Séance du 13 octobre 1999






PARTIE LÉGISLATIVE DE CERTAINS CODES

Adoption d'un projet de loi d'habilitation

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 438, 1998-1999) portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes. [Rapport n° 4 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons débattre aujourd'hui de deux projets de lois complémentaires : le projet de loi d'habilitation relatif à la codification, puis le projet de loi dit DCRA relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui vient au Sénat en deuxième lecture. Ce dernier projet de loi, pour donner aux citoyens un accès simple au droit, instituait l'obligation de codifier les textes juridiques. Vous aviez partagé l'objectif, mais vous aviez émis des doutes, sur la volonté du Gouvernement de l'atteindre, en lui reprochant de n'avoir soumis, dans les derniers mois, aucun code à l'adoption des assemblées.
Le projet de loi d'habilitation qui vient devant vous aujourd'hui concrétise la volonté du Gouvernement de remédier au retard pris. Le programme de travail des assemblées ne permet pas de faire aux codes la place qu'ils méritent alors que nombre de codes sont déjà prêts grâce à la persévérance de la commission supérieure de codification. Mais à mesure que des modifications interviendront dans les domaines concernés, on risque de voir certains codes se périmer et le travail important fait en amont en quelque sorte gâché. A titre de solution, le Gouvernement vous demande donc de l'habiliter à adopter la partie législative des neuf codes d'ores et déjà prêts.
Il est bien entendu que cela ne constitue pas une codification définitive de la procédure : l'adoption de la partie législative des codes appartient au Parlement, et le projet de loi DCRA le réaffirme. L'habilitation que nous sollicitons vise les codes dont la liste va vous être présentée par M. le rapporteur ; certains sont déjà déposés devant l'une des assemblées, voire déjà étudiés par sa commission compétente, d'autres sont en cours d'examen devant le Conseil d'Etat, et tous ont été adoptés par la commission supérieure de codification, qui veille sur chaque code et sur la cohérence d'ensemble de la codification.
Avant de vous inviter à adopter le projet de loi, je voudrais préciser brièvement trois points.
Le premier est relatif au principe du droit constant. Il est clair pour tout le monde que l'élaboration d'un code n'est pas l'occasion de modifier le droit existant : il s'agit d'en classer les éléments selon un plan logique et accessible à un lecteur non spécialiste, c'est ce que l'on appelle la codification à droit constant. Mais le droit applicable a été élaboré à des périodes différentes, parfois fort anciennes. Aussi le texte d'origine peut-il mériter des adaptations : les termes eux-mêmes évoluent et la hiérarchie des normes, déterminée par la Constitution actuelle, n'a pas toujours été identique. Il faut donc fixer les règles qui encadrent le droit constant : ce projet de loi les précise.
Par prudence, s'agissant d'ordonnances, la rédaction de l'article 1er du projet de loi, dans sa version initiale, est légèrement en retrait sur la définition générale donnée à l'article 3 du projet de loi DCRA. Votre commission des lois préfère aligner les deux définitions, afin que la codification soit harmonieuse et aussi parfaite que possible, quel que soit le mode d'adoption des codes. Cet amendement améliorera la cohérence du travail des codificateurs et le Gouvernement le soutient.
Permettez-moi d'ajouter quelques mots sur les neuf codes concernés.
Certains traitent une matière à ce jour jamais rassemblée en un seul ouvrage, comme le code de l'environnement, domaine de régulation relativement récent. C'est aussi le cas du code monétaire et financier, qui organise pour la première fois des textes dont la portée est de plus en plus décisive dans notre vie économique.
D'autres, en revanche, rassemblent une information déjà traitée, mais cette fois selon un système complet et cohérent. C'est le cas du code de l'éducation : il offre le premier panorama complet, d'accès aisé, de l'ensemble du système éducatif, et concerne tous les enseignements, donnés sous l'égide de l'Education nationale ou non. C'est aussi le cas du code des juridictions administratives, qui réunit des textes déjà rassemblés par les soins des éditeurs mais y instaure un ordre logique qui en facilite grandement la lecture. Dans certains cas, il faut passer de la compilation au code.
Enfin certains codes déjà utilisés de longue date méritaient une révision ou une refonte : les codes de la santé publique, de l'action sociale, le code rural, le code de la route ou encore le code de commerce.
Enfin, j'évoquerai brièvement la ratification des ordonnances.
Dans le projet de loi gouvernemental, il est fait mention d'une loi de ratification, déposée au plus tard quinze mois après la publication de la présente loi. La commission - je le sais - préfère que de tels projets soient déposés deux mois après la publication de chaque ordonnance. Le Gouvernement se range à cette position, qui rapprochera, pour chaque code, le moment de son adoption définitive.
Nous avons aujourd'hui les meilleurs supports d'information : les nouvelles technologies de communication participent grandement à la diffusion des textes juridiques. Les sites Internet des ministères - pour prendre un exemple - sont complets, utiles, largement fréquentés. Encore faut-il que les documents diffusés soient lisibles. A ce jour - reconnaissons-le - mieux vaut être spécialiste pour se retrouver parmi des textes adoptés à des périodes diverses et modifiés plusieurs fois. La possibilité de consulter sur Internet la table des matières d'un code permettra, en revanche, de trouver bien plus facilement l'article dont on a besoin.
Notre pratique de la codification est une oeuvre importante, issue de nos traditions, notamment de notre vision cartésienne du droit. Comme le Premier ministre l'a tout récemment rappelé, le rôle de l'Etat est de réguler les activités sociales, et la société en la matière n'adresse pas moins de demandes à l'Etat que par le passé, bien au contraire. Puisque la modification des lois reste un support essentiel des politiques, puisqu'aucun effort pour limiter cette tendance n'a jamais abouti à ce jour, nous avons le devoir de rendre tout cela plus clair. La codification nous permet d'atteindre cet objectif.
Notre pratique en la matière a conquis nos voisins européens, dont plusieurs ont entrepris, à leur tour, de codifier leur droit. Nous pouvons nous féliciter de ce succès de nos méthodes de simplification. Il s'agit de continuer l'oeuvre entreprise, et le prochain pas que je vous propose de faire consistera en l'adoption de ce projet de loi (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous convaincus de l'intérêt de la codification. Il s'agit d'ailleurs d'une tradition française imitée quasiment dans le monde entier et qui remonte loin dans le temps puisque dès Henri III, puis sous Louis XIV et encore sous la Révolution française, notre pays a entrepris cette vaste tâche,...
M. Emmanuel Hamel. Donc, avant le code Napoléon !
M. Patrice Gélard, rapporteur. ... développant un modèle qui s'est largement exporté.
La codification me paraît utile, voire indispensable, et cela à différents égards.
Elle l'est d'abord au niveau des praticiens du droit, dont nous sommes. Nous avons en effet besoin de retrouver facilement les textes juridiques applicables pour faciliter nos recherches, bien sûr, mais aussi pour éviter de laisser de côté un texte qui n'aurait pas été répertorié et que nous aurions beaucoup de mal à retrouver.
En tout cas, la codification simplifie singulièrement notre tâche de législateur, lorsque nous sommes amenés à modifier tel ou tel ensemble de dispositions, qu'elles soient anciennes ou plus récentes : nous n'avons plus besoin de rechercher dans les archives des textes disséminés et souvent difficiles d'accès.
Mais la codification a pour mission essentielle de rendre le droit accessible à tous. C'est la différence majeure entre notre système continental et le système des pays anglo-saxons, où le droit n'est accessible qu'à des experts, des professionnels, et non à l'ensemble des citoyens. Cet accès direct au droit est un mérite fondamental de la codification.
La codification française jouit en outre, le ministre l'a rappelé tout à l'heure, d'un grand prestige international, observable non seulement en Europe mais également bien au-delà, en Amérique latine, en Afrique ou en Asie. Même certains pays de common law recourent d'ailleurs également, pour les branches les plus modernes du droit, à la codification.
Il reste que, si le programme gouvernemental est mené à terme, nous serons le seul pays du monde à disposer d'une codification totale de l'ensemble du droit. Cela signifie que, dorénavant, aucun législateur, dans aucun pays, ne fera la moindre réforme sans se référer à ce que les Français ont fait.
Cela est pour moi une source de réconfort, sachant que la common law fait des progrès grandissants dans nos institutions européennes ou dans les cours de justice internationales. Ainsi, par la codification, le droit français continue encore de jouer un rôle exemplaire.
M. Emmanuel Hamel. Pour combien de temps ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. M. le ministre l'a souligné, cette oeuvre de codification, nous l'avons entamée voilà fort longtemps.
La codification a été pratiquée sous la IVe République, puis sous la Ve, mais selon une méthode assez discutable puisque, généralement, il s'agissait de codifier par décret, ce qui ne manquait pas de susciter des interrogations chez les juristes : quelle est, en effet, la portée juridique exacte d'un texte d'origine législative codifié par décret. Il y a eu une jurisprudence sur cette question.
Heureusement, nous avons changé notre fusil d'épaule en instaurant, en 1989, la commission supérieure de codification, et je tiens ici à rendre hommage à son actuel vice-président, M. Guy Braibant, dont le sérieux, l'intelligence, la constance ont permis de faire en sorte que le travail de codification ait avancé à ce point.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Patrice Gélard, rapporteur. J'ajoute que, grâce à la commission supérieure de codification, où le Sénat est représenté, à côté de l'Assemblée nationale, des plus hautes juridictions et de toutes les administrations, une partie de la codification a été faite selon une nouvelle méthode : élaboration par la commission supérieure de codification, contrôle par le Conseil d'Etat et discussion puis vote par le Parlement.
Ont été ainsi adoptés : le code de la propriété intellectuelle, le code de la consommation, les livres I, III, VI et VIII du code rural, les livres I, II et III du code des juridictions financières - il me plaît ici de saluer le travail qu'a accompli, au sein de la commission supérieure de codification, notre collègue Philippe Marini - et enfin le code général des collectivités territoriales. S'agissant de ce dernier code, il faut souligner la qualité du travail qu'a effectué notre collègue Michel Rufin, tant au sein de la commission supérieure de codification que comme rapporteur devant le Sénat.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part d'un regret à propos du code général des collectivités territoriales. Alors qu'il est vraiment un modèle du genre pour la partie législative, nous attendons toujours que la partie réglementaire soit prête car, pour l'heure, faute de cette autre partie, ce code est en panne !
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Le législateur avance mais il serait heureux que le pouvoir réglementaire suive également, faute de quoi la codification n'atteint pas pleinement son but.
La procédure est maintenant bloquée sans que personne soit totalement coupable. En vérité, chacun a sa part de culpabilité.
Dans sa déclaration de programme, je le rappelle, le Premier ministre avait fait figurer la poursuite du travail de codification parmi ses priorités. On s'aperçoit que, malheureusement, depuis le code général des collectivités territoriales, tout est bloqué.
Ce blocage tient, certes, pour partie, à l'encombrement du travail parlementaire. Il est vrai que le Parlement a été mis à rude épreuve au cours des dernières années en raison de la masse et de la complexité des textes législatifs que nous avons eu à discuter.
De ce fait, il n'a pas été facile au ministre chargé des relations avec le Parlement de trouver une niche pour placer ici ou là la discussion de tel ou tel projet de codification, alors même que tout le travail de préparation était achevé.
Mais l'encombrement n'est pas seul en cause. Certains blocages sont dus au Parlement lui-même : soit qu'il ait estimé que le code qu'on lui présentait n'était pas satisfaisant du point de vue de son périmètre, soit qu'il y ait eu des divergences d'interprétation sur la notion de droit constant, soit enfin que le travail parlementaire se soit trouvé compliqué par quelques comportements stupides de la part des uns ou des autres. Je pense là, notamment, au fameux problème des alinéas, le Gouvernement, suivi par le Conseil d'Etat, et le Parlement ayant deux conceptions différentes de ce qu'est l'alinéa ; cela a conduit, par exemple, s'agissant du code général des collectivités territoriales, au dépôt d'un grand nombre d'amendements portant sur ce seul point.
Ont déjà été ainsi bloqués certains livres du code rural, le code de commerce, qui a été adopté par notre assemblée mais qui n'a pas été accepté par l'Assemblée nationale.
On peut également observer que ce blocage a entraîné la « grève », si j'ose dire, du Conseil d'Etat. Ce dernier a en effet décidé d'arrêter l'examen des codes, alors même que la commission supérieure de codification avait achevé sa propre tâche, en constatant que le travail ne débouchait pas au niveau parlementaire.
Aussi la solution qui a été proposée par le Gouvernement - et, je dois le dire, en constante concertation avec les commissions des lois des deux assemblées - est-elle, je le crois, celle de la sagesse. Il s'agit d'autoriser le Gouvernement à adopter les codes par voie d'ordonnances, étant entendu que le Parlement pourra exercer la plénitude de ses attributions lors du débat sur la ratification.
Nous avons déposé quelques amendements, et je remercie M. le ministre de nous avoir d'ores et déjà fait part de son accord sur ces derniers. Il est vrai que nous avons mis en place une sorte de commission mixte paritaire préalable puisque c'est en accord avec mon homologue de l'Assemblée nationale qu'ont été rédigés ces amendements. Cela nous permettra d'adopter rapidement un texte dont la nécessité est évidente.
Il faut que le chantier de la codification reprenne. Une trentaine de codes sont encore à venir : c'est un très gros travail, dont il était initialement prévu qu'il s'achèverait en 2004. Eh bien, si nous continuons au rythme de neuf codes par an, je suis convaincu, monsieur le ministre, que la tâche que les gouvernements successifs se sont fixée sera remplie. Elle le sera, en particulier, si la commission supérieure de codification et son vice-président poursuivent leur remarquable travail comme ils l'ont entamé, en parfaite coïncidence, pour ne pas dire complicité, avec la Haute Assemblée.
M. Emmanuel Hamel. Coopération plutôt que complicité !
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la codification correspond à un souhait exprimé depuis longtemps par de nombreux et bons esprits. Certains sont allés jusqu'à dire que tous les textes qui ne seraient pas codifiés avant l'an 2000 devraient être considérés comme caducs. Ce serait là, face à l'inflation législative - et ne parlons pas de l'inflation réglementaire ! - une solution tout à fait radicale !
On a même imaginé que certaines lois qui ne seraient pas revisitées par le Parlement au bout de cinq ou dix ans seraient caduques. Cela nous éviterait peut-être de voter des lois pour découvrir ensuite trop souvent qu'elles recèlent des contradictions les unes par rapport aux autres. De ce point de vue, la codification contribue indiscutablement à une clarification.
M. Patrice Gélard, dans son excellent rapport, a indiqué que la codification française était un modèle, et notre code civil représente à l'évidence une étape majeure dans l'histoire du droit. Mais, en vérité, c'est un modèle encore plus ancien puisque les Latins aussi avaient su codifier.
M. le rapporteur a bien décrit les difficultés, les atermoiements expliquant qu'on ne peut plus guère avancer, en matière de codification, par la voie législative ordinaire. Cette situation tient peut-être aussi au fait que notre ordre du jour est encombré par des textes qui occupent beaucoup du temps mais qui, par la suite, se révéleront peut-être moins importants qu'il n'y paraît.
S'agissant du code des collectivités locales, on peut regretter que la volonté affirmée du Gouvernement ne l'ait pas incité, jusqu'à présent, à publier la partie réglementaire. On ne peut pas à la fois nous demander d'accélérer sur le plan législatif et ne pas faire ce qu'il faut sur le plan réglementaire, lequel relève strictement du Gouvernement.
Doit-on craindre qu'il n'en aille de même pour le code de l'éducation, où la partie réglementaire devrait être également très importante ?
Il faut, bien entendu, saluer les efforts de la commission supérieure de codification et de tous ceux qui ont contribué à cette oeuvre de codification : tous ont fait un travail remarquable.
Qu'on me permette de relever un problème. Entre le moment où le projet relatif au code de l'environnement a été déposé et le moment où il est venu en discussion, sept textes législatifs intéressant l'environnement sont intervenus, ce qui a conduit à reprendre le travail presque entièrement. Il y a là une vraie difficulté, monsieur le ministre, sur laquelle je reviendrai lors de la discussion des articles.
Je suis très favorable à la procédure qui est proposée, mais à condition que, comme le suggère M. le rapporteur, le délai de dépôt des lois de ratification ne soit pas trop long. D'ailleurs, à partir du moment où les ordonnance auront été prises, on ne voit pas quels obstacles pourraient se dresser devant la ratification par le Parlement. C'est une simple question d'organisation, qui relève de la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement et des ministères ; il n'y aura évidemment plus de problèmes d'examen des textes.
Cela permettra effectivement à la codification de progresser et on peut espérer qu'elle sera achevée, sinon en l'an 2000 - c'est, bien sûr, impossible ! - mais au moins au cours des prochaines années.
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu'être favorable à ce projet de loi, monsieur le ministre, sous une réserve que j'exprimerai tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande, avec ce projet de loi, de l'autoriser à adopter par ordonnances la partie législative de neuf codes.
Je pense que personne, dans l'hémicycle, ne me contredira si je dis que la codification ne comporte que des avantages. Elle permet de trouver rassemblées en un texte unique toutes les dispositions se rapportant à un domaine particulier.
Cela donne à ces dispositions une présentation cohérente et ordonnée. Cela répond aussi à un souci de sécurité juridique. Cela permet un accès plus simple des citoyens aux règles en vigueur, ce qui est l'un des objectifs de la réforme de l'Etat engagée par le Gouvernement.
La modernisation de l'Etat et de la vie publique a largement été entamée depuis le début de la législature, notamment avec les textes traitant de l'intercommunalité de l'aménagement du territoire, du mode de scrutin pour l'élection des conseillers régionaux, du référé administratif et, bien sûr, avec le texte que vous allez nous présenter, monsieur le ministre, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Le projet de loi prévoit « de rendre les administrations plus accessibles, plus proches, plus transparentes, plus simples, plus efficaces ».
Lors des débats en première lecture, les parlementaires sur toutes les travées, tout comme le Gouvernement, d'ailleurs, s'interrogeaient sur la viabilité des dispositions de l'article 3 qui prévoyait l'adoption d'une dizaine de codes d'ici à la fin de la législature. Si aucun d'entre nous ne contestait le principe de la codification, tous soulevaient la question du calendrier.
Le groupe communiste républicain et citoyen avait d'ailleurs proposé d'allonger le délai. Mais vous avez préféré, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, supprimer l'article qui prévoyait la codification dans son ensemble.
Cet article a ensuite été réintroduit par l'Assemblée nationale, mais sans condition de délai. Il ne s'agit plus que d'une disposition de principe qui nécessite d'être examinée de façon pratique et contrainte.
Le texte portant habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnances à l'adoption de la partie législative de certains codes vient résoudre ces difficultés de calendrier et d'application.
Le Gouvernement propose, pour répondre à la nécessité impérieuse de la codification, de déroger au principe de la séparation des pouvoirs posé par les articles 34 et 37 de la Constitution.
Le Parlement est législateur, c'est donc à lui que ce rôle est imparti.
Au regard de l'utilité et de l'accessibilité aux règles de droit qu'offre la codification, il ne m'apparaît nullement choquant de déroger, en l'espèce, au principe de la séparation des pouvoirs et d'autoriser ainsi le Gouvernement à adopter, par ordonnances, les parties législatives des neuf codes, d'autant que tous ces textes ont déjà été adoptés, qu'il ne s'agit que d'une refonte, d'une réorganisation, et que, par conséquent, le Parlement et les législateurs que nous sommes ont déjà eu à se prononcer sur ces textes.
L'article 1er du présent projet de loi donne, outre la liste des codes concernés, une définition de la codification à droit constant : « Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances, sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés. »
Cette définition est complète, mais nous ne sommes pas opposés à la proposition de la commission visant à ajouter l'harmonisation de l'état de droit à la liste des modifications éventuellement nécessaires.
Les autres amendements sont d'ordre rédactionnel ou tendent à appliquer à Saint-Pierre-et-Miquelon, au même titre qu'à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et à Mayotte, les dispositions codifiées.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen, soucieux de rendre le droit plus accessible et plus lisible, et ce le plus vite possible, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons là le premier des deux textes qui concernent la modernisation de l'Etat, dont les maîtres mots sont transparence et accessibilité des règles de droit, simplification et accélération des procédures, rapprochement des citoyens de leur administration.
Ce projet de loi est typiquement pragmatique : quarante codes doivent voir le jour d'ici à peu de temps ; cinq ont été adoptés et neuf le seront très rapidement, leur rédaction étant achevée.
Si, d'une manière générale, le recours aux ordonnances suscite les réticences du législateur, force est de constater que, dans le cas présent, il est urgent d'accélérer le processus de codification. Compte tenu notamment d'un ordre du jour chargé, le Parlement a retardé quelques projets de codes. Dans ces conditions, nous devons arriver rapidement à la publication de codes qui rendront un grand service à l'ensemble de nos concitoyens.
Je rappelle que les codes sont mis en forme par la Commission supérieure de codification. A cet égard, un excellent travail a été réalisé. Ce projet de loi prévoit que le Gouvernement procède par ordonnances à l'adoption de la partie législative des neuf codes, à savoir le code rural, le code de l'éducation, le code de la santé publique, le code du commerce, le code de l'environnement, le code de la justice administrative, le code de la route, le code de l'action sociale et le code monétaire et financier. Le rôle du Parlement est préservé puisqu'il votera une loi de ratification pour chaque ordonnance.
Je me réjouis de voir ainsi avancer le dossier de la codification, qui constitue l'un des grands chantiers de la réforme de l'Etat.
Le regroupement des quelque 8 000 lois en vigueur dans des codes thématiques facilitera leur lecture et leur compréhension par le citoyen mais aussi par les décideurs publics, comme l'a montré l'exemple du code général des collectivités territoriales, que je feuillette souvent en tant qu'élu local, qui répondait à une véritable attente. La codification est l'instrument idéal d'une meilleure accessibilité aux normes.
Rappelons que la relance de la codification est intervenue en 1989 sous l'impulsion de Michel Rocard. Elle a été poursuivie par les gouvernements successifs et figure en bonne place dans la circulaire du Premier ministre relative à l'organisation du travail gouvernemental en date du 6 juin 1997.
Dans ces conditions, le groupe socialiste, en se félicitant de son dépôt, votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

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