Séance du 9 novembre 1999







M. le président. La parole est à M. Lepeltier, auteur de la question n° 603, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Serge Lepeltier. Madame la ministre, chaque année, notre pays est confronté à la gestion d'une masse considérable de pneus usagés, quelque 350 000 tonnes, soit près de 57 millions de pneus, c'est-à-dire pratiquement un pneu par Français.
A l'heure actuelle, 60 % des pneus usagés ne sont toujours pas valorisés. Ils sont purement et simplement dispersés dans la nature française, dans des décharges - largement saturées d'ailleurs - ou des stocks sauvages qui se multiplient dans les forêts, les ravins, au bord des rivières et polluent visiblement nos paysages.
Une telle situation n'est plus acceptable.
Elle impose à l'évidence le développement urgent d'une véritable filière adaptée et pérenne de recyclage de l'ensemble des pneus usagés.
L'urgence est d'autant plus grande, madame la ministre, que nous sommes à moins de trois ans de l'interdiction faite, à compter du 1er juillet 2002, de mise en décharge des pneumatiques usagés.
Vous avez à plusieurs reprises annoncé l'imminence d'un accord-cadre entre les pouvoirs publics et les professionnels concernés ; vous vous êtes même engagée, dans l'hypothèse où un tel accord tarderait, à mettre en place avant la fin de cette année « un dispositif réglementaire de collecte et de valorisation contrôlée des pneumatiques usagés ».
Or, force est de constater qu'à ce jour aucune décision n'a encore été prise, ce qui est très préoccupant, en particulier pour l'ensemble des maires, responsables de la gestion des déchets sur leur commune.
Outre la nécessité qu'ils ont naturellement de se conformer à la réglementation européenne, les maires s'inquiètent, en effet, de plus en plus, de l'ampleur du problème écologique et du coût économique que représente l'élimination des stocks sauvages de pneus sur leur commune.
Il y a là une véritable question qui doit être traitée au plus vite.
Or comme le dit votre collègue au Gouvernement, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, « quand le recyclage est environnementalement utile, techniquement possible dans des conditions économiques raisonnables et qu'aucun opérateur économique ne s'y lance, alors oui, une intervention publique peut se justifier ».
Madame la ministre, qu'en est-il ? Comptez-vous mettre en place une telle intervention ?
La question du financement est bien entendu centrale et le retard pris pour la création d'une filière pneu semble largement imputable à la recherche et aux modalités d'un tel financement.
Il est pourtant indispensable d'agir.
Outre les enjeux majeurs précédemment évoqués, il faut savoir que le développement d'une filière de recyclage de la totalité des pneumatiques usagés serait largement créatrice d'emplois et permettrait à notre pays d'affirmer son leadership européen en matière de gestion des déchets automobiles.
C'est pourquoi je vous remercie, madame la ministre, de nous préciser la politique que vous entendez conduire en ce domaine.
Je souhaiterais, en particulier, connaître l'état d'avancement des négociations avec les professionnels de la fabrication, de la vente et du montage des pneus, négociations auxquelles il me semblerait d'ailleurs légitime d'associer les représentants des maires de France.
A quelle échéance, enfin, estimez-vous plausible la création d'une telle filière et comment concevez-vous les modalités de son financement ?
Plus généralement d'ailleurs, le Gouvernement juge-t-il possible le financement de pareilles filières de recyclage par des fonds publics ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'appeler mon attention sur la situation insatisfaisante qui prévaut en matière d'élimination des pneus usagers.
Comme vous l'indiquez, l'objectif du Gouvernement est de faire en sorte qu'à partir du 1er juillet 2002 les pneumatiques usagés ne soient plus mis en décharge. Je partage complètement votre argumentation.
Vous auriez pu ajouter un élément tout à fait inquiétant qui est le risque lié notamment à l'inflammation pendant des semaines, voire des mois, de certains dépôts de pneus.
Les filières de valorisation des pneus usagés existent, qu'il s'agisse de rechapage, d'incinération en cimenterie ou d'utilisation en génie civil. Mais, à la différence de la valorisation d'autres déchets, la valorisation des pneus usagés n'est pas rentable, et un mode de financement doit être trouvé.
Plutôt que de procéder de manière autoritaire, le Gouvernement a décidé d'engager une large concertation sur cette question à partir, d'une part, de groupes de travail mis en place par mon ministère et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie avec les différents acteurs intervenant dans le cycle de la vie du pneumatique, et à partir, d'autre part, d'un rapport fourni à ma demande par le Conseil général des mines qui fait le point sur le fonctionnement d'une filière d'élimination des pneumatiques usagés en France. Ce rapport m'a été transmis le 30 mars dernier et ses conclusions présentées à l'ensemble des professionnels concernés. Aujourd'hui, la concertation reste en cours et nous n'avons pas tranché.
La question essentielle est de savoir si le financement de la filière d'élimination doit être assuré par les fabricants et importateurs de pneus, par les distributeurs ou par le détenteur final. Il n'a jamais été question de demander à l'Etat d'assumer le coût de l'élimination des pneus.
Dans le rapport du Conseil général des mines, il est proposé que ce soit le détenteur qui paie l'élimination des pneus lors de leur reprise par les garagistes. Je suis réservée sur ce dispositif, qui présente le risque, majeur à mes yeux, d'un abandon de nombre de pneus par les utilisateurs.
En revanche, l'idée de mettre en place, lors de l'achat du pneu, une contribution unitaire destinée à financer le coût d'élimination de celui-ci doit être sérieusement explorée.
Vous avez parfaitement raison de noter que le temps passe et qu'il devient urgent de trancher. C'est pourquoi, si les discussions en cours entre les divers acteurs de la filière en vue de proposer aux pouvoirs publics un accord-cadre sur le traitement et la collecte des pneus usagés n'aboutissent pas rapidement, j'ai l'intention de procéder de manière réglementaire pour encadrer cette filière. Cette décision sera prise dans les tout prochains mois, parce que, vous avez raison de le noter, on ne peut plus attendre pour résorber les stocks et pour mettre en place le cadre qui permette de respecter la loi de 1992.

PROTOCOLE DE KYOTO DE LA CONVENTION
SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES