Séance du 7 octobre 1999







M. le président. « Art. 23. - Un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux, pour :
« - assurer les missions de service public définies au III de l'article 2 ;
« - assurer l'exécution des contrats prévus à l'article 22 ;
« - permettre l'approvisionnement par un producteur de ses établissements, de ses filiales et de sa société mère, dans les limites de sa propre production ;
« - assurer l'exécution des contrats d'exportation d'électricité conclus par un producteur installé sur le territoire national.
« A cet effet, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux. Dans le cas où les gestionnaires des réseaux publics concernés et les utilisateurs de ces réseaux ne sont pas des personnes morales distinctes, des protocoles règlent leurs relations, notamment les conditions d'accès et d'utilisation des réseaux et les conditions d'application de la tarification de l'utilisation des réseaux. Ces contrats et protocoles sont transmis à la Commission de régulation de l'électricité.
« Tout refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l'électricité. Les critères de refus sont objectifs, non discriminatoires et publiés et ne peuvent être fondés que sur des motifs techniques tenant à l'intégrité et la sécurité des réseaux.
« Dans les mêmes conditions, un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est également garanti à une collectivité territoriale pour permettre l'approvisionnement, à partir des installations de production, des établissements publics locaux dont elle assure la gestion directe et des structures qui dépendent majoritairement de cette collectivité territoriale afin d'en accomplir ses compétences.
« Un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 348, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger ainsi le quatrième alinéa de cet article :
« - permettre l'approvisionnement par un producteur de ses propres établissements et filiales ».
Par amendement n° 284, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le quatrième alinéa de l'article 23, après les mots : « société mère », d'insérer les mots : « et des filiales de cette dernière ».
La parole est à Mme Terrade, pour défendre l'amendement n° 348.
Mme Odette Terrade. Le quatrième alinéa de l'article 23 va au-delà des exigences de la directive, qui, dans son article 20, précise que les producteurs indépendants ne peuvent approvisionner que leurs propres établissements et filiales.
Permettre à un producteur d'approvisionner sa société mère constituerait un facteur supplémentaire de libéralisation plus ample du secteur électrique dans la mesure où des sites non éligibles pourraient, le cas échéant, se fournir auprès d'un autre producteur qu'EDF.
Notre collègue rapporteur ne manquera pas de rappeler qu'une disposition existe d'ores et déjà dans l'article 2 du décret du 20 mai 1955. Cependant, je tiens à préciser que le contexte qui prévaudra à l'issue du vote de cette loi est totalement différent, et l'importance prise par les producteurs privés vis-à-vis d'EDF sera cruciale pour l'avenir de la production nationale d'électricité.
Un dispositif qui pouvait avoir une signification dans une situation de nationalisation du secteur électrique, non soumis aux secousses de la concurrence, peut en avoir une toute différente dans un cadre concurrentiel.
Aussi, afin de limiter les effets néfastes de la concurrence, nous proposons de limiter l'étendue de l'approvisionnement à celle qui est préconisée par la directive, ni plus, ni moins.
M. le président. La parole est à M. Valade, pour défendre l'amendement n° 284.
M. Jacques Valade. S'agissant du droit d'accès au réseau public de transport et de distribution, pour permettre à un producteur d'alimenter les établissements du groupe auquel il appartient, nous proposons de revenir à la rédaction initiale du projet de loi, à savoir permettre l'alimentation, par un producteur, des filiales de sa société mère.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 348 et 284 ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 348, qui rigidifie et restreint les possibilités.
En revanche, elle approuve l'amendement n° 284.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je pense qu'il faut s'en tenir au cadre défini par la loi de 1946, et je suis étonné d'entendre le groupe communiste républicain et citoyen contester le bien-fondé du texte proposé.
En effet, les possibilités ouvertes dans le cadre de la loi de 1946 ne doivent pas être supprimées, car cette suppression mettrait en difficulté les opérateurs qui ont aujourd'hui recours à la possibilité donnée aux producteurs d'accéder au réseau pour alimenter leur maison mère.
Je souhaite le maintien de la rédaction actuelle, qui me paraît réaliser un bon équilibre. Je demande donc aux auteurs des deux amendements de bien vouloir les retirer.
M. le président. Monsieur Lefebvre, l'amendement n° 348 est-il maintenu ?
M. Pierre Lefebvre. Je suis prêt à retirer mon amendement, mais j'attends de savoir si M. Valade retire le sien.
M. le président. Monsieur Valade, votre amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Valade. J'apprécie cette dialectique de précaution ! (Sourires.)
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes en accord avec le projet de loi initial ! Vous ne pouvez pas présenter un projet à l'Assemblée nationale, puis, au Sénat, désavouer ce projet initial.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. Monsieur Lefebvre, qu'en est-il donc de votre amendement ?
M. Pierre Lefebvre. Nous le maintenons, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 348, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 284, accepté par la commission et repoussé le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 121, M. Revol, au nom de la commisssion, propose, dans la deuxième phrase du sixième alinéa de l'article 23, de remplacer les mots : « d'accès et d'utilisation des réseaux et » par les mots : « d'accès aux réseaux et de leur utilisation, ainsi que ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. C'est un amendement de précision, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 121, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 122, M. Revol, au nom de la commission, propose, à la fin de la dernière phrase du septième alinéa de l'article 23, de remplacer les mots : « l'intégrité et la sécurité des réseaux » par les mots : « la sécurité et à la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 123 rectifié, M. Revol, au nom de la commission, propose de compléter, in fine , le septième alinéa de l'article 23 par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque cela est indispensable pour garantir l'égalité des conditions de concurrence la Commission de régulation de l'électricité demande la modification des contrats ou des protocoles déjà conclus. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 431, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 123 rectifié, à remplacer les mots : « l'égalité des conditions de concurrence » par les mots : « un accès équitable et non discriminatoire aux réseaux publics ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 123 rectifié.
M. Henri Revol, rapporteur. Afin de faciliter le règlement des litiges relatifs à l'accès au réseau, cet amendement, qui est inspiré de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications, confère à la CRE le pouvoir de demander la modification des contrats et protocoles d'accès au réseau déjà conclus.
De la sorte, la CRE peut intervenir pour demander la révision d'un contrat ou d'un protocole relatif à l'accès au réseau même si elle n'est pas saisie d'une demande d'arbitrage émanant des deux parties.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 123 rectifié et pour défendre le sous-amendement n° 431.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Sous réserve de l'acceptation par M. le rapporteur du sous-amendement n° 431, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 123 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 431 ?
M. Henri Revol, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 431, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 123 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 349, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 23.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 124 est présenté par M. Revol, au nom de la commission.
L'amendement n° 14 est déposé par MM. Besson, Pastor, Sergent et Weber.
Tous deux tendent à rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa de l'article 23 :
« Dans les conditions fixées aux deux alinéas précédents, un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est également garanti à toute collectivité territoriale ou, pour concourir à l'accomplissement de ses compétences, à tout établissement public de coopération pour satisfaire, à partir de ses installations de production d'électricité et dans la limite de sa production, les propres besoins en électricité de la collectivité ou de l'établissement concerné, ainsi que ceux des services publics locaux dont la gestion est assurée directement par la collectivité ou par l'établissement concerné et ceux des établissements publics locaux qui relèvent en propre de cette collectivité ou de cet établissement. »
La parole est à Mme Terrade, pour défendre l'amendement n° 349.
Mme Odette Terrade. L'avant-dernier alinéa de l'article 23, introduit par l'Assemblée nationale, en contradiction avec les améliorations qui ont pu être apportées par ailleurs sur plusieurs aspects du texte de loi, remet en cause le service public de l'électricité.
Par cet ajout, on met en effet le doigt dans un engrenage dangereux pour EDF puisqu'on place les collectivités territoriales en situation de producteur, en concurrence directe avec l'entreprise nationale EDF.
S'il peut paraître légitime que les collectivités locales disposent d'attribution renforcées dans les limites fixées par l'article 17 pour ce qui concerne les réseaux de distribution d'électricité dont elles sont propriétaires, il est pour le moins excessif de les traiter comme n'importe quel producteur indépendant, en leur octroyant un droit d'accès aux réseaux de transport et de distribution.
Il est à craindre une concurrence accrue non seulement entre les collectivités locales et EDF, mais également entre les collectivités locales elles-mêmes, qui rechercheront un accès aux réseaux dans les meilleures conditions pour une tarification minimale.
Comment peut-on sérieusement accepter de voir les communes, qui ont pour fonction d'organiser le service public de l'électricité, entrer en compétition directe avec l'entreprise qui constitue la matrice de ce même service public.
Que les collectivités locales, en tant que gestionnaire de tel ou tel établissement de production, disposent d'un droit de regard et d'intervention adapté peut, certes, paraître légitime sous certaines conditions prédéterminées. Mais leur confier des pouvoirs exorbitants au risque d'en faire l' alter ego de n'importe quel producteur privé est, reconnaissons-le, contraire à la logique qui fonde le système électrique français.
Nous ne partageons pas l'idée, avancée par certains, d'une régionalisation renforcée de la gestion des réseaux de transport et de distribution d'électricité, pas plus que nous n'approuvons l'autonomisation des collectivités locales à l'égard du service public de l'électricité et d'EDF.
C'est pourquoi notre amendement prévoit la suppression d'une disposition qui compromettrait gravement la cohérence et la continuité des réseaux électriques, ainsi que le bon accomplissement des missions de service public.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 124 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 349.
M. Henri Revol, rapporteur. L'amendement n° 124 est un amendement rédactionnel.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 349.
M. le président. La parole est à M. Besson, pour présenter l'amendement n° 14.
M. Jean Besson. Nous ne souhaitons pas que l'ouverture des réseaux soit réservée aux seules collectivités territoriales ; elle doit pouvoir être élargie aux établissements publics de coopération intercommunale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 349, ainsi que sur les amendements identiques n°s 124 et 14 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Pourquoi interdire aux collectivités locales l'accès au réseau pour alimenter en électricité leurs services publics ? Il ne me paraît pas que cela puisse présenter des risques pour le système électrique français.
Je ne souhaite donc pas que le Sénat adopte l'amendement n° 349.
En revanche, je suis favorable aux amendements identiqu n°s 124 et 14. M. Besson a tout à fait raison : le droit d'accès au réseau pour les collectivités locales doit également concerner les établissements publics de coopération intercommunale.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 349, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 124 et 14, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 286, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de rédiger comme suit le dernier alinéa de l'article 23 :
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application de ces dispositions et notamment les procédures d'établissement des contrats et protocoles visés par le présent article. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 436, présenté par le Gouvernement et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 286, après les mots : « précise », à insérer les mots : « , en tant que de besoin, ».
La parole est à M. Valade, pour défendre l'amendement n° 286.
M. Jacques Valade. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre le sous-amendement n° 436.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il s'agit simplement d'apporter une précision rédactionnelle. Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 286.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 286 et sur le sous-amendement n° 436 ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commision est favorable à l'amendement n° 286.
Le sous-amendement n° 436 ne lui a pas été soumis mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 436.
M. Pierre Lefebvre. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 286, accepté par la commission et par le Gouvernement.
M. Pierre Lefebvre. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(L'article 23 est adopté.)

Article 24