Séance du 7 octobre 1999







M. le président. La parole est M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, j'avais prévu de vous interroger au sujet de la banalisation de la violence en milieu scolaire, qui suscite une concurrence intéressée entre les compagnies d'assurance, sous le regard bienveillant de votre ministère. Mais, devant la désinvolture avec laquelle vous avez considéré le désarroi des enseignants et des lycéens - « une minorité », avez-vous dit - je ne peux rester sans réaction.
Si les promesses avaient été tenues, comme vous l'affirmez, croyez-vous que les jeunes manifesteraient dans la rue pour défendre les mêmes revendications que l'an dernier ?
Si les réformes avançaient, comme vous vous en vantez, croyez-vous que des enseignants passeraient outre leur obligation de réserve pour s'interroger publiquement sur l'utilité et la finalité de leur mission, voire, pour certains d'entre eux, déclarer en avoir « assez de garder des délinquants pour éviter qu'ils ne cassent tout dans leur cité » ?
Réussir comme vous l'avez fait, monsieur le ministre, à mettre dans la rue, deux années de suite, les syndicats et les lycéens est déjà en soi un tour de force. Protestations sur les travées socialistes.).
Mais remettre au goût du jour la lutte des classes - celles qui ont des enseignants et celles qui n'en ont pas - quand on appartient comme vous à un gouvernement socialo-communiste, relève de l'exploit ! (Oh ! sur les mêmes travées).
Malgré votre bonne volonté, malgré la désinformation organisée, vous péchez par suffisance et insuffisance : quand on dirige un million de fonctionnaires depuis la rue de Grenelle, le zéro défaut, ça ne marche pas.
M. Jacques Mahéas. La question !
M. Jean-Claude Carle. Si lycéens et enseignants sont inquiets, ce n'est pas parce que les choses changent. C'est, bien au contraire, parce que, malgré vos tentatives, elles ne changent pas.
C'est la preuve surtout que le malaise est plus grave.
M. René-Pierre Signé. La question !
M. Jean-Claude Carle. Les lycéens vous interrogent sur leur avenir ; vous leur répondez par l'inflation budgétaire.
Les enseignants vous parlent de leur identité et de leur mission, qui est, pour nombre d'entre eux, une vocation ; vous leur répondez « déconcentration administrative », dont on voit les limites !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Votre question !
M. Jean-Claude Carle. En réalité, monsieur le ministre, il ne suffit pas de dépenser toujours plus pour faire semblant de réformer.
En lançant une grande consultation, vous aviez suscité chez les lycéens un espoir qui est aujourd'hui déçu. Le Gouvernement doit donc répondre aux vraies questions que chacun se pose.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Carle. Avec plus d'enseignants et moins d'élèves, êtes-vous prêt non pas à dépenser toujours plus, mais à dépenser mieux ?
Allez-vous faire en sorte que la mission des enseignants soit à nouveau d'instruire pour que l'école n'ait plus à assumer toutes les défaillances de la société ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, au-delà des mots que vous avez prononcés et qui dépassent la réalité sur bien des points, je voudrais vous répondre sur un sujet fondamental que vous avez soulevé : le budget de l'éducation nationale.
Je me soucie autant que vous du budget de l'éducation nationale et de l'usage qui a pu en être fait dans le passé.
Nous avons entrepris, ce qu'aucune loi n'aurait pu faire, une réforme de fond de la gestion, et je vais vous donner, à l'appui de mes dires, des chiffres que vous pourrez vérifier.
Dans votre question, vous avez fait allusion à l'enquête menée par le Sénat. Je dois vous dire que, malheureusement, s'agissant du nombre d'enseignants qui ne sont pas face à une classe, on fait un mélange de délégations...
M. Jean-Claude Carle. Non, pas du tout !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Mais si. Il est faux de dire que 30 000 enseignants ne sont pas en présence d'élèves ; ce chiffre est inexact.
Lorsque, en 1997, j'ai pris en charge le ministère de l'éducation nationale,...
M. René-Pierre Signé. Heureusement !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... il y avait 1 100 classes de terminale comprenant plus de 35 élèves ; il n'y en a plus aucune aujourd'hui. Il y avait 32 000 titulaires académiques sans affectation ; il n'y en a plus aujourd'hui. Parmi ces derniers, 40 % ont un poste définitif en établissement ; les autres sont affectés sur des zones précises de remplacement. Il y avait des rentrées où l'on attendait le mois de septembre pour embaucher des maîtres auxiliaires qu'on licenciait l'année suivante ; cette année, à la rentrée, tous les postes étaient pourvus : il y a eu des absences, des remplacements à faire, mais c'étaient des absences anormales.
Enfin, monsieur le sénateur, vous ne pouvez, dans une même question, me reprocher de gérer de la rue de Grenelle et critiquer la déconcentration. La déconcentration a été faite. Elle permet d'être près du terrain. Vous faisiez allusion aux problèmes des lycéens : c'est avec leur recteur et leur proviseur qu'ils discutent aujourd'hui.
Sur la réforme de l'éducation nationale et de sa gestion, croyez-moi, monsieur le sénateur, je suis prêt à répondre point par point. Nous mettons en oeuvre cette réforme et nous continuerons à le faire pour le bien de ce pays. J'attends à ce sujet une aide de la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. Pourquoi les étudiants sont-ils dans la rue ?

LICENCIEMENTS ABUSIFS ET DÉVELOPPEMENT EXCESSIF
DES EMPLOIS PRÉCAIRES