Séance du 7 avril 1999







M. le président. Par amendement n° 457, MM. Arnaud et Badré proposent d'insérer, après l'article 11 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2131 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département formule ses observations sur les projets de transferts de compétence entre communes et communautés de communes dans un délai d'un mois à compter de la transmission et valide a priori ces transferts, dès lors qu'ils sont conformes à l'esprit de la loi.
« Ces observations sont ou non suivies d'effet par les assemblées délibérantes. »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Cet article additionnel vise à donner un peu plus de pouvoir au préfet lorsqu'il exerce non pas seulement son contrôle, mais son rôle de conseil auprès des collectivités locales.
Ainsi, je propose, par dérogation, que le représentant de l'Etat dans le département formule ses observations sur les projets de transferts de compétences entre communes et communautés dans un délai d'un mois à compter de la transmission de la proposition et valide a priori ces transferts, dès lors qu'ils sont conformes à l'esprit de la loi.
Comme je l'expliquais tout à l'heure, je considère que l'on éviterait un certain nombre de déboires si le préfet, entouré de ses services, analysait finement les propositions de transfert de compétences aux communautés de communes pour valider l'authencité de ces opérations, leur loyauté et leur conformité à l'esprit de la loi. S'il jugeait que tel n'est pas le cas, le préfet saurait, je crois, le faire remarquer et, en toute légitimité, les élus pourraient se prononcer en connaissance de cause. En d'autres termes, c'est accompagner la décentralisation, la renforcer par une plus forte déconcentration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement vise à faire intervenir le préfet dans un transfert de compétence qui doit normalement être librement décidé par les communes concernées.
En conséquence, il ne me paraît pas conforme au principe de la décentralisation. Dans un débat comme celui auquel nous prenons part, certains, à l'instar des auteurs de cet amendement, estiment que le préfet devrait intervenir un peu plus que prévu, tandis que d'autres souhaitent qu'il intervienne un peu moins que prévu.
En l'occurrence, je crois que nous devons nous en tenir au principe de la décentralisation dans un domaine comme celui-là, et je suis persuadé que notre collègue Philippe Arnaud acceptera, en conséquence, de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Arnaud, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur ?
M. Philippe Arnaud. Avant de me prononcer, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. S'il s'agit de valider le retrait de votre amendement, monsieur le sénateur, je crois que vous me demandez beaucoup !
Je suis franchement acquis au principe de la décentralisation, qui veut que les collectivités locales prennent leurs responsabilités et ne requièrent qu'un contrôle a posteriori.
Sous prétexte de validation, vous voulez en fait rétablir un contrôle a priori qui vous sécuriserait. Je comprends ce désir de sécurité. Mais, en même temps, la décentralisation est ajourd'hui un fait acquis sur lequel il ne serait pas utile de revenir. Enfin, cela ferait mauvais genre, et j'ai déjà mauvaise réputation... (Sourires.)
M. Patrick Lassourd. Mais non ! Pas chez nous !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je m'arrête donc au bord du précipice !
M. le président. Monsieur Arnaud, qu'en est-il de votre amendement ?
M. Philippe Arnaud. Permettez-moi d'apporter préalablement quelques précisions.
Il ne s'agit bien évidemment pas pour moi de remettre en cause la décentralisation ; j'y suis beaucoup trop attaché. Il s'agit seulement de tenter de régler les problèmes que nous avons examinés, parfois de façon un peu pénible, tout au long de la journée.
Pour régler les problèmes très variés qui se posent sur l'ensemble de nos territoires, pour tenter de régler des rapports quelquefois conflictuels entre les hommes, on essaie d'introduire dans la loi des dispositifs ou des mécanismes qui viennent s'additionner les uns aux autres et qui sont extrêmement contraignants, si bien que, un jour, nous aurons tout simplement créé de telles entraves à l'établissement et au développement de la coopération intercommunale que l'on se dira alors que l'on a tout faux.
Les collectivités sont gérées par des hommes, rien n'est parfait...
M. Emmanuel Hamel. Et des femmes ! (Sourires.)
M. Philippe Arnaud. Les situations sont très diverses. Il me semblait qu'un examen attentif sur le terrain par une autorité comme celle de l'Etat aurait permis tout simplement d'introduire de la souplesse et un peu de bon sens.
Cela dit, je conçois que c'est peut-être aller un peu loin. Je retire donc mon amendement, mais non sans réaffirmer qu'il convient de rester attentif, pour régler les problèmes essentiels, à ne pas ajouter en permanence des mesures que l'on ne pourra pas supporter longtemps.
M. le président. L'amendement n° 457 est retiré.
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 251, M. Lassourd propose d'insérer, après l'article 11 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 5214-26 du code général des collectivités territoriales est complété, in fine , par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Si le retrait de la commune est motivé par sa volonté d'adhérer à une communauté urbaine ou à une communauté d'agglomération, pour que soit respecté le critère de continuité territorial visé aux articles L. 5215-1 et L. 5216-1, la décision de retrait ne peut intervenir qu'avec l'accord du conseil de communauté, qui fixe par délibération concordante avec le conseil municipal de la commune intéressée les conditions de ce retrait dans les conditions prévues à l'article L. 1321-9. La notification de la délibération aux maires des communes associées et la consultation des conseils municipaux des communes intéressées s'effectuent dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas du I ci-dessus. Cette délibération doit être adoptée par la moitié au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de 40 % de la population totale de celles-ci ou de 40 % au moins des conseils municipaux des communes comptant la moitié de la population. Cette majorité doit nécessairement comprendre les conseils municipaux des communes dont la population totale est supérieure à 20 % de la population totale concernée.
« Si aucun accord n'est trouvé dans un délai d'un mois, entre le conseil de la communauté de communes et le conseil municipal de la commune souhaitant se retirer, sur les conditions de ce retrait, elles sont décidées par la commission départementale de la coopération intercommunale visée à l'article L. 5211-13. Au vu de cet avis, le préfet du département statue définitivement par voie d'arrêté.
« Les procédures prévues au présent paragraphe sont ouvertes jusqu'au 31 décembre 2001, durant la période constitutive de la communauté urbaine ou de la communauté d'agglomération à laquelle la commune souhaite adhérer, qu'elles résultent d'une création ou d'une transformation. »
« II. - En conséquence, le premier alinéa de l'article L. 5214-26 du code général des collectivités territoriales est précédé de la mention : "I. - ". »
Par amendement n° 279 rectifié, MM. Courtois, Braye, Cornu, Dufaut, Eckenspieller, Esneu, Fournier, Lassourd, Oudin, Vasselle, Doublet et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 11 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 5214-26 du code général des collectivités territoriales est complété, in fine , par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lors d'une demande de retrait d'une commune d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, motivée par sa volonté d'adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, dont le Conseil communautaire a accepté la demande d'adhésion, si les conditions de retrait définies au I ci-dessus ne sont pas réunies, la commission départementale de la coopération intercommunale est saisie pour rendre un avis par le préfet du département.
« Au vu de cet avis, le préfet du département statue définitivement par voie d'arrêté sur les demandes de retrait et d'adhésion présentées par la collectivité.
« Les conditions de retrait qui s'appliquent sont celles fixées aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 5212-29. »
La parole est à M. Lassourd, pour défendre l'amendement n° 251.
M. Patrick Lassourd. Au cours du débat, nous avons expliqué les situations qui se présentaient lorsqu'il y avait des enclaves dans les communautés de communes, les communautés d'agglomération ou les communautés urbaines, et nous avons donc proposé des modalités de façon que la liberté des communes soit respectée et qu'en aucun cas il n'y ait contrainte.
L'objet de cet amendement concerne une autre situation à laquelle je souhaite appliquer la même philosophie pour essayer de la régler.
Supposons une commune X, qui appartient à une communauté de communes A, la commune étant contiguë à une autre communauté de communes B, qui, elle, a la possibilité de se transformer en communauté d'agglomération, voire en communauté urbaine.
L'amendement que je propose consiste à donner à la commune X la possibilité de se retirer de la communauté de communes A pour aller dans une communauté de communes plus intégrée, selon des modalités de retrait assouplies par rapport à celles du droit commun.
Ce que je propose, c'est que ces modalités de retrait puissent être fixées de la façon suivante : par la moitié au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant au moins 40 % de la population ou 40 % des communes représentant la moitié de la population, cette majorité devant nécessairement comprendre les conseils municipaux des communes dont la population totale est supérieure à 20 % de la population totale concernée.
Lorsque ces conditions seront réunies, il faudra procéder à un partage financier et patrimonial. Si aucun accord n'intervient à cet égard entre la commune et l'EPCI qui est quitté, la commission départementale de coopération intercommunale fera une proposition. Au vu de son avis, le préfet du département statuera définitivement par voie d'arrêté.
Enfin, parce que j'ai bien conscience qu'un assouplissement des conditions de retrait peut engendrer une certaine pagaille dans les communautés de communes, il ne me paraît pas sain que ce droit d'option soit total et permanent.
Je propose donc qu'il soit ouvert pour une seule fois pendant une durée déterminée, à savoir jusqu'au 31 décembre 2001, et uniquement durant la période constitutive de la communauté urbaine ou de la communauté d'agglomération à laquelle la commune souhaite adhérer, qu'elle résulte d'une création ou d'une transformation. Il en va de même pour une communauté urbaine, de telle sorte qu'une commune puisse sortir d'un EPCI moins intégré pour aller vers un établissement plus intégré.
M. le président. La parole est à M. Courtois, pour présenter l'amendement n° 279 rectifié.
M. Jean-Patrick Courtois. Cet amendement a pour objet de permettre à une commune qui appartient à une communauté de communes de pouvoir quitter cette dernière et d'entrer dans une autre communauté de communes.
En général, une telle demande est formulée pour des raisons géographiques telles que l'arrivée d'une bretelle d'autoroute, le passage d'un train à grande vitesse, ce qui permet de partager d'autres équipements avec une autre communauté de communes.
En l'état actuel, si la première communauté de communes refuse de laisser partir la collectivité concernée, il n'existe aucun moyen d'imposer ce départ.
Pour éviter que les sautes d'humeur, les contingences politiques ne soient à l'origine du départ d'une communauté vers une autre, nous avons prévu un certain nombre de garde-fous.
Tout d'abord, il conviendrait que la commission départementale de coopération intercommunale soit saisie pour avis. A terme, ce serait le préfet qui prendrait sa décision, au nom de l'Etat, par arrêté, étant précisé, qu'il ne serait pas lié par l'avis de la commission précitée afin de préserver l'intérêt général.
Il existe, à l'heure actuelle, des situations complètement bloquées qui posent de graves problèmes dans les communautés de communes d'origine.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 251 et 279 rectifié ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Ces deux amendements ne peuvent être dissociés.
L'amendement n° 251, présenté par M. Lassourd, tend à prendre en compte la situation des communes déjà membres d'une communauté de communes. C'est son mérite d'avoir posé ce vrai problème et de présenter une solution.
Toutefois, entre la solution proposée par l'amendement n° 251 de M. Lassourd et celle qui est proposée par l'amendement n° 279 rectifié déposé par MM. Courtois et Lassourd, j'opte plutôt pour la seconde.
En effet, la solution préconisée par ce dernier amendement me paraît plus simple. En liaison avec l'amendement de notre collègue M. Paul Girod, dont nous discuterons à l'article 21, elle permettra, je crois, de résoudre, d'une manière simple et pratique, le vrai problème, soulevé chronologiquement en premier par M. Lassourd au travers de l'amendement n° 251.
Je me garderai bien de demander à notre collègue M. Lassourd d'adopter telle ou telle attitude à propos de son amendement, mais je crois deviner qu'il s'orientera spontanément vers une solution consensuelle. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 251 et 279 rectifié ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je voudrais dire à M. Lassourd que son amendement rend le retrait plus difficile que le droit commun.
S'agissant de l'amendement n° 279 rectifié, le Gouvernement considère qu'il devrait être satisfait par l'amendement n° 57, déposé par la commission des lois, et qui introduit l'avis de la commission départementale de la coopération intercommunale, amendement que nous allons examiner dans quelques instants et auquel le Gouvernement se déclarera favorable. Cela devrait conduire M. Courtois à retirer le sien.
M. le président. Monsieur Lassourd, l'amendement n° 251 est-il maintenu ?
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, je dois d'abord présenter mes excuses à la Haute Assemblée pour la migraine que j'ai provoquée chez quelques-uns compte tenu de la simplicité byzantine de ma construction ! (Sourires.)
Au demeurant, je vais retirer l'amendement n° 251 pour me rallier à celui de M. Courtois.
Le seul souci qui me reste vient de ce que l'on va donner au préfet un pouvoir important dans la décision de retrait. Il me semble que ce genre d'opération doit rester soumis à la volonté et à la décision des communes et des EPCI. Je ne suis pas certain qu'il soit bon de donner tant de pouvoirs à l'administration préfectorale. M. le président. L'amendement n° 251 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 279 rectifié.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je ne sais pas s'il est permis de sourire dans cette docte assemblée, mais, sous le contrôle d'éminents polytechniciens, tel notre collègue M. Badré, je tiens à manifester mon étonnement après que M. le rapporteur a prétendu que l'argumentation et le texte de l'amendement de notre collègue Lassourd n'avaient pas sa préférence, au motif que celui de M. Courtois était plus simple.
Mais l'amendement de M. Lassourd est d'une extrême simplicité :
X + A + B = X - A + R × 50/20 : CD + P (CO - EPCI) !
Quoi de plus clair ? (Sourires et applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 279 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 bis .

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