmes ultralibéraux, dans l'opacité des bureaux et des procédures. Il est temps d'inventer des droits et des pouvoirs nouveaux en partant de là où tout doit commencer, à savoir la volonté des citoyens.
Cette extention des droits et des pouvoirs nouveaux aux citoyens ne nous semble pas en opposition avec les assemblées élues, bien au contraire ! Nous ne sommes pas quittes, par exemple, avec les décisions qui ont été prises lors de la révision constitutionnelle et l'adoption de l'article 88-4. Nous sommes partisans de revoir la Constitution si cela se révèle nécessaire, de façon à permettre aux parlementaires d'intervenir en matière de politique européenne et de débattre du mandat avec lequel nos ministres abordent la négociation des directives, des lois, des règlements européens. Cela permettrait, là encore, que les élus soient impliqués activement dans les choix effectués et qu'ils puissent en rendre compte devant leurs électeurs.
Comment, très concrètement, le Parlement sera-t-il consulté sur les grandes décisions communautaires de la prochaine période ?
Comme nous l'avons dit lors du débat sur la révision constitutionnelle, le groupe communiste républicain et citoyen est soucieux de l'initiative exclusive attribuée à la Commission pour les questions liées à la circulation des personnes, à l'asile et à l'immigration. Quel est l'état des convergences entre les politiques européennes à cet égard ? Ces grands enjeux pour l'humanité et les peuples relèvent-ils seulement de conférences entre Etats ?
Au mois d'octobre prochain, le conseil des chefs d'Etat et de gouvernement décidera d'un plan de cinq ans. Aurons-nous un débat parlementaire préalable ? Le Gouvernement y présentera-t-il les grandes options qui seront défendues en Finlande ? Ce sont cette dynamique, ces échanges, qui redonneront vie à l'Europe.
Droits et pouvoirs nouveaux des citoyens ne sont pas non plus en opposition avec l'extension des pouvoirs du Parlement européen. La place de ce dernier est quelque peu renforcée avec le traité. Un rôle accru lui est attribué dans la procédure de décision. Nous nous en félicitons. La question désormais posée concerne la portée de son pouvoir de contrôle sur la Commission, le suivi qu'il peut exercer sur les décisions prises, l'articulation constante à créer avec les parlements nationaux.
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen pense qu'être européen implique d'agir pour un changement profond de la construction actuelle.
Est-ce être européen que de défaire, comme cela a été beaucoup fait, sans construire ? N'est-ce pas le credo des ultralibéraux ?
Nous sommes en désaccord avec la logique de ce traité. Nous ne le voterons donc pas, d'autant que nous n'admettons pas que notre peuple n'ait pas été consulté.
Nous sommes conscients que nous allons, à maintes reprises, retrouver tout ou partie de ce débat. C'est l'avenir de notre pays qui est en jeu.
Nous espérons que, d'ici là, une part de nos mises en garde aura eu votre oreille, une part de nos suggestions vous aura stimulés. En tout cas, les parlementaires communistes sont bien décidés à faire avancer une conception constructive et progressiste de l'Europe. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Xavier de Villepin, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères a proposé l'adoption conforme du projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam et cette position vaut naturellement, monsieur Duffour, rejet de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité que vous nous avez présentée.
Je ne reviendrai pas, mon cher collègue, sur les raisons que vous invoquez à l'appui de l'exception d'irrecevabilité que vous soulevez aujourd'hui.
Qu'il me soit simplement permis de rappeler ici que, voilà plus d'un mois, la représentation nationale s'est prononcée, à une très large majorité, en faveur de la révision constitutionnelle qui nous permet précisément, aujourd'hui, de procéder à l'examen du projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam. (Exclamations sur certaines travées du RPR.)
Vous jugez sévèrement le traité d'Amsterdam. Il présente des mérites auxquels vous devriez pourtant être sensibles. L'intégration du protocole social au traité, le renforcement de la coordination des politiques de l'emploi représentent d'indéniables progrès. Les dispositions relatives à l'emploi ont d'ailleurs été mises en oeuvre de manière anticipée. Une dynamique est ainsi enclenchée, même s'il est clair que l'on ne peut et l'on ne doit tout attendre de l'Europe. Le problème du chômage ne se réglera pas seulement à Bruxelles.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il s'aggravera !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Le traité reconnaît par ailleurs les « services d'intérêt économique général ». Il introduit, en outre, des nouvelles dispositions plus protectrices en matière de santé et d'environnement.
Bref, le traité d'Amsterdam, le premier sans doute dans la série des textes qui ont jalonné la construction européenne, traduit le souci de prendre mieux en compte des sujets plus proches des préoccupations des citoyens.
Il esquisse aussi les contenus d'un « modèle social » qui représente l'un des fondements de l'identité du Vieux Continent. Sans doute beaucoup reste-t-il à faire pour combler le fossé qui s'est creusé, ces dernières années, entre Bruxelles et les opinions publiques européennes.
J'ai insisté, tout à l'heure, sur la nécessité de renforcer la légitimité de la construction européenne. Il ne faut pas non plus négliger le travail d'explication et nous avons, nous parlementaires, une responsabilité pour mieux faire comprendre l'Europe à nos concitoyens. A nous aussi de veiller à ce que les dispositions les plus prometteuses du traité d'Amsterdam ne restent pas lettre morte.
Le traité d'Amsterdam donne la chance d'affirmer une dimension plus humaine à l'Union européenne. Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que la commission des affaires étrangères vous demande de rejeter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je serai bref. Dans cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité se trouvent des critiques, que je peux partager, contre les dérives qui ont été constatées lors de la réalisation de l'Union économique et monétaire et dérives qui sont dues, je le répète, à la dimension fortement monétaire, voire monétariste, et financière du traité de 1992, exclusivement centré sur des préoccupations de rigueur et sur les marchés.
Toutefois, c'est précisément en raison de ces dérives et d'un déséquilibre dans le traité de Maastricht que s'est révélée nécessaire la conclusion d'un nouveau traité, le traité d'Amsterdam.
Monsieur Duffour, je ne partage pas votre point de vue selon lequel le traité d'Amsterdam obéirait à la même logique que celui de Maastricht. En effet, ces traités ont des objets radicalement différents : dans un cas, il s'agit de s'orienter vers l'Union économique et monétaire, de préciser les modalités de mise en place de l'euro et d'instaurer les institutions nécessaires à cet effet ; dans l'autre cas, il s'agit, au contraire, de prévoir des dispositions politiques pour faire fonctionner l'Europe de l'aprèsMaastricht.
Le traité d'Amsterdam procède donc, je l'ai dit ce matin, d'une logique différente : il complète et corrige le traité de Maastricht.
Une lecture attentive de ce traité, notamment du volet emploi que nous mettons aujourd'hui en oeuvre de façon anticipée, au travers, à la fois, du sommet de Luxembourg, du Pacte européen pour l'emploi qui fera l'objet d'une décision à Cologne, du chapitre social et des dispositions sur les services publics, pourrait vous convaincre que, sans être, j'en conviens, le grand traité fondateur de l'Europe politique et sociale que nous souhaitons, ce traité est néanmoins utile et constitue une étape positive de la construction européenne, y compris à l'égard de la philosophie défendue par le parti communiste qui se veut euroconstructif, et qui l'est.
Je ne reviendrai pas sur le débat relatif au référendum. Il est désormais derrière nous puisque, cet après-midi, s'achève précisément le processus de ratification du traité d'Amsterdam, qui a été commencé avec la révision constitutionnelle.
Je ne peux que vous répéter quel a été le fondement de mon argumentation, qui me paraît validée par les institutions de la Ve République. En effet, l'article 3 de la Constitution dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
En l'occurrence, l'ordre des termes est tout à fait significatif. La voie normale de l'exercice de la souveraineté nationale, c'est le Parlement, lequel aura effectué un travail utile à cet égard : d'une part, lors du débat sur la révision constitutionnelle, il a complété l'article 88-4 de la Constitution ; d'autre part, aujourd'hui, en votant l'article 2 du présent projet de loi, il marque le souhait du Parlement - ce souhait est très largement partagé sur l'ensemble des travées, j'en suis sûr - que, préalablement au prochain élargissement, intervienne une réforme institutionnelle.
S'agissant des institutions européennes, la crise actuelle ne plaide en rien pour le statu quo . J'y vois, au contraire, la meilleure illustration de la nécessité de procéder à des réformes.
Toutefois, ces réformes - je vous rejoins sur ce point - doivent nous conduire vers plus de démocratie, plus d'efficacité, et non pas l'inverse. Par conséquent, désormais, il nous faut une Commission non pas plus faible, plus asservie, qui se contenterait d'exécuter des décisions prises par ailleurs, mais une Commission plus forte, plus politique, plus légitime devant le Parlement européen, ce que prévoit d'ailleurs le traité d'Amsterdam. Il s'agit là d'une raison supplémentaire pour ratifier ce traité.
Je suis d'accord avec vous sur le rôle que doivent jouer en la matière la société civile et les partenaires sociaux.
Je m'en voudrais de ne pas citer l'excellent rapport que m'a remis Philippe Herzog. Celui-ci fut député européen communiste, puis député européen ex-communiste et il va sans doute redevenir député européen sur la liste de Robert Hue. Croyez que j'ai à coeur de mettre en oeuvre ces propositions. Celles-ci ont déjà connu un début d'application à travers la rencontre, désormais institutionnalisée avant chaque sommet européen, entre le Gouvernement au plus haut niveau, le Premier ministre en tête, et les responsables des centrales syndicales.
Il faudra aller plus loin, et je veillerai, soyez-en sûrs, à l'application de ces propositions.
M. Jean-Claude Gaudin. C'est très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Nombre d'entre vous ont cité à Vaclav Havel. Lors de ma réponse aux intervenants, j'ai omis de faire écho aux propos tenus par le Président de la République tchèque. Je ne peux m'empêcher d'y chercher des raisons de nous inscrire dans la démarche qui est la nôtre aujourd'hui.
M. Vaclav Havel disait ceci : « Il y a quatre ans, mourut un Juif lituanien, qui avait fait ses études en Allemagne pour devenir un célèbre philosophe français. Il s'appelait Emmanuel Levinas. Selon son enseignement, conforme à l'esprit des plus anciennes traditions européennes - ici, sans doute, la tradition juive - c'est au moment où nous regardons le visage de l'autre que naît le sentiment de responsabilité de ce monde.
« J'estime que c'est justement de cette tradition spirituelle que l'Europe devrait se souvenir aujourd'hui. Elle découvrira alors l'existence de l'autre - tant dans l'espace qui l'entoure qu'aux quatre coins du monde - pour assumer cette responsabilité fondamentale. »
Il est vrai que nous sommes loin du traité d'Amsterdam. D'ailleurs, nous sommes loin de la proposition, que je ne partage pas intégralement, je l'ai dit, de Vaclav Havel, de s'orienter vers une constitution européenne. Pour ce faire, il faudrait que se dégage un peuple européen, un constituant.
S'agissant de la construction européenne, notre démarche a tendu, dès l'origine, à édifier une société plus ouverte non seulement à ses différentes composantes, à ses diversités culturelles, mais aussi au monde. Il me semble que le traité d'Amsterdam, modestement, avec ses imperfections, avec ses lacunes, représente un pas sur cette voie.
Pour toutes ces raisons, en vous appelant de nouveau à autoriser la ratification du traité d'Amsterdam, j'appelle aussi à rejeter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 2, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79:

Nombre de votants 294
Nombre de suffrages exprimés 288
Majorité absolue des suffrages 145
Pour l'adoption 17
Contre 271

Mme Hélène Luc. Dommage !

Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par M. Pasqua, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 250, 1998-1999). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication du vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Pasqua, auteur de la motion.
M. Charles Pasqua. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aimerais, d'entrée de jeu, attirer votre attention sur le point suivant : le cours des choses a voulu que notre Assemblée soit la dernière d'Europe à avoir à se prononcer sur le traité d'Amsterdam. Si nous le ratifions en l'état, la cause est entendue : le traité d'Amsterdam s'applique.
le hasard, ou une certaine providence, fait que notre vote intervient le jour où, pour la première fois depuis ses débuts, voilà quarante ans, l'institution européenne est soumise au regard politique des Européens. La démission de la Commission de Bruxelles, l'exécutif de l'Union européenne, est exactement de même nature que celle d'un gouvernement tout entier à l'échelon d'un pays.
Les Européens, et notamment les Français, ont découvert ce matin le fonctionnement d'une machine européenne dont ils ne comprennent pas les rouages. Commission, Conseil, Parlement, qui décide, qui propose, qui vote, qui contrôle ? Nul ne saurait le dire. La mécanique opaque voulue par Jean Monnet avait besoin d'être à l'abri des regards. Son mode d'emploi lui-même ne devait pas être compris par ceux qui sont censés l'utiliser.
Les mots ont d'ailleurs été choisis pour dissimuler la réalité. Le Conseil des ministres, c'est le Gouvernement, le pouvoir exécutif ; la Commission, c'est l'administration ; le Parlement, c'est le pouvoir législatif : voilà ce que vous répondrait tout être sensé si vous l'interrogiez sur les institutions européennes. Eh bien, pas du tout ! Dans le bonneteau imaginé par Jean Monnet, l'exécutif, c'est la Commission, et le législatif, c'est le Conseil des ministres ; quant au Parlement, de création plus tardive, c'était jusqu'à présent un organe consultatif qui commence d'acquérir le pouvoir de censurer et de contrôler la Commission.
Aujourd'hui, tout le monde voit bien que cette architecture volontairement décalée par rapport à nos repères démocratiques est à l'origine des dysfonctionnements constatés. On entend les plus chauds partisans de la constitution d'une Europe sur le modèle fédéral dire qu'il faut tourner la page de cette Europe opaque, secrète, pour commencer d'écrire celle de l'Europe démocratique. Ils le disent même encore plus rapidement que ceux qui émettaient depuis toujours les plus sérieuses réserves sur le fonctionnement de l'Europe, et que l'on qualifiait aussitôt d'anti-européens primaires.
Eh bien soit, monsieur le ministre ! Eh bien soit, mes chers collègues ! Donnons à l'Union européenne son assise démocratique ! Remettons d'aplomb cette construction de guingois ! Confions au Conseil des ministres le pouvoir exécutif, au Parlement le pouvoir législatif et à la Commission le rôle réglementaire. Remettons sur sa base la pyramide européenne. Débattons-en, et que chacun avance ses propositions. Définissons clairement ce qui est du ressort de l'Europe, comme notre article 34 définit exhaustivement ce qui est du domaine de la loi et ce qui n'en fait pas partie.
Mais, de grâce, cessons d'abandonner, traité après traité, nos responsabilités à des organes indépendants de toute élection et de toute sanction électorale,...
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Charles Pasqua. ... ce qui, par nature, conduit aux dérèglements que nous constatons aujourd'hui.
Le traité de Rome a créé une commission de Bruxelles concurrente des gouvernements nationaux et c'est pour cette raison que furent hostiles à ce traité des hommes aussi conscients que Pierre Mendès France ou le général de Gaulle. Il a fallu quarante ans pour que cette aberration qui consiste à installer un pouvoir sans le contre-pouvoir correspondant fasse la preuve de sa nocivité. Nous y sommes !
Le traité de Maastricht a créé un deuxième OPNI, objet politique non identifié - à ne pas confondre avec OVNI (Sourires.) - la Banque centrale de Francfort. Là aussi, nous venons d'installer un pouvoir sans aucun contre-pouvoir, une puissance sans légitimité d'aucune sorte et à laquelle le droit au secret est même reconnu.
M. Emmanuel Hamel. Le pouvoir de l'argent et de la finance !
M. Charles Pasqua. Et dans dix, vingt ou quarante ans, nous viendrons nous plaindre, nous ou nos successeurs, des dérives auxquelles tout cela aura automatiquement conduit !
Et comme si cela ne suffisait pas, comme si ce n'était pas la première fois depuis le temps des monarchies absolues que tant de pouvoirs sont soustraits au regard et au jugement des peuples, nous allons ajouter avec le traité d'Amsterdam une dernière grille entre l'Union européenne et la démocratie, une nouvelle enceinte autour de la « Cité interdite » de Bruxelles.
Qui n'a pas vu, voilà deux semaines à peine, les images des paysans européens manifestant à Bruxelles dans une ville morte défendue par des chevaux de frise n'a rien compris à ce qui était en train de se passer en Europe et que le sabordage de la Commission ne fait, en réalité, que trahir aujourd'hui : l'incroyable fossé qui s'est creusé entre le discours europénne que tiennent, de bonne foi, les hommes politiques et la réalité d'une machine qui a échappé à ses créateurs, un peu comme le robot du docteur Frankenstein.
Cette machine qui pond directive sur directive veut tout uniformiser, calibrer, normaliser ; c'est elle qui décide que les règles de conservation du renne dans le Grand Nord finlandais doivent être les mêmes que celles du lapin dans le Péloponnèse, c'est elle qui sacrifie les chantiers navals du Havre le même jour qu'elle décide de fermer la chasse au pigeon ramier.
M. Emmanuel Hamel. Hélas, tout cela est vrai !
M. Charles Pasqua. Bref, c'est une machine obsessionnelle de la décision mais totalement indifférente aux résultats qu'elle obtient.
Et c'est à cette machine-là que le traité d'Amsterdam confie tout un nouveau pan de souveraineté, tout un nouveau champ de compétences livré à son imagination fertile et à son impérialisme paperassier ! Pour ne citer que cet exemple, mais je pense qu'aujourd'hui il prendra tout son sens, le traité d'Amsterdam donne à la Commission nos compétences en matière d'immigration, de sécurité, de justice et de libertés publiques.
De plus, en ces matières, le traité accorde à la Commission le monopole de l'initiative, c'est-à-dire que le Conseil des ministres n'aura même plus le droit de proposition !
Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre. Je crains qu'il ne nous ait abandonnés !
Est-il raisonnable que nous nous départissions, sans appel cette fois encore, de politiques aussi consubstantielles à notre identité, à notre personnalité, à notre intimité nationale qui s'appelle la République sans être certains qu'elles ne seront pas sous-traitées ensuite à on ne sait trop qui ?
Quoi qu'il en soit de nos certitudes européennes ou, au contraire, de nos doutes, aux uns et aux autres, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le moment est venu d'une pause dans cette fuite en avant qui nous fait ajouter rouage sur rouage à ce royaume digne d'Ubu ?
Pour cela, il ne faut pas ratifier en l'état le traité d'Amsterdam. (MM. Emmanuel Hamel et Paul d'Ornano applaudissent.) Rien ne presse. Tout le monde, et d'abord ceux qui l'ont négocié, s'accorde pour trouver ce traité mauvais, inabouti, bancal. Je crois, moi, qu'il est dangereux. Et, à la lumière de ce qui se passe en ce moment même en Europe, je considère qu'il est irresponsable vis-à-vis de nos peuples de ratifier ce traité, qui ajoute de nouveaux risques à ceux que nous venons de découvrir.
Au regard de l'avenir, cette irresponsabilité, monsieur le ministre, mes chers collègues, m'apparaît déjà comme une présomption de culpabilité.
Dernière assemblée d'Europe à avoir à ratifier ce traité, la Haute Assemblée s'honorerait en accordant à l'ensemble des peuples et des gouvernements européens un délai supplémentaire de réflexion.
C'est ce à quoi je vous invite, mes chers collègues, quels que soient vos sentiments. En votant la notion tendant à opposer la question préalable, vous permettrez à l'Union européenne elle-même de prendre le temps de concevoir enfin une Europe au service des Européens, et non pas à son propre service. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants. - M. Bernard Seillier applaudit également.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
M. Emmanuel Hamel. Nul n'ose contester la vérité qui vient d'être énoncée.
Mme Hélène Luc. C'est peut-être cela...
M. Emmanuel Hamel. J'espère que la Haute Assemblée émettra un vote de refus !
M. Claude Estier. Vous parlez trop vite !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Vous connaissez, mes chers collègues, la position de la commission ; vous savez qu'elle vous invite à adopter conforme le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam. Cette position vaut naturellement rejet de la présente motion tendant à opposer la question préalable.
Je voudrais toutefois tenter de répondre aux arguments de M. Charles Pasqua.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est périlleux !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Mon cher collègue, votre engagement, vos convictions forcent le respect et l'estime.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Avec vous, le débat sur l'Europe se place au niveau le plus haut, et notre Haute Assemblée peut, je crois, en tirer une légitime fierté.
Je voudrais toutefois vous montrer pourquoi l'adhésion de la commission des affaires étrangères, dans sa majorité, au traité d'Amsterdam est le fruit d'un choix réaliste et raisonné.
Quand nous avons donné notre assentiment aux avancées enregistrées par le traité, nous avons aussi tenu compte des garanties qui permettent de placer sous contrôle l'extension du pouvoir communautaire. Ainsi, s'agissant de l'application de la majorité qualifiée pour les questions liées à la libre circulation des personnes, il importe de rappeler que le Conseil se prononce à l'unanimité, au terme d'un délai de cinq ans, et, s'il le souhaite, au cas par cas.
En outre, la compétence de la Cour de justice pour ces questions a été aménagée de manière limitative.
Enfin, les prérogatives des Etats en matière d'ordre public et de sécurité intérieure ont été préservées.
C'est parce que de telles bornes ont été posées que nous avons approuvé ces avancées.
Mais ces avancées ont été - il faut le répéter - trop rares.
Ainsi, le vote à la majorité qualifiée, si l'on excepte les questions liées à la libre circulation pour lesquelles son application n'est qu'éventuelle, n'a été étendu, dans le cadre du traité, qu'à l'adoption des programmes de recherche. Ce progrès est pour le moins limité.
De même, certains garde-fous posés par le traité peuvent aussi devenir des freins. Il est normal, comme le traité le permet, que les Etats puissent faire valoir des « raisons de politique nationale importantes » pour s'opposer à une décision dans le domaine de la PESC. Est-il juste toutefois que tout Etat puisse s'opposer à la mise en place de coopérations renforcées auxquelles il a toute liberté de participer ? La question mérite d'être posée.
Nous avons pris la mesure de ces faiblesses, en particulier dans le domaine institutionnel, et c'est pourquoi nous avons insisté à plusieurs reprises pour que soit introduit par le Gouvernement un article additionnel qui rappelle la nécessité d'une réforme d'ampleur avant la conclusion des négociations d'adhésion.
Certes, ici encore, il faut faire preuve de réalisme. Il ne faut pas se méprendre sur la valeur de cet article ; la commission des affaires étrangères ne le considère pas comme une panacée qui permettrait d'autoriser la ratification du traité d'Amsterdam en oubliant nos réserves sur les graves lacunes de ce texte.
En votant cet article, nous prenons date pour l'avenir. Le Gouvernement s'engage devant la représentation nationale sur sa détermination à faire avancer les négociations sur la réforme institutionnelle et sur la réforme de la Commission de Bruxelles. Il devra donc rendre compte de ses efforts devant le Parlement. Et - il faut le redire - la responsabilité du Gouvernement apparaît d'autant plus engagée que les négociations pourraient - en tout cas notre souhait - se conclure sous présidence française avant la fin de l'an 2000.
La Haute Assemblée, à travers sa commission des affaires étrangères et sa délégation pour l'Union européenne, aura donc à exercer toute sa vigilance dans la période qui s'ouvre. Ainsi, l'autorisation de ratifier le traité d'Amsterdam pour laquelle nous plaidons a aussi le sens d'une autorisation sous surveillance.
Nous ne nous berçons pas d'illusion, mais nous ne voulons pas non plus nous priver d'une chance de faire aboutir les réformes nécessaires.
La ratification du traité d'Amsterdam, qui n'a que trop tardé - vous l'avez rappelé, comme je l'ai fait, monsieur Pasqua - constitue à cet égard un préalable indispensable. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères invite le Sénat - et je le regrette, mon cher collègue - à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Monsieur Pasqua, je veux à mon tour, au nom du Gouvernement, dire que vous avez porté le débat à un niveau élevé qui mérite le respect et l'estime. D'ailleurs, en vous écoutant, je pensais à quelques arguments favorables à la ratification du traité d'Amsterdam auxquels je n'avais pas songé jusqu'à présent.
Ainsi, il est vrai que le débat que nous avons aujourd'hui est le dernier qui va se tenir, au sein d'une assemblée parlementaire européenne, pour ou contre le traité d'Amsterdam.
M. Charles Pasqua. Il y en aura d'autres !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Non, nous sommes bien aujourd'hui le dernier pays à ratifier le traité d'Amsterdam. C'est donc le dernier débat sur la ratification. Nous vivons par conséquent, avec l'adoption de ce traité et avec cette étape supplémentaire dans la constuction européenne, un moment historique sur lequel je veux appeler l'attention du Sénat.
Je songeais aussi, en vous écoutant, aux vertus pédagogiques que peut avoir une crise.
Je sais, tout comme vous, que les institutions européennes sont complexes : la Commission n'est pas l'administration, pendant que le Conseil serait l'exécutif et le Parlement, le législatif. Les choses, en fait, sont plus compliquées : la Commission est une instance hybride, politique et administrative, qui détient à la fois un rôle d'impulsion et de gestion ; le pouvoir législatif est partagé entre le Conseil et le Parlement, ce dernier exerçant un rôle de contrôle sur la Commission, alors que le Conseil est le moteur politique. Il est effectivement utile de rappeler tout cela.
Pour autant, en évoquant ainsi les mots et les choses, monsieur Pasqua, je ne partageais pas votre sentiment sur cette crise, qui démontre, contrairement à ce que vous avez affirmé, que les organes que vous appelez les « OPNI » n'échappent pas à tout contrôle électoral ou politique.
Ce qui aboutit, aujourd'hui, avec la démission de la Commission, c'est un processus qui marque la construction progressive d'une opinion publique européenne, un processus qui trouve sa source dans le Parlement européen.
C'est parce que le Parlement européen a mené un débat de censure, c'est parce que le Parlement européen, avec l'accord de la Commission, a nommé un comité d'experts indépendants et parce que ce dernier a rendu son rapport que la Commission elle-même a donné sa démission, et ce à la fois devant le Parlement devant lequel elle est responsable, devant le Conseil européen, qui devra en tirer les conclusions la semaine prochaine, et, plus généralement, devant tous les Européens. J'y vois là, au contraire de vous, un acte de transparence et, d'une certaine façon, de démocratie.
Quant à la Banque centrale européenne, croyez que nous nous efforçons d'instituer face à elle, dans le respect de son indépendance, un interlocuteur politique : c'est le Conseil de l'euro ou l'euro-Onze, que nous avons voulu mettre en place.
Je ne crois donc pas que nous ayons là des monstres équivalents à des robots. D'ailleurs, monsieur Pasqua, vous qui êtes un homme de culture, vous savez que, dans le roman Frankenstein, de Mary Shelley, et dans les films qu'il a inspirés, la créature n'est pas un robot, loin s'en faut ; le problème, c'est qu'elle est au contraire humaine, et parfois trop humaine : elle souffre, elle aime, elle est rejetée, et c'est de là que naissent les difficultés. D'où ma conviction qu'il faut aimer davantage les institutions européennes !
Vous avez évoqué, à propos de la crise de la Commission, la fin de la mécanique opaque voulue par Jean Monnet. Cela signifie bien que vous vous élevez aujourd'hui contre une certaine conception de la construction européenne, de toute la construction européenne telle qu'elle s'est bâtie depuis les années cinquante. Cela a le mérite de la clarté, même si je crois me souvenir que vous avez appartenu, entre 1986 et 1988, à un gouvernement qui a proposé le traité le plus libéral, le plus favorable à la majorité qualifiée qui ait existé jusqu'à présent - je veux parler de l'Acte unique européen - et que vous avez voté également, dans cette assemblée, en 1991, en faveur de la convention de Schengen.
Alors, dites-vous, commençons à construire l'Europe démocratique et remettons droit cette Europe de guingois. Là-dessus, je suis en désaccord avec vous. Je pense que nous devons poursuivre, de façon modeste mais acharnée, la tâche progressive qui consiste à rendre plus démocratique, plus transparente, plus responsable une mécanique institutionnelle un peu lointaine au départ mais qui, petit à petit, à coup de crises comme celle-ci, qui, vous le verrez, sera salutaire, se rapproche et se rapprochera des citoyens. L'importance que tous accordent - et vous le premier - aux élections européennes de juin prochain témoigne au contraire que ces institutions se renforcent et sont importantes pour les peuples.
Alors - et j'en termine ainsi - vous nous dites qu'il faut un délai supplémentaire pour réfléchir aux conséquences de ce traité dangereux. Je ne crois pas que ce traité soit dangereux, et je fais mienne, à cet égard, la formule très juste de M. de Villepin : ce traité ne mérite ni excès d'honneur - nous connaissons ses lacunes et ses insuffisances - ni indignité.
Je crois au contraire, puisque nous sommes aujourd'hui le dernier pays à le ratifier, qu'il nous faut maintenant aller vite. En effet, nous n'avons pas besoin d'attendre pour mettre en oeuvre les dispositions relatives à la politique étrangère et à la sécurité commune ; nous n'avons pas besoin d'attendre pour mettre en oeuvre réellement les dispositions du chapitre relatif à l'emploi ; nous n'avons surtout pas besoin d'attendre pour mettre en oeuvre les dispositions du chapitre social ; nous avons encore moins besoin d'attendre pour avancer dans le domaine des droits fondamentaux, comme le permet le traité d'Amsterdam ; surtout, nous n'avons pas besoin d'attendre pour appliquer les dispositions relatives aux DOM, que, c'est vrai, j'avais oubliées ce matin, et qui bénéficieront d'une reconnaissance en tant que régions ultrapériphériques dans le traité d'Amsterdam.
Nous n'avons pas besoin d'attendre ! Au contraire, nous avons besoin d'aller vite pour élaborer, comme M. de Villepin vient de nous y appeler, la réforme institutionnelle préalable à l'élargissement. Je répète donc qu'en votant cet article 2 le Sénat, après l'Assemblée nationale, commet un acte fort, un acte qui va - soyez-en sûrs - engager ce gouvernement et les gouvernements à venir et qui va marquer, en France et à l'extérieur de nos frontières, notre résolution à la fois à mettre en oeuvre la réforme des institutions et à avancer positivement vers l'élargissement.
Voilà pourquoi, vous le comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Pasqua, je vous invite à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80:

Nombre de votants 300
Nombre de suffrages exprimés 297
Majorité absolue des suffrages 149
Pour l'adoption 26
Contre 271

M. Emmanuel Hamel. Pauvre Sénat ! L'Histoire jugera !
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Est autorisée la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, signé le 2 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu).
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 81:

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 271
Contre 41

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - La République française exprime sa détermination de voir réaliser, au-delà des stipulations du traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l'Union européenne, afin de rendre le fonctionnement de l'Union plus efficace et plus démocratique, avant la conclusion des premières négociations d'adhésion. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu).
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 82:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 308
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 270
Contre 38


Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Luc pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes amis Danielle Bidard-Reydet et Michel Duffour ont fort bien expliqué la position des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.
Notre débat d'aujourd'hui s'est déroulé dans un contexte européen de tensions politiques fortes.
De nombreux orateurs ont dit à quel point la démission de M. Oskar Lafontaine, puis celle de la Commission européenne, qui s'est faite d'un seul bloc, soulignent les graves menaces qui pèsent sur l'Europe.
La démission de M. Lafontaine symbolise la pression formidable du libéralisme sur les forces de progrès.
La chute de la Commission, quant à elle, est le résultat tardif, mais logique, d'une construction européenne oubliant la démocratie.
Pourtant, l'Europe est une nécessité. La mise en commun des immenses potentiels de notre continent constitue un atout formidable pour affronter les défis du XXIe siècle, réduire le chômage, aller vers le plein emploi, permettre l'épanouissement des femmes et des hommes, participer au développement du monde.
Une chose est sûre : l'Europe, qui est une réalité forte, ne peut progresser sans démocratie et sans progrès social. Or, la démocratie est une idée qui, pour le moment, n'imprègne pas la construction européenne, loin s'en faut.
Prenons l'exemple de la Commission. Vous êtes nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à affirmer que cette institution ne fait que proposer et que le Conseil des ministres européen prend les décisions. Or, dans les faits, d'une part, son quasi-monopole d'initiative lui confère un pouvoir considérable et un moyen de pression fort sur les ministres, et, d'autre part, dans un certain nombre de domaines, comme celui de la concurrence, ce qui n'est pas rien, la Commission cumule le pouvoir d'initiative et de décision.
Le traité d'Amsterdam modifie à la marge les rapports entre le Parlement européen et la Commission. La réalité demeure la même : ni sur le plan horizontal, ni sur le plan vertical, le contrôle démocratique n'est assuré entre les parlements nationaux et la Commission.
La Commission et ses dix-sept mille fonctionnaires doivent être placés - c'est urgent - sous la responsabilité des peuples et de leurs représentants. Ils ne peuvent pas continuer à travailler sans contrôle des citoyens.
Comment, dans ces conditions, accepter de voter ce traité d'Amsterdam qui prend un sacré coup de vieux après la démission collective d'hier, laquelle reflète - n'en doutons pas - un très grand malaise.
Ce traité est celui de l'adaptation des institutions à une Europe placée sous la coupe des marchés financiers, alors que l'aspiration des peuples lie intimement progrès social et avancée démocratique.
Ce n'est pas la Banque centrale européenne qui doit faire l'Europe en jouant sur les paramètres financiers. Ce sont les peuples qui doivent être les moteurs de cette Europe que nous voulons pleinement citoyenne, en intervenant de manière décisive pour l'emploi, pour la formation, pour la santé et la protection sociale comme pour toutes les grandes questions qui préoccupent nos concitoyens, la jeunesse en particulier, et nos voisins.
Nous sentons bien, alors que des forces de progrès sont au gouvernement dans de nombreux pays européens, que l'heure est importante en matière de choix économiques et sociaux.
La France, son peuple, ont un grand rôle à jouer pour réorienter l'Europe vers l'épanouissement humain. L'expérience allemande montre bien qu'il faut prendre de vitesse les marchés financiers pour imposer, avec les citoyens, d'autres choix que ceux qui privilégient une infime minorité.
Continuer à privatiser ne constitue pas, par exemple, un signe favorable. Cette stratégie ne rompt pas avec une logique qui favorise les intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général.
Nous participerons activement, dans les mois qui viennent - un grand débat aura lieu à l'occasion des élections européennes - à faire grandir l'idée que changement et progrès social, rupture avec le libéralisme, nécessitent de nouveaux choix pour l'Europe.
Tel est le sens de notre importante proposition visant à substituer au pacte de stabilité, véritable carcan monétariste, un pacte pour l'emploi et la croissance qui doit être le signe que la volonté des peuples européens qui ont manifesté leur désir de changement sera entendue.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, la démocratie c'est - je le crois profondément - instaurer une relation permanente entre représentant et représenté, entre centres de décisions et populations afin de permettre la conformité des choix électoraux et des politiques menées.
Construire l'Europe sans la démocratie, c'est la détruire. Les événements d'hier l'attestent. Il faut démocratiser l'institution européenne dans son ensemble, donner beaucoup plus de poids au Parlement européen et créer des organismes qui permettent de contrôler véritablement cette Commission.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre la ratification du traité d'Amsterdam qui est le symbole d'une Europe sclérosée.
Nous travaillons avec toutes les catégories de citoyens à réaliser une Europe de progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. de La Malène.
M. Christian de La Malène, Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai voté contre la réforme de la Constitution, je vais donc, logiquement, voter contre le traité qui nous est soumis.
En effet, hormis le regret de me séparer de certains de mes amis, je n'ai trouvé aucun argument nouveau qui puisse me conduire à prendre aujourd'hui une position différente d'hier.
En matière de construction européenne, ce traité tourne le dos à toutes les préoccupations françaises, presque continûment réaffirmées, gouvernement après gouvernement.
Il fallait au moins un début de pouvoir politique : il n'y en a pas trace.
Il fallait aller vers plus de légitimité et plus de démocratie : c'est plutôt le contraire.
Il fallait ouvrir la possibilité d'avancer à ceux qui souhaiteraient le faire : les coopérations renforcées sont verrouillées.
Il fallait, enfin et surtout, améliorer et rebâtir les institutions : leurs défauts sont aggravés.
Et si, par hasard, les arguments me manquaient, la lecture des journaux, des déclarations et des débats à l'Assemblée nationale pourrait m'en fournir à foison. Elle est instructive, cette lecture. On n'y trouve à longueur de colonnes et de discours que réticences, regrets, inquiétudes. Mais d'enthousiasme et de satisfaction, pour ainsi dire jamais.
Les arguments positifs raisonnables semblant faire singulièrement défaut, que reste-t-il alors ?
Il y a bien sûr, comme toujours quand il s'agit de l'Europe, la politique intérieure avec ses impératifs et ses solidarités, jamais reconnus mais toujours pesants.
Il y a la peur de la crise, comme si ce n'était pas grâce à elle que les plus durs obstacles ont été surmontés.
Il y a, enfin et surtout, la résignation.
Politique intérieure, peur de la crise, résignation, le Gouvernement a sans doute senti que c'était un peu court. Il a voulu rassurer et montrer sa détermination, soulignant et avouant par là même les insuffisances du traité, d'où un article supplémentaire dans le projet de loi.
Ce texte est habile, mais il est aussi fondamentalement ambigu. C'est un ferme avertissement adressé aux autres, mais il est de « principe » et l'on se réserve prudemment à soi-même le soin d'apprécier la densité de la réponse.
Mesdames, messieurs, j'ai toujours pensé que le combat européen était, pour la France, une chose très sérieuse, peut-être la plus sérieuse.
J'y ai consacré une grande partie d'une vie politique très longue et j'ai siégé de très longues années au Parlement européen. J'ai appris qu'il ne suffit pas de lire, comme on le fait maintenant, en haut d'un texte les mots « Europe... Europe », pour qu'il soit utile. J'ai appris aussi que la voie de la facilité, celle du plus petit commun dénominateur ne mène jamais nulle part. Mais j'ai retenu surtout que, pour progresser dans la réalité et dans la durée, il fallait un objectif clair et un objectif ambitieux, soutenus, l'un et l'autre, par beaucoup de ténacité et beaucoup de volonté. Je n'ai trouvé ni ceux-là ni celles-ci dans le traité qui nous est soumis aujourd'hui. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le président, je vous remercie de donner la parole à un sénateur inconnu, après tant d'orateurs célèbres, président de commission, ministres ou anciens ministres, je vous prie de m'excuser si, du fait de l'émotion que j'éprouve en cette heure historique, tragique, pour la France, j'ai des mots qui blesseront peut-être certains.
Monsieur le ministre, vous l'avez dit vous-même, c'est une date historique. Mais, dans l'histoire, il est des heures tragiques.
Nous avons derrière nous, Français, quinze cents ans d'histoire. Comment un peuple comme le nôtre, dont l'histoire est marquée de tant de dates, de victoires mais aussi de défaites d'où est ressurgie, par la volonté nationale, une France ressaisie, comment ce peuple qui fut ce qu'il fut, accepterait-il, aujourd'hui, en raison de la mondialisation et au motif que l'Europe est un continent dont nous faisons partie, d'abandonner sa souveraineté et de poursuivre la construction d'une Europe qui le détruit ?
C'est aujourd'hui, symbole important, la démission de la Commission européenne. Saluons ce geste, mais analysons les causes de cette démission.
L'Europe qui se construit - c'est vrai et ce n'est pas un argument de discours sur les tréteaux électoraux ! - c'est l'Europe de l'argent dominée par le pouvoir monétaire de la Banque centrale européenne. La France s'est défait de sa souveraineté en matière monétaire. C'est une Europe où l'argent domine ; c'est une Europe où, progressivement, la volonté nationale de faire face, par ses moyens, aux possibilités du rayonnement de la France dans le monde est progressivement abandonnée.
Non seulement la souveraineté monétaire est déjà perdue, mais la politique étrangère et de sécurité commune en est à ses débuts.
Mes chers collègues, la France a-t-elle le droit d'abandonner son droit personnel de rester elle-même ? Pourquoi confier à un autre la responsabilité, vis-à-vis du monde, de représenter la politique étrangère d'une petite France qui serait perdue dans un magma ?
Alors, je le sais bien, certains d'entre vous pensent que la France n'étant plus que ce qu'elle est, 60 millions d'habitants dans un monde peuplé de près de 6 milliards d'individus, avec un produit intérieur brut qui est l'un des plus forts du monde par rapport au nombre d'habitants, mais qui est faible eu égard aux grandes masses que sont la Chine et les Etats-Unis, cette France, qui n'est plus qu'elle-même, travaillée par tous ces risques de dissensions qu'entraîne l'insécurité, cette France ne peut plus, seule, résoudre ses problèmes. Il faut qu'elle délègue à d'autres le soin de gérer son présent et son avenir. C'est une démission tragique !
Ce que j'espère, c'est que les perspectives que vous avez annoncées, monsieur le ministre, nous ne les verrons pas, et que dans ce peuple se lèvera progressivement la volonté - révolutionnaire, il le faut - de briser cette mécanique qui tue l'âme de la France.
Renan avait dit que la nation, c'est une âme, un principe spirituel. La politique que vous conduisez détruit la France.
Le mercredi 3 mars, Vaclav Havel, qui était ici, parlait d'une Europe spirituelle, d'une Europe de l'esprit. Où est-elle dans cette construction mécanique que vous nous proposez ?
Que la France redevienne elle-même ! Qu'elle construise l'Europe, mais en coopérant avec les autres, ce qui veut dire en restant elle-même et en n'allant pas, en matière de coopération, au-delà de ce que lui dicte la conception qu'elle a de son intérêt national.
N'oublions pas, mes chers collègues, le rayonnement qui pourrait encore être le nôtre dans le monde si nous nous ressaisissions, si, dans la volonté de coopérer avec d'autres, nous choisissions de multiplier nos possibilités d'agir de façon autonome, parce que nous sommes nous-mêmes, parce que nous avons derrière nous quinze cents ans d'histoire et qu'il serait dramatique que l'entrée dans le troisième millénaire soit pour la France, parce qu'elle confirmerait ces odieux traités de Maastricht et d'Amsterdam, la décision de ne plus faire partie de ce monde du troisième millénaire. (Applaudissements sur certaines travées du RPR et du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je mettrai moins de passion que mon collègue Emmanuel Hamel, mais je puis vous dire que les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen sont conscients du moment historique que nous vivons.
Nous parvenons à la fin de la procédure de ratification du traité d'Amsterdam. Les membres de notre groupe seront unanimes à approuver le projet de loi autorisant la ratification de ce traité, comme ils ont déjà voté unanimement les deux articles qui le constituent.
Certes, le traité peut être jugé de différentes façons. Mais je crois qu'il ne mérite ni l'opprobre ni la passion. J'estime qu'il est une étape utile, bien que de portée limitée, sur la route longue et difficile de la construction européenne.
Il n'est plus nécessaire en cet instant d'insister sur ses points forts, sur ses insuffisances. Cependant, monsieur le ministre, en approuvant ce traité, nous avons tout de même quelques observations à faire.
J'en présenterai trois, qui montrent l'urgence qu'il y a à réformer les institutions de l'Union européenne, et cela, bien sûr, avant les négociations d'adhésion pour l'élargissement, et même le plus rapidement possible. Il faut organiser sans retard une véritable démocratie européenne, à défaut de quoi l'élan européen auquel nous sommes fidèlement attachés s'éteindra dans le peuple français.
Je commencerai par la Commission européenne.
Il n'est pas bon de mêler les derniers événements au débat. Certes, il y a des défaillances ; certes, elles ont été rendues publiques, en pleine transparence, et la Commission tout entière, avec dignité, a démissionné. Je crois que cette dignité et que ce processus sont la marque d'un esprit démocratique et non de je ne sais quel esprit autocratique. Il y a là, de la part de la Commission, un acte de courage, et je rends hommage à Jacques Santer... (Murmures sur les travées du RPR.)
M. Michel Caldaguès et Louis Souvet. Ah non ! N'exagérons pas !
M. Guy Cabanel. Si ! Je rends hommage à l'homme qui a mené cette opération de clarification.
M. Dominique Braye. Il aurait pu avoir le courage de le faire avant !
M. Guy Cabanel. Ensuite, si nous voulons parvenir à une véritable démocratie européenne, nous ne devons pas oublier aujourd'hui le processus de désignation des députés européens par les Français. Il nous faut, dès le lendemain du scrutin du 13 juin, rechercher un consensus avec nos partenaires de l'Union européenne afin de définir des modalités de scrutin qui rapprocheraient les députés européens de nos concitoyens des quinze pays de l'Union européenne.
Si cette recherche, qui pourrait durer une année, ne débouchait sur rien, il nous appartiendrait d'élaborer une nouvelle loi électorale française pour que les circonscriptions locales soient basées sur les régions et les interrégions, et de le faire sans plus tarder afin de ne pas nous laisser surprendre par l'arrivée progressive du nouveau scrutin de 2004.
C'est à ce prix que des liens plus étroits existeront entre nos concitoyens et leurs députés à Strasbourg, et cela dans l'intérêt même de la compréhension d'une difficile et laborieuse construction de l'Union européenne.
Enfin - beaucoup en ont déjà parlé - nous devons nous inspirer de l'extraordinaire message que Václav Havel a délivré au Sénat le mercredi 3 mars.
Dans ce message, je vois deux éléments.
D'abord, pour le Parlement européen, le bicaméralisme résoudrait l'essentiel des problèmes constitutionnels communautaires, tels que le nombre des membres de la Commission et sa composition, la représentation de tous les Etats de l'Union après l'élargissement et le resserrement des liens avec les Parlements nationaux. Rien ne serait plus dangereux qu'un Parlement européen qui déciderait sans véritable contact, sans véritable lien avec les Parlements nationaux.
Ensuite, vous avez dit, monsieur le ministre, que M. Vaclav Havel avait parlé d'une « constitution ». Mais il ne faut pas se tromper sur les termes mêmes qu'a employés le Président de la République tchèque. Il a parlé d'une loi fondamentale simple et compréhensible par tous. C'est là aussi une démarche qui me paraît très importante car, sans une loi fondamentale simple et compréhensible qui remplacerait ces traités complexes, ces traités à relent technocratique, ces traités qui manquent parfois de transparence, nous n'aurons pas l'adhésion populaire que nous souhaitons pour l'Union européenne.
Il nous faut aller vite. Il nous faut clarifier cette situation et ne pas laisser se développer un malentendu entre les instances européennes et les peuples des quinze pays de l'Union. C'est cette Union européenne à laquelle le groupe du Rassemblement démocratique et social européen est très attaché. Nous souhaitons sa réussite pleine et entière pour tous les Européens, et nous le souhaitons du fond du coeur ! (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Estier. M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l'ai dit ce matin dans la discussion générale, rien, parmi les dispositions du traité d'Amsterdam, ne nous paraît aller à l'encontre de l'idée que nous nous faisons de l'Europe, et cela en dépit des insuffisances mêmes du traité, à côté des avancées incontestables.
Le débat que nous avons eu aujourd'hui, coïncidant avec la crise provoquée par la démission de la Commission européenne, a mis en relief le fait que la réforme des institutions de l'Union n'est pas seulement une question d'ambition, c'est aussi une nécessité absolue.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Claude Estier. Le traité d'Amsterdam n'a pas rempli, c'est vrai, la mission qui lui était assignée de réformer l'Union pour préparer les institutions européennes aux futurs élargissements. Mais l'article 2, que nous venons de voter, est aussi bien pour le Gouvernement que pour le Parlement, l'expression de notre volonté de rendre l'Europe plus démocratique et plus forte pour affronter les défis du xxie siècle.
Malgré ces insuffisances, nous pensons que la dynamique de la construction européenne, engagée voilà plus de quarante ans, est toujours à l'oeuvre. L'élaboration de ce traité et son contenu montrent combien il est encore plus important aujourd'hui de rassembler nos volontés.
Déterminé à soutenir toute initiative allant dans le sens d'une Europe plus politique et plus sociale, le groupe socialiste, à une exception près, votera la ratification du traité d'Amsterdam. (Applaudissements sur les travées socialistes).
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers amis, M. le ministre a déclaré que le traité d'Amsterdam corrigeait celui de Maastricht. Il nous avait dit, lors d'un précédent débat : « Amsterdam sort de Maastricht ». C'est ce jour-là, monsieur le ministre, que vous aviez raison, et non pas aujourd'hui.
La cohérence, c'est de considérer que les deux traités sont issus l'un de l'autre, qu'ils sont complémentaires. Rien ne vient corriger le traité initial, en tout cas sur l'essentiel. Or qu'est-ce que l'essentiel ?
On a donné beaucoup d'arguments pour ou contre. Que le traité lui-même ait été légèrement amélioré par le gouvernement actuel, je ne le conteste même pas. Vous avez engagé un effort dans ce sens, monsieur le ministre.
Mais la question, la vraie, celle qui se pose depuis le rejet de la Communauté européenne de défense, la CED, sur proposition de Mendès-France, celle qui se pose depuis 1943, alors que Jean Monnet s'opposait déjà à de Gaulle pour le remplacer par Giraud - Giraud dont on connaît les attaches avec Vichy - cette question essentielle de la patrie d'un côté, de la fédération de l'autre, n'est pas réglée.
Certes, je constate un progrès dans les mots qui nous vient, hélas ! des socialistes, qui parlent en termes un peu contradictoires de fédération d'Etats, et d'Etats unis ou d'états souverains - je n'ai pas retenu l'expression exacte -...
M. Claude Estier. D'Etats nations !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est une formulation qui évite de trancher la grande question, mais qui constitue néanmoins, pour moi, un progrès par rapport à ceux qui l'ont tranchée, depuis longtemps, en faveur du fédéralisme, d'une fédération des régions, c'est-à-dire en faveur d'une disparition progressive des Etats nations.
Puisque, mesdames, messieurs du groupe socialiste, vous vous autorisez, à juste titre, à citer de temps en temps de Gaulle, qui fait partie du patrimoine de la nation tout entière, m'autoriserez-vous à citer Jaurès, qui disait : « Les pauvres n'ont rien ; ils n'ont que la patrie. » ? (M. Christian de La Malène applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèques, permettez-moi, tout d'abord, de féliciter notre rapporteur, M. Xavier de Villepin, pour son travail fécond, qui va nous aider à vivre ce moment historique. Comme lui-même nous a incités à le faire et comme nos collègues Pierre Fauchon et Denis Badré l'ont déclaré au cours de leurs interventions, le groupe de l'Union centriste votera donc le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam.
Quelle aventure que celle qui fut engagée par ces hommes d'exception que furent Jean Monnet, Robert Schuman, le général de Gaulle, Konrad Adenauer, et beaucoup d'autres restés dans l'ombre, qui décidèrent, après tant de haines, de souffrances, de guerres, de se tendre la main !
Il nous faut nous replacer dans le contexte de cette époque, vaincre nos égoïsmes, savoir écouter l'autre afin de prévoir l'avenir des hommes et des femmes en jetant les bases essentielles de la construction de notre Europe.
Le président Valéry Giscard d'Estaing disait : « La France représente 1 % de la population du monde. »
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Et alors !
M. Jacques Machet. Combien l'Europe représente-t-elle ?
L'acte que nous accomplissons aujourd'hui constitue une solide étape, représente un maillon très important pour l'avenir de la construction d'une Europe forte dans un monde difficile, pour installer la paix et la liberté, s'accepter différents mais complémentaires. Le Kosovo nous montre aujourd'hui, s'il en était besoin, combien ces valeurs sont fragiles.
Soyons humbles et responsables ! Ce fut le message délivré par M. Vaclav Havel en notre assemblée.
Si, par moments, la construction européenne nous semble trop longue, il nous faut relativiser, mes chers collègues, en considérant les difficultés que nous avons parfois à mettre en place l'intercommunalité. Or l'Europe, c'est une grande intercommunalité !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis fier du vote positif de l'Union centriste, qui constitue un acte de foi en l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis depuis des années, tout naturellement, un Européen convaincu et passionné, mais je veux que la France soit représentée, défendue, protégée par ceux qui s'expriment en notre nom.
Notre place en Europe doit être forte. Or, depuis des années, nos gouvernements successifs n'ont pas toujours écouté la représentation nationale, ne l'ont pas toujours tenue informée. De plus, et plus souvent encore, ils n'ont pas été entendus au Conseil des ministres et, moins encore, par la Commission, son organe d'exécution.
Les exemples abondent où nous nous demandons chaque fois si nous avons été représentés : de compromis en compromis, de transaction en transaction, nous abandonnons, l'une après l'autre, sans contrepartie, des parcelles de notre souveraineté. Nous ne savons pas dire non. Quelle satisfaction que le pouvoir de dire non !
Et pourtant c'est possible ; le Royaume-Uni l'a fait, qui a dit non à l'euro entre autres.
M. Claude Estier. Et qui le regrette maintenant.
M. Jean-Jacques Robert. Qui, aujourd'hui, lui en veut d'avoir pensé d'abord à son intérêt ? Il est toujours à égalité avec ses partenaires et avec nous.
Nous, céderons-nous sur la PAC - je rappelle que le commissaire Fischler a ridiculisé notre ministre sur son intervention - comme nous avons cédé sur l'énergie, les transports, la sécurité, la Banque centrale et sur d'innombrables textes concernant notre vie de tous les jours où nous allons de surprise en contrariété face aux directives inconsidérément acceptées et, de ce fait, imposées ?
Nous avons laissé faire la Commission, qui est non pas le « gouvernement de l'Europe », comme on veut le dire, mais une réunion de fonctionnaires désignés pour appliquer les décisions du Conseil des ministres.
Le traité d'Amsterdam transférera sur le champ les compétences et fera prendre en charge les procédures quotidiennes de notre vie par la Commission au lieu du Conseil des ministres.
Cela est très grave, surtout à la lumière des événements de la nuit dernière, qui sont la preuve, si besoin en était, que le Conseil des ministres n'a pas contrôlé son exécutif : la Commission. De son côté, celle-ci a perdu le contrôle de ses fonctionnaires et de ses collaborateurs. Quel gâchis ! Quelle leçon de modestie pour les orgueils de la pensée unique européenne à la technocratie dominante et quel motif pour un retour à une saine et naturelle démocratie !
Si, avant-hier, vous faisant confiance, comme j'en étais tenté, j'avais choisi de voter la ratification du traité, je ne le ferai sûrement plus aujourd'hui car je vois très clairement qu'il est imprudent de déléguer tant de souveraineté à un tel magma européen incontrôlé et, plus encore, incontrôlable ; nous venons de le vivre en direct. Je vote contre la ratification du traité pour préserver, avec mon coeur, mon idéal de la France et de l'Europe. (Très bien et applaudissements sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. Je tiens tout d'abord à remercier M. le président de la commission des affaires étrangères pour la manière dont il a conduit les débats en commission et dont il a rapporté le texte en séance publique, aujourd'hui.
Je remercie également M. le ministre de son écoute et pour les réponses approfondies qu'il nous a apportées tout à l'heure.
Mes chers collègues, nous vivons un moment historique, a-t-on entendu ici et là, tout à l'heure. C'est peut-être le cas ; de toute façon, ce moment est important et grave.
La France est, en effet, le dernier pays parmi les Quinze, le Sénat, la dernière assemblée parlementaire à se prononcer sur ce traité, ce qui me donne l'occasion de rappeler - mais c'est aujourd'hui une évidence - que tous ceux qui ont fait part de leur position avant nous, quelle que soit leur sensibilité, l'ont fait, en conscience et en toute responsabilité, en faveur de la ratification.
Au moment où je m'exprime, après plusieurs de mes collègues et amis du groupe du Rassemblement pour la République, vous aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous n'avons pas tous le même sentiment sur ce traité. S'agissant du sujet important qu'est l'Europe, le groupe du Rassemblement pour la République présente - ce qu'il partage, monsieur le ministre, avec votre majorité gouvernementale - un caractère pluriel.
Néanmoins, dans une grande majorité, comme les votes qui viennent de se dérouler l'ont prouvé, les membres de notre groupe vont approuver ce traité. Ils le feront avec réalisme, avec volontarisme et, comme vous pourrez le constater dans les temps qui viennent, remplissant en cela leur rôle de parlementaires nationaux avec vigilance. Ils le feront aussi dans un climat de confiance envers le chef de l'Etat.
Nous allons voter un traité utile, je l'ai dit ce matin, pour ce qu'il contient, au nom de l'Europe sociale et humaine, de protocole social, de mesures pour l'emploi et pour la sécurité des citoyens.
Quoi qu'on en dise, je répète avec force, notamment parce que je suis élu d'un département limitrophe d'une frontière et que je sais comment fonctionnent les frontières souveraines ou dites souveraines aujourd'hui, que, face à des menaces de nature internationale, face à des réseaux qui utilisent les frontières et les différences de législation, face à la drogue, aux mafias, à la criminalité internationale, il nous faut apporter des réponses communes et, dans certaines conditions, une réponse communautaire.
Et puis, ce traité apporte les premiers outils de cette politique étrangère commune et, un jour, je l'espère, de cette défense commune qui font tant défaut à la crédibilité de l'Europe aujourd'hui.
C'est donc un traité utile, mais - et je l'ai dit avec l'expérience de négociateur qui fut la mienne - c'est un traité insuffisant. Il y manque, en effet, une volonté politique. Et, en l'absence de cette volonté politique, qui sera rassemblée à l'avenir, je l'espère, monsieur le ministre, la réforme des institutions, dont l'actualité de cette nuit prouve s'il en avait été besoin l'urgence et l'importance, fait défaut.
Cette réforme devra porter sur la Commission elle-même, en obéissant à un impératif que je veux affirmer avec force : pour fonctionner, l'Union a besoin d'une Commission forte, crédible, qui remplisse avec plus de rigueur et de transparence ses fonctions, qui consistent à préparer, à proposer et à exécuter.
Au demeurant, soyons objectifs et justes à l'égard de la Commission : à l'égard de celle qui s'en va et qui a fait - c'est le cas de beaucoup de ses membres - un travail utile dans des conditions parfois difficiles - et je pense en l'occurrence à la mise en place de la monnaie unique - mais aussi à l'égard de la Commission en général. J'ai été tenté de rappeler tout à l'heure à mon collègue et ami Charles Pasqua, que je respecte malgré nos différences, que la Commission met en oeuvre des décisions du Conseil des ministres même si elle les a proposées : pas une seule fois en quarante ans, la Commission n'a mis en oeuvre une directive, ces fameux projets de lois européens, sans que le gouvernement de notre pays, qu'il soit de droite ou de gauche, ait approuvé préalablement les textes en question.
En conséquence, ne disons pas toujours : « C'est la faute de Bruxelles. » Il est trop facile de rejeter la faute sur les autres. Quand la technostructure prend le pouvoir, c'est que les politiques lui ont laissé le pouvoir.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Dominique Braye. C'est vrai !
M. Jean-Paul Emorine. Tout à fait !
M. Michel Barnier. En cherchant bien, mes chers collègues, en ne cherchant même pas très longtemps, on trouverait de la technocratie ailleurs qu'à Bruxelles.
Quoi qu'il en soit, la réforme doit porter sur la Commission, sur le système de vote et sur le fonctionnement du Conseil des ministres. Elle doit aussi renforcer cette institution essentielle qu'est le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement parce que c'est là que résident la légitimité démocratique et l'impulsion politique.
Cher collègue Hamel, permettez-moi de vous dire avant de conclure qu'il n'y a pas, d'un côté, des sénateurs inconnus et, d'un autre côté, des sénateurs anciens ministres. Nous somme tous à égalité dans cet hémicycle, quelles qu'aient été nos responsabilités, et il est important que nous nous respections les uns et les autres, comme je respecte l'opinion différente qui a été exprimée tout à l'heure par certains de mes amis du groupe du RPR.
Pour moi, le choix n'est pas entre la France et l'Europe. La France et l'Europe vont ensemble et elles sont toujours allées ensemble. L'alternative se situe entre une Europe indépendante, souveraine, qui se donne les moyens de maintenir, parfois de recréer une souveraineté européenne et une Europe sous influence américaine. Telle est ma conviction.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Barnier. J'en ai presque terminé, monsieur le président.
Plutôt que d'exception française, je préfère parler d'ambition française. Depuis Schuman et Monnet, en passant par le général de Gaulle et tous ceux qui l'ont suivi, jusqu'à Jacques Chirac, la construction de l'Europe politique a toujours été une ambition française, et notre pays doit continuer de nourrir cette ambition.
Parce que le traité d'Amsterdam constitue une étape, et seulement une étape, vers la construction de cette Europe politique, dans sa majorité, le groupe du RPR approuvera ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RPR ainsi que sur celles des Républicains et indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Mes chers collègues, je voudrais d'abord rendre hommage au président de notre assemblée, au président de la commission, rapporteur de ce texte, ainsi qu'à chacune et à chacun d'entre vous pour l'atmosphère de respect réciproque qui a prévalu au cours de nos travaux. Ce n'est certes pas chose inhabituelle au Sénat mais peut-être le sujet sensible abordé aujourd'hui rendait-il plus fragile le climat dans lequel nous avons coutume de débattre.
Le traité d'Amsterdam poursuit une construction européenne selon des modalités à tel point controversées qu'aucun orateur n'en a fait l'éloge sans réserve.
Une certaine forme de gêne est clairement perceptible, indépendamment même de la coïncidence étonnante avec la démission de la Commission européenne. Je me demande si une partie de cette gêne ne provient pas de la conscience confuse de transferts de compétences qu'on n'ose plus exercer dans le cadre national. Il s'agirait moins de transferts assumés que de responsabilités en déshérence.
Mais pourquoi le courage politique apparaîtrait-il miraculeusement à l'étage supérieur, alors que c'est au coeur de la conscience nationale qu'il a sa source ?
Je crois également percevoir une grave et profonde discordance entre la structure même des institutions européennes et l'ambition d'une Europe politique démocratique. Qui n'en a conscience, particulièrement en ce jour ? De nombreux orateurs l'ont évoquée.
L'ambition européenne sous-tendue par le traité d'Amsterdam est, selon moi, assortie d'un système institutionnel incapable de l'assumer techniquement et politiquement dans des conditions de fiabilité suffisantes, et cela avant même tout nouvel élargissement. Il faudrait donc réformer les institutions avant de confier à des organes inadaptés des compétences qui les accableront, en n'offrant, dans les conditions actuelles, que deux perspectives : celle de la crise chronique et celle de la servitude généralisée et volontaire que La Boétie, puis Tocqueville avaient déjà annoncée.
C'est pourquoi je ne souhaite pas la ratification d'un traité qui, à mes yeux, procède à l'inverse du cheminement qu'il conviendrait de suivre et blesse durablement et la République et l'Europe. (MM. de La Malène et Flandre applaudissent.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 83:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 271
Contre 42

En conséquence, le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam est définitivement adopté.
M. Emmanuel Hamel. Vote funeste !

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ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 12 mars 1999, l'informant de l'adoption définitive des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :

A. - Adoption suite à l'arrêt définitif du budget de l'Union européenne pour l'exercice 1999 signé le 17 décembre 1998.
N° E 1062. - Avant-projet de bugdet général des Communautés européennes pour l'exercice 1998 (Volume 5. - Section IV. - Cour de justice).
N° E 1063. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Volume 6. - Section V. - Cour des comptes).
N° E 1077. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Commission : document de travail. - Partie A. - Crédit de fonctionnement).
N° E 1078. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Commission : document de travail. - Crédits opérationnels : Partie B.- Sous-section B1 fonds européen d'orientation et de garantie agricoles, section « garantie »).
N° E 1079. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Document de travail. - Bilan d'évaluation 1996/1997).
N° E 1080. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Volume 7. - Section VI. - Comité économique et social et comité des régions).
N° E 1081. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999, aperçu général.
N° E 1083. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 : document de travail, crédits opérationnels partie B, sous-section BO garanties, réserves et compensations.
N° E 1085. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Commission crédits opérationnels partie B sous-section B2. Actions structurelles, dépenses structurelles et de cohésion, mécanisme financier, autres actions agricoles et régionales, transport et pêche).
N° E 1086. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Commission : crédits opérationnels partie B sous-section B3. Formation, jeunesse, culture, audiovisuel, information, dimension sociale et emploi).
N° E 1087. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Commission crédits opérationnels partie B sous-section B4. Energie, contrôle de sécurité nucléaire d'Euratom et environnement).
N° E 1088. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Commission crédits opérationnels partie B sous-section B5. Protection des consommateurs, marché intérieur, industrie et réseaux transeuropéens).
N° E 1090 - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Commission : document de travail. Crédits opérationnels partie B sous-section B6. Recherche et développement technologique).
N° E 1091. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Commission : document de travail. Crédits opérationnels partie B sous-section B7. - Actions extérieures).
N° E 1092. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Section III. - Commission : document de travail. Crédits opérationnels partie B sous-section B8. Politique étrangère et de sécurité commune [PESC]).
N° E 1108. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999. - Volume O introduction générale.
N° E 1113. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Volume 4. - Section III. - Commission partie A et partie B).
N° E 1129. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Volume 1. - Etat général des recettes. - Financement du budget général. - Patrimoine immobilier).
N° E 1132. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (Volume 2. - Section I Parlement).
N° E 1169. - Lettre rectificative n° 1 à l'avant-projet de budget pour 1999 (Section III. - Commission).
B. - Autres.
N° E 865. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil adoptant un programme d'action communautaire 1999-2003 relatif à la prévention des blessures dans le cadre de l'action dans le domaine de la santé publique (présentée par la Commission conformément à l'article 189 A, paragraphe 2, du traité CE). Un programme d'action communautaire relatif à la prévention des blessures dans le cadre de l'action dans le domaine de la santé publique : communication de la Commission (adoptée au Conseil affaires générales du 25 février 1999).
N° E 1147. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël (adoptée au Conseil affaires générales des 21, 22 et 23 février 1999).

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DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Xavier Dugoin, Louis Althapé, Louis de Broissia, Robert Calmejane, Désiré Debavelaere, Christian Demuynck, Bernard Fournier, Patrice Gélard, Georges Gruillot, Roger Husson, Robert Laufoaulu, Paul Natali, Jacques Oudin, Victor Reux et Louis Souvet une proposition de loi visant à filmer et enregistrer les gardes à vue.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 264, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi visant à remplacer la procédure de divorce pour faute par une procédure de divorce pour cause objective.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 266, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif aux polices municipales.
Le rapport sera imprimé sous le n° 265 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 17 mars 1999, à quinze heures :
Discussion de la proposition de loi (n° 108, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relative au pacte civil de solidarité.
Rapport (n° 258, 1998-1999) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 261, 1998-1999) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de ce projet de loi n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 203, 1998-1999).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 22 mars 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 mars 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





COMMISSION MIXTE PARITAIRE

CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI RELATIF AUX POLICES MUNICIPALES

Nomination du bureau

Dans sa séance du mardi 16 mars 1999, la commission mixte paritaire a nommé :
Président : M. Jacques Larché.
Vice-président : Mme Catherine Tasca.
Rapporteurs :
- à l'Assemblée nationale : M. Jacky Darne ;

- au Sénat : M. Jean-Paul Delevoye.

Membres présents
Réunion du mardi 16 mars 1999
Députés

Titulaires. - Mme Catherine Tasca, MM. Jacky Darne, Christian Estrosi, Jean-Antoine Leonetti.
Suppléants. - MM. René Dosière, Bernard Roman.

Sénateurs

Titulaires. - MM. Jacques Larché, Jean-Paul Delevoye, Jacques Peyrat, Daniel Hoeffel, Michel Duffour.
Suppléants. - MM. Jean-Paul Amoudry, Jean-Claude Peyronnet.
Excusé. - M. Paul Girod.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Incidences budgétaires
de la politique forestière

490. - 12 mars 1999. - M. Marcel Charmant appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat au budget sur la nécessité de prévoir, dans le cadre de la prochaine loi de finances, les incidences bugétaires découlant d'une mise en application d'une nouvelle stratégie forestière pour la France. En effet, après avoir eu connaissance des propositions du rapport intitulé La Forêt : une chance pour la France qui affirme le potentiel représenté par la forêt française en matière d'emploi et de développement économique, le Gouvernement a affiché sa volonté d'engager pour les années qui viennent une politique forestière ambitieuse. M. le ministre de l'agriculture et de la pêche a indiqué qu'un projet de loi reprenant les grandes orientations du rapport Bianco était en préparation et serait soumis au Parlement d'ici à la fin de cette année et a établi un calendrier précis de mise en oeuvre pour 1999. L'ensemble des élus, nationaux et locaux, de départements forestiers se réjouit de cette orientation gouvernementale qui ouvre de nouvelles perspectives en matière d'exploitation de la filière bois et de valorisation des richesses diverses de la forêt française. Deux questions devront néanmoins être tranchées avant l'intervention de ce projet de loi qui conditionnent largement son application future : la négociation du contrat d'objectif entre l'Etat et l'Office national des forêts qui doit notamment régler la question de la remise à niveau du versement compensateur versé par l'Etat à l'ONF pour l'exploitation de la forêt publique ; et l'abondement du Fonds national qui devrait être prévu à hauteur de 300 MF. Ces deux points budgétaires doivent faire l'objet d'un arbitrage favorable si l'on souhaite mettre en oeuvre la stratégie forestière nationale pour les dix prochaines années que le Gouvernement et les élus des départements forestiers appellent de leurs voeux.

Conditions d'attribution
de l'indemnité spéciale de montagne

491. - 15 mars 1999. - M. Roger Besse attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conditions d'attribution de l'indemnité spéciale de montagne (ISM). La réglementation communautaire exige, en effet, un apport de foncier afin d'obtenir la transparence GAEC, c'est-à-dire le droit à autant d'aides qu'il y a d'associés dans le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC). Cette réglementation, qui a pour conséquence une forte augmentation du prix du foncier, est un frein à l'installation des jeunes agriculteurs. Il lui demande donc de lui préciser quelles mesures il entend prendre afin que l'ISM prenne réellement en compte la situation de chaque exploitation agricole et soit un véritable outil de développement et d'aménagement du territoire.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du mardi 16 mars 1999


SCRUTIN (n° 79)



sur la motion n° 2, présentée par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes.

Nombre de votants : 294
Nombre de suffrages exprimés : 288
Pour : 17
Contre : 271

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 22.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 1. _ M. Emmanuel Hamel.
Contre : 73.
N'ont pas pris part au vote : 25. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, MM. Michel Caldaguès, Charles Ceccaldi-Raynaud, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Jacques Delong, Christian Demuynck, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Fournier, Philippe de Gaulle, François Gerbaud, Adrien Gouteyron, Roger Husson, Christian de La Malène, Edmond Lauret, René-Georges Laurin, Paul Masson, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Jacques Peyrat, Alain Peyrefitte, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck et Alain Vasselle.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Contre : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Contre : 43.
Abstentions : 3. _ MM. Jean-Paul Bataille, Louis Grillot et André Pourny.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Charles Revet.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Contre : 3.
Abstentions : 3.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Michel Duffour
Guy Fischer
Thierry Foucaud

Emmanuel Hamel
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès

Ont voté contre


François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich


Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

Abstentions


MM. Philippe Adnot, Jean-Paul Bataille, Philippe Darniche, Louis Grillot, André Pourny et Bernard Seillier.

N'ont pas pris part au vote


Michel Caldaguès
Charles Ceccaldi-Raynaud
Charles de Cuttoli
Désiré Debavelaere
Gérard Delfau
Jacques Delong
Christian Demuynck
Michel Doublet



Xavier Dugoin
Bernard Fournier
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Adrien Gouteyron
Roger Husson
Christian de La Malène
Edmond Lauret
René-Georges Laurin



Paul Masson
Paul d'Ornano
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Charles Revet
Jean-Jacques Robert
Jean-Pierre Schosteck
Alain Vasselle

N'a pas pris part au vote


M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 80)



sur la motion n° 1, présentée par M. Charles Pasqua, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes.

Nombre de votants : 300
Nombre de suffrages exprimés : 297
Pour : 26
Contre : 271

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
N'ont pas pris part au vote : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Contre : 22.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 20. _ MM. Michel Caldaguès, Charles Ceccaldi-Raynaud, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Jacques Delong, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Fournier, Philippe de Gaulle, François Gerbaud, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Paul Masson, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Jacques Peyrat, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck et Alain Vasselle.

Contre : 73.
Abstentions : 2. _ MM. Christian Demuynck et Alain Peyrefitte.
N'ont pas pris part au vote : 4. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, MM. Adrien Gouteyron, Edmond Lauret et René-Georges Laurin.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Contre : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 4. _ MM. Jean-Paul Bataille, Louis Grillot, André Pourny et Charles Revet.
Contre : 43.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 2. _ MM. Philippe Darniche et Bernard Seillier.
Contre : 3.
Abstention : 1. _ M. Philippe Adnot.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


Jean-Paul Bataille
Michel Caldaguès
Charles Ceccaldi-Raynaud
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Jacques Delong
Michel Doublet



Xavier Dugoin
Bernard Fournier
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Louis Grillot
Emmanuel Hamel
Roger Husson
Christian de La Malène
Paul Masson



Paul d'Ornano
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
André Pourny
Charles Revet
Jean-Jacques Robert
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Alain Vasselle

Ont voté contre


François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich

Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

Abstentions


MM. Philippe Adnot, Christian Demuynck et Alain Peyrefitte.

N'ont pas pris part au vote


Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Gérard Delfau
Michel Duffour



Guy Fischer
Thierry Foucaud
Adrien Gouteyron
Edmond Lauret


René-Georges Laurin
Gérard Le Cam



Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès

N'a pas pris part au vote


M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 81)



sur l'article 1er du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (autorisation de la ratification du traité d'Amsterdam).

Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 311
Pour : 270
Contre : 41

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 15.
Abstention : 1. _ M. Paul Vergès.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 22.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 73.
Contre : 20. _ MM. Michel Caldaguès, Charles Ceccaldi-Raynaud, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Jacques Delong, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Fournier, Philippe de Gaulle, François Gerbaud, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Paul Masson, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Jacques Peyrat, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck et Alain Vasselle.

Abstentions : 2. _ MM. Christian Demuynck et Alain Peyrefitte.
N'ont pas pris part au vote : 4. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, MM. Adrien Gouteyron, Edmond Lauret et René-Georges Laurin.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Pour : 77.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean-Luc Mélenchon.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 43.
Contre : 4. _ MM. Jean-Paul Bataille, Louis Grillot, André Pourny et Charles Revet.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 3.
Contre : 2. _ MM. Philippe Darniche et Bernard Seillier.
Abstention : 1. _ M. Philippe Adnot.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich

Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

Ont voté contre


Jean-Paul Bataille
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Michel Caldaguès
Charles Ceccaldi-Raynaud
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Jacques Delong
Michel Doublet
Michel Duffour
Xavier Dugoin
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Bernard Fournier
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Louis Grillot
Emmanuel Hamel
Roger Husson
Christian de La Malène
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Paul Masson
Paul d'Ornano
Charles Pasqua
Jacques Peyrat

André Pourny
Jack Ralite
Ivan Renar
Charles Revet
Jean-Jacques Robert
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Odette Terrade
Alain Vasselle

Abstentions


MM. Philippe Adnot, Christian Demuynck, Alain Peyrefitte et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. Gérard Delfau, Adrien Gouteyron, Edmond Lauret, René-Georges Laurin et Jean-Luc Mélenchon.

N'a pas pris part au vote


M. Christian Poncelet, président du Sénat.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 312
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour l'adoption : 271
Contre : 41

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 82)



sur l'article 2 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (article additionnel : impératif de la réforme institutionnelle).

Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 308
Pour : 270
Contre : 38

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 15.
Abstention : 1. _ M. Paul Vergès.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 22.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 73.
Contre : 19. _ MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Jacques Delong, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Fournier, Philippe de Gaulle, François Gerbaud, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Paul Masson, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Jacques Peyrat, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck et Alain Vasselle.
Abstentions : 2. _ MM. Christian Demuynck et Alain Peyrefitte.
N'ont pas pris part au vote : 5. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, MM. Michel Caldaguès, Adrien Gouteyron, Edmond Lauret et René-Georges Laurin.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Pour : 77.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean-Luc Mélenchon.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 43.
Contre : 4. _ MM. Jean-Paul Bataille, Louis Grillot, André Pourny et Charles Revet.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 3.
Abstentions : 3.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

Ont voté contre


Jean-Paul Bataille
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Charles Ceccaldi-Raynaud
Charles de Cuttoli
Désiré Debavelaere
Jacques Delong
Michel Doublet
Michel Duffour
Xavier Dugoin
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Bernard Fournier
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Louis Grillot
Emmanuel Hamel
Roger Husson
Christian de La Malène
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Paul Masson
Paul d'Ornano
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
André Pourny
Jack Ralite
Ivan Renar
Charles Revet
Jean-Jacques Robert
Jean-Pierre Schosteck
Odette Terrade
Alain Vasselle

Abstentions


MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Alain Peyrefitte, Bernard Seillier et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. Michel Caldaguès, Gérard Delfau, Adrien Gouteyron, Edmond Lauret, René-Georges Laurin et Jean-Luc Mélenchon.

N'a pas pris part au vote


M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 83)



sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes.

Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 271
Contre : 42

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 15.
Abstention : 1. _ M. Paul Vergès.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 22.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 74, dont M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Contre : 20. _ MM. Michel Caldaguès, Charles Ceccaldi-Raynaud, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Jacques Delong, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Fournier, Philippe de Gaulle, François Gerbaud, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Paul Masson, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Jacques Peyrat, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck et Alain Vasselle.
Abstentions : 2. _ MM. Christian Demuynck et Alain Peyrefitte.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ MM. Adrien Gouteyron, Edmond Lauret et René-Georges Laurin.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Pour : 77.
Contre : 1. _ M. Jean-Luc Mélenchon.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :

Pour : 43.
Contre : 4. _ MM. Jean-Paul Bataille, Louis Grillot, André Pourny et Charles Revet.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Pour : 3.
Contre : 2. _ MM. Philippe Darniche et Bernard Seillier.
Abstention : 1. _ M. Philippe Adnot.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Delfau.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Christian Poncelet, président du Sénat.

Ont voté contre


Jean-Paul Bataille
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Michel Caldaguès
Charles Ceccaldi-Raynaud
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Jacques Delong
Michel Doublet
Michel Duffour
Xavier Dugoin
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Bernard Fournier
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Louis Grillot
Emmanuel Hamel
Roger Husson
Christian de La Malène
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Paul Masson
Jean-Luc Mélenchon
Paul d'Ornano
Charles Pasqua
Jacques Peyrat
André Pourny
Jack Ralite
Ivan Renar
Charles Revet
Jean-Jacques Robert
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Odette Terrade
Alain Vasselle

Abstentions


MM. Philippe Adnot, Christian Demuynck, Alain Peyrefitte et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. Gérard Delfau, Adrien Gouteyron, Edmond Lauret et René-Georges Laurin.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.