Séance du 30 mars 1999







M. le président. La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 429, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, dans les messages télévisés diffusés actuellement sur l'enseignement professionnel, Aimé Jacquet exprime l'apport original de cette formation, en rappelant trois de ses acquis : un diplôme, un métier, un emploi.
Cette formule s'inscrit pleinement dans la question que je pose aujourd'hui, qui s'appuie sur les analyses, avis et propositions émises dans le rapport du budget de l'enseignement technique que j'ai présenté à notre assemblée au nom de la commission des affaires culturelles, devant vous, monsieur le ministre, le 27 novembre dernier.
La question-clé qui demeure compte tenu du caractère positif de l'enseignement professionnel, enseignement dont ont déjà bénéficié des centaines de milliers de jeunes et qui s'est adapté à des évolutions technologiques et pédagogiques très importantes, est celle-ci : comment faire réellement de cet enseignement une voie pleine et entière de réussite ?
Cette réussite est nécessaire en termes d'orientation et d'affectation, de telle sorte que les élèves qui s'y engagent ne le fassent pas par échec ou par défaut, mais par choix positif. Trop de jeunes, à chaque rentrée - j'en témoigne pour le Val-de-Marne et même pour l'ensemble de l'académie de Créteil, notamment en Seine-Saint-Denis - n'ont pas, en dépit du dispositif SOS rentrée, d'affectation, ou n'en ont pas dans la section choisie par manque de places ou de création dans des spécialités pourtant souvent porteuses.
La question de ce qui se passe en amont de la formation est importante.
Cette réussite est aussi nécessaire en termes de contenu pour permettre à cet enseignement d'assurer à la fois la qualification et la poursuite d'études par un équilibre entre la formation générale et professionnelle, cette dernière ayant obligation d'intégrer toutes les mutations technologiques et de développer toutes les synergies et alternances souhaitables avec les acteurs de la vie économique.
Des propositions d'évolution sont formulées dans la charte des lycées. Celle-ci inclut, je le souligne ici, un volet social concernant un statut et des aides financières pour les lycéens professionnels, souvent issus de familles aux bas revenus.
Cet ensemble est soumis à la concertation. Quelles informations, monsieur le ministre, pouvez-vous me donner à ce sujet ?
Enfin cette réussite est nécessaire en termes d'insertion professionnelle, ce qui appelle l'adaptation permanente de l'enseignement professionnel aux mutations des emplois et des métiers.
Comment le conseil national « éducation - économie - emploi », qui a été annoncé, va-t-il y contribuer ? Comment envisagez-vous de faire évoluer l'équilibre et la cohérence des filières entre elles et le développement des passerelles pour permettre à de nombreux jeunes de s'adapter en cours de carrière ou de poursuivre leur formation au mieux de leurs talents ?
Tel est, monsieur le ministre, brossé à grands traits, le rappel des questions importantes concernant l'amélioration de la qualité - et les moyens correspondants qui doivent en résulter - pour cet ordre d'enseignement. Celui-ci ne doit pas être minoré dans les préoccupations de la nation vis-à-vis de son système éducatif, bien au contraire, car c'est une voie qui doit être traitée à égale dignité par rapport aux autres.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que le soulignait Mme Luc dans son rapport pour avis sur les crédits de l'enseignement technique pour 1999, j'ai effectivement la volonté de faire de l'enseignement professionnel la priorité des priorités en ce qui concerne l'enseignement secondaire.
Comme elle, j'estime que cet enseignement est une voie exceptionnelle de réussite. Il a vocation à assurer une insertion professionnelle de qualité tout en permettant la poursuite d'études, si nécessaire, et une adaptation continue à l'emploi.
La voie professionnelle est une voie de formation à égale dignité avec la voie générale et la voie technologique et le service public de l'enseignement professionnel constitue la référence majeure de ce secteur.
L'enseignement professionnel dispose aujourd'hui d'un potentiel considérable. Il est constitué de 1 800 lycées professionnels, dont l'équipement est de grande qualité la plupart du temps, grâce à l'investissement des régions.
Ces établissements accueillent 708 400 élèves, dont 45 % de filles, et l'enseignement y est dispensé par 53 200 professeurs de lycées professionnels.
Les effectifs de l'enseignement professionnel continuent à croître, pas assez vite toutefois. Son offre de formation est extrêmement variée et efficace sur le plan de l'insertion. Je rappelle - c'est assez intéressant - que, en 1997-1998, 350 diplômes différents ont été préparés par plus de 538 000 élèves en CAP et en BEP, dont 163 881 en baccalauréat professionnel.
Cinq ans après la sortie du système éducatif, seuls 6 % des brevetés ou des titulaires d'un baccalauréat professionnel sont au chômage. Il s'agit donc d'une voie exceptionnelle d'insertion.
L'enseignement professionnel doit être revalorisé, mieux connu et sans doute aussi un peu rénové, afin que les meilleures initiatives soient étendues à l'ensemble de l'enseignement professionnel. Personnellement, je compte sur l'ensemble de la représentation nationale, des élus, des professionnels, pour contribuer à cette rénovation et à cette reconnaissance de l'enseignement professionnel, qui est sans doute l'une des meilleures parties de notre enseignement.
Comme vous le savez, à la suite d'une table ronde animée par le recteur Marois, a été définie une charte de l'enseignement professionnel. Evidemment, personne n'en parle puisqu'un consensus général s'est dégagé : les syndicats, le MEDEF, la CGPME, tout le monde est d'accord sur cette charte. Mais inutile de vous dire que le sujet n'a fait que trois lignes dans les journaux, alors que, s'il y avait eu une bataille acharnée, on ne parlerait que de cela !
Cette charte est fondée sur le principe d'une intégration de la formation générale et de la formation professionnelle et d'une intégration généralisée des périodes en entreprise, l'ensemble faisant l'objet d'un contrat de dimension pédagogique.
C'est le lycée professionnel qui met en oeuvre l'enseignement intégré, en partenariat avec les professions.
Une rénovation des diplômes a été entreprise avec, notamment, la mise en place systématique de la validation diplômante des acquis professionnels, qui permettra véritablement d'organiser un va-et-vient entre l'école et l'entreprise et, et surtout, de susciter l'espoir tout au long de la vie.
Par ailleurs, nous avons entamé une réflexion - vous l'avez évoquée - sur le statut des élèves des lycées professionnels puisque la plupart d'entre eux ont un âge qui fait qu'ils sont déjà insérés dans la société et qu'ils ont parfois une famille.
Enfin, nous avons lancé une campagne - vous y avez également fait allusion - à laquelle l'ancien entraîneur de l'équipe de France de football a apporté gratuitement son concours.
La mission E 3 - éducation, emploi, économie - qui va être mise en place, et qui n'est pas un simple conseil, va permettre l'adaptation de l'offre de formation à l'environnement économique. Cette adaptation, qui, malheureusement, n'a pas été réalisée jusqu'à présent, ne sera pleinement efficace que lorsque nous aurons mis en place des processus de déconcentration, avec la vie des bassins de formation et des bassins d'éducation, car l'éducation nationale continue d'être un mille-feuille sans cohérence verticale.
Aujourd'hui, l'enseignement professionnel - j'insiste sur ce point - ne manque pas de moyens, même si c'est l'enseignement type pour lequel on ne cesse d'en demander davantage. Ce dont il manque, en réalité, c'est d'une reconnaissance pleine et entière de la part de l'ensemble du pays. Il souffre de l'intellectualisme parisien, qui veut que tout ce qui touche aux professions, aux métiers industriels, ne soit pas reconnu. C'est là une difficulté propre à tous les pays latins puisque, vous le savez, le parlement italien débat en ce moment même d'une loi destinée à faire démarrer l'enseignement professionnel.
Nous devrions probablement pouvoir attirer dans l'enseignement professionnel un tiers des élèves, voire plus. Il conviendra toutefois de veiller à ne pas trop privilégier l'enseignement professionnel du tertiaire, qui, s'il est une bonne chose dans certains secteurs, pose de petits problèmes d'insertion dans d'autres. Il faudra également veiller à ce que l'insertion dans le tissu local soit bien assurée.
De ce point de vue, la collaboration avec les élus est absolument indispensable. C'est pourquoi il y aura, dans chaque académie, des conseils de l'enseignement professionnel, avec un délégué et des élus, de façon à assurer une meilleure intégration.
Nous avons un instrument qui est meilleur que celui de nos principaux concurrents. A nous de le valoriser.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Vous avez exprimé des positions qui traduisaient une volonté de faire évoluer positivement l'enseignement professionnel pour le rendre toujours mieux à même de former efficacement les lycéens qui s'y destinent.
Aussi, vous comprendrez qu'avec les élèves, les enseignants et les familles nous en attendions avec impatience les premières traductions, et ce dès la prochaine rentrée.
Vous venez de parler des sections qui ne mènent pas toujours à une profession. C'est vrai, il faut remédier à cette lacune, mais je préfère encore un jeune dans une section qu'il a demandée et qui ne forme pas nécessairement à un métier, qui reste donc à l'école, qui fait quelque chose, à un jeune dans la rue.
J'insiste pour que des décisions concrètes soient prises dès la prochaine rentrée scolaire. Des régulations devront être opérées. Il faudra créer, en nombre suffisant et avec les capacités attendues, les nouvelles sections nécessaires. Autrement dit, c'est dès maintenant que les recteurs doivent s'occuper de cette question.
D'ici là, une concertation avec tous les partenaires concernés devra être conduite, afin que les nouveaux projets recueillent l'adhésion et l'engagement de tous. Il y va de la réussite de l'enseignement professionnel.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que cet enseignement professionnel manquait non pas de moyens mais de reconnaissance. S'il est essentiel, c'est vrai, qu'il soit reconnu comme une voie à part entière de la réussite scolaire, il convient tout de même - je suis moins optimiste que vous - qu'il soit doté de moyens supplémentaires.
Je me réjouis de la création des conseils d'enseignement de la formation professionnelle départementaux. Je vous demanderai, le moment venu, monsieur le ministre, de déterminer comment vous pouvez informer le Sénat, ou du moins sa commission des affaires culturelles, sur vos projets et sur leur concrétisation.

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