Séance du 18 novembre 1999







M. le président. « Art. 18. _ I. _ La section 1 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 162-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-4-1 . _ Les médecins sont tenus de mentionner sur les documents produits en application de l'article L. 161-33 et destinés au service du contrôle médical :
« 1° Lorsqu'ils établissent une prescription d'arrêt de travail donnant lieu à l'octroi de l'indemnité mentionnée au 5° de l'article L. 321-1, les éléments d'ordre médical justifiant l'interruption de travail ;
« 2° Lorsqu'ils établissent une prescription de transport en vue d'un remboursement, les éléments d'ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit.
« Ils sont tenus, en outre, de porter sur ces mêmes documents les indications permettant leur identification par la caisse et l'authentification de leur prescription. »
« II. _ L'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au 2°, les mots : "selon les règles définies par l'article L. 322-5" sont remplacés par les mots : "selon les règles définies par les articles L. 162-4-1 et L. 322-5" ;
« 2° Le 5° est ainsi modifié :
« a) Après les mots : "l'incapacité physique constatée par le médecin traitant", sont insérés les mots : ", selon les règles définies par l'article L. 162-4-1," ;
« b) Après les mots : "l'incapacité peut être également constatée", sont insérés les mots : ", dans les mêmes conditions,". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 123, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 29, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 18 pour l'article L. 162-4-1 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 162-4-1. - Les médecins, quel que soit leur lieu ou mode d'exercice, sont tenus de mentionner... »
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 123.
Mme Nicole Borvo. L'article 18 a pour objet, en rendant obligatoire la motivation médicale des prescriptions d'arrêt de travail et de transport sanitaire, de mieux maîtriser les dépenses de ces prescriptions, qui ont effectivement augmenté, et de permettre une meilleure identification du prescripteur.
Toutefois, j'ai bien peur que, pour s'assurer des économies, on ne stigmatise principalement les salariés.
De plus, même si les motifs cliniques justifiant l'incapacité temporaire de travail ou de se déplacer, informations nominatives concernant l'assuré, sont destinés, en principe, aux seuls services de contrôle de l'assurance maladie, rien ne garantit effectivement le respect du caractère confidentiel de ces données.
Je vous accorde, madame la ministre, que les violations du secret professionnel sont, heureusement, occasionnelles et pénalement répréhensibles ; mais pouvons-nous courir le risque que, demain, l'employeur soit informé des pathologies de ses salariés ?
Nous ne pouvons accepter qu'au détour de cet article on accrédite l'idée que les dérapages des indemnités journalières seraient dus à la multiplication des arrêts de travail de complaisance. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.
Je ne conteste nullement l'existence de fraudes, mais les caisses peuvent s'appuyer sur les procédures existantes pour les éviter. Les arrêts de longue durée, en grande partie responsables de la progression, en 1999, des indemnités journalières, sont actuellement soumis systématiquement au contrôle des caisses.
Les causes réelles de l'augmentation des dépenses d'arrêt maladie sont à rechercher ailleurs. Nous sommes tous conscients que le retour de la croissance économique entraîne une augmentation de la consommation médicale. Mais ne négligeons pas le rôle déterminant des conditions de travail et de la précarité dans l'augmentation du nombre des arrêts maladie.
Au moment où l'on s'engage à assurer plus d'indépendance à la médecine du travail pour que cessent les chantages divers des employeurs, poussant à la sous-déclaration des maladies professionnelles ou des accidents du travail, nous devons, à mon sens, réfléchir au fait que des souffrances au travail accrues occasionnent des arrêts de travail pour raison de santé.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 29.
M. Charles Descours, rapporteur. L'article 18, qui n'a pas été modifié par l'Assemblée nationale, a pour objet de rendre obligatoire la motivation médicale des prescriptions d'arrêt de travail et de transport sanitaire. Il vise en effet, comme vient de le dire Mme Borvo, deux catégories de prescriptions qui ont donné lieu depuis plusieurs années à des dépenses en forte progression.
En ce qui concerne les arrêts de travail, la notion d'« éléments d'ordre médical » justifiant l'arrêt de travail ne signifie pas que les médecins devront indiquer un diagnostic précis.
Nous avons longuement hésité sur la position à adopter dans cette affaire. Voici l'interprétation qui est la nôtre.
Les éléments que fourniront les médecins devront simplement permettre au contrôle médical de faire son travail et d'apprécier la réalité du motif justifiant un arrêt de travail. Bien entendu, ces éléments seront inscrits sur les volets de l'imprimé destinés à l'assurance maladie, et non sur le volet destiné à l'employeur. Je comprends toutefois votre inquiétude, madame Borvo.
Les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 162-4-1 telles que prévues par le projet de loi, relatives à l'identification du médecin prescripteur, seront utiles, notamment, en milieu hospitalier.
C'est pourquoi la commission propose de modifier cet article, afin de bien préciser que les médecins exerçant à l'hôpital sont tenus de respecter les règles qu'il prévoit ; l'article L. 162-4-1 est en effet inclus dans la section 1 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, qui concerne essentiellement les médecins libéraux.
Or, les médecins hospitaliers sont à l'origine de plus de 50 % des prescriptions de transport sanitaire. Si donc l'on veut que cet article ait un quelconque intérêt, il faut qu'il vise également lesdits médecins hospitaliers.
Enfin, si nous acceptons cet article, nous nous interrogeons tout de même sur l'importance des économies qu'il permettra de réaliser au regard de la contrainte supplémentaire imposée aux médecins.
Dans ces conditions, madame le ministre, nous souhaitons qu'un bilan de la mesure soit présenté par le Gouvernement au Parlement à l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
En conclusion, nous souscrivons à la logique de l'article 18, mais avec des hésitations, et il est bien évident que, s'il n'était pas modifié dans le sens que nous souhaitons, nous y serions hostiles.
M. le président. Dois-je comprendre que la commission est défavorable à l'amendement n° 123 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Oui, dans la mesure où nous acceptons la logique de l'article. Cela dit, je comprends les inquiétudes de Mme Borvo.
Encore une fois, cette contrainte supplémentaire imposée aux médecins entraînera-t-elle de réelles économies ? Il est clair que, si l'on n'impose pas aux médecins hospitaliers leur identification, comme ce sont eux qui, pour l'essentiel, prescrivent les transports sanitaires, il s'agira d'un coup d'épée dans l'eau.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 123 et 29 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements.
Je rassure tout d'abord Mme Borvo : il s'agit simplement de demander aux médecins prescripteurs d'envoyer sur le volet spécial et à destination des seuls médecins conseils des caisses, à l'exclusion de tout autre destinataire, les raisons qui motivent l'arrêt maladie.
Je vous rappelle le respect de la confidentialité dans le traitement des informations nominatives relatives aux assurés. C'est un principe qui est applicable aux caisses d'assurance maladie. Nous ne connaissons pas, d'ailleurs, de cas de non-respect de ce secret professionnel.
Par ailleurs, je rappelle à M. le rapporteur, toujours sur ce point-là, que de telles dispositions sur les indemnités journalières existent déjà pour les professions indépendantes - nous ne faisons que les étendre à l'ensemble des régimes - et que, s'agissant des prescriptions de transport, nous avons demandé que, depuis le 1er juillet, les prescripteurs soient signifiés, y compris les prescripteurs hospitaliers. Nous réalisons actuellement un suivi de ces prescriptions, après une expérimentation au sein de la caisse primaire d'assurance maladie de Nice.
Je précise en outre à M. le rapporteur que l'amendement n° 29 est superflu. En effet, contrairement à ce qu'il a affirmé, l'article L. 162-4-1 est inséré sous la section 1 intitulée « Médecins ». Il s'applique donc à l'ensemble des médecins qu'ils soient libéraux ou hospitaliers, quel que soit le lieu où ils exercent leur fonction. Si je suis d'accord sur le fond, je suis défavorable à l'amendement, car, si je l'acceptais, même s'il ne me pose pas de problème de fond, cette précison apportée a contrario donnerait l'impression que toutes les autres dispositions de cette section 1 ne s'appliquent qu'aux médecins libéraux, ce qui n'est pas le cas puisque c'est à l'ensemble des médecins qu'elles s'appliquent.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Mme le ministre vient de nous préciser que le dispositif prévu par l'article 18 s'impose aussi aux médecins hospitaliers. J'insiste sur le fait que, notamment pour les transports sanitaires, les médecins hospitaliers devront expliquer la raison pour laquelle ils prescrivent un transport, en dépit des conséquences en matière de remboursement par les caisses.
Si tel était le cas - j'insiste sur ce point pour que le Journal officiel soit bien clair - je peux retirer mon amendement ; mais je répète, après avoir écouté Mme le ministre, que les dispositions prévues par l'article 18 s'imposent à tous les médecins, y compris aux médecins hospitaliers, car la lecture des textes proposés pour les articles L. 162-2 et L. 162-3 du code de la sécurité sociale laissait planer une petite ambiguïté. Vous l'avez levée, madame le ministre, en sachant très bien que votre propos en séance publique a force de loi. En conséquence, je retire l'amendement n° 29.
M. le président. L'amendement n° 29 est retiré.
Madame Borvo, l'amendement n° 123 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 123.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Effectivement, ces abus sont condamnables, et nous devons essayer d'y mettre un terme. Je serais tenté de dire que, aujourd'hui, ils sont connus et identifiés, grâce à l'informatique. Il existe déjà tout un arsenal législatif et réglementaire ; pourquoi donc encore légiférer aujourd'hui ? Il suffit que les partenaires sociaux prennent leurs responsabilités.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19