Séance du 13 octobre 1999






ORGANISATION DE LA RÉSERVE MILITAIRE
ET DU SERVICE DE DÉFENSE

Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 477, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, portant organisation de la réserve militaire et du service de défense. [Rapport n° 498 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement et de M. le ministre de la défense, de soumettre en deuxième lecture à votre assemblée le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.
Le texte que nous examinons aujourd'hui reprend l'ensemble des améliorations que votre assemblée, sur l'initiative souvent de sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, y a apportées lors de l'examen en première lecture le 20 mai dernier. Il s'est également enrichi des améliorations apportées par l'Assemblée nationale le 30 juin 1999, améliorations qui s'inscrivent dans la même volonté de promouvoir cette composante civique et opérationnelle essentielle à notre défense. Je tiens à cet égard à remercier le président de votre commission, M. de Villepin, et le rapporteur, M. Vinçon, de la qualité des travaux de votre assemblée. Je remercie également à cette occasion le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Dasseux.
Notre démocratie entend prendre ses responsabilités de défense au sein de la communauté internationale. Elle entend tenir ses engagements au service des valeurs universelles qui fondent notre société. Dans cette perspective, nous savons que les choix politiques de défense de la France trouvent leur pleine efficacité lorsqu'ils s'appuient sur un large consensus au sein de la représentation nationale, qui dépasse les clivages traditionnels, et une convergence profonde entre le Gouvernement et le Parlement.
L'examen du projet de loi au Sénat puis à l'Assemblée nationale, mais également la large concertation organisée sur presque deux années pendant la phase d'élaboration, démontrent que nous partageons la même ambition pour la réserve militaire. C'est sur cette identité de vues que reposera ce pilier essentiel de notre défense. C'est fort de cette approche partagée et concertée que le socle législatif que nous élaborons permettra la mise en oeuvre d'une réserve moderne. Nos concitoyens qui ont la volonté de consacrer une part de leur temps à la défense pourront ainsi envisager, en pleine confiance, les opportunités qu'offrira notre nouvelle réserve.
Sur cette base, le Gouvernement prend l'engagement, en s'appuyant sur l'ensemble des parties prenantes, d'assurer une mise en oeuvre rapide et conforme aux intérêts surpérieurs de la nation, à ceux de nos concitoyens réservistes et à ceux des entreprises. Cet objectif est rendu possible car l'organisation future s'appuiera sur la cohérence et l'équilibre que nous nous sommes collectivement attachés à réaliser. Le succès de cette réforme impose, en effet, que soient réunies les véritables conditions d'un intérêt mutuel des réservistes, des entreprises et des armées. Ainsi, le projet de loi a pour objet non pas de favoriser l'une ou l'autre des parties, mais d'offrir à chacun les garanties nécessaires. Votre commission y a été attentive.
La mise en oeuvre s'appuiera sur trois volets essentiels : la volonté du Gouvernement de donner aux réserves les moyens de leur montée en puissance ; la mise en place des structures qui permettent de faire vivre la loi et d'entretenir la concertation ; enfin, la place grandissante qui lui sera faite au sein de l'armée d'active, dans une perspective d'ouverture accrue de l'armée sur la société.
Pour ce qui concerne la montée en puissance, elle sera atteinte à 100 % en organisation à la fin de l'année 1999. Par exemple, 50 000 réservistes de la gendarmerie seront affectés dans les unités de réserve de la gendarmerie départementale ou mobile. De la même manière, tous les régiments de réserves de l'armée de terre auront été dissous et la constitution des unités de réserve intégrées au sein des régiments d'active achevée.
En matière d'ESR, d'engagement de service dans la réserve, la gendarmerie aura constitué un peloton de réserve de gendarmerie départementale pour chaque département, soit 103 au total, ce qui représente un tiers de la cible ; 560 véhicules neufs de type Renault TRAFFIC auront été livrés, le dernier tiers étant prévu pour l'année 2000. De la même manière, un escadron de réserve de gendarmerie mobile sera disponible pour chaque circonscription, soit neuf au total. L'armée de terre quant à elle disposera d'environ 10 000 réservistes sous ESR, équipés d'un matériel identique à l'active, pour un format objectif de 28 000 réservistes au sein de la réserve opérationnelle. Je ne développe pas plus avant ces exemples, je veux seulement vous dire que la montée en puissance est une des priorités fixées par le ministre de la défense aux chefs d'état-major et au directeur général de la gendarmerie nationale.
Enfin, en ce qui concerne les crédits affectés aux réserves, je sais que votre commission y est sensible - le projet de loi de finances pour l'an 2 000 prévoit 40 millions de francs supplémentaires par rapport à 1999, dont 30 millions de francs en RCS, et un montant global de 350 millions de francs. Ainsi, ce sont 100 millions de francs qui ont été ajoutés à ces crédits depuis le début de l'exécution de la loi initiale.
Par ailleurs, nous veillons, M. le ministre de la défense et moi-même par délégation, à ce que la répartition au sein des forces se fasse en considération de l'effectif et de l'emploi. Ainsi, sur 80 millions de francs supplémentaires en 1999 et en 2000, plus de la moitié ont été affectés à la gendarmerie. Ses crédits ont été multipliés par cinq depuis 1997, représentant désormais 16 % du total. L'objectif demeure d'atteindre en 2002 un montant total de 584 millions en francs de 1995 conformément à la loi de programmation militaire et qui représentera une progression de 140 % des crédits en six ans.
Vous connaissez les moyens de la concertation, mais le succès des réserves impose que nous persistions dans notre volonté de concertation avec les parties prenantes. Le projet de loi répond pour une grande part à ce souci, en donnant une dimension législative au Conseil supérieur de la réserve militaire.
Je souligne que celui-ci comprendra en particulier des parlementaires des deux chambres et des représentants des associations de réservistes et des organisations professionnelles représentatives des salariés et des employeurs. Ce conseil permettra d'entretenir au plus haut niveau le dialogue continu que nous savons essentiel. Nous y débattrons également des actions de la réserve citoyenne au profit de la diffusion de l'esprit de défense.
Par ailleurs, la journée nationale du réserviste, que la commission a souhaité mettre en oeuvre sur proposition de M. Delanoë, pemettra d'ouvrir largement ce débat au sein de la nation. Elle est une traduction concrète de notre volonté collective de conférer aux réservistes un rôle éminent dans les actions qui concourent au renforcement du lien unissant la nation à son armée.
Le projet de loi complète également le dispositif nécessaire à l'armée professionnelle, en permettant aux pouvoirs publics d'utiliser de manière souple l'ensemble des moyens militaires. La réserve d'emploi, pleinement intégrée à l'armée d'active, agit déjà dans le cadre d'un unique concept d'emploi des forces.
Les armées doivent désormais s'approprier pleinement la nouvelle réserve : elle concourt en effet de manière essentielle à la réalisation du format global des forces et à leur capacité d'engagement. Les chefs d'état-major, le directeur général de la gendarmerie nationale mobilisent ainsi, à la demande du ministre, l'ensemble des cadres d'active. Ce dernier veille à ce qu'une place grandissante soit faite au sein des forces à la réserve. En effet, l'armée professionnelle, dont le choix a été fait, s'appuiera sur trois composantes indissociables : le personnel militaire d'active, le personnel civil et le personnel militaire de réserve.
Le projet de loi nous donne les moyens d'y parvenir. En effet, il ouvre largement les conditions d'accès à la réserve aux jeunes Françaises et Français, sans exigence d'une expérience militaire préalable. Il contribue ainsi directement au recrutement de jeunes réservistes motivés, qui constitue pour nous un objectif majeur. Nous ne réussirons en effet que si les enjeux de défense de notre pays sont bien compris par la jeunesse et que s'ils suscitent chez elle une volonté d'apporter une contribution personnelle aux activités des forces.
Dans ce cadre, l'appel de préparation à la défense et les préparations militaires constituent des éléments clés de l'appropriation par chaque classe d'âge des questions de défense les plus fondamentales. D'ores et déjà, nous expérimentons une deuxième journée de contact direct entre les jeunes et l'armée, sur la base du volontariat, dont nous espérons qu'elle leur procurera des éléments de choix éclairés. Les préparations militaires nouvelles ont débuté : un peu plus de 2 000 jeunes y ont participé au 30 juillet 1999. Nous ne sommes pas encore aux 15 000 jeunes qui constituent notre premier objectif, mais les premiers résultats sont encourageants. M. le ministre de la défense a pleinement confiance en la réalisation de cet élément clé de l'ouverture de l'armée sur la société, plus particulièrement vers nos jeunes concitoyens, que le projet de loi sur les réserves organise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'événement d'aujourd'hui a, pour la défense de la nation, une grande valeur. Nous allons en effet achever le dernier volet législatif nécessaire à la réforme de notre défense, dans la continuité de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 et de la loi portant réforme du service national.
Le Gouvernement apprécie la volonté de la commission et de son rapporteur de promulguer au plus vite cette loi. La décision de la commission de ne pas provoquer de navette supplémentaire avec l'Assemblée nationale en votant conforme le texte qui vous est soumis est à la mesure de la sagesse du Sénat. Le Gouvernement y voit la marque d'un consensus sur les questions de défense, consensus qui s'inscrit bien dans nos traditions républicaines. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, adopté par l'Assemblée nationale le 30 juin dernier en première lecture.
Ce texte avait d'abord été présenté par le Gouvernement devant la Haute Assemblée, qui l'avait adopté le 20 mai 1999 après l'avoir enrichi et précisé sur des points importants, dans un esprit que nous avons, il est vrai, souhaité consensuel.
Ce souci du consensus se justifiait à un double titre.
D'une part, en effet, rappelons-le, le présent projet de loi constitue la dernière pierre de la réforme des armées voulue par le Président de la République pour adapter notre défense aux évolutions de l'environnement international.
Ultime volet d'une oeuvre législative de grande ampleur, l'organisation des réserves apparaît comme le complément indispensable d'une armée professionnalisée, au regard tant de la sécurité de notre pays que de la pérennité du lien entre les armées et la nation. L'importance de l'enjeu dépasse, on le comprend, les considérations partisanes.
D'autre part, la démarche consensuelle que la Haute Assemblée a recherchée découlait également des principes généraux de la réforme inspirés, pour une large part, par les propositions des principales associations de réservistes regroupées au sein du Conseil supérieur d'études des réserves.
L'examen du projet de loi par les députés s'est inscrit dans ce climat général.
L'Assemblée nationale a approuvé la totalité des modifications apportées par le Sénat. Certes, elle a adopté un certain nombre d'amendements, mais ces amendements ont soit confirmé les orientations souhaitées par le Sénat, soit porté sur des questions de pure forme.
Avant de présenter les amendements votés par l'Assemblée nationale, je vous rappellerai brièvement les principales modifications apportées par le Sénat en première lecture.
Le projet de loi présente trois grandes lignes directrices : l'affirmation du volontariat comme « pierre angulaire » des réserves, la mise en place pour les réservistes d'un socle de garanties sociales et financières, et l'organisation d'un système de sauvegarde fondé sur l'obligation de disponibilité et le service de défense dans l'hypothèse de circonstances exceptionnelles.
Lors de la première lecture, le Sénat avait approuvé ces trois orientations majeures et avait souhaité mieux en souligner la portée dans le dispositif de la loi, avec pour préoccupation essentielle la pérennité du lien armées-nation dont les réserves doivent en effet être le vecteur privilégié.
Cette priorité sous-tend les quatre séries de modifications retenues par la Haute Assemblée : une expression plus affirmée du rôle de la réserve, la promotion du volontariat, la valorisation de la réserve citoyenne et une meilleure reconnaissance de la place des entreprises.
S'agissant d'abord de l'affirmation du rôle de la réserve, le texte du Gouvernement définissait deux grands ensembles : une « première réserve » réunissant des personnels assimilés pendant leurs périodes aux militaires de carrière et une « deuxième réserve » formée de personnels non affectés.
Le choix des désignations « première réserve » et « deuxième réserve » ne permettait pas de souligner le caractère propre de chacun de ces ensembles. Il présentait en outre le risque d'assimiler la « deuxième réserve » à une réserve de second rang, ce qui n'était guère conforme à la volonté affichée par le Gouvernement d'en faire, à juste titre, l'un des pivots du lien armées-nation.
C'est pourquoi le Sénat, soucieux de mieux identifier la vocation respective de ces deux composantes, avait proposé pour la « première réserve » la dénomination de « réserve opérationnelle » et pour la « deuxième réserve » celle de « réserve citoyenne ».
Le Sénat a ensuite institué, comme l'avait suggéré notre collègue Bertrand Delanoë, une journée nationale du réserviste, afin de mieux faire connaître la réserve dans la perspective notamment d'encourager le volontariat.
Le Sénat a jugé en second lieu indispensable de rappeler la prééminence du volontariat dans la composition de la réserve. Dans le dispositif présenté par le Gouvernement, la « réserve opérationnelle » réunissait des volontaires et des anciens militaires soumis à une obligation de disponibilité, sans toutefois que le projet de loi détermine la part respective de ces deux composantes au sein de la réserve.
Or il convenait de souligner la prééminence du volontariat dans la composition de la réserve. C'est pourquoi le Sénat a rappelé que la réserve opérationnelle comprenait d'abord des volontaires et, seulement en fonction des besoins des armées, des militaires soumis à l'obligation de disponibilité.
Dès lors, conscient, de la nécessité de promouvoir le volontariat, le Sénat a adopté plusieurs mesures dans ce sens.
Il a assoupli les règles de limite d'âge afin de permettre aux personnes, en particulier celles qui peuvent faire valoir des compétences spécialisées, de souscrire, même après leur mise à la retraite, un engagement à servir dans la réserve.
Il a souhaité valoriser les missions confiées à la réserve opérationnelle en prévoyant explicitement que ces missions peuvent se dérouler hors du territoire national.
Il a posé pour principe que le refus que l'employeur peut opposer au réserviste pour des demandes d'absence au-delà des cinq jours qui lui sont reconnus de droit devait être notifié non seulement au réserviste, mais aussi à l'autorité militaire, afin de décourager les refus arbitraires ou insuffisamment motivés.
Enfin, il a encouragé le volontariat militaire en permettant de l'accomplir de manière fractionnée dans le temps. Le Sénat a considéré que le développement du volontariat militaire bénéficierait à la réserve qui en apparaît en effet comme un prolongement naturel.
Le Sénat, en troisième lieu, a souhaité donner une plus juste place à la réserve citoyenne. Au-delà du changement de désignation, il a rendu possible un accès direct à la réserve citoyenne pour les volontaires qui n'auraient pas une disponibilité suffisante pour appartenir à la réserve opérationnelle.
Le Sénat a enfin estimé que le soutien des entreprises à la mise en oeuvre du projet de loi constituait l'un des facteurs clés de la réforme des réserves. Il a jugé que cette adhésion ne pourrait évidemment procéder que d'une démarche volontaire et qu'un cadre légal trop contraignant aurait à cet égard un effet contre-productif.
Le Sénat n'a pas ainsi souhaité étendre le droit d'absence du réserviste au-delà des cinq jours dont il dispose aux termes du projet de loi. Nous avons fait le pari du développement d'une pratique conventionnelle entre les employeurs et les armées afin de bâtir sur le socle de garanties apportées par le législateur les dispositions qui permettent au réserviste de concilier au mieux son activité professionnelle et son engagement au service de la nation. Afin d'encourager une telle évolution, nous avons prévu que l'employeur signataire d'une convention avec l'autorité militaire pourrait se voir reconnaître par arrêté ministériel la qualité de « partenaire de la défense ».
J'en viens, mes chers collègues, à l'analyse des modifications apportées par les députés en première lecture.
Dans leur ensemble, ils ont approuvé les améliorations apportées par la Haute Assemblée au texte du Gouvernement.
Dès lors, ils ne sont revenus sur aucune des modifications adoptées par le Sénat, mais ils ont, au contraire, de manière ponctuelle, confirmé plusieurs des priorités que le Sénat avait souhaité marquer lors de l'examen du projet de loi le 20 mai dernier. Pour le reste, les amendements votés par les députés se bornent à donner un fondement législatif à une structure déjà existante, le Conseil supérieur d'études des réserves, ou à apporter des modifications de pure forme.
L'Assemblée nationale a tout d'abord confirmé des orientations mises en avant par le Sénat en première lecture.
Elle a ainsi souhaité prolonger l'effort de valorisation de la réserve citoyenne que nous avions voulu.
Le projet de loi prévoyait la possibilité d'un accès direct à la réserve opérationnelle. L'Assemblée nationale a élargi cette possibilité à la réserve citoyenne.
En fait, le Sénat avait déjà permis - je le rappelle - que l'admission au sein de la réserve citoyenne ne résulte pas seulement de l'impossibilité d'accéder à la réserve opérationnelle, mais qu'elle puisse faire l'objet d'un premier choix. Les députés ont ainsi rendu plus explicite encore cette faculté.
Les députés ont, par ailleurs, confirmé la protection des droits du réserviste.
Le projet de loi garantissait qu'à l'issue d'une période dans la réserve le salarié retrouverait son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente. L'Assemblée nationale a supprimé la mention de l'« emploi similaire », au motif que cette notion pouvait ouvrir la voie à des excès, voire à une sanction déguisée.
En outre, l'Assemblée nationale a étendu la protection reconnue au titre de l'accomplissement d'une activité dans la réserve opérationnelle aux personnes inscrites dans un établissement de formation et pas seulement, comme le prévoyait le projet de loi, aux salariés du secteur public ou privé. Le réserviste peut ainsi s'absenter de l'organisme au sein duquel il poursuit une formation sans qu'il subisse aucune mesure préjudiciable au déroulement normal de son cursus de formation.
En second lieu, l'Assemblée a donné une base législative à la création du Conseil supérieur d'études des réserves.
Le Conseil supérieur d'études des réserves a été créé par un arrêté du 24 avril 1999. Cette structure présente un double intérêt : d'une part, elle permet aux associations de réservistes les plus représentatives de participer à la réflexion sur les missions et l'organisation des réserves ; d'autre part, elle représente un instrument utile pour mieux faire connaître les réserves dans notre pays.
Les députés ont rebaptisé cet organisme « Conseil supérieur de la réserve militaire ».
Ils n'en ont pas modifié les missions, mais ils ont introduit deux innovations : d'une part, ils ont posé le principe d'un rapport annuel établi par le Conseil supérieur de la réserve militaire évaluant l'état de la réserve ; d'autre part, ils ont opportunément élargi la composition de cette structure à des parlementaires ainsi qu'à des représentants des organisations professionnelles représentatives des salariés et du patronat.
Enfin, plusieurs amendements adoptés par l'Assemblée nationale portent sur des points de terminologie.
Certaines de ces modifications paraissent opportunes ; d'autres suscitent davantage la perplexité.
Parmi les premières, il convient de citer la substitution de l'« engagement à servir dans la réserve » à l'« engagement de service » dans la réserve. La nouvelle formulation revêt en effet une plus grande force.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a préféré inverser l'ordre des mots dans l'expression du lien armées - nation afin de souligner la primauté de la nation.
Plus contestable, mais d'une portée également limitée, est l'amendement tendant à ajouter systématiquement à l'expression « tout Français » la mention « et toute Française ». Jusqu'à présent, la grammaire et le droit parlaient d'une même voix : l'expression « tout Français » visait naturellement tous les citoyens. De même, on reste perplexe devant l'amendement tendant à substituer à la condition fixée pour le réserviste « d'être Français » celle d'« être de nationalité française », motivé par la nécessité de « féminiser les réserves ».
En conclusion, les modifications apportées par l'Assemblée nationale n'ont pas toujours contribué à améliorer la rédaction du projet de loi. Mais faut-il le remettre en navette pour une querelle de mots, au risque de différer encore l'application d'un texte déjà trop longtemps attendu ? La commission ne l'a pas souhaité, d'autant que l'Assemblée nationale n'a pas altéré l'esprit général d'un texte qui établit un équilibre globalement satisfaisant entre, d'une part, volontariat et obligation dans la composition des réserves et, d'autre part, intérêt des réservistes et préoccupations des employeurs.
Les députés ont d'ailleurs salué les apports du Sénat et ne sont revenus sur aucune des modifications apportées par la Haute Assemblée.
L'essentiel désormais se jouera dans la mise en oeuvre effective de la loi. Il subsiste à cet égard des inquiétudes sur lesquelles je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention.
Le Sénat avait d'abord souligné la gageure que représentait la mise en oeuvre d'une réserve fondée principalement sur le volontariat au moment même où la « culture » militaire des nouvelles générations tendra à s'affaiblir sous l'effet de la disparition du service national.
C'est pourquoi nous souhaitons, en rupture avec l'inertie observée dans le passé, que soit mise en oeuvre une véritable politique de communication sur le rôle et l'organisation de la réserve militaire.
Le deuxième sujet de préoccupation porte sur l'attitude des entreprises vis-à-vis de la réserve ; 75% des réservistes sont aujourd'hui des salariés du secteur privé. Le nouveau système requerra des réservistes plus disponibles et supposera, en conséquence, un effort plus important de la part des employeurs. Il apparaît dès lors indispensable qu'une véritable stratégie soit conçue par le Gouvernement afin de relancer le processus de négociation de contrats armées - entreprises pour faciliter autant que possible l'engagement des réservistes.
Se pose la question de la souplesse de l'articulation entre la formation des réservistes et leur engagement opérationnel.
La dernière priorité s'attache naturellement à la mise en place des moyens financiers nécessaires à l'organisation d'une réserve qui réponde aux besoins de notre armée, à la défense de la nation mais aussi à la fidélisation des réservistes. La formation, l'entraînement, l'équipement d'une véritable réserve opérationnelle demanderont un effort soutenu. Or les dotations prévues par la loi de programmation 1997-2002 pourraient se révéler insuffisantes.
A cet égard, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de nous avoir communiqué le montant global des crédits dévolus aux réserves dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000. Pour notre part, nous resterons très vigilants sur l'adéquation entre cette dotation et la mise en place d'une réserve véritablement opérationnelle.
Au bénéfice de ces observations, la commission propose l'adoption du présent projet de loi sans modification. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aurais pu intervenir lors de la première lecture de ce projet de loi, mais je dois dire que, sur la notion de défense civile, ma réflexion s'est affinée au cours des mois derniers, dans le cadre de responsabilités que j'exerce par ailleurs.
L'apport que je fais ce soir au débat aurait pu aussi bien prendre place au sein du texte qui va venir en discussion après celui-ci, mais comme le projet dont nous débattons actuellement porte, selon son intitulé, sur l'« organisation de la réserve militaire et du service de défense », après tout, pourquoi ne pas parler de défense civile en cet instant ?
En effet, la défense de la nation concerne évidemment la défense à caractère militaire en même temps que la protection de nos populations contre des menaces qui deviennent de plus en plus insidieuses et sont donc difficiles à déterminer à l'avance quant à leur lieu d'application, leur nature, voire leur mode de déploiement.
C'est la raison pour laquelle, au moment de cette deuxième lecture, et sans vouloir aller à l'encontre des intentions de la commmission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, j'ai pensé qu'il n'était pas mauvais de poser la question de cette notion de défense civile, qui, à côté ou au-delà de la défense militaire mais jamais en concurrence avec elle, doit préparer la défense de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle je me suis permis de déposer trois amendements, que je suis d'ailleurs tout prêt à retirer ; en réalité, c'est pour prendre date sur le sujet que je fais cette démarche ce soir.
Tout un siècle, voire un millénaire, se profile devant nous, sous des aspects que nous ne soupçonnons pas encore.
Je rentre d'un voyage aux Etats-Unis, au cours duquel j'ai cherché à connaître la manière dont cette grande démocratie aborde cette interrogation. Si on ne peut dire qu'elle a une longueur d'avance, on ne peut nier qu'elle est à tout le moins beaucoup plus avancée que nous dans la réflexion.
Il est important, dans un débat commme celui-ci, de marquer que la défense n'est pas seulement militaire, que les réserves ne doivent pas être envisagées sous le seul aspect d'appui à nos forces armées, mais qu'elles doivent être également considérées dans d'autres domaines dont, je le répète, nous ne connaissons pas encore la nature.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

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