Séance du 20 janvier 2000







M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je regrette l'absence de Mme Aubry, que son cabinet m'a expliquée ce matin.
Lors de la discussion du projet de loi sur la réduction du temps de travail, le Sénat avait constaté que le financement des 35 heures n'était pas assuré en vitesse de croisière. Le Gouvernement pensait que ce financement serait au moins assuré pour 2000. Or, l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxation des heures supplémentaires qui devait alimenter le fonds créé par l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale nous conduit aujourd'hui à constater qu'il manque, dès cette année, 7 milliards de francs, soit le tiers du coût de la loi.
Comment et où le Gouvernement entend-il trouver ces 7 milliards de francs ? C'est le premier point sur lequel je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous répondiez précisément.
Par ailleurs, le Gouvernement fait valoir qu'en réalité il ne manquerait que 4 à 5 milliards de francs car les heures supplémentaires désormais payées aux salariés - et nous nous en réjouissons - généreront des cotisations sociales.
Faut-il comprendre, monsieur le ministre, que vous entendez confisquer ces cotisations pour financer les 35 heures ?
Pensez-vous que les partenaires sociaux vont vous suivre dans cette voie, ou tenterez-vous de passer en force malgré votre demi-échec de l'automne ? Je dis « demi-échec » car vous avez tout de même réussi à prélever indirectement près de 6 milliards de francs sur la sécurité sociale, contrairement à votre discours.
C'est le deuxième point sur lequel j'aimerais obtenir une réponse précise de votre part, monsieur le ministre.
Enfin, hier, M. le Président de la République, gardien de la Constitution, s'est exprimé avec toute l'autorité que lui confère sa fonction pour que le Gouvernement respecte les droits du Parlement, ce qui implique qu'il présente dans les meilleurs délais un projet de loi de financement rectificative. Cette exigence est incontournable pour le bon fonctionnement de notre démocratie.
Je viens de lire la dépêche de l'AFP, qui constitue la réponse de Mme Aubry, où il est dit qu'il n'y aura pas de perte de recettes, et donc que les comptes ne seront pas affectés. (M. Alain Gournac sourit.). Eh bien ! malgré cette fuite, je répète que, en démocratie, il doit y avoir une seule règle : le respect du droit et de la représentation nationale.
La troisième question sur laquelle je souhaite obtenir une réponse est la suivante : quand le Gouvernement déposera-t-il ce projet de loi de financement rectificative qui est indispensable ? (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question. Elle me permet tout de même d'insister sur un point : le 1er février, la loi sur les 35 heures sera appliquée. (Très bien ! sur les travées socialistes.) Malgré l'ensemble des critiques qui ont été entendues, y compris dans cette belle maison, trente-trois articles, parmi lesquels un grand nombre étaient, à vos yeux, non conformes à la Constitution, ont été validés par le Conseil constitutionnel.
M. Charles Descours. Monsieur le ministre, nous voulons des réponses précises !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. En effet, le dispositif qui constitue le coeur de cette loi, c'est-à-dire une aide massive en direction des entreprises, une limitation du nombre d'heures supplémentaires et le surcoût apporté à ces heures supplémentaires...
M. Charles Descours. Le Gouvernement ne sait pas répondre !
M. Alain Gournac. La réponse !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. ... a été validé par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Monsieur le sénateur, j'en viens à votre remarque car après avoir subi un tel échec par rapport au Conseil constitutionnel vous essayez de voir le bémol qui a pu être apporté par cette institution.
M. Charles Descours. Sept milliards !
M. Jean Chérioux. C'est un gros bémol !
M. Charles Descours. Heureusement que vous ne jouez pas de la musique ! (Sourires.)
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Sept milliards de francs par rapport à 64 milliards de francs !
M. Louis de Broissia. C'est rien !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Eh bien ! mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de l'excellence de l'activité économique et des recettes sociales et fiscales attendues - vous êtes très nombreux à dénoncer jour après jour la cagnotte du Gouvernement - nous mettrons une partie de ces recettes pour réussir à abonder ce fonds à hauteur de 64 milliards de francs.
M. Alain Lambert. Quel aveu !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Monsieur Descours, vous qui êtes, en particulier, un spécialiste des finances de la sécurité sociale, vous devriez savoir que la loi de finances,...
M. Charles Descours. La loi de financement !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. ... la loi de financement, voulais-je dire, n'a jamais prévu un article d'équilibre. Elle prévoit des recettes et un niveau de dépenses. Et s'il devait y avoir une loi rectificative chaque fois qu'un paramètre est modifié, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devrions tout le temps nous réunir. Actuellement, il y a une épidémie de grippe qui perturbera les finances de la sécurité sociale. Pourquoi ne pas se réunir ? (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Louis de Broissia. Ce n'est pas sérieux !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. In cauda venenum, je voudrais rappeler un précédent éclairant.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. La loi de financement pour 1997 adoptée à la fin de 1996 prévoyait un déficit de 29 milliards de francs. Celui-ci s'est élevé à 37 milliards de francs. Or, à l'époque, je ne vous ai pas entendu réclamer un collectif. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur plusieurs travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

NIVEAU EXCESSIF DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES