Séance du 7 octobre 1999







M. le président. « Art. 35. - Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires, la Commission de régulation de l'électricité précise, en tant que de besoin, les règles concernant :
« 1° Les missions des gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en matière d'exploitation et de développement des réseaux, en application des articles 14 et 18 ;
« 2° Les conditions de raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, en application des articles 14 et 18 ;
« 3° Les conditions d'accès aux réseaux et de leur utilisation, en application de l'article 23 ;
« 4° La mise en oeuvre et l'ajustement des programmes d'appel, d'approvisionnement et de consommation, et la compensation financière des écarts, en application des articles 15 et 19 ;
« 5° La conclusion de contrats d'achat par les gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution, en application du III de l'article 15 ;
« 6° La détermination, par les opérateurs mentionnés à l'article 25 et ceux visés par l'article 26, des principes déterminant les relations financières entre les activités faisant l'objet d'une séparation comptable, conformément aux articles 25 et 26. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 371, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après les mots : « la Commission de régulation de l'électricité », de rédiger ainsi la fin du premier alinéa de cet article : « peut proposer des règles concernant : ».
Par amendement n° 161, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa de l'article 35, après les mots : « précise en tant que de besoin », d'insérer les mots : « , par décision publiée au Journal officiel ».
La parole est à M. Lefebvre, pour défendre l'amendement n° 371.
M. Pierre Lefebvre. Les articles 35, 36 et 38 dotent la commission de régulation de l'électricité de pouvoirs étendus quant à la définition des règles du jeu du marché, pouvoirs allant jusqu'au contrôle de leurs applications et comprenant la capacité de sanction.
Le cumul des pouvoirs ainsi confiés à la CRE fait d'elle, plus qu'un arbitre, un véritable « chef d'orchestre » de la régulation du marché, puisqu'elle est en mesure d'intervenir, par ses propositions et par ses décisions, sur les relations entre les différents opérateurs.
Le ministre chargé de l'énergie est ainsi dépossédé de son pouvoir réglementaire dans des matières qui relèvent pourtant de la planification que le Gouvernement doit mettre en oeuvre.
Sauf à vouloir faire du ministre un instrument de la CRE, et l'on peut considérer qu'il en est déjà ainsi pour l'ART - M. le secrétaire d'Etat ne me contredira pas sur ce point -, ce serait contraire aux principes fixés à l'article 1er et à l'article 6, selon lesquels l'Etat organise le service public de l'électricité et contrôle la mise en oeuvre de la politique énergétique qu'il définit. Encore faut-il lui donner les moyens de cette politique !
Sur ce point, le texte qui est issu des travaux de l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisant, pas plus, d'ailleurs, que les propositions de M. le rapporteur puisqu'elles tendent à renforcer cette dérive.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, d'adopter nos amendements n°s 371 et 372, qui, tout en s'inscrivant dans le cadre défini par la directive 96/92, permettraient de donner davantage de cohérence à ce projet de loi entre la fin et les moyens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 161 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 371.
M. Henri Revol, rapporteur. L'amendement n° 161 tend à préciser les modalités pratiques d'exercice et de publicité du pouvoir réglementaire de la CRE par une décision publiée au Journal officiel , comme c'est le cas pour le CSA ou l'ART, par exemple.
Par conséquent, la commission est défavorable à l'amendement n° 371, présenté par M. Lefebvre. Il s'agit là d'une différence de fond quant au rôle du régulateur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je crains que la proposition de M. Lefebvre ne dénature au fond la réalité de la CRE telle qu'elle a été voulue par le Gouvernement et acceptée par l'Assemblée nationale et, jusqu'à présent, par le Sénat.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 371 et, pour les mêmes raisons que celles qui ont été indiquées par M. le rapporteur, favorable à l'amendement n° 161.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 371, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 161, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 162, M. Revol, au nom de la commission, propose, au début de l'avant-dernier alinéa (5°) de l'article 35, après les mots : « la conclusion de contrats d'achat », d'insérer les mots : « et de protocoles ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement vise à donner à la CRE le pouvoir d'édicter des règles afin de préciser le contenu des lois et décrets applicables à la conclusion des contrats d'achat.
Il est souhaitable, s'agissant de l'application du paragraphe III de l'article 15 du projet de loi, que la CRE soit compétente pour préciser les règles relatives non seulement aux contrats passés entre le GRT et les nouveaux producteurs - ce qui est déjà le cas - mais aussi aux protocoles passés entre le GRT, tant qu'il est à l'intérieur d'EDF, et un autre service d'EDF.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 162, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 163, M. Revol, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le dernier alinéa de l'article 35 :
« 6° Les périmètres de chacune des activités comptablement séparées, les règles d'imputation comptable appliquées pour obtenir les comptes séparés et les principes déterminant les relations financières entre ces activités, conformément aux articles 25 et 26. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec la rédaction proposée par la commission à l'article 25.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 163, accepté par le Gouvernement.
M. Pierre Lefebvre. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 164, M. Revol, au nom de la commission, propose de compléter in fine l'article 35 par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution mentionnés au II de l'article 4. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement vise à donner à la CRE un pouvoir réglementaire lui permettant de préciser les règles concernant les tarifs d'utilisation des réseaux.
Ce point est important, dans la mesure où les principes fixés par le projet de loi à l'article 4 sont nécessairement généraux. Or le prix du transport, notamment, est un élément essentiel du nouveau dispositif concurrentiel, un peu à l'image des tarifs d'interconnexion dans le secteur des télécommunications. Il convenait donc de partager plus équitablement le pouvoir réglementaire en la matière entre le Gouvernement et la CRE.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 164, accepté par le Gouvernement.
Mme Odette Terrade. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 165, M. Revol, au nom de la commission, propose de compléter in fine l'article 35 par deux alinéas ainsi rédigés :
« 8° Les droits et obligations afférents à l'autorisation d'exploiter, en application de l'article 9 ;
« 9° La procédure d'obtention de l'autorisation mentionnée à l'article 7. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement vise également à renforcer le pouvoir réglementaire de la CRE.
L'intervention de la CRE sera nécessaire pour préciser la loi et les règlements en matière de cahiers des charges des autorisations, les critères fixés par la loi qui devront être précisés par décret étant très généraux.
De même, concernant la procédure à suivre pour l'obtention d'une autorisation, les opérateurs ont besoin d'une bonne lisibilité du cadre réglementaire. C'est pourquoi cet amendement prévoit que la CRE pourra intervenir en tant que de besoin pour préciser les règles applicables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Défavorable.
L'élaboration et la réglementation relatives aux autorisations de production et à leur délivrance relèvent exclusivement de la compétence du Gouvernement. Il est donc, à mon avis, inapproprié, voire incohérent, de confier à la commission de régulation un pouvoir de réglementation même limité en matière de nouvelles installations de production, ce qui n'entre pas dans ses attributions.
Je demande donc à M. le rapporteur de prendre en considération cet argument, qui me paraît vraiment très cohérent avec tout ce que nous avons fait jusqu'à présent, et de retirer cet amendement si cela lui est possible.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Henri Revol, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 165.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, nous venons, par voie d'amendements, de renforcer le pouvoir de la commission de régulation de l'électricité.
Il est important que, dans notre société, des institutions disposent d'une marge de manoeuvre leur permettant de fonctionner normalement. Toutefois, il ne faut pas pour autant dépouiller notre République, le Gouvernement et le Parlement de leurs prérogatives.
Il convient donc de trouver l'équilibre nécessaire entre, d'un côté, des institutions qui doivent fonctionner normalement et, de l'autre côté, un gouvernement et un parlement responsables de leurs décisions et de leurs choix politiques. C'est la raison pour laquelle nous suivrons avec beaucoup de force la proposition du ministre en nous opposant à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement demande un scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 4 : :

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 214
Contre 99

Le Sénat a adopté.
Par amendement n° 372, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 35 par un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre chargé de l'énergie examine ces propositions, consulte les organismes compétents et décide, le cas échéant, d'y donner suite par l'élaboration de textes réglementaires. »
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Cet amendement a été défendu en même temps que l'amendement n° 371.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Défavorable, car cet amendement transfère au ministre le pouvoir réglementaire de la CRE.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est, malheureusement pour M. Lefebvre, défavorable, pour des raisons déjà évoquées à l'occasion d'un amendement précédent.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 372, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 35, modifié.

(L'article 35 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)