Séance du 9 novembre 1999







M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 613, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux vous interroger sur les mesures exceptionnelles qu'il y a lieu de prendre à Paris concernant le logement.
Le nombre de personnes sans domicile fixe dans mon département est évalué à 10 000 et 100 000 Parisiens se trouvent dans une situation de précarité ; 36 000 personnes ont quitté la capitale et le nombre de familles en attente d'un logement social ou vivant dans des logements insalubres ne cesse d'augmenter. Avec tout cela on pourrait faire des villes !
Le recensement de 1999 indique qu'en neuf ans le nombre de logements vacants dans la capitale est passé de 117 561 à 137 570, ce qui représente aujourd'hui plus de 10 % du parc des logements existant à Paris.
Le rapprochement de ces deux données est, je crois, éloquent.
Les chiffres publiés par l'INSEE ne peuvent donc que conforter l'exigence de voir les pouvoirs publics utiliser l'ensemble des possibilités offertes par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de juillet 1998. Cette dernière offre, en effet, de nouveaux moyens d'intervention, notamment la procédure de réquisition-attribution des logements vacants prévue à l'article L. 642-1 du code de la construction et de l'habitation.
De plus, elle prévoit de taxer les logements vacants sous deux conditions : la commune doit appartenir à une zone urbaine de plus de 200 000 habitants et un déséquilibre marqué doit exister entre l'offre et la demande de logements sociaux. Paris semble correspondre à cette définition. La loi s'applique depuis le 1er janvier 1999 pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives. Toutefois, comme l'ont fait remarquer un grand nombre d'associations de lutte contre l'exclusion, les textes ne suffisent pas et il est nécessaire et urgent de donner l'impulsion politique correspondant à l'ampleur des problèmes posés.
Dans ce cadre, j'apprécie bien sûr positivement le fait que le Gouvernement ait annoncé la création de 10 000 logements sur cinq ans pour accueillir prioritairement ceux qui sont logés dans les hôtels meublés vétustes et insalubres. Cela devrait donner une impulsion nouvelle et tranche avec l'immobilisme de la Ville de Paris qui, jusqu'ici, se contentait de reconduire les mêmes mesures alors que les besoins sont croissants. Par ailleurs, nous continuons à penser qu'il serait juste que, pour toutes les expulsions liées à un problème social, un moratoire s'applique. Nous l'avons défendu lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions et continuons à penser qu'il est nécessaire.
Je ne pense pas que l'on puisse en rester là. La mise en oeuvre d'un plan de réquisition pour les logements inoccupés appartenant à de grands propriétaires institutionnels, qui pourraient servir à loger des familles actuellement en attente d'un logement social et en grande difficulté, paraît nécessaire.
Monsieur le ministre, connaissez-vous le nombre de logements concernés par la taxation des logements vacants à Paris, en particulier arrondissement par arrondissement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Madame la sénatrice, votre question comporte plusieurs aspects relatifs à l'hébergement et au logement des personnes démunies à Paris.
S'agissant de l'hébergement, je souhaite vous confirmer que les capacités de l'hiver dernier ont été reconstituées. Pour l'Ile-de-France, près de 5 500 places sont ouvertes ou prêtes à ouvrir, dont 3 000 à Paris, et 500 places peuvent être mobilisées du jour au lendemain si nécessaire, notamment en cas de grand froid, dont 350, voire un peu plus s'il le faut, à Paris.
A cet égard, je voudrais vous indiquer que dans la quasi-totalité des villes de France, ce sont plutôt les collectivités qui se mobilisent pour dégager les moyens de l'hébergement. Elles ont beaucoup plus de facilités pour le faire que l'Etat, qui n'a pas l'exercice du droit de préemption urbain et qui ne peut pas suivre à leur place l'évolution du marché foncier et immobilier. A Paris, on se tourne effectivement beaucoup vers l'Etat. Il a fait ce qu'il pouvait. Les deux acteurs doivent au moins être mobilisés simultanément.
Le Gouvernement agit aussi à plus long terme, pour renforcer le dispositif d'hébergement, le pérenniser, l'humaniser et l'adapter aux besoins nouveaux.
C'est le sens du plan de création, sur cinq ans, de 10 000 logements en résidences sociales en Ile-de-France, que j'ai rendu public jeudi 28 octobre dernier. Ce plan devrait bien sûr accroître les possibilités de sortie de ce dispositif vers de véritables solutions de logement.
Votre question porte aussi sur l'utilisation des outils créés par la loi relative à la lutte contre les exclusions pour mobiliser les logements vacants.
Il faut tout d'abord rappeler que les logements vacants, recensés à un moment donné par l'INSEE, le sont pour des raisons diverses et, par voie de conséquence, depuis des durées variables. Une simple accélération du nombre des transactions immobilières et de la mobilité résidentielle accroît automatiquement le nombre de logements vides pendant l'espace qui sépare deux occupations.
Ce point mérite d'être précisé, car la vacance visée par les nouveaux dispositifs de la loi relative à la lutte contre les exclusions est la vacance de longue durée : deux ans pour l'application de la taxe sur les logements vacants et dix-huit mois pour les réquisitions.
Le nombre de logements concernés en 1999 par la taxe sur les logements vacants n'est pas encore connu. En effet, les services fiscaux viennent tout juste d'envoyer aux propriétaires concernés les avis d'imposition.
Pour Paris, ce nombre d'avis est de l'ordre de 30 000, sans qu'il soit à ce jour possible de disposer de données détaillées par arrondissement. Mais la loi donne aux propriétaires la faculté d'apporter la preuve que la vacance du logement n'est pas de leur fait, puisque la taxe vise à pénaliser les comportements de vacance volontaire et durable de logements. Les services fiscaux devront alors se prononcer sur l'application ou non de la taxe aux logements concernés, dont le nombre précis ne sera connu que dans quelques mois, après que les propriétaires auront pu, éventuellement, faire valoir leurs arguments.
Enfin, en ce qui concerne le parc locatif HLM, le taux de vacance recensé par les bailleurs sociaux à Paris est de 2,9 %, c'est-à-dire un peu moins que la moyenne régionale ou nationale qui est de 3 %. Une part très majoritaire de ces logements sont vacants depuis moins de trois mois. Dans la plupart des cas, il s'agit donc d'une vacance entre deux occupations.
En ce qui concerne les réquisitions, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même sommes actuellement dans une phase importante de consolidation des réquisitions existantes, antérieures à 1997. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour qu'elles soient transformées en logements sociaux définitifs. Il serait en effet peu concevable de produire de nouveau de la précarité pour les personnes qui ont bénéficié de cette procédure. On perçoit bien là les limites des réquisitions : elles ne peuvent pas constituer une solution pérenne.
La nouvelle procédure prévue par la loi relative à la lutte contre les exclusions est applicable puisque les textes d'application nécessaire sont parus. Lorsque des logements correspondant aux critères de la loi nous seront signalés, nous déciderons la mise en application de la nouvelle procédure, en respectant les modalités prévues. Mais je dois vous dire que, jusqu'à ce jour, même des associations qui militent très activement pour des réquisitions, et auxquelles nous avons dit que nous étions disponibles pour en réaliser, n'ont pas su nous indiquer de propriétés institutionnelles remplissant les conditions de la loi. Nous lançons donc un appel à tous ; notre disponibilité est entière.
En conclusion, consolidation de l'hébergement, plan de construction de résidences sociales, mobilisation des logements vacants, le Gouvernement agit sur ces trois plans, en complément de son action, que vous connaissez, pour la relance du logement social. Dans le cadre de l'élaboration du projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et aux déplacements, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même proposerons des mesures nouvelles pour la résorption de l'habitat insalubre. Nous nous doterons ainsi d'outils permettant de mieux traiter les problèmes que vous avez exposés au début de votre question.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Je remercie aussi M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui est présent au banc du Gouvernement.
Si j'ai posé cette question, c'est parce que, selon moi, la politique de la ville n'est pas satisfaisante et que le Gouvernement a des responsabilités, la question du logement étant un facteur très important d'exclusion.
L'année dernière, nous avons voté le projet de loi relatif à la loi de lutte contre les exclusions, qui, dans l'esprit - il serait souhaitable que ce soit aussi dans la lettre - a pour objet de s'attaquer résolument aux phénomènes cumulatifs d'exclusion. Il s'agit d'assurer un minimum de droits fondamentaux à nos concitoyens.
Dans la capitale, nous sommes évidemment aux premières loges pour constater chaque jour le phénomène d'exclusion. Les mesures doivent effectivement être coordonnées pour mieux s'attaquer à ce problème.
Les associations, auxquelles je transmettrai votre réponse, rencontrent en effet quelques difficultés pour procéder elles-mêmes à une évaluation de la vacance des logements. On évalue à quelque 115 000 le nombre de logements inoccupés, d'immeubles et de bureaux vides à Paris. Certes tous n'entrent pas dans le champ d'application de loi, mais il y a tout de même de quoi faire.

TRACÉ DU TGV SUD-EST