Séance du 8 février 2000







M. le président. « Art. 2. _ Après l'article 1322 du code civil, il est inséré un article 1322-1 ainsi rédigé :
« Art. 1322-1 . _ La même force probante est attachée à l'écrit sous forme électronique lorsqu'il constate des droits et obligations et qu'il est signé. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Par amendement n° 3, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Après l'article 1316-2 du code civil, il est inséré un article 1316-3 ainsi rédigé :
« Art. 1316-3. - L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, dès lors qu'il réunit toutes les conditions de forme nécessaires à sa validité. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article 1316-3 du code civil, à supprimer les mots : « , dès lors qu'il réunit toutes les conditions de forme nécessaires à sa validité. »
L'amendement n° 12, présenté par M. Lambert est identique à celui dela commission :
« Après l'article 1316-2 du code civil, il est inséré un article 1316-3 ainsi rédigé :
« Art. 1316-3. - L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, dès lors qu'il réunit toutes les conditions de forme nécessaires à sa validité. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'article 2 dispose que l'écrit électronique qui constate les droits et obligations et qui comporte une signature a la même force probante que l'acte sous seing privé sur support papier.
La commission des lois propose que cet article soit applicable aussi bien aux actes authentiques qu'aux actes sous seing privé. Elle propose donc de placer cet article dans les dispositions générales relatives à la preuve littérale, dans une rédaction suffisamment générale pour inclure aussi bien les actes sous seing privé que les actes authentiques.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre le sous-amendement n° 14.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Là aussi, la question est importante. La détermination de la place de l'écrit électronique dans le système de preuve légale issu du code civil suppose que soient déterminés d'abord si cet écrit constitue un mode de preuve recevable en justice, ensuite, en cas de réponse positive, quelle force probante lui est reconnue.
Le projet de loi répond à la première question en son article 1er et à la seconde question en son article 2.
L'extension du champ d'application du texte à l'acte authentique conduit à modifier cette architecture et à répondre, de façon plus générale, à la question de la force probante de l'acte électronique, qu'il soit authentique ou sous seing privé.
C'est pourquoi j'approuve la première partie du nouvel article 1316-3 que la commission propose d'insérer dans les dispositions générales.
En revanche, j'émets des réserves sur la dernière partie de la phrase, qui, me semble-t-il, est source d'ambiguïté.
Si elle vise à subordonner la valeur probante de l'écrit à des conditions particulières, propres à la forme électronique, cette disposition me paraît de nature à remettre en cause le principe d'équivalence entre les différents supports, affirmé par les textes communautaires, et poursuivi par le présent projet de loi.
Si, au contraire, ce membre de phrase est destiné à rappeler que l'écrit électronique ne peut se voir reconnaître une valeur probante identique à l'écrit sur support papier que s'il remplit les mêmes conditions de forme que celles qui sont exigées pour ce type d'écrit, telles que la signature, ou les formalités prévues par les articles 1325 et 1326 du code civil, ce texte m'apparaît alors inutile.
Comme pour l'écrit sur support papier, il va de soi que l'écrit électronique ne devient un acte sous seing privé que s'il est signé et répond, le cas échéant, aux autre exigences formelles prévue par le code civil.
Aussi, j'estime préférable de supprimer la référence aux conditions de forme. Tel est précisément l'objet du sous-amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Lambert, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Alain Lambert. J'ai déposé cet amendement pour insister sur la nécessité d'insérer cette disposition dans les dispositions générales et non pas dans les dispositions qui traitent de l'acte sous seing privé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 14 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement de la commission avait trois objets : une modification de la place de la disposition proposée, à laquelle nous tenons beaucoup ; sa réécriture, à laquelle nous tenons également beaucoup ; enfin l'insertion du membre de phrase auquel le Gouvernement ne tient pas du tout, puisqu'il propose de le supprimer.
Lorsque nous avons examiné cet amendement, il nous a paru que, en effet, dans la rédaction retenue, il pouvait y avoir une ambiguïté et qu'affirmer, dans une sorte de cri pour le code civil, le principe d'équivalence avait au moins le mérite de la pureté.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois m'a chargé de donner un avis favorable - moi, naturellement, la suivant - sur le sous-amendement n° 14.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 14.
M. Alain Lambert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert. Je ne veux pas retarder les travaux du Sénat, mais nous traitons de sujets essentiels.
Je me rallie, tout à fait, pour ce qui me concerne à l'avis de la commission.
Mais, puisque le Gouvernement a souhaité lever toute ambiguïté, je souhaite faire de même.
Mme le garde des sceaux, dans ses explications tout à l'heure, parlait d'« acte électronique ». Or, personnellement, je ne connais pas d'acte électronique : je connais des actes authentiques, je connais des actes sous seing privé, je connais des actes synallagmatiques, je connais des actes unilatéraux... Je ne connais pas d'actes électroniques. je connais des supports électroniques et des supports papier. (Mme le garde des sceaux marque son approbations.)
Si nous voulons lever les ambiguïtés, levons-les toutes, et, - je suis complètement d'accord Charles Jolibois - poussons un cri d'espoir pour l'électronique. Mais l'explication du Gouvernement me paraissait elle-même ambiguë.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 14, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et l'amendement n° 12 n'a plus d'objet.

Article 3