Séance du 2 novembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un ancien sénateur (p. 1 ).

3. Démission d'un sénateur (p. 2 ).

4. Commission mixte paritaire (p. 3 ).

5. Questions orales sans débat (p. 4 ).

DÉVELOPPEMENT ET SÉCURISATION
DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE (p. 5 )

Question de M. Pierre Laffitte. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Pierre Laffitte.

FONDS D'ALLÉGEMENT DES CHARGES

DES AGRICULTEURS (FAC) (p. 6 )Question de M. Gérard César. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Gérard César.

AGENTS CONTRACTUELS DE LA POSTE
EN ATTENTE DE TITULARISATION (p. 7 )

Question de M. Jean Huchon. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants ; Jean Huchon.

FINANCEMENT DES SECOURS EN MER (p. 8 )

Question de M. Christian Bonnet. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Christian Bonnet.

DISSOLUTION DE LA COMPAGNIE DÉPARTEMENTALE
D'INTERVENTION DE LA SEINE-SAINT-DENIS (p. 9 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Christian Demuynck.

RÉDUCTIONS D'EFFECTIFS PRÉVUES DANS LE BUDGET
DU MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT (p. 10 )

Question de M. Martial Taugourdeau. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Martial Taugourdeau.

SQUAT DE LA RUE D'AVRON (PARIS XXe) (p. 11 )Question de M. Michel Charzat. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Michel Charzat.

NÉGOCIATIONS DU CONTRAT DE PLAN
DANS LA MEUSE (p. 12 )

Question de M. Rémi Herment. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Rémi Herment.

LUTTE CONTRE LE TABAGISME DES JEUNES (p. 13 )

Question de M. Roland du Luart. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Roland du Luart.

STATUT DES PRATICIENS ADJOINTS CONTRACTUELS (p. 14 )

Question de Mme Gisèle Printz. - M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Mme Gisèle Printz.

Suspension et reprise de la séance (p. 15 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

6. Remplacement d'un sénateur démissionnaire (p. 16 ).

7. Hommage aux victimes d'un acte terroriste au Parlement d'Arménie (p. 17 ).

8. Conférence des présidents (p. 18 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 19 )

M. le président.

9. Réduction négociée du temps de travail. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 20 ).
Discussion générale : Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales.

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Jean Arthuis.

Suspension et reprise de la séance (p. 21 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Jean-Claude Carle, Hubert Durand-Chastel, Alain Gournac, Mme Nicole Borvo, MM. Raymond Soucaret, Henri Weber, Serge Franchis, Charles Revet, René Trégouët, Bernard Joly, Claude Domeizel, Jacques Machet.
Renvoi de la suite de la discussion.

10. Transmission d'un projet de loi (p. 22 ).

11. Dépôt d'une proposition de loi (p. 23 ).

12. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 24 ).

13. Dépôt d'un rapport d'information (p. 25 ).

14. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 27 octobre 1999 (p. 26 ).

15. Ordre du jour (p. 27 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

présidence de M. Jacques valade
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ? ...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

décès d'un ancien sénateur

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean Desmarets, qui fut sénateur du Nord de 1974 à 1983.

3

démission d'un sénateur

M. le président. M. le président a reçu une lettre par laquelle M. Franck Sérusclat déclare se démettre de son mandat de sénateur du Rhône le 1er novembre 1999.
Acte est donné de cette démission.

4

commission mixte paritaire

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.
« e vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

« Signé : Lionel Jospin. »

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

5

questions orales sans débat

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

DÉVELOPPEMENT ET SÉCURISATION
DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

M. le président. La parole est à M. Laffitte, auteur de la question n° 588, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question a pour objet d'attirer l'attention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - mais cela concerne l'ensemble du Gouvernement - sur la libéralisation de la cryptologie, qui facilite le développement du commerce électronique.
Le projet de loi relatif à la signature électronique présenté par Mme Guigou est fondamental et urgent. Or il n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour prioritaire du Sénat. Cette incertitude concernant les priorités affichées par le Gouvernement en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication est préoccupante.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir des précisions quant à la date à laquelle nous pourrons débattre de ce projet de loi, auquel le Sénat a l'intention d'adjoindre, sous la forme d'un amendement, une proposition de loi qui a été déposée par mes collègues René Trégouët et Guy Cabanel et par moi-même.
Ce texte tend à préciser qu'il appartient à l'administration de développer la messagerie électronique. Ainsi, tous les appels d'offres de l'Etat, des services publics et des collectivités locales devraient être lancés par voie de messagerie électronique.
Il vise également à mettre en place un corpus de logiciels libres, afin de favoriser la démocratisation des relations entre l'administration et la population. Ces logiciels libres sont, en effet, à la fois plus sûrs, moins chers et d'une dynamique qui permettra de développer, en France et en Europe, une véritable industrie du logiciel libre.
Un forum de discussion a été ouvert au Sénat sur ce point et il connaît un succès extraordinaire auprès des internautes : il a déjà donné lieu à près de huit cents réponses.
La communication est effectivement importante sur le plan non seulement français, mais également mondial. Nous saluons cette initiative, qui permet, notamment, d'éviter le monopole de fait de certaines grandes sociétés.
Le Gouvernement est-il prêt à soutenir cette proposition de loi et à inscrire rapidement à l'ordre du jour du Sénat le projet de loi de Mme Guigou ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, Christian Pierret aurait souhaité vous répondre lui-même ; mais il est retenu en province sur un site industriel. Cette question intéresse toutefois l'ensemble de la société et tous les membres du Gouvernement.
Vous connaissez bien ce sujet, sur lequel vous oeuvrez depuis longtemps et sur lequel vous avez incité le Sénat à beaucoup travailler, et ce à juste titre. Il s'agit, en effet, d'une question fondamentale, puisque la société de l'information annonce l'avènement d'une nouvelle civilisation.
Vous avez voulu attirer l'attention sur un certain nombre de points liés au développement et à la sécurisation du commerce électronique.
Tout d'abord, le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique lève des obstacles juridiques importants au développement des échanges dématérialisés : il reconnaît explicitement la valeur probante du document numérique et la signature électronique. Le Gouvernement présentera très prochainement ce texte au Parlement.
Par ailleurs, une réforme du code des marchés publics est en cours. Cette réforme prendra notamment en compte la nécessité de permettre la publication et la gestion par voie électronique des appels d'offres de l'Etat, des services publics et des collectivités locales.
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est conscient du rôle que jouent les logiciels libres dans le développement d'Internet et du commerce électronique. Nous suivons avec attention les opportunités croissantes d'utilisation de ces outils par les acteurs tant publics que privés.
Enfin, vous évoquez la question importante de l'évolution de la réglementation de la cryptologie. Sur un réseau ouvert comme Internet, la confidentialité des échanges est effectivement un enjeu essentiel. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à utiliser des réseaux privés virtuels pour améliorer leur efficacité et leur compétitivité ; cette utilisation doit se faire dans des conditions optimales de sécurité.
Par ailleurs, il est indispensable de sécuriser les moyens de paiement sur Internet pour conforter la confiance de l'ensemble des acteurs, notamment les consommateurs, dans le commerce électronique. Les citoyens et les entreprises ont donc besoin de pouvoir utiliser facilement des outils de cryptologie.
Le Gouvernement a décidé, lors du comité interministériel pour la société de l'information du 19 janvier 1999, de mettre en oeuvre la liberté totale dans l'utilisation de la cryptologie en France. D'ores et déjà, en mars 1999, le seuil de la cryptologie dont l'utilisation est libre a été relevé, par décret, de 40 bits à 128 bits, niveau considéré par les experts comme assurant durablement une très grande sécurité.
Une seconde étape, d'ordre législatif, étendra cette liberté d'utilisation, en supprimant toute limitation tenant à la taille des clés employées, ainsi que les contraintes qui pèsent actuellement sur la gestion de ces clés par un « tiers de séquestre ». Les citoyens et les entreprises auront ainsi librement accès aux moyens de cryptologie disponibles sur le marché et pourront choisir la manière dont ils utilisent ces moyens.
Cette seconde étape sera réalisée avec la loi sur la société de l'information que le Premier ministre a demandé de préparer et qui sera présentée au Parlement l'an prochain. Ce texte constituera un grand rendez-vous entre le Gouvernement et le Parlement pour adapter l'ensemble de notre cadre législatif au développement de la société de l'information. Cette loi visera à la fois à clarifier la responsabilité des acteurs d'Internet, à assurer une plus large diffusion des infrastructures d'accès à Internet et à permettre la sécurité et la loyauté des transactions en ligne.
Un document d'orientation a été rendu public le 5 octobre 1999. Il est soumis à consultation publique, notamment au travers d'un forum de discussion ouvert sur le site Internet du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette procédure permettra à chacun de commenter et d'enrichir les propositions formulées par le Gouvernement.
Telles sont les quelques indications que je peux vous fournir en réponse à votre question, monsieur le sénateur.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse détaillée en ce qui concerne les propositions du Gouvernement, à la réserve près qu'aucune date précise n'a été donnée quant à l'inscription à l'ordre du jour du Sénat du projet de loi relatif à la signature électronique, ce que je regrette.
Vous savez comme moi, monsieur le secrétaire d'Etat, que les temps de réaction dans le domaine de l'informatique sont très importants compte tenu de la rapidité nécessaire en matière de prise de décision sur le marché mondial.
Nos développeurs, nombreux et compétents, seront sans doute très satisfaits des propos que vous venez de tenir en ce qui concerne, notamment, l'usage de la cryptologie, mais ils le seront plus encore, me semble-t-il, si les dispositions annoncées sont mises en oeuvre le plus rapidement possible.
Des études sont en cours au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie comme au ministère de l'équipement, des transports et du logement, pour déterminer les conséquences pratiques d'une utilisation d'Internet et de la messagerie électronique en matière de marchés publics. On sait d'ores et déjà que, au ministère de l'équipement, des transports et du logement, et pour les seules dépenses de l'Etat, il s'agit de plusieurs milliards de francs d'économies. Les économies devraient être aussi importantes pour l'industrie. Il faut aussi compter avec la rapidité croissante qu'une modification du code des marchés publics pourrait introduire. Au surplus, si l'on ajoute tous les contrats passés par les collectivités locales, le chiffre des économies possibles peut facilement être doublé.
Au total, si l'on additionne les différents départements ministériels, y compris le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, monsieur le secrétaire d'Etat, nous pouvons nous attendre à des économies potentielles d'une dizaine de milliards de francs. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, autant mettre en oeuvre ces mesures le plus tôt possible !

FONDS D'ALLÉGEMENT DES CHARGES
DES AGRICULTEURS (FAC)

M. le président. La parole est à M. César, auteur de la question n° 611, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Gérard César. Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis 1990, la gestion des dépôts des notaires ruraux par le Crédit agricole fait l'objet d'une contrepartie agricole sous la forme d'un fonds d'allégement des charges financières des agriculteurs, le FAC. Les produits financiers que cette banque tire de la gestion des dépôts vont alimenter ce fonds. Lorsque le FAC est géré par les autres banques qui participent à la distribution des prêts bonifiés agricoles, il est financé par une dotation du budget du ministère de l'agriculture.
C'est ainsi que, de 1990 à 1999, ce dispositif a permis de consacrer près de 4 milliards de francs à l'allégement de la situation financière des agriculteurs en difficulté. Près de 500 000 de ces agriculteurs ont pu en bénéficier.
Son efficacité tient sans doute à sa grande souplesse d'adaptation. Chaque année, les priorités du FAC sont décidées en fonction des difficultés des différentes productions agricoles et des conséquences de la réforme de la PAC. L'agriculture étant par nature un secteur où les à-coups sont fréquents, voire brutaux, cette action sur la dette bancaire des agriculteurs se révèle bien adaptée aux difficultés conjoncturelles.
Son efficacité tient aussi à son mode de gestion décentralisé, qui prend en compte la diversité des situations locales. En effet, à partir des priorités arrêtées au plan national avec le ministère de l'agriculture, les interventions du FAC sont mises en oeuvre au plan local par les banques, en concertation avec l'Etat et les organisations professionnelles agricoles. Elles privilègient le traitement au cas par cas des difficultés financières des agriculteurs, souvent des jeunes installés, que seules, par définition, les banques connaissent.
Or la question du devenir du FAC s'est posée à la suite de la décision du Gouvernement de confier l'intégralité de la collecte et de la gestion des dépôts des notaires ruraux à la Caisse des dépôts et consignations. Les notaires ont jusqu'au 1er avril 2000 pour se conformer à cette volonté.
Le Premier ministre s'est engagé, lors de la table ronde avec les organisations professionnelles agricoles du 21 octobre dernier, à pérenniser le FAC et à le doter de 200 millions de francs par an. Nous approuvons cette décision, qui correspond à la demande et à l'attente du monde agricole.
Il a par ailleurs précisé que les aides seraient accordées par le canal des établissements de crédit sous forme de prise en charge d'intérêts et attribuées localement par les préfets dans le cadre des commissions départementales d'orientation agricole les CDOAC.
Afin d'éviter l'évasion de ce fonds vers d'autres secteurs représentés au sein des CDOA, il me paraît indispensable de demander au préfet d'examiner les dossiers en section « agriculture en difficulté » ou « structures et économie des exploitations », où ne siègent que les représentants des administrations et des producteurs. Je souhaiterais connaître le sentiment de M. le secrétaire d'Etat au budget sur ce point.
Concernant les modalités de reconduction du FAC, ne pense-t-il pas qu'à la place d'une enveloppe budgétaire, qui implique des négociations chaque année, un fonds autonome pluriannuel serait préférable et devrait être maintenu ?
Enfin, compte tenu de la personnalité de la Caisse des dépôts et consignations, plus habituée à gérer des fonds dans le cadre de la politique de la ville, il me paraît important de continuer à associer la profession agricole à la gestion du FAC et de confier sa mise en oeuvre aux banques impliquées dans le financement de l'agriculture - je pense particulièrement au Crédit agricole, qui représente environ 85 %, après appel d'offres, de la répartition des près bonifiés - car ce sont ces banques qui connaissent le mieux l'endettement agricole.
Je vous remercie d'avance des réponses que vous apporterez à mes interrogations et des précisions que vous me donnerez sur le sujet, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, Christian Sautter, qui devait vous répondre, est retenu ce matin par l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale. Il m'a prié de vous apporter les quelques éléments de réponse suivants.
Vous attirez l'attention du ministre de l'économie et des finances sur l'avenir du fonds d'allégement des charges des agriculteurs au moment où le dépôt des notaires ruraux, dont la rente contribuait au financement de ce dispositif, est transféré à la Caisse des dépôts et consignations.
Le fonds d'allégement des charges des agriculteurs a été institué en 1990 par convention entre les pouvoirs publics et le Crédit agricole. Il a été prorogé à deux reprises, en 1992 et en 1996. Le FAC était financé par l'affectation par le Crédit agricole des produits financiers tirés de son privilège de collecte des notaires ruraux. Le fonds permet au Crédit agricole d'octroyer aux agriculteurs en difficulté des aides sous différentes formes : abandon de créances, prise en charge d'intérêts, consolidation de prêts. Un FAC destiné aux autres banques du monde agricole a par ailleurs été créé sur crédits budgétaires.
Dans un souci de concurrence interbancaire, le dépôt des notaires ruraux sera transféré à la Caisse des dépôts et consignations à partir d'avril 2000, et les produits financiers contribueront désormais directement au budget de l'Etat.
Le Premier ministre a cependant annoncé, lors de la conférence agricole du 21 octobre dernier, que le fonds d'allégement des charges financières des agriculteurs serait pérennisé. Le montant de l'enveloppe, dorénavant budgétaire - ce qui ne vous donne pas satisfaction car vous auriez souhaité qu'elle fasse l'objet d'un statut particulier - a été fixé à 200 millions de francs par an, correspondant à l'évaluation des besoins du monde agricole. Pour les agriculteurs, la continuité du dispositif d'allégement des charges est donc assurée, mais il est vrai moyennant une enveloppe budgétaire.
Les aides du FAC seront accordées, selon des mécanismes à définir, en priorité aux exploitations qui sont fragilisées par les évolutions conjoncturelles ou qui rencontrent des difficultés d'adaptation qu'il convient d'accompagner. J'ai bien noté les propositions que vous avez formulées en ce sens. Sur la base d'une évaluation des modalités actuelles de fonctionnement, une circulaire devra prochainement définir le fonctionnement futur du FAC et déterminer les bénéficiaires prioritaires, les interventions à mettre en oeuvre lors des crises agricoles et les modalités d'attribution de l'aide.
Sachez, monsieur le sénateur, que je soumettrai vos observations à M. le secrétaire d'Etat au budget, qui les appréciera en fonction de l'évaluation dont il disposera au moment de rédiger la circulaire d'application.
M. Gérard César. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ces précisions.
Effectivement, nous souhaitions que ce fonds soit pluriannuel afin d'éviter le retour, chaque année, de discussions et de négociations parfois difficiles.
Mais peut-être, au terme d'une année que nous souhaitons transitoire, pourrons-nous, en 2001, améliorer ce fonds !

AGENTS CONTRACTUELS DE LA POSTE
EN ATTENTE DE TITULARISATION

M. le président. La parole est à M. Huchon, auteur de la question n° 602, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
M. Jean Huchon. Plusieurs correspondants de mon département ont attiré mon attention sur la situation de certains agents contractuels de La Poste en attente de titularisation avec mobilité obligatoire en Ile-de-France.
Aussi, je me permets d'être leur porte-parole auprès de vous afin d'obtenir une solution à leur problème.
En 1985, deux circulaires nationales relatives à la titularisation des auxiliaires de droit public mettaient en oeuvre un plan prévoyant une nomination sur place, dans le département ou la région, selon les situations. Une des conditions à cette titularisation était l'occupation d'un poste à temps complet.
Un arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 1993 a annulé l'article 13 de la circulaire du 2 août 1985, supprimant ainsi la condition d'occupation du poste à temps complet. En 1997, de nouvelles procédures de mise en oeuvre furent élaborées au niveau national pour tenir compte de cet arrêt et une phase de titularisation consécutive à ces dispositions s'est déroulée en 1997 et 1998.
Il semble que, à ce jour, près de huit cents personnes soient encore en attente de titularisation. La Poste compte-t-elle procéder à une vague complémentaire de titularisation de ces personnes en qualité de fonctionnaires, afin de se conformer à l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat et en évitant la mobilité en région d'Ile-de-France ?
Sachant M. le ministre de la fonction publique attentif à la situation du personnel de La Poste, j'espère que ma question obtiendra auprès de lui un écho favorable. En effet, ces auxiliaires qui travaillent à La Poste depuis très longtemps et, en tout cas, qui ont commencé avant 1985, ont rendu de nombreux services à l'institution sans aucune perspective de carrière et en subissant un préjudice tant moral que financier.
Aujourd'hui, on leur demande une mobilité à Paris, mobilité qui paraît impossible compte tenu du fait qu'ils sont arrivés à un âge où leur présence est indispensable auprès de leur famille, notamment de leurs enfants, et qu'ils ont pour la plupart acquis ou fait construire un logement.
Je crois que La Poste s'honorerait en titularisant sur place ces personnes, comme elle l'a fait à Nantes, en 1993, sous la contrainte il est vrai, du juge administratif devant lequel Mme Corbard et ses collègues avaient engagé un recours.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, M. Christian Pierret, retenu en province, m'a chargé de vous communiquer ces éléments de réponse, qui vous donneront partiellement, je l'imagine, satisfaction.
Vous avez évoqué le décret du 30 octobre 1985 qui a fixé les conditions exceptionnelles d'intégration des personnels non titulaires au ministère des PTT dans des corps de fonctionnaires de catégorie D.
Vous avez cité également l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 1993 qui a ouvert des droits à titularisation à certains auxiliaires de droit public occupant des emplois permanents alors même qu'ils exerçaient leur fonction à temps incomplet. A ce titre, les situations des personnels qui, en 1985, avaient été exclus du bénéfice de la titularisation ont été réexaminées afin qu'ils soient rétablis dans leur droits. Mais, afin de préserver aussi les droits légitimes des fonctionnaires des corps d'accueil, les agents titularisés ne bénéficient dès lors d'aucun « privilège » en matière d'affectation, quels que soient les mérites de ces agents et les services qu'ils ont rendus dans les places qu'ils occupaient localement.
S'agissant de La Poste, de nombreux agents attendent, et parfois depuis longtemps, leur mutation dans leur région d'origine, il était nécessaire de préserver leurs droits. La Poste a donc décidé de proposer aux agents concernés un poste parmi ceux qui, vacants, étaient offerts au recrutement, principalement en Ile-de-France. Une première vague de titularisations a eu lieu en 1998 et 1999.
Consciente des difficultés que peut créer l'éloignement du conjoint - question en effet très importante - La Poste a négocié avec ses partenaires sociaux un dispositif d'amélioration des possibilités de rapprochement d'époux.
Ce dispositif a naturellement vocation à profiter aux personnels titularisés. Dans le cas que vous évoquez et qui reste à traiter, 707 agents qui remplissent toutes les conditions de titularisation requises n'avaient pas déposé de requête dans les six mois suivant la parution du décret de 1985. La Poste a décidé, à titre exceptionnel, de les considérer comme entrant dans le champ d'application de la titularisation au titre de l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 1993.
Ces agents, dont les dossiers étaient jusqu'à présent en attente, feront l'objet très prochainement d'une information individuelle et se verront proposer un appel à l'activité à partir du deuxième semestre 1999 - nous y sommes - et jusqu'à la fin 2000 et au début 2001 en Ile-de-France, selon les mêmes conditions que celles qui ont été mises en oeuvre lors du processus d'appel à l'activité des agents de la première vague.
M. Jean Huchon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Cependant, elle ne donnera pas satisfaction aux personnes que j'ai rencontrées et qui sont très attentives à l'évolution de la situation. Je crains que leur sens du devoir, de la famille, leurs charges sur place, ne les empêchent de prendre la décision nécessaire, surtout si La Poste ne fixe pas de délai. Si on précisait à ces personnes que la décision interviendra dans quatre mois, six mois ou un an, il serait certainement possible de faire quelque chose. Mais comme il n'y aura sans doute pas de délai, la situation actuelle risque de se prolonger. C'est pourquoi, selon moi, le dispositif prévu ne donnera pas satisfaction aux personnes concernées.

FINANCEMENT DES SECOURS EN MER

M. le président. La parole est à M. Bonnet, auteur de la question n° 606, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christian Bonnet. Le samedi 2 janvier 1999, sept étudiants, à la suite d'une imprudence extravagante, ont mobilisé, pour les secourir sur un rocher voisin du Mont-Saint-Michel, quarante hommes, deux hélicoptères, un canot de la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, et l'un des participants a seulement indiqué : « Nous avions l'impression de participer à une superproduction. »
Cet été, deux jeunes inconscients - et, en l'occurrence, singulièrement coupables, nous allons le voir - louent un bateau sur la presqu'île de Quiberon, avec lequel ils font une sortie en mer. Ils ne sont pas rentrés le soir. On met alors immédiatement en alerte deux vedettes de la SNSM, une vedette de la gendarmerie, un hélicoptère de la protection civile et une vedette des affaires maritimes, qui patrouillent toute la nuit. Or les gendarmes de Belle-Ile découvrent le lendemain ces jeunes, qui étaient tout simplement restés coucher à Belle-Ile sans prévenir qui que ce soit alors qu'ils devaient rentrer la veille au soir.
Je connais et respecte bien évidemment les lois internationales concernant les secours en mer, qu'elles soient écrites ou non écrites, et tout autant la loi française de 1967, qui pose le principe de la gratuité de tels secours. Mais je connais aussi la loi « montagne » de 1985. Certes, celle-ci est limitée au ski alpin et au ski de fond, mais notre collègue M. Amoudry vient de déposer une proposition de loi tendant à étendre ce texte pour permettre aux communes de bénéficier au moins d'une contribution de la part de ceux qui, à la suite d'imprudences ou de négligences caractérisées, ont amené des secouristes à venir à leur secours, parfois au péril de leur vie.
Dans des cas semblables à celui de l'été dernier que je viens de citer - il n'est pas le seul et a représenté une somme supérieure à 300 000 francs - qui exigent la mise en oeuvre de moyens considérables pour aller rechercher en mer des personnes dont c'est peu de dire qu'elles ont fait preuve d'inconscience, il me paraît indispensable de frapper ces personnes au moins au portefeuille, comme on dit vulgairement. C'est la raison pour laquelle j'ai posé cette question.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Chevènement, qui est retenu par le conseil de sécurité intérieure.
M. Christian Bonnet. Je vous en prie.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Il aurait aimé, j'en suis persuadé, répondre à cette question que vous connaissez fort bien car elle se pose fréquemment dans votre région. Elle correspond à des situations que l'opinion publique suit souvent avec beaucoup d'attention.
Je rappellerai l'état du droit et de la législation.
Comme vous venez de l'indiquer, il en va différemment pour les secours en mer - qui sont gratuits - et pour les secours en montagne.
La décision de mise en oeuvre des moyens de secours relève des autorités locales : maire, préfet ou, éventuellement, préfet maritime, et une telle responsabilité doit être appréciée in situ. La mise en oeuvre de ces moyens intervient conformément aux instructions du Premier ministre - la dernière en date est une circulaire du 30 juillet 1998 relative à la coordination dans la zone côtière des moyens de sécurité, de recherche et de sauvetage des personnes en détresse en mer.
A l'échelon national, l'article 17 de la loi du 7 juillet 1967, que vous connaissez bien, établit la gratuité des secours aux personnes en mer et dans les eaux intérieures. Ce principe a été confirmé dans une instruction du Premier ministre en date du 29 mai 1990.
Comme vous l'avez vous-même indiqué, la gratuité des secours aux personnes en mer constitue un principe mondialement reconnu, appliqué par l'ensemble des Etats, et qui n'a jamais fait l'objet d'une remise en question auprès de l'Organisation maritime internationale.
Sur le fond, il n'en reste pas moins que la responsabilité des usagers dans la pratique des loisirs tant en mer qu'en montagne peut donner lieu à un vrai débat.
Dans le cas de la montagne, il faut rappeler que c'est la loi du 9 janvier 1985, dite « loi montagne », qui a créé pour les communes la possibilité - mais non l'obligation - d'organiser le remboursement des opérations de secours, et ce uniquement dans le cadre de deux activités sportives identifiées : le ski alpin et le ski de fond.
Il convient de rappeler ici que tout le dispositif pénal existant permet aux victimes ou à leurs ayants droit, ainsi qu'aux autorités publiques concernées, d'engager des actions de recherche en responsabilité pénale contre les personnes qui auraient un comportement manifestement et volontairement imprudent « pouvant exposer autrui à un risque de mort et de blessures », aux termes de l'article 223-1 du code pénal.
Tels sont, monsieur le sénateur, les quelques éléments de réponse qu'aurait souhaité vous apporter lui-même M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Je remercie M. Masseret de la réponse qu'il m'a faite, réponse à laquelle, pour dire le vrai, je m'attendais.
Mais, le hasard faisant bien les choses, M. le ministre de l'équipement est présent au banc du Gouvernement. Aussi me permettrai-je de lui poser une question.
Ne serait-il pas envisageable, monsieur le ministre, de faire bénéficier la Société nationale de sauvetage en mer des amendes qui pourraient être infligées aux personnes qui font preuve d'une inconscience totale et qui mettent en péril la vie de certains sauveteurs ?
Ce serait d'autant plus justifié que, monsieur le ministre, à ma stupeur, j'ai vu, moi qui suis ces affaires - mais sans doute cela vous a-t-il échappé, dans la masse des affaires dont vous êtes responsable - que la subvention d'équipement à la Société nationale de sauvetage en mer, qui s'élevait à 9,7 millions de francs dans les budgets de 1997, de 1998 et de 1999, vient d'être réduite de 1 million de francs et fixée à 8,7 millions de francs. Je suis persuadé qu'il m'aura suffi d'appeler votre attention sur ce point pour que correction intervienne !

DISSOLUTION DE LA COMPAGNIE DÉPARTEMENTALE
D'INTERVENTION DE LA SEINE-SAINT-DENIS

M. le président. La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 616, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christian Demuynck. Ma question s'adresse en effet à M. le ministre de l'intérieur et porte sur son inquiétante décision de supprimer la compagnie départementale d'intervention de la Seine-Saint-Denis, décision qui me paraît à la fois inique et dangereuse.
Dans ce département, la délinquance ne cesse, hélas ! de progresser, la délinquance des mineurs explose et l'insécurité dans les écoles, les collèges et les lycées ne régresse pas. Progressivement, la Seine-Saint-Denis devient une sorte de zone de non-droit, d'extraterritorialité, où la loi n'est plus respectée, voire où elle est bafouée.
Le colloque de Villepinte en 1997 m'avait particulièrement intéressé. Le conseil de sécurité intérieure du 19 avril dernier était de la même veine. Nous pensions, en Seine-Saint-Denis, que nous avions été entendus et que les promesses qui avaient été faites allaient être tenues.
Nous devions bénéficier d'effectifs supplémentaires. Malheureusement, nous avons vu arriver des adjoints de sécurité non formés, et les fonctionnaires de police titulaires qui sont chargés de les former ne peuvent, pendant ce temps-là, courir après les délinquants.
Par ailleurs, la compagnie départementale d'intervention, dont les effectifs devaient augmenter a été purement et simplement dissoute. Or cette compagnie fonctionnait bien. Composée de 108 fonctionnaires, elle permettait de pénétrer dans les zones de non-droit qui existent hélas ! dans ce département.
Bref, personne n'a compris.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous pose deux questions très simples.
D'abord, que comptez-vous faire des fonctionnaires de police qui étaient affectés antérieurement à la compagnie départementale d'intervention ? Aujourd'hui, ils sont blessés, car leurs postes ont été purement et simplement supprimés, ce qu'ils ne comprennent pas. Ils ne savent pas où ils seront affectés. Prenez garde à ne pas les mépriser !
Ensuite, quel est véritablement votre future politique en matière de sécurité dans le département de la Seine-Saint-Denis ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, j'espère que ma réponse vous sécurisera, vous rassurera.
D'abord, je ne peux, au nom du Gouvernement, laisser dire que la Seine-Saint-Denis serait un département de non-droit. C'est un jugement excessif et une vision exagérée. Il est vrai que les problèmes d'insécurité constituent une préoccupation pour tout citoyen dans notre pays, pour tout responsable politique, pour tout élu, pour tout membre du Gouvernement. C'est une question qui engage l'ensemble de la société. Le premier bien, c'est en effet la sécurité et la sûreté, à partir desquelles on peut développer des projets économiques, culturels, sociaux et sportifs.
Sachez que le Gouvernement ne méprise personne, et surtout pas les fonctionnaires dont vous avez évoqué la situation.
Quant au futur de la politique de sécurité, je vais vous apporter les éléments de réponse que M. Jean-Pierre Chevènement souhaitait vous donner ce matin.
Pour « assurer l'égalité de tous dans le droit à la sécurité », le Gouvernement a décidé de recourir à une nouvelle forme d'emploi des forces mobiles de la police et de la gendarmerie nationale, en vue d'assurer le développement de la police de proximité et de dégager les moyens nécessaires à sa mise en place dans les départements où la délinquance et les violences urbaines sont les plus préoccupantes.
Afin de répondre à cette demande de sécurité, dans la vie quotidienne, le Gouvernement met en oeuvre un ensemble de mesures prises au sein du conseil de sécurité intérieure.
Lors de sa séance du 19 avril 1999, ce dernier a décidé d'employer des unités des forces mobiles - les compagnies républicaines de sécurité et les escadrons de gendarmes mobiles - d'une manière permanente et fidélisée sur les secteurs les plus sensibles au regard de la sécurité comme la Seine-Saint-Denis.
Ce plan concerne 1 500 fonctionnaires des compagnies républicaines de sécurité et 1 500 gendarmes mobiles. L'effort, déjà engagé depuis le 1er octobre 1999, sera étalé sur trois ans, pour s'achever en 2001. Au total, la fidélisation s'applique aux vingt-six départements les plus sensibles.
Dans ce cadre, la Seine-Saint-Denis bénéficiera, en l'an 2000, de deux détachements de CRS fidélisés.
Ces moyens seront à la disposition des autorités territoriales compétentes pour les missions de sécurité publique, notamment de patrouille et de surveillance, de service d'ordre, de prévention des troubles à l'ordre public ou de lutte contre les violences urbaines.
Ce recours aux forces mobiles permettra, dans les départements concernés, une meilleure adaptation des missions et des redéploiements internes des personnels des services territoriaux de sécurité publique à des fins de police de proximité. Sur ce point, vous avez un élément de réponse.
Ainsi, à une police chargée principalement du maintien de l'ordre public doit se substituer une police qui, sans négliger ses missions traditionnelles, ait comme objectif premier la sécurité des citoyens au quotidien et soit capable d'apporter des réponses adaptées à la petite et moyenne délinquance de masse, comme aux incivilités.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, la réponse que vous venez de me faire nécessiterait évidemment un débat beaucoup plus long.
Chaque fois que j'interviens sur les problèmes de sécurité, on me rétorque qu'il s'agit d'un fantasme sécuritaire ; c'est en gros ce que vous venez de me dire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque, selon vous, la Seine-Saint-Denis ne comporte pas de zones de non-droit, je suggère que M. le ministre de l'intérieur vienne dans notre département, non pas entouré du préfet, du sous-préfet et des forces de police, mais en simple particulier. Nous l'emmènerons alors dans un certain nombre de secteurs afin qu'il puisse constater l'existence de zones de non-droit. En effet, ces dernières sont non pas un fantasme mais une réalité en Seine-Saint-Denis : il y a, dans ce département, des secteurs où la police ne peut pas pénétrer. M. Jean-Claude Gayssot, qui est présent dans cet hémicycle, connaît d'ailleurs bien ces difficultés.
Les seules personnes qui pouvaient aller dans ces zones appartenaient soit à la compagnie départementale d'intervention, soit aux compagnies républicaines de sécurité. Pourquoi supprimer une compagnie dont les effectifs, qui sont issus des commissariats du département de Seine-Saint-Denis, connaissent bien le secteur et font donc, par définition, plutôt partie d'une police de proximité, comme vous le dites, et faire venir des CRS ou des gendarmes qui ne connaissent pas le secteur ? Je regrette profondément cette décision.
Vous venez d'annoncer, monsieur le secrétaire d'Etat, la venue de deux compagnies de CRS dans le département. Nous verrons comment cela se passera. Je regrette néanmoins, je le répète, la dissolution, sous des prétextes que je n'arrive pas à comprendre, de la compagnie départementale d'intervention, qui était particulièrementqualifiée.

RÉDUCTIONS D'EFFECTIFS PRÉVUES DANS LE BUDGET
DU MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT

M. le président. La parole est à M. Taugourdeau, auteur de la question n° 601, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Martial Taugourdeau. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, concerne les nouvelles réductions d'effectifs prévues dans le budget du ministère de l'équipement pour l'an 2000.
Si je me rapporte au fascicule budgétaire, le « bleu », ce sont 385 emplois qui disparaîtront encore cette année. Venant après 1 000 suppressions d'emploi en 1998 et 490 suppressions d'emploi en 1999, cette nouvelle baisse des effectifs aura, monsieur le ministre, des conséquences lourdes sur le fonctionnement du service poublic.
Je crains en particulier une nouvelle dégradation du service rendu par les directions départementales de l'équipement aux collectivités locales, notamment pour les communes mais aussi pour les conseils généraux, là où la partition n'est pas encore intervenue.
Ainsi, par exemple, dans le département d'Eure-et-Loir, de 1992 à 1999, c'est-à-dire en seulement sept ans, les effectifs affectés aux tâches départementales sont passés de 151 à 121 selon un rapport de la direction départementale de l'équipement.
Dans le même temps, les charges de fonctionnement correspondantes n'ont évidemment pas diminué, le coût par agent passant de 14 400 francs à 20 400 francs. Je constate donc qu'au total - et sans doute allez-vous sourire de ma candeur, monsieur le ministre - ce sont une fois encore les conseils généraux qui assument les frais du désengagement de l'Etat.
Une confirmation de votre part de ces baisses d'effectifs serait une incitation pour les départements qui, comme l'Eure-et-Loir, n'ont pas encore réalisé totalement la partition, à réaliser ou à généraliser rapidement cette dernière pour maintenir sur notre réseau la continuité et la qualité du service public.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, les services déconcentrés de mon ministère, notamment les directions départementales de l'équipement, jouent un rôle essentiel à la fois pour porter les politiques de l'Etat et pour appuyer l'action des collectivités locales qui leur font appel.
La modernisation du ministère à laquelle une impulsion nouvelle a été donnée ainsi que les efforts déployés par les personnels contribuent à assurer un service public dont la qualité est reconnue par tous.
Mais on ne peut cacher les difficultés créées par la politique systématique de réduction des effectifs menée depuis quinze ans au rythme d'environ 1 000 emplois par an. C'est, monsieur le sénateur, comme vous l'avez fort justement souligné, la situation que j'ai trouvée lors de ma prise de fonctions au ministère de l'équipement, en juin 1997.
Depuis, je me suis attaché à enrayer ce mécanisme auquel le gouvernement de M. Balladur et mon prédécesseur avaient souscrit pour 1998 et les années suivantes. C'est même un contrat qui avait été passé. J'ai pu obtenir que mes services soient traités de façon plus équitable. Ainsi, en 1999, la réduction d'emplois a été limitée à 490 et le projet de loi de finances pour 2000 prévoit de ramener ce chiffre à 385.
Pour les agents d'exploitation, catégorie qui avait été la plus touchée, la réduction du nombre d'emplois a été divisée par quatre en deux ans. Mais nous sommes toujours dans une logique de réduction, je vous le concède bien volontiers. C'est pourquoi, si ces données ne me paraissent pas totalement satisfaisantes, elles marquent en tout cas une rupture indiscutable avec les politiques antérieures.
Soyez donc assuré de ma volonté de maintenir et de développer un service de l'équipement présent sur l'ensemble du territoire et attentif aux attentes et aux besoins tant des usagers que des collectivités locales.
Enfin, permettez-moi de m'adresser à travers vous à la majorité sénatoriale. Je souhaiterais, en effet, que vous demandiez à vos collègues de ne pas déposer cette année, comme elle l'a fait l'an dernier, son désormais traditionnel amendement de réduction de 1 % des dépenses de personnel de mon ministère.
Si cet amendement que vous avez voté vous-même l'an dernier - cela figure au Journal officiel - avait été adopté, il aurait conduit à supprimer 1 600 emplois dans l'équipement. J'espère donc pouvoir compter sur vous pour que l'Assembée nationale ne soit pas contrainte, cette année encore, de revoir la copie du Sénat sur cet aspect puisque de nombreux élus de la majorité et de l'opposition sont hostiles, comme vous, à la réduction des effectifs de l'équipement.
Voilà qui m'amène à répondre à M. Bonnet. J'espère qu'il me pardonnera ce détour.
M. Bonnet a évoqué, dans le même esprit, les subventions de fonctionnement.
M. Christian Bonnet. D'équipement !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous rappelle que la majorité sénatoriale a systématiquement voté la réduction des budgets de fonctionnement. Certes, les efforts proposés concernent l'équipement - je pense au Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage, le CROSS, et à la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM - c'est-à-dire l'achat des matériels. Mais il y a le problème que vous soulevez.
Et j'évoquerai pour ma part un autre point : une toute petite minorité de plaisanciers acquittent aujourd'hui une cotisation à la Société nationale de sauvetage en mer, dont j'ai d'ailleurs récemment réuni les responsables. Si tous les plaisanciers payaient cette cotisation, ce qui me semble logique et va dans le sens de la question que vous avez posée tout à l'heure,...
M. Christian Bonnet. Absolument !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... nous nous trouverions alors dans une situation tout autre. Je suis déterminé à valoriser le rôle de la SNSM et à encourager tout le monde à assumer ses responsabilités à l'égard de cette société qui répond à de nombreux besoins et participe de manière tout à fait exceptionnelle à un service public.
M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir complété la réponse de votre collègue M. Masseret à M. Bonnet.
M. Martial Taugourdeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Taugourdeau.
M. Martial Taugourdeau. Monsieur le ministre, je vous ai posé cette question afin de savoir si vous m'encouragiez à poursuivre la partition de l'équipement. J'ai compris que tel était finalement le cas.
Je souhaite aussi évoquer la question du déneigement dans les régions perturbées par la neige pendant seulement quelques jours par an.
Mme Voynet a répondu à mon collègue Gérard Cornu que le permis « poids lourd » ne serait plus exigé pour la conduite des tracteurs utilisés pour le déneigement quand l'exploitant agricole serait engagé par le département ou par la commune, et que l'obligation de soumettre les véhicules agricoles au service des mines était repoussée au 1er octobre 2000.
A ce propos, je vous ferai une suggestion s'agissant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Les agriculteurs emploient du fioul détaxé, alors que les engins de déneigement doivent utiliser du fioul taxé. Il me paraît impossible de siphonner le réservoir de tous les tracteurs dans la nuit. Or on peut savoir, compte tenu de la consommation de chaque engin et des relevés des factures payées aux agriculteurs, le nombre de litres de gazole qui ont été consommés. Une globalisation de la taxe pourrait donc être envisagée. Voilà une proposition qui pourrait peut-être nous permettre de poursuivre cet arrangement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je souhaite apporter une précision à M. Taugourdeau, qui a avancé un élément nouveau.
Je ne peux que confirmer la réponse reçue par M. Cornu, la semaine dernière, au sujet du déneigement par les agriculteurs. Bien entendu, la suggestion que vous venez de faire, monsieur le sénateur, sera étudiée, et une réponse écrite vous sera adressée.

SQUAT DE LA RUE D'AVRON (PARIS XXe)

M. le président. La parole est à M. Charzat, auteur de la question n° 612, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
M. Michel Charzat. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du transport et du logement.
Depuis décembre 1997, l'immeuble anciennement à usage de bureaux du 61, rue d'Avron, actuellement propriété du CDR, le Consortium de réalisation, est occupé par 75 familles totalisant 400 personnes. Ces familles, qui vivent dans des locaux inadaptés, connaissent des conditions d'insalubrité et d'insécurité inacceptables.
Monsieur le ministre, il est urgent de reloger les familles, pour des raisons sociales évidentes et pour permettre la réalisation d'un programme de construction de logements sociaux dont LOGIREP est le futur promoteur.
Malgré les efforts de la mairie du xxe arrondissement, qui a entrepris de nombreuses démarches et organisé trois tables rondes regroupant les représentants de la mairie du xxe arrondissement, de la préfecture de Paris, de la préfecture de police, du CDR et de LOGIREP, la situation reste en l'état.
La solution du problème nécessite qu'une enquête sociale soit réalisée immédiatement afin de connaître le nombre exact de familles à reloger ainsi que leur composition. Elle nécessite également que le relogement des familles soit effectué rapidement. Pour cela, un partenariat actif entre la mairie de Paris et la préfecture de Paris est indispensable.
La préfecture de Paris s'est engagée à participer, en partenariat avec la ville, au financement de l'enquête sociale et au relogement des familles. Son effort sera à la hauteur de celui de la Ville de Paris. LOGIREP, de son côté, a donné son accord pour participer au relogement des familles. Enfin, la mairie du xxe arrondissement participera également à ce relogement à la hauteur de ses capacités.
En revanche, jusqu'à présent et malgré de nombreuses sollicitations de la mairie du xxe arrondissement, la mairie de Paris refuse de participer au financement de l'enquête sociale et au relogement des familles concernées. Cette attitude de principe ne peut être recevable, car elle interdit toute résolution d'un problème dont la ville ne peut, par ailleurs, se désintéresser.
Monsieur le ministre, je souhaite donc connaître les dispositions que vous entendez prendre pour contribuer, avec les moyens qui sont les vôtres, au règlement de ce dossier.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, du logement et des transports. Monsieur le sénateur, mon collègue Louis Besson, en déplacement à l'étranger, m'a demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Depuis décembre 1997, cet immeuble anciennement à usage de bureau et actuellement propriété du Consortium de réalisation est occupé par soixante à soixante-dix familles, avec de nombreux enfants.
Le CDR ayant décidé de vendre cet immeuble, un bailleur social a été pressenti afin de réaliser un programme comprenant des logements sociaux et intermédiaires.
Une telle opération de transformation de bureaux en logements nécessite des travaux importants qui ne peuvent être réalisés que dans un bâtiment vide. Il convient donc de reloger les familles qui occupent actuellement l'immeuble.
C'est une question difficile, complexe et dont la résolution nécessite un engagement important de l'ensemble des partenaires, comme vous l'avez suggéré, monsieur le sénateur : CDR, bailleur social candidat à l'acquisition, mais surtout Etat et Ville de Paris.
L'Etat, pour sa part, a fait savoir qu'il s'engagerait à financer à 50 %, conformément à la réglementation, une mission de maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale dont l'objectif est, après enquête sociale approfondie auprès de chaque ménage, la recherche d'un logement adapté à chaque cas.
Le partenaire naturel d'un travail de cette nature est en général la commune siège de l'opération, dont l'intérêt manifeste est que ne subsistent pas sur son territoire de telles situations de « mal logement ».
En l'occurrence, il semble que la Ville de Paris ait fait savoir qu'elle n'était pas prête à assumer cette responsabilité - vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur - ce qui laisse entrevoir des difficultés pour obtenir des propositions d'attribution de logement sur le contingent de la Ville de Paris comme sur celui des organismes d'HLM qui lui sont liés et qui détiennent - je tiens à le souligner - 80 % du parc social parisien.
Je puis vous assurer que l'Etat, pour sa part, ne ménage et ne ménagera pas sa peine pour faire aboutir cette opération. Il mettra en oeuvre, avec diligence, tout ce qui est de sa responsabilité : financement du travail social nécessaire et mobilisation de son propre contingent, pour lequel l'Etat, je le précise, ne dispose que d'un pouvoir de proposition et non d'attribution, celui-ci restant entre les mains des organismes d'HLM.
Faisant référence à la convention signée le 15 mars dernier entre la Ville de Paris et l'Etat en faveur du développement du logement social à Paris, je ne perds pas espoir que la Ville de Paris change sa position et collabore rapidement à la solution d'une situation humainement indigne, d'autant que - nous ne l'oublions pas - à l'issue de ce relogement est prévue la production d'une centaine de nouveaux logements sociaux.
Je voudrais enfin rappeler que M. le secrétaire d'Etat au logement a annoncé, jeudi dernier, le lancement d'un vaste plan de créations de logements, sous forme de résidences sociales dans la région d'Ile-de-France. Les premières réalisations pourraient ainsi satisfaire au relogement de certains ménages de la rue d'Avron.
En tout état de cause, je peux vous confirmer notre détermination pour que cette opération puisse se réaliser dans les meilleurs délais - vous avez parlé d'urgence - et notre souhait que chacun des partenaires s'y implique encore davantage.
M. Michel Charzat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de la détermination dont fait preuve le Gouvernement pour contribuer, avec d'autres partenaires, à la résolution d'un problème urgent qui concerne plusieurs centaines de personnes et qui entraîne des situations difficiles dans certains établissements scolaires du xxe arrondissement, où vivent nombre de familles dont les enfants doivent être accueillis à l'école.
J'ajoute que M. Besson a très régulièrement exprimé son souhait de contribuer à trouver une solution. Ainsi, dès le 24 décembre 1997, il est venu sur place pour manifester sa solidarité avec les familles concernées.
J'enregistre avec intérêt les engagements pris par le Gouvernement. Je souhaite que notre détermination soit entendue et que nous puissions, les uns et les autres, contribuer à résoudre un problème social qui, aujourd'hui, n'honore pas la réputation de la ville de Paris.

NÉGOCIATIONS DU CONTRAT DE PLAN DE LA MEUSE

M. le président. La parole est à M. Herment, auteur de la question n° 608, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que s'engage la négociation du contrat de plan Etat-région, les collectivités lorraines, et plus particulièrement le conseil général de la Meuse, ont fait part de leurs vives inquiétudes liées aux décisions du dernier comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire.
L'examen de ce dossier par les élus concernés apparaît indissociable du futur zonage européen et de l'attribution des aides d'Etat à finalité régionale.
L'assemblée départementale, qui a examiné le projet de stratégie de l'Etat en région, partage les éléments de diagnostic et les fondements de l'action proposée sur les sept prochaines années. Cette stratégie nécessite de poursuivre une mobilisation forte de moyens conséquents. Or force est de constater que les enveloppes disponibles sont très insuffisantes par rapport à la période qui s'achève.
Dans ces conditions, et pour cette raison essentielle, il apparaît difficile aux représentants du département d'envisager une contractualisation avec l'Etat.
De plus, permettez-moi de rappeler les réactions engendrées par la réduction du nombre de territoires départementaux éligibles à la prime d'aménagement du territoire, situation qui aggrave encore l'avenir du développement du département puisque cette décision pénalisante s'ajoute à la menace qui pèse sur les fonds structurels européens et à la baisse des ressources nécessaires à la mise en oeuvre du contrat de plan.
Je vous demande, monsieur le ministre, de prendre en compte ces « points noirs » qui rendent impossible toute évolution stratégique cohérente d'aménagement et de développement du territoire en Meuse et je vous remercie de bien vouloir m'indiquer ce que vous entendez décider pour rassurer les légitimes inquiétudes des populations et des élus concernés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir excuser l'absence de Mme Voynet, qui m'a prié de répondre en son lieu et place à votre question.
Vous nous faites part de l'émotion des élus du département de la Meuse devant la diminution importante des territoires éligibles à la prime d'aménagement du territoire, la PAT, dans un contexte de réduction d'un quart, à l'échelle nationale, des populations éligibles. En effet, seule la zone d'emploi de Commercy répondait aux critères arrêtés par le Gouvernement dans le respect des indications données par l'Union européenne et en conformité avec l'avis formulé par le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire.
Mme la ministre de l'aménagement du territoire tient à vous rappeler que, pour la période 1985-1997, la Meuse a consommé la somme de 39 millions de francs, soit une toute petite partie des 1,4 milliard de francs consommés par la Lorraine. Il ne fait pas de doute que la réalisation de projets nouveaux dans le département n'a pas vraiment été stimulée par les dispositifs passés.
Dans ce même contexte, le Gouvernement élabore ses propositions de zonage au titre de l'objectif 2 des fonds structurels.
La région Lorraine dispose d'un montant de population éligible de 1 140 456 habitants, soit 47,8 % de la population régionale. Si l'on prend en considération les spécificités industrielles et minières - pour 37 000 habitants - cela représente une diminution de 27,8 %, proche de l'évolution nationale qui est de moins 24,1 %.
Mme la préfète de région a procédé, entre le 9 septembre et le 15 octobre de cette année, aux consultations régionales afin de proposer les territoires éligibles en Lorraine.
La situation de la Meuse au regard de l'activité et de l'emploi agricole ainsi que des pertes de population, notamment en milieu rural, l'a conduite à proposer l'inscription des territoires dont les projets étaient fortement engagés dans l'intercommunalité dans chacun des trois secteurs de Bar-le-Duc, Commercy et Verdun, ce qui représente plus de 167 000 habitants, soit 87 % de la population du département. Ce faisant, elle a suivi l'avis du conseil général de la Meuse.
Simultanément, la négociation s'est engagée avec la région Lorraine et les collectivités territoriales pour le contrat de plan. Le mandat de négociation, arrêté lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 23 juillet 1999, a prévu, au titre de la première part, la reconduction du montant antérieur. Il a précisé aussi la disponibilité de l'Etat à fournir un effort particulier pour la résolution des problèmes laissés par l'exploitation minière, afin de ne pas pénaliser les autres parties de la région dans leurs projets de développement.
La Meuse devrait donc pouvoir prendre sa place dans le contrat au travers de l'ensemble de ces deux parts, pour autant que la région manifeste clairement son propre engagement. En effet, le contrat résulte de l'effort et de la convergence d'objectifs des deux parties, Etat et région.
Le principe de parité de contribution de ces deux partenaires sera appliqué en tenant compte de la capacité contributive de la région. Il suppose néanmoins, compte tenu du niveau de revenus et du potentiel de la Lorraine, que celle-ci s'engage de manière significative sur l'ensemble des volets régionaux, territoriaux et spécifiques, notamment sur le programme « après-mine » et sur la convention interrégionale pour le massif des Vosges.
Le montant de la participation de l'Etat sera fonction de cette implication de la région. En outre, le Gouvernement sera attentif à la convergence des partenaires sur les priorités donnés à l'emploi, à la cohésion sociale et au développement durable. Il le sera aussi au respect des équilibres territoriaux, auxquels il a été demandé à Mme la préfète de région de veiller pour la Meuse.
C'est ainsi que, en fonction du degré final de contractualisation, une attention particulière sera portée, par exemple, à l'aménagement de la liaison entre Bar-le-Duc et Ligny-en-Barrois et au développement du tourisme de mémoire.
J'ajouterai à la réponse préparée par Mme Voynet que je souhaite pour ma part que les actions permettant de réduire l'insécurité routière soient réalisées en tant que de besoin dans le cadre du projet régional d'aménagement de sécurité, comme sur la RN 3 ou sur la RN 35. De telles actions, me semble-t-il, doivent être également contractualisées.
De même, je vous fais remarquer que votre département bénéficiera, dès 2006, d'une amélioration de la qualité de la desserte ferroviaire avec la réalisation de la première phase du TGV Est européen, qui viendra s'ajouter à l'enveloppe ferroviaire de 350 millions de francs décidée pour la Lorraine lors du CIADT de juillet dernier.
Bien entendu, il appartient aux élus meusiens, dont vous êtes, de défendre les intérêts de leur département pour obtenir la part du contrat de plan Etat-région qui leur revient au sein de la région. A cet égard, la politique territoriale des pays est une opportunité pour promouvoir tous ces projets.
M. Rémi Herment. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Depuis le dépôt de cette question orale, il est vrai, monsieur le ministre, que nous avons reçu des assurances quant à une meilleure proportionnalité territoriale - plus de 40 000 habitants - pour l'attribution de la PAT. Je vous en donne acte.
Sur ce point particulier, pouvez-vous me donner des précisions sur la localisation qu'entraîne une telle décision ? A défaut, est-il dans l'intention de Mme Voynet d'associer à ce dossier, comme je le souhaite, les parlementaires et le président du conseil général concernés ?
Comme toute la Lorraine, la Meuse se trouve depuis vingt ans en période de reconversion. Alors que l'espoir renaissait, cette réduction des aides nous affecte dangereusement et nous fait craindre le pire pour notre avenir. Les annonces que vous venez de faire peuvent, certes, nous apporter une lueur d'espoir, mais cet effort n'est pas suffisant pour assurer le redécollage attendu par tous les Meusiens.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre... à titre tout à fait exceptionnel !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous remercie de me redonner la parole, monsieur le président, mais de nouvelles questions m'ont été posées et je tiens à y répondre.
Je transmettrai, monsieur Herment, votre demande à Mme Voynet, afin qu'elle puisse s'exprimer, fût-ce par écrit, sur ce volet nouveau concernant le zonage.
Quoi qu'il en soit, un partenariat est nécessaire et une discussion doit s'engager sur l'ensemble de ces questions.

LUTTE CONTRE LE TABAGISME DES JEUNES

M. le président. La parole est à M. du Luart, auteur de la question n° 570, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Roland du Luart. Compte tenu des nombreux rapports qui ont été publiés dans la presse et des nombreux débats qui ont eu lieu dans nos instances parlementaires ces derniers temps, j'ai pensé que la présente question s'inscrivait parfaitement dans le cadre des actions à mener pour lutter contre les excès du tabagisme.
Malgré les quelques progrès qui ont été réalisés en la matière, la France demeure néanmoins le pays de l'Union européenne où le pourcentage de fumeurs est le plus élevé, notamment dans la catégorie d'âge des quinze-trente ans, âge qui est très important pour l'avenir.
J'aimerais savoir, dans ces conditions, ce que vous attendez pour faire appliquer sérieusement la loi Evin, et notamment l'interdiction de fumer dans les écoles et les collèges. Une loi qui est mal appliquée devient une loi nocive !
« On fume aujourd'hui dans environ la moitié des établissements scolaires. Plus du tiers des adolescents français reconnaissent qu'ils violent délibérément cette loi, sans que personne ne leur en fasse la moindre réflexion », déclarait récemment le professeur Tubiana.
C'est une incitation à l'incivisme ! Il serait urgent que M. le ministre de l'éducation nationale clarifie sa position dans ce domaine.
Par ailleurs, je vous demande, monsieur le ministre, de me dire comment vous comptez organiser la concertation entre les parties concernées - débitants de tabac, fabricants et collectivités territoriales - pour qu'il puisse concrètement être interdit aux jeunes de fumer ou d'acheter du tabac, afin que les prescriptions de la loi ne restent pas un voeu pieux.
Le succès d'une telle mesure impose que les débitants de tabac y soient associés, car le lien social que représente le bureau de tabac dans les zones rurales ne doit pas être rompu. Le petit buraliste demeure souvent, en effet, le dernier maillon du service public en contact avec le citoyen. Je préconise donc, avant tout, une bonne concertation en amont.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mme Dominique Gillot, qui assiste actuellement, à Matignon, à une réunion importante sur l'encéphalite spongiforme bovine, m'a demandé de m'exprimer en son nom.
La lutte contre le tabagisme, notamment chez les jeunes, est une des premières priorités de santé publique du Gouvernement. En mai dernier, un plan ambitieux de lutte contre le tabagisme a été rendu public et des crédits complémentaires importants ont été affectés à cette lutte puisque le budget qui y est consacré a été multiplié par cinq entre 1997 et 1999.
Depuis une vingtaine d'années, on constate globalement une baisse de la consommation de tabac, y compris chez les adolescents. Cette diminution de la proportion de fumeurs dans la tranche d'âge douze - dix-neuf ans, la plus jeune, traduit en partie un recul de l'âge d'entrée dans le tabagisme.
Cette évolution d'ensemble, certes favorable, recouvre néanmoins des constats qui restent très préoccupants, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur. Ainsi, la consommation de tabac chez les jeunes demeure à un niveau qu'on ne peut que juger inacceptable - 48 % des garçons et 46,7 % des filles de dix-huit - dix-neuf ans fument. Chez les jeunes filles, la proportion de fumeurs tend même à augmenter. Il convient donc d'amplifier notre action, en particulier dans le domaine de la prévention en direction des adolescents.
L'interdiction de vente du tabac aux mineurs de moins de seize ans, à l'instar des dispositions concernant l'alcool, est une mesure qui existe déjà dans des législations étrangères. Elle constituerait un affichage fort de notre volonté commune de protéger la jeunesse contre ce fléau.
Les conclusions du rapport qu'Alfred Recours a remis au Premier ministre vont permettre de guider notre action en la matière. Le Gouvernement organisera notamment une concertation sur l'intérêt, en termes de santé publique, d'une part, de l'interdiction de la vente de tabac aux jeunes de moins de seize ans, en s'inspirant des résultats obtenus dans les pays étrangers, d'autre part, d'une modification de la marge des petits débitants de tabac, en les faisant participer à des actions de prévention en direction des jeunes.
Voilà la réponse que Mme Dominique Gillot souhaitait vous apporter.
M. Roland du Luart. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Je remercie M. le ministre de cette réponse et de l'éclairage qu'elle donne, car je sais que, pour lui comme pour moi, ce sujet est quelque peu délicat compte tenu de notre passion commune pour certains tabacs...
Nous souhaitons simplement faire évoluer les choses pour que la jeunesse ne soit pas mise en position de fragilité. Or vous ne m'avez pas répondu sur un point qui me chiffonne tout de même : la non-application de la loi en milieu scolaire. Cela n'est pas normal, c'est de l'incivisme ! L'éducation nationale devrait peut-être prendre ce problème à bras-le-corps. Par exemple, dans les restaurants, ou ailleurs, il y a des zones non fumeurs, et c'est respecter son voisin que de s'abstenir de fumer. Eh bien, dès lors que la loi prévoit qu'il est interdit aux jeunes de fumer en milieu scolaire, elle doit être appliquée ! Déjà, nous aurions gagné une première bataille dans la lutte contre le tabagisme des jeunes.

STATUT DES PRATICIENS ADJOINTS CONTRACTUELS

M. le président. La parole est à Mme Printz, auteur de la question n° 614 adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Mme Gisèle Printz. Ma question porte sur le statut des praticiens adjoints contractuels.
La loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle a régularisé en partie la situation des médecins étrangers ayant un diplôme hors Communauté européenne, notamment celle des praticiens adjoints contractuels, les PAC. Pourtant, quelques points restent en suspens concernant le statut, encore précaire, de ceux-ci.
En effet, alors qu'ils ont les mêmes responsabilités que les praticiens hospitaliers et qu'ils effectuent le même travail, ils touchent un salaire nettement inférieur à celui de leurs homologues et le développement de leur carrière progresse beaucoup plus lentement. Cette anomalie affecte profondément, moralement et matériellement, les intéressés, qui souhaiteraient qu'une solution puisse être trouvée pour remédier à cette situation.
En outre, la loi du 27 juillet 1999 ne reconnaît la compétence des PAC qu'en médecine générale, alors que la majorité d'entre eux possède des diplômes de spécialistes effectués et validés en France. Cette situation pose également un problème aux intéressés, qui souhaiteraient que leur spécialité soit reconnue.
Enfin, malgré le fait qu'ils aient déjà passé un concours complet, ils doivent repasser le même concours pour accéder au statut de praticien hospitalier dans les services publics de santé, ce qui représente un obstacle supplémentaire sur le long parcours que les PAC doivent effectuer avant de pouvoir exercer leur profession.
Je souhaite donc savoir si les points que je viens d'évoquer ont été pris en compte dans la réflexion sur le statut des PAC engagée par le prédécesseur de Mme la secrétaire d'Etat à la santé et, le cas échéant, quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin de remédier à ces situations.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Madame la sénatrice, Mme Gillot étant retenue, comme je l'ai déjà indiqué tout à l'heure, elle m'a chargée de vous transmettre la réponse qu'elle souhaitait vous apporter.
Comme vous l'avez vous-même souligné, la loi n° 99-641 a permis des avancées importantes pour les médecins à diplôme étranger, et tout particulièrement pour les praticiens adjoints contractuels.
Permettez-moi de rappeler l'apport essentiel de cette loi pour les praticiens adjoints contractuels.
Tout d'abord, elle prévoit la possibilité de demander une autorisation d'exercice de la médecine en France, au sens de l'article L. 356 du code de la santé publique, dans des délais très rapides. Je rappelle à ce propos que le ministère n'a pas compétence pour reconnaître la qualification d'un médecin que ce soit en médecine générale ou en spécialité. Cette compétence a été confiée aux commissions de qualification gérées par le Conseil de l'ordre. C'est donc auprès d'elles que les praticiens adjoints contractuels doivent demander la reconnaissance de leur spécialité. Pour autant, le ministère ne se désintéresse pas de ce sujet, effectivement important, et y travaille avec le Conseil de l'ordre.
Par ailleurs, le décret n° 99-517 du 25 juin 1999 organisant le concours national de praticiens des établissements publics de santé, leur permet, dès l'obtention de l'autorisation d'exercice, au titre de l'article L. 356 du code de la santé publique de se présenter au concours de praticien hospitalier sans délai et dans la discipline où ils ont été nommés PAC. C'est naturellement la voie que choisiront la plupart des intéressés.
Il est évident, et ils l'ont d'ailleurs bien compris, que leur parcours professionnel sera mieux pris en compte dans un concours de type II que dans un concours de type I, davantage adapté aux parcours plus universitaires.
En ce qui concerne leur rémunération, je vous précise que leurs gardes sont payées comme toutes les gardes des médecins qui ont la plénitude de la responsabilité médicale. En revanche, leur salaire de base est effectivement inférieur à celui des praticiens hospitaliers, ce qui se conçoit bien puisqu'ils n'ont pas passé ce concours.
Il semble beaucoup plus pertinent de les inciter à devenir praticien hospitalier plutôt que de copier ce statut en les maintenant praticien adjoint contractuel.
Le secrétariat d'Etat à la santé et à l'action sociale est cependant en train de retravailler sur le décret statutaire des praticiens adjoints contractuels, qui doit être revu dans le cadre de la loi du 27 juillet 1999. Une concertation est donc en cours pour rechercher des améliorations possibles.
Mme Gisèle Printz. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous venez de m'apporter. J'espère que ces informations satisferont les praticiens adjoints contractuels et les rassureront sur leur avenir.
M. le président. L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux. A la demande du Gouvernement, nous les reprendrons à seize heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

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REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
DÉMISSIONNAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que, conformément à l'article L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur m'a fait connaître qu'en application de l'article L.O. 320 du code électoral, M. Gérard Collomb est appelé à remplacer, en qualité de sénateur du Rhône, à compter du 2 novembre 1999, M. Franck Sérusclat, démissionnaire de son mandat.

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HOMMAGE AUX VICTIMES D'UN ACTE
TERRORISTE AU PARLEMENT D'ARMÉNIE

M. le président. Mes chers collègues, vous avez tous été, comme moi, bouleversés par les images du carnage commis, mercredi dernier, dans la salle des séances du Parlement d'Arménie.
Dès que j'ai appris la terrible nouvelle, j'ai adressé un télégramme de sympathie au Président de la République, M. Robert Kotcharian. Aujourd'hui même, j'ai tenu à me rendre à l'ambassade d'Arménie à Paris, où j'ai signé, en votre nom à tous, le registre des condoléances.
Cet acte terroriste ne peut que susciter la plus vive indignation.
D'abord, parce que huit personnes, dont le Premier ministre, M. Vazguen Sarkissian, et le président du Parlement, M. Karen Demirtchian, ont été lâchement assassinées.
Ensuite, parce que ces crimes, commis dans une enceinte parlementaire, portent atteinte à la démocratie.
Lors de mon voyage dans le Caucase, l'été dernier, j'avais rencontré M. Sarkissian et M. Demirtchian, et j'avais pu à la fois apprécier leurs personnalités chaleureuses et nouer avec eux des contacts fructueux.
Je demande à M. l'ambassadeur d'Arménie, présent dans notre tribune officielle, de transmettre au Gouvernement, au Parlement et aux familles endeuillées nos plus vives condoléances.
Mes chers collègues, je vous propose d'observer une minute de silence. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)

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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Mercredi 3 novembre 1999 :

A quinze heures et le soir :
1° Nomination d'un membre de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entres les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Lucette Michaux-Chevry, démissionnaire.

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22, 1999-2000).

Jeudi 4 novembre 1999 :

A neuf heure trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22, 1999-2000).
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.

Mardi 9 novembre 1999 :

A neuf heures trente :
1° Quinze questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement).
N° 563 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de la culture et de la communication (ratification par la France de la convention Unidroit) ;
N° 603 de M. Serge Lepeltier à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (mise en place d'une filière de recyclage des pneus usagés) ;
N° 604 de Mme Marie-Claude Beaudeau à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (protocole de Kyoto de la convention sur les changements climatiques) ;
N° 605 de M. Georges Mouly à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (situation de La Poste en milieu rural) ;
N° 613 de Mme Nicole Borvo à M. le secrétaire d'Etat au logement (réquisitions de logements vacants) ;
N° 615 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (tracé du TGV Sud-Est) ;
N° 619 de M. Philippe Richert à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (TVA applicable au chocolat noir) ;
N° 620 de M. Auguste Cazalet à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (mise en oeuvre d'un dépistage systématique du cancer colorectal) ;
N° 622 de M. Gérard Delfau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (plan de fermeture des perceptions) ;
N° 624 de M. Marcel Bony à M. le ministre de l'intérieur (difficultés de recouvrement de la taxe de séjour) ;
N° 625 de M. René-Pierre Signé à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (aménagement du territoire : limites entre pays et parcs naturels régionaux) ;
N° 627 de M. André Vallet à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (révision de la carte judiciaire dans les Bouches-du-Rhône) ;
N° 628 de M. Michel Duffour à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (droits des salariés dans les grandes entreprises) ;
N° 631 de M. Thierry Foucaud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (liberté d'information syndicale) ;
N° 633 de M. Pierre Martin à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (conditions d'attribution de la prime à l'aménagement du territoire dans la Somme).
A seize heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22, 1999-2000).
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes) (n° 487, 1998-1999).
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un Médiateur des enfants (n° 76, 1998-1999).
5° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du Médiateur des enfants (n° 77, 1998-1999).
Pour ces deux propositions de loi, la conférence des présidents a :
- décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune ;
- fixé au lundi 8 novembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.

Mercredi 10 novembre 1999 :

A quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable (n° 416, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
2° Projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 179, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au mardi 9 novembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.

Mardi 16 novembre 1999 :

A dix heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et par la convention relative à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise (n° 307, 1998-1999).
2° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice (n° 308, 1998-1999).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
3° Projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (n° 384, 1998-1999).
4° Projet de loi autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (n° 385, 1998-1999).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) (n° 371, 1998-1999).
6° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n° 482, 1998-1999).
7° Projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale contre la prise d'otages (n° 339, 1998-1999).
8° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n° 456, 1998-1999).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 479, 1998-1999).
10° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (n° 501, 1998-1999).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (n° 481, 1998-1999).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (n° 486, 1998-1999).
A seize heures et le soir :
13° Eloge funèbre de Jean-Paul Bataille.

Ordre du jour prioritaire

14° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n° 1835, AN).
La conférence des présidents a fixé :
- à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant onze heures, le mardi 16 novembre 1999.

Mercredi 17 novembre 1999 :

A quinze heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n° 1835).

Jeudi 18 novembre 1999 :

A neuf heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n° 1835).

Mardi 23 novembre 1999 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente :
1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, à Seattle.
La conférence des présidents a fixé à :
- dix minutes le temps réservé au président de la commission des affaires économiques et au président de la commission des affaires étrangères ;
- trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 22 novembre 1999.
A seize heures :
2° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de M. Gaston Flosse et des membres du groupe du Rassemblement pour la République tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française (n° 471, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au lundi 22 novembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions.
3° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste tendant à interdire les candidatures multiples aux élections cantonales (n° 493, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste relative à l'élection des députés et à l'élection des conseillers généraux (n° 494, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Bernard Joly visant à généraliser l'interdiction des candidatures multiples aux élections (n° 465, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Philippe Marini et plusieurs de ses collègues portant diverses dispositions relatives aux élections municipales, cantonales et législatives (n° 482, 1997-1998) ;
- et la proposition de loi de M. Georges Gruillot et plusieurs de ses collègues relative aux conditions d'éligibilité des candidats aux élections cantonales et aux déclarations de candidatures au deuxième tour des élections cantonales et législatives (n° 548, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au lundi 22 novembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions.
4° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Pelletier permettant au juge des tutelles d'autoriser un majeur sous tutelle à être inscrit sur une liste électorale (n° 185, 1998-1999).
5° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de M. Jacques Pelletier relative à l'inéligibilité des majeurs sous tutelle (n° 186, 1998-1999).
Pour ces deux derniers textes, la conférence des présidents a :
- décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune ;
- fixé au lundi 22 novembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.

Mercredi 24 novembre 1999 :

A neuf heures trente :
1° Question orale européenne avec débat de M. Hubert Haenel à Mme la ministre de la jeunesse et des sports sur la politique européenne en matière de sport (n° QE 6) ;
La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-773 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 420, 1998-1999).
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 421, 1998-1999).
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du 8 juillet 1998, n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 422, 1998-1999) ;
5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-520 du 24 juin 1998, n° 98-521 du 24 juin 1998, n° 98-523 du 24 juin 1998, n° 98-526 du 24 juin 1998, n° 98-776 du 2 septembre 1998, n° 98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 423, 1998-1999).
Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a :
- décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune ;
- fixé au mardi 23 novembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.
6° Conclusions de la commission des affaires sociales sur :
- la proposition de loi de MM. Joseph Ostermann, Daniel Eckenspieller, Francis Grignon, Hubert Haenel, Jean-Louis Lorrain, Daniel Hoeffel et Philippe Richert relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières (n° 494, 1998-1999) ;
- et la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et M. Roger Hesling relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières (n° 36, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 23 novembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions.

Jeudi 25 novembre 1999 :

A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
A quinze heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2000 (AN, n° 1805)Voir en annexe les règles et le calendrier de la discussion de la loi de finances pour 2000, du jeudi 25 novembre au mardi 14 décembre 1999.

.
En outre,

Jeudi 2 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
La conférence des Présidents a fixé au mercredi 1er décembre 1999, à dix-sept heures, le délai-limte pour le dépôt des amendements à ce texte.

Jeudi 9 décembre 1999 :

A quinze heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectué au service de la séance avant onze heures.

Vendredi 10 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales. (AN n° 1809). (Urgence déclarée.)
La conférence des présidents a adopté les propositions de la commission des finances sur l'organisation et le calendrier du projet de loi de finances pour 2000. Ce calendrier sera adressé à tous nos collègues dans les prochaines heures.
Y a-t-il des observations à l'égard des propositions de la conférence des présidents relatives à l'ordre du jour réservé ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ? ...
Ces propositions sont adoptées.
Je viens d'être informé que, en raison des débats qui se déroulent actuellement à l'Assemblée nationale, Mme le ministre des affaires sociales ne pourra nous rejoindre que vers dix-sept heures trente. (Exclamations sur les travées du groupe du Rassemblement pour la République, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
Je ferai savoir à M. le ministre des relations avec le Parlement que l'institution sénatoriale n'est pas une variable d'ajustement des horaires de travail de l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Charles Revet. Ils se moquent véritablement du monde !
M. le président. Je me vois donc contraint de suspendre la séance.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à dix-sept heures trente.)



M. le président.
La séance est reprise.
Madame le ministre des affaires sociales, la tradition républicaine veut, on le sait, que les ministres soient à la disposition du Parlement, mais il ne faudrait pas que se prenne l'habitude que les travaux du Sénat soient la variable d'ajustement des travaux de l'Assemblée nationale.
Je dois vous faire part de... l'irritation - pourquoi le dissimuler ? - de tous mes collègues devant les reports successifs de la séance de cet après-midi, prévue initialement à seize heures, reportée à seize heures trente, puis à dix-sept heures trente. Nous avons atteint là l'excès.
Je voudrais qu'à l'avenir, par respect pour la Haute Assemblée, de tels reports soient évités. A l'avance, madame, je vous remercie de votre vigilance.

9

RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS
DE TRAVAIL

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 22, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail. [Rapport n° 30 (1999-2000.)]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, je suis réellement désolée du report de cette séance, qui, croyez-le bien, n'était pas prévu.
En effet, Mme Gillot devait me représenter à l'Assemblée nationale, mais - au demeurant, je le sais, cela n'excuse en rien mon retard - elle a dû se rendre à Bruxelles pour participer à une réunion relative à l'embargo sur le boeuf britannique. Il est très important, vous en conviendrez, que la santé publique de nos concitoyens soit défendue sur ce dossier. Ainsi, bien que toutes les précautions aient été prises pour qu'elle puisse me remplacer cet après-midi, il n'en a finalement rien été puisque la Commission a convoqué cette réunion à dix-sept heures malgré nos interventions pour qu'elle soit repoussée.
Je comprends très bien vos observations, monsieur le président, et je tenais à m'expliquer devant les membres de la Haute Assemblée pour qu'ils ne voient pas dans ce contretemps une marque de désobligeance de la part du Gouvernement à l'égard du Sénat.
M. le président. Dont acte !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons débattre ensemble, plusieurs jours durant, de la réduction du temps de travail. Je souhaite, bien évidemment, que ce débat se déroule dans un climat serein. Rien n'est moins productif qu'une discussion où les arguments s'effacent devant les slogans ; je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point. C'est pourquoi je viens devant vous avec des arguments destinés à vous convaincre de l'intérêt, plus encore, de l'importance de la réduction de la durée du travail pour nos concitoyens et pour l'emploi.
Je voudrais tout d'abord remercier M. le président de la commission des affaires sociales et l'ensemble des commissaires pour leur travail sur ce texte.
Comme vous le savez, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a, depuis deux ans, fixé une priorité absolue à son action : l'emploi. Il a dit clairement que rien ne l'en détournerait et qu'aucune piste ne serait négligée pour réduire le chômage.
Un tel objectif est exigeant. Il a fallu remettre le pays en marche en favorisant la reprise de la consommation et de la croissance. Il a fallu que l'Etat prenne ses responsabilités, aussi bien dans les choix budgétaires que dans le choix des politiques à mener. Ainsi, nous avons fait porter nos efforts sur les emplois de demain, sur leur émergence, sur leur financement, notamment dans les nouvelles technologies, mais aussi dans les emplois jeunes.
Puis, nous nous sommes engagés sur cette piste de la réduction de la durée du travail, qui n'est pas la réponse au problème du chômage mais qui est une réponse parmi d'autres. Les résultats d'ores et déjà obtenus montrent que cette réponse est tout à fait opportune.
Parallèlement, nous mettons en oeuvre une grande réforme tendant à la baisse des charges patronales.
De la sorte, nous aurons vraiment mis notre pays sur l'ensemble des voies qui visent à rendre l'économie plus solidaire parce que nous sommes convaincus qu'une économie plus solidaire est aussi une économie plus performante.
Le bilan de la première loi votée voilà maintenant un an montre que l'emploi est bien au rendez-vous de la réduction du temps de travail. Nombre d'entre nous en étions persuadés, cela s'inscrit maintenant dans les faits.
Les engagements de création ou de maintien des emplois, dans les accords de branche, atteignent aujourd'hui 13 000 emplois : 85 % de ces emplois sont des embauches, 15 % des emplois préservés.
Ces chiffres démentent les pronostics les plus pessimistes, j'ajouterai que c'est la réalisation des hypothèses les plus optimistes - 3 % à 3,5 % de productivité, 2 % à 2,5 % de modération salariale accompagnée d'aides de l'Etat - qui ont permis d'atteindre ces résultats.
On ne peut pas parler d'effet d'aubaine, comme je l'ai entendu faire de-ci de-là, puisque les études statistiques qui ont été menées montrent que 10 % seulement des emplois ainsi créés l'auraient été sans lien direct avec la réduction du temps de travail.
Je précise que ces études établissent des comparaisons entre entreprises de même secteur, ayant la même situation financière, certaines ayant réduit la durée du temps de travail et d'autres ne l'ayant pas fait. Tous les trimestres, nous continuerons à présenter des statistiques de même nature.
Si la réduction de la durée du travail crée donc des emplois, elle est aussi source d'un nouvel équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Cela correspond d'ailleurs à la préoccupation le plus souvent exprimée par nos concitoyens lorsqu'on les interroge sur leurs attentes face à la réduction de la durée du travail.
Il ne s'agit évidement pas de remettre en cause le travail : celui-ci permet non seulement de « gagner sa vie » mais il est aussi et peut-être surtout le moyen d'être reconnu socialement, d'avoir une place dans la société, d'être autonome, de ne pas être assisté ; il est le témoignage de ce qu'on est capable d'apporter aux autres.
Le travail est aujourd'hui, nous le savons, pour beaucoup de femmes et d'hommes de notre pays, le moyen par excellence d'insertion dans notre société. En cette fin de xxe siècle, le travail peut en même temps être un moyen d'épanouissement, et c'est là un point essentiel. Cela suppose que soient amélioré les conditions de la vie au travail. Or, dans beaucoup de cas, c'est la négociation qui a rendu cette amélioration effective.
Libérer du temps pour soi, pour ses proches ou pour la collectivité, c'est là une des très fortes aspirations que nos concitoyens expriment.
Ceux dont la durée du travail a été réduite nous expliquent que leur souci premier est de consacrer le temps ainsi libéré à leur famille, à leurs proches : ils sont près de 70 % à exprimer cette priorité.
Du temps pour soi, c'est bien sûr du temps pour le sport, pour la culture, pour les loisirs. Mais c'est aussi du temps pour la formation et du temps pour les autres. A cet égard, je pense au bénévolat dans la vie associative, à l'engagement dans la citoyenneté, au temps consacré à des personnes âgées, à des personnes handicapées. Selon les enquêtes, 40 % des Français souhaitent pouvoir consacrer du temps libre à la pratique d'une activité sociale.
La réduction de la durée du travail est donc attendue à la fois pour le temps qu'elle permet de libérer et pour la création d'emplois, qui est l'objectif numéro 1 du Gouvernement.
Il est au moins un point sur lequel la loi de 1998 n'est contestée par personne : elle a permis de lancer dans notre pays un grand mouvement de négociation sociale, mouvement sans précédent, il faut bien le dire. Cette loi a donné l'impulsion initiale en fixant des durées légales et maximales, mais en promouvant la méthode de la négociation.
A ce jour, ont été signés 17 000 accords d'entreprise, couvrant 2,3 millions de salariés, et 112 accords de branche, couvrant 8 millions de salariés.
Quand nous interrogeons ceux qui ont signé et qui pratiquent aujourd'hui les 35 heures, les réponses sont très largement positives, aussi bien du côté des chefs d'entreprises que de celui des salariés. Ainsi, 84 % des chefs d'entreprise et 85 % des salariés qui sont passés aux 35 heures se déclarent satisfaits ou très satisfaits de l'accord sur la réduction de la durée du travail qu'ils ont signé. De même, 81 % des chefs d'entreprises considèrent que leur entreprise fonctionne mieux après qu'avant, tandis que 85 % des salariés considèrent qu'ils vivent mieux. Enfin, la plupart d'entre eux déclarent être fiers d'avoir pu contribuer à la création d'emplois.
La négociation s'est donc développée quantitativement, mais je crois qu'elle a aussi fait émerger une nouvelle qualité des rapports dans l'entreprise entre les salariés et le chef d'entreprise. Il était essentiel que les chefs d'entreprise et les salariés puissent s'exprimer sur leurs contraintes respectives et trouver des solutions afin d'améliorer le fonctionnement de l'entreprise et de permettre aux salariés de mieux vivre au-dedans comme en dehors de l'entreprise. Parallèlement, il fallait trouver - et ce n'est pas facile - les moyens de financer cette réduction de la durée du travail afin qu'elle soit porteuse de création d'emplois.
Des garanties nouvelles ont été obtenues, dans une meilleure maîtrise des souplesses ; je pense, par exemple, à la modulation, assortie de délais de prévenance ou de calendriers prévisionnels.
Un sujet aussi difficile que la réduction de la durée du travail des cadres, dont chacun disait il y a un an qu'il était quasiment impossible de le traiter, a été traité dans 80 % des accords. C'est précisément sur ces accords que nous nous fondons dans la seconde loi.
De la même façon, sur les aspects liés à la formation, les négociations ont permis de traiter des problèmes qui n'avaient pas pu être réglés auparavant, que ce soit par la négociation ou par la législation.
Cette seconde loi s'inspire donc largement de ces négociations. Ce sont les accords signés qui sous-tendent le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis.
J'ai, bien entendu, étudié le contre-projet que la majorité de la Haute Assemblée entend soumettre aux Français. Ce contre-projet supprime des points clés de la démarche engagée depuis dix-huit mois et conduirait purement et simplement, s'il était adopté, à stopper durablement le processus de négociation et de réduction de la durée du travail.
J'ai été quelque peu étonnée de cette position dans la mesure où, à l'Assemblée nationale, dans les rangs mêmes de l'opposition, nombreux sont ceux qui, s'ils contestent la méthode, reconnaissent que la réduction de la durée du travail est aujourd'hui une voie indispensable si nous souhaitons réduire le chômage. Les résultats enregistrés ces derniers mois le démontrent d'ailleurs abondamment.
Le signal des 35 heures a été indiscutablement efficace. Dans un premier temps, les accords « de Robien » ont pris une nouvelle vitalité puisque, jusqu'en juin 1998, 500 de ces accords ont été signés. Ensuite, avec l'entrée en vigueur de la loi du 13 juin 1998, 2 500 accords ont été passés.
Les résultats sont là !
Je note que le contre-projet élaboré au Sénat est en deçà même du dispositif « de Robien », que vous aviez pourtant approuvé voilà quelques années.
Vous proposez par ailleurs de supprimer l'allégement des charges sociales qui va au-delà du financement des 35 heures, allégement que vous aviez non seulement appelé de vos voeux mais qui faisait l'objet d'une proposition de loi que vous avez votée en juin dernier.
Cet allégement qui, je vous le rappelle, va aller jusqu'à 1,8 fois le SMIC, est attendu depuis des années aussi bien par l'artisanat, le commerce, les petites entreprises et les entreprises de services que par les entreprises soumises à la concurrence internationale, notamment dans des secteurs qu'on a beaucoup défendus ici même. Dès lors, je ne comprends vraiment pas pourquoi cet allégement disparaît du contre-projet sénatorial.
Mais j'en viens au projet de loi tel qu'il vous est soumis par le Gouvernement après une première lecture à l'Assemblée nationale.
Nous avons conservé, dans la seconde loi, les conditions vertueuses de la démarche qui ont assuré le succès de la première étape.
Tout d'abord, il s'agit d'une méthode fondée sur la confiance envers la négociation, d'un mode d'emploi du passage aux 35 heures qui laisse toute sa place à la négociation, qui permet l'implication maximale des salariés et des chefs d'entreprise. Car nous avons bien vu que c'est de la négociation qu'émergent des solutions adaptées à la réalité de chaque entreprise.
Des milliers d'accords sur mesure sont aujourd'hui signés, que la loi se doit non seulement de reconnaître mais de favoriser pour l'avenir.
Nous avons aussi recherché un meilleur équilibre entre la loi et l'accord, en confortant l'accord dans de nombreux domaines comme le mode de « rémunération » des heures supplémentaires : soit sous forme financière, soit sous forme de repos compensateur. De même, le type de modulation est simplifié et repose largement sur la négociation. Quant aux formes de travail à temps partiel qui existent aujourd'hui, elles sont largement dues à la négociation collective.
Par ailleurs, à la suite du vote d'un amendement à l'Assemblée nationale, la voie de la négociation a été confortée par la nécessité d'engager une négociation préalable sur les 35 heures pour les entreprises qui veulent s'engager dans un plan de licenciements. Il s'agit d'ailleurs en fait de généraliser une procédure déjà appliquée.
La méthode ainsi définie vise également à ne laisser personne sur le bord de la route. Je l'ai dit tout à l'heure, l'ensemble des salariés doivent être concernés, y compris les cadres.
Si l'on en croit les sondages réalisés auprès de nos concitoyens, les cadres constituent la catégorie qui est aujourd'hui la plus demandeuse de réduction de la durée du travail.
Le malaise des cadres dont on parle depuis longtemps est encore plus perceptible chez les jeunes. Pour ces derniers, le travail est essentiel à leur épanouissement personnel, mais leur vie est tout aussi importante. C'est cet équilibre, qui est sans doute mieux trouvé dans d'autre pays que dans le nôtre, que nous devons rechercher.
De même, les travailleurs précaires ou les travailleurs à temps partiel ne sauraient être exclus d'un tel mouvement. Je me réjouis d'ailleurs de constater que, dans de nombreux accords, ce sont les travailleurs précaires que l'on embauche en priorité, ou que c'est aux travailleurs à temps partiel qui le souhaitent qu'on propose d'abord d'augmenter la durée de leur travail.
Or, nous le savons, dans notre pays, la moitié environ des travailleurs à temps partiel affirment qu'ils ont choisi ce type de travail, alors que l'autre moitié considère qu'il est subi. Dans ce domaine, la liberté de choix doit prévaloir, ce qui est loin d'être aujourd'hui le cas, mais qui commence à devenir une réalité dans un certain nombre d'entreprises.
L'adhésion des salariés à l'accord est essentielle. A partir du moment où nous lions la baisse des charges sociales à un accord sur la durée du travail, nous avons souhaité que cet accord soit légitimé, soit à travers la signature par un ou plusieurs syndicats majoritaires, soit à travers une consultation aussi large que possible des salariés. D'ores et déjà, pour les accords aujourd'hui signés, dans 90 % des cas, les salariés disent avoir été consultés sur le contenu de l'accord.
C'est une démarche démocratique que l'on comprend bien de la part des organisations syndicales, tant la durée du travail touche l'organisation de la vie personnelle de chacun : les attentes des salariés doivent donc être écoutées.
Enfin, dans ce second projet de loi, nous avons mis en place un financement qui optimise l'effet sur l'emploi : j'ai dit combien les hypothèses les plus optimistes des instituts macro-économiques étaient aujourd'hui devenues réalité. Tous les accords qui ont été signés sont là pour le prouver.
Nous souhaitons que les conditions de financement favorables à l'emploi, notamment l'allégement des charges sociales, puissent perdurer afin que le nombre des créations progresse encore.
En résumé, les conditions de la réussite des 35 heures sont les suivantes : négociation, adhésion des chefs d'entreprise comme des salariés, financement qui optimise l'effet sur l'emploi.
Deuxième grand axe de ce projet de loi : rechercher un meilleur équilibre entre le rôle dévolu à la loi et la place laissée à la négociation.
Tout d'abord, il revient à la loi de fixer un cap, de déterminer la règle du jeu et de préciser les garanties concernant les salariés ; mais elle doit aussi laisser la place à la négociation. La loi définit un cadre, une méthode pour le passage aux 35 heures, les durées légales et maximales, enfin, les limites et les contreparties des souplesses demandées aux salariés par les entreprises.
La discussion à l'Assemblée nationale a permis de conforter encore les mesures prévues par le projet de loi en diminuant la durée maximale de travail de 46 heures à 44 heures sur douze semaines et en majorant les heures supplémentaires de 50 % à partir de la quarante-troisième heure.
Ensuite, l'effet emploi sera consolidé par le présent projet de loi. Là aussi, il a été reconnu, lors du débat à l'Assemblée nationale, que si les baisses des charges sociales devaient avoir pour contrepartie une réduction de la durée du travail, la réalité de cette réduction comme la réalité des emplois sauvés et sauvegardés devaient être contrôlées.
Le Gouvernement s'est engagé à présenter un bilan national de l'application de la loi à la commission nationale de la négociation collective - il est de bonne démocratie de vérifier l'utilisation des fonds publics en matière d'emploi - au sein de laquelle les organisations syndicales et patronales pourront en débattre, puis au conseil de surveillance du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales et, bien évidemment, au Parlement, qui sera ainsi totalement informé par l'ensemble des avis qui auront été annexés au rapport du Gouvernement.
Ce projet de loi ouvre également de nouveaux espaces à la négociation, tout en simplifiant la réglementation. Ceux qui lisent la réglementation sur la durée du travail sont souvent étonnés de sa complexité. Je ne prétendrai pas qu'elle est aujourd'hui limpide, mais elle est simplifiée par rapport à ce qu'elle était dans le passé ; c'est un point sur lequel tout le monde s'est accordé à l'Assemblée nationale. Il existait, par exemple, trois sortes de modulation ; il n'y en a plus qu'une aujourd'hui, avec un délai de prévenance bien défini.
S'agissant du travail à temps partiel, la jurisprudence et la législation se contredisaient parfois, ce qui posait problème. Nous avons prévu un certain type de temps partiel qui correspond aux besoins des entreprises et qui apporte d'autant plus de contreparties que des incertitudes existent dans la définition, notamment, des horaires et des périodes travaillées.
En ce qui concerne le travail des cadres, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous nous sommes appuyés sur les accords d'entreprise, qui distinguent trois catégories de cadres : premièrement, les cadres dirigeants, dont les horaires ne peuvent être ni prédéterminés ni décomptés et qui ne seront pas soumis aux mesures sur la durée du travail ; deuxièmement, les cadres suivant un horaire collectif, qui seront soumis au droit commun - comme le veut d'ailleurs la jurisprudence actuelle - soit environ 58 % des cadres ; enfin, troisièmement, les cadres appartenant à la catégorie intermédiaire et qui, en raison de leurs fonctions d'encadrement, de leur poids hiérarchiques du type de travail qui est le leur - fonctions commerciales, intervention sur les marchés financiers - ne peuvent voir décompter clairement leur durée du travail et pour lesquels de nouvelles formes de réduction du temps de travail doivent être trouvées.
Dans le rapport écrit, figurent des éléments qui laissent à penser que nous nous sommes peut-être mal expliqués. Le présent projet de loi fixe un plafond maximal de 217 jours travaillés. Mais ce n'est qu'une possibilité ! Rien n'empêche les entreprises - et un certain nombre l'ont fait - de réduire, y compris pour les cadres, la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle. Ce n'est que lorsque le choix est donné de prendre des jours de congés et de réduire la durée du travail sur l'année que le projet de loi fixe un maximum.
Pour ce qui est de la formation, elle ne devra pas souffrir de la diminution de la durée de présence dans l'entreprise. Moins de temps de travail ne doit pas signifier moins d'opportunités de formation pour les salariés. Le projet de loi prévoit la possibilité d'accorder aux salariés de nouvelles possibilités de développement des compétences. Il ne s'agit toutefois que du premier volet du projet de loi que prépare Mme Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, et qui vise à mettre en place un droit à la formation tout au long de la vie.
Cette réforme s'appuie sur les accords déjà signés. Elle permet que des formations, notamment personnelles, assurées à la demande de salariés, puissent être effectuées en partie sur le temps de travail, à condition qu'un accord collectif assorti d'un accord individuel ait été signé et que ces formations soient financées par l'entreprise.
De la même manière, le projet de loi prévoit des dispositions spécifiques pour les petites et moyennes entreprises, tant en termes de délais que de modes de réduction de la durée du travail. Nous avons, là aussi, travaillé de manière extrêmement positive, me semble-t-il, avec l'Union professionnelle artisanale. Celle-ci reconnaît dans la réduction de la durée du travail accompagnant la baisse des charges, qui dépasse le coût de la réduction de la durée du travail, le moyen, en modifiant leurs conditions de travail, d'être plus attractifs vis-à-vis des jeunes : aujourd'hui, ceux-ci se détournent d'entreprises où, souvent, la durée hebdomadaire du travail atteint quarante-cinq, voire cinquante heures.
Ce projet de loi est l'occasion de recréer des emplois, de moderniser les activités artisanales et commerciales, activités dont nous connaissons le rôle majeur, notamment dans la cohésion de nos villes, dans la vie, tout simplement, de nos centres-villes et dans la pérennisation d'un certain nombre de métiers pour lesquels il est parfois difficile de recruter des jeunes.
Enfin, ce texte tend à garantir le maintien et la progression de la rémunération des salariés payés au SMIC. Aux termes des accords, 100 % des salariés payés au SMIC voient leur durée du travail maintenue. Le projet de loi prévoit un mécanisme - il s'agira d'un complément différentiel mensuel - qui évoluera non seulement en fonction de l'indice des prix, mais également comme la moitié de l'augmentation du salaire mensuel national. Nous reprenons donc la même formule que pour le SMIC horaire.
En ce qui concerne les autres salariés, 90 % des accords ont prévu le maintien des salaires, avec une modération salariale de 2 % à 2,5 % qui peut s'échelonner entre un an et trois mois.
Tels sont les acquis de cette négociation.
Enfin, la réduction de la durée du travail est liée à la réforme de l'allégement des cotisations patronales.
Nous avions toujours annoncé que les aides incitatives à la réduction de la durée du travail seraient accompagnées d'une aide structurelle couvrant le coût de la réduction de la durée du travail et permettant de boucler le mécanisme de réduction de la durée du travail.
Cette aide structurelle, de l'ordre de 4 500 francs en moyenne, par an et par salarié, s'élèvera à 40 milliards de francs pour les cinq années à venir si l'ensemble des entreprises passent, effectivement, à 35 heures.
Mais nous avons souhaité aller plus loin en confortant encore les baisses de charges - je rappelle que la ristourne « Juppé-Balladur » coûte aujourd'hui environ 40 milliards de francs - et en modifiant le dispositif tel qu'il était prévu. Le dispositif antérieur, qui limitait les allègements à 1,3 fois le SMIC - et encore, pas tout à fait, puisqu'il n'aboutit à aucune réduction des charges sociales - avait un effet de « trappe à bas salaire », que l'on observe d'ailleurs très clairement aujourd'hui dans les résultats des évolutions salariales.
Par ailleurs, en limitant les allègements à 1,3 fois le SMIC, le dispositif n'était ni assez souple ni assez large dans l'espace. Aussi avons-nous prévu des allègements plus amples et plus dégressifs : ils s'élèvent jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Nous considérons donc qu'au-delà des 40 milliards de francs liés à la compensation de la réduction de la durée du travail, il faut accentuer encore la baisse des charges d'un montant global de 65 milliards de francs.
Le coût total de 105 milliards de francs comprend donc les 40 milliards de francs relatifs aux aides - conditionnées par le passage à 35 heures et les 65 milliards de francs correspondant aux mesures d'allègement du coût du travail sur les bas et moyens salaires.
Toutefois, contrairement à ce qui s'était fait précédemment, nous avons souhaité que cette réduction des charges sociales donne lieu à une contrepartie en matière d'emplois. C'est la raison pour laquelle l'ensemble du dispositif est lié à un accord de réduction de la durée du travail créant ou préservant des emplois.
Comment financer cette réforme ? (Exclamations sur les travées du RPR.) C'est un grand sujet que vous connaissez bien puisque, après avoir annoncé plusieurs fois la baisse des charges, vous n'y avez jamais procédé faute d'en avoir trouvé le financement. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Nous avions demandé aux partenaires sociaux d'envisager, dans une logique dite d'« activation des dépenses passives » - vocable qu'ils avaient eux-mêmes utilisé - une participation de l'UNEDIC et des différents organismes de protection sociale au prorata des retours financiers dus aux créations d'emploi. Il s'agissait tout simplement de faire en sorte que cette opération soit neutre pour eux : ni gain ni perte en termes de cotisations sociales ou de moindres dépenses.
Je rappelle que les partenaires sociaux ont défendu cette thèse lorsqu'ils ont signé l'accord instituant l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, accord qui a été salué sur l'ensemble de ces travées, me semble-t-il.
De même, après avoir mis en place des conventions de coopération avec les entreprises, nous avons voulu continuer, aujourd'hui, dans cette logique d'activation des dépenses passives en finançant les charges concernant les chômeurs qui sont embauchés dans les entreprises pendant un certain temps.
Certaines organisations s'étaient même exprimées très clairement pour le financement de la réduction de la durée du travail de cette manière. Aussi nous étions-nous inscrits dans cette logique pour une partie de ce financement. L'Etat en a d'ailleurs tiré toutes les conséquences en inscrivant, dans le budget de l'emploi pour 2000, 4,3 milliards de francs au titre de l'apport de l'Etat lié aux entrées fiscales en raison de la réduction de la durée du travail.
Comme vous le savez, les organisations patronales et syndicales n'ont pas souhaité entrer dans cette logique.
M. Alain Gournac. C'est le moins que l'on puisse dire !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faut savoir changer de mode de financement en l'absence d'accord ! Lorsqu'on tient au paritarisme et à la consultation, il faut savoir modifier les possibilités techniques de financement dès lors que l'objectif n'est pas perdu de vue. Or l'objectif reste le même : nous réduisons la durée du travail et nous baissons les charges sociales, c'est-à-dire que nous continuons dans la voie que nous nous sommes fixée.
Il ne sera donc pas fait appel aux contributions des employeurs et des salariés au travers des organismes paritaires. Ainsi que je m'y suis engagée devant l'Assemblée nationale. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement déposé au Sénat tend à annuler le dispositif de l'article 11, qui prévoit cette contribution des employeurs et des salariés.
Par ailleurs, il a été proposé de procéder à certains ajustements pour financer la réduction de la durée du travail et la baisse des charges. Je rappelle que les 105 milliards de francs prévus sur cinq ans correspondent à la fois aux 40 milliards de francs relatifs à la réduction de la durée du travail et aux 65 milliards de francs concernant la baisse des charges. Peu de gouvernements prévoient cinq ans à l'avance le moyen de financer une telle réforme et je me réjouis que nous anticipions ainsi les évolutions !
M. Charles Revet. Vous ne serez plus là pour la mettre en oeuvre ! Enfin... votre Gouvernement !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne serai peut-être plus là, monsieur le sénateur, mais vous devez savoir qu'il m'a fallu trouver 7 milliards de francs le jour où j'ai pris mes fonctions pour financer la première année d'application de la « ristourne Juppé-Balladur », mesure qui datait de six mois et dont le financement n'était pas prévu pour l'année suivante ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Nous verrons où nous serons ! En tout cas, vous trouverez, grâce à notre politique, les financements nécessaires si jamais nous n'étions plus là. Mais les Français sauront tirer toutes les conséquences de l'amélioration de la situation du chômage et de celle de la sécurité sociale !
Pour l'an 2000, nous avons proposé que les 7 milliards de francs qui auraient pu provenir de l'UNEDIC soient financés par la taxe sur les heures supplémentaires, qui doit rapporter environ 7 milliards de francs - peut-être un peu plus.
Nous avons également proposé - c'est une mesure structurelle qui pourra perdurer - que la part provenant de la sécurité sociale soit financée par le transfert d'une partie des droits sur les alcools qui bénéficient au fonds de solidarité vieillesse, le FSV, vers le fonds de réduction des charges sociales. Je rappelle que le FSV est aujourd'hui largement excédentaire.
Les droits sur les alcools rapportent entre 11 et 12 milliards de francs, ce qui, à terme, est la somme que nous souhaitions voir provenir de la sécurité sociale. Il s'agit donc là d'une solution pérenne au financement de la baisse des charges, qui ne touche pas directement aux contributions patronales et syndicales, comme l'ont souhaité les partenaires sociaux.
Cette méthode a reçu l'accord des organisations syndicales. Je me réjouis d'ailleurs que, comme je l'avais souhaité le 7 septembre dernier devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, l'Etat et l'UNEDIC continuent d'oeuvrer pour clarifier les rapports entre l'Etat et cette institution. Au vu des contentieux passés - dus tant aux uns qu'aux autres, du reste - il serait utile que nous puissions préciser, pour l'avenir, ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui dépend de l'indemnisation du chômage. J'espère que les négociations qui vont s'engager pour améliorer le système d'indemnisation du chômage, aussi bien entre les partenaires sociaux qu'entre l'Etat et l'UNEDIC, nous permettront de trouver, dans les mois à venir, des solutions pérennes qui rendront nos rapports avec l'UNEDIC meilleurs qu'ils ne l'ont été par le passé.
Aussi, disons les choses simplement : sur le total de 105 milliards de francs d'exonérations, nous avons entre 85 milliards et 90 milliards de francs de ressources d'ores et déjà fixés et connus pour les cinq ans qui viennent.
Reste à réfléchir aux 12 à 13 milliards de francs...
M. Jean Arthuis. Plutôt 15 milliards !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... ou 15 milliards de francs...
Plusieurs sénateurs du RPR. Vingt milliards !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez, messieurs : sur les 12 ou 13 milliards de francs qui proviennent de la sécurité sociale, nous avons la possibilité de maintenir la formule retenue cette année, à savoir le transfert des droits sur les alcools.
Pour les 15 à 20 milliards de francs restants - oui ! - il nous faut effectivement continuer à discuter avec le régime d'assurance chômage ou trouver d'autres solutions, si nécessaire.
M. Alain Gournac. C'est une broutille !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oh, vous savez, trouver 20 milliards de francs sur les cinq ans à venir, c'est moins difficile que de trouver 7 milliards de francs en six mois, tâche urgente à laquelle j'ai dû m'atteler quand je suis arrivée à la tête de ce ministère, pour financer la ristourne Juppé ! Et, au surplus, c'est beaucoup moins que les 24 milliards de francs de déficit que nous avait laissés la loi Balladur sur la famille ! (Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et sur ceraines travées du RDSE.)
M. Henri Weber. C'est pourtant la vérité, chers collègues !
M. Jean Chérioux. Mais êtes-vous sûre d'avoir cinq ans ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Une telle réforme de la baisse des charges patronales, qui est attendue depuis trente ans par les entreprises de notre pays, mérite que nous recherchions des sources de financement, d'autant que les résultats se traduisent très rapidement sur les chiffres du chômage. Or, nous savons bien que c'est l'attente majeur de nos concitoyens. Même si les résultats enregistrés aujourd'hui sont tout à fait bons, nous sommes bien placés, au Gouvernement, pour savoir qu'il reste 2,6 millions de personnes inscrites à l'ANPE, dont beaucoup attendent la mise en oeuvre de ces mesures. Le chemin est encore long pour arriver au plein emploi, auquel, du moins je l'espère, nous aspirons tous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai jamais dit qu'il était facile de faire les 35 heures. D'ailleurs, s'il était si aisé de réduire le chômage, cela se saurait ! En tout cas, le Gouvernement tout entier est déterminé, derrière le Premier ministre, à atteindre l'objectif premier que Lionel Jospin a lui-même fixé pour son action, et pas seulement dans ses discours : l'emploi. A cette fin, deux axes majeurs se présentent à nous : la réduction de la durée du travail et la baisse des charges sociales.
Ces deux axes me paraissent mériter un débat serein et le plus démocratique possible. Sachez que, pour ce qui me concerne, c'est ce à quoi je m'attacherai. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement a déposé, le 28 juillet dernier, un projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.
M. Josselin de Rohan. « Négociée » ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Ce projet de loi, sensiblement amendé et complété par une dizaine d'articles supplémentaires, a été adopté par l'Assemblée nationale le 19 octobre dernier.
La discussion de ce projet de loi intervient dix-huit mois après l'examen d'un autre projet de loi relatif, déjà, à la réduction du temps de travail. La loi du 13 juin 1998 fixait en effet un principe : son article 1er prévoyait que la durée légale du travail serait abaissée à 35 heures par semaine à compter du 1er janvier 2002 et, l'on s'en souvient, dès le 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés. Ce nouveau projet de loi met en oeuvre ce principe, puisqu'il abaisse effectivement la durée légale du travail à compter du 1er janvier 2000, les entreprises de moins de vingt salariés conservant un délai supplémentaire de deux ans.
Je souligne que l'abaissement de la durée légale du travail ne se traduit pas mécaniquement par une baisse de la durée effective du travail. Son effet est indirect, puisqu'il a pour conséquence un renchérissement du coût du travail pour l'entreprise qui ne réduirait pas la durée collective du travail. Dans ce cas, les heures de travail comptabilisées au-delà de la durée légale seraient considérées comme des heures supplémentaires,...
M. Jacques Peyrat. Eh oui !
M. Louis Souvet, rapporteur. ... dont la rémunération est majorée, le salarié bénéficiant, bien entendu, de repos compensateurs.
Le débat que nous engageons aujourd'hui ne porte pas, je le rappelle, sur le principe de la réduction du temps de travail.
Bien sûr, chacun d'entre nous porte un regard particulier sur l'importance à accorder à la réduction du temps de travail. Mais les faits sont là : l'opposition actuelle a beaucoup oeuvré pour favoriser une réduction du temps de travail négociée en considérant que, dans un contexte de chômage massif, aucune piste ne devait être négligée.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Alain Gournac. Nous n'avons pas attendu !
M. Louis Souvet, rapporteur. Le Sénat a toujours été en pointe dans cette démarche, notamment lors de la discussion de la loi du 11 juin 1996 dite « loi Robien », qui incitait les entreprises à réduire la durée collective du temps de travail. Des aides publiques importantes avaient été proposées afin de compenser les coûts induits par la réorganisation et afin d'inciter ainsi à la création ou à la préservation d'emplois.
Il y a dix-huit mois, le Sénat a voté les propositions de la commission qui privilégiaient une nouvelle fois une réduction volontaire du temps de travail selon un barème révisé de la « loi Robien » afin de maîtriser le coût budgétaire du dispositif, de préférence à un abaissement de la durée légale du travail. Votre rapporteur avait d'ailleurs déclaré, mes chers collègues, à cette occasion : « Librement négociée, associée à une souplesse indispensable à la compétitivité de l'économie, la réduction du temps de travail peut sans doute créer des emplois ou en préserver dans certaines entreprises, en fonction du contexte qui est propre à chacune, contexte économique, contexte social, contexte psychologique également, c'est-à-dire volonté commune. »
Peut-on dire pour autant que notre différence ne relève que d'une question de méthode ? Je ne le crois pas.
Le Gouvernement considère en effet que la réduction du temps de travail constitue le principal outil pour créer plus d'emplois que ne le permet la seule croissance.
Pour le Sénat, et pour son rapporteur en particulier, la croissance n'est pas une donnée exogène sur laquelle nous n'aurions aucune prise compte tenu de l'étroitesse des marges budgétaires et monétaires et qu'il s'agirait de compléter en recourant à la généralisation de la réduction du temps de travail. La croissance, c'est-à-dire l'activité économique, est, pour nous, largement dépendante de l'organisation des entreprises et du marché du travail.
Dans ces conditions, la réduction du temps de travail trouve son utilité comme outil au service du chef d'entreprise et comme enjeu de la négociation collective.
Notre débat porte donc non pas principalement sur un principe - la réduction du temps de travail - ou sur une méthode - l'abaissement de la durée du travail - mais plutôt sur une vision de la société et de l'économie.
M. Serge Franchis. Très bien !
M. Louis Souvet, rapporteur. Aujourd'hui, un premier bilan de la loi du 13 juin 1998 est disponible. Il est, bien sûr, trop tôt pour se prononcer sur le bilan de l'abaissement de la durée légale du travail, puisque ce dernier ne sera une réalité qu'au 1er janvier prochain.
Pourtant, cela ne signifie pas qu'un bilan intermédiaire ne soit pas possible. Je n'entends pas engager là, madame la ministre, un débat sur des chiffres, qui sont toujours difficiles à manipuler.
Depuis deux ans, la France est en effet le seul pays au monde à avoir engagé une démarche de réduction de la durée légale du travail. Cette question est devenue l'alpha et l'oméga du débat économique et de la négociation collective. Aucune autre réforme d'envergure n'a été menée, que ce soit en termes d'allégement de cotisations sociales, de flexibilité, de réforme du marché du travail ou encore de formation professionnelle.
Dans ces conditions, en considérant, d'une part, le bilan de la loi du 13 juin 1998 et, d'autre part, les résultats obtenus par les autres grands pays européens, il semble possible de porter un premier jugement sur la validité de l'option choisie par le Gouvernement.
Mon constat rejoint celui de la plupart des partenaires sociaux : le bilan de la loi du 13 juin 1998 ne peut pas sérieusement être considéré comme satisfaisant.
M. Alain Gournac. Ah ça non !
M. Louis Souvet, rapporteur. Reprenons les chiffres annoncés par le Gouvernement au début du mois de septembre et que vous avez confirmés il y a un instant, madame la ministre : environ 120 000 engagements de création d'emplois, dont près de 18 000 emplois préservés et près de 19 000 créés par le secteur public. C'est bien peu compte tenu des moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour inciter l'ensemble des entreprises françaises à signer un accord !
M. Henri Weber. Il y a un début à tout !
M. Louis Souvet, rapporteur. Quinze mille accords signés au 1er septembre 1999 ! Cela signifie que 98,8 % des entreprises occupant au moins un salarié n'ont pas signé d'accord de réduction du temps de travail. On compte 2,2 millions de salariés couverts par un accord, ce qui signifie que 90 % des salariés du secteur marchand ne sont pas couverts par un accord.
M. Alain Gournac. Et on dit que cela marche bien ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Enfin, il est à noter que les 120 000 engagements de création ou de préservation d'emplois ne représentent que 0,58 % des effectifs actuels du secteur marchand. Je rappelle à cet égard que la croissance, à elle seule, a généré la création effective de 500 000 emplois dans le secteur marchand.
Le bilan n'est donc pas à la hauteur des enjeux, avec 3 millions de chômeurs, un chômage de longue durée qui se maintient, une segmentation du marché du travail qui se confirme. Il l'est d'autant moins que l'on peut émettre quelques doutes sur la présentation des résultats de la loi du 13 juin 1998.
Le Gouvernement annonce que les accords ont permis la création ou la préservation de 120 000 emplois et chacun se réjouit de cette contribution positive à la réduction du chômage. Toutefois, il faut souligner que 6 des 15 000 accords concernent à eux seuls près de 600 000 des 2,2 millions de salariés couverts par un accord d'entreprise ou d'établissement, soit 27,5 % du total des effectifs concernés. Ces accords ont été signés par EDF, TDF, la SNCF, le conseil général de la Nièvre, les Mines de potasse d'Alsace et La Poste. D'aucuns pourraient dire que la prise en compte de ces structures publiques biaise sensiblement le bilan.
M. Jacques Peyrat. Cela paraît évident !
M. Louis Souvet, rapporteur. Il est clair, aujourd'hui, que les 85 000 créations d'emplois annoncées - hors secteur public et hors emplois « préservés » - ne constituent que des promesses d'embauches qui restent encore à réaliser, comme vous l'avez reconnu, madame la ministre, lors de votre audition par la commission des affaires sociales.
Je vous ai demandé, madame la ministre, à partir d'un questionnaire écrit, combien d'emplois avaient été effectivement créés au 1er octobre 1999. Je souhaite vous remercier pour les réponses que vous avez bien voulu m'apporter, car elles méritent toute notre attention.
Les réponses à ce questionnaire, qui figurent en annexe du rapport, sont en effet éloquentes. Le Gouvernement estime à environ 30 000 à 40 000 les emplois déjà créés par l'ensemble des accords. Par ailleurs, sur les 6,3 milliards de francs qui avaient été inscrits au budget en 1998 et en 1999 pour financer la loi du 13 juin 1998, seuls 784 millions avaient été consommés à la fin du mois de septembre 1999.
Les faits sont là : 120 000 annonces de création ou de préservation d'emplois contre 30 000 à 40 000 créations effectives !
Mais combien de ces emplois relèvent de l'effet d'aubaine ?
Le Gouvernement les estime à 15 000. Ce chiffre doit être rapproché des 85 000 emplois créés ou préservés par des entreprises ayant signé un accord aidé compte tenu des 18 800 emplois relevant du secteur public et des 16 300 emplois créés ou préservés par des entreprises qui n'ont reçu aucune aide financière, ce qui représente déjà un effet d'aubaine d'environ 18 % et ramène à 70 000 les promesses d'emplois des entreprises ayant signé un accord « Aubry ».
Pourtant, on ne peut encore considérer ce chiffre de 70 000 créations potentielles d'emplois comme une bonne approximation. Il apparaît en effet que la technique retenue par le Gouvernement pour mesurer les effets d'aubaine est pour le moins contestable.
Dans le rapport présenté le 20 septembre dernier, le Gouvernement explique, en effet, que la mesure de l'effet d'aubaine a été obtenue en comparant les entreprises ayant signé un accord « Aubry » avec celles qui, appartenant à un même secteur et ayant une taille comparable, n'ont pas signé d'accord. Les experts du ministère de l'emploi estiment que la rupture observée dans l'évolution des effectifs de ces entreprises constitue une mesure de l'effet sur l'emploi de la réduction du temps de travail.
Le raisonnement, développé à la page 13 du tome I du bilan, serait correct si l'on ne constatait pas avec étonnement, à la page 6 du tome II, dans les annexes, un graphique tout à fait intéressant, et bien peu mis en valeur, qui explique que l'évolution des deux catégories d'entreprises examinées par les services du ministère différait déjà entre 1990 et 1996, c'est-à-dire avant le vote de la loi Robien et bien avant celui de la première loi Aubry.
Tout cela signifie que, bien qu'appartenant à un même secteur et ayant la même taille, les entreprises ayant signé un accord ne sont pas comparables à celles qui n'en ont pas signé. L'évolution de l'emploi dans les entreprises signataires est spontanément plus favorable. (Mme le ministre s'exclame.)
Paradoxalement, les données rassemblées dans les annexes du rapport publié le 20 septembre par le Gouvernement démontrent que l'effet d'aubaine joue à plein et que les entreprises qui ont signé un accord en promettant d'embaucher étaient celles qui avaient déjà tendance à embaucher, c'est-à-dire celles qui bénéficiaient d'un avantage compétitif.
Quelle est, dans ces conditions, la véritable mesure de l'effet d'aubaine ?
Le Centre des jeunes dirigeants estime que 50 % des emplois créés relèvent de l'effet d'aubaine ; les chambres de commerce et d'industrie parviennent à une estimation de 70 %, tandis que Bernard Brunhes considère que la quasi-totalité des embauches réalisées relève de l'anticipation, c'est-à-dire littéralement de l'effet d'aubaine. Ces estimations ramèneraient à un nombre compris entre 25 000 et 43 000 les engagements relatifs à des créations ou des préservations d'emploi en vertu de la loi du 13 juin 1998. Il pourrait donc exister un rapport de un à quatre entre les emplois nouveaux qui n'auraient pas existé sans la loi et les emplois annoncés. Ramenés au nombre des créations effectives d'emplois tel que les estime le Gouvernement, cela signifierait que seuls 10 000 emplois nouveaux auraient été créés du fait de la loi du 13 juin 1998 sur les 30 000 à 40 000 recensés par le Gouvernement à la fin du mois de septembre 1999.
M. Claude Domeizel. C'est vous qui le dites !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je rappelle de nouveau, à cet égard, que la croissance, à elle seule, a généré la création effective de 500 000 emplois dans le secteur marchand.
Ces chiffres limitent considérablement l'impact des 35 heures sur l'évolution de l'emploi, ce que confirme l'analyse de l'évolution du chômage chez nos voisins européens.
Le taux de chômage français, supérieur à 11 %, est, en 1999, parmi les plus élevés de l'ensemble de l'Union européenne. Je crois que seule l'Espagne est derrière nous. Ce taux est aujourd'hui de 7 % en Suède, 6,5 % en Irlande et au Royaume-Uni, 4,5 % au Portugal, en Autriche et au Danemark, 3,3 % aux Pays-Bas. Cette comparaison n'est pas à l'avantage de notre politique de l'emploi ! La France, en effet, est le pays, parmi ceux qui avaient les plus hauts taux de chômage en 1997, à avoir obtenu les moins bons résultats depuis deux ans en termes de réduction du chômage.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Henri Weber. Première nouvelle !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je suis content de vous apprendre quelque chose ! (Sourires.)
En deux ans, la Suède, l'Irlande et la Finlande, qui connaissaient des taux de chômage compris entre 10 % et 12 %, ont réduit celui-ci de 20 % à 33 %, contre seulement 11 % pour la France. Seule l'Italie a fait moins bien que nous. Peut-on le rappeler ? C'est le seul pays qui a manifesté un intérêt pour les 35 heures et qui a, d'ailleurs, depuis longtemps, renoncé à une politique d'abaissement généralisé de la durée du travail.
Il apparaît clairement, au terme de cette analyse du bilan réalisé par le Gouvernement, que les emplois ne sont pas au rendez-vous de la loi du 13 juin 1998.
Cette loi n'a pourtant pas été sans conséquence. La centaine d'accords de branche et les 15 000 accords d'entreprise sont une réalité. Sous la contrainte exercée par la perspective de la seconde loi, les partenaires sociaux ont négocié ce dont les entreprises avaient besoin : la flexibilité. Cette loi a fait « tomber les tabous » sur l'organisation du travail. Les salariés ont dû accepter la flexibilité contre une amélioration des conditions de travail et une réduction du temps de travail. Les accords signés ont prévu dans plus de 42 % des cas la fluctuation des horaires, dans 25,2 % le redéploiement des qualifications des salariés et dans 21 % l'augmentation de l'amplitude d'ouverture.
Les partenaires sociaux sont pourtant peu nombreux à considérer le bilan de la loi du 13 juin 1998 comme satisfaisant.
Les désaccords entre le Gouvernement et les partenaires sociaux portent sur quatre points : la capacité de ce dispositif à créer des emplois, l'ouverture inopinée d'un débat sur la représentativité syndicale, l'articulation du second projet de loi avec les accords déjà signés et la question du financement. On pourrait ajouter la question de l'application des 35 heures aux trois fonctions publiques, qui pose un problème de coût considérable.
L'article 2 de la loi du 13 juin 1998 appelait les partenaires sociaux « à négocier d'ici les échéances fixées à l'article 1er » - 2000 ou 2002 selon la taille de l'entreprise - « les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises ».
Les employeurs considèrent que les entreprises ont joué le jeu et que chacun a négocié selon les exigences de sa profession, dans un dialogue parfaitement classique. Or il semble bien que les accords étendus ne soient pas opérationnels, le Gouvernement ayant refusé ce que demandaient les entreprises concernant le régime des cadres, la durée du travail en cas d'annualisation, le développement de la formation en dehors du temps de travail, ou encore le nombre d'heures supplémentaires effectivement applicable.
La question de la validité des accords est essentielle. Vous venez de rappeler, madame la ministre, votre position, qui consiste à considérer que le projet de loi s'inspire largement des accords conclus et que les accords de branche étaient tous pris en compte à l'exception des clauses illégales ; vous l'avez d'ailleurs dit devant la commission des affaires sociales. Vous savez que la commission des affaires sociales proposera un important amendement tendant à valider l'ensemble des accords pour une durée de cinq ans. Ce faisant, il s'agit simplement, pour elle, de tirer les conséquences des négociations ouvertes par la loi du 13 juin 1998.
Le Gouvernement est face à ses propres contradictions. Il a incité, voilà dix-huit mois, les partenaires sociaux à faire preuve d'imagination, à innover et, aujourd'hui, le sort de ces accords négociés devrait dépendre de nouvelles orientations définies par le Gouvernement a posteriori, selon un nouveau principe de « rétroactivité sociale ».
Les chefs d'entreprise, dans ces conditions, peuvent dénoncer facilement le double jeu du Gouvernement, qui exerce un droit de regard sur le contenu des accords tout en précisant que les dispositions étendues « ne préjugent pas le contenu de la seconde loi ».
Il apparaît aujourd'hui non seulement que les partenaires sociaux n'ont pu négocier ce qu'ils souhaitaient, c'est-à-dire - je cite de nouveau les termes de l'article 2 de la loi du 13 juin 1998 - « les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises », compte tenu des réserves et des exclusions soulevées par le ministère de l'emploi lors de l'extension, mais qu'il leur faudra encore renégocier certains accords sur des clauses fondamentales, compte tenu des dispositions figurant dans le présent projet de loi.
Autant la loi du 13 juin 1998 a pu être présentée comme une loi-cadre sur la réduction du temps de travail, autant ce nouveau texte constitue un recadrage brutal, compte tenu, notamment, des amendements souvent très contraignants adoptés en première lecture à l'Assemblée nationale.
On peut rappeler les principales dispositions du projet de loi.
L'article 1er est sans doute le plus emblématique, puisqu'il confirme le principe de la réduction de la durée légale à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et au 1er janvier 2002 pour les autres.
L'article 2 modifie le régime des heures supplémentaires pour tenir compte de l'abaissement de la durée légale prévu par l'article 1er.
L'article 3 unifie et simplifie le régime des modulations autour des 35 heures.
L'article 4 pérennise la possibilité d'organiser la réduction du temps de travail sous forme de journées ou de demi-journées de repos.
L'article 5 distingue trois catégories de cadres.
L'article 6 modifie le régime du temps partiel.
L'article 11 prévoit des allégements de cotisations sociales pour les entreprises ayant conclu un accord de réduction du temps de travail.
L'article 12 définit le barème d'allégement de cotisations sociales.
L'article 14 valide les accords conclus avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, mais seulement pour un an.
L'article 15 traite des conséquences du refus par un salarié d'accepter une modification de son contrat de travail consécutive à la réduction du temps de travail.
L'article 16 garantit les revenus des salariés rémunérés au niveau du SMIC et passés aux 35 heures.
L'étendue des dispositions du projet de loi comme leur complexité, notamment en ce qui concerne le régime des heures supplémentaires, illustrent bien le recadrage opéré par le Gouvernement à l'occasion de ce projet de loi. Il s'agit non plus seulement d'abaisser la durée légale du temps de travail mais aussi de renforcer l'encadrement par le code du travail du pouvoir de gestion des chefs d'entreprise.
Le débat à l'Assemblée nationale a d'ailleurs pris un tour très idéologique. L'objectif de création d'emplois est clairement passé au second rang derrière la dimension sociale.
Vous avez déclaré, madame la ministre, que « les enjeux de la loi étaient clairs : non seulement rechercher un meilleur équilibre quantitatif entre le temps de travail, le temps pour soi, le temps pour les autres, mais aussi améliorer la qualité de la vie de travail comme de la vie personnelle » à travers le sport, le bricolage, le jardinage, la culture, la flânerie, etc. Vous avez inscrit le projet de loi - je vous cite encore - « au coeur des grandes luttes sociales de notre pays pour l'amélioration des conditions de vie, pour la défense et le développement de l'emploi ». Je vous renvoie à la page 6858 du Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, séance du 5 octobre dernier.
A débat idéologique, texte idéologique, serait-on tenté de répondre. Il apparaît en effet que l'adoption des nombreux amendements présentés quelquefois conjointement par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, les membres du groupe socialiste et les membres du groupe communiste a sensiblement durci le texte. Par ailleurs, des articles additionnels ont été adoptés sans rapport avec la réduction « négociée » du temps de travail, qui réécrivent de nombreuses dispositions du code du travail.
Le plus emblématique de ces ajouts « idéologiques » est sans doute l'amendement à l'article 1er, déposé par la commission et les membres du groupe socialiste, qui impose aux employeurs projetant un plan social d'engager préalablement une négociation tendant à la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail.
Ces durcissements sont perceptibles tout au long du texte. La définition du travail effectif - article 1er - a été modifiée pour inclure « le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses ainsi que certains temps d'habillage et de déshabillage ».
Les horaires d'équivalence ont été strictement encadrés - article 1er quater - de même que les astreintes - article 1er quinquies. Le délai de prise du repos compensateur a été réduit de six mois par un amendement à l'article 2.
La durée maximale du travail hebdomadaire a été abaissée à 44 heures par un article additionnel 2 bis.
Un repos hebdomadaire de 35 heures a été créé par un article additionnel 2 ter, sans possibilité de dérogation, contrairement à ce que prévoit la directive européenne.
Le régime unique de modulation de l'article 3 a été durci par un amendement qui prévoit que l'accord doit préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.
Un article 4 bis a renforcé les modalités de contrôle du repos dominical.
La catégorie des cadres dirigeants de l'article 5 a été strictement délimitée.
Par ailleurs, des conditions supplémentaires pour obtenir le bénéfice des allégements de cotisations sociales prévus à l'article 11 ont été introduites.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale ont toutes privilégié le renforcement et le durcissement de l'ordre public social, de préférence à l'élargissement du champ d'intervention des partenaires sociaux.
Comme toujours avec ces « grandes lois » sur le renforcement des garanties accordées aux salariés, il apparaît que les résultats contredisent parfois, pour ne pas dire souvent, les objectifs. Non seulement ces lois ont tendance à privilégier l'amélioration des conditions de travail des salariés en place au détriment des perspectives d'emploi pour les chômeurs, mais il fait peu de doute que les contraintes imposées aux chefs d'entreprise les amèneront à augmenter encore la productivité, la substitution du facteur capital au facteur travail, et donc à pénaliser l'emploi salarié.
Au-delà d'un principe - la réduction du temps de travail - et d'une méthode - l'abaissement de la durée légale du travail - il existe donc une véritable rupture entre la vision de la société qui porte ce projet de loi et les convictions profondes que partagent la majorité des membres de notre commission. Les 35 heures, bien qu'elles aient constitué la vingt-troisième des cent dix propositions de François Mitterrand en 1981, n'avaient pas été appliquées, la durée légale ayant été ramenée de 40 à 39 heures. Toutefois, l'idée a demeuré. En 1982, deux des inspirateurs du présent projet de loi, MM. Yves Barou et Jacques Rigaudiat, écrivaient déjà que la réduction du temps de travail était la seule voie permettant d'éviter la solution néolibérale. Ils considéraient que « travailler deux heures par jour, et 40 000 heures tout au long de sa vie, ce vieux rêve de l'humanité, était aujourd'hui à notre portée ». Ils concluaient que « le droit à la paresse était d'abord une conquête à réaliser avant d'être une jouissance à savourer ».
Sans dénier l'importance des loisirs pour les salariés, votre rapporteur souhaite réaffirmer aujourd'hui combien le travail reste un principe de liberté indispensable à la cohésion de la société, et vous l'avez rappelé voilà un instant, madame la ministre. Comme l'observe très justement Max Weber, la division du travail qui caractérise nos économies contraint chaque individu à travailler pour les autres et constitue ainsi un puissant facteur d'unité et de solidarité.
Plutôt que de considérer le travail comme une aliénation, je préfère penser avec Hannah Arendt que « la condition humaine du travail est la vie elle-même ». Je rappellerai à cet égard les termes de la première phrase du cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. »
M. Henri Weber. Excellente citation !
M. Louis Souvet, rapporteur. Comme j'ai essayé de le démontrer, je ne crois pas que notre commission puisse accepter ce texte en l'état. Nos objections sont fondées. Elles se trouvent par ailleurs aujourd'hui renforcées par les incertitudes qui entourent le financement du dispositif.
Au Sénat, le 29 juin 1998, lors du débat sur la proposition de loi tendant à alléger les charges sur les bas salaires, dont le premier signataire était M. Christian Poncelet, alors président de la commission des finances, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat, avait déclaré - vous le voyez, nous avons de bonnes lectures - que le Gouvernement n'avait pas souhaité poursuivre cette politique d'allégement des charges pour trois raisons : le niveau des charges ne constituait pas selon lui un obstacle certain à l'emploi, l'efficacité des allégements de charges lui semblait relative et le financement d'un tel dispositif lui apparaissait comme difficile.
Il est aujourd'hui entendu que le Gouvernement est revenu sur ses deux premières objections - il reconnaît que le coût du travail constitue bien un obstacle à l'emploi et que les allégements de charges sont efficaces - mais il semble que le troisième point relatif au financement lui pose toujours un problème, et je le comprends.
Le Gouvernement a en effet prévu dans le présent projet de loi un allégement de cotisations sociales spécifique pour les entreprises signataires d'un accord de réduction du temps de travail ayant abaissé la durée collective du travail à 35 heures au plus. Tout emploi inscrit dans ce cadre donnera droit, à partir de l'an 2000, à un abattement de cotisations patronales compris entre 21 500 francs par an au niveau du SMIC et 4 000 francs à 1,8 SMIC et au-delà. Les entreprises qui ne seront pas éligibles au nouveau dispositif contineront de bénéficier de la ristourne dégressive sur les bas salaires, dite ristourne Juppé.
Le financement des allégements de cotisations sociales et des aides « 35 heures » est assuré par un fonds de financement créé par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000 et auquel se réfère le paragraphe XVI de l'article 11 du présent projet de loi.
Ce fonds a une double mission : financer les aides accordées aux entreprises passant aux 35 heures et financer les allégements de charges sociales sur les bas salaires.
Le suivi des modalités de financement de ce fonds constitue une vraie prouesse puisqu'elles ne cessent de changer depuis une dizaine de jours.
Ce fonds est alimenté par des recettes d'origines diverses. Il bénéficie tout d'abord d'une fiscalité affectée, pas moins de trois prélèvements : droits sur les tabacs, contribution sociale sur les bénéfices et taxe générale sur les activités polluantes. Ce fonds bénéficie également, dans la rédaction adoptée sans modification par l'Assemblée nationale et que nous examinons aujourd'hui, de contributions de l'Etat, de l'UNEDIC et des régimes de sécurité sociale.
En 2000, le financement de la ristourne Juppé sur les bas salaires actuelle est assuré par 85,5 % des droits sur les tabacs dans la limite de 39,5 milliards de francs.
L'extension de la ristourne Juppé actuelle sur les bas salaires serait financée par l'agrégation improbable de la taxe générale sur les activités polluantes - 3,2 milliards de francs - et de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés - 4,3 milliards de francs.
Les 17,5 milliards de francs résultant directement des 35 heures devaient être financés en 2000 par une contribution de l'Etat, une contribution des régimes de protection sociale et une contribution de l'UNEDIC.
Par ailleurs, il convient de rappeler que le produit de la contribution de 10 % sur les quatre heures supplémentaires entre trente-cinq et trente-neuf heures, payée par les entreprises dont la durée collective du travail n'a pas été abaissée à trente-cinq heures, est affecté au fonds. Mais cette taxe ne peut en aucun cas constituer une recette comptable pérenne. Le Gouvernement avait d'ailleurs prévu initialement de la considérer comme une réserve de trésorerie.
Le financement du fonds à terme nous semble encore moins défini. Dans l'exposé des motifs de l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il est précisé que « les dépenses seraient de l'ordre de 100 à 110 milliards de francs par an ». Le coût proprement dit des 35 heures atteindrait alors 40 milliards de francs - vous l'avez rappelé voilà un instant, madame le ministre, et nous ne sommes pas en opposition sur ce chiffre - et l'extension de la « ristourne Juppé », 25 milliards de francs. Les 40 premiers milliards de francs d'allégements seraient toujours financés par les tabacs, et les 25 milliards de francs supplémentaires le seraient par la taxe générale sur les activités polluantes et par la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés. La contribution des organismes sociaux et de l'Etat était estimée à 40 milliards de francs.
Votre rapporteur, comme, je crois, la majorité des membres de la commission, ne pouvait qu'être très défavorable à ce plan de financement.
L'affectation des droits sur les tabacs à un fonds de financement mélangeant allégements et aides pérennes au passage aux 35 heures ne répond en rien à un impératif de santé publique.
La contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, dont l'affectation au fonds de financement est proposée à l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, est, en fait, une majoration déguisée de l'impôt sur les sociétés. Le produit de la taxe générale sur les activités polluantes est détourné de son objet, qui devrait être la réparation des dommages causés à l'environnement.
Par ailleurs, votre rapporteur estime que demander des contributions à la sécurité sociale et à l'UNEDIC pour financer des allégements de charges et la réduction du temps de travail constitue un détournement de la finalité des ressources de ces régimes, compte tenu des ambiguïtés qui entourent la notion de « recyclage » des bénéfices à attendre des créations d'emplois dans le cadre des 35 heures.
Les régimes sociaux et les partenaires sociaux ont réaffirmé en juillet et en septembre leur opposition à cette contribution. En maintenant son dispositif jusqu'à la première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a pris le risque de mettre fin au paritarisme dans les régimes sociaux, ce qui est très grave.
Au surplus, ces contributions présentaient le caractère d'impositions. Chacun le sait, le législateur est seul compétent pour fixer les règles concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature », conformément à l'article 34 de la constitution du 4 octobre 1958.
Si l'annonce par le Gouvernement de l'abandon du principe d'une contribution de la part des régimes sociaux et de l'assurance chômage doit être saluée comme un « retour à la raison », elle ne laisse pas moins la question du financement en suspens.
Le Gouvernement a annoncé que cette contribution serait remplacée par une fraction des droits de consommation sur les alcools au détriment du fonds de solidarité vieillesse, dont les excédents étaient jusqu'alors destinés à l'alimentation du fonds de réserve pour les retraites.
Il manquera huit milliards de francs dès l'an prochain ; il manquerait une vingtaine de milliards de francs à terme. Ce projet de loi ne paraît donc pas financé en totalité.
Afin de ne pas être accusé de préférer les 35 heures aux retraites, le Gouvernement a décidé, par un amendement à l'article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, d'affecter au fonds de réserve des retraites 49 % du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placements.
Ce prélèvement social était affecté à la caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF, à la caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV et à la caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM. La fraction affectée à la CNAM passerait de 28 % à 8 %, celle de la CNAF de 22 à 13 % et celle de la CNAV de 50 à 30 %.
Les organismes de sécurité sociale contribueront ainsi, de manière certes indirecte, au financement des 35 heures, non pas par un prélèvement classé dans leurs « dépenses », mais par une perte de recettes.
On notera que la loi portant création de la couverture maladie universelle, la CMU avait prévu que la CNAM bénéficierait de 28 % de ce prélèvement, dans le cadre du financement de la couverture maladie universelle. Le financement de la CMU est remis en cause avant même le début d'entrée en vigueur de cette réforme. La CNAM financera de manière indirecte les 35 heures, au détriment de la CMU.
Ce nouveau tour de passe-passe financier, s'il est bien exact et s'il n'y a pas erreur de lecture, est bien entendu inacceptable pour la commission des affaires sociales, qui dénonce une tentative visant à rétablir le principe d'une contribution des régimes sociaux au financement des 35 heures.
Le rapporteur que je suis prend acte des reculs et des hésitations du Gouvernement. Il vous propose d'apporter une solution radicale aux problèmes posés par ce projet de loi en modifiant ce dernier selon quatre principes.
Le premier axe est la suppression des dispositions relatives à l'abaissement de la durée légale du travail. Il s'agit de l'article 1er, mais aussi des articles 2 - le régime des cadres - 11 - l'allégement des charges s'il y a réduction du temps de travail - 12 - le barème de l'allégement - 16 - le double SMIC - et 17 - les 35 heures dans le secteur agricole.
Le deuxième axe est la correction des dispositions adoptées à l'Assemblée nationale pour durcir le texte. Il s'agit de supprimer ou d'amender les articles 1er bis - les contreparties à l'aménagement du temps de travail - 1er ter - la modification de la durée du travail effectif - et 4 bis - le renforcement du contrôle du travail dominical.
Le troisième axe est l'enrichissement des dispositions non liées à l'abaissement de la durée légale du travail.
Des amendements importants sont notamment proposés aux articles 3 - le régime unique de modulation - 6 - le travail à temps partiel - et 9 - le compte épargne-temps.
Enfin, le quatrième axe est le développement de la négociation collective et la garantie de l'application des accords. Quatre amendements visant à créer des articles additionnels vous seront proposés.
Le premier de ces amendements tend à appeller les partenaires sociaux à participer à une conférence nationale sur le développement de la négociation collective.
Le deuxième a pour objet de valider pour cinq ans les clauses des accords conclus en application de la loi du 13 juin 1998.
Le troisième vise à valider l'accord signé par les partenaires sociaux le 8 avril 1999 qui reconduit le mandatement tel qu'il avait été défini par l'accord interprofessionnel de 1995.
Enfin, le quatrième de ces amendements tend à prévoir que les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social pourront bénéficier de l'aide prévue par la première loi Aubry jusqu'en juin 2000 afin de tenir compte des contraintes spécifiques auxquelles doivent faire face ces établissements du fait de la procédure d'agrément.
Telles sont les propositions que la commission vous proposera d'adopter par voie d'amendements.
Ces propositions ont pour objet de réhabiliter le dialogue social et la confiance dont peuvent se prévaloir les partenaires sociaux dans la recherche de l'intérêt général en matière d'emploi, d'organisation du temps de travail et de protection sociale. Depuis deux ans, les partenaires sociaux ont pu légitimement se sentir dessaisis par l'intervention du législateur.
Aujourd'hui, la commission vous propose de revenir sur les dispositions du projet de loi qui matérialisent cette méfiance envers les partenaires sociaux. Elle vous propose également de préparer l'avenir en favorisant le développement d'un droit de la durée du travail qui reposerait principalement sur des dispositions conventionnelles.
Il s'agit d'une autre démarche que celle qui est privilégiée par le Gouvernement, une démarche qui pourrait mener à l'adoption par le Sénat d'une loi très différente de celle qui a été votée par l'Assemblée nationale : une loi à la fois plus modeste parce qu'elle s'appuie principalement sur la négociation collective et plus ambitieuse parce qu'elle repose sur les femmes et les hommes qui, quelles que soient leurs fonctions, font avancer notre économie et assurent le développement de notre société. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 59 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dix-huit mois après l'entrée en vigueur de la loi du 13 juin 1998 qui a permis de relancer le processus séculaire et continu de la réduction du temps de travail, nous engageons à nouveau le débat sur un projet phare de la gauche plurielle visant à généraliser et à mettre en oeuvre, à compter du 1er janvier 2000, l'abaissement effectif à 35 heures par semaine de la durée légale du travail.
Depuis des années, le mouvement syndical, les salariés étaient porteurs d'une telle revendication.
Conçue non seulement comme un moyen efficace de lutter contre le chômage, la réduction du temps de travail doit être aussi et avant tout un facteur d'amélioration des conditions de travail, de bien-être, de meilleure maîtrise du temps.
Certains, résolument hostiles par principe à cette idée novatrice pour l'évolution de notre société, considèrent que la réduction du temps de travail est « en train de développer dans le pays la culture de la paresse » ! Je n'invente rien, ces propos ayant été tenus par un député ! Les chômeurs, les salariés précaires à temps partiel, les cadres apprécieront !
D'autres, conscients que les entreprises ne peuvent faire l'économie d'une réflexion globale sur leur organisation, se servent de la réduction du temps de travail comme d'un alibi pour aménager le temps de travail, le moduler, l'annualiser, en somme le « flexibiliser ».
« Librement négociée, associée à une souplesse indispensable de l'économie », telles sont les conditions posées à la réduction du temps de travail ! Oui aux conditions nouvelles de disponibilité quasi permanentes imposées aux salariés, aux amplitudes horaires débridées, aux heures supplémentaires non payées ; le tout sans garanties ni contreparties réelles !
Je rappellerai qu'actuellement près d'un salarié sur deux travaille le samedi, régulièrement ou non ; un travailleur sur quatre serait contraint de travailler le dimanche.
En fait, aucune réflexion d'envergure, aucun dialogue sur un projet commun de développement ne viennent contrarier l'objectif de baisse du coût du travail ; il s'agit le plus souvent, et en s'appuyant sur un volant de main-d'oeuvre précaire non négligeable, d'optimiser les marges en produisant en flux tendu.
Ces dernières années, les entreprises ont usé de l'excuse du chômage de masse, de la concurrence pour obtenir toujours plus de déréglementation, de flexibilité. Au sein d'une même entreprise se côtoient de plus en plus des salariés à temps plein, à temps partiel, en pluri-activité. Consécutivement à l'intensification du travail, les souffrances tant physiques que mentales font des ravages. Pour autant, cette souplesse prétendument nécessaire a-t-elle engendré de l'emploi stable et correctement rémunéré ? Certainement pas !
Entre 1993 et 1997, la part de l'emploi temporaire - contrats à durée déterminée et intérim - a représenté 87 % de la croissance en emploi. La précarité a explosé. Le rapport capital-travail s'est profondément dégradé. La masse salariale n'a cessé de baisser.
L'étude annuelle de l'INSEE sur les « revenus et patrimoines des ménages », publiée en octobre, est riche d'enseignements sur le niveau de vie des personnes payées au SMIC : ainsi, 63 % de ces salariés ont perçu, en fait, au titre de 1996, moins que l'équivalent d'un SMIC annuel imposable. Le temps partiel, les périodes d'inactivité en sont la cause.
Voilà le résultat de votre laissez-faire, de votre positionnement sur un registre ultra-libéral !
La croissance en emplois était finalement inexistante, et toute négociation était jusqu'à ces dernières années bien souvent impossible, voire dans l'impasse.
Contrairement à vous, nous pensons qu'une action volontariste est plus que justifiée dans le domaine de l'emploi et que c'est à la loi d'impulser, de fixer un cadre, un socle solide de droits et de garanties servant en l'espèce d'appui, de levier aux négociations des 35 heures.
Plus généralement, nous attendons de l'Etat qu'il intervienne pour réguler la sphère économique.
L'annonce simultanée faite, début septembre, par le groupe Michelin d'un nouveau plan de restructuration prévoyant à la clé la suppression de 7 500 emplois en Europe et d'excellents résultats a évidemment suscité une vive indignation, de fermes condamnations.
Mais au-delà, à nouveau, des questions de fond ont été pointées concernant les conséquences de la mondialisation, l'efficacité des fonds publics distribués, la pression insupportable des marchés financiers et les mécanismes possibles de régulation.
Malgré la baisse des chiffres du chômage, l'amélioration notamment de l'emploi des jeunes et des chômeurs de longue durée, ce dont nous nous réjouissons, des conjonctures mondiale et nationale plus favorables, la rentrée sociale est marquée par des inquiétudes fortes.
Pour y répondre, les parlementaires communistes ont rappelé l'urgence de réformes législatives visant non seulement à lutter contre le développement du travail précaire mais aussi à s'attaquer aux licenciements économiques.
Le débat en deuxième lecture, à l'Assemblée nationale, sur la deuxième loi relative à la réduction négociée du temps de travail a permis d'apporter un début de réponse, notamment avec l'adoption de l'amendement Michelin.
Le traitement que vous réservez à cette disposition - la suppression - les commentaires qu'elle suscite de la part de la majorité de la commission des affaires sociales du Sénat témoignent que, pour certains, les licenciements sont un mal nécessaire !
A l'inverse, nous comptons saisir toutes les opportunités pour que cette disposition soit non pas une simple réponse de circonstance, mais un prélude à une réforme de la procédure des licenciements économiques.
Je rappelle que nous avons déposé une proposition de loi visant à prévenir les licenciements, en faisant réellement de ces derniers un ultime recours pour l'employeur et en renforçant notamment les droits des comités d'entreprise et des syndicat ; cette proposition de loi se nourrit des avancées de la jurisprudence en ce domaine.
Pour en terminer sur ce point - mais j'aurai l'occasion d'y revenir lors de l'examen de l'article 15 - j'attire l'attention du Gouvernement sur le fait qu'il serait dangereux, sous couvert de sécurisation juridique, de permettre le contournement des obligations auxquelles les employeurs sont tenus de par la loi du 27 janvier 1993 ou des jurisprudences Framatome et Majorette. Qu'il s'agisse d'un licenciement économique direct ou détourné, la règle qui doit demeurer est celle de l'élaboration d'un plan social, du contrôle par les représentants du personnel et par le juge en amont.
Les exigences sociales réalistes et légitimes, exprimées notamment à l'occasion de la manifestation du 16 octobre dernier, rappellent combien il est impérieux que le Gouvernement continue de se servir de différents leviers pour combattre le chômage.
Aujourd'hui, l'aberration, ce ne sont pas les 35 heures, comme se plaisent à le rappeler inlassablement le MEDEF ou certains parlementaires de droite, qui jurent de défaire cette loi dès qu'ils en auront l'occasion. L'aberration, c'est le non-emploi, le sous-emploi, les millions de chômeurs, les journées de travail « à rallonge », les semaines « marathon » ! L'aberration, c'est le développement de la précarité, de la grande pauvreté, de la misère. L'aberration, c'est cette France duale qui se construit sous nos yeux.
Je partage pleinement le point de vue de M. Cazettes qui, concernant le rassemblement organisé par le MEDEF, a dit y retrouver « des accents archaïques de l'époque du début du siècle, quand il s'agissait d'interdire le travail de nuit des enfants ».
Les parlementaires communistes ont fait le choix des 35 heures, ils ont été à l'origine de cette problématique et l'ont portée.
Nous partageons les ambitions, les enjeux de cette loi qui doit permettre de créer ou de préserver des emplois stables pour donner tout son sens à l'objectif du plein emploi, de dégager du temps libre pour les salariés - du temps réellement maîtrisé pour les loisirs, la famille, la vie associative - et d'améliorer les conditions de travail en réorganisant celui-ci au sein de l'entreprise, tout en permettant la promotion de l'égalité professionnelle et des droits des salariés.
Après un an d'application de la première loi sur la réduction du temps de travail, des accords de branche et d'entreprise extrêmement divers ont été conclus en fonction des réalités et des rapports de forces existants. Ce qui a pu être accepté dans une branche, dans le cadre d'accords souvent minoritaires, voire très minoritaires - comme pour la banque ou la chimie - a souvent été rejeté dans biens d'autres.
L'étude de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, annexée au bilan et au rapport d'analyse du ministère de l'emploi et de la solidarité, révèle qu'une fois sur deux, en cas d'accord, la modulation des horaires est la monnaie d'échange du passage aux 35 heures.
Cette augmentation des amplitudes horaires, cette souplesse accrue qui va de pair avec des postes à temps partiel et des bas salaires ont fait irruption dans les entreprises et dans des secteurs précédemment peu coutumiers de cette organisation du travail. En revanche, là où ces modalités s'appliquent déjà, les négociations sur les 35 heures ont permis de réduire et de mieux planifier ces dernières.
L'accord dans le textile, signé par tous les syndicats en octobre 1998, en témoigne. Il nous enseigne aussi que, dans un secteur dit « sinistré », des avancées peuvent être obtenues et qu'il est possible, même dans des petites entreprises, d'avoir une vraie réduction du temps de travail avec maintien des rémunérations et création d'emplois ! Il s'agit donc de négocier.
Le MEDEF fait de la résistance, comme vous, messieurs de la majorité sénatoriale, qui mettez tout en oeuvre pour vider de son sens la réduction du temps de travail.
Quant à nous, nous avons travaillé pour enrichir le texte proposé par le Gouvernement, voire en infléchir l'équilibre.
Notre intention n'est pas de corseter, de durcir le texte, mais tout simplement de réaffirmer et renforcer des garanties légales afin d'assurer une négociation plus équilibrée.
Pour que cette revendication sociale majeure des salariés soit effectivement facteur de progrès tant économique que social et soit réellement à la hauteur des attentes des Français, les parlementaires communistes ont amendé ce texte.
Concernant les modalités sociales de passage aux 35 heures, nous avons fait un certain nombre de propositions visant toutes à ce que la réduction du temps de travail soit la plus riche possible en emplois et la moins propice à la flexibilité.
Certains points du texte ont évolué en ce sens. Je pense notamment à l'intégration des temps de pause, d'habillage et de repas dans le temps de travail effectif lorsque les salariés demeurent à la disposition de l'employeur, ou encore à la majoration de 50 % des heures supplémentaires dès la quarante-troisième heure au lieu de la quarante-septième heure, comme le prévoyait initialement le texte.
Par ailleurs, dans le cadre de la modulation, un délai de prévoyance et une consultation du comité d'entreprise ont été instaurés.
L'abattement de 30 % des charges sociales pour le temps partiel sera supprimé en 2001, mais les aides restent acquises pour les contrats en cours.
Un dépassement régulier des horaires de travail prévu dans le contrat à temps partiel pourra entraîner sa révision.
Sur le SMIC, enfin, les salariés des entreprises nouvelles pourront bénéficier du SMIC réévalué à condition qu'un accord soit signé. Toutefois, à défaut, ils en seront exclus.
Nous n'entendons pas ici minimiser les améliorations sensibles apportées au texte. Par nos amendements et nos interventions, nous ciblerons toutefois les points qui demeurent insuffisants ou qui appellent des précisions. C'est ainsi que mon amie Nicole Borvo interviendra spécifiquement sur le problème des cadres.
Nous insisterons également sur la question de l'application de la réduction du temps de travail dans la fonction publique, sur la période transitoire qui joue contre l'emploi, sur les dangers de la banalisation de la modulation et de l'annualisation du temps partiel - que certains décrivent comme un choix assumé par une majorité de femmes ! - mais aussi sur le SMIC, la formation professionnelle et la sécurisation juridique.
Je tiens à m'arrêter sur les ajouts importants apportés à l'article 11 concernant le financement.
Sur des points sensibles tels que la subordination des aides à un engagement de création ou de préservation de l'emploi, ou encore les droits nouveaux dans le contrôle de l'utilisation des aides et le suivi des engagements pris dans les accords, il était capital que le texte initial évolue. Nous nous en réjouissons.
Depuis quelques jours, il est acquis que les organismes sociaux ne contribueront pas à financer les 35 heures. C'est aussi un pas positif ! Toutefois, la question essentielle du choix opéré privilégiant la baisse du coût du travail reste posée. Nous avancerons notre proposition d'un financement alternatif favorisant l'emploi et les dépenses de formation.
Nous verrons, tout au long des débats, que les solutions que vous préconisez tendent toutes à promouvoir des outils de flexibilité tels que la modulation, le travail à temps partiel ou le compte épargne temps et à valider, comme le demande le MEDEF, les clauses illégales des accords conclus en application de la première loi.
A l'évidence, votre état d'esprit est beaucoup plus tourné vers la déréglementation et le démantèlement du code du travail que vers la construction au service du progrès social.
Vous laissez le champ libre aux négociations, tout en écartant le principe majoritaire !
En supprimant treize articles - tout ce qui concerne la réduction du temps de travail ! - vous faites de ce projet de loi un texte sur la réorganisation du travail, sur la flexibilité, en fait un texte de déréglementation, sans oublier de revendiquer allégements et exonérations sans conditions au nom du « toujours plus » !
Vous comprendrez que nous ne pourrons que nous opposer vivement à un tel texte et voter contre un projet de loi complètement dénaturé. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, prenant la parole au nom de la majorité de mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, je ne peux m'empêcher d'évoquer la discussion ici-même de la première loi relative aux 35 heures, celle du 13 juin 1998, qui avait montré le caractère ambitieux et singulier du projet gouvernemental : ambitieux, parce qu'il est évidemment difficile d'imposer à toutes les entreprises travaillant en France une obligation générale et uniforme ; singulier parce que nos partenaires européens ne partagent pas du tout cette orientation et regardent avec détachement, voire amusement - nous l'avons constaté lors du dernier sommet de Cologne - notre expérience.
M. Jacques Peyrat. Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade. Permettez-moi d'abord de rappeler, madame la ministre, que, contrairement à certains, j'ai toujours pensé que la réduction de la durée du temps de travail pouvait constituer un moyen parmi d'autres de la lutte contre le chômage. Avec mon excellent collègue M. Gérard Larcher, nous avions d'ailleurs, dès 1994, tenté d'inscrire dans la loi sur l'emploi - après un débat très difficile, vous vous en souvenez sans doute, mes chers collègues - une première expérimentation de la réduction de la durée du travail ; puis nous avons soutenu le projet élaboré par nos collègues de l'Assemblée nationale avec M. de Robien et d'autres parlementaires, mais je rappelle toutefois qu'il s'agissait d'une réduction négociée, facultative et qui donnait lieu à aide publique pour les seules créations d'emplois.
M. Jacques Peyrat. Ah oui ! C'était différent !
M. Jean-Pierre Fourcade. Depuis lors, l'actuel gouvernement est allé beaucoup plus loin, en dépit de nos avertissements. Et si, madame la ministre, je tiens à saluer la fermeté de vos convictions et la continuité de votre pensée, je ferai néanmoins porter mon intervention sur les quatre points les plus discutables du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, quatre points sur lesquels je tiens à prendre date car ce gouvernement - ou celui qui le suivra - sera obligé de rechercher plus ou moins rapidement des compromis, voire de modifier ses positions.
Le premier point concerne les petites et moyennes entreprises et l'obstination du Gouvernement à leur appliquer la réduction du temps de travail à 35 heures, à taxer les heures supplémentaires, et à le faire tout de suite dès lors qu'elles emploient plus de vingt salariés.
C'est, pour moi, le défaut le plus grave du projet de loi, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, il est impossible à une PME, qui fait souvent travailler des spécialistes, d'acquérir une flexibilité suffisante du temps de travail, surtout si le recours au travail à temps partiel est rendu plus difficile, ce que propose le Gouvernement dans son projet de loi.
Ensuite, il est dangereux d'imposer des règles rigides au seul secteur de l'économie productive qui soit créateur net d'emplois et générateur de recettes, tant pour les régimes sociaux que pour les caisses publiques.
Enfin, il est contraire à nos engagements européens de fixer le seuil à vingt salariés alors que, pour la Commission et pour l'ensemble de nos partenaires, la petite et moyenne entreprise devra comporter demain entre cent et deux cents salariés. C'est donc, bien entendu, bien au-delà de vingt salariés qu'il faudrait mettre en oeuvre une législation plus contraignante.
Ce n'est pas parce qu'il y a eu chez Michelin des déclarations mal calculées et mal calibrées (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen)...
Mme Hélène Luc. Il ne s'agissait pas seulement de déclarations !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... qu'il faut que l'ensemble des entreprises de moins de vingt salariés en subissent les conséquences ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centristre, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
J'ajoute, mes chers collègues, que les innombrables activités associatives employant plus de vingt salariés entrent directement dans le champ d'application de la loi, ce qui va nous poser à tous, nous qui sommes gestionnaires de collectivités, de sérieux problèmes de financement dès l'année prochaine. Mais, bien entendu, personne n'en a jamais parlé !
M. Jacques Peyrat. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le deuxième point sur lequel il me paraît difficile de vous suivre, c'est le SMIC.
J'avais indiqué dès la discussion de la première loi, madame la ministre, que la fixation du SMIC serait essentielle après la réforme pour le succès ou l'échec de la loi.
M. Jacques Peyrat. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il fallait, en effet, concilier deux exigences contradictoires, dont la première était de ne pas réduire le pouvoir d'achat des salariés payés au SMIC, car il ne s'agit pas dans cette affaire de reculer, et la seconde de ne pas majorer le SMIC de 11 %, car, cette majoration de charges sociales et salariales pesant sur les entreprises, elle risquait de créer de nouvelles poches de chômage, surtout dans le contexte actuel où l'inflation est presque nulle.
A cet égard, la solution que vous avez acceptée à l'Assemblée nationale me paraît tout à fait aberrante. En effet, maintenir le salaire au niveau du passage à trente-cinq heures en octroyant un complément différentiel de salaire va dans le sens de la complexité et augmente le coût du projet pour l'Etat.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Différentes situations coexisteront ainsi pendant plusieurs années dans les entreprises et, ce qui me paraît le plus grave, la création d'entreprises nouvelles sera, une fois de plus dans notre pays, contrariée par ce dispositif, comme si nous avions assez de créateurs d'entreprises et comme si nous étions suffisamment riches pour nous permettre de repousser les nouvelles technologies ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mon sentiment est qu'une autre solution aurait été possible : garantir le salaire net actuellement payé pour trente-neuf heures au nouveau SMIC à trente-cinq heures, mais réduire le montant des charges sociales en intégrant les ristournes « Juppé et Balladur ». C'était sans doute trop simple, mais il faudra bien y venir un jour !
Le troisième point de désaccord concerne la négociation collective. L'excellent exposé de mon ami M. Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales, me permettra d'être bref sur ce sujet, car ce dernier a parfaitement illustré le problème.
Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, durci par un certain nombre d'amendements - et j'ai entendu que M. Fischer souhaitait encore en rajouter -...
Mme Danielle Bidard-Reydet. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... va tout à fait à l'inverse de la négociation collective : on privilégie l'aspect législatif, on supprime les marges de manoeuvre et on impose à des négociateurs qui ont déjà signé des accords de revenir à des clauses qui sont contraires au présent texte. On ne peut plus dire qu'il s'agit d'une réduction négociée de la durée du travail !
S'il est souhaitable que le dialogue social soit, comme vous l'avez souligné, madame la ministre, encadré par des prescriptions législatives, on ne peut pas supprimer des accords entiers au motif qu'ils ne sont pas conformes à l'idée que le Gouvernement se fait du fonctionnement des entreprises !
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. La commission des affaires sociales a longuement examiné tous ces aspects. Je crois que la voie dans laquelle la majorité plurielle s'est engagée avec vous, madame la ministre, comporte un risque, à savoir qu'à force de légiférer dans le détail, on suscitera des contentieux très nombreux et que, finalement, c'est la chambre sociale de la Cour de cassation qui élaborera une jurisprudence s'appliquant à tous. Par conséquent, et la négociation collective et le Parlement auront perdu leurs prérogatives au profit, une fois de plus, de la justice, et l'on nous dira que puisque telle est la jurisprudence, il faut l'appliquer ! (M. Jacques Machet approuve.)
Le quatrième et dernier point que je voudrais évoquer concerne bien entendu, madame la ministre, le coût du dispositif.
Si je voulais plaisanter - ce qui n'est pas mon habitude - je dirais que ce dispositif relève davantage des tribulations du sapeur Camember que de la réflexion logique et sérieuse d'un gouvernement soucieux d'assurer son financement à hauteur de 100 milliards de francs par an. (M. Jacques Machet applaudit.)
M. Henri Weber. Facile !
M. Charles Descours. On y reviendra !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet, on creuse un trou, on en bouche un autre, et l'on modifie des flux de recettes puisque les partenaires sociaux, qu'il s'agisse du patronat ou des syndicats, ont bien sûr refusé que les régimes sociaux financent la réduction à trente-cinq heures de la durée du temps de travail.
Toutefois, vous aboutissez quand même à ce résultat, par le biais de la diminution du montant des affectations aux différentes caisses du produit de cette fameuse redevance de 2 % que vous avez évoquée, madame la ministre. Cela étant - et c'est à mes yeux plus grave que de creuser des trous pour en combler d'autres - ce financement complémentaire de quelques dizaines de milliards de francs risque d'amener la disparition des marges de manoeuvre dont nous aurions besoin au cours des prochaines années pour alléger la fiscalité qui pèse sur les ménages et sur les entreprises. En effet, comme nous serons obligés, qu'on le veuille ou non, de nous aligner sur les taux de prélèvement pratiqués par nos principaux partenaires de l'Union européenne, il faudra déployer des trésors d'imagination...
M. Henri Weber. Nous en avons !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... pour supprimer des dépenses. A cet égard, le texte que nous examinons me semble aller dans le mauvais sens, car son entrée en vigueur nous obligera à relever encore le taux des prélèvements fiscaux supportés par les ménages ou par les entreprises.
Je sais bien, madame la ministre, que votre dispositif prévoit l'intégration des suppressions ou des réductions de charges sociales, ce qui représente un montant total de 65 milliards de francs - à rapprocher des 40 milliards de francs que coûtera la réduction de la durée du temps de travail. Cependant, le Sénat vous avait proposé une formule infiniment plus simple que tous ces mécanismes qui s'emboîtent comme des poupées gigognes.
A nos yeux, la solution consistait en effet à accorder une franchise de charges sociales de 1 000 ou 2 000 francs par salarié, ce qui est important s'agissant des rémunérations voisines du SMIC, mais dérisoire eu égard aux salaires des cadres, qui sont beaucoup plus élevés.
Or on m'avait expliqué, à l'époque, que l'octroi d'une franchise de 1 000 francs par salarié représentait une perte de recettes de 35 milliards de francs, et que le coût d'une franchise de 2 000 francs atteignait 70 milliards de francs, soit un montant voisin des 65 milliards de francs que j'évoquais à l'instant !
Par conséquent, il serait plus simple d'adopter le système de la franchise. Cela permettrait d'éviter la mise en oeuvre de tous ces mécanismes complexes difficiles à comprendre.
Je voudrais conclure en ne dissimulant pas, mes chers collègues, l'inquiétude que je ressens à la lecture des rapports rédigés par tous les experts compétents, qu'ils soient issus du Fonds monétaire international, de l'OCDE, de la Commission européenne ou de différentes banques. Tous estiment en effet que le droit du travail est, en France, trop rigide et peu propice à la création d'entreprises, notamment dans le secteur essentiel des nouvelles technologies. La question qui me hante est de savoir si nous ne sommes pas en train, pour atteindre un objectif social louable, celui de la réduction de la durée du travail, de compromettre nos perspectives de développement économique et de réduction du chômage. Pour n'avoir pas voulu réformer à temps le système de financement de la sécurité sociale, ne sommes-nous pas en voie de nous singulariser en Europe et dans le monde ?
C'est pour essayer d'apaiser cette inquiétude et de remettre un peu d'ordre dans ce texte confus qui nous vient de l'Assemblée nationale que, avec la majorité de mes collègues du groupe du RDSE, j'apporterai mon soutien aux amendements présentés par la commission des affaires sociales. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur celles des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste).
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mer chers collègues, en adoptant, en juin 1998, la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, nous souhaitions épauler les partenaires sociaux, afin que la relance du dialogue dans les entreprises puisse déboucher à la fois sur la création d'emplois, sur une amélioration des conditions de travail des salariés et sur un renforcement de la compétitivité de nos entreprises.
Il est inutile, mes chers collègues, de s'enferrer dans de vaines polémiques alors que les faits parlent aujourd'hui d'eux-mêmes.
En effet, cette initiative a permis à l'évidence de redynamiser un mouvement de négociation collective - ce que vient d'ailleurs de relever le FMI - preuve que le volontarisme politique, dans cette sphère, n'est pas une ingérence relevant des vestiges d'un étatisme tout-puissant.
Vendredi dernier, nous avons pris connaissance des dernières statistiques relatives au chômage, qui poursuit sa décrue au rythme de près de 9 % sur un an. En deux ans, plus de 400 000 personnes ont ainsi trouvé un emploi.
C'est donc à la lumière de ces trois années d'expérimentation, incluant la mise en oeuvre de la « loi Robien », que nous sommes amenés aujourd'hui à redéfinir et à stabiliser certaines références essentielles de notre législation du travail.
En effet, ces premières négociations nous ont révélé, par exemple, que les cadres exprimaient eux aussi de fortes aspirations en matière de réduction du temps de travail. De plus, des difficultés sont apparues au détour, notamment, du calcul du temps de travail effectif, de la modulation ou du temps partiel.
L'abaissement de la durée légale du travail est, vous l'avez réaffirmé, madame la ministre, un outil au service de la création d'emplois. Mais cela s'accompagne de mutations qui ne doivent pas se traduire par une précarisation de la situation des salariés, et c'est pourquoi le projet de loi aménage de nouvelles garanties.
Parallèlement, le Gouvernement entend poursuivre la réforme des cotisations sociales au travers du nouveau dispositif d'allègement des cotisations patronales, qui s'articule avec la réduction négociée du temps de travail.
Enfin, et même si cet aspect peut sembler ne pas relever du domaine législatif, cette réforme nous renvoie à la question fondamentale du temps libéré.
J'aborderai donc successivement ces quatres dimensions du texte dont nous entamons aujourd'hui l'examen.
Afin de favoriser l'emploi, la loi de 1998 liait l'octroi du bénéfice des aides au respect de critères chiffrés en termes d'embauches et d'ampleur de la réduction du temps de travail. Les accords signés à l'échelon tant niveau des branches que des entreprises concernent désormais plus de deux millions de salariés et engagent la création de plus de 120 000 emplois.
La nature de ces emplois est tout aussi importante et instructive que leur nombre. En effet, 75 % de ces embauches ont été réalisées sous forme de contrats à durée indéterminée. Cela a permis par exemple de pérenniser des contrats d'intérim ou des CDD.
Un cinquième de ces recrutements concernent des jeunes de moins de vingt-six ans, et la conjonction de cette tendance et de la mise en oeuvre du programme « nouveaux emplois - nouveaux services » permet d'envisager plus favorablement l'insertion des jeunes sur le marché du travail.
Le projet de loi que nous examinons prévoit donc des dispositions autorisant la poursuite et l'amplification de la lutte contre le chômage.
Ainsi, le dispositif d'incitations financières vise à pérenniser le système d'aides qui atteindra 4 000 francs par salarié concerné par la réduction du temps de travail.
Parallèlement, le nouveau mécanisme d'allégement des cotisations patronales est lié à l'engagement, pris dans l'optique de l'accord négocié, de créer ou de préserver des emplois. Cette exigence a été rappelée clairement lors des débats à l'Assemblée nationale, qui a souhaité, par ailleurs, que les employeurs négocient un accord de réduction du temps de travail avant de recourir éventuellement à la mise en oeuvre d'un plan social.
Par un système d'aides qui joue pour des salaires atteignant jusqu'à 1,8 fois le SMIC, le Gouvernement entend privilégier l'embauche de salariés que l'on dit « moins qualifiés », dont les rémunérations sont en tout cas parmi les moins élevées et qui travaillent principalement dans les industries de main-d'oeuvre, dans le commerce ou l'artisanat.
Cela fait des années que l'on stigmatise le poids des cotisations sociales sur les bas salaires et l'entrave à l'emploi qu'il représente : en prévoyant un allégement qui pourra atteindre 21 500 francs par salarié payé au SMIC, soit 26 % de la rémunération brute, vous démontrez, madame la ministre, la détermination du Gouvernement à intervenir également sur ce front.
M. Henri Weber. Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Dans le prolongement de la première loi, le dispositif d'aides est renforcé dès lors que les partenaires s'engagent dans une démarche de réduction à trente-deux heures de la durée du travail, dans le cadre, notamment, d'une semaine de quatre jours, qui favorise indéniablement un mode d'organisation dont l'efficacité, au regard de la création d'emplois, est plus immédiate.
Alors que notre pays renoue avec la croissance, certains secteurs de notre économie, qui sont pourtant de véritables gisements d'emplois, connaissent de sérieux problèmes de recrutement. Je pense notamment ici au secteur du bâtiment : les artisans souhaitent sincèrement attirer des jeunes, tout en étant parfaitement conscients que le nombre important d'heures travaillées et la pénibilité de certaines tâches peuvent rebuter.
Vous avez souhaité trouver des solutions adaptées, madame la ministre : ainsi, les entreprises de moins de vingt salariés qui anticiperont le passage aux 35 heures en procédant par étapes accéderont à des aides au prorata de la réduction de la durée du travail. En outre, une majoration des allégements a été prévue.
L'année dernière, lors de nos débats, nous pressentions que la gestion des heures supplémentaires serait cruciale pour l'optimisation ou, au contraire, pour la limitation de l'effet de la réduction du temps de travail sur l'emploi, certaines déclarations venant d'ailleurs confirmer nos craintes.
A cet égard, le projet de loi prévoit de maintenir un contingent annuel de 130 heures et de le plafonner à 90 heures en cas de modulation. Le seuil de déclenchement sera progressivement abaissé, afin d'accompagner ce changement de régime.
J'en viens maintenant à la réforme des cotisations sociales, qu'accentue le projet de loi. Nous y reviendrons plus longuement lors du prochain débat sur le financement de la sécurité sociale, mais je veux insister ici sur le fait que c'est un gouvernement de gauche qui a amorcé cette mutation en instaurant la contribution sociale généralisée, la CSG, et que c'est également un gouvernement de gauche qui, aujourd'hui, poursuit la réforme des cotisations patronales.
Cette réforme prévoit un élargissement et une diversification de l'assiette de calcul des prélèvements. Le Gouvernement a souhaité tenir compte des réactions des partenaires sociaux, qui n'entendaient pas que l'UNEDIC ou la sécurité sociale participent au financement des 35 heures.
Le plafonnement du bénéfice de ces allégements aux salaires inférieurs ou égaux à 1,8 fois le SMIC - ce qui représente tout de même 70 % des salariés du secteur marchand - a fait dire ici même à des élus de l'opposition que la mise en oeuvre de ce mécanisme induirait un effet « trappe à bas salaire ». Permettez-moi de dire, mes chers collègues, que cet argument sonne particulièrement faux dans la bouche de ceux qui ont instauré une ristourne sur la base de 1,3 fois le SMIC !
Cet allégement est subordonné à la signature d'un accord collectif. Les modalités de négociation et de consultation, qui varient selon la taille de l'entreprise, posent parfois question, car elles renvoient au problème de la légitimité controversée d'un accord signé par une organisation syndicale minoritaire ou par un salarié mandaté.
A ce propos, le projet de loi permet de concilier la réaffirmation du rôle des organisations majoritaires et la reconnaissance de la validité des accords signés par une organisation minoritaire ou par un salarié mandaté. Dans ce cas, la loi, tirant les enseignements des premiers accords, prévoit une consultation des salariés afin de s'assurer de leur adhésion.
De plus, les débats de l'Assemblée nationale ont abouti sur ce point à ce qu'une consultation, en amont de la signature de l'accord, puisse être organisée afin de prévenir des conflits inextricables qui résulteraient de l'application d'un accord signé sans l'adhésion des salariés.
Le projet de loi va également permettre de renforcer les garanties apportées aux salariés.
Sur ce point, je ne souscris absolument pas à l'analyse de notre rapporteur, qui tend à opposer le renforcement de la protection des salariés au sein de l'entreprise à l'amélioration des perspectives d'embauche des chômeurs.
La première des garanties est celle qui est apportée en matière de maintien du niveau de rémunération pour les salariés payés au SMIC ; cette sécurité a été étendue aux nouveaux recrutés ainsi qu'aux salariés des entreprises nouvellement créées.
Les négociations sur la durée du travail reposent, on le sait, sur la recherche d'un équilibre entre l'amélioration de la compétitivité des entreprises, le dégagement de plages horaires suffisamment significatives en termes de temps libéré et l'augmentation des effectifs.
Ces transactions menées au sein des branches ou des entreprises se traduisent le plus souvent par un accroissement des marges de manoeuvre pour les entreprises. L'organisation d'une modulation sur quatre semaines, les nouvelles modalités entourant les repos compensateurs en sont des illustrations concrètes.
Il est donc de la responsabilité du Gouvernement et du législateur de redéfinir les garde-fous auxquels peuvent prétendre les salariés, afin d'éviter que cette conquête sociale que représente la réduction du temps de travail ne se traduise par des dérapages et par une fragilisation de leur situation.
C'est dans cette démarche que s'inscrit la clarification de la notion de temps de travail effectif. Il est précisé dans quelle mesure les pauses peuvent être intégrées dans ce décompte ; il en est de même des temps d'habillage, des astreintes, ou des régimes d'équivalence.
Le nouveau dispositif de modulation est simplifié ; il fixe un plafond annuel de 1 600 heures et repose sur un accord collectif qui, à l'instigation de nos collègues, devra préciser les « données économiques et sociales justifiant le recours à cette modulation », afin d'éviter certaines dérives dans l'utilisation de cette possibilité supplémentaire de souplesse.
Ce projet de loi est par ailleurs l'occasion de poursuivre l'entreprise de moralisation du temps partiel, dont la définition est considérablement élargie en raison de l'intégration de la directive européenne du 15 décembre 1997 dans notre droit.
Comment en effet invoquer le temps partiel choisi si, parallèlement, on ne prévoit pas de lutter contre la précarité qui le caractérise encore aujourd'hui ?
Ainsi, son instauration sera assujettie à la signature d'un accord collectif ou, à défaut, à la consultation des représentants du personnel.
La loi organise une meilleure anticipation des horaires et assortit les changements de planning de contreparties ; d'ailleurs, le refus d'accepter de telles modifications ne constituera pas une faute ou un motif de licenciement.
Ce projet permet également d'apporter des réponses aux attentes de nos concitoyens afin de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.
La majoration du paiement des heures complémentaires au-delà d'un certain plafond permettra d'enrayer les dérives.
Enfin, pour éviter le développement de temps partiels sur des durées trop restreintes et assurer une rémunération suffisante, les allégements ne seront pas ouverts aux contrats dont la durée est inférieure à la moitié de la durée collective.
D'une façon plus générale, je relève avec satisfaction que la nécessité de mettre en place un suivi des accords a été rappelée à plusieurs reprises. C'est primordial pour apprécier l'effectivité de l'abaissement du temps de travail et le respect des engagements en matière de création d'emplois. C'est aussi important pour mesurer les incidences de ces aménagements sur l'intensification de la charge de travail et, indirectement, sur l'état de santé des salariés.
Il sera nécessaire de se doter, madame la ministre, des moyens suffisants pour assurer ce suivi.
Je terminerai mon propos en évoquant la question du temps libéré, dont vous dites, madame la ministre, qu'il doit être « un temps de liberté ».
Que faites-vous de vos 35 heures ? C'est la question qu'a posée une organisation syndicale particulièrement volontariste dans ce domaine. En effet, loin de n'être qu'une question sujette à de médiocres boutades, la réforme ambitieuse dont nous débattons est aussi l'occasion de réfléchir à un meilleur équilibre entre la sphère privée et la vie au travail.
Or, dès lors que nous voulons que la réduction du temps de travail s'accompagne corrélativement d'une amélioration de la qualité de la vie, les élus que nous sommes se doivent d'imaginer, en coopération avec les acteurs de la société civile, de nouvelles réponses aux aspirations de nos concitoyens.
Nous le faisons déjà au travers de cette loi en fixant des garanties afin que les périodes libérées soient suffisamment significatives pour en permettre un plein profit, en évitant que des changements de planning trop soudains ne compromettent la jouissance de ce temps libéré. Nous le faisons également en ouvrant la possibilité aux accords collectifs de prévoir des stipulations spécifiques pour les salariés exerçant des activités bénévoles, ou en réaménageant les modalités du compte épargne temps pour qu'il puisse, par exemple, être utilisé par ceux qui le souhaitent afin de dégager du temps pour un enfant ou un proche dépendant.
Nous devons également nous pencher sur la façon dont nos cités vont accueillir ces nouveaux espaces.
Déjà, les professionnels du tourisme, forts du précédent qu'a constitué la cinquième semaine de congés payés et de ses incidences, notamment sur les vacances d'hiver, réfléchissent aujourd'hui à de nouvelles activités qui pourraient s'inscrire dans des plages horaires parfois de plus courte durée.
Déjà, le secteur associatif se mobilise autour de nouvelles orientations pour ses actions d'animation et de médiation.
Ces nouvelles pistes de développement sont autant d'opportunités pour créer des emplois dans ces domaines.
Aux collectivités locales, il revient de penser à de nouveaux fonctionnements pour les services qu'elles assurent.
Permettez-moi enfin d'insister sur ce moment privilégié que représentent les négociations sur le temps de travail pour faire évoluer les conceptions touchant aux rôles respectifs des femmes et des hommes, en particulier au sein de la famille.
A chacun d'être vigilant afin que ces nouvelles possibilités offertes en matière d'aménagement individuel du temps de travail n'aboutissent pas à figer davantage des partages traditionnels totalement dépassés à l'orée du xxie siècle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons avoir ces prochains jours des discussions forcément techniques. Avant de les engager, je conclurai en vous faisant part de l'analyse que faisait récemment dans un quotidien un professeur de philosophie, M. Thierry Pacquot. Selon lui « le temps libéré n'est aucunement un résidu, ce qui reste après le transport, le travail, les commissions, mais une exigence, celle de la dignité humaine, de la maîtrise la moins incomplète possible du destin de chacun ».
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. C'est en ce sens que la loi que vous nous proposez, madame la ministre, et que nous défendons, porte un véritable projet de société. Les sénateurs socialistes revendiquent pleinement cette dimension de leur travail de législateur. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. Pas nous !
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord saluer le travail tout à fait remarquable de notre commission des affaires sociales, rendre hommage à Louis Souvet, son rapporteur, à son président et à tous ses membres.
Madame la ministre, je voudrais, si vous le permettez, en ce début de discussion, faire justice de l'évocation du passé.
Tout à l'heure, vous avez cru devoir nous rappeler dans quelles circonstances les gouvernements de MM. Juppé et Balladur ont dû tenter de trouver des solutions. Vous souvenez-vous de ce qu'était la situation des finances de la sécurité sociale et de l'UNEDIC au mois de mars 1993 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, très bien !
M. Jean Arthuis. Le Sénat, à l'époque, avait conduit une mission d'information ; je ne vous rappellerai pas les chiffres...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si, rappelez-les !
M. Jean Arthuis. Cela doit nous inspirer une certaine humilité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Bravo !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je les rappellerai !
M. Jean Arthuis. Les déficits cumulés de la sécurité sociale et de l'UNEDIC s'élevaient à près de 100 milliards de francs !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et quatre ans plus tard à 270 milliards de francs avec vous !
M. Jean Arthuis. Nous entamons aujourd'hui la discussion d'un projet de loi dont l'impact demeure aléatoire, dont le financement est virtuel, mais dont les effets pervers et les contraintes seront malheureusemeent bien réels.
Son titre même nous apparaît un peu trompeur. S'agit-il encore vraiment de proposer aux entreprises et aux salariés français de pouvoir opter pour une réduction « négociée » de leur temps de travail ?
M. Alain Gournac. Ah oui ! négocié !
M. Jean Arthuis. Ne sommes-nous pas déjà entrés dans un processus d'asservissement de l'économie nationale, réduite à se soumettre sans voie de recours ni marge de décision à des règles générales, à des règles impératives ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Il en faut !
M. Jean Arthuis. Cette loi d'enfermement, nous ne pouvons nous y résigner. Le groupe de l'Union centriste ne peut admettre que, dans le gouvernement d'une nation, la doctrine prenne le pas sur le pragmatisme. Il ne peut admettre que le dialogue social soit bafoué, que toute possibilité d'aménager le temps de travail dans un cadre législatif souple soit désormais écartée. Plus grave encore, il ne peut accepter que l'on dissimule au citoyen, au contribuable, le coût réel de cette aventure,...
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean Arthuis. ... que l'on masque aux parlementaires, par des volte-face ou des approximations, les modalités précises de financement de ce passage aux 35 heures.
Exacerbation des contraintes, mépris de la négociation, coût exorbitant de la loi... ce sont les trois reproches majeurs que l'on doit faire.
M. Henri Weber. A qui ?
M. Jean Arthuis. Mais avant de les développer, je voudrais vous dire un mot de l'Europe.
Décidément, la France se singularise douloureusement dans cette affaire,...
M. Henri Weber. Mais non !
M. Jean Arthuis. ... tandis que ses partenaires européens privilégient une souplesse législative dans l'aménagement du temps de travail.
Sommes-nous donc à ce point condamnés à subir une sorte d'« exception française » pénalisante, qui ferait de notre pays un territoire à part, hors des évolutions du monde, à contre-courant des transformations économiques et sociales qui imprègnent l'Europe ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean Arthuis. Comment pourra-t-on, dans ces conditions, concilier la construction européenne et la singularité française ?
Oui, chers collègues, cette loi apparaît terriblement contraignante. Son contenu est autoritaire et uniforme. Il ne peut évidemment répondre aux besoins, extrêmement diversifiés, de tous les modes de travail, de toutes les activités, de toutes les entreprises, de toutes les composantes du tissu économique et social.
Chacun peut comprendre les inquiétudes des salariés, des chefs d'entreprise, qui se demandent comment ils vont bien pouvoir appliquer une loi qui exclut la reconnaissance des spécificités de leur travail, la reconnaissance de tout ce qui forme la richesse économique du pays.
Dans certains secteurs professionnels, dans certaines zones géographiques, les entreprises recherchent vainement aujourd'hui des collaborateurs - par exemple dans le secteur du bâtiment. Quelles réponses leur apporterez-vous avec votre loi, madame la ministre ?
De par ses contraintes mêmes, nous entrevoyons déjà l'un des effets pervers de la loi. Sa complexité et sa rigidité ne peuvent qu'entraîner un renforcement des contrôles de l'administration. Qui pourrait d'ailleurs blâmer cette dernière ? Comment faire autrement s'il faut vérifier la bonne application de la loi ?
J'hésite à poursuivre plus avant.
Nous sommes devant un risque d'arbitraire. Or nous savons bien que cet arbitraire, avec le contentieux qui pourra en résulter, relèvera des tribunaux, que nous contribuerons ainsi à engorger un peu plus. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Henri Weber. C'est terrifiant !
M. Jean Arthuis. C'est bien aux tribunaux que reviendra la lourde charge d'apporter une clarification pour l'application d'un texte terriblement complexe ! (Murmures sur les travées socialistes.)
Pourquoi ne pas faire confiance aux acteurs économiques ? Pourquoi ne pas avoir tenté d'expérimenter avant que d'imposer ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il s'agit bien de cela, mes chers collègues. Cette loi marginalise complètement le dialogue social. La négociation ? Pour quoi faire ? On décide d'en haut, on supportera en bas ! Les entreprises qui ont fait le choix d'abaisser le temps de travail entre la première loi, votée en juin 1998, et la discussion de ce second texte devraient considérer que tous leurs efforts sont réduits à néant.
C'est une conception étrange de la démocratie et de la loi. Les 118 accords déjà signés ne peuvent ainsi disparaître ! Croyez bien que nous y veillerons tout particulièrement.
Je rappellerai également que les errements sur le financement de cette loi sur les 35 heures ont même, un temps, failli mettre à bas le paritarisme, sur lequel, me semble-t-il, est fondée la gestion de la sécurité sociale, de l'assurance-chômage et des régimes de retraite complémentaires.
Il semble que des rendez-vous aient été pris à cet égard. Ainsi, j'ai cru comprendre que le paragraphe XVI de l'article 11 donnerait lieu à des précisions de la part du Gouvernement.
Je souhaite profondément que la réduction du temps de travail soit non pas un but en soi, mais bien un élément parmi d'autres de la volonté politique de favoriser la création d'emplois et la cohésion sociale.
Mais, hélas ! comment ne pas en douter à la lecture de votre projet de loi, madame la ministre ? Quelle est la part de la croissance ? Quelle est la part de l'effet d'aubaine ?
M. Gournac s'en souvient - il la présidait - nous avions constitué, voilà quelque temps, une commission d'enquête pour tenter d'appréhender les conséquences d'une réduction autoritaire du temps de travail. Nous n'avions pu obtenir aucune précision, sinon qu'au fil des auditions l'utopie conçue par certains devenait bien maigre au vu de la loi, et nous n'avions pu établir aucune corrélation entre la réduction autoritaire du temps de travail et la création d'emplois.
Je voudrais vous dire combien les propos tenus voilà un instant à la tribune par Louis Souvet sont parfaitement éclairants. Ils constituent notre référence. Il n'y a pas eu d'ambiguïté de la part de notre rapporteur, et je salue son objectivité.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean Arthuis. J'en viens au financement de cette loi, et j'avoue toute ma perplexité. Nous allons discuter d'un texte dont les modalités ont évolué après son vote à l'Assemblée nationale et avant notre débat. Singulière méthode de gouvernement, vous en conviendrez !
M. Michel Mercier. Ah oui !
M. Jean Arthuis. A défaut d'inconséquence, reconnaissez que c'est faire bien peu de cas de la représentation nationale !
M. Henri Weber. D'autres s'obstinent dans l'erreur !
M. Jean Arthuis. Bien sûr, il vous a fallu reculer devant l'indignation légitime des partenaires sociaux, choqués que la sécurité sociale ou l'UNEDIC soient détournées de leur objet afin de servir de « pompe à phynance » aux 35 heures. Mais cet épisode tragi-comique démontre surtout l'impréparation, ou peut-être l'absence d'une déontologie élémentaire dans la comptabilité publique. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean Arthuis. Nous sommes inquiets. L'aggravation de la cherté du travail en France ne va pas nous rendre compétitifs face à nos voisins européens.
M. Henri Weber. Voilà plus d'un demi-siècle que l'on entend ça !
M. Jean Arthuis. De plus, entre les baisses de charges et son financement direct, le coût exorbitant de cette loi vous a apparemment obligés à un jeu de bonneteau fiscal et budgétaire.
MM. Jacques Peyrat et Josselin de Rohan. Très bien !
M. Jean Arthuis. Le Gouvernement a en effet composé un assortiment hétéroclite d'impôts et taxes, souvent détournés de leur objet, afin de financer la mise en place des 35 heures.
Au total, ce sont, en l'an 2000, quelque 65 milliards de francs qui seront nécessaires. La montée en charge inévitable les années suivantes conduira à dépasser les 100 milliards de francs - 105 milliards de francs, avez-vous précisé tout à l'heure, madame la ministre - dont le financement n'est pas assuré. C'est un engagement sur les générations futures que le Sénat, vous le comprendrez, ne peut cautionner à la légère, et ce d'autant moins que la confusion qui en résulte entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale prend une ampleur alarmante. En transférant des dépenses et des recettes de l'un à l'autre, vous avez brouillé la nature et les objectifs des deux budgets. Pour extraire de la loi de finances les dépenses relatives aux 35 heures, vous avez créé un fonds de financement auquel sont affectées des recettes détournées de leur objet.
Vous avez ainsi introduit une grande confusion dans les comptes publics. La première conclusion que nous en tirons au Sénat, c'est qu'il n'est désormais plus possible de disjoindre ces deux discussions fiscales, celle du financement de la sécurité sociale et celle du budget de l'Etat.
Je souhaite maintenant parcourir rapidement les grandes lignes du financement des 35 heures, examiner les recettes qui y sont affectées.
On y trouve tout d'abord les droits sur les tabacs. Plus étonnant, y figure dorénavant une fraction des droits sur les alcools. C'est la conséquence de l'abandon d'une ponction sur la sécurité sociale,...
M. Jacques Machet. Eh oui !
M. Jean Arthuis. ... dont nous ne pouvons que nous féliciter, bien entendu. A ce propos, je me contenterai de citer le dessin malicieux paru récemment à la « une » d'un grand quotidien du soir : hier, le cafetier disait à son client : « Un petit dernier pour la route ? » ; demain il lui lancera : « Un petit dernier pour les 35 heures ! »
Mais ce n'est pas tout. En détournant au profit des 35 heures cette fraction de taxe sur les alcools jusque-là destinée au Fonds de solidarité vieillesse, vous mettez davantage en péril la retraite par répartition. Car vous ôtez au fonds de réserve pour les retraites - seul îlot d'action dans un océan d'inertie - une partie des maigres ressources qui lui avaient été affectées et dont la précarité et l'insuffisance sont déjà notoires. Votre responsabilité est lourde en la matière.
Autre recette : la surtaxe de l'impôt sur les sociétés.
La contribution sociale sur les bénéfices est recouvrée auprès des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. Dans certains secteurs, par exemple dans l'agriculture, il en résultera une source supplémentaire de discrimination, car toutes les entreprises ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés.
Intervient aussi la fameuse écotaxe, ce nouvel impôt issu de la TGAP élargie. Nous attendons sur ce point des informations complémentaires. Au final, le Gouvernement ne peut que chercher à élargir l'assiette de la TGAP s'il veut parvenir à financer le coût des 35 heures, et cela au détriment de la lutte en faveur de l'environnement. L'augmentation des prélèvements est bien la seule constante que l'on peut relever !
Reste la taxation revisitée des heures supplémentaires, qui, outre son inapplicabilité progressive, n'est que la solution hâtive de repli trouvée par le Gouvernement pour compenser l'abandon d'une ponction sur l'UNEDIC.
Enfin, le financement direct des 35 heures serait, en apparence, bouclé avec des crédits versés par l'Etat.
Avant de conclure, je voudrais insister sur une lacune grave : lorsque l'on mesure la complexité et la fragilité du dispositif mis en place tant bien que mal pour financer les 35 heures dans l'économie marchande, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'application de ces mêmes 35 heures à l'ensemble de la sphère publique. Quelle en est l'échéance pour les services de l'Etat, pour les collectivités territoriales, pour les hôpitaux publics ? Quel en sera le coût ? Une telle omission est incompréhensible, inacceptable. Nous avons besoin pour légiférer d'y voir clair !
Après cet inventaire à la Prévert, c'est le scepticisme, pour ne pas dire la consternation, qui prévaut. Ce projet de loi n'est pas acceptable en l'état, tant il suscite d'interrogations et de problèmes, tant il a, selon nous, de conséquences prévisibles fâcheuses.
Ce qui va guider le vote du groupe de l'Union centriste, madame la ministre, c'est la volonté de répondre à trois préoccupations que nous jugeons essentielles.
La première, c'est de faire vivre et de respecter la négociation au sein des entreprises. Abandonnez donc la vieille imagerie des entreprises lieux d'affrontement.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est un paradis et un lieu d'affection !
M. Jean Arthuis. La deuxième est de faire baisser le coût du travail. Les fruits de la croissance démultiplient heureusement les ressources publiques et les plus-values fiscales. Ces dernières doivent être affectées à la baisse non discriminatoire des cotisations sociales. C'est ainsi que l'on créera sainement et durablement des emplois.
Enfin, mes chers collègues, ce qui prime, c'est de parfaire les instruments juridiques d'un authentique partenariat social pour que s'enracine une vraie culture d'entreprise : intéressement, participation, plans d'épargne entreprise, stock-options, offerts à l'aide de procédures transparentes à tous les salariés et non pas à quelques-uns, épargne retraite complémentaire...
M. Guy Fischer. Il y a longtemps qu'on n'en avait pas parlé !
M. Ivan Renar. Il y a aussi les fonds de pension !
M. Jean Arthuis. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans quelques semaines lors de la discussion des propositions de loi que nous avons ou allons déposer sur ces thèmes.
Les orientations proposées par la commission des affaires sociales répondent à notre attente. Nous les soutiendrons parce que nous avons la conviction qu'elles sont de nature à créer des emplois et qu'elles donneront satisfaction aux salariés comme aux demandeurs d'emploi. Réduire le temps de travail, oui, mais à condition que ce soit par la négociation ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Jean Faure.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la cohésion sociale de la France vaut mieux qu'une promesse électorale. Elle réclame un débat national.
Je regrette, pour ma part, la tournure prise par la discussion sur les 35 heures : une discussion où l'on a vu le Parlement obligé de légiférer dans l'urgence, en fonction de l'actualité - c'était l'« amendement Michelin » - pour satisfaire sa majorité plurielle ; une discussion où l'attitude du Gouvernement confine à l'autisme et où vous-même, madame la ministre, restez campée sur un leitmotiv pour refuser la contradiction.
« Grâce au Gouvernement, la confiance est de retour, le financement des 35 heures est bouclé », n'avez-vous cessé d'affirmer ces dernières semaines. Les partenaires sociaux se sont chargés de vous rappeler que ce n'était pas le cas et que le Gouvernement ne pouvait pas passer en force, sous peine de faire éclater notre système paritaire.
Madame la ministre, nous ne sommes pas contre l'aménagement du temps de travail, d'autant moins que nous l'avons mis en oeuvre avant vous. J'aurai l'occasion de le redire tout à l'heure, sans la loi de Robien, il n'y aurait pas de loi Aubry.
Nous n'en sommes donc que plus à l'aise pour vous dire notre désaccord.
Ce que nous critiquons, c'est la croyance en l'efficacité d'une réduction généralisée du temps de travail pour résoudre le problème du chômage. La croissance est au rendez-vous de l'emploi, raison majeure pour ne pas l'entraver par une loi anti-économique.
Ce que nous contestons plus encore, c'est la méthode coercitive employée pour faire le bonheur des Français malgré eux. Pas plus qu'une hirondelle ne fait le printemps, une loi sur les 35 heures ne fait un nouveau contrat social. Tout d'abord, une question se pose : alors que la croissance est au rendez-vous de l'emploi, est-ce bien notre rôle de l'entraver par une loi anti-économique ? La réponse, bien évidemment, est non.
S'il est vrai que l'enfer est pavé de bonnes intentions, alors, mes chers collègues, n'en doutons pas, avec ce projet de loi, le marché de l'emploi sera miné par des bombes à retardement.
Votre seconde loi, madame le ministre, sera aussi peu efficace que la première.
Vous nous dites que la loi sur les 35 heures a créé beaucoup d'emplois. J'en doute. Mais là n'est pas le principal.
A supposer que vous disiez vrai, comparons le nombre d'emplois créés par la croissance avec le nombre d'emplois créés par les 35 heures. Nous comprenons alors mieux pourquoi votre gouvernement fait fausse route. Quand vous annoncez 120 000 emplois, les entreprises en ont créé, à elles seules, plus de 500 000. C'est la preuve que l'emploi ne se décrète pas et qu'avant de redistribuer les richesses il faut d'abord chercher à garantir les conditions favorables à leur création, c'est-à-dire laisser les entreprises faire leur travail.
Inefficace, votre loi est également coûteuse.
Au lieu de mettre à profit la croissance pour réduire le train de vie de l'Etat et alléger la fiscalité, vous avez choisi la fuite en avant financière en reprenant d'une main ce que vous donnez de l'autre. Les entreprises vont ainsi payer deux fois votre réforme. Toujours cet a priori contre les entreprises !
Vous accroissez les prélèvements à leur dépens de plus de 30 milliards de francs à travers deux nouveaux impôts et la taxation des heures supplémentaires. Vous allez même jusqu'à créer une nouvelle taxe sur le travail. Ainsi, un salarié qui effectuera des heures supplémentaires dans une entreprise où n'auront pas été mises en place les 35 heures se verra retirer 10 % de rémunération.
Taxer le travail, c'est bien sûr, pour vous, le meilleur moyen de créer des emplois et de favoriser le pouvoir d'achat des salariés !
Inefficace et coûteuse, votre loi crée aussi des inégalités.
Elle crée, d'abord, des inégalités entre entreprises avec, d'un côté, celles qui auront les moyens financiers et humains de s'adapter et, de l'autre, les petites et moyennes entreprises, qui, quelle que soit l'aide de l'Etat, ont déjà beaucoup de mal à survivre au carcan administratif que le même Etat leur impose.
Elle crée, ensuite, des inégalités entre salariés. Malgré l'importance des sommes consacrées à ce dispositif, le coût du travail ne s'en trouvera guère réduit. Qui en pâtira ? A coup sûr, les emplois les moins qualifiés. Leur diminution va s'accélérer alors qu'ils touchent précisément les salariés qui sont le plus en difficulté, ceux qui subissent un chômage de longue durée.
Sur ce point, comment ne pas dire un mot de l'inégalité manifeste entre les salariés du privé et ceux du public qui, loin déjà de travailler le même nombre d'heures, verront les écarts entre eux s'accroître ? Cette inégalité, on la retrouve d'ailleurs au sein même de la fonction publique, notamment dans les hôpitaux, où il n'est pas rare que, pour pallier le manque de personnel, des infirmières travaillent quarante-quatre heures par semaine !
M. Henri Weber. C'est un scandale !
M. Jean-Claude Carle. Inefficace, coûteuse et inégalitaire, votre loi est aussi compliquée. N'ayons pas peur des mots : c'est une véritable usine à gaz ! Il suffit de prendre l'exemple des heures supplémentaires : quatre niveaux de taxation, une période transitoire, plusieurs dates d'application !
Il y a désormais tant de paramètres que vous allez inévitablement être conduite à multiplier les contrôles et nous diriger ainsi tout droit vers une économie administrée, avec des entreprises sous surveillance.
Enfin, et surtout, votre projet de loi est autoritaire et uniforme. Ne vous en déplaise, madame la ministre, à l'heure de la société de l'information et de l'économie de services, la globalisation et l'instantanéité de l'information exigent des entreprises réactivité et souplesse.
Le tissu économique s'est diversifié. Mais rien n'y fait : vous vous obstinez à vouloir faire passer toutes les entreprises sous la même toise. Où les besoins de chaque entreprise nécessitent du sur mesure, vous voulez imposer le prêt-à-porter.
Oui, les socialistes sont vraiment incorrigibles !
Au nom d'une prétendue éthique républicaine, vous êtes en train de faire la même erreur de lecture que votre collègue le ministre de l'éducation nationale. Avec lui, ce ne sont pas les entreprises que le Gouvernement veut enfermer dans un moule unique, ce sont les collégiens et les lycéens. Le résultat n'est pas fameux ; en témoignent l'échec scolaire et le taux de chômage des jeunes. Gageons malheureusement qu'il ne le serait pas davantage avec une loi imposant les 35 heures à toutes les entreprises.
A méconnaître ainsi la réalité, vous ne réussirez pas.
Et pour démontrer qu'il ne s'agit pas de je ne sais quel scepticisme de notre part, comme vous l'avez insinué, je voudrais évoquer brièvement trois exemples concrets.
Le premier porte sur l'industrie du décolletage, et plus particulièrement la sous-traitance. Il concerne 17 000 salariés employés dans près de 1 000 entreprises, le plus souvent des PME, dont la production à forte valeur ajoutée est soumise, de la part des donneurs d'ordres, à une exigence de compétitivité. Que nous disent les décolleteurs ? Pour 84 % d'entre eux, leur niveau de compétitivité sera diminué ; à 98 %, ils estiment qu'ils ne pourront pas répercuter le coût de la loi relative aux 35 heures sur leurs clients ; enfin, ils sont 75 % à penser que la loi sur les 35 heures va mettre leur entreprise en difficulté ; avec la réduction du temps de travail, 82 % ne trouvent pas le personnel qualifié dont ils ont besoin.
M. Henri Weber. Qu'ils en forment !
M. Jean-Claude Carle. Le deuxième exemple est celui de l'industrie hôtelière, qui emploie 700 000 salariés et qui contribue grandement à faire de la France l'un des leaders mondiaux en matière de tourisme.
Je suis élu du premier département touristique de France, la Haute-Savoie, et je rencontre en permanence les représentants de la profession. Ils sont unanimes : soit la réduction des charges sociales couvre la réduction du temps de travail, soit l'impossibilité pour l'entreprise de répercuter les coûts supplémentaires sur les prix de vente conduira à une moindre qualité du service et mettra en péril nombre d'établissements à caractère familial.
Troisième et dernier exemple de ce sondage grandeur nature : les chauffeurs de taxi. Même s'ils ne sont pas tous concernés par la loi, leur exemple vaut en ce qu'il démontre l'inanité de votre démarche.
L'un d'entre eux, chauffeur de taxi parisien, m'a expliqué son cas. Il loue son véhicule - c'est-à-dire son outil de travail - 4 650 francs par semaine. A raison de 10 heures quotidiennes de travail, il gagne en moyenne 1 300 francs les bons jours. Cela veut dire qu'avec 35 heures de travail, il ne gagne parfois pas assez pour payer sa location. Ce n'est qu'au-delà qu'il travaille pour lui.
M. Jacques Peyrat. C'est vrai !
M. Jean-Claude Carle. Celui que j'évoque travaille 60 heures par semaine, et 44 % des taxis parisiens sont dans son cas. Comme il le disait : « Ce n'est pas de 35 heures que nous aurions besoin. C'est d'une semaine à huit jours pour travailler un peu pour nous. »
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce ne sont pas des salariés !
M. Jean-Claude Carle. C'est peu dire que votre loi ne répond pas à leur attente !
Cela montre surtout qu'en voulant généraliser la réduction du temps de travail par le biais de la loi vous faites l'inverse de ce que vous annoncez : les 35 heures, c'est la négation du dialogue social.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. C'est d'ailleurs là une des principales contradictions que recèle votre discours.
Vous vous référez au nombre important d'accords conclus sous le régime de la première loi qui était incitative pour justifier le passage à une obligation générale appliquée à toutes les entreprises.
Mais, madame la ministre, je vous retourne l'argument : si la méthode par incitation a aussi bien fonctionné que vous le dites, pourquoi, alors, vouloir à tout prix faire des 35 heures un moule unique imposé à toutes les entreprises ? Pourquoi remettre en cause les accords de branche déjà signés et étendus, qui touchent plus de dix millions de salariés ?
Votre attitude est difficile à suivre. Depuis un an, le Gouvernement appelle de ses voeux la négociation sociale, et voilà qu'aujourd'hui il la méconnaît en provoquant la caducité d'une partie des conventions conclues.
M. Henri Weber. Mais non, mais non !
M. Jean-Claude Carle. Pis encore, vous limitez les possibilités d'accord par des règles discriminatoires envers les syndicats et vous alourdissez la procédure de mandatement lorsqu'il n'y a pas de section syndicale. Madame la ministre, il y a moyen de faire autrement : c'est le respect de la liberté contractuelle et la priorité donnée à l'incitation sur la contrainte.
Ce que nous avions créé et mis en oeuvre sous le précédent gouvernement comportait des points positifs dont vous n'avez pas manqué de tirer parti au moment du bilan sur la première loi des 35 heures. Je peux en parler en connaissance de cause, car la région Rhône-Alpes, dont j'étais alors le vice-président, a, la première, innové et mis en place la réduction du temps de travail sur la base d'accords interprofessionnels en lien avec les organismes paritaires. Il s'agissait non seulement de subventions à l'emploi, mais également d'un accompagnement pour permettre à chaque entreprise d'étudier le plan d'aménagement du temps de travail de ses salariés. Ce n'était qu'en fonction des résultats de cette étude de faisabilité que les entreprises décidaient de réduire ou non le temps de travail.
J'en ai tiré l'enseignement que les PME - PMI ont plus besoin d'un soutien en matière d'ingénierie que de subventions à l'emploi, dont on connaît les limites.
Rappelons simplement qu'en 1989 l'Etat dépensait environ 80 milliards de francs pour les aides à la création d'emplois. En 1997, un rapport a évalué ces aides à environ 150 milliards de francs. Entre-temps, le chômage était passé à 12,5 %.
Je connais votre réplique, nous l'avons entendue tant de fois : selon vous, on ne peut pas ne pas tout tenter contre le chômage. Dès lors, on ne pourrait rien reprocher à un gouvernement qui ferait preuve de volontarisme.
Depuis le début du débat, votre gouvernement ne cesse d'ailleurs de se référer aux sondages pour justifier l'approbation unanime des Français à sa politique et aux 35 heures. Mais leur a-t-on posé les vraies questions ?
Avec cette loi, vous prétendez faire le bonheur des Français. Mais vous êtes-vous demandée ce qui est bon pour l'être humain, ce qui rend les Français vraiment heureux ? Est-ce de travailler moins ? Oui, sans doute, les cadres sont les premiers à le dire. Mais pourquoi ne pourrait-il pas être le cas de ceux qui veulent ou qui ont besoin de travailler plus pour gagner plus ? Parmi nos concitoyens, nombreux sont ceux qui ne parviennent déjà pas à joindre les deux bouts avec un salaire équivalent à trente-neuf heures. Alors, à trente-cinq heures...
Enfin, que répondre à ces jeunes - et ils sont nombreux - qui s'en vont ailleurs, témoin cet étudiant français aux Etats-Unis qui déclare sur Internet : « Tant pis pour notre pays. Allons bosser là où le travail a une valeur et où le mérite est reconnu. Je sais, c'est triste » ?
M. Henri Weber. Il reviendra quand il aura des enfants !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quand il sera malade !
M. Jean-Claude Carle. Cela prouve que les 35 heures ne sont qu'un maillon de la réponse et qu'une loi ne fait pas un nouveau contrat social.
Votre loi, madame la ministre, repose sur une vision erronée du monde du travail et de la société.
Vous raisonnez comme s'il n'existait qu'une catégorie d'actifs, homogène, en situation de travailler. En réalité, il y en a une grande diversité.
Vous raisonnez également comme si le travail était le principal moyen d'épanouissement et de reconnaissance sociale dans notre pays. En même temps, vous agissez à l'égard des entreprises comme si le travail restait, pour vous, un instrument d'aliénation de l'homme.
Plus grave, enfin, vous concentrez la loi sur une seule génération d'actifs en reproduisant le vieux schéma de vie des Français sous les « trente glorieuses » : jeunesse-formation-emploi-retraite-vieillesse. Or ne faut-il pas raisonner sur l'ensemble de l'existence ?
De nouveaux âges sont apparus qui posent problème. Désormais, les jeunes ne passent plus automatiquement des études au travail, puisque jusqu'à trente ans, parfois plus, ils doivent affronter une période d'inactivité. Il en va de même pour les salariés de cinquante ans et plus, c'est-à-dire ceux qui font partie de la « décennie des fins de carrière ». Aujourd'hui, on ne passe plus directement à la retraite. A partir de cinquante ans, parfois moins, on devient vieux dans l'emploi, alors que l'on est de plus en plus jeune en termes d'espérance de vie. C'est tout le problème des préretraites !
Faute de prendre en considération ces changements dans une vision globale, la politique du Gouvernement pêche par ses contradictions.
La première contradiction concerne l'emploi et la retraite.
En effet, la politique de l'emploi du Gouvernement tend à réduire la durée du travail et la durée de vie professionnelle. En témoignent, notamment, les préretraités. Si l'on comprend bien le discours de M. le Premier ministre, la politique en matière de retraite réclamerait, au contraire, d'allonger la durée de vie professionnelle pour assurer le financement du régime général et des régimes complémentaires.
Madame la ministre, quel choix faites-vous ? Ma question n'est pas neutre, car l'on voit les conséquences que produit votre absence de vision à long terme.
Certes, le chômage diminue globalement sous l'effet de la croissance. Mais le vrai problème est celui de la progression du taux d'inactivité et du chômage de longue durée qui exclut, aux deux bouts de la chaîne, les actifs les plus jeunes et les plus âgés.
Passer aux 35 heures et augmenter la durée de cotisation des retraites ne résoudra rien s'y vous ne liez pas les deux problèmes. Au contraire, nous aurons des Français qui travailleront moins, mais plus longtemps, avec la perspective de retraites insuffisantes. Avec la diminution du temps de travail et des salaires, nous verrons le travail au noir s'aggraver pour compenser la perte de pouvoir d'achat, avec tout ce que cela suppose de néfaste pour les recettes de la sécurité sociale et pour l'activité des entreprises ainsi concurrencées de façon déloyale.
La deuxième contradiction du projet de loi a trait à tout ce qui touche au temps libre.
A priori, le temps libre devrait être le temps libéré, reconquis, choisi..., pour reprendre vos propres termes. En réalité, là aussi, tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne. Pourquoi ? Simplement parce que, faute d'une organisation adaptée en réseaux de solidarité, la société du temps libre est un mythe. Le premier gouvernement Mauroy ne comptait-il pas en son sein un ministre du temps libre dont le nom même et plus encore l'action nous ont échappé ?
M. Henri Weber. C'était un précurseur !
M. Jean-Claude Carle. Qu'est-il devenu ?
Aujourd'hui, le refus de toute hypocrisie oblige à parler de la société de loisirs reposant sur l'argent. Il y a ceux qui ont les moyens financiers d'occuper leur temps libre et ceux qui ne l'auront pas.
Mais l'argent n'est pas le seul problème.
Vous qui ne manquez jamais, madame la ministre, une occasion de rappeler les avancées sociales du Front populaire, vous vous souvenez certainement qu'à l'époque les structures associatives ne manquaient pas pour accompagner le temps libre. Aujourd'hui, plus rien de tout cela !
On voit déjà ce que cela donne à l'étranger. Dans un pays scandinave, la Suède, qui, sauf erreur de ma part, a réduit la durée du travail à 32 heures depuis quinze ans, une étude du ministère de l'emploi conclut que plus de 80 % du temps libre dégagé est passé devant la télévision.
Dans le même ordre d'idée, que dire de l'incohérence du financement retenu pour les 35 heures ? Après le fameux slogan « Travaillez moins, gagnez plus » de 1981, vous nous proposez maintenant « Buvez plus, fumez plus, pour travailler moins » ! (Rires sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
Du pain, du vin et des jeux, c'est peut-être la France vue par les socialistes, mais ce n'est pas la nôtre, madame la ministre. (Nouvelles protestations sur les travées socialistes.)
Manifestement, vous n'avez retenu que l'aspect relatif au temps de travail, sans lier en amont les 35 heures avec d'autres problèmes sociaux et culturels qui touchent, par exemple, à la formation et à la famille. Ne nous étonnons donc pas si rien ne figure à ce sujet dans votre texte. (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Or la France est bien placée pour savoir ce que donne une population désoeuvrée, une jeunesse qui s'ennuie. Nous en payons tous les jours la violence au prix fort. Ce qui vient de se passer à la cité de la Grande Borne à Grigny en est malheureusement la triste illustration.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est pour cela qu'il faut leur donner du travail !
M. Jean-Claude Carle. Voilà pourquoi nous préférons travailler à bâtir une société de pleine activité à tous les âges de la vie.
« Un homme n'est pas pauvre car il n'a rien, mais parce qu'il ne travaille pas », disait Montesquieu.
Eh bien, oui ! gagner de l'argent ne suffit pas si la société dans laquelle nous vivons ne nous permet pas de nous sentir utiles.
Fort de cette idée, la première priorité d'un gouvernement doit être de prendre en considération les besoins et les capacités de chaque individu sur l'ensemble de son existence.
Ce qui compte, désormais, c'est de permettre aux Français de diversifier leurs activités et leurs revenus et d'aménager temps de travail et temps personnel aux différentes étapes de leur vie.
Si un salarié veut travailler moins ou s'arrêter de travailler pour suivre une formation et changer plusieurs fois de métier, il faudra qu'il puisse le faire. C'est l'enjeu de la formation tout au long de la vie. Si une femme veut mettre sa carrière professionnelle entre parenthèses pour élever ses enfants, il faudra qu'elle puisse le faire mieux que cela n'est prévu aujourd'hui.
Mme Dinah Derycke. Et un homme !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Un homme aussi !
M. Jean-Claude Carle. Cette société de pleine activité que nous appelons de nos voeux suppose aussi que nous redéfinissions la notion de vieillesse.
M. Henri Weber. Ah !
M. Jean-Claude Carle. Que veut dire être vieux en l'an 2000 ? Est-ce le fait d'arriver à l'âge de la retraite ? Oublie-t-on qu'à la tête de grandes entreprises l'on trouve des responsables de la génération des soixante ans et plus ? Leur en fait-on le reproche ? Non !
On préfère contraindre le professeur Montagnier à poursuivre ses recherches à l'étranger, ou le spationaute Jean-Loup Chrétien à faire bénéficier les Etats-Unis de ses compétences.
Il faut sortir de cette logique perverse en matière d'emploi comme de retraite et considérer la génération des soixante ans comme une force économique et sociale à part entière, capable d'apporter beaucoup à notre société.
M. Jean-Luc Mélenchon. Personne n'est irremplaçable !
M. Jean-Claude Carle. Ainsi favoriserons-nous une solidarité entre générations, solidarité nécessaire à maints égards.
Dans les familles, lorsque les jeunes peuvent prendre appui sur leurs grands-parents, quand il s'agit, par exemple, de créer leur propre activité ou d'investir pour leur emploi, n'y a-t-il pas matière à modifier la fiscalité des dons pour la rendre plus incitative ?
Dans les entreprises, lorsque les salariés les plus âgés peuvent faire bénéficier les plus jeunes de leur expérience et transmettre une culture qui fait défaut, ne peut-on envisager d'adapter le droit du travail et de la retraite pour permettre de faire le lien dans le domaine de la formation ?
Notre troisième réflexe doit être d'encourager le volontariat : autant d'Etat que nécessaire, autant d'initiative que possible.
M. Henri Weber. C'est la social-démocratie !
M. Jean-Claude Carle. Nous l'avons vu, rien ne sert de promettre le temps libre si, dans le même temps, vous n'acceptez pas de laisser la société s'organiser librement. L'Etat ne peut pas tout. L'entreprise citoyenne elle-même est une notion ambiguë. Son premier objectif doit rester de créer des richesses, non de pallier toutes les carences de la société.
En revanche, le devoir des citoyens est de se prendre en main. Si l'activité qu'ils déploient dans ce but peut créer de l'utilité sociale, il nous faut l'encourager. Mais encore faut-il que nous réformions la fiscalité pour reconnaître le travail des fondations et encourager le volontariat.
Dans le même esprit, enfin, plutôt que de partager le travail, il nous paraît préférable de faciliter la création d'emplois et de favoriser, notamment, la pluriactivité. De ce problème, il n'a pas été question, ou bien peu, et je le regrette. Pour être l'élu d'une région de montagne et de tourisme, je suis témoin, en effet, de l'ampleur que prend le phénomène pluriactif. Il répond aussi bien à un besoin économique qu'à une pratique culturelle, je dirais presque imposée par l'histoire et l'environnement dans lequel nous vivons.
Mais mon idée va au-delà. Si j'ai proposé que le problème de l'aménagement du temps de travail soit lié à celui de la formation, c'est parce qu'une multitude d'activités, pas forcément professionnelles, mériteraient d'être prises en compte et que des acquis pourraient être validés. Je pense, notamment, aux activités associatives et de volontariat, au travers desquelles nombre de nos concitoyens acquièrent une expérience et une qualification tout autant que par le biais d'un emploi ou d'un diplôme.
Mais je comprends que cette manière d'aborder le problème du temps de travail et du temps de vie vous ait échappé. En définitive, nous avons deux conceptions différentes de la politique, de la vie.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vrai !
M. Henri Weber. Ça, c'est sûr !
M. Jean-Claude Carle. Vous faites d'abord confiance à l'Etat. Nous faisons d'abord confiance à la personne. A la contrainte, nous préférons l'initiative personnelle. A la loi générale, nous préférons le contrat.
Nous considérons que la société doit faire confiance à la personne et se réformer par le bas. Le Gouvernement pense plutôt que le socialisme doit faire le bonheur des Français et qu'il ne peut y avoir dialogue social sans intervention de l'Etat.
M. Henri Weber. Ça, c'est faux !
M. Jean-Claude Carle. La majorité plurielle ne conçoit pas la société sans une opposition entre les différentes catégories de Français, pour mieux se poser ensuite en arbitre. Hier, c'était les partisans de la famille contre ceux du PACS. Aujourd'hui, ce sont les salariés contre les patrons. Nous pensons plutôt que la France a besoin d'une politique économique et sociale qui renforce la cohésion nationale.
Telles sont les raisons de notre opposition totale à ce texte, véritable usine à gaz, complexe, autoritaire, anti-économique, qui casse le dialogue social et isole notre économie dans le concert des grandes nations.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants votera contre votre projet de loi.
En revanche, il soutiendra le projet de la commission des affaires sociales présenté par son président, M. Delaneau, et par son rapporteur, M. Souvet. Ce texte dit « oui » à l'aménagement du temps de travail, en respectant le paritarisme, l'autonomie des entreprises et la liberté de travailler des salariés. C'est toute la différence entre nous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement pour la République, des Républicains et Indépendants et du groupe de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, décidément, ce deuxième projet de réduction négociée à 35 heures du temps de travail n'est pas plus satisfaisant que la première loi de juin 1998, dont les résultats sont loin d'être probants. Plus grave, ce texte perpétue les erreurs passées et amplifie les craintes exprimées voilà un an et demi.
Le présent projet comporte au moins trois défauts majeurs, qui sont autant d'erreurs.
Première erreur : le Gouvernement ne tire pas les leçons de sa première loi, dont l'objectif n'est pas atteint. La réduction du temps de travail à 35 heures ne crée pas d'emplois, ou si peu ! Au mieux, elle permet, dans certains cas, de sauvegarder des emplois qui auraient été supprimés, et ce à un coût défiant toute concurrences. L'illusion que le travail peut se partager est contredite par les faits. Peu de secteurs aujourd'hui sont en mesure de supporter un « saucissonnage » du travail, car l'automatisation des tâches répétitives libère de plus en plus de temps pour des tâches où la compétence ne se découpe pas en tranches. C'est le cas en particulier des services, qui dominent dorénavant l'agriculture et l'industrie ; ce dernier secteur pourrait, dit-on, dans les années à venir, n'employer plus que 2 % de la population active.
Seuls les acteurs économiques et sociaux sont qualifiés pour gérer, sur une base volontaire, la diminution du temps de travail, qui, certes, va dans le sens de l'histoire. Rappelons en effet que la durée moyenne du travail, avant l'application des 35 heures, correspond à 8 % du temps de vie éveillé, soit 5 % de notre existence, mais bien mal répartis !
Deuxième erreur : le dispositif présenté est d'une complexité stupéfiante, au point qu'elle risque d'être ingérable pour les entreprises petites et moyennes. Ainsi, quatre calendriers différents s'étalent de l'année 2000, point de départ de l'obligation des 35 heures pour toutes les entreprises employant plus de vingt salariés, jusqu'à 2005, pour l'aboutissement du régime de croisière du salaire minimum, lequel aura acquis, à la faveur des 35 heures, plusieurs vitesses. En outre, on trouve pas moins de trois définitions du « cadre », alors même que l'on prédit la diminution progressive de cette catégorie. La taxation des heures supplémentaires n'est pas plus compréhensible : il a fallu dix pages de tableaux pour expliquer les subtilités du régime des heures supplémentaires entre la trente-cinquième et la trente-neuvième heure, le texte prévoyant des taux de bonification ou de majoration, selon les cas, de 10 %, 15 %, 25 % ou 50 %.
M. Jean-Luc Mélenchon. Plus c'est compliqué, plus c'est précis, plus c'est long !
M. Hubert Durand-Chastel. Toutes ces complications constitueront des handicaps pour l'entreprise, à un moment où il serait au contraire nécessaire de supprimer les trop nombreuses exigences administratives dans un contexte de vive concurrence et de mondialisation.
Les 35 heures obligatoires risquent d'être fatales à bon nombre d'entreprises et, en tout cas, de dissuader l'initiative et l'esprit d'entreprendre, déjà insuffisant dans notre pays.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est cela ! Voilà ! (Sourires.)
M. Hubert Durand-Chastel. Troisième erreur : le coût élevé de la réduction du temps de travail - 65 milliards de francs pour l'année 2000 - aura une conséquence fâcheuse, l'augmentation des impôts des entreprises. Après avoir prévu de financer l'allégement des charges sur les bas salaires des entreprises passées à 35 heures par le biais de prélèvements intempestifs sur le système de protection sociale, ce qui a déclenché un véritable tollé au sein des organismes paritaires, le Gouvernement a dû reculer. On peut regretter l'impréparation et les atermoiements pour financer un texte qui est très loin d'emporter l'adhésion de l'ensemble des intéressés. Finalement, les entreprises paieront : les plus rentables subiront une nouvelle taxation sur leurs bénéfices,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Excellent !
M. Hubert Durand-Chastel. ... d'où un risque de délocalisation non négligeable.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais non !
M. Hubert Durand-Chastel. Les plus polluantes seront soumises à l'écotaxe,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Parfait !
M. Hubert Durand-Chastel. ... mais pas dans l'intérêt de l'environnement, ce qui n'est pas logique !
M. Jean-Luc Mélenchon. L'homme, c'est l'environnement !
M. Hubert Durand-Chastel. Ainsi, dans un pays où le poids des charges est l'un des plus élevés au monde - la France a atteint son record historique de prélèvements obligatoires, à 45,3 % du PIB - le Gouvernement en rajoute. Quelle erreur, quand on sait que la lourdeur des charges favorise l'augmentation du chômage !
Pourquoi ne pas utiliser les excédents fiscaux, qui se montent à 60 milliards de francs cette année ? Sans doute le Gouvernement ne veut-il pas réduire les dépenses de l'Etat, ce qui serait pourtant une bonne option.
M. Jean-Luc Mélenchon. Une belle erreur, oui !
M. Hubert Durand-Chastel. Ne craignez-vous pas, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, que les 35 heures n'accroissent finalement les chiffres du chômage, ce qui serait un comble ! C'est ce que l'on est en droit de craindre face à un tel dispositif ?
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Hubert Durand-Chastel. La volonté et l'obstination en politique sont des qualités, et l'on ne peut pas vous les nier, madame la ministre. Mais lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des dispositions dépassées au regard de l'évolution de l'entreprise et de la société, l'obstination devient préjudiciable au pays. Il n'est jamais trop tard pour rectifier le tir, pas trop tard pour renoncer à s'appuyer sur l'idée contestable que la durée du travail reste un élément majeur de la mesure du travail fourni. Plutôt que d'imposer une règle uniforme dans une société et un monde devenus multiformes, tous les efforts devraient être faits pour aider l'entreprise à se transformer, le travail à évoluer, la formation des hommes et des femmes à s'adapter aux technologies d'avant-garde qui restructurent les métiers et ouvrent de nouveaux domaines d'emplois.
La réduction généralisée et obligatoire du temps de travail à 35 heures est une solution défensive qui freine la destruction d'emplois mais ne prépare pas l'avenir. C'est pourquoi je voterai les modifications proposées par la commission et son excellent rapporteur, dont le dispositif m'apparaît plus offensif pour attaquer le chômage. (Applaudissements sur les travées du Rassemblement pour la République, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Et pour attaquer les chômeurs aussi !
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je suis honoré de prendre la parole au nom de mon groupe, le groupe du RPR, le groupe gaulliste. Cela me donne l'occasion de préciser l'esprit dans lequel nous avons travaillé sur ce projet de loi.
Ne vous en déplaise, madame le ministre, nous ne sommes pas opposés à la réduction du temps de travail. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ça s'améliore !
M. Alain Gournac. A une certaine époque, d'ailleurs, c'est vous qui y étiez opposée. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah bon ?
M. Alain Gournac. Abandonnons les clivages commodes.
M. Henri Weber. D'accord !
M. Alain Gournac. Il n'y a pas, d'un côté, une gauche monopolisant les bons sentiments et défendant les salariés...
M. Josselin de Rohan. Voilà !
M. Alain Gournac. ... et, de l'autre, une droite défendant le pré carré des nantis...
M. Jean-Luc Mélenchon. Je m'en vais vous habiller pour l'hiver, moi, tout à l'heure !
M. Alain Gournac. ... et de je ne sais quelle catégorie privilégiée.
La société, dans un contexte de mondialisation, est devenue plus complexe et nous en faisons tous, vous comme nous, l'expérience quotidienne.
Le concept de lutte des classes n'est certainement pas le plus approprié pour penser et comprendre nos sociétés modernes.
Opposer les Français les uns aux autres, attiser les tensions, n'est pas une bonne méthode.
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Henri Weber. Ce n'est d'ailleurs pas ce que nous faisons !
M. Alain Gournac. Nous la dénonçons en bloc, madame le ministre. Nous disons non à ce qui divise les Français. Gaullistes, nous voulons les rassembler.
M. Henri Weber. Eh bien, quel talent ! (Rires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il y a encore du travail à faire !
M. Alain Gournac. Et c'est bien là ce qui nous anime. Aujourd'hui plus que jamais, nous nous sentons au service de notre pays, au service des Françaises et des Français. Certains sont employeurs, d'autres salariés. Chacun participe à la vie du pays. Chacun est nécessaire à l'autre.
M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
M. Alain Gournac. Aucun ne peut s'abstraire de cette étroite interdépendance. Tous doivent oeuvrer à l'élaboration d'une société plus juste.
La question, sans doute l'une des plus importantes de notre monde contemporain, est la suivante : comment, dans un contexte de concurrence économique très dur, concilier au mieux les impératifs des entreprises et les légitimes aspirations des salariés ?
M. Henri Weber. Par la réduction du temps de travail !
M. Alain Gournac. La seule réponse possible, et nous ne le dirons jamais assez, c'est la concertation, la négociation, le dialogue social au sein de ces cellules de vie que sont les entreprises.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Et la loi !
M. Alain Gournac. Voilà le principe de notre philosophie, principe intangible, parce que notre philosophie est d'un même mouvement une conception de la société et une conception de la place de l'homme. Cela suppose une incessante méfiance à l'égard des idéologies et un invincible pragmatisme.
Servir l'homme, c'est d'abord prendre acte des réalités pour les transformer et les adapter, sans mettre en péril les équilibres fragiles. Avoir raison contre l'homme, c'est, à terme, avoir raison de lui, l'histoire l'a amplement montré.
M. Jean Chérioux. A l'Est !
M. Alain Gournac. Madame le ministre, on ne peut avoir raison ni contre les salariés, ni contre les entreprises, ni contre le monde du travail, ni contre les outils de travail.
M. Henri Weber. Ni contre les électeurs !
M. Alain Gournac. C'est cette même philosophie de l'homme qui nous a guidés lors de la discussion de la proposition de loi de notre collègue et ami Charles Descours sur les plans d'épargne-retraite, adoptée le mois dernier par le Sénat.
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Jean Arthuis. Il y avait deux textes !
M. Henri Weber. Quel rapport ?
M. Claude Domeizel. Hors sujet !
M. Alain Gournac. Ce texte juste, dont votre gouvernement n'a pas voulu, avait pour but de donner à tous les salariés la possibilité d'adhérer à un plan d'épargne-retraite de manière non imposée,...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et les chômeurs ?
M. Alain Gournac. ... avec des versements facultatifs, en complément de leur retraite par répartition.
Ce texte, qui privilégiait le dialogue social et les accords collectifs,...
M. Jean-Luc Mélenchon. N'auriez-vous pas quelques semaines de retard ?
M. Alain Gournac. ... avait pour objet essentiel d'améliorer la protection des salariés et de réduire certaines inégalités.
C'est cette même philosophie de l'homme qui nous guide dans notre volonté de voir aboutir la proposition de loi de notre collègue et ami Jean Chérioux sur l'actionnariat salarié.
M. Jean Chérioux. Merci pour lui !
M. Alain Gournac. C'est un véritable partenariat entre le capital et le travail que nous propose son texte, un partenariat qui assure une meilleure participation...
M. Jean Chérioux. Et même une association, mon cher collègue.
M. Alain Gournac. ... des salariés à la vie de leur entreprise et une plus grande stabilité du capital des sociétés françaises, car il permet aux salariés de détenir une part significative du capital de leur entreprise.
Toutes ces propositions sont inspirées par le bon sens (Exclamations amusées sur les travées socialistes) et témoignent de notre volonté de réconcilier l'entreprise et les salariés, de rassembler les Françaises et les Français autour de grands projets susceptibles de fédérer les énergies, dans un pays qui en a bien besoin.
Mme Dinah Derycke. Dommage qu'ils n'en veuillent pas !
M. Alain Gournac. Mais ces propositions sensées et pleines d'avenir, votre majorité plurielle ne peut les recevoir. Elle est encore trop prisonnière d'une façon de penser marquée par la grille de la lutte des classes.
M. Henri Weber. Mais non ! Mais non !
M. Alain Gournac. Les Français, madame le ministre, ne demandent qu'à unir leurs efforts et leurs forces.
La manière dont vous abordez la question des 35 heures répond, certes, à une attente, mais sûrement pas à cette demande.
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est vous qui le dites !
M. Alain Gournac. Cette attente, nous la comprenons, nous en percevons la légitimité. (Mme le ministre s'en félicite.) C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas contre la réduction du temps de travail, loin de là.
M. Henri Weber et Mme Dinah Derycke. Très bien !
M. Alain Gournac. Pourquoi ne pourrait-on pas organiser différemment le travail ? Pourquoi ne pourrait-on pas, par une meilleure organisation, par une remise en cause de certaines méthodes obsolètes, travailler moins ?
Mme Dinah Derycke. C'est bien, ça !
M. Jean-Luc Mélenchon. Oui, mais quand et comment ?
M. Alain Gournac. Nous ne sommes pas, je le répète, contre la réduction du temps de travail. (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Mais nous ne pouvons qu'être contre un texte qui enrégimente une légitime aspiration.
Mme Dinah Derycke. Là, ce n'est pas bien !
M. Alain Gournac. Montesquieu a écrit qu'une « mauvaise loi oblige toujours le législateur à en faire beaucoup d'autres,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ça, c'est vrai !
M. Alain Gournac. ... souvent très mauvaises aussi, pour éviter les mauvais effets ou, au mieux, pour remplir l'objet de la première. » Cette citation résume assez bien l'esprit de votre « loi Aubry II », car vous n'avez pas tiré les conclusions qui s'imposaient après la première. J'ai beau m'efforcer de lire et relire votre projet de loi, madame le ministre, je le trouve en tous points ubuesque (Exclamations sur les travées socialistes et du groupe communiste républicain et citoyen) , parce qu'il est idéologique et rétrograde,...
Mme Dinah Derycke. C'est un peu exagéré !
M. Alain Gournac. ... ubuesque parce qu'il est autoritaire et centralisateur.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est trop ! Vous l'avez mal lu.
M. Alain Gournac. Savez-vous qui a employé le mot « ubuesque » ? Je l'emprunte à un professeur, grand spécialiste dans le domaine de l'organisation du travail.
Votre texte est idéologique et rétrograde, car il est tributaire d'une vision dépassée du travail, d'une vision qui ne tient pas compte d'un changement d'univers social et mental.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, on m'insulte ! (Rires.) M. Alain Gournac. Nous ne sommes plus à la fin du xixe siècle. Nous sommes entrés dans l'ère post-industrielle, dans l'ère du multimédia et de la société de services.
Dans le cadre du travail à la chaîne, on peut toujours modifier les cycles, créer des emplois de manière mécanique par la réduction du temps de travail. Le travail est en effet, dans ce type d'organisation, aisément quantifiable.
M. Henri Weber. Comme les centres d'appels téléphoniques !
M. Alain Gournac. Mais, dans une société de services, dans une société où les emplois qui se créent se créent dans le secteur tertiaire, le travail s'appréhende différemment.
M. Henri Weber. Comme dans les hypermarchés !
M. Alain Gournac. Il se définit sur un plan non plus seulement quantitatif mais aussi et d'abord qualitatif.
M. Henri Weber. Comme pour les infirmières !
M. Alain Gournac. Ces emplois-là ne se découpent pas, ne se divisent pas, ne s'émiettent pas, comme aurait dit Georges Friedmann.
C'est pourquoi votre première loi ne pouvait être créatrice d'emplois.
Un sénateur socialiste. Quelque 120 000 !
M. Alain Gournac. D'ailleurs, vous le savez. Et les chiffres que vous donnez le sont toujours sur fond d'ambiguïté, à tout le moins toujours repris sur fond d'ambiguïté.
Le 6 octobre dernier, à l'Assemblée nationale, vous déclariez que votre loi avait créé 125 000 emplois. La semaine dernière, en réponse à un questionnaire que notre rapporteur, M. Louis Souvet, venait de vous adresser, vous écriviez : « On peut estimer à environ 30 000 ou 40 000 les emplois déjà créés. »
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit du nombre de personnes déjà embauchées !
M. Alain Gournac. Dans ce même questionnaire, s'agissant du coût budgétaire de la réduction du temps de travail pour 1998 et 1999, vous avanciez le chiffre de 784 millions. Or les crédits destinés, en 1998 et 1999, à la réduction du temps de travail s'élèvent à 6,7 milliards. Vous en avez dépensé dix fois moins !
Madame le ministre, la loi - tout le monde est d'accord sur ce point - est très peu créatrice d'emplois. Cela donne d'ailleurs rétrospectivement raison à votre position d'autrefois relative aux 35 heures.
Face au scepticisme des observateurs, vous nous aviez annoncé, en 1998, que la réduction du temps de travail créerait des emplois et qu'elle serait un acquis social pour les salariés.
Finalement, face au petit nombre de création d'emplois, vous vous rabattez aujourd'hui principalement sur l'acquis social que représente votre loi.
Mais, déjà, nous entendons les salariés s'inquiéter du gel des salaires et des conventions d'entreprise revues à la baisse vers un moins social.
Que reste-t-il alors des objectifs de votre projet de loi ?
Parce qu'il est idéologique et rétrograde, votre texte est dangereux pour les entreprises.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Tout en nuance !
M. Alain Gournac. Il est devenu un fourre-tout de complaisances à l'égard de votre majorité plurielle.
Pour plaire à votre aile dure, vous n'hésitez pas à mettre en danger l'avenir des entreprises françaises et de leurs salariés, et vous découragez certaines sociétés étrangères de venir investir en France.
M. Jean-Luc Mélenchon. Où ça ? Ce n'est pas ce qui apparaît dans les chiffres !
M. Alain Gournac. Voyez l'enquête parue la semaine dernière : cent dix-sept sociétés américaines ! Il faut tout lire quand on veut être informé !
M. Jean-Luc Mélenchon. Le capitalisme semble apprécier notre horrible goulag !
M. Alain Gournac. Ce sont bien cent dix-sept sociétés qui sont en France !
M. Jean-Luc Mélenchon. Plus 20 % l'an passé !
M. Alain Gournac. Ces durcissements, à contre-courant de l'évolution du travail partout dans les pays industrialisés, sont légion dans le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale : la définition du travail effectif, l'encadrement draconien des horaires d'équivalence, le régime des astreintes, le délai de la prise du repos compensateur réduit à six mois,...
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est excellent cela !
M. Alain Gournac. ... la modulation soumise à justification,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Parfait !
M. Alain Gournac. ... des conditions supplémentaires pour bénéficier des allégements de charges...
M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
M. Alain Gournac. Vous êtes en permanence dans une compréhension négative de la logique de l'entreprise, comme si la logique de l'entreprise était une logique de répression.
Mme Dinah Derycke. Mais non !
M. Alain Gournac. Quand la gauche française comprendra-t-elle que l'entreprise n'est pas l'ennemie du salarié ?
Madame le ministre, votre texte n'est pas seulement idéologique et rétrograde, il est aussi autoritaire et centralisateur.
Vous avez créé un monstre juridique,...
M. Henri Weber. Tout de suite les grands mots !
M. Alain Gournac. ... ce que l'on appelle communément une « usine à gaz », expression reprise par mes collègues.
M. Henri Weber. Les usines à gaz fonctionnent très bien !
M. Josselin de Rohan. Celle-là ne fonctionnera pas !
M. Henri Weber. Il vient d'où votre gaz ?
M. le président. Monsieur Weber, je vous en prie. M. Gournac a seul la parole.
M. Alain Gournac. Ça les gêne !
Evidemment, mon attention se porte particulièrement sur votre article 2, consacré aux heures supplémentaires. Il est si complexe que pas un seul des directeurs des ressources humaines interrogés n'a pu encore trouver le moyen de le mettre en oeuvre.
M. Henri Weber. A la porte !
M. Jean-Luc Mélenchon. Oui, s'ils ne comprennent rien, il faut les virer !
M. Jean Chérioux. M. Mélenchon DRH, c'est ça qui serait bien !
M. Alain Gournac. Pas moins de trois régimes d'heures supplémentaires et cinq modes de paiement !
Mais le pire est non pas la complexité de cet article 2, mais bien son injustice.
Dans votre texte, les salariés qui ne bénéficient pas encore des 35 heures ne touchent que 15 % de bonification sur les heures supplémentaires, alors que les autres perçoivent 25 % ; les 10 % qui restent s'envolent vers un fonds destiné à financer le passage aux 35 heures des autres.
Que ceux qui travaillent plus aient à payer pour que d'autres travaillent moins relève d'une conception de la justice sociale que je ne peux comprendre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Idéologique, rétrograde, votre texte est également autoritaire et centralisateur parce qu'il substitue au dialogue social, tant nécessaire à notre pays, la rigueur et la raideur d'une décision unilatérale.
M. Jean-Luc Mélenchon. La loi !
M. Alain Gournac. De plus, il se refuse à prendre en compte la diversité qui fait toute la richesse d'une société.
Que vous soyez boulanger ou fonctionnaire, mineur ou agriculteur, que vous soyez cuisinier ou assureur, vous travaillerez 35 heures !
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà !
M. Alain Gournac. Si vous vous attachiez un peu plus à souhaiter le bonheur de chacun plutôt qu'à l'imposer à tous, je crois que l'entreprise et les salariés vous en seraient reconnaissants.
Vous laisseriez les partenaires sociaux décider eux-mêmes de ce qui est bon pour eux, puisqu'il ne s'agit plus de créer des emplois.
A ce sujet, je voudrais m'arrêter quelques instants sur les accords déjà signés dans le cadre de la première loi.
Certaines des dispositions des accords de branche ou des accords d'entreprise conclus dans le cadre de cette première loi se trouveraient en contradiction avec le texte...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Lesquelles ?
M. Alain Gournac. ... s'il était finalement voté dans la version de l'Assemblée nationale, madame le ministre. En effet, les branches ou les entreprises signataires de ces accords se trouveraient placées devant l'alternative suivante : ou bien renégocier leurs accords pour les mettre en conformité avec la loi, ou bien considérer les dispositions non conformes à la loi comme caduques et ne pas les appliquer, mais alors c'est tout l'équilibre de ces accords qui pourrait se trouver compromis. En effet, ces dispositions sont parties intégrantes d'un ensemble et contribuent à son équilibre, chacune des parties signataires s'étant déterminée au vu de l'ensemble des mesures adoptées.
Enfin, votre projet de loi, madame le ministre, est tout bonnement ubuesque par son financement. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Henri Weber. Encore !
M. Alain Gournac. Je ne reviendrai pas sur les multiples péripéties qui ont accompagné le feuilleton de la recherche d'un financement.
M. Patrick Lassourd. L'improvisation !
M. Alain Gournac. Le financement s'élève à 65 milliards de francs la première année et à 120 milliards de francs les suivantes.
M. Josselin de Rohan. Et ce n'est pas fini !
M. Alain Gournac. Ce financement est, lui aussi, une usine à gaz. (Exclamations sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faut varier un peu les insultes tout de même !
M. Alain Gournac. Vous nous présentez un projet de loi pour lequel les seules ressources vraiment chiffrées sont scandaleuses et illégitimes.
Mme Dinah Derycke. Ça va « gazer » ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Comme ce financement est complexe, permettez-moi de le clarifier.
Les 35 heures, aussi inefficaces en termes d'emplois que coûteuses créent des charges supplémentaires pour les entreprises. C'est pourquoi, en contrepartie, vous abaissez les charges qui pèsent sur les cotisations sociales des entreprises. En cela, je ne peux que vous féliciter de vous rallier à notre position. (Exclamations sur les travées socialistes.) Pour compenser ces abaissements, vous reprenez aussitôt « de trois mains », si je puis dire, ce que vous avez donné d'une seule,...
M. Henri Weber. Ce n'est plus Ubu, c'est Vishnou ! (Rires.)
M. Alain Gournac. ... avec une triple contribution : l'écotaxe sur les activités polluantes, la taxe sur les bénéfices - car il est bien connu qu'en France être productif est suspect - et l'ubuesque fonds créé à partir de contributions des entreprises prélevées sur les heures supplémentaires, d'ailleurs au détriment des salariés.
Ce sont trois nouvelles charges pour un seul allégement qui avait simplement pour objet d'atténuer une première charge. C'est le serpent qui se mord la queue !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Aïe, aïe, aïe ! (Mme Nicole Borvo rit.)
M. Alain Gournac. Vous pouvez rire, madame. Les partenaires sociaux, eux, riaient moins !
Je ne veux même pas revenir sur l'affront fait aux partenaires sociaux avec la contribution de l'UNEDIC et celle de la sécurité sociale. Vous êtes revenue en arrière, et c'est heureux ; je vous en remercie. Mais avez-vous vraiment pris la mesure du risque que vous faites courir au paritarisme, encore aujourd'hui ?
M. Jean Arthuis. Eh oui !
M. Alain Gournac. Peut-on vous croire quand vous nous assurez que la sécurité sociale ne paiera pas, du moins la première année ? Ce que vous lui laissez d'un côté, vous le reprenez de l'autre par la taxe sur les tabacs, qui devait être allouée au Fonds de solidarité vieillesse.
Au bout du compte, ce sont toujours les mêmes qui seront pénalisés, et parmi eux les plus faibles.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Ça, c'est vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les fumeurs !
M. Alain Gournac. Madame le ministre, votre projet de loi est mauvais. Il est néfaste pour la vie de nos entreprises, il ne se soucie pas réellement des salariés. Il est, de façon générale, néfaste pour nos concitoyens, parce qu'il est néfaste pour notre pays, qui navigue à contre-courant de tous nos partenaires.
Bien évidemment, nous ne pourrons le voter en l'état.
C'est pourquoi, je tiens à saluer, plus encore que d'habitude, l'excellent travail du rapporteur, M. Louis Souvet, et de la commission des affaires sociales, qui remet la réduction du temps de travail sur la voie de la négociation.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir que la voie choisie, rappelée, défendue, est celle du dialogue social.
Comme la commission, nous disons oui à la réduction du temps de travail, mais à la réduction du temps de travail négociée par les partenaires sociaux.
Comme la commission, nous nous félicitons de la validation, proposée par M. le rapporteur, de tous les accords de branche signés jusqu'à présent.
Ne pas valider ces accords serait un camouflet inacceptable pour les partenaires sociaux et une attitude désinvolte à l'égard de leur travail de négociation.
Dans le même esprit que la commission, nous souhaitons améliorer les dispositions prévues par votre texte concernant le travail à temps partiel, le travail intermittent et le compte épargne-temps.
Votre projet de loi comporte, il faut le reconnaître, des éléments intéressants sur ces points.
M. le rapporteur nous propose de les améliorer. C'est dans cette optique que le groupe du RPR a travaillé.
Nos amendements iront dans ce sens, avec la volonté de contribuer à améliorer ce qui peut l'être, notamment en matière de travail à temps partiel. En effet, à nos yeux, le temps choisi est l'un des meilleurs moyens de lutter pour l'emploi et de répondre aux attentes de nos concitoyens.
Nous aurons l'occasion d'aborder ces aspects lors de la discussion des articles. Je le répète : nous ne pourrons voter votre texte en l'état. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Raymond Soucaret applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Après les catastrophes et autres usines à gaz annoncées par l'orateur qui m'a précédée - cher collègue Gournac, vous en faites trop ! - je dirai qu'il faut croire en la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Hilaire Flandre. Vous êtes la seule à y croire, madame !
M. Jean Chérioux. De votre part, madame Borvo, c'est assez amusant !
Mme Nicole Borvo. Pour moi, réduire la durée légale du travail, c'est tout à la fois s'inscrire dans le sens de nouveaux progrès sociaux et se donner des moyens, parmi d'autres, de créer des emplois, donc de lutter efficacement contre le fléau du chômage. C'est en réalité reconnaître que les énormes gains de productivité des vingt dernières années doivent enfin profiter aux salariés et à l'emploi, alors qu'ils ont surtout contribué ces dernières décennies à l'accumulation d'énormes profits.
Dire, comme nous l'avons entendu ici, que réduire la durée du travail en France est une aberration dans le contexte européen relève du seul positionnement idéologique. En effet, les comparaisons entre pays européens doivent prendre en compte l'ensemble des paramètres : niveau de salaires, statut de la formation, démographie, heures supplémentaires, structure de l'emploi, niveau de qualification, etc. Par ailleurs, interdire les 35 heures pour ces raisons, ce serait nier toute possibilité de progrès social dans le cadre national - n'est-ce pas, monsieur Gournac ? - et toute perspective d'harmonisation par le haut des règles européennes. En outre, vous le savez, les 35 heures sont à l'ordre du jour dans plusieurs pays européens !
M. Alain Gournac. Ah bon ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh oui !
Mme Nicole Borvo. Mais là n'est pas votre souci, puisque la majorité sénatoriale a transformé le projet de réduction du temps de travail en projet relatif à la flexibilité et à l'abaissement du coût du travail ! Curieux retour des choses !
Selon nous, ce projet de loi doit au contraire servir de point d'appui pour que des négociations débouchent sur l'amélioration de la vie des salariés et sur des créations d'emploi.
C'est dans ce sens que les députés communistes ont soutenu des modifications du projet de loi initial en première lecture, et c'est la raison pour laquelle nous continuons d'être partisans d'inscrire dans la loi des dispositions plus étendues et plus contraignantes.
Ainsi, la loi devait s'appliquer à tous les salariés. Guy Fischer a parlé de la fonction publique. Je veux insister ici sur la situation des cadres.
Je vous ai bien entendue, madame la ministre, mais force est de constater que, en l'état actuel du texte, les cadres apparaissent comme les délaissés du projet de loi, comme le ressentaient en tout cas 70 % d'entre eux selon une enquête effectuée par la SOFRES en septembre dernier.
M. Alain Gournac. Oui !
Mme Nicole Borvo. En effet, le dispositif prévu pour les cadres dans le projet de loi repose sur l'idée d'une différenciation d'une grande partie des cadres par rapport aux autres salariés.
Or, toutes les enquêtes récentes montrent au contraire que, depuis les années quatre-vingt-dix, les cadres ont tendance à se rapprocher des autres salariés ou, autrement exprimé « qu'un divorce s'est opéré entre les cadres et leur entreprise depuis 1990 ».
Liaisons sociales a publié, en septembre, un dossier tout à fait intéressant que vous avez sans doute tous lu. Ce dernier montre que l'augmentation du chômage des cadres, le sentiment d'insécurité, la déqualification des jeunes diplômés et le fait d'être tenus à l'écart des décisions ont amoindri le lien de fidélité qui les unissait à leur direction.
L'évolution s'est accélérée dans la dernière période. En septembre 1999, 73 % des cadres estiment qu'ils doivent bénéficier des 35 heures au même titre que les autres salariés, 23 % étant d'un avis contraire, alors qu'en janvier 1998 60 % des cadres pensaient que les 35 heures « allaient rendre plus difficile l'organisation de leur travail ».
Cela va de pair avec le fait que 81 % des cadres jugent leur charge de travail trop lourde en permanence - 11 points de plus qu'en 1992 - et que 8 cadres sur 10 disent vouloir consacrer plus de temps à leur vie privée et familiale. C'est une autre vision de l'entreprise que celle qu'on a entendue ici. ( M. Alain Gournac s'exclame.)
Il est temps de prendre en compte cette réalité.
Or, le projet de loi distingue entre trois catégories : les cadres dirigeants, les cadres assimilés aux non-cadres et les cadres « au forfait ». Le texte actuel vise à introduire pour la première fois dans la loi une différenciation de régime social selon les fonctions exercées par les intéressés.
Aujourd'hui, les dispositions sur la durée du travail s'appliquent à tous les salariés, et même si les 39 heures ne s'appliquent pas aux cadres au forfait, ces derniers sont soumis aux durées maximales quotidiennes ou hebdomadaires, ce que l'inspection du travail peut faire appliquer.
Certes, je ne méconnais pas le détournement de la loi ; mais justement, la dégradation des conditions de travail fait apparaître que, à l'heure actuelle, environ un tiers des cadres dont le travail varie de 50 à 60 heures par semaine perçoit, de fait, un salaire au taux horaire du SMIC.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Eh oui !
Mme Nicole Borvo. La nouvelle loi va-t-elle perpétuer ces situations, les encourager ou, au contraire, les décourager ?
En distinguant une catégorie de cadres pour laquelle l'employeur peut échapper aux durées maximales horaires, catégorie au demeurant assez floue, la loi encourage les employeurs à y faire entrer beaucoup de monde et, ainsi, à détourner les contraintes de la durée légale pour plusieurs millions de salariés.
La plupart des organisations syndicales représentatives chez les cadres s'accordent pour critiquer ce dispositif.
Je voudrais insister encore sur le fait que ce dispositif est particulièrement discriminant pour les femmes.
De façon générale, les femmes sont les premières pénalisées par l'accroissement de la flexibilité du travail. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que cette deuxième loi des 35 heures n'ouvre pas la porte à une aggravation de la flexibilité, mais au contraire qu'elle la limite.
En France, comme le montre une enquête parue aujourd'hui dans le quotidien Le Parisien , les femmes veulent à la fois des enfants et une carrière professionnelle ; si ce n'est pas vrai partout, cela l'est en tout cas dans notre pays ! C'est une bonne chose, car les enfants sont notre avenir, et nous avons tous besoin de l'intelligence des femmes !
Concernant les cadres, et donc les femmes cadres, au moment où est fortement posée l'exigence tant de l'égal accès aux fonctions de responsabilité que de l'égalité des salaires, le législateur doit y contribuer efficacement. Or le dispositif actuel encourage au contraire les employeurs à demander une plus grande disponibilité journalière des cadres, ce qui, pour les femmes, renforce la difficulté de concilier carrière professionnelle réussie et vie privée. Certes, les employeurs recrutent plus de femmes cadres qu'il y a quelques années ; mais ils s'en séparent dès qu'elles ont des enfants ou ils leur refusent, à qualification égale, le même déroulement de carrière que celui d'un homme. Pour toutes ces raisons, nous défendrons lors de la discussion de l'article 5 des amendements visant à prendre en compte les points que je viens d'évoquer. Cet article concerne directement trois millions de cadres proprement dit. Si l'on inclut les techniciens et les agents de maîtrise, ce sont 40 % des salariés qui entrent dans ces catégories.
J'espère, madame la ministre, que la poursuite du débat et de la réflexion jusqu'au vote final permettra d'améliorer le texte de ce point de vue. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Soucaret.
M. Raymond Soucaret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'interviens surtout dans cette discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail en tant qu'agriculteur, entrepreneur de travaux agricoles, ruraux et forestiers, fort d'une expérience de responsable d'entreprise de plus de trente années, un dirigeant d'entreprise qui n'a jamais connu les 35 heures et qui ne les connaîtra jamais même si la loi est votée, parce que la nature, la terre et le ciel ont toujours exigé de l'homme, du producteur, du serviteur de la terre une présence constante qu'aucune loi ne pourra jamais abolir.
Au moment où le Gouvernement vient de reculer sous la pression du MEDEF et des syndicats à propos du financement de cette réduction du temps de travail, je voudrais souligner plusieurs points.
La première loi sur les 35 heures est aujourd'hui un échec avéré : 98,8 % des entreprises occupant au moins un salarié n'ont pas signé d'accord de réduction de la durée du temps de travail à 35 heures ; 89,3 % des entreprises de plus de vingt salariés n'ont pas signé d'accord du tout ; 90 % des salariés du secteur marchand ne sont pas couverts par un accord. Pour preuve, n'est-il pas scandaleux que l'on envisage la fermeture de bureaux de poste à la suite de la réorganisation du travail imposée par la loi des 35 heures ? Je tiens à votre disposition, madame la ministre, le courrier d'un maire du Lot-et-Garonne faisant état d'une telle situation.
La deuxième loi sur les 35 heures va d'ailleurs contraindre les entreprises à améliorer encore leur productivité pour absorber les surcoûts liés à la réduction de la durée du travail alors que, dans le même temps, leurs principaux concurrents pourront continuer d'affecter leur gain de productivité.
Votre deuxième loi, madame la ministre, va à l'encontre des intérêts des salariés, parce qu'elle ne permet pas de lutter efficacement contre le chômage : chacun sait que la croissance, en 1999, est celle des 39 heures ; cette croissance est le résultat des initiatives des entreprises qui fonctionnent dans le cadre des 39 heures. La croissance de 1999 est la croissance d'une économie et d'entreprises qui travaillent 39 heures, se modernisent, investissent, innovent et préparent notre pays au xxie siècle.
Ce deuxième texte va diminuer l'emploi faiblement qualifié, le pouvoir d'achat des salariés ; il va entraver la flexibilité au mépris du dialogue social. Madame la ministre, cette seconde loi est ressentie comme une provocation par tous les chefs d'entreprise, tous les patrons de PME, tous les entrepreneurs, car le dialogue social est nié. Les entrepreneurs de notre pays n'acceptent pas de lire dans un texte d'une complexité bureaucratique inégalée les conditions dans lesquelles il leur est imposé de conduire la production des biens et des services. Ils n'acceptent pas que les accords de branche, conclus avec les syndicats, soient bafoués par la loi. Ils viennent de gagner le combat du financement des 35 heures, puisque vous avez abandonné, madame la ministre, l'idée des prélèvements que vous comptiez faire dans les caisses des institutions sociales parisiennes.
Oui, madame la ministre, cette deuxième loi sur les 35 heures est une catastrophe économique pour le pays ! Elle est vécue comme une calamité qui vient s'ajouter aux calamités atmosphériques, ces dernières étant cependant assurables. Face à votre loi, il n'y a malheureusement qu'à subir, qu'à tenter de survivre, puis à déposer le bilan.
En agriculture, si l'application des 35 heures est à la rigueur envisageable pour la main-d'oeuvre permanente du fait de la flexibilité et de l'annualisation du temps de travail, elle est impossible à mettre en oeuvre pour la main-d'oeuvre saisonnière. Il serait donc souhaitable, madame la ministre, que vous accédiez à la demande des syndicalistes du monde agricole qui réclament l'exception agricole des 35 heures pour la main-d'oeuvre saisonnière employée en agriculture, notamment dans les secteurs des fruits et légumes, de la viticulture, dans les pépinières ou en horticulture.
Les motifs économiques d'une telle demande sont nombreux : le passage de 39 heures à 35 heures va provoquer un renchérissement de 11,4 % du coût de la main-d'oeuvre, en raison de l'application des majorations pour heures supplémentaires dès la trente-sixième heure et de la progression des charges sociales qui s'y rattachent ; par ailleurs, la main-d'oeuvre saisonnière se raréfie en agriculture ; enfin, l'organisation du travail est dictée par la nature, c'est-à-dire par la météorologie, car c'est le temps qu'il fait qui oblige souvent à faire des heures supplémentaires. Le passage aux 35 heures alourdira les charges des productions sensibles, notamment celles de fruits et de légumes, et ajoutera des difficultés supplémentaires sur un marché souffrant déjà de distorsions de concurrence. Je vous rappelle d'ailleurs, madame la ministre, que le coût de production est constitué pour 50 à 60 % par le prix de revient de la main-d'oeuvre dans un secteur qui traverse une crise supplémentaire profonde.
Afin d'éviter toutes ces conséquences, madame la ministre, je vous propose, au nom des agriculteurs, au nom des entrepreneurs de travaux agricoles, ruraux et forestiers, au nom de toutes celles et de tous ceux qui travaillent en milieu rural, un amendement à votre deuxième projet de loi afin de lier l'exception agricole pour les contrats saisonniers aux TESA, les titres emploi simplifié agricole, et de prévoir cent jours par salarié et par exploitation d'allégements de charges pour les saisonniers occasionnels et demandeurs d'emploi.
L'exception qui vous est demandée permettrait aux agriculteurs de garantir la transparence de la déclaration de la rémunération de l'allégement des charges dans le cadre d'emplois saisonniers. Il serait bon que ces cent jours allégés soient appliqués aux organismes de conditionnement et de stockage, qui sont le prolongement des exploitations, dans le cadre d'une période d'adaptation aux 35 heures pour une période d'au moins dix ans, temps nécessaire au passage aux 35 heures des pays producteurs européens actuels, comme l'Espagne, l'Italie, le Portugal, la Grèce, l'Allemagne et le Benelux. Encore faut-il qu'ils en aient la volonté.
Madame la ministre, l'agriculture française occupe encore près de 200 000 salariés permanents et plus de 600 000 saisonniers dans la production de fruits, de légumes, dans la viticulture et le tabac, mais aussi dans l'horticulture et l'élevage. Tous ces secteurs sont soumis à une forte concurrence communautaire et extra-communautaire.
Je souhaite que vous preniez conscience de ce qu'est le temps de travail pour l'agriculture française. Ce temps de travail est le temps de vie, c'est-à-dire de production et de productivité. Trente-cinq heures à la campagne, c'est une insulte à toute une civilisation agricole et rurale, à tout un mode de fonctionnement, à tout un engagement dicté par la nature avant de l'être par les hommes. La loi doit respecter les conditions particulières dans lesquelles certains métiers s'exercent - c'est le cas de l'agriculture - à défaut de quoi le pire est à craindre. (M. Jean-Luc Mélenchon s'exclame.)
Comme vous le savez, les paysans ne sont pas assez instruits pour mal raisonner. Abaisser le temps de travail est sans doute un but louable, mais celui-ci ne doit être ni politique ni démagogique, encore moins utopiste.
Certains de vos proches, madame la ministre, voient en ce texte un rempart dressé contre le libéralisme, l'incarnation enfin tangible d'un absurde droit à la paresse. Ajoutez-y le droit à l'irresponsabilité qui caractérise le rêve socialiste et, mes chers collègues, vous aurez ainsi décrit le projet surréaliste financé à la seule sueur des Français entreprenants et dignes de le rester.
Rendant enfin hommage à l'impossible mission de notre excellent rapporteur, je forme le voeu que la discussion ouvre l'esprit de Mme la ministre, qu'elle lui apprenne qu'il est des propositions disparues avec leur inspirateur et que le travail demeure une noble conquête à entreprendre ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, mes chers collègues, Mme Dieulangard et Mme la ministre l'ont bien montré : le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale, est un texte équilibré, qui tient compte des accords conclus au cours des dix-huit derniers mois entre les partenaires sociaux et qui permettra d'atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement, à savoir créer davantage d'emplois tout en préservant le pouvoir d'achat des salariés et la compétitivité de nos entreprises.
Madame la ministre, M. Souvet, à l'instar de notre collègue Alain Gournac et de nombreux parlementaires de l'opposition à l'Assemblée nationale, s'est déclaré favorable à votre objectif de réduction du temps de travail, mais résolument hostile à votre méthode, c'est-à-dire le recours initial et final à la loi.
Je voudrais tout d'abord saluer ce progrès relatif. En effet, je me souviens d'un temps, pas si lointain, où, comme certains de ses représentants l'ont d'ailleurs fait dans cet hémicycle, la droite dans son ensemble stigmatisait le principe même des 35 heures...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vrai !
M. Henri Weber. ... estimant qu'il s'agissait d'une lubie de la gauche, lubie idéologique, mirobolante. A cette époque, elle expliquait que, pour conserver nos positions dans la guerre économique internationale, il fallait au contraire travailler plus longtemps et renoncer, de plus, à bon nombre d'avantages sociaux acquis au cours de la période faste des « trente glorieuses ». (Exclamations sur les travées du RPR.)
C'était il n'y a pas si longtemps, et c'est pourquoi j'ai applaudi fébrilement certains passages de l'intervention de M. Gournac, lorsqu'il a fait sien, au nom de ce parti considérable qu'est le parti gaulliste, l'objectif de la réduction du temps de travail. Bravo pour cette percée théorique ! Je crois que tous les Français doivent s'en féliciter.
M. Patrick Lassourd. Cela n'a rien à voir !
M. Henri Weber. La droite s'est avisée que, dans nos démocraties développées, les salariés constituent la grande majorité des électeurs, et que ces électeurs ne comprennent pas toujours bien pourquoi, dans un pays qui ne cesse de s'enrichir, les progrès techniques et économiques ne devraient pas aussi s'accompagner d'un progrès social. D'où ce glissement de la critique du principe à la critique de la méthode.
Vous connaissez, monsieur le rapporteur, notre réponse à ce sujet : s'il était possible de promouvoir la réduction du temps de travail dans notre pays par la négociation contractuelle, ce qui serait en effet préférable,...
M. Louis Souvet, rapporteur. Quand même !
M. Henri Weber. ... cela se saurait ! Les partenaires sociaux s'y sont essayés en 1979, en 1982, en 1984, en 1995, et encore en 1996... sans succès.
Même la « loi de Robien », si avantageuse pour les chefs d'entreprise, à qui l'on prodiguait des aides pendant sept ans contre des engagements d'embauches portant sur deux années seulement, s'est soldée, comme l'a rappelé Mme la ministre, par 500 accords seulement, concernant tout au plus 300 000 salariés.
L'expérience des vingt dernières années démontre que, dans l'actuel rapport des forces, le patronat de ce pays préfère imposer unilatéralement sa volonté et bloque toute évolution négociée vers la réduction de la durée du travail.
M. Hilaire Flandre. Devenez patron, les choses iront mieux !
M. Henri Weber. Nous sommes les premiers à le regretter, mais nous ne pouvons nous y résigner ! ( M. Gournac rit).
Aussi, madame la ministre, avez-vous décidé à juste titre de donner une première impulsion à la négociation collective, au moyen de la loi-cadre du 13 juin 1998. Vous l'avez fait avec succès, comme l'a loyalement reconnu Jacques Barrot, votre prédécesseur au ministère du travail, puisque, en dix-huit mois, des négociations ont été engagées dans 101 branches et que 16 000 accords ont été conclus, concernant 2,3 millions de salariés.
Le second texte que vous nous présentez aujourd'hui s'inspire fortement de cette expérience et débouchera sur une nouvelle vague de négociations dans les entreprises, puisque l'attribution des aides à la réduction du temps de travail est subordonnée à la conclusion de nouveaux accords.
Même vos critiques les plus acerbes ont reconnu la renaissance de la négociation collective dans notre pays, dans le sillage de votre loi.
C'est bien au demeurant le seul mérite qu'ils lui reconnaissent ; pour le reste, et s'agissant en particulier des conséquences, la droite sénatoriale - nous l'avons amplement entendu aujourd'hui - professe un pessimisme noir.
M. Patrick Lassourd. C'est du réalisme !
M. Henri Weber. Je suis frappé par le contraste qui existe entre les sombres prédictions que formulent à cette tribune nos collègues de la majorité sénatoriale et les réalités que nous constatons.
Ces collègues nous ont prédit, voilà deux ans - et ils le répètent aujourd'hui -, que ce texte va affaiblir nos entreprises et notre économie, qu'il va faire fuir les investisseurs étrangers et amplifier les délocalisations.
La réalité est, heureusement, tout autre : malgré le projet de loi sur les 35 heures, dont elles ont pourtant déjà anticipé les effets, nos entreprises se portent bien, elles ont rarement été aussi compétitives et rentables ; elles battent tous leurs records à l'exportation ; le moral de leurs dirigeants est au plus haut et, à l'inverse des membres de la majorité sénatoriale, ceux-ci manifestent un optimisme revigorant. Les entreprises investissent et embauchent : 83 000 nouveaux emplois ont ainsi été créés en septembre dernier. En outre, les instituts internationaux nous prédisent une croissance forte pour les prochaines années, et les investissements étrangers, déjà très élevés en 1997, loin de décroître, ont encore augmenté de 20 % en 1998. Même le FMI nous décerne des satisfecit !
Alors, pourquoi ce pessimisme ? Pourquoi cette prostration ? Regardez la réalité en face : la loi sur les 35 heures ne fait peur qu'à vous ! Tous ces acteurs économiques sont-ils inconscients ? Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ne sont pas convaincus par les sombres prophéties de la droite sénatoriale et qu'ils ne croient pas que la compétitivité des entreprises et de l'économie françaises soit mise en péril par le projet de loi sur les 35 heures.
La droite sénatoriale nous dit que le passage aux 35 heures se fera au détriment du pouvoir d'achat des salariés et de leurs conditions de travail. On avait déjà entendu cela dans cette enceinte, voilà dix-huit mois. Il s'agit d'ailleurs d'une noble préoccupation. En réalité, le pouvoir d'achat des salariés a augmenté de 2,8 % en 1998. Il n'a pas stagné, il n'a pas régressé, contrairement à ce qui s'était passé en 1994, en 1996 et en 1997.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument !
M. Henri Weber. Evidemment, 2,8 % c'est beaucoup moins que l'envolée des revenus du capital enregistrée la même année, mais c'est tout de même l'une des plus fortes progressions des salaires constatées depuis vingt ans.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument !
M. Henri Weber. S'agissant des conditions de travail, la droite sénatoriale a raison à hauteur de 15 %, puisque, selon une enquête récente que vous avez citée, madame la ministre, 85 % « seulement » des salariés se disent satisfaits de l'application de leur accord d'entreprise sur les 35 heures.
De nombreuses dispositions avaient été prises pour éviter que l'aménagement du temps de travail se solde par son intensification et sa précarisation - je n'ai pas le temps de les rappeler. Mais 15 % de salariés stressés ou lésés, c'est encore trop, j'en conviens volontiers. Plusieurs amendements déposés notamment par le groupe socialiste ont précisément pour objet de remédier à ces cas. Je ne doute pas, mes chers collègues, que la majorité sénatoriale les votera.
Ce projet de loi va nous isoler en Europe, dit-on encore ! C'est oublier que la plupart de nos partenaires ont eu recours, bien avant nous et à leur façon, à la réduction du temps de travail pour lutter contre le chômage : les Danois, avec les congés formation et les congés parentaux ; les Néerlandais, avec le recours très large au travail à temps partiel et au statut d'invalidité ; les Allemands, avec les 35 heures négociées dès les années quatre-vingt dans la métallurgie et dans plusieurs autres branches de l'industrie. La durée annuelle du travail est ainsi de 1 400 heures au Pays-Bas, de 1 550 en Allemagne et en Suède, comme l'a rappelé notre collègue Jean-Claude Carle, pour s'en désoler.
Autrement dit, nous ne sommes pas seuls en Europe ; nous rejoignons au contraire un peloton, à notre manière.
La droite sénatoriale nous dit, aujourd'hui comme hier, que la réduction du temps de travail ne créera pas d'emplois. Elle conteste l'enquête du ministère du travail qui établit que 120 000 emplois ont été créés ou préservés en 1998 du fait de la mise en oeuvre de la première loi, et elle considère que la majeure partie de ces emplois représente un « effet d'aubaine ».
Je n'ai malheureusement pas le temps ici de réfuter en détail cette allégation. Mais, vérification faite, je crois que l'enquête de la DARES, la direction de l'aménagement, de la recherche, des études et des statistiques, est fiable, car elle est fondée sur la comparaison de deux échantillons d'entreprises, celles qui sont passées aux 35 heures et les autres, échantillons assez semblables, quoi qu'en ait dit M. le rapporteur. Les spécialistes de la DARES ont de surcroît introduit toutes les corrections nécessaires pour redresser les biais qui subsistaient.
J'aimerais bien comprendre, au demeurant, comment et pourquoi une réduction de 10 % du temps de travail ne favoriserait pas les créations d'emplois, dans une économie en croissance forte comme l'est l'économie française et face à une demande en pleine expansion ? Le nombre de ces créations d'emplois dépendra évidemment en grande partie, nous le savons, de la qualité des rapports entre les partenaires sociaux dans l'optique de la mise en oeuvre des 35 heures. Mais, en tout état de cause, cela ne sera pas négligeable.
J'évoquerai pour conclure la question du financement du dispositif, qui devrait se poser dans toute son ampleur dans quatre ou cinq ans.
Le budget prévu pour la mise en oeuvre de votre projet de loi, madame la ministre, est « bouclé » pour l'an 2000. Il connaîtra une montée en régime progressive jusqu'en 2003 ou en 2004.
Oubliant que, lorsque Alain Juppé a fait voter sa « ristourne », il lui manquait, comme vous l'avez opportunément rappelé, 7 milliards de francs pour la financer à taux plein, l'opposition sénatoriale vous demande comment vous financerez votre dispositif lorsqu'il s'appliquera à toutes les entreprises, d'ici à cinq ans. Vous lui avez répondu par avance dans votre propos liminaire : sur un budget de 105 milliards de francs - 65 milliards au titre de l'allégement des charges sociales et 40 milliards au titre de la réduction du temps de travail - une quinzaine de milliards de francs n'ont, semble-t-il, pas encore été trouvés. Je pense tout comme vous que, la baisse du chômage et le dialogue avec les organisations syndicales au sujet de la mise en oeuvre des aides à l'emploi aidant, nous dégagerons d'ici là, et peut-être plus tôt encore, les financements nécessaires.
Madame la ministre, c'est avec beaucoup de conviction que nous aurions voté votre projet de loi, opportunément amendé par l'Assemblée nationale. Mais la majorité sénatoriale s'apprête, selon sa vieille habitude, à lui substituer son contre-projet, dont vous nous avez dit tout le bien qu'il fallait en penser. (Sourires.) Nous ne pourrons donc que voter contre le texte qui résultera des travaux du Sénat, car il visera à entraver le processus de négociation à l'oeuvre dans notre pays pour aboutir à la réduction à 35 heures de la durée du travail. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons qu'être satisfaits de constater que, au cours du mois de septembre, 83 000 demandeurs d'emploi ont été radiés des fichiers de l'ANPE. Cette baisse du chômage a valeur d'encouragement. Toutefois, pour l'heure, les chômeurs sont encore au nombre de 2 695 000, et si l'on ajoute à ce chiffre les travailleurs précaires qui font la navette entre l'ANPE et une activité d'une durée mensuelle supérieure à 78 heures, la France compte aujourd'hui plus de 3 millions de chômeurs.
M. Charles Revet. C'est la vérité !
M. Serge Franchis. Au moment où nous discutons du présent projet de loi, le chômage reste donc une préoccupation majeure, et celles et ceux qui sont exclus du monde du travail éprouvent un sentiment de révolte. Prenons garde à cela. Prenons garde à ne pas nous accoutumer à la fracture sociale, que personne dans notre pays, par ailleurs si prospère, ne reconnaît comme admissible, comme acceptable.
Une génération au moins aura été en partie sacrifiée. Elle se trouvera une seconde fois en difficulté lorsque ses membres atteindront l'âge de la retraite, sans droits significatifs et sans épargne. Au regard de l'enjeu que représente la réduction du temps de travail, la question se pose de savoir si les mesures que comporte votre projet de loi, madame la ministre, sont suffisamment pertinentes pour développer une culture de l'emploi, une réelle solidarité en faveur de l'emploi.
Je vous livrerai à ce propos quatre réflexions.
Première remarque : je considère, au risque d'être incompris, que le partage du temps de travail aurait dû être d'abord régulé et négocié dans la fonction publique, avec toute la rigueur que suppose le respect de la masse budgétaire. En effet, avant de mettre en jeu la compétitivité du secteur marchand, l'Etat aurait dû s'imposer l'expérience à lui-même, c'est-à-dire aux trois fonctions publiques d'Etat, hospitalière et territoriale.
Cette expérience aurait permis de mettre en évidence toutes les contraintes de réoganisation, toutes les contradictions, toutes les conséquences susceptibles de résulter de cette évolution. Dans le domaine médico-social, l'application des dispositions de la loi du 13 juin 1998 soulève déjà des problèmes pour les institutions soumises à un prix de journée. Qu'en sera-t-il des hôpitaux lorsque la fonction publique hospitalière sera éligible à la réduction du temps de travail ?
A ce sujet, M. Zuccarelli a engagé, en septembre dernier, une consultation pour poser des jalons avant l'ouverture de négociations sur les 35 heures dans la fonction publique. Le ministre a indiqué que « la création d'emplois n'était pas l'objectif premier de cette réforme, qui n'est d'ailleurs étendue à la fonction publique tout entière que par ricochet ». Son embarras se comprend aisément ! Peut-être faudrait-il que nous sachions si, de fait, la durée du travail dans la fonction publique se situe déjà ou non au niveau des 35 heures. Tout cela fait désordre ! Dans la fonction publique territoriale, dont les effectifs seraient en augmentation de 7 % depuis 1991, les horaires varieraient déjà de 32 à 39 heures selon les collectivités.
Deuxième remarque : au cours des auditions des partenaires sociaux par la commission des affaires sociales, j'ai été frappé par l'absence de consensus ; des organisations patronales coopèrent, telles l'Union professionnelle artisanale, qui reconnaît avoir choisi la voie du dialogue plutôt que celle de l'affrontement ; mais des organisations syndicales font état de l'inquiétude des travailleurs devant les 35 heures. Que nous sommes loin d'un élan de solidarité pour l'emploi !
Troisième remarque : l'encadrement législatif paraît trop pesant, trop contraignant, pour laisser place à la négociation que vous appelez de vos voeux, madame la ministre, et qui a été largement engagée depuis juin 1998, pour laisser place à l'imagination, à l'innovation, à la participation, aux facultés d'adaptation, de souplesse, que requièrent la situation particulière de chaque unité de production, les spécificités de chaque profession, la taille de chaque entreprise. Le même concept ne se traduit pas nécessairement par des règles identiques pour un groupe qui emploie 100 000 salariés et pour un artisan, un commerçant ou un agriculteur qui n'en emploie qu'un seul.
Pourquoi ne pas faire davantage confiance aux partenaires sociaux ? Nous pourrions légiférer en faveur des hommes et des femmes dont le métier est pénible ou fatiguant et étendre le champ de la négociation pour les autres.
Quatrième réflexion : il est permis de regretter que la pénibilité du travail soit exclue du débat, d'autant qu'elle est susceptible d'être aggravée par l'augmentation des cadences liée à la réduction du temps de travail.
M. Charles Revet. C'est tout à fait vrai !
M. Serge Franchis. Permettez-moi de citer les conclusions d'une étude récente : « L'intensification du travail n'est pas synonyme de malheur, mais elle l'est toujours de fragilisation. En fait, on constate qu'en moyenne les cadres et les salariés les plus formés s'investissent davantage dans leur travail et que les moins qualifiés souffrent davantage. »
J'attire également votre attention sur les propos d'un médecin du travail : « Il est évident que nous assistons en ce moment à une progression considérable du nombre de maladies liées au travail. Une étude sera conduite sur le passage aux 35 heures car, contrairement à ce que l'on pourrait croire, la réduction du temps de travail risque d'entraîner une augmentation de la pression. »
Il faut savoir que, selon une enquête syndicale, 21 % des salariés bénéficiaires des 35 heures déclarent ne pas pouvoir effectuer les tâches qui leur sont dévolues dans le temps légal imparti ; ils dépassent leurs nouveaux horaires pour achever leur travail quotidien.
En conclusion, j'approuve le dispositif d'aide financière, fondé sur un allégement des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas et moyens salaires, sauf à considérer que cet allégement aurait par lui-même, sans être assorti de la réduction du temps de travail, un effet positif sur les créations d'emplois.
Je forme le voeu que le projet de loi, tel qu'il sera, lui aussi, « allégé » par les amendements adoptés par la Haute Assemblée, puisse apporter une contribution efficace à la politique de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Le Sénat engage aujourd'hui, madame le ministre, la discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail. Comme nombre de mes collègues, je n'ai, sur le fond, aucun a priori sur la réduction du temps de travail. De nombreuses entreprises ont déjà engagé cette réforme ; il me paraît légitime que l'amélioration de la productivité, grâce à l'apport de techniques et de technologies plus performantes, bénéficie également aux salariés des entreprises qui les emploient. C'est vrai aussi vis-à-vis de la pénibilité du travail évoquée à l'instant par notre collègue M. Franchis.
Reste, madame le ministre, qu'il est nécessaire de bien mesurer les conséquences de la démarche et des dispositions que vous nous proposez. C'est là où, me semble-t-il, il y a pour le moins manque de cohérence dans votre démarche.
Les entreprises françaises sont engagées dans une compétition internationale de plus en plus aiguë ; la concurrence est rude. Sans doute avons-nous beaucoup d'atouts - ils sont nombreux et reconnus - à travers le savoir-faire et la qualité du travail des femmes et des hommes de notre pays. Il serait aberrant que ceux-ci se trouvent plus ou moins annihilés par des dispositions imposant des contraintes supplémentaires, en particulier pour les entreprises dont la production nécessite beaucoup de personnel. Ce sont celles aussi, ne l'oublions pas, qui sont génératrices d'emplois.
Madame le ministre, pourquoi ne pas faire davantage confiance à la capacité de nos concitoyens à trouver ensemble, au sein de l'entreprise, en fonction du contexte, un accord partenarial librement consenti ?
Confiance, liberté, responsabilité devraient être les maîtres-mots de notre démarche. Au lieu de cela, vous instaurez toujours un peu plus de contraintes et de carcans. La mondialisation de l'économie nécessite, de la part des entreprises, une capacité à réagir rapidement. Alors qu'elles ont besoin de plus de souplesse, les contraintes s'accumulent. Une simplification des procédures leur est indispensable, et vous ajoutez les réglementations aux réglementations, les unes contredisant quelquefois les autres, d'ailleurs.
Au demeurant, ce qui vaut pour les entreprises vaut également pour les collectivités ou pour les particuliers : nous n'avons jamais eu autant de lourdeurs additionnées.
Comment s'étonner, même s'il faut le dénoncer, que certaines entreprises décident alors de délocaliser, avec toutes les conséquences sociales que cela engendre ?
La France ne peut être partie prenante dans la mondialisation de l'économie, ouvrir ses frontières et, dans le même temps, mettre en place unilatéralement des dispositifs qui rendent plus dure aux entreprises la concurrence qu'elles ont à affronter. N'est-il pas de la responsabilité du Gouvernement, au contraire, de nous proposer des dispositions visant à améliorer la compétitivité de celles-ci ?
Nous eussions préféré que vous nous proposiez une autre démarche que celle qui a été engagée par le Gouvernement, visant à légiférer unilatéralement.
Ne pensez-vous pas, madame le ministre, que la priorité de votre action devrait tendre vers une négociation avec nos partenaires européens pour harmoniser nos législations du travail ? Je comprendrais que, sur la base d'une réflexion engagée par le Parlement, vous nous demandiez de vous mandater pour négocier une harmonisation de notre législation sociale. Cela eût été, probablement, plus porteur en matière de création d'emplois.
Malheureusement, ce n'est pas le sens de la démarche que vous avez engagée ! Même les gouvernements des pays européens qui partagent la philosophie qui vous anime vous regardent avec circonspection. Cela ne devrait-il pas vous interpeller ? Mais des promesses ont été faites en campagne électorale, qu'il faut tenir... C'est louable en soi, mais pas à n'importe quel prix.
Vous nous avez dit tout à l'heure que la mise en place des 35 heures dans les entreprises qui l'avaient décidée avait été génératrice de créations d'emploi. Je crains que les résultats réels ne soient beaucoup plus modestes que ceux que vous annoncez. Ne craignez-vous pas, madame le ministre - en tout cas, nous, nous le craignons - que tout cela ne dissuade des entreprises de venir s'installer chez nous, voire, ce que j'indiquais tout à l'heure pour des groupes, ne les conduisent à délocaliser, ce qui aboutirait alors non pas à une réduction du temps de travail, mais au chômage ?
Madame le ministre, il est beaucoup pardonné à qui sait reconnaître ses erreurs ! La commission des affaires sociales, son rapporteur, son président - et je les félicite tous deux - ont beaucoup travaillé pour amender d'une manière constructive ce projet de loi. Puis-je vous suggérer d'être attentive à leurs propositions ? Nous avons tous à y gagner, l'entreprise France en premier ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans le monde nouveau qui dorénavant est le nôtre, le responsable politique doit être modeste. Aussi, avez-vous fait, madame le ministre, une erreur en déclarant à la fin de la semaine dernière, après la publication de bons chiffres il y a quelques jours, que la France commençait à voir les effets des 35 heures entrer dans la statistique du chômage de manière très claire.
Tout d'abord, l'affirmation est objectivement erronée. Si, par bonheur, le chômage a décru de près de 12 % ces deux dernières années dans notre pays, il a décru dans le même temps de plus de 40 % au Pays-Bas et de 24 % en Espagne, pays qui pourtant, ni l'un ni l'autre, n'ont mis en place une réduction étatique du temps de travail.
Parmi tous les grands pays de l'Occident, et toujours ces deux dernières années, tous font mieux que la France, puisque les Etats-Unis d'Amérique ont vu leur chômage baisser encore de 15 %, passant d'un taux de 5 % à 4,1 %, et le Royaume-Uni de 15,2 %, passant de 7,3 % à 6,2 %. Seules l'Italie et l'Allemagne font, sur cette période, plus mal que la France, même si tout est relatif, puisque l'Allemagne connaît un taux chômage de 9 % alors que la France est encore toute proche des 11 %.
Non, madame le ministre, ce ne sont pas les lois, les règlements qui créent des emplois. Ce sont les entreprises qui, seules, en ont la capacité.
Mais pour que les entreprises embauchent, il faut qu'elles aient des clients, et pour que ces clients se décident à acheter - et donc enclenchent un processus de croissance - il faut qu'ils aient la conviction d'avoir les moyens de financer leur achat.
Aussi, cela aurait eu du panache, madame le ministre, si vous aviez eu l'objectivité - dont devront faire preuve dorénavant les responsables politiques dans ce monde nouveau - de reconnaître que les bons résultats actuellement constatés en matière de chômage sont le fruit des efforts accomplis par les Français depuis 1993 : l'inflation est maîtrisée ; les taux des prêts sont enfin abordables. Et, pour atteindre cet objectif, il était nécessaire de s'appuyer sur une monnaie respectée, forte et stable : l'euro.
L'histoire rendra grâce aux mesures prises par les gouvernements entre 1993 et 1997, qui ont eu l'effet apparemment néfaste, dans un premier temps, de « plomber » notre développement économique, tant la thérapeutique fut puissante pour faire face à l'urgence, mais qui ont pu permettre, grâce à la réduction des déficits publics, de respecter les conditions nécessaires d'adhésion à une monnaie européenne aux règles strictes, et qui ont su créer un environnement favorable à la croissance.
Devant l'embellie actuelle, il est surprenant de constater qu'aucun observateur averti - qu'il soit de gauche ou de droite d'ailleurs - n'a l'honnêteté de se poser la question de savoir où nous en serions aujourd'hui si les Français n'avaient, par de lourds sacrifices, créé en 1995 et 1996 les conditions favorables pour que nous soyons aujourd'hui dans l'euro.
Mais cette question m'amène immédiatement, madame le ministre, à une autre question : n'est-il pas à craindre a contrario pour la France que votre décision politique de réduire le temps de travail ne ternisse à terme, dans deux ou trois ans, l'embellie que connaît actuellement notre pays, compte tenu du coût public très lourd de cette mesure en vitesse de croisière ?
Vous commettez une terrible erreur, madame le ministre, en voulant faire croire aux Français que c'est le Gouvernement qui a la possibilité de créer des emplois en apportant de l'argent public. (Absolument ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.) Très vite, nos concitoyens prendront conscience que les autres pays industrialisés voient leur chômage décroître aussi rapidement - sinon plus rapidement que la France - et cela sans octroyer des aides publiques pour moins travailler.
Le retour de bâton risque d'être plus sévère encore quand la règle, sans exception, qui affirme que plus un pays travaille, moins il compte de chômeurs, sera aussi respectée en France et que nous constaterons alors que, à cause de la réduction du temps de travail que vous imposez, le chômage décroîtra moins vite en France que chez ses principaux partenaires et concurrents.
Pour que cette prise de conscience des Français soit plus rapide, je recommanderai à l'opposition dès lors que de l'argent public financera une réduction du temps de travail, de faire publier dorénavant chaque mois par un organisme sérieux et objectif, les évolutions du chômage dans les principaux pays industrialisés. Il faudra que les Français sachent !
De plus, dans ses règles opératoires, votre loi est d'une telle complexité qu'elle va encore élargir le fossé qui s'est creusé dans notre pays entre l'entreprise et les responsables politiques.
Ainsi, les quatre calendriers différents de mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, les subtilités d'application des heures supplémentaires, avec leurs différentes bonifications dans certains cas, qu'il ne faudra surtout pas confondre avec les majorations dans d'autres cas, et le calcul à terme du salaire minimum sont autant de sujets de contentieux qui, peu à peu, vont fort irriter les gestionnaires des entreprises tant la mise en oeuvre sera complexe, voire parfois injuste - j'utilise sciemment ce qualicatif d'injuste, car il est vrai que votre loi va créer de réelles injustices.
Comme je vous le démontrerai dans quelques instants en abordant le fond, ce sont les salariés les plus humbles, ceux qui sont sans qualification, qui seront les plus touchés dans le vaste mouvement de mutations d'entreprises qu'inexorablement votre texte va accélérer.
L'injustice se retrouve même dans le corps du texte que vous nous soumettez.
Ainsi, vous proposez qu'il y ait dorénavant deux statuts de salarié en France : celui qui travaillera dans une entreprise de plus de vingt personnes et qui sera rémunéré sur une base de 39 heures alors qu'il ne travaillera plus que 35 heures, et ce grâce à un complément différentiel de 700 francs versé chaque mois par l'Etat ; en face de ce salarié « privilégié », il y aura, pendant ces deux prochaines années, le salarié de l'entreprise de moins de vingt personnes, qui, lui, continuera à travailler 39 heures en conservant la même rémunération. N'est-ce pas injuste ?
Vous proposez par ailleurs que, dans les entreprises qui sont touchées par vos règles concernant la réduction du temps de travail, les salariés à temps partiel dont la durée de travail est réduite voient leur pouvoir d'achat maintenu. Ainsi, un salarié à temps partiel dont l'horaire de travail passerait de 20 heures à 18 heures resterait payé 20 heures, soit deux heures de plus que celui qui travaille déjà à ce jour 18 heures et dont l'horaire de travail ne varierait pas. N'est-ce pas injuste ?
Mais il y a plus grave encore : votre dispositif renferme une bombe qui semble avoir été placée sciemment tant son dégagement de puissance potentielle est synchrone avec les échéances électorales de 2002.
Le Conseil d'Etat vous a formellement demandé de faire disparaître avant 2005 le mécanisme complexe du complément différentiel. Cela veut dire que, d'ici à cette échéance, la valeur du SMIC aura dû grignoter ce complément différentiel. Mais comme, par ailleurs, vous avez annoncé à l'Assemblée nationale que le taux horaire du SMIC ne varierait pas pendant ces deux prochaines années, tant que les entreprises de moins de 20 salariés ne seront pas intégrées dans votre dispositif, nous imaginons très bien l'annonce que voudrait faire votre gouvernement au début de 2002, quand toutes les entreprises seront concernées par la réduction du temps de travail : il sera alors annoncé un fort coup de pouce au SMIC. Or que se passe-t-il en 2002 ?... Ce stratagème puéril prêterait à sourire si, derrière tout cela, n'était pas en jeu la compétitivité, donc la survie de nombreuses entreprises françaises.
En effet, et c'est là que j'en arrive au fond, votre loi est archaïque, madame le ministre. Elle regarde le passé et ignore totalement l'avenir. Votre culture et l'idéologie qui vous porte vous font penser que le destin du salarié - du travailleur, diraient certains - dans le temps qu'il doit passer à travailler dans l'entreprise, dépend de la décision poitique. Cela est faux.
Le temps de travail de l'homme a toujours été directement, étroitement lié aux outils qu'il utilise, et cela depuis des millénaires. S'il est vrai que, depuis deux siècles, et plus encore dans le xxe siècle avec le développement de la production de masse, le salariat, qui est une invention récente, donc fragile, dans l'histoire de l'homme, a pris de plus en plus d'importance, il faut que nous ayons conscience que les nouvelles technologies, qui dorénavant se propagent à une vitesse stupéfiante, vont plus faire évoluer les relations de chacun d'entre nous avec son travail dans les dix prochaines années que ne l'a fait le taylorisme avec son travail à la chaîne en quatre-vingts ans.
Mais, dans cette mutation rapide que va connaître l'entreprise dès le début du xxie siècle, la compétition va être injuste.
Si vous aviez voulu, madame le ministre, faire une loi qui regarde vers l'avenir et qui vous aurait fait entrer dans l'histoire, vous auriez dû nous proposer un texte qui protège les plus démunis et les plus exposés dans le terrible combat qui s'annonce. Or, loin de cela, le texte que vous présentez aujourd'hui, par son uniformité, par sa rigidité, par l'intervention des pouvoirs publics dans le contrat privé, va pénaliser davantage encore les plus faibles.
Comme je le disais voilà un instant, ce sont les outils utilisés par l'homme qui ont déterminé depuis des millénaires le temps qu'il a dû consacrer au travail. Cela est aussi vrai pour le paysan de Mésopotamie avec l'araire il y a quelque 5 000 ans que pour l'ouvrier textile avec le métier à tisser il y a 150 ans, ou que pour l'agent de production qui, de nos jours, monte une automobile sur une ligne d'assemblage.
Ce qui est nouveau depuis quelques courtes décennies, c'est que l'outil, qui, depuis la roue, avait comme finalité de se substituer à la force musculaire, donc de diminuer l'effort physique de l'homme, a maintenant comme fonction de conforter, sinon remplacer sa mémoire et, plus encore, de l'aider, sinon se substituer à lui pour prendre des décisions.
Par ailleurs, l'outil, qui fut essentiellement individuel pendant plusieurs millénaires, était devenu collectif depuis plus d'un siècle avec la production de masse. De nouveau, grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, nos outils ont tendance à redevenir individuels.
Cette tendance lourde de l'évolution de notre monde et cette nouvelle approche du travail qu'elle induit ne pourront être entravées, ni même déviées par aucun gouvernement. En revanche, n'est-il pas dans la mission fondamentale des responsables politiques de savoir anticiper sur cette mutation inexorable pour éviter que ne se creuse un fossé abyssal entre ceux qui bénéficieront de l'usage de ces nouveaux outils et ceux qui en seront exclus ?
En effet, il en est fini des classifications imaginées, voilà plus d'un demi-siècle maintenant, par Colin Clark et qui nous séparaient en trois secteurs : les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Il y aura dorénavant ceux dont le travail, qu'il soit intellectuel ou physique, sera amplifié par la machine en quantité produite dans un temps de référence et, de l'autre côté, ceux dont les tâches ne pourront être accélérées par la machine.
Ainsi, alors que la productivité brute, en calcul, a été multipliée par dix mille - je dis bien par dix mille - en moins de trente ans pour un ingénieur qui, par exemple, simule le fonctionnement d'une machine complexe, et cela pour un coût décroissant, il faut toujours le même temps aujourd'hui qu'il y a trente ans à une infirmière pour faire un pansement, à une coiffeuse pour faire une coupe de cheveux, à une serveuse pour servir un repas ou à un chauffeur routier pour livrer ses colis aux clients. Ainsi, les classifications archaïques vont laisser place à une nouvelle division internationale du travail, qui va rapidement nous faire découvrir un paysage nouveau.
Ne soyons pas surpris si, dans quelques courtes années, nous voyons manifester côte à côte le médecin, le carreleur et la femme de ménage : ils ont tous comme handicap fondamental dans le monde nouveau de ne pouvoir amplifier leur « productivité » par la machine. D'ailleurs, et cela se vérifie actuellement dans tous les pays développés, ces métiers non automatisables connaissent partout un déficit de recrutement parmi les jeunes. Chacun d'entre nous a déjà entendu de nombreux artisans, qu'ils soient maçons, charpentiers ou plombiers, nous dire les réelles difficultés qu'ils rencontrent pour recruter des ouvriers et même pour former des apprentis.
La loi de réduction négociée du temps de travail ne va pas fondamentalement entraver les entreprises de nouvelle génération, heureusement de plus en plus nombreuses, qui s'appuient sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication et qui ont la capacité d'augmenter leur productivité dans des proportions nettement supérieures aux quelque 11 % qui sont arithmétiquement imposés par ce texte.
Pour les entreprises de production de biens physiques, le dilemme est simple : soit elles ont encore la capacité d'augmenter l'automatisation de leur cycle de production, donc d'améliorer leur productivité et de ne pas augmenter leurs prix - il faut souligner que, dans ce cas, l'augmentation du nombre d'automates va avoir comme conséquence de supprimer des emplois, ce qui va à l'opposé du but recherché par ce texte - soit les entreprises de production n'ont plus la capacité d'augmenter leur productivité grâce aux robots et, alors, soit elles disparaîtront, soit elles délocaliseront si elles en ont encore les moyens.
Mais les entreprises qui vont littéralement être « plombées » par votre texte, madame le ministre, sont les petites entreprises manufacturières, et les artisans en particulier, qui verront augmenter leur masse salariale soit par la multiplication des heures supplémentaires, soit par l'obligation de recruter de nouveaux salariés, puisque ces entreprises ne pourront pas augmenter leur productivité grâce à la machine.
S'il est possible de façon transitoire, à partir de 2002, pour une entreprise comptant plus de 10 salariés, de recruter un salarié supplémentaire et de ne pas augmenter temporairement sa masse salariale grâce à l'aide de l'Etat, qu'en sera-t-il de la petite entreprise artisanale type qui compte quatre ou cinq compagnons ? Pour respecter, à partir de 2002, les 35 heures, il ne lui sera pas possible d'embaucher un ouvrier en plus, ce qui lui ferait une augmentation soudaine de la masse salariale pour un chiffre d'affaires qui, souvent, reste constant pour ce type d'entreprise. Il lui faudra donc payer des heures supplémentaires à ses salariés dès la trente-sixième heure travaillée, ce qui ne fera que diminuer les revenus personnels de l'artisan. Ceux-ci, dont on ne se préoccupe pas de compter les heures réelles de travail et qui souvent font déjà plus de 60 heures par semaine, seront obligés de travailler encore plus pour s'en sortir.
Un autre type de réponse, venant surtout des petites et moyennes entreprises, pourrait nous surprendre.
Le défi lancé par ce texte aura de telles conséquences, vitales pour certaines entreprises, que ces dernières vont accélérer la mutation qui leur est suggérée par les nouvelles technologies. Ne pouvant faire face à une telle augmentation de la masse salariale, elles vont beaucoup plus rapidement que dans les autres pays industrialisés - nous l'avons déjà constaté dans le passé dans notre pays avec la mise en place de la robotisation - se redéployer et externaliser un nombre grandissant de tâches pour les confier à des individus connectés, dont aucun gouvernement, aussi dirigiste soit-il, ne pourra heureusement contrôler la durée réelle du temps de travail.
S'il en était ainsi et si ce mouvement d'externalisation d'un nombre grandissant de fonctions d'une entreprise s'appuyant sur des individus reliés les uns aux autres par les réseaux se montrait favorable aux entreprises, et partant du postulat que ces individus ainsi externalisés seraient rémunérés non plus par un salaire fixe, mais à l'importance des tâches réellement effectuées, et ce sur une base contractuelle, il serait quand même paradoxal, voire cocasse, oserai-je dire, que ce soit un gouvernement de gauche qui ait historiquement initié, en ce début du XXIe siècle, un mouvement long, mais inexorable, de régression du salariat, qui pourtant constitue le socle sur lequel il s'appuie depuis plus d'un siècle. Cette régression aurait été amorcée par une loi réduisant de façon autoritaire le temps de travail.
M. Henri Weber. C'est de la science-fiction !
M. Jean Chérioux. C'est très intelligent !
M. René Trégouët. Je vous donne rendez-vous dans quelques années, monsieur Weber !
Mais, au-delà de ces mouvements qui vont faire évoluer toutes les idéologies nées voilà plus d'un siècle, une mutation bien plus profonde encore est en train de bouleverser nos sociétés.
Dans nos pays comblés et malheureusement marqués par un égoïsme que nous risquons de payer cher dans quelques décennies, l'argent ne sera plus le bien essentiel : c'est le temps qui va devenir le bien le plus précieux pour l'homme.
M. Jean-Luc Mélenchon. Oui !
M. René Trégouët. C'est pourquoi je reprends volontiers la forte phrase de Robert Reich : « Dans la vie d'une nation, peu d'idées sont aussi dangereuses que les solutions justes à des problèmes mal posés. »
Vous avez eu raison, madame le ministre, d'ouvrir un débat sur la durée du temps de travail et de conclure que celui-ci ira en se réduisant. Mais vous avez eu tort de très mal poser le problème en ne prenant pas en compte la réalité de l'entreprise, surtout de la petite et moyenne entreprise, en vous appuyant sur une vision archaïque déformée par le prisme de l'idéologie et en vous référant à de grands groupes multinationaux qui n'ont de considération que pour leurs actionnaires.
Bien imprudent serait le gouvernement qui, dorénavant, ne voudrait pas parler du temps que chacun doit réserver au travail dans sa vie. Il faut même avoir le courage de dire dès maintenant qu'il serait mortel pour tout gouvernement d'avoir la tentation d'annuler totalement le texte qui nous est aujourd'hui proposé et de revenir au statu quo ante .
Toutefois, ceux qui, demain, auront en charge le destin de la nation devront avoir le courage de reprendre globalement le problème et, enfin, de bien le poser. Si nous voulons donner à chaque Français une réelle possibilité de faire le choix fondamental de sa vie en lui offrant une réelle liberté dans l'utilisation de son temps, il faut traiter, selon une même approche globale et cohérente, les problèmes de démographie et d'immigration, les problèmes de formation tout au long de la vie, les problèmes de rémunération - et celle-ci devra se fonder de plus en plus sur les résultats des entreprises, à travers l'intéressement, et de moins en moins sur les seuls salaires - les problèmes posés par l'allongement de la vie, les problèmes de protection sociale, les problèmes liés aux retraites, lesquelles, c'est inéluctable, devront s'appuyer de plus en plus sur des fonds de pension et de moins en moins sur un système de répartition.
En un mot, il faudra non plus traiter le temps de travail « à la petite semaine », comme vous le faites dans le texte que vous nous proposez aujourd'hui, madame le ministre, mais le poser dans sa globalité, sur toute la durée d'une vie.
Il nous faudra aussi, dorénavant, faire un usage pertinent de l'argent public et, en particulier, faire en sorte qu'il ne donne plus lieu à effet d'aubaine - à l'inverse de ce que tend à produire ce texte - pour des entreprises qui, recourant à des outils dont la productivité augmente à une vitesse qui leur permet de relever les défis de la concurrence, n'ont pas besoin de subventions pour réduire le temps de travail de leurs salariés.
Ce n'est qu'à cette condition que la politique pourra retrouver sa crédibilité auprès de tous les Français.
Quand nos concitoyens sont interrogés dans le cadre d'études d'opinion, une large majorité d'entre eux déclarent souhaiter réserver moins de temps à leur travail et pouvoir disposer en toute liberté d'un temps choisi pour faire autre chose. Mais, quand on demande à ces mêmes Français si cette réduction du temps de travail est bonne pour la France et pour leur avenir, ils sont aussi nombreux à répondre massivement non. C'est là qu'il y a problème !
Comme toujours, le bon sens est populaire. Madame le ministre, vous avez fait l'erreur de ne pas aller sur le terrain, à la recontre des chefs d'entreprises et des salariés.
M. Jean-Luc Mélenchon. Pour faire du « tourisme social », comme vous ?
M. René Trégouët. C'est dommage, car vous auriez beaucoup appris. Vous auriez alors été incitée à ne pas nous présenter un texte qui n'a pas d'avenir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l'examen du premier texte sur la réduction du temps de travail, j'avais exprimé mon regret de voir abandonner des dispositions qui privilégiaient la négociation encadrée observant la réalité des paramètres.
Ma position n'a pas changé, d'autant que la preuve de l'incidence de la diminution de la durée du travail sur l'abaissement du taux de chômage n'est toujours pas apportée.
Le recul actuel des effectifs des demandeurs d'emploi reflète la reprise générale de l'économie. Notre excellent rapporteur et mon ami René Trégouët l'ont rappelé, et la démonstration est largement contenue dans les documents de l'OCDE, qui, entre juin 1997 et juin 1999, a relevé les chiffres du marché de l'emploi chez nos voisins ; je n'y reviendrai donc pas.
Cela mérite réflexion. Si vraiment la recette était bonne, les effets se seraient fait sentir et elle aurait fait des émules. Or il n'en est rien.
Pourquoi donc poursuivre sur un chemin qui n'est pas le bon et avoir, de plus, un nouveau texte en attente pour mettre toutes les entreprises sous le même boisseau ? Cette rigidité accentuée n'est pas sans incidence sur la courbe des créations d'entreprises qui, contrairement à ce qui se passe habituellement, s'écarte de celle de la production. Depuis deux ans, la croissance est soutenue alors que le nombre de créations d'entreprises ne cesse de diminuer.
M. Henri Weber. C'est inexact !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est faux !
M. Bernard Joly. Pourquoi résister à la tentation si délice il y a ? La décision anticipée d'embaucher après le passage aux 35 heures, bien qu'assortie d'une subvention de plusieurs milliers de francs par salarié, n'a visiblement tenté que 2 % des entreprises. Les entrepreneurs français seraient-ils d'une probité telle que l'adhésion au froid raisonnement que vous leur imposez, madame la ministre, leur ferait repousser une aide qui leur apparaîtrait comme superflue ?
Non seulement ce dispositif va peser sur l'Etat mais il va également peser sur les entreprises à effectifs constants. Ce passage aux 35 heures entraînera une hausse de plus de 10 % du coût de l'heure de travail. Beaucoup de petites structures ne le supporteront pas. Sans vouloir jouer les Cassandre, c'est l'inverse de l'effet escompté qui pourrait bien se produire.
A cet égard, est attendue depuis deux ans une réforme des cotisations sociales patronales. Elle permettrait de réduire le coût du travail alors que le nouvel horaire légal tend au contraire à l'augmenter.
Plus dommageable encore sera l'application de ces dispositions au secteur tertiaire. L'essor de celui-ci, la relève qu'il assure pour l'économie sur les activités de production et de transformation vont subir un frein.
Le tertiaire est avant tout fondé sur le service rendu. Les flux de demandes sont concentrés soit sur des périodes de l'année, soit sur des tranches horaires bien précises. Comment les satisfaire avec la rigidité de ces textes ? Les acteurs sont constitués par une multiplicité de petites unités pour lesquelles les interlocuteurs désignés ne sont pas forcément présents.
La mise en place de ce que sera la loi ne se fera qu'au prix d'un maquillage pour arriver à être en conformité avec elle, du moins pour les plus respectueux des règles. Pour les plus malins, la solution résidera dans la délocalisation s'ils veulent résister à la concurrence des pays voisins, bien moins réglementés.
Cette situation est flagrante dans le secteur du tourisme, activité à forte main-d'oeuvre et à sollicitation en pics. Faut-il, avant même de voter une loi, envisager des dérogations ou, à tout le moins, prévoir des dispositions spécifiques pour certaines catégories de salariés ?
Par exemple, lorsqu'un guide accompagne un groupe de touristes en circuit pendant une, deux ou trois semaines, cela veut dire qu'il travaille sept jours sur sept pendant environ dix heures. Actuellement, lui est allouée une rémunération forfaitaire à la journée, sans référence à un horaire, et les montants sont négociés paritairement, au niveau de la branche, avec les organisations syndicales, en conformité avec la convention collective. Faudra-t-il prévoir deux guides pour assurer un roulement ?
Les tour-opérateurs français ne seront plus compétitifs par rapport à leurs confrères étrangers, qui démarcheront la clientèle française en lui proposant les mêmes produits à des coûts inférieurs.
Même constat pour les agences de voyage, qui, si elles veulent offrir leurs services dans les tranches horaires et les jours où se concentrent les pratiques commerciales, devront doubler leur personnel. Malgré les allégements de cotisations sociales, ce n'est pas viable, car 90 % des 3 000 entreprises concernées ont moins de vingt salariés et près de 60 % moins de cinq salariés.
Et qu'en est-il de la restauration, où 90 % des PME comptent moins de cinq salariés ? Tout d'abord, le temps de présence ne signifie pas forcément un temps d'activité. Ensuite, la difficulté déjà éprouvée de trouver des salariés qualifiés à temps complet va devenir réellement problématique en cas d'embauches supplémentaires. Enfin, dans ce métier, la véritable pointeuse, c'est le client, qui arrive entre dix-neuf heures et vingt-deux heures trente, qu'on le veuille ou non !
M. Jean-Luc Mélenchon. Oh là là !
M. Bernard Joly. Par ailleurs, le retour aux « produits vrais » risque d'être sérieusement compromis. Afin de maintenir un équilibre économique, les produits fournis par l'industrie agroalimentaire remplaceront les produits frais, qui demandent beaucoup plus de temps de transformation et de personnel qualifié.
Comme pour les guides touristiques, que prévoir pour les veilleurs de nuit ? Des systèmes automatisés ? Où est la création d'emplois ?
A bien y regarder, il est évident qu'on n'augmente pas le nombre des bénéficiaires d'un emploi en réduisant le nombre d'heures de travail de chacun. Il n'y a pas un volume constant à partager.
Par ailleurs, le progrès de la productivité n'induit pas ou n'implique pas de réduction du temps de travail ; il en modifie le contenu et l'aménage.
Madame la ministre, sans vouloir polémiquer, j'ai peur que la contrainte qui nous est proposée, comme le tabac et l'alcool qui nuisent gravement à la santé, ne nuise gravement à la santé économique de la France et à la compétitivité de ses entreprises, surtout des PME. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la conquête du temps fait partie d'une des grandes aspirations de l'homme, qui oscille entre deux désirs : d'une part, aller toujours de plus en plus vite afin de diminuer l'espace-temps pour réaliser ses déplacements entre deux points, pour améliorer ses performances, pour limiter la durée des tâches auxquelles il est astreint et, d'autre part, à l'inverse, augmenter l'espace-temps pour allonger sa propre durée d'existence et sa qualité de vie.
Pour l'homme, engagé dans sa course perpétuelle contre le temps, la réduction du temps de travail répond à cette même préoccupation et c'est pourquoi elle s'est toujours trouvée au coeur des grandes luttes sociales de notre pays.
Par ailleurs, les nouvelles formes de travail, avec le développement du télétravail et l'apparition des nouvelles technologies, la nécessité de satisfaire une population ou une clientèle de plus en plus exigeante, celle d'assurer la maintenance des produits ou des services sans interruption et sans faille, celle de prendre toutes les précautions et les garanties pour éviter une mise en cause sur le plan de la responsabilité font que le cadre juridique des conditions de travail s'est trouvé bouleversé.
La modification des rythmes de travail a ébranlé les rythmes sociaux et perturbé l'organisation de la vie collective comme de la vie personnelle des salariés.
Le chantier de l'organisation du temps que vous avez ouvert, madame la ministre, avec la réduction du temps de travail répond à cet objectif pour, selon vos propos, « non seulement rechercher un meilleur équilibre quantitatif entre le temps de travail, le temps pour soi, le temps pour les autres, mais aussi améliorer la qualité de vie personnelle et trouver une meilleure articulation entre le temps de travail et le temps hors travail. »
Je ne reviendrai pas sur la finalité même du projet de loi : l'emploi. De nombreux collègues avant moi s'en sont fait largement l'écho. Au demeurant, ce texte n'est pas la première démonstration de votre engagement et de celui du Gouvernement en faveur de l'emploi. Toute la panoplie de mesures déployées depuis deux ans concourt à ce même but, qu'il s'agisse des emplois-jeunes ou, plus récemment, de la baisse du taux de la TVA pour les travaux dans les locaux d'habitation.
Je m'attacherai davantage à suivre le fil conducteur qui sous-tend ce projet, c'est-à-dire la négociation. C'est ce fil rouge que la droite sénatoriale entend rompre, vidant ainsi de son sens toute la construction du projet.
L'histoire nous a montré que chaque avancée significative des droits des salariés n'a pu être réalisée qu'à deux conditions : d'abord, qu'elle soit organisée dans un cadre législatif, ensuite, que les droits de toutes les parties soient renforcés pour permettre une négociation réellement efficace.
Ce fut le cas de la loi du 23 avril 1919 portant à 8 heures la durée maximale du travail journalier et à 48 heures celle du travail hebdomadaire. Cette loi avait heureusement été précédée, le 19 mars de la même année, d'une loi instaurant le droit à la négociation collective et à la mise en place de conventions collectives, avec des droits nouveaux pour les syndicats.
Ce fut aussi le cas de la loi du 21 juin 1936, la fameuse loi des 40 heures, qui avait aussi été précédée d'une autre loi sur la négociation collective et les droits syndicaux.
En revanche, la loi de 1848 limitant le travail des femmes et des enfants n'avait pas pu être appliquée en l'absence de droits réels pour les salariés et leurs représentants.
Or, dans le projet de loi qui nous est soumis, les rôles respectifs de la loi et de la négociation sont manifestement au coeur du débat.
La loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail a fixé une orientation - la réduction de la durée légale du travail à 35 heures - mais elle a aussi retenu une méthode pour la négociation. Cette loi a enclenché un fort mouvement de négociations dans les branches ou les entreprises. Les partenaires sociaux ont été appelés à définir, par leurs accords, des solutions adaptées pour mettre en place la réduction de la durée du travail, prenant en compte à la fois les besoins des entreprises et les aspirations des salariés, le tout sans perdre de vue la création ou la préservation d'emplois.
Le texte qui nous est soumis prolonge la dynamique mise en place par la première loi. Il permet d'engager dans de bonnes conditions, comme le prouve le bilan positif des premiers accords, la généralisation du passage aux 35 heures.
Par ailleurs, le succès de la négociation suppose que les partenaires sociaux puissent s'appuyer sur un cadre juridique clair et stabilisé. Ainsi, la loi doit préciser ce qu'elle entend régler directement et annoncer ce qui doit être laissé à la négociation.
Sans procéder à une analyse exhaustive du projet de loi en raison de la limitation de mon temps de parole et de l'heure tardive, j'illustrerai mes propos à l'aide de quelques exemples significatifs.
Il appartient à la loi de fixer le cap, d'établir les règles et un calendrier précis, de définir des garanties et des protections pour tous par des clauses d'ordre public. Tel est l'objet de l'article 1er qui confirme la durée légale du travail effectif à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et au 1er janvier 2002 pour les autres. Il s'agit là d'une disposition légale non susceptible de dérogation conventionnelle.
Nous avons tous noté avec satisfaction que cet article 1er avait été complété par l'Assemblée nationale grâce à l'adoption d'un amendement communément appelé « Michelin ». Celui-ci prévoit que l'employeur doit avoir conclu un accord de réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires, ou 1 600 heures annuelles, ou avoir engagé des négociations avant tout plan social.
Cet article avait également été complété par une série d'articles précisant la notion de travail effectif et encadrant la prise en compte des conditions de travail particulières. C'est le cas du temps de pause, d'habillage ou de déshabillage, de casse-croûte, des périodes d'astreinte, de veille ou d'inaction, ou encore du régime des heures d'équivalence au regard de cette notion de travail effectif.
La loi fixe également le cadre commun à toutes les entreprises sur des points essentiels comme le régime des heures supplémentaires effectuées entre 35 et 39 heures, ces heures pouvant donner lieu à une bonification soit financière, soit en temps de repos.
Mais quelle serait l'efficacité d'une telle loi si une large place n'était pas réservée à la négociation pour assurer une meilleure adaptation à la réalité du terrain et des entreprises ?
En matière d'heures supplémentaires, par exemple, la loi laisse à l'accord d'entreprise le choix de la nature de la contrepartie pour les salariés, entre la récupération du temps et la majoration en argent. Là, de nouveau, c'est la négociation qui facilitera la réalisation d'accords dès l'an 2000.
Cet exemple n'est qu'une illustration, car de nombreux domaines pourront et devront être précisés par des accords particuliers dans chaque entreprise : le délai de prise du repos compensateur, la répartition du temps libéré par la prise de journées ou de demi-journées, le régime à appliquer aux cadres, le recours au temps partiel, le recours au compte épargne-temps et le développement de la formation.
En supprimant la plupart des avancées de ce projet de loi, avec sa batterie d'articles de suppression, la majorité de droite de notre assemblée est, à l'évidence, même si elle s'en défend, contre toute idée de négociation. Elle porte ainsi atteinte à la cohérence du dispositif.
Si le moment était propice à la plaisanterie, je pourrais imaginer qu'il s'agit là d'une démarche de coordination en vue de la réduction du temps de travail des parlementaires ! Mais les raisons sont bien plus pernicieuses. D'ailleurs, je ne comprends pas très bien - et je ne suis pas le seul - pourquoi, après ce travail de coupes claires, le titre du projet de loi n'a pas été amendé à son tour. Par ces suppressions, le titre « projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail » est vidé de tout son sens.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument !
M. Claude Domeizel. La commission des affaires sociales, malgré notre opposition, a modifié radicalement l'orientation du projet de loi.
La droite oublie que, dans bon nombre d'entreprises, même celles qui sont dépourvues de délégués syndicaux et de délégués du personnel - ce que l'on peut regretter - les négociations engagées sur la base de la première loi sur les 35 heures ont créé une nouvelle dynamique de renforcement du dialogue social.
Les accords signés sous l'égide de la première loi démontrent que le processus engagé a permis de modifier, de façon substantielle, l'organisation du temps de travail dans les entreprises signataires, de créer ou de préserver un certain nombre d'emplois et ont contribué à la relance, voire à la mise en place d'un véritable dialogue social. Il n'y a aucune raison de ne pas continuer dans cette voie.
Cette méthode est aussi un gage assuré pour l'émergence d'un nouveau droit du travail, qui intègre la prise en compte des aspirations des individus dans le champ du travail du xxie siècle. L'adoption du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail doit marquer l'histoire de notre pays. Ce texte constitue, en effet, un progrès social majeur, non seulement par son contenu, mais aussi au regard de son mode d'élaboration, car il privilégie l'interaction entre la loi et la négociation sociale, qui permettra de faire aboutir un véritable dialogue social.
Le groupe socialiste aborde cette discussion avec une grande volonté de la faire aboutir. Il apportera son soutien à ce texte, parce qu'il s'inscrit parfaitement dans l'action menée depuis deux ans, avec succès, par le Premier ministre, par toute sa majorité et par vous-même madame la ministre, en faveur de l'emploi, de la solidarité et de l'expression de la démocratie. (Applaudissements sur les travées socialistes et celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en cette fin de siècle, la réduction de la durée légale du travail reste l'un des grands sujets de débat dans notre pays. Il n'a jamais autant occupé la sphère médiatique depuis la crise économique des années soixante-dix.
L'amélioration du statut des actifs serait-il une priorité alors que, par ailleurs, le chômage et la précarité progressent ? La question est posée.
J'émetterai deux réserves à l'encontre de ce projet de loi.
En premier lieu, avec la deuxième loi, l'objectif de lutte contre le chômage passe ouvertement au second plan. Les arguments officiels en faveur des 35 heures sont désormais d'un autre ordre : évidemment, il s'agit d'accroître le temps libre des salariés, mais aussi, prétendument, de « renforcer le dialogue social ».
Comment parler, dans le titre du projet de loi, de « réduction négociée du temps de travail » alors que l'on s'apprête à imposer une nouvelle durée légale ? Fixer cette durée à 35 heures est contradictoire avec l'idée de dialogue social, d'autant qu'il n'y a pas unanimité.
Certes, les syndicats de salariés sont plutôt favorables à la réforme. Mais on semble oublier l'opposition des syndicats de cadres. Ces derniers représentent quand même un total de trois millions de personnes ! D'autres critiques émanent, évidemment, des organisations regroupant les chefs d'entreprises concernés par l'application obligatoire de la réforme dès le 1er janvier prochain. C'est demain !
Selon un récent sondage CSA - La Tribune, les principales attentes économiques et sociales de nos compatriotes concernent l'incitation à l'embauche par une baisse des charges des entreprises, la réduction des impôts et l'augmentation du pouvoir d'achat des catégories les plus défavorisées. La réduction du temps de travail ne se situerait qu'au septième rang. Preuve que les Français ont très bien compris deux choses : d'une part, la lutte contre le chômage passe par une baisse des charges sociales ; d'autre part, les 35 heures risquent de créer peu d'emplois compte tenu des nouveaux prélèvements opérés sur les entreprises et leurs gains de productivité.
Votre projet de loi, madame la ministre, prévoit bien une baisse des charges. Mais il impose, par ailleurs, une réduction de la durée du travail de quatre heures pour tous les salariés et tous les secteurs d'activité. Il taxe les heures supplémentaires entre 35 et 39 heures, alors que le Gouvernement augmente les prélèvements sur les entreprises.
De ce point de vue, la « loi de Robien » de 1996 procédait d'une démarche plus pragmatique et cohérente : tout d'abord, la réduction du temps de travail restait du domaine conventionnel ; ensuite, le versement des subventions était conditionné par des embauches. Ce n'est pas le cas dans le nouveau texte gouvernemental.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous pouvons donc légitimement nous interroger sur le bien-fondé d'un tel dispositif, dont le coût budgétaire est élevé et qui risque de constituer un handicap supplémentaire pour les entreprises.
J'en viens à ma seconde réserve. Notre collègue Jean Arthuis, rapporteur de la commission d'enquête sur la réduction autoritaire du temps de travail à 35 heures, mettait en garde le Gouvernement, dès janvier 1998, sur le danger de cette réforme pour les finances publiques.
On nous dit que les entreprises seraient « gagnantes » avec cette réforme. J'ai assisté à l'ensemble des auditions organisées par la commission des affaires sociales et aucun représentant des chefs d'entreprise ne s'est dit favorable à ce projet de loi.
M. Henri Weber. Ben voyons !
M. Jacques Machet. Si les coûts salariaux devaient augmenter de 0,6 % en moyenne, les conséquences seraient, bien sûr, très variables selon les secteurs d'activité et la taille de l'entreprise.
Les plus inquiets sont sans doute les responsables des PME employant entre vingt et cinquante salariés, où la réforme, qui sera obligatoire dès le début de l'année 2000, posera probablement de sérieuses difficultés d'application.
Que dire du secteur de l'agriculture - j'ai été agriculteur durant cinquante ans ! - où les contraintes météorologiques peuvent difficilement être mise en équation et sont donc incompatibles avec l'idée même des 35 heures ?
M. Jean-Luc Mélenchon. On y arrive !
M. Jacques Machet. Que dire également des industries textiles, par exemple, où l'activité a souvent un caractère saisonnier ?
Comme nombre de collègues de l'opposition l'ont affirmé, ce projet de loi procède, en fait, plus d'un acte idéologique et d'une volonté d'affichage électoral que d'un réel souci de progrès économique et social. En réalité, nous risquons d'assister à un élargissement du fossé qui existe entre les salariés du secteur public, qui seront sans doute les principaux bénéficiaires de la réforme, et les salariés du secteur privé, notamment ceux des PME, pour qui le bénéfice des 35 heures est plus hypothétique. Et je ne parle pas des travailleurs indépendants, pour qui la réduction du temps de travail est une notion bien étrangère.
Cependant, loin de se réfugier dans une opposition stérile, le Sénat et sa commission des affaires sociales, dont je suis membre, ont souhaité examiner ce texte. Ils ont décidé de lui apporter de profondes modifications. Il s'agit de redonner son sens à la négociation collective et de sauvegarder les accords d'ores et déjà signés dans le cadre de la loi de 1998. Voilà la première priorité.
Il faut rompre avec les réflexes autoritaires et centralisateurs dont notre pays est trop souvent le théâtre.
Alors que nous aurons à examiner prochainement le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, permettez au rapporteur pour la famille d'aborder la question du temps partiel choisi. Elle concerne un grand nombre de familles qui élèvent leurs enfants, que dis-je ? qui aident leurs enfants à s'élever et aspirent à plus de disponibilité et de souplesse dans la gestion de leur temps.
Ces personnes trouvent dans la formule du temps partiel choisi un moyen de partager le travail, un vecteur de véritable progrès social et d'amélioration de la qualité de la vie.
A ce propos, on ne peut que déplorer le projet de suppression de l'abattement de charges en faveur de l'embauche d'une personne à temps partiel. Pourquoi, madame la ministre, une telle persévérance dans la déstabilisation de la famille ? Cet abattement n'a-t-il pas été créé en 1992, alors que vous étiez au gouvernement ? Ce changement de politique contribue au paradoxe de votre politique : vous prétendez créer des emplois par la loi - ce qui est loin d'être acquis - et, parallèlement, vous détruisez les emplois existants en supprimant les aides accordées aux familles : hier, l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, aujourd'hui cet abattement de 30 % sur les charges en faveur de l'embauche d'une personne à temps partiel.
En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier le président Delaneau, la commission des affaires sociales et son rapporteur, Louis Souvet, de cet excellent projet de loi alternatif, ambitieux et au service de nos concitoyens, aujourd'hui défendu par le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 40, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Simon Sutour, Raymond Courrière, André Vezinhet et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi relative à la validation des admissions au concours d'entrée en deuxième année du premier cycle d'études médicales de l'Université de Montpellier I.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 38, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Demande du Royaume-Uni de participer à certaines dispositions de l'acquis de Schengen : note de la présidence au groupe « Acquis de Schengen ».
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1321 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Demande d'autorisation présentée par le gouvernement italien, en vertu de l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE du Conseil, relative à l'introduction d'une mesure dérogeant à la directive précitée et visant l'application d'un taux réduit de droits d'accises sur le gazole utilisé comme carburant dans les véhicules utilitaires : communication de la Commission au Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1322 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant la France à appliquer ou à continuer d'appliquer des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1323 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne à appliquer ou à continuer d'appliquer des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8, paragraphe 4, de la directive n° 92/81/CEE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1324 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant l'Italie à appliquer ou à continuer d'appliquer des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8, paragraphe 4, de la directive n° 92/81/CEE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1325 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion des accords sous forme d'échange de lettres modifiant les accords sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne d'une part et d'autre part la République de Bulgarie, la République de Hongrie et la Roumanie relatifs à l'établissement réciproque de contingents tarifaires pour certains vins, et modifiant le règlement (CE) n° 933/95 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains vins.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1326 et distribué.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Marcel Deneux, Jean Bizet et Bernard Dussaut un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan par le groupe de travail sur l'avenir du secteur agroalimentaire.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 39 et distribué.

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DÉPÔTS RATTACHÉS
POUR ORDRE AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 29 octobre 1999 de Mme Gisèle Printz et M. Roger Hesling, une proposition de loi relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 36, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 29 octobre 1999 de Mme Dinah Derycke, MM. Guy Allouche, Jacques Bellanger, Bernard Cazeau, Roland Courteau, Raymond Courrière, Henri d'Attilio, Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Dussaut, Léon Fatous, Serge Godard, Roger Hesling, Roland Huguet, Alain Journet, Serge Lagauche, Pierre Mauroy, Jean-Marc Pastor, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. René-Pierre Signé, Simon Sutour, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Vezinhet et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi visant à introduire les cinq gestes de premiers secours dans la formation sanctionnant le permis de conduire.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 37, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Hubert Haenel une proposition de résolution, présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Conseil relatif à certaines procédures de mise en oeuvre de l'accord de commerce, de développement et de coopération entre la Communauté et la République d'Afrique du sud (n° E-1303).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 35, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 3 novembre 1999, à quinze heures et le soir :
1. Nomination d'un membre de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Lucette Michaux-Chevry, démissionnaire.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 22, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail.
Rapport (n° 30, 1999-2000) de M. Louis Souvet, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délais limites pour le dépôt des amendements

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un médiateur des enfants (n° 76, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 8 novembre 1999, à dix-sept heures.
Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants (n° 77, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 8 novembre 1999, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable (n° 416, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
Projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 179, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 9 novembre 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 3 novembre 1999, à zéro heure quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT

établi par le Sénat dans sa séance du mardi 2 novembre 1999 à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 3 novembre 1999, à 15 heures et le soir :
1° Nomination d'un membre de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entres les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Lucette Michaux-Chevry, démissionnaire.

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22, 1999-2000).

Jeudi 4 novembre 1999 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22, 1999-2000).
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.

Mardi 9 novembre 1999 :

A 9 h 30 :
1° Quinze questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 563 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de la culture et de la communication (Ratification par la France de la convention Unidroit) ;

- n° 603 de M. Serge Lepeltier à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Mise en place d'une filière de recyclage des pneus usagés) ;

- n° 604 de Mme Marie-Claude Beaudeau à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Protocole de Kyoto de la convention sur les changements climatiques) ;

- n° 605 de M. Georges Mouly à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Situation de La Poste en milieu rural) ;

- n° 613 de Mme Nicole Borvo à M. le secrétaire d'Etat au logement (Réquisitions de logements vacants) ;

- n° 615 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Tracé du TGV Sud-Est) ;

- n° 619 de M. Philippe Richert à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (TVA applicable au chocolat noir) ;

- n° 620 de M. Auguste Cazalet à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (Mise en oeuvre d'un dépistage systématique du cancer colorectal) ;

- n° 622 de M. Gérard Delfau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Plan de fermeture des perceptions) ;

- n° 624 de M. Marcel Bony à M. le ministre de l'intérieur (Difficultés de recouvrement de la taxe de séjour) ;

- n° 625 de M. René-Pierre Signé à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Aménagement du territoire : limites entre pays et parcs naturels régionaux) ;

- n° 627 de M. André Vallet à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Révision de la carte judiciaire dans les Bouches-du-Rhône) ;

- n° 628 de M. Michel Duffour à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Droits des salariés dans les grandes entreprises) ;

- n° 631 de M. Thierry Foucaud à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Liberté d'information syndicale) ;

- n° 633 de M. Pierre Martin à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Conditions d'attribution de la prime à l'aménagement du territoire dans la Somme).

A 16 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22, 1999-2000).
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes) (n° 487, 1998-1999).
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un Médiateur des enfants (n° 76, 1998-1999).
5° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du Médiateur des enfants (n° 77, 1998-1999).
(Pour ces deux propositions de loi, la conférence des présidents a :
- décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune ;

- fixé au lundi 8 novembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.)

Mercredi 10 novembre 1999, à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable (n° 416, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
2° Projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 179, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 9 novembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)

Mardi 16 novembre 1999 :

A 10 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et par la convention relative à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise (n° 307, 1998-1999).
2° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice (n° 308, 1998-1999).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
3° Projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (n° 384, 1998-1999).
4° Projet de loi autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (n° 385, 1998-1999).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) (n° 371, 1998-1999).
6° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n° 482, 1998-1999).
7° Projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale contre la prise d'otages (n° 339, 1998-1999).
8° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n° 456, 1998-1999).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 479, 1998-1999).
10° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (n° 501, 1998-1999).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (n° 481, 1998-1999).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (n° 486, 1998-1999).
A 16 heures et le soir :
13° Eloge funèbre de Jean-Paul Bataille.

Ordre du jour prioritaire

14° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n° 1835, AN).
(La conférence des présidents a fixé :
- à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 11 heures, le mardi 16 novembre 1999.)
Mercredi 17 novembre 1999, à 15 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n° 1835).
Jeudi 18 novembre 1999, à 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n° 1835).
Mardi 23 novembre 1999 :

Ordre du jour réservé

A 9 h 30 :
1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, à Seattle.
(La conférence des présidents a fixé à :
- dix minutes le temps réservé au président de la commission des affaires économiques et au président de la commission des affaires étrangères ;

- trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 22 novembre 1999.)
A 16 heures :
2° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de M. Gaston Flosse et des membres du groupe du Rassemblement pour la République tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française (n° 471, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 22 novembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions.)
3° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste tendant à interdire les candidatures multiples aux élections cantonales (n° 493, 1997-1998) ;

- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste relative à l'élection des députés et à l'élection des conseillers généraux (n° 494, 1997-1998) ;

- la proposition de loi de M. Bernard Joly visant à généraliser l'interdiction des candidatures multiples aux élections (n° 465, 1997-1998) ;

- la proposition de loi de M. Philippe Marini et plusieurs de ses collègues portant diverses dispositions relatives aux élections municipales, cantonales et législatives (n° 482, 1997-1998) ;

- et la proposition de loi de M. Georges Gruillot et plusieurs de ses collègues relative aux conditions d'éligibilité des candidats aux élections cantonales et aux déclarations de candidatures au deuxième tour des élections cantonales et législatives (n° 548, 1997-1998).

(La conférence des présidents a fixé au lundi 22 novembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions.)
4° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Pelletier permettant au juge des tutelles d'autoriser un majeur sous tutelle à être inscrit sur une liste électorale (n° 185, 1998-1999).
5° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de M. Jacques Pelletier relative à l'inéligibilité des majeurs sous tutelle (n° 186, 1998-1999).
(Pour ces deux derniers textes, la conférence des présidents a :
- décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune ;

- fixé au lundi 22 novembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.)

Mercredi 24 novembre 1999 :
A 9 h 30 :
1° Question orale européenne avec débat de M. Hubert Haenel à Mme la ministre de la jeunesse et des sports sur la politique européenne en matière de sport (n° QE 6) ;
(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.)
A 15 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-773 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 420, 1998-1999).
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 421, 1998-1999).
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du 8 juillet 1998, n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 422, 1998-1999) ;
5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-520 du 24 juin 1998, n° 98-521 du 24 juin 1998, n° 98-523 du 24 juin 1998, n° 98-526 du 24 juin 1998, n° 98-776 du 2 septembre 1998, n° 98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 423, 1998-1999) ;
(Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a :
- décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune ;

- fixé au mardi 23 novembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.)

6° Conclusions de la commission des affaires sociales sur :
- la proposition de loi de MM. Joseph Ostermann, Daniel Eckenspieller, Francis Grignon, Hubert Haenel, Jean-Louis Lorrain, Daniel Hoeffel et Philippe Richert relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières (n° 494, 1998-1999) ;

- et la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et M. Roger Hesling relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières (n° 36, 1999-2000).

(La conférence des présidents a fixé au mardi 23 novembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces conclusions.)
Jeudi 25 novembre 1999, à 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
A 15 heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2000 (AN, n° 1805).
(Voir ci-après les règles et le calendrier de la discussion budgétaire du jeudi 25 novembre 1999 au mardi 14 décembre 1999.)
En outre :
Jeudi 2 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
Commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 1er décembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Jeudi 9 décembre 1999 :
A 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Vendredi 10 décembre 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (AN, n° 1809) (urgence déclarée).

Règles et calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (du jeudi 25 novembre 1999, à 16 heures, au mardi 14 décembre 1999)

Les modalités de discussion et la répartition des temps de parole sont fixées comme suit :
1° Délais limites pour le dépôt des amendements :
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
- le jeudi 25 novembre 1999, à 12 heures, pour les amendements aux articles de la première partie du projet de loi ;

- la veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;

- le vendredi 10 décembre 1999, à 16 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.

2° La répartition des temps de parole sera établie en fonction de la durée de chaque discussion, telle que celle-ci a été évaluée par la commission des finances (le temps de discussion des crédits, articles rattachés et amendements faisant, le cas échéant, l'objet d'une estimation et s'imputant sur le temps de parole à répartir).
Les temps de parole dont disposeront les rapporteurs des commissions et les groupes, ainsi que, le cas échéant, le président des commissions saisies pour avis, pour chacune des discussions prévues, sont fixés comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
- quinze minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures ;

- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;

- cinq minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes ;

b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures, ce temps étant réduit à cinq minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;

- cinq minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;

c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes sera réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il sera attribué un temps forfaitaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible sera au moins égal à une heure trente, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;

- lorsque le temps global disponible est inférieur à une heure trente, la répartition s'effectuera uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution ne pourra être inférieure à cinq minutes.

Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, seront communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie, il sera attribué un temps de dix minutes à chaque groupe et un temps de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe sera de dix minutes et celui attribué à la réunion administrative sera de cinq minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures. Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de cinq minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de cinq minutes.
3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance :
- pour la discussion générale, le mercredi 24 novembre 1999, avant 17 heures ;

- pour les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.

En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.

A N N E X E I

CALENDRIER DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000
ADOPTÉ PAR LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS DU 2 NOVEMBRE 1999





DATE


DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

DURÉE PRÉVUE

Jeudi 25 novembre 1999
A 16 heures et le soir. Discussion générale 6 h 30

Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie à 12 heures.
Nota. - Questions d'actualité au Gouvernement, de 15 heures à 16 heures.

Vendredi 26 novembre 1999

A 9 h 30 . Discussion générale (suite et fin) 2 h 30

Nota. - La commission des finances se réunira à 15 heures pour l'examen des amendements aux articles de la première partie.

Lundi 29 novembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie 11 heures

Mardi 30 novembre 1999
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 11 heures

Mercredi 1er décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.
Nota. - L'examen des crédits relatifs au ministère des affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 35.


Examen de l'article 35 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes Examen des articles de la première partie (suite et fin)



3 heures 8 heures
.
Eventuellement seconde délibération sur la première partie.
Explications de vote sur l'ensemble de la première partie.
Scrutin public ordinaire de droit.

Jeudi 2 décembre 1999

A 9 h 30 et le soir.

A 9 h 30 :
Services du Premier ministre : I. - Services généraux

0 h 30
. II. - Secrétariat général de la défense nationale 0 h 30
. III. - Conseil économique et social 0 h 15
. IV. - Plan 0 h 30
. Budget annexe des Journaux officiels 0 h 10
. Fonction publique et réforme de l'Etat
1 h 30

.
A 15 heures : CMP ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

.
Le soir :
Emploi et solidarité : III. - Ville
2 heures

Vendredi 3 décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Equipement, transports et logement :
V. - Tourisme
I. - Services communs II. - Urbanisme et logement



1 h 30 3 h 30
.
III. - Transports :
1. Transports terrestres
2. Routes 3. Sécurité routière


3 h 30
.
4. Transport aérien et météorologie Budget annexe de l'aviation civile
1 h 30
.
IV. - Mer :
- marine marchande - ports maritimes

1 h 30

Samedi 4 décembre 1999

A 10 heures et à 15 heures.

Aménagement du territoire et environnement : I. - Aménagement du territoire

2 h 30
. II. - Environnement 3 heures

Lundi 6 décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Emploi et solidarité : I. - Emploi (+ article 70)

4 heures
. II. - Santé et solidarité 3 h 30
.
Education nationale, recherche et technologie : II. - Enseignement supérieur
2 h 30
. III. - Recherche et technologie 2 heures

Mardi 7 décembre 1999

A 10 h 30, à 15 heures et le soir. Charges communes (+ article 67) 2 heures
. Comptes spéciaux du Trésor (articles 44 à 50) .
. Budget annexe des Monnaies et médailles 0 h 10
.

Economie, finances et industrie : I. - Economie, finances et industrie (et consommation) (+ article 68)

1 h 30
. II. - Industrie (et Poste) 3 heures
. III. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (+ article 69) 2 heures
. Commerce extérieur 1 heure

Mercredi 8 décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie.

Outre-mer (+ article 72) 4 heures
. Défense 5 heures
.
Exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 41).
Dépenses ordinaires (article 40). Jeunesse et sports
2 heures

Jeudi 9 décembre 1999

A 9 h 30, à 16 heures et le soir. Nota. - Questions d'actualité au Gouvernement de 15 heures à 16 heures.

Agriculture et pêche (+ article 64) 5 heures
. Budget annexe des prestations sociales agricoles 1 heure
. Affaires étrangères (et coopération) 5 heures

Vendredi 10 décembre 1999

A 10 h 30, à 15 heures et le soir. Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie, à 16 heures.


A 10 h 30 :
Intérieur et décentralisation : Sécurité
2 h 30
. Décentralisation
2 h 30

.
En outre, à 15 heures : sous réserve de sa transmission, projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (AN, n° 1809) (urgence déclarée).


.
Education nationale, recherche et technologie : I. - Enseignement scolaire
4 heures

Samedi 11 décembre 1999

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Anciens combattants (+ articles 65 et 66) 2 h 30
. Culture 3 h 30
. Communication (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre : article 55 et lignes 39 et 40 de l'état E annexé à l'article 51) 3 heures

Dimanche 12 décembre 1999
A 15 heures.

Eventuellement, discussions reportées.

Lundi 13 décembre 1999

A 9 h 30. Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération 0 h 20
. Justice (+ article 71) 3 heures
A 16 heures et le soir. Articles de la deuxième partie non joints aux crédits 6 h 30

Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie.

Mardi 14 décembre 1999

A 10 heures, à 15 heures et le soir.

Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
Eventuellement seconde délibération.
Explications de vote.
Scrutin public à la tribune de droit.


A N N E X E I I
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 9 novembre 1999

N° 563. - M. Daniel Hoeffel attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur l'importance de la ratification de la convention Unidroit. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté à l'unanimité la recommandation 1372 demandant aux quarante Etats membres du Conseil de l'Europe de ratifier la convention Unidroit qui impose à l'acquéreur d'un objet d'art un minimum de diligence pour s'assurer de la régularité de son achat et bénéficier ainsi de la présomption de bonne foi. Notre pays ne serait-il pas dans son rôle en prenant l'initiative de la ratification de cette convention et en invitant nos partenaires de l'Union européenne ainsi que les candidats à l'adhésion à la ratifier également ? Nos concitoyens ne s'attacheront durablement à l'Europe que si la disparition des frontières s'accompagne du respect des cultures et d'une meilleure sécurité. Une large ratification de la convention Unidroit compléterait cet effort nécessaire en rendant plus difficile la revente d'objets arrachés au patrimoine des différentes nations européennes.
N° 603. - M. Serge Lepeltier appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la nécessité du développement rapide d'une véritable filière adaptée et pérenne de recyclage des pneus usagés. En effet, telle qu'elle existe aujourd'hui, la filière de collecte et de traitement de ces pneus ne permet pas le recyclage de la totalité des quelque 350 000 tonnes de pneumatiques usagés qui sont annuellement remplacés dans notre pays. A l'heure actuelle, c'est près de 60 % de l'ensemble de ces pneus qui, chaque année, ne sont ni réutilisés ni broyés, mais dispersés dans la nature française (décharges, stocks sauvages...) et polluent visiblement nos paysages. Depuis l'arrêté du 9 septembre 1997 prévoyant l'interdiction de la mise en décharge des pneumatiques usagés à compter du 1er juillet 2002, force est de constater qu'aucune décision n'a été prise pour constituer une filière de recyclage de ces déchets. A moins de trois ans de la date d'application de cette mesure, les maires, responsables de la gestion des déchets sur leur commune, comme les professionnels de ce secteur économique sont légitimement inquiets de cette situation. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour aboutir à la constitution de cette filière de recyclage et permettre son financement.
N° 604. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'application de l'article 3 du protocole de Kyoto à la convention sur les changements climatiques. Elle lui rappelle que cet article précise que les pays signataires du protocole en 1997, dont la France, se doivent de réduire leurs émissions de dioxyde de carbone, des gaz à effet de serre, d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 au cours de la période d'engagement allant de 2008 à 2012. Elle lui rappelle que chaque Etat signataire devra rendre compte en 2005, dans l'exécution de ses engagements au titre du présent protocole, des progrès dont il pourra apporter la preuve. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour que la France puisse atteindre l'objectif fixé, et plus particulièrement dans les secteurs des transports, de l'énergie et de l'agriculture.
N° 605. - M. Georges Mouly attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la situation de La Poste en milieu rural, dont les fréquentes restructurations semblent menacer la survie de ce service public. Il lui demande en conséquence comment, à la veille de l'an 2000 et dans le cadre du contrat passé entre l'Etat et La Poste, il entend conjuguer la notion d'un service public de qualité pour tous et celle de productivité de l'établissement, tout en satisfaisant à la fois les attentes de la clientèle et les revendications professionnelles des agents de l'établissement, principalement à l'heure où se prépare, à l'intérieur de celui-ci, le passage aux 35 heures.
N° 613. - Mme Nicole Borvo appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat au logement sur les chiffres du recensement 1999 publiés par l'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) et qui indiquent qu'en neuf ans le nombre de logements vacants dans la capitale est passé de 117 561 à 137 570, ce qui représente aujourd'hui plus de 10 % du parc des logements existants à Paris. Dans le même temps, 36 000 Parisiens ont quitté la capitale et le nombre de familles en attente d'un logement social ou vivant dans des logements insalubres n'a cessé d'augmenter. De plus, malgré le cri d'alarme lancé, le 28 avril dernier, par le collectif Solidarité Paris, qui regroupe une dizaine d'associations caritatives, il manquerait toujours au minimum 300 places pour accueillir, cet hiver, les sans-abri dans les centres d'accueil d'urgence de la capitale. Les chiffres publiés par l'INSEE ne peuvent que conforter l'exigence de voir les pouvoirs publics utiliser l'ensemble des possibilités offertes par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions de juillet 1998. Celle-ci offre, en effet, de nouveaux moyens d'intervention, notamment la procédure de réquisition des logements vacants (article 52). De plus, l'article 51 prévoit de taxer les logements vacants sous deux conditions : la commune doit appartenir à une zone urbaine de plus de 200 000 habitants et il faut qu'il y ait un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements sociaux. Il semblerait que Paris fasse partie des communes où cette taxe est instituée. Celle-ci s'applique, depuis le 1er janvier 1999, pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives. Les logements vacants détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte en sont exclus. Ainsi l'Etat a mis en place les outils nouveaux et cohérents pour lutter contre les exclusions. Comme l'on fait récemment remarquer un grand nombre d'associations de lutte contre les exclusions, il est nécessaire et urgent de leur donner l'impulsion politique à la hauteur des problèmes posés. Pour toutes ces raisons, elle lui demande, premièrement, de lui faire connaître le nombre de logement à Paris, arrondissement par arrondissement, concernés par cette taxe prévue par l'article 52 de la loi relative à la lutte contre les exclusions ainsi que le nombre d'appartements vacants appartenant à l'OPAC (Office public d'aménagement et de construction) et à d'autres bailleurs sociaux et, deuxièmement, de prendre les mesures pour mettre en oeuvre d'urgence un plan de réquisition pour les logements inoccupés appartenant à des grands propriétaires, qui pourraient servir à loger des familles actuellement en attente d'un logement social ou en grande difficulté.
N° 615. - M. Jean-François Picheral attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les interpellations dont il est l'objet de la part de nombreuses associations représentant les particuliers résidant en pays d'Aix-en-Provence. Il s'agit de la position du Gouvernement en matière d'évolution ferroviaire dans la région, et plus précisément de l'éventualité de la construction d'une ligne de TGV Sud-Est dont le tracé traverserait les communes de Saint-Carmat - Aix-en-Provence (Trévaresse), Le Puy-Sainte-Réparade, Venelles, Meyrargues, Vauvenargues, pour se diriger vers Nice, via Saint-Raphaël. Sachant que ce tracé serait susceptible de passer au pied de la montagne Sainte Victoire, dont le classement par l'UNESCO est en cours d'étude ; il lui demande de bien vouloir l'informer de la position du Gouvernement à ce sujet.
N° 619. - M. Philippe Richert attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le différend qui oppose la direction générale des impôts aux entreprises de chocolaterie relativement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable au chocolat noir. Selon les textes réglementaires, le chocolat noir est un des produits de chocolaterie taxé à 5,5 %. Or, l'administration fiscale multiplie à l'encontre des entreprises de chocolat des redressements fiscaux arguant d'une TVA à 20,6 %, et réclame ainsi des différentiels de TVA qui ne sont pas justifiés au regard des textes réglementaires. La conséquence de ces actions est de mettre gravement en péril ce secteur d'activité. Nombre de ces affaires ont été portées devant les juridictions administratives, qui se sont prononcées en faveur des industriels du chocolat. Aussi, il souhaiterait qu'il lui confirme clairement la position des tribunaux administratifs, qui est aussi celle soutenue par la Commission européenne et la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) et qu'il réaffirme sans ambiguïté que le chocolat noir doit être taxé à 5,5 %.
N° 620. - M. Auguste Cazalet souhaite attirer l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur l'indispensable mise en oeuvre d'un dépistage de masse des cancers colorectaux. Il lui rappelle que ces cancers sont responsables de 15 000 à 16 000 décès par an. Il est de pratique courante d'attendre la survenance de symptômes significatifs pour explorer et pour opérer. Mais, malgré la chirurgie la plus performante, malgré la chimiothérapie et la radiothérapie, 59 % des patients meurent dans les cinq ans. L'on sait que le dépistage individuel et familial des sujets à haut risque, à qui les cliniciens proposent d'emblée une coloscopie, est efficace et utile. L'on sait peut-être moins que 75 % des cancers du côlon surviennent chez des adultes d'âge moyen sans risque individuel ou familial particulier. C'est donc en amont, vers quarante-cinq - cinquante ans, qu'il faut intervenir en proposant à la population le test, appelé Hémoccult, pour recherche de saignement occulte dans les selles. Ce moyen de dépistage du cancer colorectal, dont la communauté scientifique s'accorde à dire qu'il permet de diminuer d'un tiers les décès, est fiable et peu coûteux. En matière de santé publique, il arrive un moment où l'inertie n'est plus justifiée. Or, le succès du dépistage de masse du cancer colorectal ne pourra être obtenu sans la mobilisation des pouvoirs publics, des organismes d'assurance maladie, des médecins et, plus largement, des professionnels de santé et, avant tout, de la population. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer l'action que le Gouvernement entend conduire dans ce domaine.
N° 622. - M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'inquiétude suscitée par M. le directeur de la comptabilité publique concernant un plan de fermeture des perceptions. Mille établissements de ce type (sur les 4 000) seraient menacés, soit ceux qui comptent au plus trois fonctionnaires. Ce nouveau désengagement de l'Etat et cette nouvelle atteinte au service public méconnaissent le rôle du percepteur de proximité dans la collecte des impôts : le ministère pourrait-il communiquer au Parlement le taux de rentrée de la collecte en fonction des strates de communes ? N'est-il pas avéré que l'agent qui connaît la population a une efficacité économique supérieure à celui qui est perdu dans l'anonymat des villes ? Et que dire de son efficacité sociale, que connaissent bien les élus ? S'agissant des municipalités, il n'a pas échappé au ministère des finances que le rôle de conseil auprès des maires et des secrétaires de mairie s'est considérablement accru depuis les lois de décentralisation et en fonction d'une inflation réglementaire et législative préoccupante, sans parler d'une dérive procédurière qui fragilise l'élu. Une fois de plus, supprimer un tel service public reviendrait à éloigner l'Etat et à laisser démunies des communes petites et moyennes, qui n'ont pas accès à des services privés spécialisés, en raison de la modicité de leur budget. Cette orientation est d'autant plus choquante que, par une pente naturelle, les fonctionnaires ont tendance à se regrouper dans les services centraux de leur administration : niveau national, régional et départemental, selon une sorte de reconcentration qui viole l'esprit des lois Defferre, bien oubliées aujourd'hui. Il lui demande, en conséquence, d'ouvrir une vraie discussion avec le Parlement avant d'entreprendre une telle démarche et de fournir les éléments chiffrés rappelés par cette question.
N° 624. - M. Marcel Bony attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les modalités de recouvrement de la taxe de séjour. Perçue directement par les logeurs, hôteliers, propriétaires pour le compte des stations classées, elle doit être versée au receveur municipal dans les vingt jours qui suivent la période définie pour sa perception. A cette occasion, une déclaration indiquant le montant total de la taxe doit être produite. Or, les fraudes sont d'autant plus faciles que les moyens de contrôle sont limités, que le régime est déclaratif et que les sanctions sont difficiles à mettre en oeuvre. Les maires des communes touristiques ne sont pas toujours en mesure de vérifier l'état qui doit être tenu par les hébergeurs et encore moins de leur demander la communication des pièces et documents comptables s'y rapportant. Si aucune déclaration n'est faite, il n'est pas possible d'émettre de titre de recettes, la commune ayant pour seul choix d'envoyer une lettre de rappel à l'efficacité modeste ou de porter plainte pénalement. Puisque le produit de cette taxe constitue la base de la subvention des offices du tourisme de ces collectivités, lesquelles contribuent à grossir la clientèle de ces hébergeurs, il lui demande s'il ne trouve pas anachronique ce type de recouvrement de l'impôt par des particuliers et comment améliorer son rendement ?
N° 625. - M. René-Pierre Signé interroge Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le problème des zonages de nos territoires et, plus particulièrement, les enjeux de limites entre pays et parc naturel régional. L'aménagement du territoire fait l'objet, depuis plusieurs années, d'une attention soutenue des services de l'Etat, due, entre autres, à des inégalités spatiales de plus en plus alarmantes. Aujourd'hui, une véritable volonté d'innovation politique a vu le jour, principalement à travers la promotion d'un développement « durable » du territoire. Par leur capacité de fédération des ressources locales et d'innovation, les parcs naturels régionaux apparaissent, bel et bien, comme un exemple fécond de territoire de projet. Il apparaît à l'évidence que les PNR ont donc constitué la principale source d'inspiration dans l'élaboration de la politique de pays. L'expérience réussie des parcs naturels régionaux peut être une utile référence sur le plan de la méthode. Ces deux territoires procèdent, en effet, du même souci de faire des citoyens les acteurs de la reconquête de leur territoire. Il s'agit, en fait, de deux outils pour une même démarche de développement local. Loin de lui l'idée d'opposer ces deux types de territoire qui ne sont en rien des structures rigides, jalouses de leurs compétences respectives (c'est là d'ailleurs leur principale valeur ajoutée). Mais il y a cependant, dans la pratique, sur le terrain, non pas une concurrence, mais un problème de lisibilité entre eux. L'organisation du chevauchement est prévue dans la loi. Celle-ci précise qu'un pays ne pourra comprendre des communes déjà incluses dans un parc naturel régional que s'il se concerte avec ce dernier en déterminant, par voie de convention, leurs champs d'intervention respectifs. Le décret d'application de la LOADT relatif aux pays est en route. Ce décret permettra-t-il d'assurer un traitement équitable entre pays et parc ? Il faut donner suffisamment de garanties à chacun. On peut souhaiter que le décret les fournisse et que confiance soit faite au terrain, à l'initiative et à la discussion.
N° 627. - M. André Vallet attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la révision de la carte judiciaire, notamment quant à ses implications dans les Bouches-du-Rhône. Il lui rappelle qu'au vu des solutions envisagées par la commission en charge de la révision l'avenir de la juridiction salonnaise paraît très compromise, alors que la qualité de son activité n'est nullement en cause, tant au plan quantitatif (1 467 affaires contentieuses ont pris fin en 1997), qu'au plan qualitatif (95 % des jugements sont rendus à moins d'un mois, avec un taux d'appel d'à peine 8 % et une inversion des résultats concernant 2 % des dossiers). Il lui rappelle également que la vitalité du bassin économique placé sous la compétence du tribunal de commerce de Salon justifie pleinement le maintien de cette juridiction, et que la suppression de ce tribunal n'aurait aucune cohérence alors que la chambre de commerce de Marseille vient d'installer une structure à Salon-de-Provence, que la chambre des métiers va prochainement y implanter une partie de ses activités, que cette ville a été la commune ayant créé le plus grand nombre d'emplois en 1998 pour l'ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il lui indique en outre que cette éventuelle disparition serait également supportée par le justiciable qui, outre des frais de déplacement supplémentaires, se verrait imposer des délais de traitement des affaires plus longs et que cette situation serait tout à fait contraire à la politique tendant à développer une justice de proximité. Dès lors, il lui demande quelles raisons objectives seraient de nature à justifier la suppression, ou la forte diminution, de l'activité du tribunal de commerce de Salon-de-Provence.
N° 628. - M. Michel Duffour appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences qu'entraîne pour la vie des salariés l'intransigeance des directions des grandes entreprises. C'est ainsi que CEGELEC, filiale d'Alcatel-Alsthom pour le bâtiment, se permet de licencier et de mettre à pied du personnel protégé et non protégé dont la seule faute est d'avoir fait grève pour faire respecter des avantages acquis et d'avoir occupé les locaux de Nanterre, décision prise par la majorité des salariés devant le refus de négocier de la direction. C'est une remise en cause inacceptable du droit de grève. Le groupe entier refuse d'aborder les questions de la réduction du temps de travail avec les représentants du personnel et, en préalable à toute discussion, procède à une remise en cause des avantages acquis dans le cadre des conventions collectives. Ce faisant, le groupe se comporte comme s'il voulait faire payer, par anticipation, les 35 heures en supprimant la prime d'outillage, les temps de pause dans la durée effective du temps de travail. L'émoi est grand parmi les salariés qui ont pris au pied de la lettre les décisions gouvernementales et parlementaires concernant la réduction du temps de travail. Rappelant que des collègues députés l'ont également interpellée sur cette question, il lui demande ce qu'elle compte faire pour ramener à la raison les dirigeants des grandes entreprises et que cesse leur jeu de massacre de vies humaines.
N° 631. - M. Thierry Foucaud attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les manquements graves à l'exercice des libertés d'information syndicale qui ont cours à l'usine Renault de Cléon. Le 27 décembre 1968 était adoptée une loi n° 68-1179 au caractère progressiste qui comportait de réelles avancées pour l'exercice des mandats des élus du personnel dans les entreprises ainsi que pour l'activité syndicale. Ce texte était le fruit du grand mouvement social de mai et juin de la même année, lequel marque encore de son empreinte l'histoire de notre pays. Au terme de l'alinéa 4 de l'article L. 412-8 du code du travail, le droit à l'information était reconnu pour les salariés. Il stipule en effet que les « publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs dans l'entreprise, dans l'enceinte de celle-ci, aux heures d'entrée et de sortie du travail ». Ainsi, les délégués pouvaient-ils dès ce moment rendre compte de leurs mandats et les syndicats et leurs militants bénéficier de libertés nouvelles. Depuis, bien des changements sont intervenus dans l'organisation du travail : horaires variables, flexibilité introduite dans nombre d'entreprises. Les conditions d'application des dispositions auxquelles il fait référence plus haut sont donc devenues différentes. C'est le cas à l'usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime. Il existe désormais sept accès différents pour les employés de cette unité de production, et pour ne prendre l'exemple que d'un seul bâtiment (bât. E), soixante-quatre portes d'entrée et des dizaines de vestiaires. Les horaires principaux qui étaient au nombre de quatre il y a vingt ans sont devenus plus de deux cents si on prend en compte l'individualisation du travail et les reprises et cessations d'activités à heures décalées. Comme elle le voit, la législation est devenue inapplicable au sens strict. Dans le même temps, la direction de ce site s'emploie à l'interpréter à la lettre, c'est-à-dire de façon restrictive. Elle s'obstine à ne pas vouloir ouvrir de négociations. Les conséquences sont graves. Plus de cinquante sanctions ont été prononcées. Un tel blocage ne concourt qu'à dégrader le climat social. C'est la raison pour laquelle il souhaite savoir quelles mesures elle compte prendre pour que la liberté d'information des salariés par leurs élus ne subisse pas d'entraves.
N° 633. - M. Pierre Martin attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences induites par la modification du zonage de la PAT (prime à l'aménagement du territoire) envisagée par la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) pour la région Picardie, et en particulier le département de la Somme. Les critères retenus par le Gouvernement pour l'attribution de la PAT manquent de cohérence tant du point de vue géographique que du point de vue économique. En réponse à une question écrite posée le 22 avril 1999, elle a précisé que « le zonage, en France comme ailleurs, ne pourra plus épouser les contours des zones industrielles, mais il devra incorporer la population des bassins d'emploi dans la totalité ». Ce dernier zonage menace d'isolement économique de nombreux cantons ; le canton d'Hallencourt en constitue un exemple parfait. Celui-ci bénéficiait jusqu'alors de la PAT comme du FEDER (Fonds européen de développement économique régional). Or, aujourd'hui, dans le zonage de la PAT présenté par le Gouvernement, le canton d'Hallencourt en est exclu. Cette situation constitue, à l'évidence, une anomalie géographique et historique. Mme le ministre avait pourtant montré certains signes de souplesse dans l'élaboration de ce nouveau zonage, mais cette souplesse n'a pas atténué la rigidité des nouveaux critères déterminés par le Gouvernement et les conséquences désastreuses qui en découlent pour de nombreux cantons. C'est pourquoi, se faisant l'interprète des élus de la Somme, il lui demande, d'une part, quelles sont les intentions du Gouvernement pour remédier à cette situation, et notamment pour réintégrer le canton d'Hallencourt dans le futur zonage de la PAT, mais, d'autre part, celles concernant le zonage « Objectif 2 » puisque la Picardie, et plus particulièrement le département de la Somme, apparaissent une nouvelle fois victimes d'une décision pénalisante compte tenu des derniers critères d'éligibilité déterminés par le Gouvernement.

DÉMISSION D'UN SÉNATEUR

Le Sénat a pris acte de la démission, le 1er novembre 1999, de M. Franck Sérusclat de son mandat de sénateur du Rhône.

REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR

Conformément à l'article LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 320 du code électoral M. Gérard Collomb est appelé à remplacer en qualité de sénateur du Rhône, à compter du 2 novembre 1999, M. Franck Sérusclat, démissionnaire de son mandat.

MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE SOCIALISTE
(75 membres)

Supprimer le nom de M. Franck Sérusclat.
Ajouter le nom de M. Gérard Collomb.

NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN

M. Gérard César a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 35 (1999-2000) de M. Hubert Haenel sur la proposition de règlement du Conseil relatif à certaines procédures de mise en oeuvre de l'accord de commerce, de développement et de coopération entre la Communauté et la République d'Afrique du Sud (n° E 1303), ainsi que les éventuels amendements qui seront présentés sur cette proposition de résolution.

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Jean-Paul Delevoye a été nommé rapporteur du projet de loi n° 460 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage dont la commission des lois est saisie au fond.
M. Christian Bonnet a été nommé rapporteur de la proposition de loi organique n° 77 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants dont la commission des lois est saisie au fond.
M. Christian Bonnet a été nommé rapporteur de la proposition de loi organique n° 76 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un médiateur des enfants dont la commission des lois est saisie au fond.

DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

En application de l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan examinera le mercredi 10 novembre 1999, à 9 h 15, le rapport sur la proposition de résolution n° 35 (1999-2000) présentée par M. Hubert Haenel au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de règlement du Conseil relatif à certaines procédures de mise en oeuvre de l'accord de commerce, de développement et de coopération entre la Communauté et la République d'Afrique du Sud (n° E 1303), ainsi que les éventuels amendements qui seront présentés sur cette proposition de résolution.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au mardi 9 novembre 1999, à 17 heures. Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission.
Il est rappelé que, conformément à l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la commission.

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
Comité central d'enquête sur le coût
et le rendement des services publics

En application de l'article 9 du règlement, M. le président du Sénat a été informé que lors de sa réunion du 27 octobre 1999, la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation a désigné M. Gérard Braun pour sièger, en qualité de titulaire, au sein du comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Liberté d'information syndicale

631. - 28 octobre 1999. - M. Thierry Foucaud attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les manquements graves à l'exercice des libertés d'information syndicale qui ont cours à l'usine Renault de Cléon. Le 27 décembre 1968 était adoptée une loi n° 68-1179 au caractère progressiste qui comportait de réelles avancées pour l'exercice des mandats des élus du personnel dans les entreprises ainsi que pour l'activité syndicale. Ce texte était le fruit du grand mouvement social de mai et juin de la même année, lequel marque encore de son empreinte l'histoire de notre pays. Au terme de l'alinéa 4 de l'article L. 412-8 du code du travail, le droit à l'information était reconnu pour les salariés. Il stipule en effet que « les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs dans l'entreprise, dans l'enceinte de celle-ci, aux heures d'entrée et de sortie du travail ». Ainsi les délégués pouvaient-ils dès ce moment rendre compte de leurs mandats et les syndicats et leurs militants bénéficier de libertés nouvelles. Depuis, bien des changements sont intervenus dans l'organisation du travail : horaires variables, flexibilité introduite dans nombre d'entreprises. Les conditions d'application des dispositions auxquelles il fait référence plus haut sont donc devenues différentes. C'est le cas à l'usine Renault de Cléon en Seine-Maritime. Il existe désormais sept accès différents pour les employés de cette unité de production et pour ne prendre l'exemple que d'un seul bâtiment (bât. E) soixante-quatre portes d'entrée et des dizaines de vestiaires. Les horaires principaux qui étaient au nombre de quatre il y a vingt ans sont devenus plus de deux cents si on prend en compte l'individualisation du travail et les reprises et cessations d'activités à heures décalées. Comme elle le voit, la législation est devenue inapplicable au sens strict. Dans le même temps, la direction de ce site s'emploie à l'interpréter à la lettre, c'est-à-dire de façon restrictive. Elle s'obstine à ne pas vouloir ouvrir de négociations. Les conséquences sont graves. Plus de cinquante sanctions ont été prononcées. Un tel blocage ne concourt qu'à dégrader le climat social. C'est la raison pour laquelle il souhaite savoir quelles mesures elle compte prendre pour que la liberté d'information des salariés par leurs élus ne subisse pas d'entraves.

Moyens mis à disposition de la délégation générale
à la langue française

632. - 28 octobre 1999. - M. Daniel Goulet appelle l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur les moyens mis à disposition de la délégation générale à la langue française (DGLF). Il est reconnu que la DGLF, qui relève de la tutelle du ministère de la culture, conduit de multiples actions de soutien de la francophonie. Cependant, son budget de fonctionnement laisse apparaître un poste qui semble disproportionné. En effet, dans le budget 1999 - publié en annexe 4 du rapport d'activité 1999 - le poste loyer y figure pour un montant de 1 575 000 francs : soit un loyer mensuel de 131 250 francs, soit un loyer par agent (22) et par mois de 5 965 francs, soit plus de 50 % du budget de fonctionnement (2 239 600), soit 21 % de la dotation initiale. A l'heure de la rigueur budgétaire et à l'heure des nécessaires actions en faveur de la francophonie, on peut logiquement s'interroger sur le bien-fondé d'une telle dépense, si on la compare au budget de fonctionnement du Haut conseil de la francophonie dont l'action polymorphe est essentielle et qui ne dispose que de 1 042 789 francs, au titre du ministère des affaires étrangères - chapitre 34-98, article 42 (avec diminution par rapport à 1997). En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les raisons d'une telle disparité dans les traitements et s'il est possible d'obtenir un plus juste équilibre des attributions des fonds publics.

Conditions d'attribution de la prime à l'aménagement
du territoire dans la Somme

633. - 28 octobre 1999. - M. Pierre Martin attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences induites par la modification du zonage de la PAT (prime à l'aménagement du territoire) envisagée par la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) pour la région Picardie et en particulier le département de la Somme. Les critères retenus par le Gouvernement pour l'attribution de la PAT manquent de cohérence tant du point de vue géographique que du point de vue économique. En réponse à une question écrite posée le 22 avril 1999, elle a précisé que « le zonage, en France comme ailleurs, ne pourra plus épouser les contours des zones industrielles, mais il devra incorporer la population des bassins d'emploi dans la totalité ». Ce dernier zonage menace d'isolement économique de nombreux cantons ; le canton d'Hallencourt en constitue un exemple parfait. Celui-ci bénéficiait jusqu'alors de la PAT comme du FEDER (Fonds européen de développement économique régional). Or, aujourd'hui, dans le zonage de la PAT présenté par le Gouvernement, le canton d'Hallencourt en est exclu. Cette situation constitue, à l'évidence, une anomalie géographique et historique. Mme le ministre avait pourtant montré certains signes de souplesse dans l'élaboration de ce nouveau zonage, mais cette souplesse n'a pas atténué la rigidité des nouveaux critères déterminés par le Gouvernement et les conséquences désastreuses qui en découlent pour de nombreux cantons. C'est pourquoi, se faisant l'interprète des élus de la Somme, il lui demande, d'une part, quelles sont les intentions du Gouvernement pour remédier à cette situation et, notamment, pour réintégrer le canton d'Hallencourt dans le futur zonage de la PAT, mais, d'autre part, celles concernant le zonage Objectif 2 puisque la Picardie, et plus particulièrement le département de la Somme, apparaissent une nouvelle fois victimes d'une décision pénalisante compte tenu des derniers critères d'éligibilité déterminés par le Gouvernement.

Moyens de lutte contre la douleur

634. - 2 novembre 1999. - M. Nicolas About attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur les moyens actuellement mis en oeuvre dans la lutte contre la douleur. Notre pays accuse un retard considérable en matière de traitement de la douleur. Sans doute notre culture judéo-chrétienne, qui considérait la souffrance physique comme une forme de rédemption, n'est pas étrangère à ce phénomène. Mais le corps médical a également sa part de responsabilité : enfermé dans une technicité toujours plus poussée, il a négligé la prise en compte des souffrances du malade, occupé qu'il était à soigner les causes du mal plutôt que ses effets. Trop longtemps, la lutte contre la douleur est restée le parent pauvre de la médecine. Il lui rappelle qu'un plan ministériel anti-douleur a été mis en place par son prédécesseur. Ce plan comportait des mesures intéressantes, notamment l'utilisation d'antalgiques puissants à destination des enfants et la disparition du carnet à souches qui limitait, de manière absurde, les prescriptions de certains produits morphiniques par les médecins. Il regrette néanmoins que ce plan triennal fasse l'impasse sur le renforcement des moyens actuellement mis à la disposition des services hospitaliers anti-douleur. Au sein des hôpitaux de l'Assistance publique, ces centres sont encore rattachés aux services d'anesthésie réanimation. En conséquence, ils ne sont pas prioritaires dans l'affectation des moyens qui sont globalement mis en oeuvre dans ces services. Pourtant, dans certains centres, beaucoup de médecins font preuve d'un très grand dévouement auprès de leurs patients et travaillent sans relâche pour les soulager. Faute de moyens en personnel, ils sont aujourd'hui débordés, alors que l'état de leurs patients nécessiterait un examen et des soins approfondis. Est-il normal de faire patienter pendant des heures dans une salle d'attente des personnes qui souffrent parfois le martyr, pour une simple consultation avec un spécialiste ? Il lui demande donc quelles mesures elle entend prendre pour améliorer les services anti-douleur de l'Assistance publique. A quand un renforcement de leurs moyens financiers et humains ? A quand une véritable reconnaissance de ces centres spécialisés qui réalisent un travail remarquable et souvent méconnu auprès des malades ?

Renouvellement de la flotte de pêche

635. - 2 novembre 1999. - M. François Marc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les critères retenus pour le dispositif de renouvellement de la flotte de pêche. Par circulaire du 25 septembre 1999, il a annoncé la délivrance d'une enveloppe nationale de 5 000 kW (dont 2 010 kW pour la région Bretagne), afin de permettre des opérations de renouvellement de navires, à puissance équivalente au sein de la flotte de pêche. Les demandes effectuées en ce sens en Bretagne, excédant l'enveloppe attribuée, ont fait l'objet d'un classement par la commission régionale de modernisation et de développement de la flotte de pêche artisanale et des cultures marines (Coremode). Au nombre des dossiers examinés figurent les cas des bateaux à vocation mixte de « géomonier-coquiller ». Or, en application du décret du 8 janvier 1993 et en particulier de son article 7, un navire exerçant exclusivement l'activité de goémonier ne nécessite pas de permis de mise en exploitation. Par contre, un navire polyvalent, ayant une activité complémentaire contingentée doit obtenir ce permis. Dans ce cas, c'est la puissance globale du navire et non celle utilisée effectivement pour les activités contingentées, qui est retenue pour son octroi. Il va de soi que dans un souci d'efficacité maximale, la Coremode est naturellement tentée d'écarter les dossiers des coquillers si fortement handicapant pour l'enveloppe globale de kilowatts à répartir, puisque l'activité de pêche ne représente qu'une période de trois à quatre mois par an, le reste du temps étant consacré au goémon. Le problème ainsi soulevé créé une situation inéquitable pour les activités plurielles. Il risque, hélas ! de se reproduire à chaque Coremode si un biais n'est pas trouvé pour assurer une prise en considération de l'activité de pêche contingentée, et d'elle seule, dans le dispositif de renouvellement de la flotte. Par conséquent, il serait intéressant d'envisager, dans le cadre de ce dispositif, que la puissance des navires ne soit prise en compte qu'au prorata de l'activité de pêche effectivement contingentée. Cette modification de la réglementation se traduirait en outre par une réduction de la puissance de la flotte prise en compte dans le cadre plus général des plans d'orientation pluriannuels, en harmonie avec les dispositions européennes.