Séance du 7 avril 1999







M. le président. « Art. 9. - L'article L. 5214-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "regroupant plusieurs communes", sont insérés les mots : "d'un seul tenant et sans enclave" ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions du premier alinéa ne sont pas exigées pour les communautés de communes existant à la date de publication de la loi n° du relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, ou issues de la transformation d'un district ou d'une communauté de villes en application des dispositions des articles 34 et 39 de la même loi. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 311 rectifié est présenté par MM. Rispat et de Montesquiou.
L'amendement n° 357 est déposé par MM. Bret, Foucaud, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Dufour, Fischer, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Renar, Ralite, Mme Terrade et M. Vergès.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 316 rectifié, MM. Courtois, Braye, Cornu, Dufaut, Eckenspieller, Esneu, Fournier, Lassourd, Oudin, Vasselle, Doublet et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, de supprimer le deuxième alinéa (1°) de cet article.
Par amendement n° 320 rectifié, MM. Courtois, Braye, Cornu, Dufaut, Eckenspieller, Esneu, Fournier, Lassourd, Oudin, Vasselle, Doublet et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, après le deuxième alinéa (1°) de cet article, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« « ...° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« « Toutefois, les conditions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque la ou les communes, constituant une enclave, appartiennent à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ».
La parole est à M. de Montesquiou, pour défendre l'amendement n° 311 rectifié.
M. Aymeri de Montesquiou. L'article 9 vise à modifier l'article 5214-1 du code général des collectivités territoriales en insérant au premier alinéa, après les mots « regroupant plusieurs communes », les mots « d'un seul tenant et sans enclave ».
Cette insertion aurait pour conséquence l'obligation pour les communes qui souhaitent se regrouper en communautés de communes de constituer un territoire « d'un seul tenant et sans enclave ».
En tant que représentant d'un département rural, sans doute le plus rural de France, à savoir le Gers, je voudrais souligner que cette mesure serait très préjudiciable à la constitution des communautés de communes en milieu rural et à la rendre même impossible puisqu'il suffit de l'opposition d'une commune pour mettre en échec cette communauté.
Je souhaite donc que soit réaffirmé avec clarté le principe de la liberté d'association des communes. En conséquence, je suis opposé à l'insertion des mots : « d'un seul tenant et sans enclave. »
M. le président. La parole est à M. Bret, pour défendre l'amendement n° 357.
M. Robert Bret. Cet amendement vise à supprimer la condition de continuité urbaine exigée pour les communautés de communes.
La loi du 6 février 1992 instituant les communautés de communes n'exigeait pas que des établissements publics de coopération intercommunale se constituent d'un seul tenant et sans enclave.
Le choix de ne pas exiger de continuité territoriale entre les communes membres traduisait un état de l'intercommunalité.
Le fait d'étendre les dispositions exigeant la continuité territoriale pour les communautés d'agglomération et urbaines prive les communautés de communes d'une certaine souplesse.
Il nous paraît important de permettre le développement de la coopération intercommunale, au-delà de cette exigence de continuité territoriale.
De plus, nous savons tous que l'intégration de cette condition permet de contraindre les communes, en application des conditions de majorité requises pour la création, à entrer dans une communauté de communes.
Nous ne sommes pas indifférents aux arguments avancés par M. le ministre, quand il met en avant la pertinence et la cohérence spatiale.
Cependant, il nous semble primordial que l'intercommunalité ne se développe pas contre la volonté des élus. Or ce sont bien les risques d'une telle mesure.
La communauté de communes est présentée comme l'établissement public de coopération intercommunale le moins intégré et le plus souple.
Nous souhaitons qu'elle le reste et qu'elle permette ainsi à des communes de former une communauté de communes sans pour autant imposer leur volonté aux communes qui leur sont limitrophes, d'autant plus que ces communes volontaires pour la constitution d'un EPCI pourront - si elles le souhaitent et si elles répondent aux conditions de seuil - choisir de s'associer au moyen d'une communauté d'agglomération ou urbaine et donc répondre à la condition de continuité urbaine.
Notre souci est donc de ne pas légiférer de manière trop contraignante, ce qui aboutirait à stopper tout projet de création de structures de coopération.
La conciliation entre le respect de l'autonomie communale et la volonté de développer la coopération intercommunale est un exercice assez périlleux - je le reconnais bien volontiers - et trouver le juste équilibre se révèle d'une importance fondamentale qui nous amène à vous demander de voter la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Courtois, pour défendre les amendements n°s 316 rectifié et 320 rectifié.
M. Jean-Patrick Courtois. En fait, l'amendement n° 316 rectifié a pour fondement la liberté des communes. Nous considérons en effet qu'une communauté de communes doit être créée avec des communes qui ont décidé librement d'y adhérer.
Il résulte de cet état de fait qu'il peut arriver effectivement qu'une commune refuse d'adhérer ; il ne serait pas logique que cette commune empêche la création d'une communauté de communes.
Cette situation existe à l'heure actuelle puisque déjà des communautés de communes fonctionnent mais ne sont pas d'un seul et même tenant. On ne voit donc pas pourquoi il faudrait désormais qu'il en soit ainsi.
L'amendement n° 320 rectifié est un peu un amendement de repli. En effet, on peut imaginer que la commune qui constitue l'enclave soit elle-même membre d'un autre EPCI, ce qui empêcherait des communes de la deuxième ou troisième couronne d'adhérer avec la ville-centre. On aboutirait alors à un résultat inverse de ce qui est l'objectif visé par la loi.
L'amendement n° 320 rectifié représente une position de repli, et je préférerais que l'amendement n° 316 rectifié soit adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 311 rectifié et 357, ainsi que sur les amendements n°s 316 rectifié et 320 rectifié ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Nous abordons, au travers de cette question de principe et de ces quatre amendements, un autre problème de fond concernant l'intercommunalité.
Le texte, dans sa rédaction actuelle, prévoit la suppression des enclaves dans le périmètre des communautés de communes à créer.
Je voudrais rappeler, à cet instant du débat, que nous avons pris, s'agissant de l'éventuelle extension du périmètre des communautés, une position très nette : nous refusons qu'elle puisse s'opérer sans que la commune concernée formule expressément son accord.
Mais, en ce qui concerne les enclaves situées à l'intérieur du périmètre d'une communauté, il peut paraître utile, voire nécessaire, de prévoir une solidarité territoriale. Ne pas la prévoir serait ne résoudre qu'à moitié le problème de la solidarité, laquelle reste le fondement solide de la création d'un EPCI, quel qu'il soit.
Cependant, cette règle sur laquelle la commission des lois est d'accord, et c'est sur ce point que nous devons insister, connaît deux exceptions, et deux exceptions importantes.
L'article 9 prévoit une première dérogation à la règle du « sans enclave » pour les communautés de communes existantes, ce qui paraît normal. Une seconde dérogation à la règle de la continuité territoriale a été prévue par le Sénat pour les EPCI qui se transforment en communautés d'agglomération.
Sur deux points importants - ce qui nous paraît être très réaliste - il y a donc dérogation à la règle de la continuité territoriale.
Mais pour les communautés à créer, et uniquement pour celles-là, qui requièrent des règles de majorité qui ont été fixées, il nous apparaît souhaitable que la solidarité puisse s'exprimer. Ainsi, l'intercommunalité s'inscrira dans une vision d'avenir caractérisée par la mise en oeuvre sur le terrain d'une solidarité qui passe par la continuité territoriale.
Je souhaite que les auteurs des amendements, MM. de Montesquiou, Bret et Courtois, intègrent ces éléments de réflexion avant de prendre une décision. Il s'agit en effet de savoir si le Sénat veut aller de l'avant sans toucher à des situations acquises ou s'il veut simplement rester en retrait du mouvement vers l'intercommunalité, dont chacun reconnaît qu'il s'agit bien d'une nécessité que la Haute Assemblée doit prendre en compte.
M. André Lejeune. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs le sénateurs, j'ai bien écouté les interventions, dont la tonalité n'est d'ailleurs pas différente de celle de certaines autres interventions que j'avais entendues précédemment, et je n'ai retenu que la plus grande erreur est d'avoir raison trop tôt. Je crois toutefois qu'il faut essayer d'aller à la rencontre de l'avenir.
L'intercommunalité est une nécessité. Peu d'entre vous le contestent véritablement.
Ainsi, M. Bret, par exemple, invoque la souplesse pour refuser la condition de continuité territoriale, dont je rappelle qu'elle ne s'appliquera pas aux communautés de communes existantes et qu'elle ne s'appliquerait qu'aux communautés de communes à venir.
Une telle souplesse reviendrait toutefois à vider complètement l'intercommunalité de son contenu réel, car la continuité territoriale permet d'assurer la cohésion spatiale et un exercice effectif des compétences, cette exigence étant renforcée lorsque la communauté de communes opte pour la taxe professionnelle unique. Ne défaisons pas d'une main ce que nous voulons essayer de faire de l'autre.
Je vous entends vous placer du point de vue de la liberté des élus. Certes, les élus prendront les décisions ! Mais nous devons être capables de poser des règles conformes à l'intérêt public. Où irait notre pays si nous n'étions plus capables d'adopter un certain nombre de règles, conformes à l'intérêt public et s'imposant également aux élus locaux, qui ne sont pas souverains ?
Le seul souverain - le représentant du groupe communiste républicain et citoyen ne me critiquera pas sur ce point - c'est le peuple français, et nous devons être capables de poser quelques règles de bon sens.
Il s'agit là d'une véritable règle de bons sens. Je vous demande donc de retirer ces amendements, étant précisé une fois encore que, pour les communautés existantes, l'exigence de continuité territoriale ne s'applique pas, que cette règle ne s'applique que pour l'avenir. Faites un effort !
M. le président. Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 311 rectifié est-il maintenu ?
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, il s'agit non pas d'être en retard ou de refuser le mouvement, mais de faire jouer la solidarité.
Si une commune refuse d'intégrer une communauté de communes, elle va bloquer le mouvement. Il faut donc lui laisser la liberté de choisir soit d'entrer dans la communauté, soit de rester dehors.
M. le président. Monsieur Bret, maintenez-vous votre amendement n° 357 ?
M. Robert Bret. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Courtois, les amendements n°s 316 rectifié et 320 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Patrick Courtois. J'accepte l'argumentation de M. le rapporteur et de M. le ministre à l'égard du premier de mes amendements car je comprends la nécessité de la continuité territoriale.
Mais, monsieur le ministre, lorsque l'enclave est une commune qui appartient à un autre EPCI, il ne s'agit plus vraiment du même cas de figure.
Autant je consens à retirer l'amendement n° 316 rectifié, autant je considère que je dois maintenir l'amendement n° 320 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 316 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 311 rectifié et 357, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 320 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, ainsi modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Article additionnel après l'article 9