Séance du 29 juin 1999
M. le président.
La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 564, transmise à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le secrétaire d'Etat, voilà un an, le 19 mai 1998, je vous posais
déjà une question orale relative à la situation de l'usine Renault de
Choisy-le-Roi, commune dont je suis l'élue. Je montrais à quel point la
stratégie d'un grand groupe, dont l'actionnaire principal est l'Etat, aux
résultats florissants avec des profits se comptant par milliards de francs,
faisait fi du potentiel représenté par ses salariés pourtant acteurs essentiels
de la réussite de ce groupe, faisait fi du bassin d'emploi et de la communauté
humaine locale qui a favorisé son activité et son développement.
Aujourd'hui, mon interpellation illustre à nouveau cette logique financière
qui prévaut au détriment de l'intérêt général, de l'intérêt des femmes et des
hommes qui font l'entreprise et son environnement et de l'intérêt même de
Renault.
Le groupe Renault a besoin d'une nouvelle structure pour produire des ressorts
de suspension, aujourd'hui fabriqués à Choisy-le-Roi. Mais au lieu d'investir
en développant son unité actuelle, Renault abandonnerait un savoir-faire sur
une technologie porteuse d'avenir puisque la production pourrait passer de
trois millions à six millions de ressorts pour répondre à la demande du
marché.
L'espace existe puisque la municipalité de Choisy-le-Roi et le conseil général
du Val-de-Marne ont créé les conditions nécessaires en faisant acquérir par le
service d'action foncière du Val-de-Marne le terrain qui jouxte l'usine, pour
le mettre à la disposition de Renault. Par ailleurs, des démarches sont
entreprises en direction du conseil régional et du conseil général afin
d'obtenir des subventions.
Or, alors que les compétences de cinquante salariés très qualifiés sont
immédiatement disponibles, Renault fait le choix d'une délocalisation en
Seine-et-Marne, sous couvert d'un partenariat avec l'entreprise Allevard, qui,
sous d'autres conditions, pourrait être positif.
Cette alliance serait en réalité de court terme puisque Allevard est en passe
d'être acheté par le groupe italien Benedetti. Cela figure dans un document
remis au comité d'enteprise. Ce montage apparaît bien comme étant un leurre sur
fond de subventions publiques versées pour financer cette opération d'abandon,
ce qui est vraiment inacceptable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la traduction de cette décision, ce sont
cinquante emplois de moins à Choisy-le-Roi et dans le Val-de-Marne, le seul
département de la région parisienne à avoir perdu encore des emplois
industriels - 1 % de moins depuis 1994. Les cinquante salariés, dont
l'ancienneté est souvent importante, seront transférés et perdront à terme leur
statut et la stabilité d'emploi ; ils se sont d'ailleurs mise en grève la
semaine dernière pour défendre ceux-ci. C'est enfin une usine qui se
fragiliserait dramatiquement.
L'émotion et la colère sont grandes à Choisy-le-Roi. Avec les élus du
Val-de-Marne, avec le maire, avec les salariés, j'interpelle solennellement le
Gouvernement pour que tout soit entrepris afin, à la fois, d'inverser ce
processus, d'exiger que Renault conserve durablement la majorité d'actionnaires
dans cette production, de favoriser l'implantation de la nouvelle unité sur les
terrains disponibles de Choisy-le-Roi - nous avons tout fait pour cela - et de
garantir la substitution d'activité dans l'usine actuelle, qui présente toutes
les qualités requises pour une production de pointe.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie. Madame le sénateur, je comprends - comme
je vous le disais déjà en 1998 - votre inquiétude quant à la situation de
l'usine de Choisy-le-Roi, qui vous est particulièrement chère. Souffrez,
madame, que je dise qu'elle m'est aussi particulièrement chère.
Mme Hélène Luc.
Il faut que vous me le prouviez !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat. La direction de Renault envisage de conclure une
alliance avec un partenaire, afin, vous l'avez d'ailleurs vous-même indiqué il
y a un instant, de développer l'activité de ressorts, actuellement exercée sur
le site de l'usine de Choisy-de-Roi.
Le Gouvernement attend comme vous d'une entreprise où l'Etat est actionnaire
qu'elle développe à la fois l'investissement et l'emploi. C'est un objectif
qu'il faut continuellement rappeler, et que, d'ailleurs, l'entreprise Renault
satisfait actuellement.
Mais on attend également d'une entreprise qu'elle exerce, par des engagements
précis, ses responsabilités lorsqu'elle est insérée dans un environnement local
où son poids spécifique joue un rôle particulier. C'est le cas de Renault à
Choisy-le-Roi.
Qu'en est-il exactement dans ce cas précis ?
Dans le cadre de l'alliance que j'ai évoquée, une nouvelle unité de production
sera construite qui reprendra l'activité actuelle en élargissant les débouchés
industriels. Renault envisage de s'implanter à Lieusaint, à une vingtaine de
kilomètres du site actuel.
Ce projet est de nature à développer l'emploi, ce qui est positif, et à
pérenniser une activité industrielle soumise à une forte compétition, ce qui
est également positif.
Mais, parce que vous m'en avez parlé et parce que vous avez évoqué la question
par écrit avec M. Strauss-Kahn, mon collègue des finances et moi-même sommes
intervenus auprès du président-directeur général de l'entreprise Renault pour
plaider la cause de l'usine de Choisy-le-Roi.
Des engagements sont pris pour que l'Etat joue bien son rôle d'actionnaire.
Vous comprendrez comme moi que, dans ce cadre, si l'Etat ne peut pas dicter le
choix entre deux sites voisins, il peut en revanche manifester son souci de
développement harmonieux de la commune de Choisy-le-Roi et exprimer son souhait
de voir aborder l'avenir de l'activité à Choisy-le-Roi en concertation
permanente avec les élus locaux pour compenser la perte d'activité qui pourrait
résulter d'un éventuel transfert.
Cette demande a fait l'objet de correspondances de ma part et de celle du
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à la présidence de
l'entreprise. Cette dernière - j'ai sa lettre sous les yeux - a pris un certain
nombre d'engagements dans lesquels elle indique que les embauches envisagées
par Renault dans le cadre des négocations en cours sur la réduction du temps de
travail à Choisy-le-Roi devraient, en cas d'accord, permettre de compenser les
départs occasionnés par le transfert de l'activité de fabrication des ressorts
de suspension à Lieusaint.
Les autres activités, est-il dit ici sous forme d'engagement, demeurent sur le
site actuel de Choisy-le-Roi : rénovation de moteurs, commandes externes de
boîtes de vitesse, fabrication de fils, fabrication de ressorts techniques.
Le président-directeur général de Renault, M. Schweitzer, indique encore qu'il
a évoqué avec les élus locaux, bien en amont, les conséquences de ce transfert.
Il prend l'engagement qu'au cas où une opportunité d'affectation d'activités
nouvelles se présenterait, il demandera à ses équipes d'engager une réflexion
afin d'en évaluer la faisabilité.
Je me propose, madame le sénateur, de continuer avec vous, comme nous l'avons
déjà commencé ensemble, à maintenir un lien fort et permanent avec l'entreprise
Renault, afin d'étudier les moyens de développement de l'usine de
Choisy-le-Roi. En effet, s'agissant du développement de l'investissement et de
l'emploi, ainsi que des responsabilités particulières des grandes entreprises à
l'égard de ce qu'on peut appeler, même en région parisienne, l'aménagement du
territoire, nous avons un travail commun à mener. Le Gouvernement n'y renoncera
pas, et je sais qu'avec vous nous pourrons sans doute obtenir une nouvelle
approche qui permettra de développer l'activité de l'usine qui vous est
chère.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse, qui confirme les courriers que
j'ai reçus de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et
du président-directeur général de Renault, ainsi que l'entretien que j'ai eu
personnellement avec le maire de Choisy-le-Roi et le secrétaire général de
Renault, ne lève aucune de mes inquiétudes quant au transfert de l'unité de
production de ressorts et le gâchis humain, économique et social qui en
résulterait.
Je persiste à demander, conjointement avec les partenaires - qui ont tout
autant la qualité d'experts que certains décideurs financiers dont la vision
étroite et à court terme a souvent entraîné les entreprises vers le déclin -
que des mesures soient prises en faveur de la préservation et du déploiement de
l'activité de l'usine de Renault à Choisy-le-Roi.
Vous n'êtes pas sans savoir, je vous l'ai dit, que la raison invoquée pour
refuser cette installation à Choisy-le-Roi est fondée sur la situation
géographique de l'usine Renault au bord de la Seine qui nécessite
l'installation de pieux pour consolider les structures. Cet argument manque de
sérieux ! C'est un simple prétexte.
Un autre argument est avancé selon lequel le montant de la taxe
professionnelle serait moins élevé en Seine-et-Marne qu'en Val-de-Marne. Une
grande entreprise comme Renault peut-elle s'arrêter à de tels arguments ?
Je demande qu'une véritable expertise sur les solutions possibles soit
conduite. Il en va de la responsabilité de l'Etat, premier actionnaire de
Renault, de réaliser un montage industriel sérieux qui s'inscrive dans le
respect des objectifs déclarés du Gouvernement : maîtrise d'une production par
la nation, création d'emplois, relance industrielle de la région parisienne,
équilibre urbain, aménagement du territoire harmonieux. Cette situation est une
opportunité de mettre en conformité les intentions et les actes et d'affirmer
une véritable politique d'emploi de la gauche plurielle. N'oublions pas que, si
les Françaises et les Français ont voté en premier lieu pour la gauche
plurielle, c'est d'abord pour lutter contre le chômage.
J'insiste donc pour que le Gouvernement diligente l'expertise que je demande
s'agissant du devenir de l'usine Renault à Choisy-le-Roi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu ce qui vous tient à coeur, je
l'espère, autant qu'à moi et, surtout, aux salariés de cette entreprise.
J'espère non seulement que nous resterons en contact, mais que vous pourrez
convaincre Renault de revenir sur sa décision d'installer son usine à
Lieusaint. La décision n'étant pas encore définitivement arrêtée, il est
peut-être encore possible de reconsidérer la question. Il me paraît
inconcevable que Renault n'investisse pas à Choisy-le-Roi, qui a tout fait avec
le conseil général pour mettre un terrain à sa disposition.
PROJET DE FERMETURE DE LA MAISON
DE RETRAITE DE VILLE LEBRUN