Séance du 29 juin 1999
M. le président.
La parole est à M. Bordas, auteur de la question n° 562, transmise à M. le
ministre des affaires étrangères.
M. James Bordas.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre,
mes chers collègues, la suspension de l'adoption d'enfants vietnamiens a été
prononcée le 29 avril dernier par les ministères de la justice, des affaires
étrangères, de l'emploi et de la solidarité.
Cette mesure de suspension est motivée par les difficultés de contrôle du
statut des enfants adoptés et par la hausse alarmante du trafic d'enfants. Les
garanties essentielles qui doivent être accordées aux enfants comme aux
familles ne seraient plus assurées dans un grand nombre de cas.
De nombreux intermédiaires non autorisés graviteraient autour des familles
candidates à l'adoption, ce qui laisse craindre que les droits des parents
biologiques comme ceux des enfants ne seraient pas respectés.
La reprise des adoptions est subordonnée à la conclusion d'un accord de
coopération entre les deux pays offrant toutes les garanties de la convention
de La Haye du 29 mai 1993.
Cette convention, ratifiée par la France mais pas par le Vietnam, a pour objet
d'instaurer un système de coopération entre les Etats contractants pour
prévenir l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants.
Elle oblige le pays d'origine des enfants à vérifier que l'adoption a été
consentie librement, sans « paiement ni contrepartie » et par le biais d'«
intermédiaires dûment autorisés ». Il est, en effet, indispensable de s'assurer
que les parents qui abandonnent leurs enfants le font en toute conscience, sans
qu'aucune pression financière ou autre n'ait été exercée sur eux.
Pour nécessaire qu'elle soit, la conclusion d'un tel accord risque d'être fort
longue. Or les adoptions d'enfants au Vietnam par des Français ont pris une
grande ampleur ces dernières années : près de 1 400 enfants ont été adoptés, et
le Vietnam est devenu le premier pays d'origine des enfants étrangers adoptés
en France.
Aussi l'émotion provoquée par cette décision un peu brutale est-elle grande.
Elle l'est d'autant plus que la décision aurait été prise sans concertation
aucune. Ni les organismes d'adoption ni les associations de parents n'auraient
été informés préalablement de l'arrêt des adoptions au Vietnam. Le Conseil
supérieur de l'adoption, dont la vocation est précisément d'être consulté, ne
l'a pas été.
Fallait-il en venir à une solution aussi radicale ? Ne pouvait-on trouver
d'autres moyens plus souples de remédier au trafic et au racket sans avoir à
prendre une mesure de suppression pure et simple de l'adoption ? Pouvez-vous
nous garantir que des négociations seront bientôt engagées et rapidement menées
? Dans quel délai escomptez-vous une reprise des procédures d'adoption ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur
le sénateur, votre question était adressée à M. le ministre des affaires
étrangères. Mais celui-ci, actuellement à New York en compagnie d'un certain
nombre de ses collègues pour s'entretenir avec le secrétaire général de l'ONU
de la question du Kosovo, m'a prié de vous communiquer la réponse suivante, qui
rappelle les principes qu'il a lui-même évoqués en répondant à des questions
similaires à celle que vous venez de poser.
Le Gouvernement a effectivement décidé, monsieur le sénateur, de suspendre
provisoirement les procédures d'adoption entre la France et le Vietnam jusqu'à
la conclusion d'un accord de coopération entre les deux pays.
Cette mesure était nécessaire, aux yeux du Gouvernement, pour préserver les
droits fondamentaux des enfants et de leurs familles. Elle a été prise sur
recommandation de l'autorité centrale pour l'adoption internationale.
Le Gouvernement est pleinement désireux de permettre la reprise des adoptions
au Vietnam dès lors que toutes les mesures nécessaires auront été prises pour
empêcher les graves dérives constatées, qui portaient directement atteinte aux
principes fondamentaux posés par la Convention des Nations unies sur les droits
de l'enfant.
Vous pouvez être assuré, monsieur le sénateur, que le souhait du Gouvernement
est de faire en sorte que les adoptions d'enfants vietnamiens puissent
reprendre le plus tôt possible, sur des bases nouvelles et assainies, dans le
cadre d'une véritable coopération avec les autorités vietnamienne.
La mise en oeuvre de la suspension, prise, je le répète, après consultation
des autorités vietnamiennes, a pu paraître quelque peu soudaine, voire brutale.
Mais il faut convenir que toutes les précautions ont été prises pour ne pas
porter, autant que possible, atteinte aux procédures en cours. C'est ainsi que
les trois ministres compétents en cette matière ont dûment informé les familles
concernées.
De son côté, notre représentation diplomatique à Hanoï suit, en relations
étroites et quasi quotidiennes avec le ministère de la justice vietnamien, ces
procédures.
Ayant été récemment sur place rendre hommage aux combattants de Diên Biên Phû,
j'ai eu l'occasion de rencontrer notre ambassadeur, et je peux témoigner que
notre représentation diplomatique s'engage pleinement sur ces dossiers, avec
beaucoup de détermination, de soins et de compétences.
Dans ce contexte, et dans l'attente de la fixation de nouveaux critères
précis, la mesure de suspension, vous en conviendrez peut-être, ne pouvait être
que générale. Nous aurions, sinon, couru le risque de créer des discriminations
de fait entre candidats à l'adoption.
Il valait donc mieux, sur le plan de l'égalité de traitement, prendre cette
mesure générale, mais je vous rappelle la détermination du Gouvernement
d'aboutir rapidement, avec le gouvernement vietnamien, à un protocole d'accord
qui évitera toutes les dérives constatées et répondra à l'attente des familles
qui souhaitent adopter un enfant.
M. James Bordas.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends fort bien les raisons de l'absence
de votre collègue M. Hubert Védrine, et je vous remercie de la réponse que vous
venez de m'apporter de sa part.
Je dois dire cependant que celle-ci ne correspond pas à mon attente, ni à
celle des très nombreuses familles qui plaçaient de grands espoirs dans
l'adoption d'un enfant d'origine vietnamienne.
Ainsi, comme je le disais tout à l'heure, 1 400 à 1 500 enfants seront privés
d'affection et d'un droit au bonheur bien légitime auprès de parents
adoptifs.
Je souhaite, comme les associations concernées, que le Gouvernement - vous
venez de m'en apporter l'assurance - prennent le plus rapidement possible de
nouvelles dispositions permettant, dans le respect de règles administratives
rigoureuses, d'écarter tout risque de dérive et - permettez-moi de formuler
encore un voeu - de faire en sorte qu'en priorité soient examinées les demandes
des familles ayant déjà eu des contacts avec le Vietnam.
M. le président.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre
nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à seize heures vingt,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)