Séance du 16 mars 1999







M. le président. Je suis saisi, par M. Pasqua, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 250, 1998-1999). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication du vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Pasqua, auteur de la motion.
M. Charles Pasqua. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aimerais, d'entrée de jeu, attirer votre attention sur le point suivant : le cours des choses a voulu que notre Assemblée soit la dernière d'Europe à avoir à se prononcer sur le traité d'Amsterdam. Si nous le ratifions en l'état, la cause est entendue : le traité d'Amsterdam s'applique.
le hasard, ou une certaine providence, fait que notre vote intervient le jour où, pour la première fois depuis ses débuts, voilà quarante ans, l'institution européenne est soumise au regard politique des Européens. La démission de la Commission de Bruxelles, l'exécutif de l'Union européenne, est exactement de même nature que celle d'un gouvernement tout entier à l'échelon d'un pays.
Les Européens, et notamment les Français, ont découvert ce matin le fonctionnement d'une machine européenne dont ils ne comprennent pas les rouages. Commission, Conseil, Parlement, qui décide, qui propose, qui vote, qui contrôle ? Nul ne saurait le dire. La mécanique opaque voulue par Jean Monnet avait besoin d'être à l'abri des regards. Son mode d'emploi lui-même ne devait pas être compris par ceux qui sont censés l'utiliser.
Les mots ont d'ailleurs été choisis pour dissimuler la réalité. Le Conseil des ministres, c'est le Gouvernement, le pouvoir exécutif ; la Commission, c'est l'administration ; le Parlement, c'est le pouvoir législatif : voilà ce que vous répondrait tout être sensé si vous l'interrogiez sur les institutions européennes. Eh bien, pas du tout ! Dans le bonneteau imaginé par Jean Monnet, l'exécutif, c'est la Commission, et le législatif, c'est le Conseil des ministres ; quant au Parlement, de création plus tardive, c'était jusqu'à présent un organe consultatif qui commence d'acquérir le pouvoir de censurer et de contrôler la Commission.
Aujourd'hui, tout le monde voit bien que cette architecture volontairement décalée par rapport à nos repères démocratiques est à l'origine des dysfonctionnements constatés. On entend les plus chauds partisans de la constitution d'une Europe sur le modèle fédéral dire qu'il faut tourner la page de cette Europe opaque, secrète, pour commencer d'écrire celle de l'Europe démocratique. Ils le disent même encore plus rapidement que ceux qui émettaient depuis toujours les plus sérieuses réserves sur le fonctionnement de l'Europe, et que l'on qualifiait aussitôt d'anti-européens primaires.
Eh bien soit, monsieur le ministre ! Eh bien soit, mes chers collègues ! Donnons à l'Union européenne son assise démocratique ! Remettons d'aplomb cette construction de guingois ! Confions au Conseil des ministres le pouvoir exécutif, au Parlement le pouvoir législatif et à la Commission le rôle réglementaire. Remettons sur sa base la pyramide européenne. Débattons-en, et que chacun avance ses propositions. Définissons clairement ce qui est du ressort de l'Europe, comme notre article 34 définit exhaustivement ce qui est du domaine de la loi et ce qui n'en fait pas partie.
Mais, de grâce, cessons d'abandonner, traité après traité, nos responsabilités à des organes indépendants de toute élection et de toute sanction électorale,...
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Charles Pasqua. ... ce qui, par nature, conduit aux dérèglements que nous constatons aujourd'hui.
Le traité de Rome a créé une commission de Bruxelles concurrente des gouvernements nationaux et c'est pour cette raison que furent hostiles à ce traité des hommes aussi conscients que Pierre Mendès France ou le général de Gaulle. Il a fallu quarante ans pour que cette aberration qui consiste à installer un pouvoir sans le contre-pouvoir correspondant fasse la preuve de sa nocivité. Nous y sommes !
Le traité de Maastricht a créé un deuxième OPNI, objet politique non identifié - à ne pas confondre avec OVNI (Sourires.) - la Banque centrale de Francfort. Là aussi, nous venons d'installer un pouvoir sans aucun contre-pouvoir, une puissance sans légitimité d'aucune sorte et à laquelle le droit au secret est même reconnu.
M. Emmanuel Hamel. Le pouvoir de l'argent et de la finance !
M. Charles Pasqua. Et dans dix, vingt ou quarante ans, nous viendrons nous plaindre, nous ou nos successeurs, des dérives auxquelles tout cela aura automatiquement conduit !
Et comme si cela ne suffisait pas, comme si ce n'était pas la première fois depuis le temps des monarchies absolues que tant de pouvoirs sont soustraits au regard et au jugement des peuples, nous allons ajouter avec le traité d'Amsterdam une dernière grille entre l'Union européenne et la démocratie, une nouvelle enceinte autour de la « Cité interdite » de Bruxelles.
Qui n'a pas vu, voilà deux semaines à peine, les images des paysans européens manifestant à Bruxelles dans une ville morte défendue par des chevaux de frise n'a rien compris à ce qui était en train de se passer en Europe et que le sabordage de la Commission ne fait, en réalité, que trahir aujourd'hui : l'incroyable fossé qui s'est creusé entre le discours europénne que tiennent, de bonne foi, les hommes politiques et la réalité d'une machine qui a échappé à ses créateurs, un peu comme le robot du docteur Frankenstein.
Cette machine qui pond directive sur directive veut tout uniformiser, calibrer, normaliser ; c'est elle qui décide que les règles de conservation du renne dans le Grand Nord finlandais doivent être les mêmes que celles du lapin dans le Péloponnèse, c'est elle qui sacrifie les chantiers navals du Havre le même jour qu'elle décide de fermer la chasse au pigeon ramier.
M. Emmanuel Hamel. Hélas, tout cela est vrai !
M. Charles Pasqua. Bref, c'est une machine obsessionnelle de la décision mais totalement indifférente aux résultats qu'elle obtient.
Et c'est à cette machine-là que le traité d'Amsterdam confie tout un nouveau pan de souveraineté, tout un nouveau champ de compétences livré à son imagination fertile et à son impérialisme paperassier ! Pour ne citer que cet exemple, mais je pense qu'aujourd'hui il prendra tout son sens, le traité d'Amsterdam donne à la Commission nos compétences en matière d'immigration, de sécurité, de justice et de libertés publiques.
De plus, en ces matières, le traité accorde à la Commission le monopole de l'initiative, c'est-à-dire que le Conseil des ministres n'aura même plus le droit de proposition !
Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre. Je crains qu'il ne nous ait abandonnés !
Est-il raisonnable que nous nous départissions, sans appel cette fois encore, de politiques aussi consubstantielles à notre identité, à notre personnalité, à notre intimité nationale qui s'appelle la République sans être certains qu'elles ne seront pas sous-traitées ensuite à on ne sait trop qui ?
Quoi qu'il en soit de nos certitudes européennes ou, au contraire, de nos doutes, aux uns et aux autres, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le moment est venu d'une pause dans cette fuite en avant qui nous fait ajouter rouage sur rouage à ce royaume digne d'Ubu ?
Pour cela, il ne faut pas ratifier en l'état le traité d'Amsterdam. (MM. Emmanuel Hamel et Paul d'Ornano applaudissent.) Rien ne presse. Tout le monde, et d'abord ceux qui l'ont négocié, s'accorde pour trouver ce traité mauvais, inabouti, bancal. Je crois, moi, qu'il est dangereux. Et, à la lumière de ce qui se passe en ce moment même en Europe, je considère qu'il est irresponsable vis-à-vis de nos peuples de ratifier ce traité, qui ajoute de nouveaux risques à ceux que nous venons de découvrir.
Au regard de l'avenir, cette irresponsabilité, monsieur le ministre, mes chers collègues, m'apparaît déjà comme une présomption de culpabilité.
Dernière assemblée d'Europe à avoir à ratifier ce traité, la Haute Assemblée s'honorerait en accordant à l'ensemble des peuples et des gouvernements européens un délai supplémentaire de réflexion.
C'est ce à quoi je vous invite, mes chers collègues, quels que soient vos sentiments. En votant la notion tendant à opposer la question préalable, vous permettrez à l'Union européenne elle-même de prendre le temps de concevoir enfin une Europe au service des Européens, et non pas à son propre service. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants. - M. Bernard Seillier applaudit également.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
M. Emmanuel Hamel. Nul n'ose contester la vérité qui vient d'être énoncée.
Mme Hélène Luc. C'est peut-être cela...
M. Emmanuel Hamel. J'espère que la Haute Assemblée émettra un vote de refus !
M. Claude Estier. Vous parlez trop vite !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Vous connaissez, mes chers collègues, la position de la commission ; vous savez qu'elle vous invite à adopter conforme le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam. Cette position vaut naturellement rejet de la présente motion tendant à opposer la question préalable.
Je voudrais toutefois tenter de répondre aux arguments de M. Charles Pasqua.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est périlleux !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Mon cher collègue, votre engagement, vos convictions forcent le respect et l'estime.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Avec vous, le débat sur l'Europe se place au niveau le plus haut, et notre Haute Assemblée peut, je crois, en tirer une légitime fierté.
Je voudrais toutefois vous montrer pourquoi l'adhésion de la commission des affaires étrangères, dans sa majorité, au traité d'Amsterdam est le fruit d'un choix réaliste et raisonné.
Quand nous avons donné notre assentiment aux avancées enregistrées par le traité, nous avons aussi tenu compte des garanties qui permettent de placer sous contrôle l'extension du pouvoir communautaire. Ainsi, s'agissant de l'application de la majorité qualifiée pour les questions liées à la libre circulation des personnes, il importe de rappeler que le Conseil se prononce à l'unanimité, au terme d'un délai de cinq ans, et, s'il le souhaite, au cas par cas.
En outre, la compétence de la Cour de justice pour ces questions a été aménagée de manière limitative.
Enfin, les prérogatives des Etats en matière d'ordre public et de sécurité intérieure ont été préservées.
C'est parce que de telles bornes ont été posées que nous avons approuvé ces avancées.
Mais ces avancées ont été - il faut le répéter - trop rares.
Ainsi, le vote à la majorité qualifiée, si l'on excepte les questions liées à la libre circulation pour lesquelles son application n'est qu'éventuelle, n'a été étendu, dans le cadre du traité, qu'à l'adoption des programmes de recherche. Ce progrès est pour le moins limité.
De même, certains garde-fous posés par le traité peuvent aussi devenir des freins. Il est normal, comme le traité le permet, que les Etats puissent faire valoir des « raisons de politique nationale importantes » pour s'opposer à une décision dans le domaine de la PESC. Est-il juste toutefois que tout Etat puisse s'opposer à la mise en place de coopérations renforcées auxquelles il a toute liberté de participer ? La question mérite d'être posée.
Nous avons pris la mesure de ces faiblesses, en particulier dans le domaine institutionnel, et c'est pourquoi nous avons insisté à plusieurs reprises pour que soit introduit par le Gouvernement un article additionnel qui rappelle la nécessité d'une réforme d'ampleur avant la conclusion des négociations d'adhésion.
Certes, ici encore, il faut faire preuve de réalisme. Il ne faut pas se méprendre sur la valeur de cet article ; la commission des affaires étrangères ne le considère pas comme une panacée qui permettrait d'autoriser la ratification du traité d'Amsterdam en oubliant nos réserves sur les graves lacunes de ce texte.
En votant cet article, nous prenons date pour l'avenir. Le Gouvernement s'engage devant la représentation nationale sur sa détermination à faire avancer les négociations sur la réforme institutionnelle et sur la réforme de la Commission de Bruxelles. Il devra donc rendre compte de ses efforts devant le Parlement. Et - il faut le redire - la responsabilité du Gouvernement apparaît d'autant plus engagée que les négociations pourraient - en tout cas notre souhait - se conclure sous présidence française avant la fin de l'an 2000.
La Haute Assemblée, à travers sa commission des affaires étrangères et sa délégation pour l'Union européenne, aura donc à exercer toute sa vigilance dans la période qui s'ouvre. Ainsi, l'autorisation de ratifier le traité d'Amsterdam pour laquelle nous plaidons a aussi le sens d'une autorisation sous surveillance.
Nous ne nous berçons pas d'illusion, mais nous ne voulons pas non plus nous priver d'une chance de faire aboutir les réformes nécessaires.
La ratification du traité d'Amsterdam, qui n'a que trop tardé - vous l'avez rappelé, comme je l'ai fait, monsieur Pasqua - constitue à cet égard un préalable indispensable. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères invite le Sénat - et je le regrette, mon cher collègue - à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Monsieur Pasqua, je veux à mon tour, au nom du Gouvernement, dire que vous avez porté le débat à un niveau élevé qui mérite le respect et l'estime. D'ailleurs, en vous écoutant, je pensais à quelques arguments favorables à la ratification du traité d'Amsterdam auxquels je n'avais pas songé jusqu'à présent.
Ainsi, il est vrai que le débat que nous avons aujourd'hui est le dernier qui va se tenir, au sein d'une assemblée parlementaire européenne, pour ou contre le traité d'Amsterdam.
M. Charles Pasqua. Il y en aura d'autres !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Non, nous sommes bien aujourd'hui le dernier pays à ratifier le traité d'Amsterdam. C'est donc le dernier débat sur la ratification. Nous vivons par conséquent, avec l'adoption de ce traité et avec cette étape supplémentaire dans la constuction européenne, un moment historique sur lequel je veux appeler l'attention du Sénat.
Je songeais aussi, en vous écoutant, aux vertus pédagogiques que peut avoir une crise.
Je sais, tout comme vous, que les institutions européennes sont complexes : la Commission n'est pas l'administration, pendant que le Conseil serait l'exécutif et le Parlement, le législatif. Les choses, en fait, sont plus compliquées : la Commission est une instance hybride, politique et administrative, qui détient à la fois un rôle d'impulsion et de gestion ; le pouvoir législatif est partagé entre le Conseil et le Parlement, ce dernier exerçant un rôle de contrôle sur la Commission, alors que le Conseil est le moteur politique. Il est effectivement utile de rappeler tout cela.
Pour autant, en évoquant ainsi les mots et les choses, monsieur Pasqua, je ne partageais pas votre sentiment sur cette crise, qui démontre, contrairement à ce que vous avez affirmé, que les organes que vous appelez les « OPNI » n'échappent pas à tout contrôle électoral ou politique.
Ce qui aboutit, aujourd'hui, avec la démission de la Commission, c'est un processus qui marque la construction progressive d'une opinion publique européenne, un processus qui trouve sa source dans le Parlement européen.
C'est parce que le Parlement européen a mené un débat de censure, c'est parce que le Parlement européen, avec l'accord de la Commission, a nommé un comité d'experts indépendants et parce que ce dernier a rendu son rapport que la Commission elle-même a donné sa démission, et ce à la fois devant le Parlement devant lequel elle est responsable, devant le Conseil européen, qui devra en tirer les conclusions la semaine prochaine, et, plus généralement, devant tous les Européens. J'y vois là, au contraire de vous, un acte de transparence et, d'une certaine façon, de démocratie.
Quant à la Banque centrale européenne, croyez que nous nous efforçons d'instituer face à elle, dans le respect de son indépendance, un interlocuteur politique : c'est le Conseil de l'euro ou l'euro-Onze, que nous avons voulu mettre en place.
Je ne crois donc pas que nous ayons là des monstres équivalents à des robots. D'ailleurs, monsieur Pasqua, vous qui êtes un homme de culture, vous savez que, dans le roman Frankenstein, de Mary Shelley, et dans les films qu'il a inspirés, la créature n'est pas un robot, loin s'en faut ; le problème, c'est qu'elle est au contraire humaine, et parfois trop humaine : elle souffre, elle aime, elle est rejetée, et c'est de là que naissent les difficultés. D'où ma conviction qu'il faut aimer davantage les institutions européennes !
Vous avez évoqué, à propos de la crise de la Commission, la fin de la mécanique opaque voulue par Jean Monnet. Cela signifie bien que vous vous élevez aujourd'hui contre une certaine conception de la construction européenne, de toute la construction européenne telle qu'elle s'est bâtie depuis les années cinquante. Cela a le mérite de la clarté, même si je crois me souvenir que vous avez appartenu, entre 1986 et 1988, à un gouvernement qui a proposé le traité le plus libéral, le plus favorable à la majorité qualifiée qui ait existé jusqu'à présent - je veux parler de l'Acte unique européen - et que vous avez voté également, dans cette assemblée, en 1991, en faveur de la convention de Schengen.
Alors, dites-vous, commençons à construire l'Europe démocratique et remettons droit cette Europe de guingois. Là-dessus, je suis en désaccord avec vous. Je pense que nous devons poursuivre, de façon modeste mais acharnée, la tâche progressive qui consiste à rendre plus démocratique, plus transparente, plus responsable une mécanique institutionnelle un peu lointaine au départ mais qui, petit à petit, à coup de crises comme celle-ci, qui, vous le verrez, sera salutaire, se rapproche et se rapprochera des citoyens. L'importance que tous accordent - et vous le premier - aux élections européennes de juin prochain témoigne au contraire que ces institutions se renforcent et sont importantes pour les peuples.
Alors - et j'en termine ainsi - vous nous dites qu'il faut un délai supplémentaire pour réfléchir aux conséquences de ce traité dangereux. Je ne crois pas que ce traité soit dangereux, et je fais mienne, à cet égard, la formule très juste de M. de Villepin : ce traité ne mérite ni excès d'honneur - nous connaissons ses lacunes et ses insuffisances - ni indignité.
Je crois au contraire, puisque nous sommes aujourd'hui le dernier pays à le ratifier, qu'il nous faut maintenant aller vite. En effet, nous n'avons pas besoin d'attendre pour mettre en oeuvre les dispositions relatives à la politique étrangère et à la sécurité commune ; nous n'avons pas besoin d'attendre pour mettre en oeuvre réellement les dispositions du chapitre relatif à l'emploi ; nous n'avons surtout pas besoin d'attendre pour mettre en oeuvre les dispositions du chapitre social ; nous avons encore moins besoin d'attendre pour avancer dans le domaine des droits fondamentaux, comme le permet le traité d'Amsterdam ; surtout, nous n'avons pas besoin d'attendre pour appliquer les dispositions relatives aux DOM, que, c'est vrai, j'avais oubliées ce matin, et qui bénéficieront d'une reconnaissance en tant que régions ultrapériphériques dans le traité d'Amsterdam.
Nous n'avons pas besoin d'attendre ! Au contraire, nous avons besoin d'aller vite pour élaborer, comme M. de Villepin vient de nous y appeler, la réforme institutionnelle préalable à l'élargissement. Je répète donc qu'en votant cet article 2 le Sénat, après l'Assemblée nationale, commet un acte fort, un acte qui va - soyez-en sûrs - engager ce gouvernement et les gouvernements à venir et qui va marquer, en France et à l'extérieur de nos frontières, notre résolution à la fois à mettre en oeuvre la réforme des institutions et à avancer positivement vers l'élargissement.
Voilà pourquoi, vous le comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Pasqua, je vous invite à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80:

Nombre de votants 300
Nombre de suffrages exprimés 297
Majorité absolue des suffrages 149
Pour l'adoption 26
Contre 271

M. Emmanuel Hamel. Pauvre Sénat ! L'Histoire jugera !
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

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