Séance du 10 février 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Création d'une commission d'enquête sur les établissements pénitentiaires. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p. 1 ).
Discussion générale : MM. Georges Othily, rapporteur de la commission des lois ; Robert Badinter, Jean-Jacques Hyest, Robert Bret.
Clôture de la discussion générale.

Article unique. - Adoption (p. 2 )

Intitulé. - Adoption (p. 3 )

Vote sur l'ensemble (p. 4 )

M. Jean-Pierre Schosteck.
Adoption de la proposition de résolution.

3. Dévolution directe des biens vacants et sans maître à la commune. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p. 5 ).
Discussion générale : MM. Pierre Jarlier, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; Bernard Joly, Aymeri de Montesquiou, Jean-Pierre Schosteck.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.

Articles 1er et 2. - Adoption (p. 6 )

Intitulé. - Adoption (p. 7 )

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 8 )

4. Création et développement des entreprises sur les territoires. - Discussion des conclusions du rapport d'une commission (p. 9 ).
Discussion générale : MM. Francis Grignon, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Joseph Ostermann, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques ; Jacques Bellanger, Pierre Hérisson, Jean-Pierre Raffarin.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

M. Gérard Cornu.

Suspension et reprise de la séance (p. 10 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

5. Candidatures à une commission d'enquête (p. 11 ).

6. Création et développement des entreprises sur les territoires. - Suite de la discussion des conclusions du rapport d'une commission (p. 12 ).
Discussion générale (suite) : MM. Gérard Le Cam, Roger Rinchet.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Clôture de la discussion générale.

7. Nomination des membres d'une commission d'enquête (p. 13 ).

8. Création et développement des entreprises sur les territoires. - Suite de la discussion et adoption des conclusions du rapport d'une commission (p. 14 ).

Article 1er (p. 15 )

M. Francis Grignon, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Jacques Bellanger.
Adoption de l'article.

Article 2 (p. 16 )

Amendement n° 13 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 2 (p. 17 )

Amendement n° 14 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 3 (p. 18 )

M. le rapporteur.

Article L. 1511-7 du code général des collectivités territoriales (p. 19 )

Amendement n° 1 de M. Paul Girod, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jacques Bellanger. - Adoption.
Amendement n° 2 rectifié de M. Paul Girod, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 3 de M. Paul Girod, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article du code modifié.

Article L. 1511-8 du code précité (p. 20 )

Amendement n° 4 de M. Paul Girod, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article du code modifié.

Article L. 1511-9 du code précité (p. 21 )

Amendements n°s 5 et 6 de M. Paul Girod, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code modifié.
Adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 (p. 22 )

M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.

Article 5 (p. 23 )

M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.

Article 6 (p. 24 )

Amendement n° 7 de M. Paul Girod, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 8 de M. Paul Girod, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 6 (p. 25 )

Amendement n° 15 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 7 (p. 26 )

Amendement n° 16 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jacques Bellanger. - Adoption.
Amendement n° 17 rectifié de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 18 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 19 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 8 (p. 27 )

M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jacques Bellanger.
Adoption de l'article.

Article 9 (p. 28 )

M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.

Article 10 (p. 29 )

Amendement n° 20 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - Adoption.
Amendement n° 21 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jacques Bellanger. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 10 (p. 30 )

Amendement n° 22 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jacques Bellanger. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 11 (p. 31 )

M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jacques Bellanger.
Adoption de l'article.

Article 12 (p. 32 )

M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.

Article 13 (p. 33 )

M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jacques Bellanger.
Adoption de l'article.

Article 14 (p. 34 )

Amendement n° 24 de M. Jean-Pierre Schosteck. - MM. Jean-Pierre Schosteck, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.

Article 15 (p. 35 )

Amendement n° 9 rectifié de M. Paul Girod, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 16 (p. 36 )

Amendements n°s 10 à 12 de M. Paul Girod, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jacques Bellanger. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 17 (p. 37 )

Amendement n° 23 de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. - MM. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Vote sur l'ensemble (p. 38 )

MM. Jean-Pierre Schosteck, Gérard Le Cam, Jacques Bellanger, Jacques Pelletier, Michel Souplet, le rapporteur.
Adoption de la proposition de loi.

9. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 39 ).

10. Ordre du jour (p. 40 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
SUR LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

Adoption
des conclusions du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 209, 1999-2000) de M. Georges Othily, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :
- la proposition de résolution (n° 165, 1999-2000) de M. Robert Badinter et des membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt ;
- la proposition de résolution (n° 183, 1999-2000) de MM. Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel, tendant à créer une commission d'enquête sur la situation des établissements pénitentiaires en France.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Othily, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, les prisons françaises ne sont pas dignes de notre pays, qui a souvent, dans l'histoire, montré le chemin en matière de droits de l'homme.
Il est temps que notre pays change son regard sur ses prisons, afin que nous disposions d'un système pénitentiaire plus digne d'un Etat de droit à l'aube du troisième millénaire.
Le Sénat est saisi de deux propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête : la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt, présentée par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, et la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la situation des établissements pénitentiaires en France, présentée par MM. Arthuis, de Rohan, de Raincourt et Cabanel.
Conformément à sa mission, la commission des lois a examiné la recevabilité et l'opportunité des propositions de résolution.
Rappelons que les conditions de constitution des commissions d'enquête sont fixées par l'article 6 de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et précisées par l'article 11 du règlement du Sénat.
L'article 6 de l'ordonnance de 1958 précise que « les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information, soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées ».
En l'espèce, les deux propositions de résolution ont pour objet de contrôler le fonctionnement d'une partie du service public de la justice, à savoir l'administration pénitentiaire. Or les propositions de résolution entrent dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
Par ailleurs, prévoyant que la commission d'enquête sera composée de vingt et un membres, les propositions de résolution répondent également aux conditions posées par l'article 11 du règlement du Sénat, qui dispose que la proposition de résolution « fixe le nombre de membres de la commission d'enquête, qui ne peut comporter plus de vingt et un membres ».
La commission estime donc que les propositions de résolution sont recevables au regard des dispositions de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et constate qu'elles répondent aux conditions posées par l'article 11 du règlement du Sénat.
J'en viens maintenant à la question de l'opportunité de la création d'une commission d'enquête.
La situation des établissements pénitentiaires français est actuellement très inquiétante et nécessite un examen approfondi afin de dégager des solutions pour que la France se dote d'un système pénitentiaire plus digne d'un Etat de droit.
Dans son dernier rapport sur le budget de l'administration pénitentiaire, la commission des lois avait fait part de son inquiétude à propos de l'évolution de l'administration pénitentiaire en émettant un avis défavorable à l'adoption des crédits, malgré la hausse de ceux-ci. Elle avait, en particulier, mis l'accent sur la surpopulation carcérale, le nombre élevé de suicides en détention, l'insuffisance des contrôles exercés par les autorités administratives et judiciaires dans les établissements pénitentiaires, la situation préoccupante en matière d'alternatives à l'incarcération, marquée notamment par le déclin des mesures de libération conditionnelle et les retards pris dans l'application de la loi relative au placement sous surveillance électronique, et, enfin, la vétusté d'un grand nombre d'établissements pénitentiaires.
La publication récente du livre du médecin-chef de la maison d'arrêt de la Santé, dont le témoignage est évoqué dans les deux propositions de résolution soumises au Sénat, a fait suite à plusieurs autres affaires découvertes tardivement en 1999. Elle a permis à un large public de prendre conscience de la situation critique que connaissent certains établissements en ce qui concerne les conditions de détention.
La mise en place d'une commission d'enquête est donc parfaitement justifiée et bien comprise. Celle-ci pourrait dresser un constat clair de la situation des établissements et formuler des propositions pour l'avenir.
En ce qui concerne l'étendue de la mission qui pourrait être confiée à la commission d'enquête, les deux propositions de résolution soumises au Sénat diffèrent légèrement.
La proposition de résolution présentée par MM. Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel prévoit que la commission d'enquête serait « chargée de recueillir des informations sur la situation des établissements pénitentiaires en France ».
La proposition de résolution présentée par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés prévoit que les travaux de la commission d'enquête porteront « sur les conditions de détention des détenus dans les maisons d'arrêt, ainsi que sur l'étendue et l'effectivité des contrôles relevant des autorités judiciaires et administratives ».
Il est incontestable que les maisons d'arrêt, qui accueillent les prévenus et les condamnés à de courtes peines ou en fin de peine, connaissent la situation la plus préoccupante, en raison notamment de leur taux d'occupation et de la grande vétusté de certaines d'entre elles. Il est paradoxal que les conditions de détention les moins favorables soient réservées à des personnes présumées innocentes.
Il est également exact que la question des contrôles exercés par les autorités administratives et judiciaires dans les établissements pénitentiaires est tout à fait essentielle. Certains incidents révélés au public au cours des derniers mois peuvent laisser à penser que ces contrôles ne sont pas suffisants ou qu'ils ne se sont pas exercés dans des conditions satisfaisantes. C'est l'une des raisons qui ont conduit le Sénat à inclure l'administration pénitentiaire dans le champ de compétence de la nouvelle commission nationale de déontologie de la sécurité.
Dans ces conditions, compte tenu du temps limité dont disposera la commission d'enquête pour mener à bien ses travaux, il aurait pu paraître préférable de circonscrire sa mission, comme le prévoyait la proposition de résolution présentée par notre collègue Robert Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Toutefois, il serait sans doute imprudent d'exclure purement et simplement les établissements pour peine du champ des investigations de la commission d'enquête. Dans ces conditions, votre commission des lois propose que la commission d'enquête s'intéresse aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en particulier au regard de la présomption d'innocence dans les maisons d'arrêt. La commission d'enquête devra s'assurer de l'étendue et de l'effectivité des contrôles exercés par les autorités judiciaires et administratives.
Telles sont, mes chers collègues, les conclusions auxquelles est parvenue la commission des lois. Le Sénat, grâce à cette commission d'enquête, a l'occasion de faire oeuvre utile en faveur des libertés publiques et des droits de l'homme, comme il l'a fait encore récemment en instaurant l'appel des verdicts de cours d'assises, que l'Assemblée nationale vient d'accepter. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe socialiste a déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête, une seconde proposition ayant également été déposée par M. Arthuis et un certain nombre de sénateurs appartenant aux groupes de la majorité sénatoriale. Notre excellent rapporteur vient en quelque sorte de faire la synthèse de ces propositions.
Il s'agit, pour l'essentiel, des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires français.
Churchill avait coutume de dire que le signe du notable vieillissant, c'est de confondre ses souvenirs et son discours : je méconnaîtrai l'avertissement du grand homme. (Sourires.)
En traversant ce matin le jardin du Luxembourg, je me souvenais de m'être rendu pour la première fois de ma vie dans une maison d'arrêt il y a quarante-neuf ans de cela, lorsque je prenais ma mobylette pour me rendre, jeune stagiaire, à la maison d'arrêt de Fresnes.
Je suis retourné à Fresnes comme dans bien d'autres maisons d'arrêt pendant des décennies. Je peux dire que, lorsque je suis arrivé à la Chancellerie, j'avais de la prison en général et de la maison d'arrêt en particulier une certaine connaissance, connaissance limitée, cependant, je le marque. Pourquoi ? Parce que c'est le côté « jardin » que l'on présente aux avocats : vous entrez, et c'est le greffe, la vérification du permis, le parloir des avocats ; la visite s'arrête là. Vous voyez le client arriver de l'autre côté ; il émerge d'un monde clos pour vous rencontrer et repart ensuite vers ce monde.
Il m'est arrivé aussi d'aller plus loin et de connaître d'autres quartiers à l'intérieur des maisons d'arrêt, notamment ceux qui, en d'autres temps, étaient réservés aux condamnés à mort.
A ma connaissance de la réalité pénitentiaire ont également contribué les conversations que j'ai eues avec le personnel. Lorsqu'on attend ses clients, les surveillants, qui vous connaissent, vous confient les difficultés de leur mission. C'est ainsi que j'ai pris conscience du fait que rien n'était possible dans la prison si l'on n'améliorait pas de manière concomitante le sort des uns et la condition des autres, qui se trouvent indissolublement liés.
Les personnels pénitentiaires ont une mission très difficile, qu'ils exercent dans des conditions également très difficiles. Evidemment, les détenus connaissent une condition au moins aussi difficile sur laquelle il nous faut nous pencher.
S'agissant de cette condition, quelles étaient mes dispositions d'esprit quand je me suis trouvé à la Chancellerie ?
J'ai, je peux le dire aujourd'hui, beaucoup oeuvré. Permettez-moi de rappeler quelques-unes des mesures que j'ai prises pour essayer de remédier à certains des aspects les plus cruels de la condition carcérale, faute de pouvoir transformer les prisons elles-mêmes - je reviendrai sur ce point dans un instant.
C'est ainsi que j'ai supprimé les quartiers de haute sécurité, les QHS, non sans protestations de tous les côtés.
C'est ainsi que j'ai interdit le costume pénitentiaire. C'est ainsi que j'ai permis les coups de téléphone à la famille.
C'est ainsi que j'ai voulu supprimer - cela a sans doute été pour moi le plus important - cette institution odieuse des parloirs où les femmes voyaient leur mari, les maîtresses leur amant, les pères leur enfant, séparés d'eux, tout le monde hurlant, les uns à côté des autres, à travers des hygiaphones, lesquels, d'ailleurs, marchaient mal, pendant qu'un gardien se promenait.
Cela a été très difficile. Je trouvais que la moindre des choses était que l'on puisse au moins s'embrasser et se prendre les mains. Je dois dire qu'en cette occasion j'ai reçu les lettres sans doute les plus émouvantes que j'aie reçues de ma vie, venant de mères de détenus qui me disaient : « Grâce à vous, j'ai embrassé mon enfant, ce que je n'avais pu faire depuis six ans », ou émanant de détenus eux-mêmes me disant : « Pour la première fois, j'ai embrassé mon enfant. »
J'ai aussi introduit la télévision dans les cellules.
Là encore, cela n'a pas été sans mal ! En effet, chaque fois que je me suis efforcé de faire progresser la condition carcérale, j'ai rencontré un climat d'hostilité ou d'incompréhension. Ce n'a pas été le cas, je me plais à le souligner, au sein des commissions des lois ; ce ne fut pas le fait des parlementaires avisés, qui connaissaient la condition telle qu'elle était, sa cruauté, mais ce climat prévalait dans l'opinion publique et dans la presse. On disait que j'avais pour les assassins une dilection particulière, que j'étais par définition l'avocat des criminels et des détenus plutôt que celui des victimes et des honnêtes gens, quels qu'aient été par ailleurs les efforts qui ont été consentis à cette époque, avec le concours très vigilant et très ardent du Parlement, pour améliorer la condition des victimes.
Lorsque venait le moment de la discussion budgétaire et que je demandais des accroissements de crédits, je dois le confesser, mes collègues et souvent très proches amis m'écoutaient avec bienveillance mais poussaient des soupirs me rappelant que nous étions dans une conjoncture économique difficile - à partir de 1982 et 1983, les restrictions budgétaires furent prioritaires - et que le Gouvernement avait bien d'autres actions plus urgentes à mener que de remédier à la condition carcérale.
Certes, comment ne pas le reconnaître : il fallait améliorer la situation des hôpitaux ; améliorer les conditions de vie des personnes âgées ; favoriser la réhabilitation des immeubles insalubres, lesquels sont sources de délinquance. Tout cela est en effet prioritaire; mystérieurement, les prisons, elles, ne le sont jamais. En tous cas, elles ne l'étaient pas à l'époque. J'étais éconduit avec de bonnes paroles et l'on m'accordait juste les crédits nécessaires pour faire face aux besoins immédiats.
Je m'interrogeais sur cette situation, mesurais que je n'avais sans doute pas les charmes et les séductions d'autres ministres qui obtenaient de voir reconnaître comme prioritaires des actions qui ne me paraissaient pas aussi essentielles pour la gauche que de remédier à la tragique condition des prisons françaises. J'accusais mon impuissance. Je ne pouvais en vouloir à mes amis et je faisais, comme essaient de le faire les bonnes ménagères, une bonne soupe avec peu d'argent. C'était d'ailleurs, il faut le reconnaître, plutôt une maigre pitance.
Lorsque je quittai la Chancellerie, j'étais préoccupé de cet état de chose. J'essayais de mieux comprendre. J'avais pris rendez-vous avec Michel Foucault, avec lequel j'entretenais à l'époque des relations d'amitié - il est malheureusement mort prématurément. Il s'intéressait, vous le savez, à la condition carcérale. Je souhaitais qu'on y voie plus clair et qu'on comprenne pourquoi mystérieusement dans notre pays, depuis deux siècles que la prison est devenue l'instrument privilégié de la répression pénale - chacun sait que la transformation des peines en peines d'emprisonnement est une invention de la première Constituante ; auparavant, la prison ne servait que pour la détention provisoire -, j'ai donc voulu comprendre pourquoi, depuis deux siècles, nous nous trouvions face à un discours et une réalité exactement contradictoires, pourquoi nos grands ancêtres républicains qui, avaient de l'école une vision si claire, qui avaient de l'armée républicaine une vision si forte, qui avaient de la citoyenneté une conscience si brûlante, étaient muets sur la prison.
C'est ainsi qu'avec Michelle Perrot, une grande historienne qui se passionnait pour ces questions, nous avons tenu pendant cinq ans, de 1986 à 1991, à l'école des hautes études, un séminaire réunissant directeurs de prison, aumôniers, médecins des prisons, bref, tous ceux qui à la fois s'intéressaient et connaissaient la réalité carcérale.
Le résultat de cette très longue étude a été un livre dont je tairai le nom ici, mais dont je peux dire simplement qu'il a eu un succès inversement proportionnel au nombre d'heures que nous y avons consacrées. Pourquoi ? L'éditeur m'avait prévenu que le mot « prison » figurant sur la couverture suffirait à faire fuir le lecteur. Il ne s'était pas trompé à cet égard.
Quoi qu'il en soit, après ces quatre à cinq années de travauxhistoriques et complets sur la prison républicaine, je suis arrivé à un constat et à une conviction.
Le constat, c'est que la même situation se reproduit exactement à travers le temps dans la République. Ainsi, à un discours qui proclame une volonté d'humanisation, une nécessité de transformer la prison de façon qu'elle ne soit pas l'école du crime et le lieu de la récidive, s'oppose une pratique qui consiste tout simplement à laisser ces lieux aussi écartés que possible de la conscience collective, à oublier, sauf en cas de révolte, les prisons et à les abandonner à leur sort.
Ce n'est pas que les gardes des sceaux, les uns après les autres, n'aient cherché à améliorer les choses mais c'est, comme je le disais tout à l'heure, qu'il y a encore et toujours des priorités.
Les spécialistes de la commission des lois connaissent bien ces questions. Ils voient les améliorations qui se produisent, mais ils mesurent en même temps l'immensité des besoins qui ne sont pas satisfaits. Ils invitent les gouvernements successifs à agir et les gardes des sceaux font ce qu'ils peuvent, mais le résultat est là et la prison, républicaine ou pas, est toujours en retard sur la société.
De ce travail, j'ai trié ce que Michelle Perrot et moi avons appelé la loi d'airain. Il existe une loi d'airain qui pèse sur les prisons et que je traduirai très simplement par les termes suivants : la condition pénitentiaire ne peut jamais être supérieure à la condition de la frange des travailleurs les plus défavorisés d'une société à un moment déterminé. Le corps social ne supporte pas l'idée que l'on puisse être mieux traité en prison qu'on ne l'est lorsqu'on est un travailleur ou un chômeur au niveau le moins élevé. C'est à ce niveau que se situe le seuil d'amélioration possible.
Cette vérité n'est d'ailleurs pas simplement nationale, elle est internationale. C'est ainsi que l'on trouve aux Etats-Unis des prisons détestables, alors que c'est de loin, aujourd'hui, l'Etat le plus riche du monde, parce qu'elles sont implantées dans des Etats où la condition des individus les moins favorisés de la société, qui, pour la plupart, appartiennent à des groupes sociaux ou ethniques défavorisés, est très basse.
En revanche, dans les grandes sociétés sociales démocrates du nord de l'Europe, existe la volonté de faire progresser à la fois la condition des plus défavorisés dans la société mais aussi celle des détenus. Ce n'est pas le cas, je suis navré de le dire, dans la société française.
A cette indissolubilité de la condition des personnels et de celle des détenus, à cette nécessité de les faire progresser toutes les deux s'ajoute la réaction du corps social qui, de temps en temps, s'émeut à l'occasion d'une rébellion, d'une tragédie dans les prisons, puis retombe bien vite dans l'indifférence, voire dans une certaine hostilité.
Telle est la réalité historique et telle, hélas ! me paraît encore être, en dépit des efforts, la réalité actuelle.
Et nous en arrivons là à ce qui justifie la création de la commission d'enquête.
Récemment, le médecin-chef de la prison de la Santé a publié un ouvrage qui a eu un retentissement médiatique important et qui a ému l'opinion publique. En vérité, ceux qui s'intéressent à la condition pénitentiaire n'avaient pas lieu d'être surpris, sinon sur un point.
Il existe, vous le savez, une instance internationale, relevant du Conseil de l'Europe, qui s'occupe des mauvais traitements dans les établissements pénitentiaires de notre continent : le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, c'est-à-dire le CPT.
Je relève au passage que cette institution a pour président un homme que la commission des lois connaît, M. Zakine, qui a présidé la chambre sociale de la Cour de cassation, et que j'avais eu le privilège de nommer directeur de l'administration pénitentiaire à mon arrivée à la Chancellerie, en 1981.
A travers lui et à travers d'autres amis, je sais quelle est la teneur des rapports successifs qui concernent la situation carcérale et pénitentiaire en Europe ; il en ressort notamment que cette situation est terrifiante dans les pays de l'est européen, mais là n'est pas aujourd'hui le propos.
Pour ce qui est de notre pays, je savais qu'à deux reprises le CPT, observateur à la fois impartial et qualifié, avait envoyé des missions d'inspection en France : en 1991 et en 1996.
Le rapport de 1991, disponible sur Internet, révèle l'existence de conditions de détention affligeantes dans un certain nombre d'établissements pénitentiaires, plus encore dans les centres de rétention et les lieux de garde à vue.
Le rapport de 1996, le voici. (L'orateur brandit un document.) Chacun peut se le procurer. Il s'intitule : Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants en France, du 6 au 18 octobre 1996.
L'auteur de ce rapport, après avoir souligné l'excellent accueil dont a bénéficié la mission de la part du garde des sceaux et des services de la Chancellerie de l'époque, énonce un certain nombre de constatations ; et celles qui concernent la Santé, notamment - elles figurent aux pages 30 et 31 du rapport - sont terribles.
Je rappelle que la Santé est divisée en deux quartiers : le quartier bas, réservé aujourd'hui à ce que l'on appelle souvent les « personnalités », et le quartier haut.
Je n'ai pas besoin d'insister sur les difficultés propres au quartier bas. En ce qui concerne le quartier haut, voici ce qu'en dit le rapport :
« Le quartier haut était composé de quatre divisions - A, B, C, D - qui regroupaient la plus grande majorité de la population carcérale, y compris la quasi-intégralité des détenus étrangers. » Je signale au passage que ceux-ci représentent aujourd'hui 65 % de la population de la Santé.
« Les cellules des quatre divisions étaient généralement de dimensions similaires, quelque peu supérieures à 13 mètres carrés. Elles étaient prévues pour héberger entre deux et quatre occupants. De l'avis du CPT, des cellules de cette taille ne devraient pas héberger plus de trois personnes.
« A la division A - hébergeant des ressortissants étrangers d'Europe de l'Ouest et des détenus travailleurs - les conditions matérielles de détention étaient correctes. Déjà rénovée dans les années quatre-vingt, cette division connaissait, lors de la visite, des travaux de remise en état des cellules.
« Quant aux divisions B, C et D, les cellules étaient dans un état de dégradation très avancé, comme les bâtiments mêmes, dont le gros oeuvre était attaqué. Leur équipement était à l'identique - lits vétustes, matelas et couvertures sales et usées. En particulier, le lavabo et les toilettes des cellules, camouflés derrière un rideau de fortune, étaient délabrés et insalubres, sans même évoquer l'odeur se dégageant des toilettes.
« En outre, les cellules étaient infestées par des poux et d'autres vermines ; la présence de rongeurs n'était pas non plus exceptionnelle. »
Je rappelle qu'il s'agit de la description, faite en 1996, d'un lieu situé au coeur de Paris, à moins d'un kilomètre de notre palais du Luxembourg !
Je poursuis ma lecture :
« Quant aux douches, la situation n'était guère meilleure, en dépit de certains travaux ponctuels. A leur état de dégradation et d'insalubrité s'ajoutait celui de leur saleté.
« En résumé, les conditions matérielles de détention dans les divisions B, C et D étaient misérables et comportaient des risques pour la santé des détenus. »
Suivent un certain nombre de critiques du même ordre, même si la qualité de la bibliothèque mise à la disposition des détenus est relevée.
Cependant, voici ce que le rapport conclut, s'agissant de la Santé :
« Il appert de ce qui précède que les conditions de détention dans plusieurs parties de la maison d'arrêt de Paris-la Santé laissent grandement à désirer ; dans les divisions B, C et D, celles-ci pourraient être qualifiées d'inhumaines et de dégradantes. »
On sait ce que, au regard de la Convention européenne des droits de l'homme, ces termes veulent dire. Nous sommes en présence, au coeur de Paris, en octobre 1996, d'une situation qui est contraire aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme, c'est-à-dire d'une situation qui méconnaît les droits de l'homme.
Bien sûr, des conditions de détention inhumaines et dégradantes constituent toujours une violation des exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. Mais, s'agissant d'une maison d'arrêt, de telles conditions sont encore plus choquantes puisque ce sont pour une très grande part - et ce devrait être exclusivement - des présumés innocents qui y sont détenus. Au moment où nous nous penchons sur les moyens de mieux garantir la présomption d'innocence, ce fait prend un relief tout particulier.
Autrement dit, à la première violation de la dignité humaine infligée à tous les détenus de ces trois divisions de la santé - mais on peut trouver d'autres exemples en France - s'ajoute la méconnaissance d'un autre principe fondamental, le respect de la présomption d'innocence, puisque ce sont des présumés innocents qui connaissent ces conditions plus dégradées encore que dans la plupart des centres de détention.
Nous rejoignons ici ce qui est au coeur de préoccupations communes au sein du Parlement, et tout particulièrement au sein de la commission des lois du Sénat.
En effet, nous le savons tous, et tous les gardes des sceaux le mesurent, une des raisons majeures de cette condition carcérale insupportable et indigne de la France tient à la surpopulation dans les maisons d'arrêt.
Lorsqu'on examine la répartition de la population pénitentiaire, on constate que la surpopulation pénale, ce fléau, frappe d'abord les maisons d'arrêt, et tout particulièrement les grandes maisons d'arrêt, celles des grandes villes. Par conséquent, une des premières exigences, pour remédier à cette situation indigne qui est celle des prisons françaises, consiste à mettre enfin un terme à la surpopulation pénale dans les maisons d'arrêt.
Cela rejoint exactement les préoccupations exprimées au sein des deux assemblées, notamment au sein de notre commission, dans la discussion conduite actuellement sur le projet de loi que Mme le garde des sceaux défend à juste titre avec tant de conviction.
Le rapport dont j'ai cité de larges extraits, et qui décrivait la situation constatée en 1996, a été publié, comme il est d'usage, par le gouvernement français en juin 1998. Il est donc impossible qu'on en ait ignoré le contenu, et j'étais convaincu, pour ma part, que remède avait été apporté à la situation décrite.
Hélas ! le récit du médecin-chef de la Santé suffit à établir que cela n'a apparemment pas été le cas ; d'où une inquiétude considérable !
Cette inquiétude est encore aggravée si l'on se souvient qu'il existe dans le code de procédure pénale un certain nombre de dispositions qui imposent aux autorités administratives et judiciaires des obligations très précises de visite des établissements pénitentiaires et de compte rendu de leur situation. Ce que les observateurs étrangers du CPT ont relevé ne pouvait donc, en toute logique, échapper à la vigilance de ces autorités, lors de leurs visites, qui doivent être régulières.
Cela conduit tout naturellement à formuler une question, à laquelle il faudra bien qu'on apporte réponse : qu'est-il advenu des comptes rendus des visites que les autorités administratives ont l'obligation d'effectuer ? Cette seule question justifie, de la part du Parlement, la création d'une commission d'enquête.
Je résume : en 1996, une délégation du CPT est très bien accueillie par le garde des sceaux de l'époque et par les autorités pénitentiaires, puis elle constate une certaine situation. En 1998, le rapport est publié, et l'on s'engage à porter remède à la situation dénoncée. Aujourd'hui, au début de l'année 2000, on sait ce qu'il en est : le témoignage du médecin-chef de la Santé est suffisamment éclairant !
Comment s'expliquer cette permanence de la situation au regard des obligations de contrôle et de compte rendu qui pèsent sur un si grand nombre d'autorités ? Il est indiscutablement nécessaire d'y voir clair au premier chef s'agissant des maisons d'arrêt puisque la situation de celles-ci est liée à une double préoccupation majeure : la surpopulation pénale et la détention provisoire.
C'est ce qui a conduit le groupe socialiste à déposer une proposition de résolution. Celle-ci a été presque aussitôt suivie d'une autre, émanant d'autres collègues. Ces deux propositions ont été en quelque sorte synthétisées par notre rapporteur, si puissamment motivé quand il s'agit d'améliorer les conditions de vie dans les prisons.
Dans son rapport, l'accent est mis sur la nécessité d'y voir clair, s'agissant notamment des conditions de détention dans les maisons d'arrêt. Pourquoi cette priorité ? Eu égard, d'abord, à l'exigence de respect de la présomption d'innocence. Eu égard, ensuite, à l'exigence de contrôle dont j'ai fait état. Mais aussi parce qu'il faut être concret, efficace, précis.
L'Assemblée nationale, sur l'initiative de son président, Laurent Fabius, a également décidé de créer une commission d'enquête, et l'on doit se réjouir de ce zèle conjoint des deux assemblées. Mais l'objet donné à la commission de l'Assemblée nationale est infiniment vaste puisque son champ recouvre pratiquement la totalité du problème pénitentiaire français. Bien sûr, je souhaite qu'en six mois nos collègues de l'Assemblée nationale puissent à cet égard y voir clair et proposer des solutions à tous les maux qui affligent l'ensemble de l'institution pénitentiaire. Mais, pour y avoir travaillé tant d'années, je sais que la tâche est incommensurable.
Pour ce qui est de notre assemblée, nous avons eu hier en commission des lois un échange de vues très significatif : nous pensons que priorité doit être donnée, puisque nous n'avons que six mois, aux conditions de détention dans les maisons d'arrêt. Puisque nous travaillons à améliorer la présomption d'innocence, la moindre des choses est de travailler parallèlement à l'amélioration des conditions de détention de ceux qui sont présumés innocents, et dont un certain nombre bénéficieront d'un non-lieu ou d'une relaxe, non sans avoir auparavant subi un certain nombre de mois, voire d'années d'emprisonnement.
Telle est donc la priorité que notre excellent rapporteur a justement dégagée, même s'il convient de l'inscrire dans une situation pénitentiaire d'ensemble difficile.
Si, au terme de six mois, nous avons réussi à y voir enfin clair, à dégager des solutions, à suggérer des remèdes, nous aurons contribué à l'effort de Mme la garde des sceaux, qui était aussi celui de ses prédécesseurs, en vue d'améliorer la condition carcérale. Nous aurons aidé le Gouvernement, mais surtout nous aurons, je le dis sans emphase, permis que, au moins s'agissant des maisons d'arrêt, la République, qui nous est si chère, ne perde pas ses idéaux à l'instant où sont franchies les portes des établissements pénitentiaires. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mes chers collègues, après l'exposé magistral de Robert Badinter, je ne formulerai que quelques observations sur les propositions présentées par la commission des lois quant à la création d'une commission d'enquête sur la situation des établissements pénitentiaires et sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt.
Il est vrai qu'après qu'un médecin de la prison de la Santé ait rappelé, voilà déjà quelques années, dans quelles conditions déplorables sont traités les détenus sur le plan sanitaire, la publication de l'ouvrage d'un médecin-chef des prisons a suscité une vive émotion. Toutefois, nombreux sont les parlementaires, du moins ceux qui appartiennent aux commissions des lois, qui connaissent la situation de certains établissements pénitentiaires.
Voilà quelques semaines, nous avons visité la prison de Saint-Denis, à la Réunion. Or, alors que, depuis de nombreuses années, il se disait à la Chancellerie qu'il fallait fermer cette maison d'arrêt, cette décision n'a été prise que récemment, en dépit de conditions de détention inhumaines et dégradantes. On a donc fini par prendre la décision de fermer cette maison d'arrêt, qui était un lieu insupportable à la fois pour les détenus et pour le personnel.
Son seul - relatif - avantage était que la plupart des détenus pouvaient sortir de leur cellule infecte pour passer l'essentiel de la journée dans la cour. Une situation analogue est vécue dans un certain nombre d'établissements.
M. Badinter disait tout à l'heure qu'il est bien difficile de faire des prisons une priorité, parce que l'opinion publique ne s'y intéresse pas. La justice elle-même n'est d'ailleurs pas non plus une priorité.
Il suffit pour s'en convaincre de rapporter les chiffres du budget de la justice à ceux du budget de la nation. Tous ces éléments sont indissociables. En effet, à défaut de pouvoir appliquer des alternatives à la détention, les juges d'instruction ont tendance à recourir à la détention provisoire. Si l'on ne prévoit pas d'autres mesures, notamment de contrôle, plus adaptées - et il en existe ! - c'est la détention qui sera le plus souvent choisie pour exercer la répression. Cette lacune est d'autant plus regrettable pour les petites peines.
Si la criminalité et la délinquance se sont certes aggravées, c'est donc également au terme d'un enchaînement de circonstances que la population carcérale a augmenté dans de telles proportions dans notre pays.
Je me souviens que, voilà quelques années, certains s'opposaient à la construction de prisons car ils trouvaient scandaleuses les modalités financières proposées.
M. Philippe de Gaulle. Le programme Chalandon !
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, le programme Chalandon !
Heureusement que l'on a construit ces prisons, sans quoi la situation serait encore plus catastrophique !
Il n'en demeure pas moins, comme l'a dit notre collègue Robert Badinter, que la sanction c'est la privation de liberté et elle seule, et que la prison devrait être, pour ceux qui y sont enfermés, l'occasion à la fois de prendre conscience des torts qu'ils ont causés à des personnes ou à la société et de préparer leur réinsertion.
Car la prison n'est pas la fin, on en sort un jour. Si les conditions de vie difficiles, la promiscuité et la surpopulation viennent par trop aggraver le sort des détenus, la prison ne pourra alors pas remplir son rôle : faire des détenus des hommes meilleurs qui pourront, à leur sortie, se réinsérer dans la société.
Il est donc extrêmement important de se doter des moyens de vérifier la situation dans les maisons d'arrêt principalement, mais aussi dans les centres de détention, qui ont été aussi le théâtre d'incidents récemment rappelés.
Il faudrait savoir également pourquoi telle personne est affectée à une maison d'arrêt et telle autre à un centre de détention, et comment s'établit l'équilibre des flux entre les deux types de structures qui ne sont évidemment pas sans rapport entre elles.
Même si la priorité est donnée aux maisons d'arrêt, je crois qu'on ne peut pas se dispenser d'étendre le champ de la commission d'enquête à l'ensemble du système pénitentiaire.
De surcroît, j'ai peine à croire qu'il n'y ait pas, dans les tiroirs des administrations, des rapports sur le sujet, ou que, contrairement à l'habitude, l'on n'ait pas nommé des commissions pour se pencher sur la question.
C'est dire que la commission d'enquête ne sortirait pas de son rôle en examinant les suites qui ont - ou non - été données à ces travaux, en déterminant éventuellement pourquoi ceux à qui le code de procédure pénale impose de vérifier et de faire rapport s'en sont abstenus. Elle n'outrepasserait pas davantage sa mission en cherchant pourquoi ces documents n'ont pas suscité de réaction, voire n'ont pas été transmis.
Je pense qu'il appartient au Parlement de contrôler ainsi l'action du Gouvernement. C'est la raison pour laquelle mon groupe votera le principe de la commission d'enquête tel qu'il est proposé par la commission des lois. (Applaudissements.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, mes chers collègues, la prison fait souvent figure d'univers à part, de sujet tabou qu'on n'évoque qu'avec réticence.
Aujourd'hui, il nous est proposé, avec la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la situation des prisons, de mettre un peu plus au grand jour le quotidien de la vie carcérale.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se réjouissent particulièrement de cette initiative.
Le relatif silence qui entoure traditionnellement l'univers carcéral - M. Badinter le rappelait voilà un instant - est spectaculairement battu en brèche depuis quelques semaines : la médiatisation qui a entouré la publication du livre du médecin-chef de la maison d'arrêt de la Santé offre un contraste saisissant de ce point de vue.
La situation catastrophique des prisons n'est pourtant pas une nouveauté qu'on découvrirait du jour au lendemain au détour d'un livre.
Elle est reconnue et régulièrement dénoncée : surpopulation carcérale, problème d'hygiène, voire de salubrité des établissements pénitentiaires, etc. Les conditions de vie déplorables semblent se perpétuer de décennies en décennies, malgré des améliorations réelles, mais toujours insuffisantes. A tel point qu'à la lecture de certains témoignages, tel celui du docteur Vasseur, on a parfois l'impression d'être revenus un siècle en arrière.
Ce qui a, en revanche, beaucoup changé, c'est la perception citoyenne de ces conditions de vie en prison.
Aujourd'hui, plus personne n'oserait parler de « prisons quatre étoiles », comme on a pu l'entendre dans un passé pas si lointain.
On n'admet plus qu'un homme soit privé de toute dignité dès lors qu'il est enfermé.
On n'accepte plus que la prison soit un espace de non-droit : selon un sondage récent, 44 % des Français considèrent que les détenus ne sont pas bien traités.
Le fait que la quasi-moitié des personnes incarcérées soit en attente de procès a certainement contribué à cette évolution notable du regard sur la prison.
Mais ce changement de perception trouve également sa source dans un changement très net de la population carcérale : produit d'une société marquée par le libéralisme et oublieuse de nos valeurs républicaines, aboutissement d'un processus d'exclusion, la prison est confrontée de plus en plus à l'indigence des personnes incarcérées, à leur détresse sociale et morale, à leur mauvais état de santé - et je ne parle pas seulement ici des toxicomanes et des personnes atteintes du sida.
La création d'une commission d'enquête sur les prisons s'insère dans cette évolution des mentalités. Elle fait plus directement suite à une réelle prise de conscience de la situation dans les prisons depuis un an : des rapports de l'Observatoire international des prisons aux scandales de Beauvais et de Riom, des visites des établissements pénitentiaires de la Réunion, comme cela a été rappelé il y a un instant, à la publication du livre du docteur Vasseur, qui a été une sorte de catalyseur, tous ont contribué à faire sortir le sujet de l'ombre.
On doit sur ce point saluer les initiatives qui ont été prises par le Gouvernement concernant tant les conditions d'hygiène que la prévention des suicides, ainsi que le programme de réhabilitation et de reconstruction du parc pénitentiaire.
C'est en les ayant à l'esprit que nous devons, nous sénateurs, apporter notre contribution.
Néanmoins, lors de la discussion du budget, j'avais souhaité, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, attirer l'attention sur certains chiffres qui, malgré les améliorations, restent particulièrement alarmants : taux de suicides très élevé - plus que la moyenne nationale - taux d'occupation des prisons, taux de récidive.
Ces chiffres, nous les connaissons tous et j'éviterai une énumération fastidieuse à ce moment de notre discussion !
Je garde en mémoire ma visite récente à la prison des Baumettes, avec une délégation de la commission des lois conduite par le rapporteur, notre collègue Georges Othily. Les conditions de vétusté extrême de cet établissement m'ont profondément choqué. Selon le dicton : « il faut le voir pour le croire ! »
Je suis donc particulièrement sensible à la volonté d'opérer un réel état des lieux de la situation des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.
A l'heure où tout le monde s'accorde à dire qu'il faut absolument ouvrir la prison sur l'extérieur et créer des contrôles externes, il me semble que l'initiative de cette commission d'enquête est particulièrement bienvenue, d'autant que nous sommes toujours dans l'attente des conclusions du groupe de travail Canivet sur cette question.
Nous espérons que la commission d'enquête pourra néanmoins bénéficier de ses travaux.
Il nous semble également que la volonté de circonscrire le travail de la commission d'enquête sénatoriale aux conditions de détention dans les prisons constitue une bonne solution. En effet, il est impératif de réaliser un travail approfondi sur l'ensemble des établissements, qui sont au nombre de cent quatre-vingt-trois.
Un champ d'intervention trop large nous empêcherait, à notre sens, d'accomplir un réel travail de fond.
Pour autant, il n'y aurait guère d'intérêt à dresser un simple bilan de l'existant. Sans une réflexion plus générale sur la politique carcérale, cette étude ne permettrait pas de s'attaquer réellement aux problèmes de fond.
C'est bien de rénover un parc pénitentiaire, mais si on continue sur la voie de l'enfermement sans effectuer un réel travail de prévention, les nouveaux établissements risquent d'être rapidement saturés : si ma mémoire est fidèle, la construction de l'établissement pénitentiaire de Fleury-Mérogis devait conduire à la fermeture de celui de la Santé.
Or, la prison de la Santé est toujours là et toujours en situation de surpopulation.
On n'échappera pas non plus à une réflexion sur le sens de la peine privative et les conséquences qui en découlent : alternatives à l'incarcération, réinsertion comme moyen d'éviter la récidive.
Les alternatives à l'incarcération paraissent pouvoir opportunément être mises en oeuvre pour les personnes en attente de jugement. La détention provisoire ne peut pas rester éternellement la règle ; elle est, dans son principe même, contraire à la présomption d'innocence. Cette situation est une des raisons de la surpopulation des maisons d'arrêt.
Les sénateurs communistes entendent bien apporter leur contribution sur cette question lors de la discussion sur le projet de loi concernant la présomption d'innocence.
Plus directement, je souhaite exprimer le souhait que l'on n'occulte pas le personnel pénitentiaire de nos investigations. Je partage sur ce point totalement l'opinion de Mme la ministre, qui a souligné l'interaction entre les conditions de vie carcérales et les conditions de travail des personnels.
Les surveillants, on le sait, sont en nombre notoirement insuffisant et la situation n'est, hélas ! pas vraiment en passe de s'améliorer - je ne reviendrai pas sur les départs massifs à la retraite mal anticipés.
Les surveillants travaillent, on le sait, dans des conditions difficiles. Ils expriment de fortes attentes quant à la revalorisation de leur métier : formation notamment pour les jeunes recrutés, déroulement de carrière, passerelles avec d'autres corps, autant de revendications légitimes qu'il nous faudra avoir en tête.
Les sénateurs communistes se sont également demandé s'il fallait ou non étendre la question des conditions de vie en prison à tous les espaces d'enfermement, au sens de la convention européenne de 1987 pour la prévention de la torture : la situation des prisons ne doit pas nous faire oublier que les libertés publiques sont parfois bafouées dans d'autres lieux comme les locaux de garde à vue, les centres de rétention ou les hôpitaux psychiatriques.
Permettez-moi d'évoquer plus longuement les centres de rétention, sujet qui me tient particulièrement à coeur : il en est un qui se situe à Marseille, ville où je suis élu, et qui a défrayé à maintes reprises la chronique : c'est le centre de rétention d'Arenc.
Découvert au début des années soixante-dix, le centre de rétention d'Arenc, ancienne prison clandestine, se trouve dans un vieil hangar, sur le port autonome de Marseille. Il sert de lieu de transit pour les étrangers en instance de reconduite à la frontière.
D'après les témoignages de personnes ayant été maintenues à Arenc, témoignages confirmés par le CIMADE, le comité intermouvement d'aide aux déportés et évacués, et par des avocats oeuvrant pour garantir les droits les plus élémentaires des personnes ainsi retenues, les conditions de rétention y seraient pires que celles des prisons.
On pourrait penser qu'ils forcent le trait si ce centre n'avait pas été « épinglé » par le rapport européen du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants et par celui qui est publié par le CIMADE pour l'année 1998. Je le tiens à la disposition de la commission des lois.
S'agissant des hôpitaux psychiatriques, on sait également le lien avec la prison : 10 % des personnes qui entrent en prison ont fait l'objet d'un suivi psychiatrique régulier dans les douze mois précédents ; tels sont les chiffres qui nous ont été donnés par le ministère. On sait que de nombreux détenus n'ont pas leur place dans la prison, qui n'est guère adaptée à leur pathologie. Le rapport Pradier est pour le moins édifiant : il n'hésite pas à parler de « désastre psychiatrique » !
Une réflexion globale doit donc être menée sur la politique d'enfermement. Nous avons été tentés de déposer un amendement en ce sens, en prenant appui sur la convention européenne. Néanmoins, nous avons été sensibles à l'argument selon lequel un champ d'investigation par trop étendu risquerait de réduire l'efficacité de la commission d'enquête. Nous y avons donc renoncé, mais nous souhaiterions que le débat soit rapidement mené, dans le prolongement de la commission d'enquête.
Pour conclure, je voudrais émettre un souhait. Le 3 février dernier, l'Assemblée nationale a créé une commission d'enquête « chargée d'enquêter sur la situation dans les prisons françaises » ; je crains que les deux assemblées ne finissent par se mettre en situation de surenchère s'agissant des commissions d'enquête et ne travaillent en concurrence.
Nous en avons eu un exemple avec les deux commissions d'enquête sur la politique de la sécurité en Corse ; j'étais membre de celle que le Sénat avait créée.
Certes, les deux assemblées n'ont pas les mêmes méthodes de travail et sont susceptibles d'apporter des éclairages différents sur un même sujet. Néanmoins, il existe, à chaque fois, un risque de doublon. Je pense que l'on pourrait réfléchir opportunément à une modification de l'ordonnance n° 58-1100 afin de permettre la mise en place de commissions d'enquête communes aux deux assemblées.
J'espère, en tout cas, que nous retrouverons en l'occurrence les conditions de travail, la qualité et le souci d'être guidés uniquement par l'objet de la commission que nous avons connus pour la Corse.
Compte tenu de ces remarques, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se prononcent avec force pour la création d'une commission d'enquête sénatoriale sur la situation des prisons et ils espèrent qu'elle débouchera rapidement, au-delà du constat, sur des résultats concrets, avec des propositions précises et - pourquoi pas ? - un vote unanime du rapport qui sera établi au terme des six mois de travail intense. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.

Article unique



M. le président.
« Article unique. En application de l'article 11 du règlement du Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en particulier, au regard de la présomption d'innocence, dans les maisons d'arrêt. Elle s'assurera de l'étendue et de l'effectivité des contrôles relevant des autorités judiciaires et administratives. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique.

(L'article unique est adopté.)

Intitulé



M. le président.
La commission propose de rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de résolution : « Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur les propositions de résolution n°s 165 et 183 (1999-2000), je donne la parole à M. Schosteck pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le président, mes chers collègues, la récente parution du livre du médecin-chef de la malnommée « prison de la Santé » a suscité un vif émoi dans notre pays.
Les médias ont largement relayé plusieurs jours durant ce qui apparaît à l'évidence comme une zone d'ombre pour notre République.
Faut-il rappeler son constat, par ailleurs repris dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution des présidents des quatre groupes de la majorité sénatoriale ?
Trois ou quatre personnes par cellule de dix mètres carrés ; rats et cafards dans les couloirs ; vermine dans les matelas ; suicides, automutilations et promiscuité sexuelle terrifiante et intolérable.
Pourtant, si les médias ont permis d'afficher au grand jour ce qui semble parfaitement indigne d'une démocratie moderne, il ne faudrait nullement imaginer que notre assemblée a attendu ce jour pour découvrir le secret des conditions de vie de ceux qui, précisément, sont au secret.
Avant la parution de ce livre, nous nous étions déjà indignés, avec bon nombre de nos concitoyens, des événements proprement scandaleux survenus trois années durant dans la prison de Beauvais où - faut-il le rappeler ? - le directeur de l'établissement et certains membres du personnel se livraient à des actes parfaitement intolérables à l'égard des détenus.
Notre assemblée, il n'y a pas si longtemps, avait attiré l'attention du garde des sceaux, à l'occasion de l'examen du budget de la justice pour 2000, sur un certain nombre de dysfonctionnements graves - c'est le moins que l'on puisse dire - à travers la voix du rapporteur spécial, notre excellent collègue M. Hubert Haenel, et celle du rapporteur de ce jour, M. Georges Othily, qui rapportait alors pour avis sur l'administration pénitentiaire. L'émouvante intervention de M. Robert Badinter - j'ai envie de dire : la plaidoirie - vient confirmer cette réalité.
L'augmentation du nombre des suicides en quelque dix ans - on est passé très exactement du simple au double entre 1990 et 1998 : de 59 à 118 incarcérés - concomitante de la promiscuité et de la vétusté croissante d'établissements trop souvent centenaires, était connue de tous et nécessitait des réponses rapides.
C'est dans cette optique que, sans attendre la présente proposition de résolution et le livre que nous venons d'évoquer, notre assemblée avait, sur proposition de M. Henri de Richemont, étendu les prérogatives de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité aux établissements pénitentiaires.
Parallèlement, nous nous félicitons que l'Assemblée nationale en ce moment même se rallie à nos vues en matière de détention provisoire, à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi sur la présomption d'innocence.
Hier, au début de la discussion générale, le garde des sceaux a insisté sur la nécessité d'éviter les abus en matière de détention provisoire, celle-ci devant être l'exception, le dernier recours après d'autres mesures de contrôle judiciaire.
Par ailleurs, j'ai bien noté la volonté d'entamer une réflexion sur le placement sous surveillance électronique pour que celui-ci ne reste pas lettre morte, permette une alternative réelle et concrète à la détention et ne soit pas - j'ai relevé avec satisfaction la nuance - une extension du contrôle pour ceux qui n'auraient été soumis qu'à un contrôle judiciaire.
Je me réjouis que la volonté de rendre nos établissements pénitentiaires dignes de notre démocratie soit transversale dans nos rangs, ainsi que dans ceux de nos collègues de l'Assemblée nationale.
Cela est absolument essentiel, au nom des droits de l'homme, d'une part, mais également pour le bon fonctionnement de notre société, d'autre part.
Certains s'indignent, pas dans cet hémicycle, heureusement, du fait que l'on s'intéresse aux détenus alors qu'il y aurait d'autres priorités dans notre pays.
J'aimerais leur rappeler que la prison n'est pas seulement un lieu de sanction pour des infractions commises contre l'ordre public ; la prison n'est pas un lieu où l'on se contente de tenir des individus déviants à l'écart du grand nombre, d'autant plus que s'y trouve, on l'a rappelé, un grand nombre de détenus non condamnés.
La prison, en revanche, se doit d'être, sinon elle ne remplirait pas ses missions citoyennes, un lieu de réinsertion, et non une spirale de l'exclusion comme elle semble l'être, hélas ! dans trop de cas.
La prison a une fonction sociale de réinsertion des personnes condamnées, afin qu'elles puissent, une fois leurs fautes payées, reprendre une vie normale comme tout un chacun. Cela ne sera possible que si la prison devient ce qu'elle doit être avant toute chose, humaine.
Notre groupe votera donc bien évidemment cette proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les établissements pénitentiaires. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur les propositions de résolution n°s 165 et 183 (1999-2000).

(Ces conclusions sont adoptées.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.

3

DÉVOLUTION DIRECTE DES BIENS VACANTS
ET SANS MAÎTRE À LA COMMUNE

Adoption des conclusions du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 208, 1999-2000) de M. Pierre Jarlier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi (n° 325, 1998-1999) de M. Bernard Joly, tendant à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Jarlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner la proposition de loi n° 325 de M. Bernard Joly, tendant à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat.
Ce texte s'inscrit dans la continuité des précédentes propositions de loi déposées sur le même thème. Se fondant sur le constat que les communes seraient mieux à même de savoir quels sont les biens susceptibles d'être vacants et sans maître et quel usage en faire, son auteur suggère de leur permettre, d'une façon générale, de se substituer à l'Etat et d'obtenir la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître selon un dispositif similaire à celui qui est actuellement prévu pour l'Etat.
Pour bien appréhender les incidences de cette substitution de la commune à l'Etat, il convient d'abord de rappeler les différentes procédures de dévolution des biens vacants ou sans maître à l'Etat.
Tout d'abord, le domaine des successions vacantes ou en déshérence constitue l'illustration la plus courante des cas dans lesquels l'Etat recueille des biens sans maître.
Lorsqu'une personne décède sans laisser de successeur, l'Etat peut avoir recours à la procédure des successions en déshérence en requérant l'envoi en possession ou plus simplement en demandant à ce que la succession soit déclarée vacante.
L'envoi en succession se définit comme l'ensemble des formalités auxquelles l'Etat doit satisfaire, en raison de l'incertitude de son titre, pour entrer en possession. Ces formalités ont pour objet à la fois d'avertir de l'ouverture de la succession les successeurs que le défunt peut avoir laissés et de garantir leurs intérêts au cas où ils se présenteraient ultérieurement.
En requérant l'envoi en possession d'une succession en déshérence, l'Etat manifeste sa volonté de la recueillir. Comme toute succession, celle-ci doit être administrée, ce qui signifie que le service des domaines doit en gérer l'actif et en liquider le passif.
Après l'envoi en possession définitive, l'Etat est dans la même situation qu'un héritier saisi. L'Etat ne doit liquider le passif qu'à la hauteur des valeurs successorales recueillies.
Il faut préciser, ici, que l'Etat envoyé en possession reste dans une situation précaire à l'égard de celle-ci puisque la restitution de la succession peut être réclamée pendant trente ans à compter de l'ouverture de la succession.
Ces différents aspects de la procédure applicable aux successions en déshérence mettent donc en évidence qu'il s'agit d'une procédure lourde pour l'Etat et marquée par une assez forte précarité tenant à la fois aux charges qui peuvent affecter la succession et à la durée pendant laquelle celle-ci peut être réclamée.
En dehors des cas de successions vacantes, il est plus rare qu'un immeuble n'ait pas de maître.
Cependant, l'article L. 27 bis du code du domaine de l'Etat établit que, lorsqu'un immeuble n'a pas de propriétaire connu et que les contributions foncières y afférentes n'ont pas été acquittées pendant plus de cinq ans, un arrêté préfectoral constate la situation, après avis de la commission communale des impôts directs.
Si le propriétaire ne s'est pas fait connaître dans les six mois qui suivent la date d'accomplissement de la dernière de ces mesures de publicité, l'immeuble est alors présumé sans maître par application des dispositions de l'article 539 du code civil. Un nouvel arrêté préfectoral en attribue la jouissance au service des domaines. L'Etat peut alors aliéner ou utiliser le bien ainsi appréhendé, mais son droit de propriété ne se trouve consolidé que passé trente ans. En pratique, cette procédure semble se dérouler en moyenne sur une période de vingt-quatre mois.
A la suite des lois de décentralisation, une réflexion interministérielle a été entreprise afin de déterminer dans quelle mesure il serait envisageable de rendre les communes bénéficiaires des biens vacants et sans maître.
Cette réflexion a mis en évidence deux séries de difficultés qu'une telle mesure pourrait poser.
Les communes disposent, en effet, de procédures pour acquérir des biens vacants, à travers la déclaration d'abandon manifeste et l'expropriation dans des conditions précises.
Or, si les biens vacants leur étaient dévolus en lieu et place de l'Etat, elles seraient confrontées à plusieurs obstacles : apprécier si le bien relève d'une succession et mettre en oeuvre le cas échéant la procédure de succession en déshérence ; faire supporter par les élus locaux une éventuelle responsabilité pénale pour les dommages causés par les biens à des tiers ; enfin, supporter le risque d'une réclamation du bien par un propriétaire qui n'avait pas été identifié au début de la procédure.
A ces difficultés juridiques se sont ajoutées des interrogations sur l'étendue du transfert de charges financières qui résulterait de la gestion des procédures relatives aux biens vacants. On y ajoutera l'interrogation qui porte sur la possibilité de remettre en cause le droit souverain de l'Etat sur ces biens vacants.
Néanmoins, face à des situations qui se sont prolongées pendant des années, les délais de mise en oeuvre des procédures de dévolution du bien à l'Etat apparaissent souvent trop longs. Le même sentiment est ressenti par beaucoup d'élus à l'égard des procédures telles que l'expropriation ou la déclaration d'abandon manifeste.
Enfin, des communes qui ont dû engager des frais dans le cadre de procédures de péril peuvent avoir légitimement le sentiment que leurs efforts financiers ne sont pas payés de retour.
Considérant que les communes sont mieux placées que l'Etat pour savoir quels biens sont susceptibles d'être vacants et sans maître et quel usage il convient d'en faire au profit de la collectivité, M. Bernard Joly, dans sa proposition de loi, prévoit donc de transférer de l'Etat aux communes la dévolution des biens vacants et sans maître.
Composée de quatre articles, cette proposition de loi vise à modifier, à cette fin, les articles 539 et 713 du code civil, ainsi que les articles L. 27 bis et L. 27 ter du code du domaine de l'Etat, afin de substituer la commune à l'Etat dans chacun de ces articles.
Cette modification du régime de dévolution des biens vacants et sans maître aurait donc une portée générale. Le transfert s'opérerait de plein droit à la commune, que celle-ci l'ait ou non accepté.
La commission des lois a donc souhaité évaluer la portée d'une telle mesure au regard d'une double préoccupation : d'une part, apprécier quel pourrait être son impact sur le régime des successions ; d'autre part, déterminer l'intérêt que les communes pourraient y trouver, compte tenu des charges nouvelles qu'elles devraient supporter.
Tout d'abord, en ce qui concerne le régime des successions, force est de constater que la proposition de loi aurait un impact sur les règles en vigueur et sur les caractéristiques mêmes des successions. Une telle modification s'accorderait mal avec les principes du droit successoral, puisqu'elle aboutirait à une dévolution en fonction de la nature des biens, en contradiction avec les principes d'ordre successoral et d'universalité du patrimoine.
Par ailleurs, ce transfert en faveur des communes aurait pour ces dernières des conséquences immédiates sur le plan financier, sur le plan de la précarité de la propriété et sur le plan de la responsabilité.
Sur le plan financier, les communes devraient, le cas échéant, supporter le poids de la liquidation du passif et, dans tous les cas, de la gestion des biens.
Sur le plan de la précarité, la commune resterait également exposée au risque d'une réclamation du bien pendant la période trentenaire requise pour la prescription de l'action.
Sur le plan de la responsabilité, enfin, la dévolution directe des biens vacants à la commune se traduirait par un transfert de responsabilité pour les dommages causés par des biens qui sont souvent de faible valeur et non entretenus.
Pour tous ces motifs, une dévolution directe sans que la commune ait pu, le cas échéant, faire connaître son opposition paraît devoir être écartée.
Toutefois, pour répondre aux difficultés rencontrées par certains maires ayant des biens vacants sur le territoire de leur commune, la commission des lois a estimé que, sans remettre en cause le principe de la dévolution des biens vacants à l'Etat, il était possible de renforcer la prise en compte des intérêts des communes dans les procédures existantes.
C'est pourquoi la commission des lois propose de modifier et de compléter l'article L. 27 bis du code du domaine de l'Etat, et ce avec un triple objectif.
Tout d'abord, la procédure d'appréhension du bien vacant pourrait être déclenchée à la demande du maire de la commune concernée. Cette précision permettrait au maire qui, au vu du rôle des contributions directes, a constaté que le bien était vacant, de pallier l'éventuelle carence de l'Etat à diligenter ces procédures et d'éviter ainsi des délais actuellement aléatoires dans cette phase.
Par ailleurs, il paraît nécessaire de prévoir l'information directe du maire de la commune concernée pour chacun des arrêtés préfectoraux pris dans le cadre de la procédure d'appréhension. Même si ces arrêtés font l'objet d'une publication et d'un affichage, force est de constater que les communes sont souvent mal informées de l'existence d'une procédure en cours.
Enfin, un droit de priorité pour l'acquisition du bien vacant devrait être reconnu à la commune, dès lors que l'Etat a décidé de céder le bien.
La loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991 a, de manière plus affirmée, reconnu un droit de priorité aux communes lorsqu'elles souhaitent réaliser des équipements publics ou des logements à usage locatif.
Cette disposition pourrait être généralisée. En conséquence, l'Etat serait obligé de notifier à la commune son intention d'aliéner l'immeuble et de lui indiquer le prix de mise en vente. La commune pourrait alors exercer un droit de priorité pour l'acquisition de l'immeuble dans un délai de deux mois à compter de cette notification. A l'expiration de ce délai, l'aliénation serait faite dans les conditions de droit commun.
Ces propositions sont formalisées à l'article 1er des conclusions que la commission des lois soumet aujourd'hui au Sénat.
Enfin, dans certains cas, la commune peut directement aliéner un bien vacant.
En effet, dès lors que le bien a fait l'objet d'une déclaration d'état d'abandon manifeste, il paraît possible de permettre son expropriation, selon les dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, sans exiger des conditions supplémentaires quant au but de l'expropriation.
On rappellera que, lorsque, dans une commune, des immeubles, parties d'immeuble, installations et terrains sans occupant à titre habituel ne sont manifestement plus entretenus, le maire, à la demande du conseil municipal, engage la procédure de déclaration de la parcelle concernée en état d'abandon manifeste.
Au terme d'une procédure de constat provisoire et à l'issue d'un délai de six mois à compter de l'exécution des mesures de publicité et des notifications au propriétaire, le maire constate par un procès-verbal définitif l'état d'abandon manifeste de la parcelle et saisit le conseil municipal, lequel décide s'il y a lieu de déclarer la parcelle en état d'abandon manifeste et d'en poursuivre l'expropriation au profit de la commune pour une destination qu'il détermine.
Dans sa rédaction issue de la loi n° 89-550 du 2 août 1989, l'article L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales exige néanmoins que l'expropriation ait pour but soit la construction de logements, soit tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement.
Ces conditions supplémentaires paraissent inutilement restrictives. L'utilité publique de l'expropriation peut certes être fondée sur de tels motifs. Elle peut également reposer sur d'autres motifs d'intérêt général, tels que les nuisances causées à l'environnement par le bien abandonné.
Il pourrait dès lors être envisagé de prendre en compte ces motifs dans la rédaction du second alinéa de l'article L. 2243-4 qui serait complétée à cette fin. Toutefois, jugeant préférable d'éviter une complexité excessive, la commission des lois a privilégié un renvoi au droit commun de l'expropriation, suggérant, en conséquence, l'abrogation de cet alinéa.
M. Pierre Fauchon. Très bien !
M. Pierre Jarlier, rapporteur. Les communes pourraient alors être plus incitées qu'elles ne le sont actuellement à utiliser la procédure de déclaration d'abandon manifeste pour résoudre les problèmes que leur pose la présence d'un bien vacant sur leur territoire. Soulignons que cette procédure très encadrée permet d'assurer le respect des droits du propriétaire, à charge pour ce dernier de remplir ses obligations.
Cette proposition est formalisée à l'article 2 des conclusions que la commission des lois vous soumet, mes chers collègues.
En dernier lieu, l'intitulé de la proposition de loi doit être modifié, d'une part, pour ne faire référence qu'aux immeubles qui sont seuls concernés et, d'autre part, pour tenir compte du nouveau dispositif qui vous est proposé.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose d'adopter la présente proposition de loi dans les conclusions qu'elle vous soumet. (Applaudissements.)
M. Pierre Fauchon. C'est excellent !
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation des biens abandonnés et sans maître, à laquelle se trouve confrontés les maires, notamment les maires ruraux, fait l'objet de dispositions législatives particulières.
Aux termes de l'article 713 du code civil, les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat. L'article 539 du même code précise que « tous les biens vacants et sans maître et ceux des personnes qui décèdent sans héritier, ou dont les successions sont abandonnées, appartiennent au domaine public ».
Sont donc concernés par ce dispositif, d'une part, tous les biens, qu'ils soient meubles ou immeubles, et d'autre part, les biens vacants et sans maître et les successions en déshérence.
Le code du domaine de l'Etat, dans son article 27 bis , organise la procédure d'appréhension par l'Etat d'un immeuble qui n'a pas de propriétaire et dont les contributions foncières n'ont pas été acquittées pendant cinq années.
Depuis les lois de décentralisation, de nombreux parlementaires, au travers de propositions de loi et de questions écrites ou orales, ont marqué leur souhait de voir les biens abandonnés et sans maître dévolus directement aux communes.
C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition n° 325, présentée par M. Bernard Joly. La commission des lois, après avoir étudié ce texte, l'a modifié dans les termes qui viennent d'être rappelés par M. le rapporteur.
Je voudrais tout d'abord faire quelques observations sur la proposition de loi présentée par M. Joly, qui tend à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat. Elle vise à modifier, d'une part, les articles 539 et 713 du code civil et, d'autre part, les articles L. 27 bis et L. 27 ter du code du domaine de l'Etat.
Le Gouvernement est réservé sur cette proposition de loi pour les raisons juridiques et financières qui ont été rappelées par M. le rapporteur.
En effet, sur le plan juridique, on peut évoquer différentes raisons.
La première est celle de l'absence de déclaration d'intention de la part de la commune, la procédure pouvant être engagée sans qu'elle en fasse la demande.
La deuxième raison concerne la mise en cause des responsabilités civile et pénale des élus pour les dommages causés par le bien aux tiers - immeubles en mauvais état, par exemple - qui obligerait les communes à s'assurer sur le plan civil, alors que l'Etat est son propre assureur.
La troisième raison touche au risque de recours en restitution des propriétaires inconnus au moment de la dévolution, puisqu'il s'agit d'une prescription trentenaire, ce qui nuit à la sécurité juridique de la dévolution, d'autant que la commune, pour se garantir, devra appeler l'Etat en cause si son intermédiation est obligatoire.
Je note l'existence d'autres procédures, à savoir la procédure d'expropriation contre inconnu et la procédure de déclaration d'abandon manifeste, qui permettent d'atteindre un résultat équivalent à celui qui est souhaité. Il convient de remarquer que la procédure de péril, dès qu'elle est engagée, permet de garantir la commune sur le plan des responsabilités civile et pénale.
Je crois enfin que la dévolution à l'Etat est fortement ancrée dans notre tradition juridique et se fonde à la fois sur le principe de souveraineté et sur le rôle de l'Etat comme gardien de la propriété privée, rôle qui a été confirmé récemment dans le rapport d'étude présenté par le Conseil d'Etat sur « L'utilité publique aujourd'hui » en matière d'expropriation.
La proposition de loi pourrait donc se heurter à des obstacles sur le plan constitutionnel.
En outre, la proposition de loi de M. Bernard Joly peut donner lieu à des réserves sur le plan financier.
En effet, le transfert de charges aux collectivités locales ne peut pas être exactement mesuré.
Par ailleurs, il arrive que des demandes de restitution soient formulées par des propriétaires inconnus. Le rapport écrit de M. Jarlier fait état de treize demandes en moyenne par an en 1982 et en 1983. Certes, ce chiffre peut apparaître faible ; mais les contentieux et les charges financières consécutifs à ces demandes peuvent être lourds pour une petite commune.
Enfin, le coût de l'assurance civile déjà évoquée est à prendre en compte.
C'est pourquoi, compte tenu de toutes ces observations, la commission des lois a proposé une nouvelle rédaction qui concerne désormais les seuls immeubles, et non plus l'ensemble des biens meubles et immeubles, et vise à modifier l'article L. 27 bis du code du domaine de l'Etat et l'article L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales.
La modification envisagée de l'article L. 27 bis du code du domaine de l'Etat a un triple objet.
Premièrement, elle vise à éviter une carence de l'Etat dans l'appréhension d'un bien sans propriétaire en prévoyant, le cas échéant, une demande de la commune qui, au vu du rôle des contributions directes, pourrait ainsi déclencher la procédure.
Deuxièmement, elle tend à assurer une information directe de la commune par notification au maire des deux arrêtés préfectoraux de constatation de la vacance du bien et d'appréhension par l'Etat.
Troisièmement, enfin, elle permet de reconnaître un droit de priorité à la commune, au même titre que cela avait été fait, dans l'article 30 de la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991, pour l'acquisition du bien par voie de cession amiable, avant toute adjudication.
La modification de l'article L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 1989, vise à supprimer la condition supplémentaire d'expropriation prévue par le second alinéa de cet article.
Il s'agit de revenir au droit commun de l'expropriation pour cause d'utilité publique et d'appliquer la théorie générale jurisprudentielle dite « bilan coût-avantages ».
La procédure ainsi prévue peut apparaître, sur ce sujet délicat parce qu'il concerne la propriété privée, complexe et coûteuse. Elle semble difficile à mettre en oeuvre et risque d'allonger d'au moins deux mois la procédure d'aliénation par l'Etat de biens généralement difficiles à vendre. Elle présente cependant l'avantage de permettre aux communes d'éviter l'abandon, la déshérence de patrimoines immobiliers sur leur territoire, avec les conséquences qui peuvent en résulter.
Votre rapporteur l'a précisé, la proposition de loi vise notamment à déclencher la procédure sur l'initiative de la commune. C'est une réflexion intéressante que le Gouvernement retient et qu'il souhaite approfondir.
Dans l'immédiat, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de votre Haute Assemblée sur cette proposition de loi telle qu'elle est rédigée par votre commission des lois. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, presque vingt ans après les lois de décentralisation, il m'a semblé utile de poursuivre le transfert de certaines compétences aux collectivités locales. Ainsi, en ce qui concerne les biens vacants et sans maître, il m'a semblé souhaitable que les communes puissent, si elles le désirent, obtenir la dévolution de ces biens à la place de l'Etat.
L'esprit de cette proposition de loi relève d'une volonté de rapprocher les centres de décision des citoyens. Qui, mieux que les communes, est à même d'apprécier le meilleur usage qui peut être fait, au profit de la communauté, de biens susceptibles d'être en déshérence ou à l'abandon ? L'aménagement du territoire, au-delà des grandes orientations, s'apprécie sur le terrain et dans la proximité !
Chacun a dans l'esprit des îlots qui sont des plaies au sein de certains bourgs. La capacité qu'aura la collectivité d'en prendre la destinée permettra de répondre aux besoins réels et non de subir des solutions inadaptées.
Il convient que le choix puisse exister entre des opérations de restauration, de rénovation, d'aménagement ou de construction. La revitalisation des centres de villages appelle un engagement des communes pour suppléer les initiatives privées défaillantes car, bien souvent, ces dernières achoppent sur la rentabilité des investissements. Ainsi peuvent être réactivées des unités de services polyvalents de proximité comme peut être comblé, partiellement, le déficit chronique du milieu rural en matière de logements locatifs.
La commission des lois et son excellent rapporteur, notre collègue Pierre Jarlier, ont su proposer des conclusions qui renforcent la prise en compte des intérêts des communes dans les procédures relatives aux biens vacants sans pour autant qu'elles soient contraintes à se substituer systématiquement à l'Etat. Ainsi pourront être évitées des situations qui auraient présenté plus d'inconvénients que d'avantages, notamment au niveau des charges. Par ailleurs, les modifications proposées tiennent compte du respect du régime des successions.
C'est donc avec reconnaissance que je me rallierai aux conclusions de notre commission des lois. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Bernard Joly a le grand mérite de répondre à un besoin concret ressenti dans l'immense majorité des communes.
Comme il l'a rappelé, on comprend mal aujourd'hui, près de vingt ans après les premières lois de décentralisation, que les communes n'aient aucune prise sur les biens vacants ou sans maître situés sur leur propre territoire et que seul l'Etat puisse intervenir à l'issue de procédures lourdes.
Les fondements historiques de cette situation sont identifiables. La République est demeurée un Etat absolu pour ce qui est du territoire. Héritiers de la royauté, la Révolution française et l'Etat républicain ont parachevé le processus commencé au xive siècle tendant à considérer le domaine de la Couronne comme une entité abstraite et cohérente. La notion de souveraineté collective du peuple s'est substituée à la souveraineté personnelle du monarque.
L'Etat se définit comme « un territoire, un peuple, un gouvernement ». Il marque son domaine en exerçant sa souveraineté sur l'ensemble de son territoire. On comprend que des biens vacants ou sans maître ne puissent rester sans propriétaire et lui reviennent donc.
Tout au long du xixe siècle, l'Etat a maintenu sa tutelle sur l'entité communale, instituée par le décret du 14 décembre 1789. La commune n'a connu son émancipation politique, juridique et financière qu'avec la loi du 5 avril 1884 et son article 61, qui affirme le principe toujours en vigueur de la compétence générale de la commune. Ce principe doit devenir une réalité sous peine de garder un goût d'inachevé.
Au regard de la dévolution des biens vacants ou sans maître, je vous propose de parachever cette émancipation au nom de l'application du principe de subsidiarité.
En effet, qu'est-ce qui justifie, aujourd'hui, le maintien de la dévolution directe à l'Etat ? Qui peut connaître l'existence de biens susceptibles de devenir vacants ? Qui subit au quotidien la vue et les nuisances d'un immeuble qui se dégrade ? Qui subit les reproches de ses concitoyens sans pouvoir intervenir ? Qui peut juger de la valorisation optimale qui pourra être faite d'un immeuble ? Nous répondons sans hésitation : la commune, son maire et ses habitants.
Si le droit d'initiative, d'information et de priorité de la commune qui nous est proposé par la commission constitue une amélioration intéressante, je propose cependant, pour ma part, une avancée plus forte : la commune devrait être prioritaire par rapport à l'Etat pour la dévolution de biens vacants ou sans maître, par l'application du principe de subsidiarité.
Cette proposition me semble plus souple qu'une dévolution directe et systématique de ces biens à la commune en lieu et place de l'Etat. Celle-ci se trouverait alors dans l'obligation de remplir toutes les procédures et d'acquitter toutes les charges afférentes, ce qui serait normal. Surtout, elle n'aurait pas la liberté de choisir, elle se retrouverait liée. Dans certains cas, les inconvénients seraient plus importants que les avantages.
L'application du principe de subsidiarité conférerait à la commune un droit de priorité sur le bien vacant ou sans maître après qu'elle a pris connaissance de l'ensemble des éléments. Elle pourrait alors accepter ou refuser, en motivant sa décision. En cas de refus, l'Etat, qui, lui, a les moyens d'équilibrer et de lisser ses actions dans le temps, retrouverait la gestion directe de ces biens.
Cette solution permettrait de reconnaître à la commune sa meilleure connaissance des intérêts locaux, sa liberté de décision et sa responsabilité, tout en conservant à l'Etat son rôle essentiel de garant.
Ce souci d'impliquer la commune sans la contraindre a également habité la commission des lois. Ses conclusions sont pourtant différentes.
Trois propositions sont avancées : la possibilité pour le maire de diligenter la procédure d'appréhension des biens vacants, l'information du maire à chaque étape de la procédure, le droit de priorité reconnu à la commune pour l'acquisition d'un bien dont l'Etat a décidé l'aliénation.
Ces propositions permettent à la commune de ne plus être exclue d'une situation qui la concerne au premier chef et une collaboration utile s'instaurerait entre les communes et l'Etat.
C'est déjà un progrès de faire participer la commune, mais l'Etat conserve ici toute sa souveraineté. Il me semble utile de pousser la logique jusqu'à son terme en donnant la priorité à la commune sur l'Etat pour la dévolution directe des biens.
Un aménagement des délais serait nécessaire car la durée proposée de deux mois semble insuffisante. En effet, les communes, surtout les petites communes rurales, auraient besoin de davantage de temps pour trouver les financements.
Par souci de démocratie locale, il faudrait également que le maire ait le temps de consulter la population sur l'opportunité d'une telle acquisition. Une durée de six mois me paraîtrait donc préférable.
En ce qui concerne la procédure de déclaration d'état d'abandon manifeste, je suis favorable à la simplification proposée, c'est-à-dire à la suppression des conditions supplémentaires quant aux buts de l'expropriation.
Le Sénat, dans son travail législatif, démontre à nouveau, par la proposition de loi du sénateur Bernard Joly, qu'il porte une attention particulière aux collectivités territoriales, et singulièrement aux communes. Ces progrès touchent aussi directement les citoyens, à la recherche d'une démocratie de proximité toujours plus grande.
Cette proposition de loi, qui a le mérite d'offrir une solution claire et simple, sinon « radicale » (Sourires), doit être expérimentée. Je vous proposerai ensuite, dans une prochaine étape, une solution amendée qui laisse à la commune la faculté de choisir la première. J'espère vivement que nous saurons aller au-delà des propositions de la commission, même si elles constituent un progrès par rapport aux textes actuels. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier notre collègue Bernard Joly d'avoir mis en lumière, en déposant cette proposition de loi, un problème bien réel que rencontrent toutes les communes.
Cette proposition de loi part d'une bonne intention et d'un constat que bon nombre d'entre nous ont eu l'occasion de faire bien souvent dans le cadre de l'exercice de leur fonction de maire, s'ils l'ont été ou le sont encore.
Permettre la dévolution des biens vacants et sans maître aux communes en lieu et place de l'Etat est une proposition de prime abord séduisante, parce que les communes, mieux que les services de l'Etat - les orateurs précédents l'ont rappelé - sont à même d'apprécier au mieux la vacance ou non des immeubles, le degré de salubrité, l'éventuel danger qu'ils représentent pour nos administrés.
Néanmoins, je ne peux que partager les arguments fort justement développés par notre rapporteur, M. Pierre Jarlier. Il a en effet très bien montré que l'automaticité de cette mesure risquerait de porter finalement préjudice aux communes dans un certain nombre de cas : préjudice financier en raison de la longueur des procédures, en raison du risque de liquidation du passif ; exposition de la responsabilité pénale pour les dommages causés à des tiers.
Ainsi, les propositions de notre rapporteur paraissent particulièrement justes et équilibrées puisqu'elles permettront à la commune de déclencher la procédure d'appréhension d'un bien vacant lorsqu'elle l'estime nécessaire. Ce point est tout à fait important.
Le maire sera informé tout au long de la procédure sur les décisions préfectorales qui pourront être prises.
La commune, surtout, se verra octroyer un droit de priorité non négligeable pour l'acquisition d'un bien vacant dont l'Etat a décidé l'aliénation.
L'article 2 des conclusions de la commission des lois prévoit également de ramener les règles de l'expropriation d'un bien à l'issue d'une déclaration d'abandon manifeste aux règles du droit commun. Cette disposition intéressante permettra d'ouvrir un peu plus largement le champ d'application de cette mesure, qui est, encore une fois, d'une très grande utilité pour les communes.
Cela étant, peut-on sincèrement considérer que tous les problèmes seront réglés ? Bien évidemment, non !
Les termes de cette proposition de loi et des conclusions excellentes de son rapporteur ne règlent pas le problème essentiel, celui de la longueur de la procédure.
La procédure d'expropriation d'un bien après déclaration d'abandon manifeste est, en effet, d'une longueur manifestement rédhibitoire.
Nombre d'entre nous ont été confrontés un jour à ce véritable parcours du combattant : il y a d'abord la nécessité d'une enquête publique ; il faut ensuite démontrer l'utilité publique de cette mesure d'expropriation, utilité publique, il faut le reconnaître honnêtement, elle-même parfois contestable.
La procédure d'expropriation en elle-même est très longue : le préfet doit la déclarer ; il y a ensuite un interminable délai de recours ; le juge doit se transporter sur place - et cela peut prendre un certain temps du fait de la saturation, dénoncée souvent, ici et ailleurs, des juridictions - puis relancer une audience.
C'est, en somme - et pardonnez-moi la trivialité de la figure - prendre un marteau-pilon pour écraser une mouche ! (Sourires.)
Certes, il est indispensable de préserver et garantir le droit de propriété.
M. Jean-Jacques Hyest. Ah oui !
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous l'avez fort bien rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, et je ne saurais dire le contraire.
Certes, toutes ces mesures sont destinées à protéger les éventuels propriétaires au cas où ceux-ci se manifesteraient un peu tardivement.
Mais, en attendant, cette procédure est malheureusement interminable et décourageante pour les élus.
C'est dans cette direction qu'il nous faudra réfléchir, la prochaine fois que nous nous saisirons de cette question, peut-être, d'ailleurs, à l'occasion de la prochaine lecture, si l'Assemblée n'adoptait pas conforme notre rédaction, ou la question est bien de savoir comment concilier les impératifs des communes, notamment en matière d'utilité publique, et le légitime respect du droit de propriété. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Les différents intervenants ont souligné le caractère irritant de ce problème des propriétés laissées en déshérence, qui, s'il concerne principalement le monde rural, touche aussi le secteur urbain. En tant que maire, j'ai eu à en connaître deux fois en dix ans.
Nous avons la possibilité de faire jouer l'arrêté de péril ; mais celui-ci ne permet que de mettre en demeure et, éventuellement, d'exécuter des mesures immédiates ; il ne règle pas le problème des biens.
Cela étant, je ne suivrai pas M. de Montesquiou sur un terrain qui porte à la fois sur la propriété privée et sur le droit des successions. Je ne crois pas que la commune puisse directement prendre en charge ces deux problèmes, notamment parce que nombre de biens en déshérence résultent de successions impossibles à régler, par exemple, parce que l'un des héritiers est parti on ne sait où, qu'on l'a perdu de vue et que, de ce fait, des indivisions se perpétuent.
Ce qu'il faut - sur ce point, le texte demande à être amélioré - c'est que la commune puisse faire déclencher beaucoup plus rapidement que ce n'est le cas actuellement par l'Etat, donc par les Domaines, ce type de procédure.
La présence du service des Domaines est une garantie. On le sait, dans les communes, ces questions de propriété sont très sensibles. Si le maire, sollicité par ses administrés, décidait d'engager cette procédure, on voit bien les sources de conflit qui pourraient apparaître et les risques financiers qui en résulteraient, notamment pour les petites communes. C'est pourquoi il faut laisser cette compétence à l'Etat et ne pas invoquer le principe de subsidiarité ou de transfert. En revanche, l'Etat doit être plus actif dans ce domaine.
Les derniers chiffres qui ont été communiqués sont un peu anciens, puisqu'ils datent de 1984. A cette date, 70 000 immeubles étaient estimés vacants et sans maître, dont 85 % dans le domaine rural. Pour l'immense majorité, il s'agissait de parcelles de terrain non bâti. Le nombre d'appréhensions par l'Etat était de l'ordre de 3 000. Les revendications en restitution ayant abouti étaient au nombre de treize. C'est peu, mais la commune concernée peut alors se trouver entraînée dans des frais très lourds.
Voilà pourquoi il m'apparaît conforme aux principes de notre droit public que l'Etat conserve la maîtrise dans le domaine de l'appréhension des biens vacants et sans maître. En revanche, les communes doivent être mieux associées à la procédure et doivent pouvoir la déclencher afin d'éviter que les choses ne traînent.
Un travail interministériel devrait, par conséquent, être réalisé avec le ministère des finances, donc les Domaines, le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice et le ministère de l'urbanisme pour essayer d'avoir des procédures qui fonctionnent mieux et qui aillent dans le sens de la proposition de loi modifiée par la commission des lois.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - L'article L. 27 bis du code du domaine de l'Etat est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsqu'un immeuble n'a pas de propriétaire connu, et que les contributions foncières y afférentes n'ont pas été acquittées depuis plus de cinq années, cette situation est constatée, le cas échéant à la demande du maire, par arrêté préfectoral, après avis de la commission communale des impôts directs. Il est procédé par les soins du préfet à une publication et à un affichage de cet arrêté et, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence connus du propriétaire. Le maire en est immédiatement informé. En outre, si l'immeuble est habité ou exploité, une notification est également adressée à l'habitant ou exploitant.
« 2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Le maire en est immédiatement informé".
« 3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat notifie à la commune son intention d'aliéner l'immeuble et lui indique son prix de mise en vente. La commune peut exercer un droit de priorité pour l'acquisition de l'immeuble, dans un délai de deux mois à compter de cette notification. A l'expiration de ce délai, l'aliénation est faite dans les conditions de droit commun. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Le second alinéa de l'article L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales est abrogé. » - (Adopté.)

Intitulé



M. le président.
La commission des lois propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi relative aux modalités de dévolution aux communes des immeubles vacants et sans maître ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi n° 325 (1998-1999).

(Ces conclusions sont adoptées.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, afin de permettre à Mme le secrétaire d'Etat de gagner l'hémicycle, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

4

CRÉATION ET DÉVELOPPEMENT
DES ENTREPRISES SUR LES TERRITOIRES

Discussion des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 189, 1999-2000) de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi (n° 254, 1998-1999) de MM. Jean-Pierre Raffarin, Francis Grignon, Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Bizet, Jean Boyer, Marcel Deneux, Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean Huchon, Patrick Lassourd, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Paul Natali, Louis Moinard, Jean Pépin, Charles Revet et Raymond Soucaret, tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires.
[Avis n°s 200 et 201 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter aujourd'hui traite de la création et du développement des entreprises, certes, de façon générale, mais aussi de façon plus ciblée sur le territoire.
Cette proposition de loi est l'aboutissement d'un travail de réflexion et de maturation fait au sein du groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires » mis en place par M. le président de la commission des affaires économiques et présidé par M. Jean-Pierre Raffarin.
Le groupe de travail fait trois constats basiques sur la création d'entreprises : le premier, alarmant, souligne le déficit chronique de création d'entreprises depuis dix ans dans notre pays ; le deuxième, technique, identifie les obstacles à cette création ; le troisième, politique, montre que les réponses se font attendre.
Le déficit chronique de création d'entreprises tout d'abord.
Alors qu'un récent sondage de l'IFOP du mois de janvier montre que trois millions de Français déclarent vouloir créer leur entreprise, on constate que seuls 270 000 ont franchi le pas en 1999. Ce nombre a diminué de près d'un quart depuis 1990.
On pourrait croire que le phénomène est macro-économique. Il n'en est rien. Dès lors, comment ne pas s'inquiéter de cette situation, quand on sait qu'avec la densité entrepreneuriale de la Grande-Bretagne la France aurait non pas 2 300 000 mais 3 400 000 entreprises et qu'avec la densité entrepreneuriale des Etats-Unis elle en compterait 4 200 000 ?
Cette différence est, bien sûr, théorique. Ces créations d'entreprises ne permettraient pas, d'un seul coup de baguette magique, d'éliminer 1 900 000 chômeurs. Cependant, il est clair qu'elles permettraient des créations d'emplois, et surtout des emplois économiques plutôt que des emplois administratifs. En tout cas, ce qui est en jeu, c'est notre capacité à créer des emplois.
La création de nouvelles entreprises en 1999 a engendré 300 000 emplois. Si le niveau de 1989, soit dix ans plus tôt, avait été maintenu, nous aurions aujourd'hui, c'est certain, 500 000 emplois de plus.
Cette question est, évidemment, encore plus cruciale dans les territoires défavorisés, où c'est plus la transmission d'entreprises, le développement endogène et la création d'entreprises in situ qui permettent de créer des emplois que l'implantation de grandes entreprises ou de filiales d'entreprises, qui, vous le savez, privilégient les arbitrages internationaux.
Pourquoi ce déficit de création ?
Sans avoir la prétention d'être exhaustifs, puisque nous n'avons pas pris en compte, par exemple, l'influence de la formation, ni, de façon plus générale, l'influence de la culture entrepreneuriale, en France, nous avons regroupé ces obstacles à la création en quatre catégories bien différenciées.
Première catégorie : la difficulté d'accès au financement. C'est vrai qu'il est plus difficile aujourd'hui à un créateur de trouver quelques dizaines de milliers de francs qu'à une entreprise technologique, cotée en bourse, de surcroît, de lever des millions d'euros. C'est comme ça !
Il existe un besoin réel de microfinancement que le marché ne satisfait pas. Et quand on sait que 80 % des créations d'entreprises mobilisent moins de 40 000 francs, il y a de quoi se poser des questions !
La deuxième catégorie d'obstacles à la création tourne autour de la précarité du statut du créateur d'entreprise. Notre système social et réglementaire fait peser sur la création d'entreprise un risque excessif. Par ailleurs, le cloisonnement des statuts de salarié et d'entrepreneur, difficilement conciliables, prive le créateur de tout filet de sécurité. Nous avons la volonté d'y remédier.
La troisième catégorie d'obstacles tient à la toute relative organisation des dispositifs de soutien. C'est par exemple, l'excessive concentration des aides, qui ne profitent qu'à certains, mais c'est aussi la carence de l'accompagnement des créateurs et le manque de coordination des structures.
Malgré les 3 000 organismes recensés et les efforts déployés par les uns et les autres, on estime que seulement un entrepreneur sur dix est accompagné pendant la phase de création. C'est trop peu. Je suis personnellement persuadé qu'il nous faut prendre conscience du nécessaire maternage des entreprises en création, au moins de l'âge « - 2 » à l'âge « + 3 », c'est-à-dire avant, pendant et après la création. C'est ce qui permettra fondamentalement moins de déchets et plus d'initiatives.
Au risque de vous choquer, madame la secrétaire d'Etat, je dois vous dire que la quatrième catégorie d'obstacles à la création d'entreprises relève de l'absence de prise en compte réelle des PME dans les politiques publiques. Tout d'abord, un chantier inabouti sur la simplification administrative, mais aboutira-t-il un jour dans la mesure où les structures et les institutions s'autoalimentent dans ce domaine ? Ensuite, une difficulté d'accès des PME à l'achat public. Enfin, des textes qui s'empilent, l'Etat restant encore bien souvent trop perçu comme une contrainte.
Bien évidemment, tout ne dépend pas du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises. Il est certain que, dans ce domaine comme dans bien d'autres encore, la Chancellerie comme Bercy sont parfois difficiles à convaincre, nous en avons parfaitement conscience.
J'ai personnellement rêvé d'une small business administration à la française. Après tout, n'est-ce pas l'utopie qui fait vivre ? Mais j'ai vite compris que ce qui était possible en 1954 aux Etats-Unis, parce que rien n'existait, est tout à fait impossible en l'an 2000 en France où beaucoup existe.
Néanmoins, sans aller jusqu'à une réforme profonde de l'Etat dans ce domaine, nous pourrions mieux faire et les réponses se font attendre.
Depuis le « Plan PME pour la France », bien peu a été fait. Nous dénombrons certes une vingtaine de rapports, mais ils sont souvent restés lettre morte. Nous avons été particulièrement déçus au Sénat de l'attitude du Gouvernement lors de l'examen de la loi relative à l'aménagement du territoire. Malgré nos propositions, rien n'a été retenu, comme si l'on pouvait concevoir l'aménagement du territoire sans le développement économique local.
Il y a, certes, des promesses : la réforme des interventions économiques des collectivités territoriales et celle du code des marchés publics. Mais, à part la route qui poudroie et l'herbe qui verdoie, on ne voit rien venir, Mme la secrétaire d'Etat.
Soyons honnêtes, malgré tout : avec la loi Allègre, le Gouvernement n'est pas resté inactif, mais il a concentré son effort sur les nouvelles technologies, qui ne concernent malheureusement ni tous les Français, ni toutes les entreprises, ni tous les territoires.
Devant cette situation, le texte que nous allons examiner propose de réagir positivement.
A partir d'exemples étrangers et de l'examen des initiatives - nombreuses - des sénateurs sur le terrain, la proposition de loi vise à mettre en place une « boîte à outils » pour les acteurs du développement local, en même temps que des mesures nationales pour donner un nouveau souffle à la création d'entreprise.
Les objectifs sont simples : de façon très synthétique, et à partir de six verbes, je voudrais dire qu'ils se déduisent directement de l'observation et du diagnostic. Il s'agit d'alléger la solitude du créateur par un accompagnement accessible et professionnel, de lever certains biais de la réglementation sociale, d'organiser des réseaux de financement de proximité, d'aménager le droit pour le rendre plus favorable à l'initiative individuelle, d'encourager les investisseurs providentiels et de faciliter les transmissions, pour ne citer que ceux-là.
Ce ne sont certes pas les cinq impératifs de Fayol - prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler - qui définissent la gestion d'une entreprise, mais ce pourrait être les six impératifs de la création et du développement du territoire, à savoir alléger, lever, organiser, aménager, encourager, faciliter.
Issue de réflexions croisées sur l'aménagement du territoire et de la création d'entreprises, la prise en compte de ces objectifs donne un texte structuré en quatre titres regroupant quinze mesures concrètes, que je me propose de vous présenter maintenant.
Le premier volet de la proposition de loi concerne le développement économique territorial. Les acteurs publics locaux doivent disposer d'outils efficaces de développement économique. La proximité est en effet un facteur de souplesse et d'efficacité. Or les initiatives se heurtent parfois à l'absence de financements appropriés et souvent à l'inadaptation des textes qui imposent aux élus d'agir aux confins de la légalité. Nous avons voulu donner aux acteurs de terrain les moyens de fédérer les initiatives, d'accompagner les créateurs et de drainer les financements vers les PME. Six mesures sont proposées dans le cadre de ce développement économique territorial.
La première vise à mettre en place des fonds communs de placement de proximité, les FCPP. Ces fonds sont des fonds communs de placement à risques bénéficiant des mêmes avantages que les fonds communs de placement à l'innovation. Il s'agit de mobiliser sur un territoire nos concitoyens pour défendre leurs entreprises.
La deuxième mesure, c'est la généralisation des « incubateurs ». Nous avons appelé cela les PIT : les pôles d'incubation territoriaux. A mon sens, un PIT serait nécessaire par département. Cela pourrait devenir, ce dont nous rêvons tous, le guichet unique de l'entreprise et - pourquoi pas ? - la maison de l'entreprise.
La troisième mesure, qui accompagne la précédente, c'est le développement des fonds d'amorçage.
La quatrième est une incitation à la mise en réseau des entreprises pour développer la solidarité territoriale. Nous savons tous que les entreprises ne le font pas spontanément. Il s'agit de les inciter à travailler ensemble, en particulier au niveau de la veille technologique ou de l'exportation.
La cinquième mesure est une consécration de l'aide des collectivités aux organismes distribuant des avances remboursables. C'est, bien évidemment, une mesure prudentielle qui sera longuement expliquée tout à l'heure par M. Paul Girod.
La sixième mesure est une incitation à la transmission anticipée des entreprises dans les zones privilégiées d'aménagement du territoire, afin de limiter la désertification économique de ces territoires.
Je tiens à préciser que toutes ces dispositions ont déjà été adoptées par le Sénat lors des débats sur la loi relative à l'aménagement du territoire, mais avec la suite malheureuse que nous lui connaissons.
Le deuxième volet de la proposition de loi est consacré au financement de la création et du développement d'entreprise. La proposition de loi met en place une palette cohérente et variée de possibilités de financement, autour de trois mesures.
La première est une avance nationale aux créateurs d'entreprise. Cette avance ne sera pas réservée aux seuls créateurs chômeurs ou en difficulté, mais elle vaudra pour tous les créateurs d'entreprise afin de « booster » la création d'entreprises dans notre pays.
La deuxième mesure est une mesure incitative pour les « investisseurs providentiels », c'est l'expression que nous avons trouvée pour les fameux business angels . Il s'agit d'inciter certains chefs d'entreprise ayant réussi, ayant une compétence, à s'investir dans les entreprises. Bien évidemment, la perte déductible sera limitée à 100 000 francs pour éviter toute exagération par rapport à cette démarche.
La troisième mesure est un avantage fiscal pour les prêts aux entreprises individuelles. C'est une mesure d'équité par rapport à l'avantage Madelin qui existait pour les personnes morales, les sociétés, et qui pourra s'appliquer aussi aux entreprises individuelles. C'est ce qu'on a l'habitude d'appeler le love money : celui de la famille, des proches.
Le troisième thème de cette proposition de loi concerne le statut juridique de l'entreprise. Il essaie de proposer des mesures plus souples pour permettre aux créateurs d'entreprise soit de quitter leur entreprise, soit de bénéficier d'un temps partiel pour créer leur entreprise. Les deux mesures proposées vont dans ce sens. La première vise à permettre, en y assortissant des conditions qui seront exposées, le temps partiel pour la création d'entreprise. La seconde propose d'accorder le bénéfice de l'assurance chômage aux créateurs d'entreprise.
Enfin, le dernier volet de la proposition de loi vise à sensibiliser les acteurs publics aux spécificités des petites entreprises.
La proposition de loi consacre l'existence du conseil national de création d'entreprise et étoffe ses missions. Nous n'avons pas souhaité ajouter de nouveaux organismes à ceux qui existent. En revanche, nous pensons que de nouvelles missions, en particulier l'examen des textes législatifs et réglementaires, aussi bien en direction du pouvoir exécutif que du pouvoir législatif, seraient de nature à simplifier la vie des entreprises.
Par ailleurs, nous proposons aussi, au nombre de ces mesures, de faciliter l'accès des PME aux marchés publics par l'institution d'un régime d'attribution préférentielle, par la consécration de l'allotissement et par l'instauration de délais de paiement certains.
Comme vous le voyez, madame la secrétaire d'Etat, ces quinze mesures balaient un large spectre, touchant aussi bien le code général des collectivités territoriales, le code général des impôts, le code du travail que le code des marchés publics. Elles s'inscrivent dans une même logique qui consiste à embrasser tous les territoires, y compris ceux dont la fragilité exige des dispositions spécifiques, qui consiste à s'adresser à tous les secteurs d'activité, au-delà des seuls secteurs innovants, et à intensifier et élargir l'accompagnement aussi bien que la création d'entreprise.
C'est dans cet esprit que nous avons travaillé avec le souci permanent de ne pas créer de nouvelles complications pour les entreprises mais, au contraire, de libérer de nouvelles énergies.
Je voudrais dire maintenant combien je me félicite que ce débat ait donné l'occasion aux trois commissions saisies de ce texte d'apporter leur pierre à la construction d'un édifice commun. Je tiens à remercier tout particulièrement nos collègues Paul Girod et Joseph Ostermann de la qualité de leur contribution à nos travaux.
Avec cette proposition de loi, vous avez, Mme la secrétaire d'Etat, l'occasion de faire avancer la cause des petites entreprises qui, je le sais, vous est chère.
En conclusion et au-delà des mesures concrètes qui répondent à certains dysfonctionnements et qui essayent de lever certains obstacles, je tiens à préciser qu'il s'agit surtout pour les auteurs de ce texte de créer de meilleures conditions du développement de l'initiative individuelle dans notre pays.
Le choix politique proposé est de permettre à un maximum de nos concitoyens de s'assumer, quel que soit leur métier et quelles que soient la nature et la taille de la structure qu'ils veulent mettre en oeuvre ou développer, avec un bonus - et c'est normal - pour l'implantation et le développement dans les territoires difficiles.
Mieux s'assumer, c'est être plus libre dans un monde où il faut « penser global » mais « agir local ». C'est ce que je souhaite de tout coeur au plus grand nombre de nos concitoyens créateurs et développeurs d'entreprises pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR).
M. le président. La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les motivations de la proposition de loi que nous allons examiner aujourd'hui, que M. Francis Grignon a admirablement rappelées. Le fait est là : les créations d'entreprises sont moins nombreuses en France que chez nos voisins, ce qui est à l'origine d'un déficit de créations d'emplois.
Je souhaiterais, en revanche, m'appesantir quelques instants sur les difficultés d'accès au financement des petites entreprises et sur les carences des dispositifs de soutien, notamment financiers, à la création d'entreprises.
La première de ces difficultés fait depuis longtemps l'objet des préoccupations de la commission des finances, qui s'est employée, notamment en préconisant la création de fonds de pension depuis de nombreuses années, ou en imaginant des dispositions fiscales de nature à mobiliser les business angels, à orienter l'épargne des particuliers vers le financement des entreprises.
Les dispositions fiscales ne manquent certes pas pour mobiliser cette épargne, à commencer par celles qui ont été mises en place par la loi dite « Madelin » en février 1994 pour renforcer les fonds propres des entreprises, ou par les fonds communs de placement dans l'innovation en décembre 1996. Il convient également de mettre au crédit du Gouvernement actuel le dispositif de report de plus-values en cas de réinvestissement dans une entreprise nouvelle, bien que l'on puisse douter de l'efficacité de cette dernière mesure tant elle est étroitement encadrée. Je n'insisterai pas en revanche sur le « pas de deux » du Gouvernement en matière de stock-options qui illustre bien la méfiance dont il fait preuve à l'égard des créateurs d'entreprises.
Toutefois, l'arsenal législatif actuel se caractérise par un ciblage trop exclusif sur les entreprises innovantes, d'une part, et sur les entreprises constituées sous la forme de sociétés de capitaux, d'autre part. Les entrepreneurs individuels, commerçants ou artisans, qui se heurtent souvent à la pusillanimité des banques, ne peuvent prétendre à aucune source alternative de financement dans la mesure où leurs entreprises sont, par construction, dépourvues de capital. Or, les entrepreneurs individuels constituent la très grande majorité des créateurs d'entreprise et contribuent à la vitalité du tissu économique local.
En outre, les dispositifs existants de mobilisation de l'épargne restent relativement confidentiels et encore trop timorés. La loi « Madelin », par exemple, qui accorde une réduction d'impôt sur le revenu de 25 % aux épargnants qui souscrivent au capital de sociétés non cotées, ne bénéficie qu'à moins de 60 000 foyers fiscaux pour une dépense fiscale de 340 millions de francs. C'est bien peu au regard des dizaines de milliers d'entreprises qui se créent chaque année.
C'est pourquoi la commission des finances ne peut qu'applaudir aux différentes dispositions de la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise. L'intérêt de cette proposition de loi est qu'elle embrasse l'ensemble des problèmes rencontrés par le créateur d'entreprise, à tous les stades de la vie de l'entreprise nouvelle, de l'incubation au développement, en passant par l'amorçage et le renforcement des fonds propres. L'autre intérêt est qu'elle a pour cible les petites entreprises, les commerçants et les artisans, qui sont les laissés-pour-compte des dispositifs actuels de soutien aux entreprises.
La commission des finances se réjouit en particulier de la création des fonds communs de placement de proximité, qui visent à mutualiser une épargne souvent abondante, mais dont les détenteurs ignorent les possibilités de placement dans l'économie locale. Un tel instrument financier comblera un vide législatif en servant d'interface entre les particuliers soucieux de mettre leur épargne au service du développement économique territorial et les entrepreneurs locaux à la recherche de financements.
L'actif de tels fonds devra être investi dans des entreprises indépendantes de moins de cinquante salariés et localisées dans les zones économiquement fragiles du territoire. Les épargnants qui investiront dans ces fonds bénéficieront d'une réduction d'impôt égale à 25 % du montant de leur investissement dans les mêmes limites que les souscripteurs de parts de fonds communs de placement dans l'innovation.
La commission des finances considère également comme tout à fait opportune l'extension des avantages fiscaux de la loi « Madelin » aux épargnants qui octroient des prêts aux entrepreneurs individuels. En effet, ne disposant pas de personnalité juridique propre, une entreprise individuelle ne peut bénéficier des dispositions de cette loi Madelin, ce qui est d'autant plus injuste que ce sont précisément ces entreprises qui se heurtent le plus souvent à la frilosité des banques. Les dispositions de l'article 10 sont de nature à permettre aux commerçants et aux artisans de trouver des soutiens financiers dans leur entourage.
Quant à la disposition tendant à permettre aux associés d'une SARL de déduire de leur revenu global les pertes qu'ils pourraient réaliser, elle est susceptible de lever les réticences des épargnants à investir dans le capital d'une entreprise nouvelle, dont les premiers exercices sont souvent déficitaires.
Pour compléter ces différentes dispositions, la commission des finances proposera au Sénat de renforcer l'attractivité de la loi « Madelin » en rehaussant ses seuils pour les aligner sur ceux des FCPI. Elle proposera surtout de rendre aux entreprises une partie des fruits de la croissance qu'elles ont engendrée, en supprimant progressivement la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés instituée en août 1995. Cette suppression donnera un ballon d'oxygène à toutes les entreprises, notamment aux plus petites d'entre elles. Elle contribuera aussi à rapprocher le taux de l'impôt français de celui des pays partenaires de la France, à l'heure où l'Allemagne envisage de ramener le sien à 25 %.
En effet, il ne fait aucun doute que le déficit français en matière de création d'entreprises est dû pour une large part à un environnement fiscal et social trop peu propice à l'entreprenariat. Cette singularité française est tout entière résumée dans un chiffre : le poids des prélèvements obligatoires a atteint en 1999 le niveau inégalé de 45,3 %. Ce chiffre ne tient pas compte du surplus de recettes fiscales enregistré en 1999, et dont le Gouvernement nous a communiqué hier soir le montant, à savoir 30,7 milliards de francs.
En résumé, mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est soumise est audacieuse et inventive. C'est avec de l'audace et de l'inventivité que la France pourra combler son déficit en matière de création d'entreprises, mais c'est aussi en comprimant audacieusement les dépenses publiques, afin d'alléger le fardeau fiscal des Français, que l'on y parviendra.
La commission des finances est saisie pour avis sur sept des dix-sept articles que comportent les conclusions de la commission des affaires économiques, dans la mesure où ils sont de nature fiscale ou financière et portent sur des sujets à propos desquels la commission des finances a une doctrine bien établie. Les onze amendements que je vous soumettrai tout à l'heure au nom de la commission des finances sont, pour certains, de nature rédactionnelle et, pour d'autres, de nature à améliorer la portée ou l'encadrement des dispositifs proposés. Trois amendements portent en outre création d'articles additionnels.
En conclusion, j'aimerais dire combien il nous a été agréable de travailler avec M. Francis Grignon et les administrateurs de la commission des affaires économiques. Toutes les auditions ont été communes et le travail a pu être effectué dans la plus grande harmonie et dans la meilleure coopération.
Sous réserve des amendements qu'elle vous soumettra, la commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires, dans le texte adopté par la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour me joindre à ce que vient de dire notre collègue M. Ostermann en conclusion à propos de l'excellente ambiance, de l'excellente volonté de coopération qui ont régné entre les commissions pendant toute la préparation des rapports sur cette proposition de loi.
J'ajoute que, ayant travaillé fort en amont, nous avons pu aboutir à un texte imprégné des réflexions des trois rapporteurs et des trois commissions. Les quelques modifications de détail qui seront proposées par la commission des lois, comme par la commission des finances, portent donc sur un texte auquel, au fond, nous avons tous participé.
Nos collègues du groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires », sous l'impulsion de son président M. Raffarin, ont pris une excellente initiative en relançant le débat sur la création d'entreprises dans notre pays.
Je ne reviendrai pas sur le constat qui a été fait tout à l'heure par notre collègue M. Francis Grignon. Il est vrai que l'une des grandes faiblesses de notre pays réside dans l'insuffisance des créations d'entreprises. Et les élus locaux que nous sommes - le Sénat a quelque raison de se faire l'écho de leurs préoccupations - assistent navrés soit à des initiatives qui n'aboutissent pas, soit à des créations qui, ayant démarré dans des conditions difficiles, capotent, soit à des disparitions d'entreprises, faute de repreneur dans des conditions convenables. Tout particulièrement quand il s'agit d'entreprises de toute petite dimension, il est un peu triste de voir que si l'on peut aider un créateur d'entreprise, on ne peut pas aider un repreneur, ou alors plus difficilement.
La proposition de s'attaquer à une partie des difficultés des créateurs d'entreprise est donc la bienvenue. Madame le secrétaire d'Etat, je me permets cependant, au nom de la commission des lois, de rappeler qu'il est d'autres difficultés que les difficultés financières d'encadrement des collectivités territoriales par exemple ; il y a aussi des difficultés d'ordre juridique et social, l'administration de l'Etat ne facilitant pas les choses, c'est le moins que l'on puisse dire. Voyez la vitesse à laquelle on peut créer une entreprise aux Etats-Unis et les démarches qu'il faut faire pour obtenir l'autorisation de l'Etat d'étudier la question en France !
Toujours est-il que les auteurs de la proposition de loi ont porté leur attention, comme l'a excellement exposé M. Grignon tout à l'heure, sur un certain nombre de points que la commission des lois a souhaité étudier pour plusieurs raisons.
Dès l'instant où l'aventure est née, c'est-à-dire dès lors qu'une personne a conçu un projet et cherche des financements et des lieux d'implantation, plusieurs acteurs entrent en jeu : il s'agit de tous les acteurs financiers bien entendu, mais aussi des collectivités territoriales sur le territoire desquelles l'initiative va pouvoir se déployer et de la personne qui est porteuse du projet.
La proposition de loi prévoit, à juste titre, de modifier l'environnement personnel du créateur d'entreprise en lui permettant d'accéder à un certain nombre d'appuis et de facilités dans l'entreprise dans laquelle il travaille, dans son environnement familial et amical afin qu'il puisse mobiliser des fonds. Elle prévoit également d'amortir les premiers risques que prend le créateur en l'encadrant et en l'aidant financièrement et moralement par toute une série de dispositifs, notamment par les « incubateurs » et les business angels.
Je donnerai à ce sujet le modeste exemple du département de l'Aisne, dans lequel le nombre de créations d'entreprises est relativement plus faible que la moyenne nationale, mais où le nombre des entreprises survivantes cinq ans plus tard est beaucoup plus important. Cela résulte exclusivement du fait que l'encadrement, l'appui matériel et moral des créateurs sont assurés dès le début.
Dans sa partie qui concerne les créations d'entreprise, cette proposition de loi accorde une place importante aux collectivités locales et prévoit une série de dispositions tendant à encadrer les aides aux créateurs. Je constate au passage qu'elle permet de stabiliser au plan juridique toute une série d'initiatives qui se déploient déjà sur le terrain, mais dont on sait qu'elles se font dans un univers juridique plus ou moins flou, avec quelquefois comme seule base quelquefois une circulaire de la DATAR. On ne sait d'ailleurs pas très bien si, un jour, elle ne pourrait pas exposer un élu à des risques juridiques que je qualifierai d'un peu excessifs.
La commission des lois a essayé, avec la commission des affaires économiques, de trouver les formulations qui permettent cette stabilisation juridique de l'intervention des collectivités territoriales. Elle a été animée par le souci de faire en sorte que les choses se fassent avec une certaine prudence pour que les collectivités territoriales ne soient pas l'objet de chantages ou de sollicitations excessives de la part de tel ou tel et, surtout, pour qu'elles ne s'aventurent pas à prêter leurs deniers sans possibilités de retour, voire sans sanctions à l'égard de prestataires de fonds ou de structures intermédiaires mal avisés.
De la même manière, elle a cherché à faire en sorte - je prie les auteurs de la proposition de m'en excuser - de ne pas entrer dans la logique selon laquelle une collectivité de base peut intervenir directement dans les finances d'une personne. Elle s'est cependant ralliée à l'idée de la « bourse » qui, elle, joue un rôle d'intermédiaire entre la formation et l'appui à la personne pour celles et ceux, qui, trop jeunes pour entrer dans le système de solidarité nationale, ont néanmoins besoin d'un minimum d'appuis financiers pour se lancer dans l'aventure.
J'en viens à la deuxième partie de la proposition de loi, qui concerne le meilleur accès des PME aux marchés publics.
Dans ce domaine, il est certainement nécessaire d'assouplir les conditions d'allotissement qui, pour l'instant, ne sont normalement accessibles à une collectivité que dans la mesure où elle y trouve un avantage financier et technique alors que, dans bien des cas, cet avantage est plus difficile à prouver qu'il ne conviendrait.
La pratique a négligé cette prescription. Il n'est pas mauvais d'en prendre acte dans les textes.
J'aborderai maintenant un point plus difficile, plus délicat : le fait de réserver à une PME, à égalité de prestation, l'accès prioritaire au marché.
Le droit communautaire soulève une éventuelle difficulté, mais nous pensons que la proposition de loi peut nous permettre de la surmonter.
Enfin, madame le secrétaire d'Etat, la commission des lois entend faire un pas en avant relativement significatif en s'inspirant d'une directive en préparation à Bruxelles et en faisant remarquer que lorsqu'une entreprise, pas forcément une PME, a obtenu un marché public et qu'elle n'arrive pas à se faire payer ou que le paiement se fait attendre trop longtemps, ce n'est pas seulement le mandatement de la collectivité territoriale qui arrête les intérêts moratoires, mais c'est aussi le paiement. En effet, ce qui intéresse l'entreprise, ce n'est pas de pouvoir dire à un banquier ou au greffe du tribunal de commerce qu'elle a un mandat qui court mais qui n'arrive pas, c'est d'avoir les deniers dans ses caisses.
Nous pensons, avec ce texte, pouvoir faire un signe important en direction du Gouvernement qui, je crois, a quelques idées sur la question. Une initiative d'ordre parlementaire permettrait en effet d'orienter désormais la relation des entreprises avec les marchés publics plus sur le paiement que sur le mandatement.
Tel est le sens des différents amendements que proposera la commission des lois, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, et qui sont, d'une part, de caractère prudentiel en ce qui concerne la première partie du texte et, d'autre part, de caractère prospectif et volontariste en ce qui concerne la partie relative aux marchés publics. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais attirer l'attention de notre assemblée sur l'importance de cette proposition de loi, élaborée par Jean-Pierre Raffarin et vingt-neuf de nos collègues, au nombre desquels je suis d'ailleurs heureux de figurer, et qui vient d'être excellemment rapportée par notre collègue Francis-Grignon. C'est un texte tout à fait essentiel parce qu'il concerne un domaine stratégique pour l'avenir économique de notre pays. Il vient à point.
Madame la secrétaire d'Etat, la création d'entreprises est probablement redevenue en ce début de siècle ce qu'elle fut au début du XIXe siècle : elle est le fer de lance de la croissance économique et le levain de l'innovation.
Pourquoi ? Parce que l'économie mondiale - j'hésite à le dire tellement c'est devenu banal - est entrée, depuis une dizaine d'années, dans une phase nouvelle, caractérisée par un développement spectaculaire des moyens de communication et, dans le sillage d'Internet, par l'avènement d'une économie des services et du savoir. Cette « nouvelle économie », qui connaît un développement spectaculaire et, semble-t-il, durable, dont les Etats-Unis donnent l'exemple mais dont l'Europe est en train de récolter les premiers fruits, ouvre à la création d'entreprise des horizons totalement nouveaux.
Or, mes chers collègues, la France est, en matière de création d'enteprises, la lanterne rouge de l'Europe. Ainsi que le rapporteur l'a souligné, le nombre de créations d'entreprises n'a cessé de diminuer en France au cours des dix dernières années.
S'il en est ainsi, ce n'est pas parce que l'esprit d'entreprise décline, mais parce que le France s'obstine à maintenir, voire à multiplier les obstacles à la création d'entreprise. Telle est d'ailleurs bien l'image que le reste de l'Europe a de notre pays aujourd'hui, comme en témoignent tous les sondages.
Le dire, madame la secrétaire d'Etat, ce n'est pas faire preuve d'une volonté de dénigrement. C'est la constatation qu'impose, entre autres éléments, l'exode d'un nombre croissant de jeunes Français qui choisissent de créer leur entreprise aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne. Cette fuite vers l'étanger qu'étudie un groupe de travail mis en place par la commission des affaires économiques du Sénat, et dont le rapport sera - je l'espère - disponible au mois de juin, est difficile à cerner avec précision du point de vue numérique, tout simplement parce que les Français qui partent à l'étranger ne s'inscrivent plus dans nos consultats et que nous tâtonnons. Dans notre rapport, figureront un certain nombre d'évaluations. Nous avons, notamment, consulté les associations d'anciens élèves des grandes écoles. Nous pourrons donc verser au dossier toute une série d'éléments.
En tout cas, cet exode est incontestable, comme je l'ai moi-même constaté l'été dernier en me rendant dans la Silicon Valley, en Californie, où j'ai pris contact avec des dizaines de jeunes chefs d'entreprises français qui s'y sont installés. Je sais bien que, lorsqu'on mentionne cette fuite des créateurs d'entreprise français vers l'étranger, on s'efforce d'en minimiser la portée, en rétorquant que notre pays attire, simultanément, beaucoup d'investisseurs étrangers. Ceci, hélas ! n'a rien à voir avec cela.
Qu'une entreprise comme Toyota choisisse, moyennant des aides et des privilèges massifs, de s'installer en France plutôt qu'en Allemagne, devenue - soit dit en passant - aussi inhospitalière aux entreprises naissantes que la France, est certes une bonne chose. Je m'en félicite. Mais de telles implantations s'inscrivent dans une logique qui n'a rien à voir avec celle qui guide nos créateurs d'entreprise.
Or, le sujet auquel s'attaque la proposition de loi qui nous est soumise concerne les créateurs et donc les petites et très petites entreprises. C'est ce titre conjonctif, cette repousse de petites entreprises, qui peut seul fertiliser nos territoires. C'est la seule façon d'y opérer des greffes économiques dont dépend leur revitalisation.
Mes chers collègues - lequel d'entre nous ne le sait pas -, le temps n'est plus où l'on pouvait, comme dans les années soixante et soixante-dix, miser sur l'installation des filiales de grands groupes qui venaient s'implanter dans des régions qui leur étaient précédemment étrangères. Aujourd'hui, le développement est endogène ou il n'est pas. Nous le savons tous, les grands groupes ne s'intéressent à nos territoires que lorsqu'ils peuvent y prendre le contrôle de petites entreprises innovantes qui ont réussi dans des domaines où eux ont échoué ou qui leur ont tout simplement échappé. Encore faut-il que ces PME et ces PMI puissent se développer !
Tout à l'heure, mon collègue M. Paul Girod se référait à son expérience de l'Aisne. Je vais me reporter, moi, à ma propre expérience dans le Lot-et-Garonne.
En Lot-et-Garonne, voilà dix ans, nous avons créé un agropôle. Nous y avons accueilli soixante-dix entreprises naissantes, ce qui prouve d'ailleurs que, malgré les obstacles, les entreprises peuvent naître à condition d'être accueillies maternées, aidées et que toutes les formalités soient faites en leur nom.
Ces soixante-dix entreprises ont créé en dix ans 700 emplois nouveaux, et les grands groupes qui, il y a dix ans, lorsque l'agropôle est né, l'ont totalement ignoré, rachètent aujourd'hui des petites entreprises dont le chiffre d'affaires atteint environ 100 millions de francs on emploient entre 90 et 100 personnes. Ils s'installent là ou ils ne songeaient pas à venir. Par conséquent, le moteur de la croissance est dans la création d'entreprises, dans le développement de ce nouveau tissu de PME.
Inutile de dire que la création d'entreprises est ou devrait être l'élément central de toute politique d'aménagement du territoire. Or, lors de la discussion devant le Sénat du projet de loi sur l'aménagement du territoire, le Gouvernement - je n'ose pas dire Mme Voynet parce que je crois qu'elle était tentée d'accepter nos amendements - s'est opposé à tous les amendements de caractère économique que nous proposait notre collègue Francis Grignon. Ces amendements, madame la secrétaire d'Etat, ont été repris et développés dans le projet qui nous est aujourd'hui soumis. Nous souhaitions que le Gouvernement les prenne en compte à l'époque ; cela n'a pas été le cas, pourquoi ? On a argué du projet de loi que prépare M. Zuccarelli.
Madame, nous l'attendons ce projet de loi, avec une impatience que nous avons de plus en plus de mal à maîtriser !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis Monsieur le président de la commission des affaires économiques, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Monsieur le président de la commission, je vous remercie de me permettre de vous interrompre une seconde.
Madame le secrétaire d'Etat, nous attendons un texte non seulement sur la création d'entreprises mais aussi sur les sociétés d'économie mixte, les SEM. Voilà maintenant deux ans que tout le monde cafouille, attend, espère et n'avance pas. Aujourd'hui, nous vous présentons une proposition sur la création d'entreprises ; je vous en annonce une autre sur les SEM.
M. le président. Monsieur le président de la commission, veuillez poursuivre.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Ce projet de loi, tout le monde l'attend ! Nous voyons sortir des textes sur l'intercommunalité, sur les pays ; ils sont d'ailleurs bienvenus. Bravo, l'intercommunalité progresse. Mais où en est donc cette Arlésienne nommée Zuccarelli ? (Sourires.) Nous nous posons la question : que contiendra ce texte le jour hypothétique où il nous sera soumis ?
A la vérité, mes chers collègues, M. le secrétaire d'Etat, nous ne pouvoirs plus attendre. L'économie mondiale est en ébullition, les bourses l'attestent. La France ne doit pas, ne peut plus rester immobile.
Puisque le Gouvernement ne bouge pas, le Sénat se doit de le mettre le plus courtoisement du monde en face de ses responsabilités. C'est ce qu'il fera, je l'espère, en adoptant un texte rédigé avec sagesse - les rapporteurs pour avis y ont veillé ; nous aurions été tentés, avec MM. Raffarin et Grignon d'aller plus loin mais ils nous ont ramenés dans le droit chemin de la prudence - et avec détermination, un texte qui met en place un arsenal complet de mesures destinées à permettre à l'esprit d'entreprise, si largement répandu dans notre pays, de s'exprimer.
Ce faisant, le Sénat n'a pas d'autre objectif que de placer la France dans le peloton de tête des pays qui se sont engagés dans la course à la croissance, dans la course à la nouvelle économie, qui porte en elle, madame la secrétaire d'Etat, une nouvelle hiérarchie de la puissance et de la prospérité entre les pays et les continents. Ne ratons pas l'occasion qui nous est offerte ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée avait déjà été soumise à notre assemblée lors de la discussion du projet de loi sur l'aménagement du territoire, par le biais de toute une série d'amendements de notre collègue M. Raffarin, comme le président de la commission des affaires économiques, M. Jean François-Poncet, vient d'ailleurs de nous le rappeler.
Nous avions à l'époque indiqué que, si certaines dispositions nous paraissaient intéressantes, d'autres, en revanche, ne pouvaient recueillir notre accord ou méritaient réflexion.
Je constate que la proposition initiale nous revient modifiée, et je vous remercie, monsieur Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois, d'indiquer dans votre excellent rapport que, « sur l'ensemble des 23 articles composant la proposition de loi dans son texte initial, les conclusions de la commission des affaires économiques en ont retenu 17, certaines dispositions semblant prématurées ou méritant une réflexion plus approfondie ». Ce n'est donc pas la proposition « Raffarin » qui est soumise à notre assemblée ; mais c'est qu'avance le travail parlementaire, et je m'en félicite.
Qu'en est-il aujourd'hui des propositions retenues ?
Nous croyons que ce texte souffre d'une contradiction de conception, indissociable sans doute du cadre dans lequel il a été conçu, à savoir le groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires ».
Il nous est d'abord présenté comme un outil généraliste destiné à mettre en place « des mesures pour, au niveau de la nation tout entière, libérer les initiatives et donner un nouveau souffle à la création d'entreprises ».
Vous invoquez, monsieur le rapporteur, une évolution défavorable du nombre des entreprises. Je confirme, à ce propos, que le nombre d'entreprises créées qui subsistent au-delà de trois ans est l'un des plus faibles de l'Union européenne, ce qui devrait nous conduire à une réflexion plus approfondie.
Vous mettez, monsieur le rapporteur, l'accent sur un certain nombre de complexités, de difficultés et de carences, et vous indiquez que vos propositions tendent à créer « un environnement global, favorable à la création d'entreprises, et à mobiliser les capacités de nos différents systèmes d'appui public à encourager, à accompagner et à rémunérer les entreprises ». Mais, en même temps, vous vous inscrivez dans le cadre très spécifique du développement économique des zones fragiles pour proposer des mesures particulières : du même coup, nous sortons du cadre des mesures généralistes ou plus exactement nous les concevons pour les zones peu denses ou les zones urbaines sensibles.
A la veille des Journées de la création d'entreprise, qui se tiendront au début du mois de mars, ce texte nous apparaît seulement, hélas ! comme le fruit d'une volonté de positionnement de la majorité sénatoriale.
Il fait d'abord écho à des revendications traditionnelles ; je pense notamment à la transmission des entreprises, avec la réduction des droits sur les donations, présentée au départ selon une vision minimaliste puisque son application était réservée à des zones particulières.
On trouve également des mesures spécifiques à l'aménagement du territoire, et nous nous en félicitons. Il s'agit, par exemple, de la création de fonds communs de placement à risque, qui deviennent de proximité dans les territoires ruraux de développement prioritaire ou dans les zones de revitalisation urbaines, ce qui présente le double désavantage de désigner ces zones comme étant à risque et de borner la mutualisation du risque à la zone même de risque.
Mais le texte contient également des mesures novatrices. A cet égard, je mentionnerai d'abord le recours à l'épargne de proximité. Il convient toutefois que cette épargne ne se substitue pas à la solidarité ou à la péréquation nationale.
On peut ensuite évoquer la reconnaissance du rôle des collectivités locales dans la création d'entreprise, rôle encadré par des conventions entre la collectivité territoriale et l'organisme bénéficiaire de subventions. Cependant, il faudrait que soit précisé le cadre dans lequel seraient passées ces conventions ; nous y reviendrons au cours de la discussion des articles.
Une attention particulière est portée à la période d'incubation, aux incubateurs et aux fonds d'amorçage.
Par ailleurs, les dispositions de l'article 11, concernant le temps partiel pour la création d'entreprise, et de l'article 12, traitant des allocations de chômage des salariés qui démissionnent pour créer leur entreprise, nous semblent très intéressantes.
D'autres points nous laissent perplexes.
L'incitation à la mise en réseau des entreprises au sein d'un territoire, inspiré de l'exemple de l'Italie du Nord, nous paraît sous cette forme un voeu pieux, d'autant que n'est même pas mentionnée la possibilité légale du pays, pourtant par nature espace de projet.
La modification du code civil visant à établir une distinction entre patrimoine professionnel et patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel nous semble poser au moins autant de problèmes qu'elle n'est susceptible d'en résoudre, et l'analyse du rapporteur de la commission des lois sur ce sujet nous semble pertinente.
La création d'un Conseil national de la création d'entreprises nous paraît bien inutile et relève, selon nous, de cette prolifération d'organismes qui est tellement à la mode.
Les propositions en matière de marchés publics sont parfois dangereuses, souvent inefficaces, presque toujours inapplicables. J'attire votre attention, mes chers collègues, sur l'article 16, redoutable pour les collectivités locales, qui ne sont pas maîtresses du calendrier de réception des subventions. Notre débat de ce matin en commission a contribué à nous éclairer sur ce sujet. Nous y reviendrons.
Nous regrettons l'absence du tutorat, même si, comme vous nous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, rien n'empêche de le faire figurer dans la convention.
Nous constatons qu'aucune simplification concernant les formalités, tant pour la création que pour le fonctionnement des petites entreprises, ne figure dans le texte, alors que les progrès accomplis dans l'informatique ouvrent, à cet égard, la voie à des avancées notables. Et il ne suffit pas de constater l'immobilité, qui ne date d'ailleurs pas d'hier, des politiques publiques dans ce domaine pour justifier une telle absence !
Nous constatons aussi qu'aucune clarification n'est proposée en matière d'intervention économique. Faut-il un chef de file, monsieur Raffarin ? Si oui, doit-on conforter la région ? Quelle place donner alors au département ? Quel rôle attribuer aux communes ? Faut-il encadrer le risque des plus petites des collectivités locales ou considérer que tout est bon à prendre en ce domaine ? Nous savons ce sujet particulièrement délicat. Pour autant, est-il bien raisonnable de l'éluder ?
J'ajoute que nous devons aussi régler le problème des fausses créations d'entreprises, à savoir la transformation du travail salarié en travail indépendant, le plus souvent avec un fournisseur unique, favorisée, il faut le rappeler, par une disposition de la loi « Madelin » raccourcissant les délais d'opposition des URSSAF, loi d'ailleurs un peu trop souvent citée dans le texte, à notre goût.
Mes chers collègues, je ne voudrais surtout pas que ces remarques et ces observations soient considérées comme un avis globalement négatif sur les propositions du groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires » de la Commission des affaires économiques du Sénat.
M. Jean-Pierre Raffarin. Il n'y a pas de risque !
M. Jacques Bellanger. Vos propositions, monsieur le rapporteur, sont des éléments de progrès en matière de création d'entreprise. Cependant, si elles s'inscrivent dans le cadre du travail parlementaire, elles ne sont pas suffisamment achevées pour aboutir aujourd'hui à un texte susceptible de recueillir un consensus leur permettant de franchir le cap du débat parlementaire.
Pour notre part, nous entendons contribuer à ce débat sans aucun esprit partisan tant le sujet nous semble d'importance. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Raffarin. L'exercice était difficile !
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comment ne pas se féliciter, tout d'abord, de l'examen, dans le cadre de la « fenêtre parlementaire » réservée aux propositions de loi, d'un texte qui est une contribution essentielle au vaste chantier législatif ouvert par le Sénat et sa majorité sur les grands dossiers économiques et sociaux ?
En début de session, nous avons adopté, sur l'initiative du groupe de l'Union centriste et de son président, M. Jean Arthuis, notamment, deux textes tendant, l'un, au développement de l'épargne-retraite, l'autre, à celui du partenariat social.
A présent, notre commission des affaires économiques nous présente cette proposition tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires.
Ce texte est le fruit de la réflexion engagée voilà plusieurs années déjà par la commission et son président, M. Jean François-Poncet.
Je pense, tout d'abord, à un rapport qui fait toujours référence dans le domaine de l'aménagement du territoire : le rapport relatif à l'avenir de l'espace rural français. Son chapitre V incluait plusieurs propositions portant sur la diversification des activités économiques sur les territoires. Certaines ont directement inspiré la loi d'orientation de 1995. D'autres restent d'actualité et sont reprises par la présente proposition de loi ; c'est le cas, par exemple, de la facilitation de la transmission d'entreprise.
Mais cette proposition est aussi le résultat des travaux du groupe « Nouvelles entreprises et territoires », ainsi que de la réflexion personnelle de plusieurs sénateurs, au premier rang desquels figure notre collègue de l'Union centriste M. Francis Grignon, auteur, en 1998, d'un ouvrage intitulé : Richesse de l'homme, richesse de l'entreprise.
Dans sa conclusion, notre collègue appelait de ses voeux « une loi-cadre en direction de l'entreprise ». La présente proposition est l'un des éléments majeurs de cette loi-cadre puisqu'elle traite de sujets aussi primordiaux que le statut juridique, le financement et l'aide à la création d'entreprise.
La création d'entreprises et d'emplois est l'affaire de tous, c'est-à-dire des dirigeants du secteur privé, des salariés, des pouvoirs publics, aux échelons local, national et européen mais aussi - puisque aussi bien on est porté aujourd'hui à considérer la planète comme un village - mondial.
A cet égard, l'Etat a une responsabilité majeure dans les handicaps dont souffre l'initiative privée dans notre pays : freins culturels, juridiques, sociaux, financiers, comme l'indique très justement l'exposé des motifs de la proposition de loi.
L'émergence de nouvelles activités et la résorption durable du chômage exigent d'inverser les facteurs. Aussi faut-il donner la priorité absolue au développement des activités productives. Mais ce développement doit être équilibré et tenir compte des impératifs de l'aménagement du territoire ; ce sera l'objet de la seconde partie de mon intervention.
La création et le développement des entreprises passent par un développement de l'esprit d'entreprise de notre système éducatif, de l'école aux différents cursus universitaires. De trop nombreux concitoyens désirant créer des entreprises y renoncent parce qu'ils ne sont pas portés par une culture du risque et de l'effort. Est-il normal que les élèves de nos grandes écoles préfèrent souvent à la création d'activités privées le confort d'un statut public ou le salariat dans de grosses entreprises, au détriment de la direction des petites ?
Si une véritable culture d'entreprise est en train d'apparaître dans notre pays grâce au rapprochement entre l'école et le monde du travail, l'effort engagé le plus souvent par les collectivités locales doit être relayé et amplifié par l'Etat.
Aujourd'hui, l'émergence de nouveaux emplois durables et leur multiplication passent par la naissance de nombreuses entreprises innovantes, créatrices de valeur ajoutée et génératrices de revenus élevés.
La croissance américaine repose pour beaucoup sur le développement de petites structures : les Etats-Unis comptent 25 millions de petites entreprises. La mentalité française, volontiers centralisatrice et colbertiste, serait-elle inconciliable avec cette perspective ? Je ne le crois pas.
En fait, si le taux de création d'entreprises en France est supérieur à la moyenne européenne, plus de la moitié des entreprises nouvelles y disparaissent avant cinq ans. Charges et contraintes excessives, insuffisance des financements et des fonds propres : voilà l'ennemi !
Il convient donc, au premier chef, d'alléger les formalités administratives et de baisser les charges sociales et fiscales pesant sur le secteur privé. Ces mesures doivent être durables et s'appliquer à tous plutôt que de viser des cas particuliers.
Malgré les authentiques progrès réalisés ces dernières années en matière de simplification administrative, avec la déclaration unique d'embauche ou l'harmonisation des dates des déclarations fiscales, en particulier grâce à l'action persévérante et efficace de Jean-Pierre Raffarin entre 1995 et 1997, les chefs d'entreprise français sont encore soumis à des contraintes excessives, que ce soit dans le domaine du droit du travail ou dans celui de la fiscalité.
Que demandent aujourd'hui les petits entrepreneurs dans leur ensemble ? Un système de guichet unique, la mise en place d'une déclaration fiscale unifiée, la disparition d'innombrables impôts et taxes, aux assiettes souvent totalement obsolètes.
Parallèlement, notre pays doit évidemment consentir un important effort de réduction des impôts et taxes pesant sur les entreprises. Trop d'impôt finit par tuer, non pas forcément l'impôt, mais l'emploi ! Nous le constatons tous les jours au contact de nos entreprises.
Le préalable à un allégement fiscal durable est la réduction de la dépense publique et, en particulier, des dépenses de fonctionnement de l'Etat. Tous les pays européens qui ont réussi à assainir leurs finances publiques en sont passés par là, de la Grande-Bretagne au Pays-Bas. Tout cela, sans cagnotte, déguisée ou non, et à plus forte raison quand il n'y a pas de cagnotte du tout !
A cet égard, on peut légitimement s'inquiéter pour l'avenir au vu, en particulier, des évaluations du coût des 35 heures. Le Gouvernement avance le chiffre de 110 milliards de francs en année pleine, sans inclure bien entendu le coût de l'application de la réforme au secteur public, et sans parler de l'accord dans le transport routier qui représente au moins 5 milliards de francs. Il faudra bien un jour payer la note, et il est à craindre que le grand perdant ne soit une fois de plus le secteur des petites et moyennes entreprises.
M. Henri de Raincourt. Hélas !
M. Pierre Hérisson. Plus grave encore : l'augmentation du poids des charges sur le secteur productif dans notre pays s'accompagne d'un développement des effectifs de la fonction publique. Il convient de noter que, depuis 1981, les seules périodes pendant lesquelles ces effectifs ont réellement baissé correspondent à celles où l'actuelle opposition était au gouvernement.
Il faut baisser les prélèvements pesant sur le secteur productif : d'après une étude de l'INSEE datant de 1997, l'exonération des cotisations sociales est la mesure la plus incitative à l'embauche pour 69 % des entreprises, notamment pour les unités de moins de dix salariés.
Réservée aux bas salaires, puis généralisée à l'ensemble des rémunérations, cette idée, reprise par une proposition de loi adoptée sur l'initiative des groupes de la majorité sénatoriale, répondrait donc aux attentes de beaucoup d'entrepreneurs.
Mais, dans l'avenir, il faudra sans doute aller au-delà, en envisageant de faire peser à terme les prélèvements non plus sur l'entreprise mais sur les personnes elles-mêmes, processus engagé pour les cotisations d'allocations familiales.
Ces remarques et ces propositions ont été largement reprises par la majorité sénatoriale lors de la dernière discussion budgétaire.
Sans doute faudra-t-il attendre la fin de la session pour reprendre ce débat, à l'occasion du collectif budgétaire qui sera examiné au printemps prochain, selon ce qu'a annoncé hier le Premier ministre.
Dans l'immédiat, un autre point marquant de la proposition du Sénat concerne le financement des entreprises. Il s'agit de drainer davantage de richesses vers l'entreprise, en particulier vers nos PME. Le renforcement des fonds propres est une condition essentielle de la croissance des petites et moyennes entreprises, qui constituent un véritable vivier d'emplois dans notre pays. A elles seules, les 850 000 entreprises artisanales représentent un tiers des entreprises françaises et 2 300 000 emplois.
Pour cela, deux conditions doivent être remplies : le développement du réseau de proximité des banques, mais surtout une meilleure mobilisation de l'épargne. L'un des paradoxes français tient sans doute à la coïncidence d'une épargne des ménages relativement importante - par rapport à un pays comme les Etats-Unis - et d'une capitalisation boursière relativement faible.
On peut dire, d'une manière générale, que les grandes entreprises françaises ont une cote en bourse surévaluée, alors que les petites et moyennes entreprises sont sous-évaluées par rapport à la réalité des actifs et de la richesse intellectuelle qu'elles représentent.
C'est pourquoi l'idée d'instituer des fonds communs de placement de proximité destinés à financer les PME et les PMI semble tout à fait excellente, de même que la transposition en France du système américain des business angels.
Cependant, l'indispensable développement économique ne suffit pas en soi : il doit être équilibré. Nous ne voulons pas attendre l'examen du projet de loi sur les interventions économiques des collectivités locales pour introduire l'indispensable composante économique dans l'aménagement du territoire.
La loi d'orientation de 1999 nous a beaucoup déçus sur ce point. Les membres du groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires » faisaient remarquer à propos de la loi Voynet : « Comment penser l'avenir des territoires et des quartiers sensibles sans le développement économique ? Comment ne pas voir qu'une sanctuarisation de nos zones rurales les priverait de toute vitalité et qu'une métropolisation excessive de nos villes ne ferait qu'asphyxier davantage des lieux, déjà parfois trop denses, où s'accumulent alors les problèmes ? Comment passer à côté de cette chance offerte, grâce aux nouvelles technologies, d'un développement mieux réparti, plus durable et plus harmonieux ? »
Soucieux de répondre à ces défis, le Sénat avait souhaité insérer dans la dernière loi d'orientation un volet additionnel consacré au développement économique des territoires. Le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale n'avaient pas jugé bon de retenir nos propositions. La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui marque en quelque sorte un retour au bon sens puisqu'elle reprend plus globalement le dispositif engagé l'année dernière.
Nous sommes convaincus qu'un bon aménagement du territoire passe par la modernisation et par le soutien au développement de systèmes productifs cohérents, par l'appui aux initiatives locales, par le développement d'activités existantes ou nouvelles et, enfin, par une bonne articulation entre l'industrie et la recherche. La proposition de loi élaborée par le groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires » fait de l'entreprise le véritable moteur de l'aménagement du territoire.
En conclusion, je souhaite remercier pour leur excellent travail notre rapporteur, M. Francis Grignon, notre collègue M. Jean-Pierre Raffarin, ainsi que le président de la commission des affaires économiques, M. Jean François-Poncet, sans oublier nos autres collègues rapporteurs pour avis, MM. Joseph Ostermann et Paul Girod ni, bien sûr, Mme le secrétaire d'Etat.
Avec cette proposition de loi, nous franchissons une première étape vers un vrai statut qui distingue enfin le cordonnier de la multinationale. (Sourires.) Ainsi, les hommes et les femmes auront demain le choix entre être salariés, ou, comme on avait l'habitude de le dire, « pouvoir se mettre à leur compte ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Hérisson vient de conclure son propos par des remerciements. C'est également par des remerciements que je commencerai.
Je remercierai tout d'abord les présidents des groupes de la majorité sénatoriale, notamment M. de Raincourt, d'avoir pris la décision importante d'inscrire la proposition de loi de M. Grignon dans cette « niche » parlementaire.
Je remercierai ensuite MM. Jean François-Poncet, Francis Grignon et tous les sénateurs du groupe « Nouvelles entreprises et territoires » qui ont animé cette réflexion.
Madame le secrétaire d'Etat, quand j'ai été élu dans cette assemblée, après avoir quitté le Gouvernement, je me suis réjoui d'être enfin libéré de Bercy et de la Chancellerie car je pensais pouvoir ainsi défendre les PME avec une grande liberté. C'était compter sans la commission des finances et sans la commission des lois... A chacun son Bercy ! A chacun sa Chancellerie ! (Sourires.)
Mais cette surveillance est évidemment constructive et nous avons eu, les uns et les autres, des échanges fructueux.
Sur des sujets aussi compliqués que l'affectation du patrimoine, par exemple, grâce à l'apport de la commission des lois, nous avons élargi notre champ de réflexion. Ce travail en collaboration a été très constructif et je tiens, en toute sincérité, à vous en remercier.
Nous examinons aujourd'hui un texte qui vise à inciter les pouvoirs publics à relancer dans notre pays une vraie dynamique des PME au moment où l'économie est en train de changer de dimension.
Au fond, le xxe siècle a mésestimé le fait PME. On a essayé de le « ringardiser » pendant très longtemps, s'efforçant d'enfermer la petite dimension, souvent provinciale, dans une image passéiste à laquelle on condescendait de temps à autre à reconnaître un zeste d'authenticité, voire de talent. Mais, globalement, cette entité semblait relever de l'artisanat, une sorte de vestige d'une économie du passé. C'était sans doute se tromper sur l'avenir des structures à taille humaine.
En favorisant la concentration, le gigantisme, la grande distribution, la puissance sur la proximité, le siècle qui s'achève a globalement pénalisé les petites entreprises qui étaient, de fait, peu reconnues dans notre société. Heureusement, il y avait des exceptions ; heureusement, beaucoup d'entre nous se sont battus contre ce phénomène. Mais, là, mon propos concerne une très longue période et dépasse les clivages politiques.
Au fond, le climat culturel qui entourait les PME était empreint de mésestime. J'y vois une grave erreur stratégique à l'égard de la véritable source de la création de richesse.
Dans ces conditions, la création d'entreprises relevait du parcours du combattant, parsemé d'obstacles. Il fallait avoir beaucoup d'expérience, il fallait avoir les reins solides, il fallait avoir des atouts pour se lancer dans une telle opération. Dès lors, les créateurs apparaissaient comme des héros qui avaient accompli l'exceptionnelle performance de surmonter la paperasserie et d'avoir réussi à trouver de l'argent.
La difficulté de l'exercice a conduit à considérer la création d'entreprise comme une action économique assez exceptionnelle, voire tout à fait extraordinaire. Cela explique le déclin progressif de la création d'entreprises dans notre pays, particulièrement sensible, Jean François-Poncet le notait tout à l'heure, chez les jeunes diplômés français par rapport à certains de leurs homologues voisins.
Il est très préoccupant pour nous de voir qu'au fond, compte tenu du climat culturel de notre société, la création d'entreprises n'est pas perçue comme un acte économique majeur, ni même naturel.
Naturellement, le volume de paperasserie, l'omniprésence de la bureaucratie, la permanence des tracasseries bancaires, qui rendent difficile aujourd'hui encore de créer une entreprise, expliquent le caractère apparemment extraordinaire de cette démarche.
Mais le temps arrange les choses, les actions aussi peut-être... Quoi qu'il en soit, le multimédia facilite globalement les procédures. A l'évidence, les nouvelles technologies vont alléger les fichiers et faire disparaître les papiers. Ainsi, progressivement, la nouvelle économie sera aussi porteuse de simplification.
Je pense également que la nouvelle économie incite le marché à s'intéresser plus à la création d'entreprises. Aujourd'hui, beaucoup de produits nouveaux et d'initiatives relatifs au capital-risque apparaissent. Des actions publiques, mais aussi privées, se mettent en place. C'est ainsi que le rôle de la banque du développement des PME, la BDPME, par exemple, comme matrice de cette action est positif.
Je crois aussi que le marché a compris que la création d'entreprises est désormais une fonction majeure de la nouvelle économie.
Voilà quelques instants, j'animais dans une autre salle de ce palais un débat entre M. Jean-René Fourtou, fondateur d'Aventis et le jeune créateur d'une start up qui s'emploie depuis une dizaine d'années à être spécialiste du service sur Internet. A dix-huit ans, il a créé son entreprise et aujourd'hui, à vingt et un ans, il est à la tête d'une entreprise au capital de 21 millions de francs et qui emploie trente personnes.
Il ressortait de ce débat que cette dynamique n'était contrariée ni par la paperasserie ni par le financement, mais l'était par la difficulté de maîtriser la croissance de l'entreprise. Son souci est en effet de lui conserver une taille humaine pour en garder le contrôle et rester autonome par rapport aux clients et aux médias.
Au fond, on voit bien que cette nouvelle économie porte en elle une nouvelle forme de développement des entreprises. Le siècle qui s'annonce est beaucoup plus ouvert à la dynamique de création.
De ce point de vue, je crois qu'on peut être résolument optimiste : il y a là un potentiel extraordinaire et il est clair que les Français en général, et les jeunes en particulier, sont demandeurs de création. Toutes les études montrent d'ailleurs que 3 millions de Français auraient envie de créer leur entreprise. Donc, l'obstacle, qui n'est pas à rechercher dans la culture globale de notre pays, réside dans la perception que nous avons des mécaniques économiques. Au fond, les choses vont dans la bonne direction...
Dans cette circonstance il appartient, selon moi, aux politiques d'accélérer les choses. C'est l'objet du texte de Francis Grignon qui nous a tous invités à participer à un immense travail d'écoute, de dialogue et de construction économique.
Nous voulons, finalement, accélérer le processus. La direction prise pour la création d'entreprises est bonne. Comme le soulignait le président Jean François-Poncet, elle s'affiche comme un élément majeur du développement, notamment au niveau des territoires : nous savons bien que nous ne mettrons pas un terme au chômage en privilégiant le développement exogène - l'attente angoissée de la venue des Toyota, par exemple ! C'est par le développement endogène, qui apportera une fertilité nouvelle à nos territoires, que nous trouverons les sources de l'emploi.
Cette dynamique, il nous faut l'accélérer. Telle est l'ambition de ce texte, qui nous indique notamment trois directions qui me paraissent importantes.
La première d'entre elle, c'est la recherche de l'épargne de proximité. Cette logique me paraît essentielle, car la France accuse aujourd'hui en la matière un certain retard.
Quand on nous dit - je ne sais pas si le chiffre est exact, mais il est cité partout - qu'aujourd'hui 80 % des créateurs créent leur entreprise avec moins de 30 000 francs, cela signifie, même si le chiffre est approximatif, que les besoins financiers sont globalement assez modestes pour être satisfaits dans un espace territorial.
Il faut vraiment permettre, au-delà des familles des créateurs, à tous les acteurs intéressés par la dynamique de nos territoires, d'y participer.
Méfions-nous ! A quoi correspond, dans la dynamique de nos territoires, l'intérêt pour la Bourse qui, après avoir été réservée très longtemps à certaines élites, devient aujourd'hui de plus en plus populaire ? Cela signifie qu'au lieu d'investir dans le développement local, un certain nombre de nos acteurs économiques locaux préfèrent le développement national, voire mondial, au risque de créer un autre processus de centralisation qui « pompe » l'épargne dans nos territoires pour aller la disperser dans le monde entier...
M. Gérard Cornu. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin. Les fonds communs de placement de proximité que propose de mettre en place le texte de Francis Grignon nous donnent la possibilité de régler le problème majeur de la proximité du capital en levant de l'épargne locale pour des entreprises locales. Nous ne demandons rien d'autre que de bénéficier, avec le même statut que les FCPI, d'une légère stimulation fiscale.
Les problèmes de financement des familles françaises, des communes et des régions seront beaucoup plus facilement surmontés grâce à cette mobilisation de l'épargne de proximité.
D'autres initiatives sont prises. Celle-ci me paraît très importante pour l'avenir. Pourquoi irions-nous chercher ailleurs ce que le territoire peut nous donner ?
Pour faire du développement endogène, nous avons une population qui a envie d'entreprendre. Certains ont les moyens d'épargner. Faisons en sorte que leur épargne profite à une dynamique économique territoriale : c'est un des objectifs du texte qui nous est aujourd'hui présentés.
La deuxième direction dans laquelle nous devons nous engager consiste à assurer un statut du créateur. Un certain nombre de propositions nous sont faites.
Elles sont notamment destinées - et je crois que c'est important - aux techniciens, aux ingénieurs. Elles s'adressent à tous ceux qui, aujourd'hui employés dans une entreprise, souhaitent fonder la leur, veulent créer leur propre emploi mais aussi défendre eux-mêmes leurs projets. Faisons en sorte qu'ils puissent sortir de l'intérieur de l'entreprise et participer au développement de nos territoires !
Aujourd'hui, dans la mesure où il leur faut tout abandonner pour initier cette démarche, leur statut personnel est fragile et ils sont en situation d'instabilité, notamment familiale. Les conditions ne sont donc pas réunies pour qu'ils puissent porter des projets de développement économique et créer leur entreprise, petite ou moyenne.
La sécurité qu'apportera aux créateurs le présent texte en leur donnant un statut est donc fondamentale. L'idée de verser des allocations au salarié qui quitte une entreprise pour aller vers le dispositif doit aussi être développée.
Le texte de M. Allègre est intéressant et positif : dans la logique d'incubateur, il veut offrir aux fonctionnaires, notamment à des chercheurs, ce type de statut. Un statut intermédiaire pourrait les amener à la création, en leur garantissant la sécurité du droit de retour.
Nous devons approfondir ces questions. C'est bien de le faire dans la logique de l'offre scientifique, en partant du laboratoire, mais il faut aussi le faire dans la logique de la demande entrepreneuriale, c'est-à-dire en partant de l'entreprise. Des incubateurs d'entreprises doivent permettre aux entreprises ayant des besoins de recherche et des besoins technologiques de se lancer, seules ou par grappes, dans des logiques d'incubation à leur bénéfice, naturellement en partenariat avec les universités ou les centres de recherche.
Par conséquent, on voit bien que la logique de l'incubation est une logique importante, qu'il s'agisse de l'offre scientifique ou de la demande entrepreneuriale. Cela revient toujours à la même idée : faire en sorte de donner au créateur un statut, de façon qu'il puisse passer du projet à l'entreprise et qu'il bénéficie ainsi d'un certain nombre de protections. Evidemment, si on accumule tous les risques et tous les dangers sur la personne au moment où elle doit créer, soyons sans illusion, elle ne créera pas, surtout quand les statuts précédents sont plutôt confortables. Par conséquent, il nous faut mener une réflexion sur le statut des créateurs.
C'est important pour nos collectivités territoriales. J'ai été très impressionné par les dynamiques qui sont mises en place un peu partout dans le monde, notamment au Québec. Les logiques québécoises sont très intéressantes. Le Québec s'est lancé dans des logiques de prédémarrage d'entreprises, mais en impliquant les entrepreneurs et les élus dans le choix de projets, c'est-à-dire dans le pari. On fait un pari sur tel ou tel projet de recherche et à un moment on investit. Par conséquent, il y a des appels d'offres, des sélections et les projets qui sont retenus sont accompagnés, pas comme on l'a fait souvent en France, c'est-à-dire pendant une courte période suivant l'acte de création, mais bien en amont et bien en aval, dans les cinq ans de la création, sur une période plus longue.
Nous devons travailler dans cette direction. C'est une des dispositions du texte, qui est très importante. Il faut effectivement faire en sorte que le créateur soit accompagné durablement et que notamment tous ceux qui ont un statut à quitter puissent trouver, dans la création d'entreprise, les conditions de sérénité nécessaires.
La troisième grande orientation touche à l'action publique.
Elle me paraît très présente dans le texte, s'agissant notamment des marchés publics. Je crois que nous avons fait un bon travail sur ce point ; M. Galland et M. Strauss-Kahn y avaient contribué. De nombreux dossiers sont sur la table et il est important d'avancer sur ces questions.
L'allotissement est une idée à laquelle nous sommes tous très attachés dans nos collectivités territoriales et qui est au coeur de la small business administration aux Etats-Unis. C'est une idée dont nous avons besoin pour faire en sorte que les petites entreprises puissent trouver leur place dans les marchés publics, sinon les logiques nécessaires de la transparence et du développement feront que, globalement, la puissance l'emportera sur la proximité. Or nous sommes, par définition, l'assemblée des élus de la proximité. Nous devons donc faire en sorte que les entreprises de proximité trouvent leur place dans les marchés publics.
La dernière orientation qui me paraît très importante dans cette logique de l'action publique, c'est tout ce que nous pouvons faire pour mieux accompagner la création d'entreprise. Cette idée d'accompagnement, qui est présente tout au long du texte de M. Francis Grignon, doit, selon moi, trouver plus de place dans les politiques publiques en France.
Il faut remonter en amont dans l'éducation, dans les dispositifs de formation. Il est clair que nous avons aujourd'hui, dans notre république, un droit à l'éducation, qui doit pouvoir intégrer un droit à la création. En prolongement de la formation, il faut que les jeunes dans l'université ait cette capacité de créer leur propre entreprise. Il faut donc des pépinières, des fonds de capital-risque, un certain nombre de possibilités à l'intérieur même des universités, afin que le potentiel de création soit dans les écoles d'ingénieurs, dans les écoles de commerce et dans les universités. Il y a là, dans cette idée d'accompagnement qui sous-tend le texte aujourd'hui proposé, beaucoup d'avenir.
Je sais que vous organisez prochainement des assises de la création. Je souhaite vraiment que, dans ce pays, on mobilise tous les moyens de l'action pour la création d'entreprises. La nouvelle économie est favorable à la création. La France est capable de dégager une énergie formidable pour la création. Kant disait que la création est une communion ; j'espère au moins qu'elle sera une convergence ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) (M. Paul Girod remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aujourd'hui, la Haute Assemblée doit se réjouir d'examiner un texte issu des travaux du groupe de réflexion intitulé « Nouvelles entreprises et territoires », présidé par Jean-Pierre Raffarin, qui, devant l'urgence d'inverser la tendance à la diminution de la création d'entreprises dans notre pays et face à l'attentisme persistant du Gouvernement dans ce domaine, a su nous proposer tout un dispositif de mesures concrètes tendant à améliorer l'environnement et l'accompagnement de la création et du développement des entreprises sur notre territoire.
Présentant une palette variée de mesures innovantes destinées aussi bien aux micro-projets qu'aux petites et moyennes entreprises et véritable boîte à outils en direction des acteurs du développement local, le dispositif qui nous est soumis aujourd'hui s'inscrit dans la lignée de la réflexion et des travaux que mène le Sénat depuis près de dix ans dans le domaine de l'aménagement et du développement du territoire. Comme chacun le sait ici, ce domaine constitue un facteur déterminant de la compétitivité économique de la France et est le gage du rayonnement de celle-ci.
Dans un environnement mondialisé et instable, le territoire et la solidarité collective sont et seront toujours des atouts essentiels de notre pays dans la compétition économique entre les Etats. A l'inverse, seul le développement économique, en particulier le développement d'activités nouvelles, permettra, d'une part, de revitaliser le monde rural et, d'autre part, de mener une politique urbaine plus équilibrée. En effet, il est illusoire de penser, quels que soient les moyens à mettre en oeuvre, que l'on réglera les problèmes des banlieues et de la désertification du monde rural sans encourager l'activité économique.
Je tiens à rappeler à notre assemblée que, dans cette perspective et conscient de cet enjeu fondamental, notre collègue M. Gérard Larcher, lors de l'examen du projet de loi sur le développement durable du territoire, avait déjà proposé des dispositions allant dans ce sens.
Sur son impulsion, le Sénat avait notamment adopté la création de fonds communs de placement de proximité, sur le modèle du FCPI, afin de drainer l'épargne de proximité des particuliers vers les entreprises des zones en difficulté.
Je tiens à rappeler que le Gouvernement avait refusé ces dispositions, par la voix de son ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, au prétexte que cette formule était « coûteuse en frais de gestion ».
On voit ici quelles sont les priorités du Gouvernement. Elles sont peu économiques, si peu économiques que la mise en application, au 1er février dernier, de la loi sur les 35 heures provoque de multiples conflits sociaux dans le secteur public comme dans le secteur privé.
En admettant que « les frais de gestion » soient effectivement coûteux, pour reprendre les propos de Mme Dominique Voynet, la cagnotte fiscale de M. Christian Sautter, d'un montant de quelque 30 milliards de francs, comme l'avait d'ailleurs prédit, je le fais remarquer au passage, notre éminent collègue M. Marini, devrait permettre d'y remédier.
Ces fonds communs de placement sont essentiels quand on connaît l'importance des financements de proximité pour la création des petites entreprises et les tous premiers moments de leur existence.
Chacun d'entre nous a été confronté sur le terrain au moins à un exemple de créateur d'entreprise qui, n'ayant pu bénéficier de financement de proximité, a été contraint, au mieux, de délocaliser le siège social de son entreprise en Grande-Bretagne ou en Espagne, véritable terre d'accueil de la jeune entreprise où les fonds communs de placement sont monnaies courantes, ou, au pire, de se décourager devant le risque social, ou tout simplement de fermer boutique, faute d'accompagnement et d'aide financière.
Avec le développement des nouvelles technologies- M. Jean-Pierre Raffarin a évoqué ce point tout à l'heure en prenant l'exemple d'un jeune créateur d'entreprise âgé de vingt et un ans - les créateurs d'entreprise, c'est-à-dire les créateurs de richesses et d'emplois, seront de plus en plus jeunes et donc plus fragiles financièrement. Aussi, il faut tout faire pour aider cette nouvelle forme de création d'entreprise. En un mot, il faut encourager et aider ceux qui osent prendre des risques.
Ces financements de proximité, contrairement à ce que prétend le Gouvernement, sont vitaux, et les chiffres en témoignent.
Par conséquent, on ne peut pas mener une politique d'aménagement et de développement du territoire sans mener une politique économique énergique en faveur de ce territoire.
Plus largement, les chiffres montrent que l'enjeu aujourd'hui est de favoriser rapidement le développement de l'actionnariat salarié.
Là aussi, notre assemblée a déjà montré la voie en adoptant une proposition de loi présentée par notre éminent collègue Jean Chérioux, le 16 décembre dernier. Devant les obstacles susceptibles de favoriser la progression actuelle de l'actionnariat salarié, le Sénat avait en effet adopté vingt-huit propositions afin d'accompagner ce mouvement.
Je tiens, parce que c'est important, à rappeler que ces propositions s'articulent autour de cinq grands principes.
Elles sont incitatives, l'actionnariat salarié devant rester une démarche volontaire et relever de la négociation.
Elles visent à favoriser un développement dans le cadre contractuel, l'ambition de l'actionnariat salarié étant justement de substituer à l'affrontement stérile entre capital et travail une réelle association.
Elles cherchent à assurer la fidélisation des salariés, leur actionnariat devant être conçu non comme un investissement spéculatif mais comme une participation stable et durable.
Elles tendent à garantir l'organisation de l'actionnariat salarié dans une démarche collective, un actionnariat individuel n'ayant aucun poids s'il n'est pas organisé.
Enfin, elles adaptent l'actionnariat salarié aux besoins des entreprises, en ouvrant des voies différentes et souples qui permettent aux entreprises et aux salariés de trouver un mode d'actionnariat adapté à leurs spécificités.
Véritable réponse aux aspirations convergentes des entreprises et des salariés, l'actionnariat est aussi un outil de développement et d'aménagement du territoire, en pérennisant ou en créant des entreprises sur le territoire.
Cette nouvelle initiative du Sénat, que nous encourageons aujourd'hui, montre, une nouvelle fois, la voie à suivre.
En conclusion, pour reprendre les propos de notre collègue Joseph Ostermann, je dirai que cette proposition de loi est audacieuse et inventive. C'est avec de l'audace et de l'inventivité que l'on saura rattraper en France notre déficit de création d'entreprises. Je me permets d'ajouter que, pour répondre à cet enjeu, nous devons tous nous rassembler, au-delà des intérêts particuliers. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

CANDIDATURES
À UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France.
En application de l'article 11, alinéa 2, du règlement, la liste des candidats présentée par les présidents des groupes a été affichée et les candidatures seront ratifiées, s'il n'y a pas d'opposition, dans le délai d'une heure.

6

CRÉATION ET DÉVELOPPEMENT
DES ENTREPRISES SUR LES TERRITOIRES

Suite de la discussion des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. Nous reprenons la discussion des conclusions du rapport (n° 189, 1999-2000) de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi (n° 254, 1998-1999) de MM. Jean-Pierre Raffarin, Francis Grignon, Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Bizet, Jean Boyer, Marcel Deneux, Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean Huchon, Patrick Lassourd, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Paul Natali, Louis Moinard, Jean Pépin, Charles Revet et Raymond Soucaret, tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires. (Avis n°s 200 et 201 [1999-2000]).
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est amené à examiner les conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi de M. Raffarin et de certains de nos collègues tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires.
La Haute Assemblée a déjà eu l'occasion de débattre de certaines des dispositions présentées dans ce texte lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire voté voilà sept mois.
Comment faut-il, dès lors, comprendre l'obstination de certains de nos collègues de la majorité sénatoriale à remettre sur le chantier, par le biais de leur « fenêtre parlementaire », une proposition de loi qui, à l'évidence, pas plus qu'en juin dernier, ne dépassera les murs de cette enceinte ?
S'il faut, certes, créditer la majorité sénatoriale d'une certaine constance dans les positions qu'elle défend sur ce sujet, on peut toutefois légitimement s'interroger sur la stratégie mise en oeuvre au travers de ce texte.
S'agit-il, mes chers collègues, d'alerter le Gouvernement sur les insuffisances ou les défaillances des mécanismes existants en faveur de la création d'entreprises ? Si tel est le cas, j'y suis favorable. Le Gouvernement est d'ailleurs conscient de ce problème et compte bien, je pense, faire des propositions.
S'agit-il plutôt de garantir, pour l'avenir, certaines relations privilégiées entretenues par quelques collectivités territoriales et les entreprises qu'elles abondent, au travers de dégrèvements fiscaux ou par l'accès prioritaire des marchés publics ?
S'agit-il de modifier notre législation pour concilier durablement la logique d'entreprise et les politiques en faveur de l'aménagement du territoire ou bien, plutôt, de rendre légales certaines pratiques contestables qui sortent, aujourd'hui, du cadre juridique ?
L'opposition des membres du groupe communiste républicain et citoyen, déjà exprimée à l'égard de cette proposition de loi, ne sera pas démentie aujourd'hui, qu'elle repose sur le contenu des dispositions présentées par ce texte ou qu'elle se réfère à la démarche pour le moins politicienne qui anime ses auteurs.
Sur le fond, nous ne pouvons, bien évidemment, que souscrire à l'objectif de promotion de la création d'entreprise à taille humaine dans notre pays, surtout dans un contexte où il est davantage question de concentrations, de restructurations industrielles, de fusions et autres offres publiques d'achat, comme l'ont souligné les intervenants, ce matin.
En outre, par une série de mesures fiscales dérogatoires au droit commun, ce texte s'inscrit de plain-pied dans une pratique qui n'a que trop longtemps prévalu et qui est de plus en plus dénoncée, pratique qui consiste à faire supporter par la collectivité, c'est-à-dire par le contribuable, les risques d'entreprises, assumés en principe par les investisseurs.
En effet, que sont « les pôles d'incubation territoriaux » ou les fonds d'amorçage locaux, sinon des mécanismes destinés à doter les régions les plus riches d'un arsenal fiscal à même d'attirer des capitaux privés au détriment des collectivités voisines, moins bien pourvues ?
Non seulement ces mesures auraient pour conséquence d'aggraver les disparités entre les collectivités locales mais, de plus - et c'est tout aussi choquant -, elles conduiraient à faire supporter l'échec d'une installation ou d'une reprise d'entreprise sur la seule collectivité publique.
En outre, aucune garantie n'existe, dans ce texte, ni sur la pérennité des investissements réalisés par l'entrepreneur ni sur l'implantation locale de l'entreprise, ce qui laisse présager une volatilité des capitaux, attirés par des horizons fiscaux plus avantageux.
Transférer le risque sur le contribuable est une chose, mais conforter un système de prédation et de fraude fiscale au gré des « primes » alléchantes offertes par les collectivités locales est, me semble-t-il, tout aussi inacceptable.
Eriger ainsi le dumping fiscal comme élément fondamental d'une politique d'aménagement du territoire me paraît non seulement inefficace, du strict point de vue économique, mais également intolérable, au regard de la transparence nécessaire sur l'utilisation des fonds publics alloués aux entreprises.
Il convient de noter, à ce propos, qu'il n'est envisagé, dans cette proposition de loi, aucune forme d'évaluation et de contrôle de l'efficacité des aides ou des détaxes accordées par les pouvoirs publics aux investisseurs privés, pas plus, d'ailleurs, qu'il n'existe de réflexion, au sein de la majorité sénatoriale, sur l'utilisation, la destination et la portée des subventions publiques accordées aveuglément depuis plus de vingt ans aux entreprises, malgré les limites et les échecs que chacun, de bonne foi, peut constater, sur la politique de lutte contre le chômage.
Comment comprendre que la majorité sénatoriale, d'habitude si prompte à exiger la rigueur dans la gestion des budgets nationaux et sociaux, soit, par ailleurs, si peu encline à vouloir la transparence, lorsque les transferts profitent au patronat ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oh !
M. Gérard Le Cam. Le 24 février prochain, le Sénat aura à examiner une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale sur l'initiative du groupe communiste, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises. Nous verrons alors si la majorité sénatoriale accepte de jouer le jeu de la transparence, ou bien si elle préfère entretenir l'opacité d'un système qui dessert l'équilibre budgétaire, la création d'emplois et nourrit la spéculation avec l'argent des Français.
C'est d'ailleurs dans ce système que s'engouffre le dispositif développé dans cette proposition de loi, puisque la conditionnalité des aides à la création d'emplois n'est pas évoquée, pas plus, d'ailleurs, que la participation des salariés à la définition de la stratégie financière et industrielle des entreprises.
Plus étonnant : les priorités semblent inversées entre l'entreprise et l'aménagement du territoire. En effet, le territoire, au lieu d'être conçu comme l'espace pertinent dans lequel tel ou tel projet d'entreprise peut être mis en oeuvre, en cohérence avec les actions développées par les acteurs locaux et les élus, est, à l'inverse, considéré comme une simple variable d'ajustement qu'il faudrait adapter aux réalités des marchés financiers.
En résumé, les questions cruciales de l'emploi et de l'aménagement du territoire sont absentes de ce texte. Il s'agit ni plus ni moins, pour nos collègues, d'appliquer le principe libéral de socialisation des pertes et de privatisation des gains en permettant à la puissance publique de venir au secours du marché, lorsque celui-ci se révèle défaillant, et, le cas échéant, de prendre en charge les dégâts du libéralisme.
Que la solidarité nationale s'exprime, nous en sommes tous d'accord ; mais peut-on, comme vous le faites avec cette proposition de loi, déresponsabiliser à ce point les investisseurs privés qui ne seraient soumis à aucune obligation et, en cas d'échec, verraient leurs pertes compensées par les finances locales ?
J'observe enfin que l'exposé des motifs de la proposition de loi de M. Raffarin, pas plus d'ailleurs que les rapports de nos collègues M. Grignon, pour la commission des affaires économiques et du Plan, et M. Ostermann, pour la commission des finances, ne proposent une évaluation du coût budgétaire pour l'Etat et les collectivités locales de l'application de ces mesures.
Tout au plus nous est-il proposé de compenser les pertes de recettes résultant de ce texte par une augmentation équivalente des droits sur les tabacs ! Dans le même temps, il est suggéré de faire des économies sur les dépenses de l'Etat, sans nous préciser lesquelles ni dans quelle proportion.
Il est un peu facile, enfin, de prétendre que l'équilibre financier serait rétabli, du fait des rentrées fiscales espérées, alors qu'aucune étude d'impact ne nous est proposée sur la création nette d'entreprises escomptée.
Vous le voyez, mes chers collègues, le financement de cette proposition de loi est bien trop aléatoire pour pouvoir aboutir en l'état, y compris si la droite revenait aux affaires.
Les nouvelles marges de manoeuvre dont dispose l'Etat - et comment ne pas s'en réjouir ? - peuvent permettre, précisément, d'alléger les charges financières qui pèsent sur les PME et les PMI.
Les politiques successives de rigueur budgétaire et monétaire pratiquées depuis quinze ans dans la perspective de la mise en place d'une monnaie unique européenne et le renchérissement du crédit qui s'est ensuivi ont fortement contribué à pénaliser le potentiel de développement des petites entreprises dans notre pays.
Il est un autre aspect absent de cette proposition de loi : la nécessaire péréquation des politiques fiscales entre les régions, que nous appelons de nos voeux, pour favoriser la solidarité des territoires au lieu d'une mise en concurrence destructrice du tissu économique et social.
Nous sommes également, pour notre part, favorables à une mutualisation des risques et des financements, de façon à recréer ou reconstituer des rapports de réciprocité et de solidarité, autour des PME et des PMI, afin de permettre un développement durable et harmonieux des territoires.
C'est, du reste, la proposition de création de fonds régionaux pour l'emploi et le développement que nous avons fait aboutir dans la loi du 25 juin 1999. La droite s'était opposée à celle-ci, alors qu'il ne s'agissait que de la rédaction d'un rapport des conditions de faisabilité de tels fonds.
Ces fonds devraient, selon nous, appuyer la création d'entreprises sur le fondement de projets étudiés, évalués et contrôlés, dans un souci de transparence, avec l'ensemble des acteurs : élus, salariés et professionnels.
Enfin, une politique active en direction des PME et des PMI ne peut être menée efficacement sans la présence de services publics performants, dotés des moyens financiers et humains adaptés aux besoins des populations. L'attractivité des territoires, particulièrement des zones rurales, passe, nous le savons, par le développement d'un réseau suffisamment dense d'entreprises publiques et d'emplois publics, afin de permettre le désenclavement de certains territoires et les meilleurs conditions d'accueil des salariés potentiels d'entreprises en gestation.
Toute politique en faveur de la création d'entreprises sera vouée à l'échec si, en amont, l'Etat a lui-même déserté le terrain et si la demande n'est pas stimulée par un pouvoir d'achat en progression.
Telles sont les quelques pistes de réflexion que nous aurions voulu retrouver dans les conclusions de la commission des affaires économiques, au lieu d'un empilement de mesures qui visent davantage à satisfaire des intérêts particuliers qu'à répondre à l'intérêt général.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Rinchet.
M. Roger Rinchet. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui est d'une importance capitale pour l'avenir de notre pays, car il devrait permettre d'apporter des solutions à un double problème : celui de la lutte efficace et durable contre le chômage par le développement économique et celui de l'aménagement équilibré de notre territoire.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des propositions qui sont présentées dans le texte - nous en avons déjà longuement débattu en commission - mais je voudrais insister sur quelques points qui me tiennent à coeur et qui sont l'objet de ma réflexion et de mon expérience de plus de trois décennies d'élu aménageur du territoire.
Tout d'abord, force est de reconnaître que les Français n'aiment pas leur industrie. Les raisons de ce désintérêt sont diverses : l'image désastreuse que nous conservons de l'avènement de la grande industrie dans notre pays au xixe siècle y est sûrement pour quelque chose ; l'image trop idyllique d'une France rurale où il fait bon vivre au contact avec la nature également.
Les débats sur l'agriculture passionnent davantage le Parlement que les débats sur les activités secondaires ou tertiaires de notre pays car, dans le premier cas, les intéressés sont plus facilement identifiés que dans le second, le chef d'une entreprise industrielle ne l'étant pas toujours clairement.
On pourrait également ajouter la tradition française pour un service public fort et l'attirance que beaucoup de nos concitoyens continuent d'avoir pour la fonction publique.
Pourtant, l'énorme majorité des Français vivent grâce à une activité qui n'est pas agricole, que ce soit dans le commerce, dans l'industrie ou dans l'ensemble du secteur tertiaire et des services, et la plupart d'entre eux souhaitent trouver un emploi hors du secteur primaire.
Il faut bien comprendre que le développement de l'emploi passe par le développement de l'entreprise, qu'elle soit petite ou grande, locale ou nationale, française ou étrangère.
Nous avons plus que d'autres pays, voisins ou éloignés, à changer nos mentalités, notre culture et, surtout, nos méthodes, nos façons de penser et de faire et, bien entendu, nos lois et règlements.
Dans nos communes et nos départements, les zones industrielles, les zones artisanales ou les zones d'activités économiques figurent sur le papier dans de très nombreux plans d'occupation des sols ou schémas directeurs d'aménagement, mais, sur le terrain, cela se résume souvent à des terrains vagues, parfois dans des marécages, trop souvent mal situés par rapport aux voies de communication, sans aucun équipement en matière de réseaux secs ou humides, et l'on pense que tous les équipements pourront se réaliser lorsque le premier investisseur arrivera. Erreur d'analyse car, dans de telles conditions, l'investisseur va frapper à d'autres portes, en France ou à l'étranger, là où il sera accueilli comme il l'avait imaginé, dans un site équipé.
En tant que président d'un comité d'expansion départemental, j'ai souffert de voir trop d'investisseurs prendre poliment congé de nous parce que nous n'avions pas été capables de leur proposer des parcs d'activités dignes de ce nom, et j'ai décidé, avec des élus de plusieurs communes voisines, de créer un parc d'activités intercommunal pour répondre aux attentes que j'avais cru déceler dans mes rencontres avec les chefs d'entreprises à la recherche d'une localisation.
Nous avons choisi un terrain suffisamment vaste - une centaine d'hectares dans un premier temps - situé à un carrefour de deux autoroutes, de deux routes nationales et de deux voies ferrées, face à ce merveilleux massif de Belledonne, que certains d'entre nous connaissent bien.
Nous avons immédiatement viabilisé les deux tiers des terrains. Grâce à une avance du conseil général et à un important effort des communes du syndicat intercommunal, nous avons ouvert des voies avec trottoirs, pistes cyclables et éclairage public pour sécuriser le parc la nuit. Nous avons décidé de réserver de vastes surfaces pour les coulées vertes, les espaces fleuris : nous avons planté des milliers de rosiers et d'arbustes à fleurs avant de recevoir le premier investisseur.
Les taux de fiscalité locale ont été fixés à un niveau très raisonnable - avec une exonération pendant cinq ans - de même que les prix de vente des terrains. Les premières entreprises sont arrivées, malgré le marasme du milieu de la décennie quatre-vingt-dix.
Mais la partie n'était pas définitivement gagnée. En effet, c'est alors qu'a surgi le projet de TGV Lyon-Turin, avec sa cohorte de tracés et de fuseaux potentiels dont trois traversaient le parc de part en part, gelant ainsi la quasi-totalité des lots à vendre.
Il a ainsi fallu, la mort dans l'âme, expliquer à un investisseur canadien que, malgré le permis de construire accordé et le dossier d'établissement classé réglé, nous ne pourrions donner l'ordre de service pour le démarrage des travaux. L'entreprise - la première usine de fabrication de pièces détachées pour automobiles en magnésium qui se serait installée en Europe ! - a dû renoncer et aller s'installer en vallée d'Aoste, où toutes les formalités administratives, urbanistiques, techniques et financières ont pu être réglées rapidement, l'usine ouvrant ses portes moins d'un an après que nous avons renoncé de ce côté-ci des Alpes.
Ironie du sort, un mois à peine après avoir dû prendre la décision d'annoncer notre incapacité de les recevoir, l'hypothèque du tracé TGV était levée. Trop tard, et quel gâchis ! Qui avait été responsable de ce raté ? La SNCF ? Le ministère des transports ? La préfecture ? Tous et personne ! D'une façon plus générale, c'est la lourdeur et la lenteur des décisions dues à une insouciance très française vis-à-vis de la création d'entreprise.
Les nouvelles demandes d'implantation nous ont contraints d'apporter des modifications mineures au PAZ et au RAZ, le plan et le règlement d'aménagement de zone. Nous avons pour cela dû patienter plus d'une année. C'est beaucoup trop long !
Mieux ou pis, un client a souhaité - ce qui se comprend aisément - s'installer en bordure de l'autoroute sur des délaissés que la société autoroutière doit rétrocéder au syndicat intercommunal, mais les démarches, commencées il y a dix ans, n'ont pas encore abouti. Là encore, il n'y a pas mauvaise volonté, mais des lenteurs inadmissibles relevant d'un autre siècle.
Malgré ces difficultés, douze entreprises occupant environ 300 salariés sont d'ores et déjà installées.
A leur demande, nous avons décidé d'aller plus loin et nous avons créé un centre d'accueil et de services qui mettra à la disposition des entreprises un restaurant inter-entreprises, un bureau de poste, des salles de réunion équipées pour la vidéo et la visio-conférence, par exemple. Les travaux seront terminés en mars et nous réfléchissons déjà à une pépinière d'entreprises qui sera implantée à côté du centre d'accueil.
A ce sujet, nous avons préféré garder le terme à l'évocation plus naturelle de « pépinière » plutôt que celui d'« incubateur », à la résonance trop médicale, qui est employé dans le texte de la proposition de loi. Mais qu'importe le vocabulaire ! Ce qui compte, c'est l'idée, et l'idée est excellente.
A une période de notre vie économique où le secteur tertiaire et celui des services sont de plus en plus créateurs d'emplois, prenant le relais du secteur secondaire, au moment où beaucoup de jeunes reprennent goût à la création d'entreprise, la pépinière d'entreprises va jouer dans nos territoires un rôle majeur.
Les nouvelles techniques de l'information et de la communication vont permettre à des jeunes, animés par l'esprit d'entreprise, de tenter l'aventure avec plus de chances de réussite car l'investissement est modeste : un bureau de dimension réduite équipé d'un ordinateur connecté à Internet est souvent suffisant.
Ensuite, pourquoi la pépinière d'entreprises ne mettrait-elle pas à disposition, contre un loyer raisonnable, ces bureaux et ces ordinateurs ? On peut même aller plus loin dans la simplicité, et donc dans l'efficacité, en regroupant sur un même plateau, sans cloisons, plusieurs jeunes créateurs d'entreprise avec un secrétariat commun. C'est plus moderne, et rien de tel que de travailler sur un même plateau pour amorcer un travail en réseau et, peut-être, susciter des regroupements de jeunes entrepreneurs. Avec un « ticket d'entrée » modeste, les chances de réussite augmentent et l'échec, toujours possible, sera psychologiquement moins pénible à supporter.
Je tenais à raconter brièvement cela non par une soudaine poussée égocentrique, mais pour expliquer que la première condition de réussite dans le développement économique, c'est d'avoir une volonté locale forte.
Les collectivités locales doivent se batre pour avoir plus de liberté dans le domaine de l'aménagement du territoire, mais aussi pour obtenir des aides plus importantes de l'Etat dans la mise en place de structures d'accueil de qualité, les investisseurs ne voulant plus s'implanter au millieu d'un désert.
Ces structures d'accueil sont un des soucis premiers des chefs d'entreprise en quête d'une implantation. En effet, j'ai toujours été étonné des premières questions qui nous sont posées lorsque nous recevons un candidat à une implantation : ce n'est pas le montant de la taxe professionnelle, ni le foncier bâti qui sont son premier souci, mais les équipements sociaux - écoles, garderie, centre aéré - sportifs - écoles de sports, piscine, salles spécialisées existant sur place - culturels - quels instruments sont enseignés à l'école de musique, existe-t-il une salle des fêtes, une salle de cinéma ? - ou techniques - existe-t-il le gaz naturel, un réseau de fibre optique, un réseau câblé, de l'eau en quantité, un réseau électrique suffisament puissant, ou bien quelle est la portance du sol, à combien de minutes se trouve l'échangeur autoroutier, la gare, l'aéroport ?
En ce qui concerne l'enseignement, beaucoup de chefs d'entreprise aiment savoir s'il existe des lycées techniques à proximité.
A ce sujet, je préconise que l'on rompe avec une habitude ancienne qui plaçait ces lycées au milieu des villes alors qu'ils devraient être situés au coeur des parcs d'activités, de sorte que, dès leur entrée dans le secondaire, les jeunes lycéens s'apprivoisent avec le milieu de l'entreprise, afin que soit facilitée la symbiose entre le milieu scolaire et le milieu de l'entreprise. Cela aiderait grandement à la recherche de stages pratiques, obligatoires mais introuvables. Certaines machines pourraient servir indistinctement au milieu scolaire et à l'entreprise : aux Etats-Unis, les grands laboratoires sont souvent communs à l'université et à l'entreprise voisine et, parfois, certains ingénieurs sont professeurs et réciproquement.
Ce rapprochement indispensable entre les enseignants et les praticiens de l'entreprise, il est encore plus nécessaire entre les élus politiques et les responsables économiques. Trop souvent, ces deux mondes - pourtant coresponsables de l'aménagement du territoire - s'ignorent ou s'opposent, trop imbus de leur supériorité en la matière, oubliant qu'ils sont complémentaires et ont besoin, pour réussir, l'un de l'autre.
A ce sujet, la décentralisation a eu trop souvent comme effet négatif la suppression des comités d'expansion, qui étaient pourtant un utile lieu de rencontre et d'échange entre décideurs politiques et économiques, administratifs ou financiers. On doit à ces comités de belles conquêtes en matière de développement ou de créations d'entreprises !
Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, dit un adage populaire, mais il ne faut pas non plus confondre temps de la réflexion et lenteur. Il faut que tous les services instructeurs de dossiers réfléchissent vite car, en matière d'implantation d'entreprises, tout retard excessif peut être la cause d'un échec.
Pourquoi faut-il, au temps où l'ordinateur est roi, attendre au moins six mois pour instruire un dossier d'établissement classé ? Pourquoi faut-il pratiquement un an pour modifier - si c'était pour le réviser, ce serait deux ou trois ans ! - un POS ou un règlement d'aménagement de zone ? Pourquoi faut-il plus d'un an pour modifier un périmètre de ZAC ?
Pourquoi faut-il attendre plus de cinq ans, parfois dix, pour choisir entre tel tracé ferroviaire ou autoroutier et tel autre ? Pourquoi faut-il attendre dix ans pour que les délaissés le long des autoroutes soient rétrocédés aux collectivités locales ?
Ces délais, que rien ni personne ne peut justifier logiquement, sont sûrement la cause de nombreux rendez-vous manqués avec des implantations d'entreprises car, lorsqu'un chef d'entreprise a décidé de s'installer quelque part, il ne peut, bien entendu, attendre si longtemps.
C'est pourquoi je pense que les freins au développement ne sont pas toujours financiers, ni législatifs ; ils sont aussi, pour reprendre un mot à la mode, immatériels. C'est un problème de comportement de tous face au développement.
Nous avons, en France, les comportements d'une nation très policée, certes. Mais avec ses habitudes et ses réglementations vieillotes qui se sont ajoutées les unes aux autres, alors que de nouvelles habitudes et de nouvelles règles devraient remplacer celles du passé.
Même si les Etats-Unis d'Amérique ne sont pas un modèle dans tous les domaines, les aménageurs que nous sommes peuvent envier ce pays où l'on peut créer son entreprise en moins d'une journée !
Je connais, madame la secrétaire d'Etat, votre efficacité, votre volonté et celle du Gouvernement de faire changer les choses. Je n'oublie pas votre action, dès votre arrivée au secrétariat d'Etat, visant à simplifier les formalités administratives pour les entreprises et les trente-sept mesures que le Gouvernement auquel vous appartenez a prises en ce sens, sur votre proposition, dès l'automne 1997.
Je n'oublie pas non plus les mesures prises pour alléger les charges fiscales en matière de taxe professionnelle, tous les maires le savent, en vue de favoriser l'embauche dans les entreprises de main-d'oeuvre, mesures opérationnelles depuis deux ans maintenant.
La loi adoptée définitivement par le Parlement le 6 juin 1999 sur l'initiative de votre collègue Claude Allègre et destinée à favoriser la diffusion de l'innovation du monde de la recherche vers celui de l'entreprise et à multiplier les créations d'entreprises innovantes, particulièrement créatrices d'emplois, va dans le même sens.
L'actuelle réforme présentée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et tendant à simplifier l'accès des entreprises à l'administration fiscale en créant un guichet unique pour les entreprises apportera, je le pense, un allégement des tracasseries dont se plaignent souvent les chefs d'entreprise, surtout les plus modestes.
Le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, fonctionne bien et permet un certain nombre d'installations dans le commerce et l'artisanat, notamment en milieu rural. Continuez à faire porter votre effort sur toute réforme qui entraînera une simplification administrative et une accélération des décisions !
Cela passe aussi par un rappel des responsabilités de chacun.
Je suis personnellement fier d'avoir permis, il y a plus de trente ans, une création d'entreprise en mettant - gratuitement, bien sûr - à la disposition d'un artisan pendant quelques mois le garage de ma propre maison pour qu'il commence à travailler avant que la construction de son établissement soit achevée.
Alors que j'étais président du comité d'expansion, combien de fois a-t-il fallu travailler toute la nuit pour être prêt le lendemain matin à présenter tous les documents nécessaires à des investisseurs étrangers à la recherche du meilleur site pour créer une entreprise, sans être pour autant certain de convaincre et de réussir !
Puisque nous parlons ces jours-ci, parfois trop bruyamment, d'excédents budgétaires, j'émettrai le souhait que le budget de la DATAR soit renforcé et que le fameux fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, si utile aux aménageurs que nous sommes, soit abondé.
Vous avez, madame la secrétaire d'Etat - nous nous en sommes déjà rendu compte - un grand pouvoir de persuasion. Il faut l'utiliser au maximum afin que, au-delà des mesures très positives que vous avez prises pour simplifier et optimiser les démarches, les Françaises et les Français, à tous les échelons de responsabilité, aient une attitude plus moderne, plus offensive, plus dynamique et plus confiante.
Il faut, pour cela, changer les mentalités, la culture de nombre de nos concitoyens, faire en sorte que, chacun à sa façon, se sente partie prenante et coresponsable de la passionnante aventure de la création d'entreprise.
Tous les discours - et c'est normal ! - évoquent le plein emploi, ou tout au moins la forte réduction du chômage, comme un remède à beaucoup de maux de notre société. Je le crois profondément.
Mais il faut, pour cela, se convaincre qu'il n'y a pas d'emplois sans entreprise, qu'elle soit publique ou privée, et que favoriser l'éclosion de nombreuses entreprises nouvelles, c'est préparer un XXIe siècle plus dynamique et surtout plus humain, car, en trouvant un emploi, chaque citoyen retrouvera sa dignité et notre société en tirera plus de sérénité et de paix. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Personne ici ne m'en voudra, je pense, de répondre globalement, me contentant de remercier chaleureusement le dernier orateur, qui a évoqué un certain nombre de mesures sur lesquelles je ne reviendrai pas.
Je remercie le Sénat d'avoir autant travaillé sur ce sujet difficile de la création et de la transmission d'entreprise. C'est un sujet dont on parle beaucoup, mais qui, malheureusement, rassemble peu, comme on peut le voir y compris aujourd'hui, parce que l'on a pris l'habitude de se renvoyer la balle.
Je vais essayer de dire en quoi je partage les analyses qui ont été faites et en quoi peut-être, sur certains points, j'en diverge.
S'agissant du constat, plusieurs d'entre vous ont parlé de nouvelle économie, et ils ont eu raison. Nous sommes passés sans nous en rendre compte - je l'ai déjà dit lors de la discussion du budget - de l'ère de la production de masse à l'ère de la production de services, de l'immatériel, de l'intelligence, de la compétence, avec l'appel à des petites structures réactives, mobiles, et, ce faisant, nous n'avons pas adapté notre système.
Comme vous, j'estime qu'en France comme dans beaucoup d'autres pays, l'ensemble du système fiscal et social n'est pas adapté à la création des entreprises nouvelles. C'est pourquoi un certain nombre de mesures ont été prises.
On a cité plusieurs fois Claude Allègre. C'est vrai qu'avec Christian Pierret et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, s'agissant des nouvelles technologies, il nous fallait faire vite. Je note d'ailleurs que le simple appel à projets a reçu 2 000 réponses. Ce n'est pas négligeable. Partant d'une expérience fondée sur les chercheurs, il nous faudra sans doute - on l'a dit - aller au-delà et traiter de l'innovation dans nos entreprises.
Toujours dans le constat, ce qui a retenu l'attention de tous, c'est l'accès au financement.
Pour les projets à fort apport technologique ou de recherche, on peut dire qu'actuellement nous manquons plus de projets que de financements. La mise en place du capital risque, l'effort de garantie fait par la BDPME, la SOFARIS, etc., pour des projets très innovants, tout cela a créé une masse de crédits disponibles, alors qu'il y a peu de projets.
Comme la majeure partie d'entre vous, je parlerai d'une forme de culture. Moi, j'appelle cela la « civilisation trombinoscope », qui veut que le diplôme ouvre l'accès à un poste important dans une entreprise ou dans une administration publique et ne conduise pas forcément à la création d'une entreprise. Nous n'avons pas une culture de la création d'entreprise.
Mais il est clair que, depuis quelques années, la croissance aidant, en particulier ces derniers temps, la notion de création d'entreprise revient sur le devant de la scène. Vous avez tous cité le nombre de personnes qui, dans les sondages, disent avoir eu l'idée d'une création. Donc, nous sommes tout de même sur la bonne pente, même si ce n'est pas suffisant parce que la culture de nos élites n'est pas encore une culture de créateurs.
Si nous avons eu collectivement raison, avec Claude Allègre et Christian Pierret, de porter notre effort essentiellement sur la grande innovation technologique, nous avons encore à favoriser l'innovation dans les entreprises traditionnelles, nos systèmes n'étant pas adaptés à la création de telles entreprises.
Dès que j'ai eu à m'occuper de ce dossier, j'ai essayé de faire accréditer l'idée - je crois avoir réussi - au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie que la garantie, qui est la porte d'ouverture des grandes entreprises, devait enfin être donnée aussi aux petits projets, que, à partir du moment où l'on parlait de la nécessité de garantir les prêts avec la SOFARIS, la SOCAMA, etc., parce que les conventions sont aujourd'hui signées ou en cours de signature, il fallait aussi en parler à l'ensemble des petits entrepreneurs fançais performants. Il nous faut parler d'allocations de ressources et d'orientation différente de ces allocations de ressources, partant du prêt bonifié classique pour aller vers la garantie d'emprunt.
Sur toutes les structures territoriales, quelles que soient leur nature et leurs performances d'aujourd'hui, mais surtout de demain, nous aurons un levier important puisque, à chaque fois que nous garantissons un nous obtenons sept en emprunt, et nous sommes déjà à peu près à 20 milliards de francs de garantie sur une année.
Le problème, vous l'avez dit, est de savoir comment mobiliser cet outil nouveau de la garantie publique à partir des territoires, en particulier des territoires qui sont le plus en difficulté. Vous préconisez des fonds communs de placement, ou l'appel à l'épargne publique par territoire.
Pour avoir été beaucoup plus longtemps en charge d'actions régionales qu'en charge d'actions nationales, je reconnais qu'effectivement l'idée est très séduisante. Toutefois, un certain nombre de critiques on été déjà avancées par anticipation. Ce matin, M. Bellanger, le premier, a dit que, si nous nous engagions dans cette voie, nous ferions en sorte que les territoires les plus riches puissent mobiliser le plus d'épargne et avoir vraisemblablement une capacité d'action beaucoup plus forte que les territoires les plus défavorisés. C'est un sujet de préoccupation.
Dans le débat sur les contrats de plan, nous avons constaté qu'aujourd'hui l'Etat a en face de lui des régions disposant de moyens très inégaux. Si l'on régionalise encore la faculté de faire appel à l'épargne, on renforcera cette inégalité.
Par-delà la protection des épargnants et les problèmes que cela pourrait leur poser, par-delà le fait que la garantie n'est pas suffisante, prévoyons des fonds communs de placements d'entreprise avec péréquation nationale plutôt qu'une régionalisation du risque, ce qui créerait une nouvelle inégalité.
Certains d'entre vous, notamment le dernier intervenant, ont parlé de la performance des territoires. Certaines régions, certains départements, certains pays ont une pépinière d'entreprises, un technopôle, un incubateur, des instruments et un certain nombre d'épargnants prêts à apporter du capital. Si ces territoires, déjà largement pourvus, ont, en outre, la possibilité de faire appel à leur propre épargne, je vois déjà les difficultés qu'éprouverait d'autres territoires plus ruraux, plus excentrés, plus éloignés. Je n'en citerai aucun, mais vous en connaissez tous.
Les territoires nourriciers porteurs sont sûrement un facteur de développement, à condition qu'on puisse réfléchir ensemble à une péréquation plus égalitaire. Il faut que nous soyons prêts à assumer une mutualisation des territoires. Tel n'est sûrement pas encore le cas aujourd'hui, même si les contrats de plan ont déjà un effet correcteur.
Garantie d'emprunt pour les petits projets, disais-je. Je reste persuadée de la modernité de nos petits entrepreneurs. M. Raffarin a dit ce matin qu'ils ont été longtemps cantonnés dans l'archaïsme. Sûrement ! Mais, aujourd'hui, ce sont des entrepreneurs modernes. A égalité de chances et de droits avec les autres entrepreneurs, avec les plus gros, ils sont capables d'innovation. En leur offrant le même type de garantie ou en leur ouvrant la possibilité d'accéder à des fonds communs de placement pour l'innovation, par exemple, on encouragera un mouvement qui s'amorce, certes, mais qui n'est pas suffisamment amplifié.
En résumé, il faut parler d'évolution de l'économie, comme vous l'avez fait, d'aide spécifique aux structures économiques les plus petites, donc à la création de la petite entreprise, y compris d'ailleurs quand il s'agit de la création d'un propre emploi, mais être très attentif à ne pas, à partir des régions, recréer de l'inégalité.
Dans ce cadre, vous avez choisi de présenter un texte aujourd'hui. L'Assemblée nationale a préféré demander à M. Eric Besson d'établir un rapport sur la création d'entreprises. Si les propositions sont peut-être différentes, le constat, en particulier en ce qui concerne l'accès au financement, est identique : en France, il y a énormément d'épargne, il y a énormément d'argent, mais cet argent n'est pas dirigé vers la création de la petite entreprise.
Nous avons essayé de mobiliser sur ce sujet, en préparant les assises ou les états généraux - je ne sais comment ils s'appelleront in fine - de la création d'entreprise au printemps. Nous avons réuni sur les territoires un certain nombre d'acteurs - acteurs consulaires, avocats, experts-comptables, chefs d'entreprise, élus locaux - que ce soit à Montélimar, à Brest, à Lille et lors de chaque déplacement hebdomadaire que j'ai pu effectuer. A chaque fois, le constat a été le même que celui que vous avez fait, mais la réponse locale a été extrêmement différente.
Chaque réunion a sa spécificité - Montélimar n'est pas Lille - tant les partenaires potentiels pour le tutorat, le parrainage, l'accompagnement et le nombre de réseaux organisés sont différents d'une région à une autre.
Après ce constat, j'en viens à cette notion de réseau. Il est intéressant de noter que, à la fin de l'année dernière, après les difficultés importantes éprouvées pour mettre en place le dispositif EDEN - nous avons lancé un appel d'offres à des porteurs d'accompagnement, c'est-à-dire des réseaux, et nous avons constaté que les réseaux ne sont pas habitués à répondre à des appels d'offres de ce type, de la même manière, d'ailleurs que l'Etat n'est pas habitué à confier à des réseaux qui ne sont pas d'Etat des crédits d'accompagnement - près de soixante-douze départements sont couverts par des réseaux et trois mille projets sont déjà portés. Cela signifie que si, tous ensemble, nous poussons à cette offre de réseau, à cette offre d'accompagnement et si nous mettons effectivement un peu d'argent sur l'accompagnement, nous obtiendrons des réponses.
A cet égard, je rejoins vos propos sur les réseaux et sur leur financement. Effectivement, créer des incubateurs, c'est ne prendre en compte qu'un des aspects du problème. Des incubateurs, des pépinières existent aujourd'hui, dans le domaine de la recherche. Créer des incubateurs revient, si j'ai bien compris, à porter le créateur entre le moment où il prend la décision d'écrire son projet et le moment où il pourra le réaliser.
Légiférer sur ce point risquerait de brider l'action des collectivités territoriales. A l'inverse de ce que vous avez pu dire en présentant cette proposition de loi, je reste persuadée qu'il ne faut pas s'en remettre à la loi en cette matière. Les acteurs locaux, avec leurs réseaux, avec leur force, avec leur histoire, mais aussi avec leur géographie, y compris leur géographie économique, ont le droit de bâtir à leur manière et leurs incubateurs et leurs pépinières, sans que cela soit encadré par une disposition législative, de surcroît en pleine période de décentralisation et d'appel à un deuxième volet en la matière.
Il est vrai que nous n'avons pas réussi à élaborer un statut du créateur d'entreprise. Celui qui sort d'une grosse entreprise pour essaimer trouve généralement, en accord avec la grande entreprise en question, les moyens de mener à bien son projet d'autant que, le plus souvent, s'agissant d'essaimage avec un client unique, il n'y a pas de problème. En revanche, l'ingénieur qui souhaite, comme le disait M. le rapporteur ce matin, porter son propre projet, traversera un passage à vide entre le moment où il démissionnera de l'entreprise qui l'emploie et celui où il aura créé sa propre entreprise.
Pour pallier cette difficulté, vous proposez d'étendre aux créateurs le bénéfice du travail à temps partiel. Je vous opposerai deux objections.
Premièrement, le temps partiel doit quand même être négocié avec le chef de l'entreprise qui emploie l'intéressé. Je n'imagine pas que la loi puisse imposer à une entreprise le temps partiel pour un futur créateur si ce n'est pas dans le cadre de l'essaimage. En outre, je crains que ce dispositif ne favorise le créateur via l'essaimage au détriment du créateur qui souhaite porter son propre projet.
Ma seconde objection tient aux rapports avec l'UNEDIC. Nous avons négocié avec l'UNEDIC la prise en charge des créateurs d'entreprise via les ASSEDIC, car il faut laisser la part au dialogue avec les partenaires sociaux, plutôt que d'imposer par la loi, ce qui pourrait amener l'UNEDIC à demander à l'Etat de compenser à due concurrence la charge supplémentaire qu'entraînerait le statut du créateur. Soyons donc raisonnables et patients et attendons le terme de la négociation engagée avec l'UNEDIC, où les partenaires sociaux entrepreneurs et salariés sont représentés, avant de définir leur statut. Rappelez-vous le débat sur l'aide à la création et à la reprise d'entreprise ; ne le réitérons pas !
S'agissant des réseaux, certains ont avancé que le FNADT était insuffisant. J'aurais plutôt tendance à dire, en ce qui concerne les réallocations de ressources, qu'il faudrait parler davantage du FNADT, d'autant que, dans les contrats de plan, je serais assez partisane qu'on aille au-delà dans le projet de loi de finances pour 2001 sur la création d'entreprise.
Je vous rappelle néanmoins que le FNADT consacre actuellement 100 millions de francs pour encourager les plates-formes d'initiatives locales, lesquelles sont une des bonnes réponses à la mobilisation des énergies sur les territoires.
Que le FNADT apporte ainsi en direct son aide aux PIL, pour parler comme tout le monde, voilà un premier point acquis. Cela offre une plus grande marge de manoeuvre aux plates-formes d'initiative locale.
La Caisse des dépôts et consignations a ajouté aux crédits du FNADT 300 millions de francs pour que les PIL puissent consentir davantage de prêts d'honneur, ceux-ci étant la réponse la plus simple. Je suis cependant d'accord avec vous : « avance remboursable » est vraisemblablement une meilleure appellation que « prêt d'honneur ». C'est pareil, mais l'« avance remboursable » est plus facile à défendre au niveau de l'Union européenne.
Ces 300 millions de francs supplémentaires permettront d'accorder davantage de prêts d'honneur pour financer de nombreux petits projets, dont l'effet de levier est garanti.
Enfin, toujours à propos des réseaux, la DECAS, direction des entreprises du commerce, de l'artisanat et des services, qui est ma direction - si je peux me permettre cette appropriation très temporaire - s'est engagée sur la qualité des réseaux. Aider à la fois les réseaux consulaires et tous ceux que vous avez cités - je crois qu'il existe près de 3 000 structures de proximité - à faire certifier d'une manière ou d'une autre leurs performances est un point positif. Si l'on veut que le système bancaire dont vous avez tous parlé réponde bien à l'appel des réseaux, encore faut-il que l'agrément soit facilité et que nous fassions cette démarche de qualité !
Il est un autre problème du créateur - outre le statut de la pré-création, que vous avez tous développé tout à l'heure - qu'il convient également d'évoquer, c'est l'accompagnement des entreprises la première, la deuxième et la troisième année.
Lorsque le Sénat a adopté un amendement visant à réduire les cotisations des entreprises unipersonnelles la première année, il a déjà donné un « coup de main » à la création d'entreprise. Certes, la négociation n'est pas terminée et, au-delà des 30 % de réduction décidés dans cette enceinte, nous devons examiner quelles voies d'amélioration nous entendons donner à l'ensemble du système fiscal et social pour que la première et la deuxième année se passent le mieux possible.
Plusieurs d'entre vous ont parlé de l'anticipation des versements fiscaux et sociaux. Je crois que, de ce point de vue, on doit être capable d'enrichir la boîte à outils de l'entrepreneur. Il faut en effet que, soit dans le cadre des réseaux d'accompagnement associatif soit dans le réseau consulaire - le réseau d'accompagnement ne doit pas, en effet, être conçu comme une réponse au déficit du réseau consulaire - la boîte à outils de la gestion de la première et de la deuxième année de l'accompagnement général soit largement améliorée. Elle l'est par les pépinières d'entreprises qui sont prises en compte dans les contrats de plan. L'Etat accepte de contracter avec les régions sur le maillage régional des pépinières d'entreprises. C'est aussi, déjà, un progrès, même si je ne prétends pas qu'il est suffisant.
Dans le domaine des simplifications, je ne reviens pas sur ce qui a été fait : ce n'est jamais suffisant. Ce que j'entends le plus de la part des entrepreneurs et des créateurs en particulier, c'est leur difficulté à comprendre le système au moment où ils ont à chercher les marchés, à organiser une équipe, à améliorer leurs produits, etc.
Comprendre le système : vous aviez raison les uns et les autres de parler d'avancée des outils informatiques. Je crois que le portail unique, pour toutes les cotisations, est important. Nous ne réglerons jamais le problème des difficultés de compréhension du système avec toutes les paperasseries d'aujourd'hui.
Par conséquent, résolument, après les trente-sept mesures que vous avez décrites, je m'oriente désormais vers le système du portail unique qu'un certain nombre d'entrepreneurs et de conjointes d'entrepreneurs nous ont aidés à concevoir. Ce dispositif représentera un gain de temps important pour tout entrepreneur qui ne dispose pas encore des moyens financiers d'externaliser cette fonction de gestion à un expert-comptable ou à un autre partenaire.
Si tout va bien, ce portail unique verra le jour avant l'été prochain. Je ne suis pas persuadée que cela règlera le problème de tous les entrepreneurs. Mais, au moins dans l'épure de la création de l'entreprise, on s'orientera vers une simplification des démarches s'agissant de l'ensemble des cotisations sociales.
A cela, il faut ajouter tout l'arsenal, si je puis m'exprimer ainsi, des difficultés que rencontrent aujourd'hui les créateurs. Outre les cotisations sociales, il existe un certain nombre de difficultés, vous l'avez dit, qui sont liées aux relations contractuelles avec les partenaires ; ce peut être, effectivement, les collectivités territoriales, l'Etat, des hôpitaux - on entre là dans le système des marchés publics.
S'agissant de ces marchés publics, il est vrai qu'avec Dominique Strauss-Kahn nous avions engagé un travail qui débouche, me semble-t-il, sur un document intéressant. Il faut maintenant trouver le moyen de le faire passer dans les faits.
Pour ce qui est de l'allotissement proprement dit - l'allotissement existe, vous l'avez dit tout à l'heure, en particulier M. Bellanger - le problème est de savoir comment le « manager ». On peut certes passer des marchés par lots ; reste, que, souvent, pour des marchés lourds, difficiles ou à haute technologie - je pense par exemple aux stations d'épuration, aux usines d'incinération d'ordures ménagères ou à la construction d'un lycée - les collectivités territoriales hésitent à procéder ainsi, parce que se pose le problème de la garantie de bonne fin.
Je reste donc persuadée que l'important aujourd'hui est de régler la question de la garantie de bonne fin, plutôt que d'élaborer un texte supplémentaire sur la division des marchés en lots, procédure qu'il est actuellement possible d'utiliser.
En revanche, qui sera responsable en cas de difficultés dans le fonctionnement d'une station d'épuration ou d'apparition de lézardes sur les murs d'un lycée ? Telle est en fait la vraie question, qui amène un certain nombre de collectivités territoriales - chat échaudé craint l'eau froide - à choisir une entreprise généraliste, qui assumera l'ensemble de la responsabilité du chantier. Au-delà de l'allotissement, nous devons, à mon sens, surtout nous pencher, même si l'on n'est pas allé jusqu'au bout de la démarche et si l'on n'a pas encore mis au point un texte, sur le problème du règlement des marchés aux cotraitants ou aux sous-traitants.
En effet, le premier intervenant sur un marché, celui qui a réalisé les terrassements ou les voies et réseaux divers, doit attendre la livraison du bâtiment pour être payé. Cela n'est pas acceptable ; or on sait que les avenants aux marchés et les acomptes sont difficiles à écrire et que c'est là que le bât blesse.
Il faut donc mettre en place des cellules « marchés publics » performantes - et je pense que l'intercommunalité va nous y aider - parce que les petites communes ne peuvent pas s'offrir les services de conseils maîtrisant parfaitement le code des marchés publics.
Par ailleurs, nous devons aussi prévoir un système permettant aux collectivités territoriales d'avoir une parfaite connaissance des sous-traitants et prévenant l'apparition de sous-traitants de premier, de deuxième, de troisième ou de xième rang, puisque c'est dans ce cas que nos petites entreprises ont le plus de difficultés.
Sur les délais de paiement pour les marchés publics, qui sont en moyenne aujourd'hui de trente-sept jours, nous sommes capables de faire mieux. En effet, si l'on prend la règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables comme une réalité intangible - et je pense que personne ici ne veut y toucher - on peut descendre à trente jours et, vraisemblablement, en deçà. Un certain nombre d'entre vous ont fait état du fait qu'ils n'étaient pas loin des vingt jours. Nous sommes donc capables d'arriver à des délais courts.
En revanche, il faut régler un certain nombre de questions, comme j'ai tenté de le faire récemment, à savoir la date d'arrivée de la facture, la façon dont une entreprise doit libeller cette facture, car de nombreux délais de paiement sont dus au fait que la facture n'arrive pas comme elle devrait arriver.
Il y a là tout un système et peut-être un texte plus global à réécrire, et ce aussi vite que possible. Des dispositions réglementaires pourraient déjà peut-être, j'en suis même persuadée, intervenir avant l'été prochain, je l'espère, pour atténuer les difficultés actuelles.
Quant aux délais de paiement privés, vous savez que, lors des assises de la distribution, on a beaucoup parlé des relations entre les distributeurs et les petites et moyennes entreprises, ou les très petites entreprises et les agriculteurs, mais on a peu parlé, et c'est un peu dommage, des relations entre les grandes entreprises et les petites, entre les donneurs d'ordres et leurs sous-traitants.
A ce sujet, nous avons proposé au mois de juin, au Conseil de l'Europe, le fameux projet de directive qui permet, d'une part, de réduire les délais de paiement, et, d'autre part, de créer des pénalités automatiques qui soient cessibles soit à une banque, soit à un affactureur, soit à un partenaire, soit à un tiers, car c'est cela qui réglera le problème, nous le savons tous. On voit mal, en effet, la petite entreprise aller réclamer des pénalités de retard à la grande distribution ou à son donneur d'ordres habituel. Il faut donc externaliser cette fonction et qu'elle devienne automatique.
Ce qui arrive sur ce dossier aujourd'hui, c'est que le Parlement européen est en train d'amender la directive en question dans un sens qui est, à notre avis, défavorable aux petites et moyennes entreprises. Il faudra donc « ramer », si vous me permettez d'employer cette expression, à l'échelon européen, pour que ce que nous avions proposé et ce que Christian Pierret avait défendu avec succès, avant cet été, puisse passer aussi vite que possible. Nous nous engagerons en effet, si la mesure est adoptée en juin à l'échelon européen, à la traduire immédiatement en droit français.
Si la directive européenne est en deçà de nos attentes, le droit français pourra aller au-delà, en tout cas pour les marchés nationaux. Mais nous aurons quelques difficultés sur les marchés européens. Heureusement, sur ce plan, la majorité de nos entreprises travaille sur les marchés nationaux.
Vous avez évoqué la simplification et le guichet unique pour les entreprises. La réforme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie n'a pas d'autre objet. Elle provoque certes quelques difficultés, ici ou là, avec les salariés, mais elle appelle deux remarques fortes.
D'une part, il faut que les territoires, pour pouvoir remplir toutes les charges qui leur incombent, y compris en matière de création d'entreprises, aient des interlocuteurs partout. Il ne faut donc pas fermer de trésorerie rurale, ce n'est pas la peine de « charger la barque » des collectivités ; elles ont déjà assez de travail.
D'autre part, il faut que l'entreprise, elle aussi, ait un interlocuteur fiscal unique et un interlocuteur économique unique. En créant les directions générales des entreprises, en rassemblant nos directions - et je peux vous dire en toute intimité que l'exercice n'est pas facile - c'est ce que nous voulons faire, et c'est ce que nous ferons.
Il faut un interlocuteur fiscal unique et un interlocuteur économique unique. Il faut que les entreprises gagnent du temps. Il faut de plus que, lorsqu'elles ont à négocier - et les entreprises doivent négocier - elles traitent de l'ensemble de leur dossier et non pas bureau par bureau, fraction de papiers par fraction de papiers.
Nous nous sommes donné, pour réussir, une échéance courte. Nous expérimenterons ces guichets en 2000 pour les mettre en oeuvre en 2001. Je sais pouvoir compter sur votre enthousiasme à propos des territoires pour nous aider à aller jusqu'au bout de cette réforme.
Il me reste à évoquer trois points, en particulier le problème de la répartition des services et des savoirs sur le territoire.
Au-delà de ce que vous avez dit aujourd'hui les uns et les autres sur les créations d'entreprise, je partage le point de vue de M. Jean François-Poncet : service et savoir sont des éléments importants du développement des entreprises. Or il règne aujourd'hui une inégalité fondamentale : on ne crée pas son entreprise de la même façon à Saclay ou à Rostrenen, commune de Bretagne que je connais un peu ; on ne bénéficie pas partout du même accompagnement ni de la même relation à l'université.
C'est à juste titre que l'un d'entre vous a parlé des centres de ressources. Ces centres de ressources techniques devraient, selon moi, inclure même les collèges.
Pour ce qui est de l'informatique, on n'a pas voulu utiliser les collèges. Pourtant, les collèges et les lycées, les IUT, les BTS et les universités doivent nous aider à construire les centres de ressources techniques avec les réseaux consulaires.
Je crois à cet apport. S'il est anormal qu'une collectivité locale construise seule une « salle blanche », il est possible d'aboutir en collaboration avec un établissement scolaire.
La discussion sur le thème « service et savoir » me semble donc aussi importante que l'aspect financier du problème, en raison des inégalités qui en découlent entre les territoires.
Un intervenant a parlé d'exode des jeunes. Effectivement, de jeunes Français, souvent des étudiants en fin d'études, sont partis à l'étranger, pour diverses raisons d'ailleurs. Mais beaucoup d'entre eux reviennent, pour des raisons fort simples.
Ils créent leur entreprise en Grande-Bretagne, avec deux ou trois associés, puis - c'est la vie - ils se marient et ont des enfants. Et là, ils se rendent compte que ce pays ne prévoit pas de quotient familial pour l'impôt sur le revenu, n'offre pas de possibilités de logements à des loyers acceptables, de crèches, de garderies, d'écoles maternelles. C'est également souvent le cas dans certains bassins aux Etats-Unis, où les entreprises elles-mêmes assurent ces services.
A l'étranger, il manque un environnement pour le créateur qui devient aussi chef de famille, et les jeunes peuvent revenir en France pour ces simples raisons.
Je ne dis pas que ce sont les seules raisons de leur retour. Mais je pense que nous négligeons d'en parler.
Nous devrions également insister sur le fait que, en France, lorsque vous créez une entreprise de boulangerie, vous trouvez vos ouvriers boulangers formés gratuitement, et que la taxe d'apprentissage n'a rien à voir avec le coût réel de cette formation. En Grande-Bretagne, en revanche, il faudra payer la formation en question, ce qui pèsera beaucoup plus lourd que les prélèvements obligatoires.
Il nous faut faire attention au discours que nous tenons. S'il importe effectivement de réaliser ensemble, comme vous l'avez fait, le constat de ce qui pourrait fonctionner beaucoup mieux, en particulier en matière de financement, il ne faut pas oublier non plus de dresser le constat de ce qui fonctionne : la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée et des services publics de qualité.
N'opposons donc pas le cas du jeune qui part aux Etats-Unis et celui de Toyota. Il faut certes que les jeunes reviennent en France. Hormis cela, le fait que des « Toyota » arrivent sur le territoire français ne me dérange absolument pas. Même une vingtaine par an, ce ne serait pas mauvais pour nous !
Nous devons tenir un discours plus offensif pour accompagner les jeunes créateurs, je vous rejoins totalement sur ce point.
Avec le discours général sur la création d'entreprises en France qu'ils entendent, les jeunes préfèrent aujourd'hui travailler au Sénat, à l'Assemblée nationale, dans les cabinets ministériels, devenir fonctionnaires ou bien entrer dans une grande entreprise. Les propos qu'ils peuvent entendre sur la création d'entreprise, sur les difficultés qu'ils peuvent rencontrer les découragent. Je pense qu'il serait souhaitable d'opter pour un discours offensif et encourageant, qui donne effectivement envie à un certain nombre de jeunes de créer. Il conviendrait aussi que l'on travaille - puisque c'était votre sujet - à l'égalité d'accès à la création d'entreprise.
La contribution importante qui a été la vôtre aujourd'hui grâce à ce texte et à travers ce débat, le rapport établi par Eric Besson à l'Assemblée nationale et les propositions que nous allons, je l'espère, obtenir lors des états généraux nous permettront de progresser dans le domaine de la création.
Même si je ne crois pas aux miracles, je crois à l'évolution des cultures, à celles des mentalités.
Mon dernier message est pour les entrepreneurs : surtout qu'ils parlent du bonheur d'entreprendre et non pas seulement de la difficulté d'entreprendre. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyens, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

7

NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le président. J'informe le Sénat que la liste des candidats à une commission d'enquête a été affichée et n'a fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame : MM. Robert Badinter, José Balarello, Robert Bret, Guy Cabanel, Marcel-Pierre Cléach, Jean-Patrick Courtois, Mme Dinah Derycke, MM. Claude Domeizel, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Patrice Gélard, Hubert Haenel, Jean Huchon, Jean-Jacques Hyest, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Georges Othily, Michel Pelchat, Jean-Jacques Robert, membres de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France.

8

CRÉATION ET DÉVELOPPEMENT
DES ENTREPRISES SUR LES TERRITOIRES

Suite de la discussion et adoption des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. Nous reprenons la discussion des conclusions du rapport de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi de MM. Jean-Pierre Raffarin, Francis Grignon, Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Goerges Berchet, Jean Bizet, Jean Boyer, Marcel Deneux, Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hiliaire Flandre, Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean Huchon, Patrick Lassourd, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Paul Natali, Louis Moinard, Jean Pépin, Charles Revet et Raymond Soucaret, tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires.
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

TITRE Ier

DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE TERRITORIAL

Chapitre Ier

Fonds communs de placement de proximité

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Il est créé, après le chapitre IV ter de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances, un chapitre IV quater ainsi rédigé :
« Chapitre IV quater :
« Du fonds commun de placement de proximité.
« Art. 22-3 . - Les fonds communs de placement de proximité sont des fonds communs de placement à risques dont l'intervention est géographiquement circonscrite par leur règlement et dont l'actif est constitué, pour 60 % au moins, de parts de sociétés et avances en comptes courants émises par des sociétés dont le capital n'est pas détenu majoritairement, directement ou indirectement, par une ou plusieurs personnes morales ayant des liens de dépendance avec une autre personne morale au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies du code général des impôts et qui remplissent, à la date de la prise de participation du fonds, les conditions suivantes :
« - compter moins de 50 salariés ;
« - avoir leurs sièges sociaux ainsi que l'ensemble de leurs activitiés et de leurs moyens d'exploitation implantés, au sein du périmètre géographique mentionné ci-dessus, dans les zones d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire ou dans les zones de redynamisation urbaine mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir examiné avec autant d'attention notre proposition de loi et, surtout, d'avoir répondu de façon très pragmatique à chacune des mesures que nous avons proposées. Nous partageons les mêmes objectifs, me semble-t-il. Cela étant, vous avez surtout exposé des projets, et nous attendons leur mise en oeuvre avec impatience.
Mais venons-en aux articles très concrets que nous proposons, en particulier à l'article 1er, qui traite des fonds communs de placement de proximité.
Je ne reviens pas sur les motivations, qui ont été largement débattues pendant la discussion générale ; je souhaite simplement apporter quelques précisions.
Il s'agirait de fonds communs de placement à risques, agréés par la COB, ce qui donne une certaine sécurité au système et qui suppose une gestion tout à fait professionnelle.
Vous avez dit, madame la secrétaire d'Etat, que ces fonds communs risquaient d'accentuer les disparités entre les régions riches et les régions pauvres. Je ne le pense pas parce que la collecte des fonds pourra être nationale ou régionale, l'organisation de chaque fonds pouvant être différente suivant les régions, notamment quant à leur périmètre d'intervention géographique. Certains ont même proposé de reprendre le découpage en cinq régions de La Poste.
J'ajoute que ces fonds sont dédiés à des entreprises situés sur des territoires en difficulté.
La péréquation s'opère donc d'elle-même entre une collecte nationale ou régionale et un dédiement pour les entreprises implantées sur les territoires en difficulté, puisque 60 % de l'actif de ces fonds leur est destiné.
Nous avons cependant voulu réserver les 40 % restants à des fonds plus traditionnels afin d'éviter que les épargnants hésitent à investir.
J'indique par ailleurs que, bien sûr, ces fonds sont dédiés à des entreprises indépendantes, en création ou en développement, dont le nombre de salariés est inférieur à cinquante et que les épargnants bénéficieront du même avantage pour les FCPP que pour les FCPI.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je note une certaine différence entre le texte tel qu'il est rédigé et les explications de M. le rapporteur. Si j'ai bien compris, avec cet article 1er, il s'agit d'étendre l'avantage fiscal des FCPI aux FCPP sur la base d'une répartition en cinq régions. Ce dispositif demande à être étudié de plus près.
Je prends acte de cette proposition, mais je maintiens ce que j'ai dit tout à l'heure : il s'agit non plus d'une collecte d'épargne de proximité, mais d'un système national avec redistribution.
A ce stade, il me semble donc impossible d'accepter cette proposition.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le rapporteur, vos propos ne m'ont pas du tout convaincu ; ils m'ont même inquiété davantage encore. Je crois avoir un peu mieux compris le système que vous proposez, mais je me demande où nous trouverons ces fonds.
M. Raffarin a failli tout à l'heure faire pleurer dans les chaumières en disant, s'agissant de la Bourse et du CAC 40, qu'on a tendance à anticiper sur les bénéfices à venir alors qu'il faudrait revenir à une certaine réalité, c'est-à-dire tenir compte du rendement de l'entreprise.
Toutefois, pour le moment, c'est là que se placent les fonds. Mais la déduction fiscale que vous allez accorder et le bénéfice à venir n'ont pas le même poids.
S'il s'agit non pas d'une épargne de proximité mais d'une épargne nationale, l'objet visé ne sera pas du tout atteint. C'est pourquoi je maintiens ma position.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - L'article 199 terdecies- O A du code général des impôts est complété in fine par un VIII ainsi rédigé :
« VIII. - 1. A compter de l'imposition des revenus de 2000, la réduction d'impôt prévue au premier alinéa du I pour les contribuables fiscalement domiciliés en France s'applique également aux souscriptions de parts des fonds communs de placement de proximité mentionnés à l'article 22-3 de la loi n° 88-1201 modifiée du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances, à condition que ces contribuables prennent l'engagement de conserver les parts pendant cinq ans au moins à compter de leur souscription.
« 2. Les versements ouvrant droit à la réduction d'impôt mentionnée à l'alinéa ci-dessus sont ceux effectués dans le délai et les limites mentionnés au 2 du VI. »
Par amendement n° 13, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose :
A. - A la fin du premier alinéa (1) du texte présenté par cet article pour le VIII de l'article 199 terdecies- O A du code général des impôts, de remplacer les mots : « à condition que ces contribuables prennent l'engagement de conserver les parts pendant cinq ans au moins à compter de leur souscription. » par les mots : « dans les conditions et limites mentionnées au VI. ».
B. - En conséquence, de supprimer le second alinéa (2) du texte proposé par cet article pour le VIII de l'article 199 terdecies- O A du code général des impôts.
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui tend à aligner le régime fiscal des fonds communs de placement de proximité - FCPP - sur celui des fonds communs de placement dans l'innovation - FCPI.
En effet, dans la rédaction proposée pour l'article 2, les souscripteurs de parts de FCPP n'auraient à respecter qu'une seule condition pour bénéficier de la réduction de 25 % de leur impôt sur le revenu, à savoir l'engagement de conserver leurs parts pendant cinq ans.
Les détenteurs de parts de FCPI doivent, quant à eux, respecter une condition supplémentaire pour bénéficier du même avantage fiscal : le porteur de parts, son conjoint et leurs ascendants et descendants ne doivent pas détenir ensemble plus de 10 % des parts du fonds, et, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices des sociétés dont les titres figurent à l'actif du fonds.
Pour harmoniser totalement les deux régimes et ne pas créer de distorsion de concurrence, l'amendement n° 13 vise à étendre la condition précédente aux porteurs de parts de FCPP.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Cet amendement précise et enrichit le texte de la commission. Par conséquent, celle-ci s'y est déclarée favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Dans la mesure où je ne soutiens pas le fond de la proposition de loi, je ne peux pas être favorable à l'amendement n° 13.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article additionnel après l'article 2



M. le président.
Par amendement n° 14, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le II de l'article 199 terdecies- O A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les versements réalisés à compter du 1er janvier 2000, les limites mentionnées au premier alinéa sont portées respectivement à 75 000 francs et à 150 000 francs. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à doubler les plafonds de versements donnant droit à la réduction d'impôt de 25 % pour les personnes qui investissent dans des sociétés non cotées dans le cadre de la loi Madelin, afin de les aligner sur le régime des FCPI, les fonds communs de placement dans l'innovation.
A l'heure actuelle, en effet, les investissements maximum dans le cadre de la loi Madelin sont de 37 500 francs pour une personne seule et de 75 000 francs pour un couple, ce qui donne droit à une réduction d'impôt maximum de 9 375 francs et de 18 750 francs respectivement.
Les mêmes personnes qui investiraient dans des FCPI pourraient placer 75 000 francs et 150 000 francs respectivement, ce qui correspond à des avantages fiscaux de 18 750 francs et 37 500 francs respectivement.
Or une personne qui décide d'investir directement dans une entreprise non cotée prend beaucoup plus de risques qu'un titulaire de parts de FCPI, dont l'investissement bénéficie à la fois au label ANVAR donné aux entreprises éligibles, de la sélection opérée par les experts gestionnaires et de la mutualisation des risques. Il est donc anormal qu'elle ne bénéficie pas d'un avantage fiscal aussi puissant que ce dernier. C'est d'ailleurs ce qu'affirme le député Eric Besson dans son récent rapport sur la création d'entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Il est nécessaire d'encourager encore plus dans notre pays la détention de titres de sociétés, qui ne concerne aujourd'hui que 1,5 % des ménages pour ce qui concerne les sociétés non cotées en bourse alors que 87 % des ménages disposent de comptes d'épargne.
La mesure qui nous est proposée va tout à fait dans ce sens ; la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. C'est une proposition intéressante.
Toutefois, aujourd'hui, à peu près 80 % des gens qui utilisent ce type de déduction n'ont pas atteint le plafond, celui-ci est donc très loin d'être saturé. C'est un sujet qu'il faudra mettre en discussion au moment des états généraux pour savoir si, en déplafonnant même de 5 %, des fonds plus importants pourraient être dégagés.
Cela étant, par rapport à l'innovation, je dois dire que l'effort particulier qui était consenti à l'égard des FCPI se justifiait. Nous étions en retard dans ce domaine. Aussi avons-nous voulu donner un coup de pouce.
En l'état actuel des choses, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.

Chapitre II

Pôles d'incubation territoriaux
et fonds d'amorçage locaux

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - I. - Il est inséré, après l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, trois articles L. 1511-7, L. 1511-8 et L. 1511-9 ainsi rédigées :
« Art. L. 1511-7. - En vue de promouvoir le développement économique, une collectivité territoriale ou un groupement peut verser une subvention ou fournir des locaux, du matériel et des équipements à une personne morale dont l'objet est d'apporter, à titre temporaire, en vue de la réalisation d'un plan de financement et de la création d'une entreprise, un soutien matériel et immatériel, sous forme de conseil juridique, stratégique et financier et de formation aux métiers de l'entreprise, à une personne physique ayant un projet de création d'entreprise.
« La collectivité ou le groupement conclut avec la personne morale visée à l'alinéa précédent une convention qui détermine la nature, la durée et l'objet de l'intervention de la collectivité ou du groupement, ainsi que les obligations incombant à la personne morale bénéficiaire.
« La collectivité ou le groupement peut constituer, conjointement avec une ou plusieurs collectivités territoriales ou groupements, avec un ou plusieurs établissements publics et avec une ou plusieurs personnes morales de droit public ou privé, la personne morale mentionnée au premier alinéa.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article et le plafond des concours financiers des collectivités et groupements, en pourcentage de leurs recettes réelles de fonctionnement.
« Art. L. 1511-8. - Une collectivité territoriale ou un groupement peut verser, pour deux ans au plus, à une personne physique une bourse d'aide au jeune créateur d'entreprise destinée à atténuer les conséquences, sur sa situation financière, de son projet de création d'entreprise, lorsque cette personne physique :
« - est âgée de dix-huit à moins de vingt-cinq ans ;
« - bénéficie du soutien matériel ou immatériel d'une personne morale mentionnée à l'article L. 1511-7, à condition que celle-ci ait obtenu le label défini à l'article 12-1 de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 modifiée portant réforme de la planification.
« Le montant de cette bourse est fixé en fonction des revenus du bénéficiaire et de ses charges de famille.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article et le plafond des concours financiers des collectivités et groupements, en pourcentage de leurs recettes réelles de fonctionnement.
« Art. L. 1511-9. - Une collectivité territoriale ou un groupement peut, seule ou avec d'autres collectivités territoriales ou groupement, participer à la constitution ou doter, par subvention, un fonds d'investissement ayant pour objet d'apporter des fonds propres à des entreprises en création. La part des concours financiers privés à ce fonds ne peut être inférieure à 30 %.
« La collectivité territoriale ou le groupement passe avec le gestionnaire du fonds une convention qui détermine les modalités de fonctionnement du fonds, son champ d'intervention géographique et les conditions de restitution des financements éventuellement versés par la collectivité ou le groupement, en cas de modification ou de cessation d'activité.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article et fixe les règles de plafond des concours financiers des collectivités et groupements, en pourcentage de leurs recettes réelles de fonctionnement. »
« II. - A la fin de l'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales, la référence "L. 1511-5" est remplacée par la référence "L. 1511-9". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je voudrais rappeler que cet article contient trois mesures.
La première permet aux collectivités territoriales de participer à la constitution d'incubateurs ; la deuxième permet aux mêmes collectivités d'accorder une bourse aux porteurs de projets incubés ; la troisième permet aux collectivités de participer à des fonds d'amorçage.
Au-delà du débat qui s'est instauré lors de la discussion générale, je rappellerai que seulement 10 % des créateurs sont en contact avec un réseau d'appui et qu'il est important de lancer quelques signes pour généraliser ces pôles d'incubation sur les territoires.
M. le rapporteur a rappelé tout à l'heure la nécessité de sécuriser les collectivités par rapport à cette démarche.
La mesure qui consiste à donner une bourse aux incubés me paraît, elle aussi, fondamentale car elle répond au cas du jeune qui n'est ni chômeur, ni bénéficiaire d'allocations, ni détenteur de moyens particuliers, et dont le projet a été sélectionné par l'incubateur.
Quant à la participation des collectivités au fonds d'amorçage, ce dernier constituant le maillon faible du système, comme nous l'avons indiqué tout au long de la discussion générale, j'estime que c'est une excellente proposition.

article L. 1511-7
du code général des collectivités territoriales

M. le président. Par amendement n° 1, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par le I de cet article pour insérer un article L. 1511-7 dans le code général des collectivités territoriales, après les mots : « une convention qui détermine », d'insérer les mots : « , à peine de nullité, ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage unsiversel, du règlement et d'administration. L'amendement n° 1, comme les amendements qui suivront, découle du souci de la commission des lois de ne pas laisser les collectivités territoriales s'engager dans les processus d'aide à la création d'entreprises, ainsi que nous allons les y inciter, sans un minimum de précautions juridiques et financières.
Le deuxième alinéa de l'article L. 1511-7 rend obligatoire la conclusion d'une convention entre la collectivité ou le groupement et l'incubateur et précise l'objet de cette convention : déterminer la nature, la durée et l'objet de l'intervention de la collectivité ou du groupement ainsi que les obligations incombant à l'incubateur.
La collectivité ou le groupement pourra ainsi clairement spécifier dans la convention le contenu de son engagement et exiger en contrepartie que l'incubateur assume certaines obligations, conformes aux objectifs d'intérêt général poursuivis par la collectivité ou le groupement, notamment au regard du développement du territoire.
Compte tenu de l'importance de ces stipulations contractuelles, qui doivent conditionner l'engagement financier de la collectivité, l'amendement n° 1 prévoit qu'elles devront obligatoirement figurer dans la convention, autrement dit qu'il ne pourra pas y avoir de convention sans qu'un tel engagement y figure, à peine de nullité de la convention. C'est, je crois, une précaution utile pour les collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Il s'agit d'une précision juridique utile de nature à garantir que les collectivités et leurs groupements auront effectivement, en échange des financements versés via la convention qu'ils passent avec l'incubateur, un pouvoir d'orientation de l'action de celui-ci. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Si j'approuve le souci de vouloir encadrer au maximum l'aide accordée par les collectivités locales, je ne peux actuellement accepter l'ensemble de l'article car je préfère que ce sujet soit traité dans le cadre du projet de loi Zuccarelli.
Si ce projet de loi n'a pas encore été déposé sur le bureau du Parlement, c'était pour en vérifier la parfaite compatibilité avec les orientations de la Commission européenne en matière d'interventions économiques. Il a donc été soumis à la Commission, qui, en décembre, y a donné un avis favorable. Il va donc pouvoir être discuté.
Pour l'instant, je suis défavorable et à l'article 3 et aux amendements qui s'y rapportent.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous avons été intéressés par les propositions contenues dans cet article, sur lesquelles nous émettons cependant deux réserves.
En premier lieu, et je l'avais dit dans la discussion générale, rien n'est fait pour mettre un peu d'ordre dans les interventions multiples des collectivités locales. Je suis conscient de la difficulté de la tâche, mais on ne pourra éviter d'engager un débat sur ce sujet.
En second lieu, comme Mme la secrétaire d'Etat vient de le dire, il est important de suivre au plus près les recommandations de la Communauté européenne. Je suis donc sensible au fait que va nous être présenté un texte qui devrait être compatible avec les directives.
Compte tenu de ces deux réserves, nous nous abstiendrons.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 2 rectifié, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de compléter le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 3 pour insérer un article L. 1511-7 dans le code général des collectivités territoriales par les mots : « , le montant et les modalités de versement des aides. ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Tout d'abord, je tiens à remercier Mme le secrétaire d'Etat de son attitude à l'égard des propositions de la commission des lois, qu'elle trouve bonnes mais pas à leur place tout en nous promettant l'arrivée d'un texte qui, pour avoir obtenu l'aval européen, va peut-être perdre son statut d'Arlésienne... pour devenir je ne sais quoi ! (Mme le secrétaire d'Etat sourit.)
Pour l'instant, en tout cas, madame le secrétaire d'Etat, c'est encore l'Arlésienne ! Je crois d'ailleurs que l'une des raisons pour lesquelles nombre de sénateurs se sont intéressées avec passion aux propositions de loi de notre collègue Jean-Pierre Raffarin et au travail très important de la commission des affaires économiques, c'est que, l'Arlésienne, c'est beau, on en parle beaucoup, mais on ne la voit jamais et il faut agir. Au demeurant, c'est un signe en direction du Gouvernement.
Vous avez rendu hommage - je vous en remercie, une nouvelle fois - à la commission des lois pour son souci de prudence. L'amendement n° 2 rectifié ne fait pas exception : il participe de la philosophie du premier. Il s'agit de faire en sorte que la convention soit précise, en particulier quant aux priorités qui justifient le geste que fait la collectivité territoriale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
J'ajouterai simplement, en ce qui concerne l'encadrement communautaire des aides de l'Etat, qu'il ne faudrait pas que l'on pense que la commission a travaillé sans tenir compte des engagements européens de la France.
S'agissant de la participation des collectivités locales aux incubateurs et au fonds d'amorçage, je tiens à préciser que l'aide s'adresse à des personnes physiques ayant un projet de création d'entreprise et non à des sociétés déjà constituées. Il ne s'agit donc pas d'une aide à une entreprise au sens communautaire.
M. le président. Le Gouvernement a déjà indiqué qu'il était défavorable à cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le troisième alinéa du texte présenté par le I de l'article 3 pour insérer un article L. 1511-7 dans le code général des collectivités territoriales :
« Pour la réalisation de l'objet mentionné au premier alinéa, une ou plusieurs collectivités territoriales ou groupements peuvent également constituer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, un groupement d'intérêt public avec des établissements publics et d'autres personnes morales de droit public ou privé. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Le troisième alinéa de l'article L. 1511-7 autorise une collectivité locale à constituer elle-même l'incubateur d'entreprise conjointement avec d'autres collectivités ou groupements, avec un ou plusieurs établissements publics et avec une ou plusieurs personnes morales de droit public ou privé.
Cette disposition est importante, car elle permet de bien faire le départ entre les cas où une collectivité apporte son aide à un incubateur et ceux où elle souhaite assumer elle-même cette mission avec d'autres intervenants.
Cependant, la rédaction proposée ne précise pas quelle sera la nature de la personne morale qui sera mise en place pour prendre en charge cette mission commune. En conséquence, elle laisse ouvert le recours tant à une association qu'à une société, à un groupement d'intérêt économique ou d'intérêt public.
Or la première formule n'est pas sans risque, spécialement en cette période de judiciarisation permanente, pour la collectivité concernée, notamment au regard du régime de la gestion de fait. Dans le cadre des incubateurs technologiques, des associations n'ont été mises en place qu'à titre de « préfiguration » de l'incubateur. Si, à juste titre, la commission des affaires économiques souhaite étendre l'idée de l'incubateur à d'autres entreprises que les entreprises de très haute technologie, force est de constater que, dans le système actuel, l'association n'est utilisée qu'au stade de la préfiguration.
Le recours à une société anonyme pose également un problème puisque, sauf exceptions dûment prévues par le législateur, les collectivités ne peuvent pas participer au capital de telles sociétés.
Dans ces conditions, le recours à la formule du groupement d'intérêt public paraît la mieux adaptée, dès lors qu'elle permet d'associer la collectivité ou le groupement à d'autres personnes morales de droit public ou privé dans une cadre juridique bien établi et bien stabilisé.
C'est pourquoi l'amendement ouvre cette voie à l'exclusion des autres, qui nous semblent trop aventureuses.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. L'avis de la commission est tout à fait favorable.
Je voudrais simplement préciser à l'intention Mme le secrétaire d'Etat, qui tout à l'heure ne voyait pas la nécessité des incubateurs, qu'une habilitation législative est nécessaire à la création de ces GIP, qui ne sont actuellement pas prévus par les textes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, mais je souhaite répondre à M. le rapporteur.
Il existe aujourd'hui en France des incubateurs de différentes natures, et ils ne sont pas illégaux.
A travers les contrats de plan, l'Etat accepte de « porter » un certain nombre de pôles d'incubateurs sur le territoire français.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 1511-7 du code général des collectivités territoriales.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 1511-8
DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

M. le président. Par amendement n° 4, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant le dernier alinéa du texte présenté par le I de l'article pour insérer un article L. 1511-8 dans le code général des collectivités territoriales, un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorité compétente peut prononcer le retrait lorsque le bénéficiaire a cessé son projet de création d'entreprise ou qu'il ne bénéficie plus du soutien matériel ou immatériel mentionné au troisième alinéa. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je répondrai d'un mot à Mme le secrétaire d'Etat à propos des incubateurs.
Les incubateurs « portés » par l'Etat ne sont pas illégaux, certes, et les incubateurs technologiques le sont encore moins. En revanche, il n'est pas prévu de cadre juridique dans lequel des collectivités territoriales puissent en créer. C'est la raison pour laquelle la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui vise à pratiquer une certaine ouverture législative dans une situation qui, pour l'instant, est confuse.
Je l'ai dit ce matin, les plates-formes France-initiative-réseau, par exemple, fonctionnent actuellement avec pour seule couverture juridique une circulaire de la DATAR ! Personne ne sait ce qui se passerait si, un jour, un juriste décidait de s'interroger sur le pourquoi et le comment de la création d'une telle structure, en ayant éventuellement à l'esprit la gestion de fait.
Pour cette raison, je crois donc que cette proposition de loi est bienvenue. Peut être vaudrait-il mieux, dans ces conditions, madame le secrétaire d'Etat, que vous soyez plus proche de la sagesse que de l'hostilité. Cela permettrait au moins d'avoir un recours.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je ne suis pas hostile !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Bien entendu, je ne peux donner l'avis du Gouvernement à votre place, mais cela permettrait au moins de clarifier le débat parlementaire sur la question.
J'en viens à l'amendement n° 4.
La commission des affaires économiques et du Plan propose qu'une aide soit versée sous la forme d'une bourse à un jeune créateur d'entreprise. La première rédaction prévoyait qu'il s'agirait d'une allocation directe, ce qui avait semblé à la commission des lois très difficile à admettre. La commission des affaires économiques a bien voulu se ranger à notre argumentation. Cette nouvelle formule paraît mieux correspondre aux missions qu'une collectivité peut assumer en ce domaine puisqu'elle se rapproche de la définition des missions de formation.
On rappellera notamment que, en application de l'article L. 3214-2 du code général des collectivités territoriales, le conseil général est habilité à accorder des bourses d'étude.
En outre, le texte issu des délibérations de la commission des affaires économiques et du Plan prévoit que l'aide sera réservée à de jeunes créateurs de dix-huit à moins de vingt-cinq ans, ce qui exclut les interférences avec d'autres régimes de soutien aux personnes qui pourraient éventuellement être tentées de se lancer dans l'aventure.
Aménagé ainsi, le dispositif encadre plus clairement le régime de cette nouvelle aide et offre certaines garanties prudentielles de nature à éviter un risque financier excessif pour les collectivités.
Cependant, par le présent amendement, il est suggéré de renforcer ces garanties prudentielles en permettant expressément à l'autorité compétente de prononcer le retrait de la bourse lorsque le bénéficiaire aura mis un terme à son projet de création d'entreprise ou lorsqu'il ne bénéficiera plus du soutien et de l'encadrement de l'incubateur.
Il s'agit d'éviter les projets « bidons », pour lesquels on obtient une bourse qui n'est alors qu'un revenu de substitution mais que l'on garde jusqu'à l'expiration du délai accordé sans avoir de comptes à rendre. Ce que nous voulons encourager, c'est évidemment l'authentique création d'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Cet amendement vise à apporter une sécurité supplémentaire aux collectivités locales. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Un point m'inquiète dans ce débat.
Un certain nombre de conseils régionaux ont effectivement décidé d'accorder des bourses de création ou de recherche-création, qui sont d'ailleurs souvent abondées par le Fonds social européen.
A priori, il me semble que chaque collectivité territoriale responsable peut affiner son système de manière à ne pas se retrouver hors la loi ou tomber sous le coup de la gestion de fait. Actuellement, dans les cinq ou six régions où sont accordées de telles bourses, une convention stipule que l'accompagnement par une structure ad hoc - structure consulaire ou de réseau - est obligatoire et que l'évaluation du projet est faite périodiquement.
Je pense que les collectivités sont en mesure de choisir elles-mêmes le système de protection vis-à-vis des créateurs qu'elles estiment approprié.
Dès lors, je le répète, je ne vois pas la nécessité de légiférer sur ce point. Aujourd'hui, les régions ont tout à fait la possibilité de ne pas se mettre en situation de gestion de fait.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement. M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 1511-9
DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

M. le président. Par amendement n° 5, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, après les mots : « champ d'intervention géographique », de remplacer la fin du deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 3 pour insérer un article L. 1511-9 dans le code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée : « La convention définit, à peine de nullité, les modalités de restitution ou de rémunération éventuelles des financements versés par la collectivité ou le groupement, lorsque le fonds cesse son activité, ne réalise plus l'objet mentionné à l'alinéa précédent ou dans tout autre cas prévu par ladite convention. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Ce sont toujours les mêmes conditions prudentielles qui ont inspiré ici la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de compléter le dernier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 3 pour insérer un article L. 1511-9 dans le code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée : « Il définit les cas de restitution de plein droit aux collectivités et groupements des financements versés. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. C'est toujours le même axe de précaution.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 1511-9 du code général des collectivités territoriales.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Dans la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 modifiée portant réforme de la planification, il est inséré, après l'article 12, un article 12-1 ainsi rédigé :
« Art. 12-1. - Le contrat de plan conclu entre l'Etat et la région peut attribuer à la personne morale définie au premier alinéa de l'article L. 1511-7 du code général des collectivités territoriales un label dénommé "pôle d'incubation territorial".
« L'octroi de ce label s'accompagne d'un engagement de l'Etat d'accorder en priorité aux entreprises dont la création résulte directement de l'action de ces pôles labellisés les aides, subventions, prêts, garanties d'emprunt et agréments fiscaux visés à l'article 12 de la présente loi, ainsi que les aides qui relèvent des politiques nationales d'innovation et de soutien des petites et moyennes entreprises.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Avec l'article 4, nous revenons sur les incubateurs et leur labellisation dans le cadre des prochains contrats de plan.
Cet article a donc pour objet de permettre au contrat de plan d'octroyer un label à certains incubateurs. L'octroi de ce label s'accompagnerait, bien sûr, d'un engagement de l'Etat d'aider prioritairement les entreprises de ces pôles labellisés. L'objectif est évidemment de stimuler la création des pôles, de donner une plus grande cohérence aux aides publiques, d'accentuer le soutien public aux entreprises de petite taille, en particulier dans les programmes nationaux d'aides.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je dirai simplement que les incubateurs, au même titre que les structures d'accompagnement, peuvent d'ores et déjà, sans loi nouvelle, faire l'objet de financements dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
La labellisation des pépinières, avec une norme qui a été d'ailleurs prédéterminée avec l'AFNOR, existe déjà et ouvre la possibilité de financements particuliers dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Chapitre III

Incitation à la mise en réseau
des entreprises au sein d'un territoire

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Il est inséré, après le cinquième alinéa de l'article 43 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Le fonds intervient notamment pour soutenir les entreprises situées dans ces zones qui sont regroupées autour d'un projet partagé et qui mettent en commun des structures ou des moyens en matière notamment de recherche et développement, de production, de commercialisation, de distribution, de communication, de prospection en vue de l'exportation ou de formation des ressources humaines. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Cet article incite à la mise en réseau des entreprises. Il vise à inclure le soutien à cette mise en réseau parmi les missions du FNDE.
Il ne s'agit pas tant de promouvoir une spécialisation géographique, comme c'est le cas dans certains pays, tel l'Italie, que d'inciter les entreprises à travailler ensemble.
Ce texte résulte d'un amendement qui avait été accepté par le Gouvernement au Sénat lors de l'examen de la loi sur l'aménagement du territoire.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Cette disposition est effectivement déjà appliquée ! On a même étendu le système sans intervention législative. Je ne vois donc pas l'intérêt de cet article.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste ne prend pas part au vote.

(L'article 5 est adopté.)

Chapitre IV

Soutien des collectivités territoriales aux organismes
distribuant des avances remboursables

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Après l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1511-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1511-2-1. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1511-2, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent verser des subventions aux organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement d'avances remboursables, à la création ou à la reprise d'entreprise et à ceux visés au 1°) de l'article 11 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qui participent à la création ou à la reprise d'entreprise. Dans tous les cas, les organismes doivent être contrôlés par un commissaire aux comptes, tel que défini par les articles 218 et suivants de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
« Aucune collectivité ni groupement ne peut apporter plus de 30 % des fonds distribués par chaque organisme.
« L'ensemble des concours publics à chaque organisme ne peut excéder 60 % du total des fonds distribués. Toutefois, dans les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones de redynamisation urbaine mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, cette proportion est de 80 %.
« Une convention conclue avec l'organisme bénéficiaire de la subvention fixe les obligations de ce dernier ainsi que les modalités de reversement des avances.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article et le plafond des concours financiers des collectivités et groupements, en pourcentage de leurs recettes réelles de fonctionnement. »
Par amendement n° 7, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de compléter l'avant-dernier alinéa du texte présenté par cet article pour insérer un article L. 1511-2-1 dans le code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée : « Elle détermine les conditions dans lesquelles le remboursement de ces dernières peut être exigé en cas de cessation de l'activité créée ou reprise, ou de cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure judiciaire. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Il s'agit d'apporter une « stabilisation » législative à des plates-formes de prêts d'honneur, auxquels les collectivités territoriales apportent souvent leur concours.
Nous avons déposé, à cet égard, deux amendements prudentiels.
Le premier détermine les conditions dans lesquelles le remboursement peut ne pas être exigé en cas de cessation d'activité créée ou reprise ou de cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure judiciaire. Dans ce dernier cas, le remboursement ne ferait qu'accélérer l'écroulement de l'entreprise ! Bien entendu, à cet égard, mieux vaut prévoir que constater les dégâts !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je ne m'exprimerai qu'une seule fois puisque ces dispositions seront discutées à l'occasion de l'examen du projet de réforme globale que présentera M. Zuccarelli, quelque évocation qui ait été faite de l'Arlésienne au sujet de ce texte.
J'émets donc un avis défavorable, étant entendu que je partage le souci de prudence avancé par la commission des lois.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Gérard Le Cam. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, avant le dernier alinéa du texte présenté par l'article 6 pour insérer un article L. 1511-2-1 dans le code général des collectivités territoriales, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La convention définit, à peine de nullité, les modalités de restitution des subventions versées par la collectivité ou le groupement, lorsque l'organisme cesse son activité, ne réalise plus l'objet mentionné au premier alinéa ou dans tout autre cas prévu par ladite convention. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Les organismes en question sont bien entendu créés et épaulés par les collectivités territoriales pour un but précis, le problème étant qu'ils n'en dévient point.
Il semble logique que la convention qui liera la collectivité à l'organisme prévoie que, au cas où l'organisme se mettrait à ne plus faire du tout ce pour quoi il était épaulé, il soit tenu de restituer les sommes qui lui ont été avancées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Avis très favorable.
M. le président. Le Gouvernement s'est déjà exprimé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Gérard Le Cam. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article additionnel après l'article 6



M. le président.
Par amendement n° 15, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du premier alinéa du 4 de l'article 238 bis du code général des impôts, les mots : « à la création d'entreprises » sont remplacés par les mots : « à la création et à la reprise d'entreprises ».
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à résoudre une difficulté pratique rencontrée par les organismes d'aide à la création d'entreprises, notamment les plates-formes d'initiative locale.
En effet, ces plates-formes peuvent recueillir l'agrément fiscal du ministre du budget, ce qui constitue pour elles un gage de sérieux dans leurs négociations avec les donateurs potentiels, qu'il s'agisse de collectivités ou d'entreprises.
L'obtention de cet agrément est une des conditions permettant aux entreprises de déduire de leur bénéfice imposable leurs dons aux plates-formes, conformément à l'article 238 bis du code général des impôts, l'autre condition étant que les plates-formes se consacrent exclusivement à la création d'entreprises.
Toutefois, l'agrément fiscal n'est accordé qu'aux plates-formes qui se consacrent exclusivement à la création d'entreprise et non à la reprise d'entreprises.
De ce fait, en milieu rural, certaines plates-formes renoncent à demander l'agrément fiscal, car elles souhaitent pouvoir aider les reprises afin d'éviter, par exemple, la fermeture d'une boulangerie ou d'un petit commerce dans un village.
L'amendement que vous propose la commission des finances vise à autoriser la déductibilité fiscale des dons faits aux organismes qui distribuent des avances remboursables non seulement en faveur des créations, mais également en faveur des reprises d'entreprises.
Un tel amendement a déjà été adopté par le Sénat sur l'initiative de M. Besse, au cours de la discussion de la dernière loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Il s'agit d'une disposition très attendue par les acteurs de terrain. C'est d'ailleurs sur votre initiative, monsieur le président, que la commission spéciale avait déposé un tel amendement lors de l'examen de la loi sur l'aménagement du territoire.
La commission ne peut qu'y être très favorable.
M. le président. Je me souviens en effet, monsieur le rapporteur, que nous en avons déjà longuement débattu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je renvoie cette mesure aux états généraux... Pour intéressante que soit cette disposition, elle mérite que nous en discutions soit à l'occasion du collectif budgétaire, soit lors de l'examen de la loi de finances.
Je ne saurais me prononcer aujourd'hui car j'ignore combien elle nous coûterait en « non-recettes », élément non négligeable même s'il est actuellement beaucoup question de recettes supplémentaires. (Sourires.)
Compte tenu des implications budgétaires de cet amendement, je ne peux pas émettre un avis favorable aujourd'hui. Sachez toutefois que c'est l'une de nos positions que nous retenons dans le cadre du panel création-transmission.
M. le président. Le renvoi aux états généraux était, sous l'Ancien Régime, l'issue pour les parlements régionaux. Cette référence ne m'étonne pas de la part d'une élue bretonne ! (Sourires.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Gérard Le Cam. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.

Chapitre V

Réduction de droits sur les donations d'entreprises
dans les zones d'aménagement du territoire

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - A. - L'article 790 du code général des impôts est complété in fine par un II ainsi rédigé :
« II. - 1) Pour les établissements situés dans les zones d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans les zones de redynamisation urbaine, mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, cette réduction s'élève, pour les biens considérés comme des biens professionnels au sens des articles 885 N à 885 O quinquies et 885 R, à 70 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans, à 50 % lorsque le donateur a soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans et à 30 % lorsque le donateur a soixante-quinze ans révolus ou plus, si les conditions suivantes sont réunies :
« a) Depuis au moins cinq ans, le donateur exerce l'activité de l'entreprise individuelle ou détient directement, ou par l'intermédiaire d'une société qu'il contrôle, les parts ou actions transmises ;
« b) La donation porte :
« - sur la pleine propriété de plus de 50 % de l'ensemble des biens affectés à l'exploitation de l'entreprise individuelle ;
« - sur des parts ou des actions dont la détention confère de façon irrévocable au donataire, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une société qu'il contrôle, la majorité des droits de vote attachés aux parts ou actions émises par la société dans toutes les assemblées générales.
« Pour l'appréciation du seuil de transmission, il est tenu compte des biens de l'entreprise, parts ou actions de la société reçus antérieurement à titre gratuit par le donataire et qui lui appartiennent au jour de la donation ;
« c) Le donataire prend l'engagement, dans l'acte de donation, d'exercer personnellement et continûment une fonction dirigeante au sens du 1° de l'article 885 O bis au sein de l'entreprise individuelle ou de la société, pendant cinq ans au moins.
« 2) Lorsqu'une entreprise individuelle possède plusieurs établissements qui ne sont pas tous situés dans les zones mentionnées au 1), la majoration du taux de réduction des droits de mutation ne s'applique qu'à la valeur de l'entreprise affectée du rapport entre, d'une part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle définis à l'article 1467, à l'exception de la valeur locative des moyens de transport, afférents à l'activité exercée dans les zones mentionnées au 1) et relatifs à la période d'imposition des bénéfices et, d'autre part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle de l'entreprise individuelle définis au même article pour ladite période.
« 3) La réduction prévue au 1) est limitée à 10 millions de francs. Dans le cas où la donation porte sur des droits attachés à des parts ou actions, ce montant s'applique à la valeur des titres en pleine propriété. Pour l'appréciation de cette limite, il est tenu compte de l'ensemble des mutations à titre gratuit portant sur une même entreprise ou sur une société ou de celles consenties par la même personne au profit d'un même bénéficiaire, y compris celles intervenues depuis plus de dix ans lorsque les mutations en cause ont bénéficié du régime de faveur prévu au 1).
« 4) Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
« B. - En conséquence, l'article 790 du code général des impôts est précédé de la mention : "I. -". »
« C. - L'article 1840 G nonies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de manquement à l'engagement pris par un donataire dans les conditions prévues au c) du 1) du II de l'article 790, celui-ci est tenu d'acquitter le complément des droits de donation ainsi qu'un droit supplémentaire égal à la moitié de la réduction consentie.
« L'article L. 80 D du livre des procédures fiscales est applicable au droit supplémentaire prévu à l'alinéa précédent. »
« D. - Les dispositions du présent article sont applicables aux donations consenties à compter du 1er juin 2000. »
Par amendement n° 16, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose :
A. - Au début du premier alinéa (1) du texte présenté par le A de cet article pour le II de l'article 790 du code général des impôts, de remplacer les mots : « Pour les établissements situés » par les mots : « Pour les entreprises situées ».
B. - En conséquence, dans le huitième alinéa (2) du texte proposé par le A de cet article pour le II de l'article 790 du code général des impôts, de supprimer deux fois le mot : « individuelle ».
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de clarification.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Les dispositions relatives aux dotations constituent un moyen de réveiller une revendication ancienne concernant la transmission d'entreprise que nous n'approuvons pas du tout. Nous ne sommes pas dupes : même limitées à un secteur géographique donné, elles visent à satisfaire un tout autre objectif.
Nous sommes donc franchement hostiles aux dispositions prévues par l'article 7 et aux amendements allant dans le même sens.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste vote contre.
M. Gérard Le Cam. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 17 rectifié, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose :
A. De remplacer les cinquième à septième alinéas du texte présenté par le A de cet article pour le II de l'article 790 du code général des impôts par cinq alinéas ainsi rédigés :
« - sur des parts ou des actions dont la détention confère de façon irrévocable aux donataires, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une société qu'ils contrôlent, la majorité des droits de vote attachés aux parts ou actions émises par la société dans toutes les assemblées générales.
« Pour l'appréciation du seuil de transmission, il est tenu compte des biens de l'entreprise, parts ou actions de la société reçus antérieurement à titre gratuit par le ou les donataires et qui leur appartiennent au jour de la donation ;
« c) Chacun des donataires prend l'engagement, dans l'acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver pendant au moins cinq ans les biens ou droits mentionnés au b) , directement ou par l'intermédiaire d'une société contrôlée par une ou plusieurs de ces personnes.
« En cas de démembrement de propriété, l'engagement de conservation est signé conjointement par l'usufruitier et le nu-propriétaire. En cas de réunion de l'usufruit à la nue-propriété, le terme de l'engagement de conservation des titres ou des biens dont la pleine propriété est reconstituée demeure identique à celui souscrit conjointement.
« L'un des donataires prend l'engagement, dans l'acte de donation, de poursuivre effectivement l'exploitation de l'entreprise individuelle ou d'exercer personnellement et continûment une fonction dirigeante au sens du 1° de l'article 885 O bis au sein de la société, pendant cinq ans au moins. »
B. En conséquence, dans le premier alinéa du texte proposé par le C de cet article pour l'article 1840 G nonies du code général des impôts de remplacer les mots : « à l'engagement » par les mots : « aux engagements ».
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. L'article 7 prévoit d'accorder une réduction de droits de mutation pouvant aller jusqu'à 70 %, lorsque le donateur a moins de 65 ans, pour les donations anticipées d'entreprises.
L'inconvénient est que la donation ne pourrait concerner qu'un seul donataire, celui qui reprend la gestion de l'entreprise transmise, ce qui paraît inéquitable au regard de l'égalité des héritiers devant la loi fiscale.
L'amendement proposé par votre commission des finances vise à permettre un partage de l'entreprise entre plusieurs donataires, à condition que tous les donataires s'engagent à conserver pendant cinq ans les biens ou les droits transmis et que l'un d'entre eux exerce une fonction dirigeante dans l'entreprise.
En outre, l'amendement permet un démembrement de la propriété des titres afin de permettre au donateur de conserver sa source de revenus après la donation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement qui tend à perfectionner le dispositif de l'article 7.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 18, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose, après le huitième alinéa (2) du texte présenté par le A de l'article 7 pour le II de l'article 790 du code général des impôts, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ) Chacun des donataires prend l'engagement, dans l'acte de donation, de maintenir l'ensemble des activités et des moyens d'exploitation de l'entreprise dans les zones mentionnées au 1) pendant cinq ans. Lorsqu'une entreprise possède plusieurs établissements, cet engagement ne porte que sur les établissements déjà situés dans ces zones. »
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de subordonner l'octroi de l'avantage fiscal au maintien des activités de l'entreprise dans les zones économiquement fragiles que la proposition de loi entend développer.
En l'absence d'une telle clause, rien n'empêcherait un héritier de bénéficier du taux réduit des droits de mutation, puis de délocaliser l'entreprise aussitôt après, ce qui serait contre-productif par rapport à l'objectif poursuivi, à savoir le maintien des activités économiques dans les zones fragiles du territoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Avec cette clause antidélocalisation, la commission des finances a parfaitement intégré dans ses réflexions notre préoccupation relative à l'aménagement du territoire. Par conséquent, j'émets un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le fait d'avoir accordé, à partir de la loi de finances de 1999, l'abattement des droits de mutation à titre gratuit de 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans et de 30 % pour les autres obligeait à conserver les parts huit ans.
C'est un premier pas important pour encourager les entrepreneurs à céder leur entreprise, en évitant que la cession ne s'effectue dans de mauvaises conditions.
Quand on parle des délocalisations, il faut vraiment définir des zones de façon extrêmement précise. Les zones dites défavorisées évoluent - heureusement - en espérant devenir favorisées à un moment donné.
Dans ces conditions, il me paraît difficile de lier cet avantage à la localisation d'une entreprise.
Je ne sais pas davantage ce qu'est la délocalisation d'une entreprise puisqu'il est également arrivé que des sièges sociaux, y compris de PME, viennent essaimer dans des territoires défavorisés des unités de production.
Honnêtement, je ne vois pas comment cette disposition pourrait s'appliquer. Dans ce cas, je préfère émettre un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 19, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose, dans la première phrase du neuvième alinéa (3) du texte présenté par le A de l'article 7 pour le II de l'article 790 du code général des impôts, de remplacer les mots : « est limitée à » par les mots : « ne peut porter sur un montant de plus de ».
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. Cet amendement est d'ordre rédactionnel.
Il précise que le plafond de 10 millions de francs s'applique à l'assiette des droits de mutation, c'est-à-dire à la valeur des biens transmis et non au montant des droits éludés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

TITRE II

Financement de la création
et du développement d'entreprise

Chapitre Ier

Avance remboursable aux créateurs d'entreprises

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - Les personnes physiques qui créent ou reprennent une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole soit à titre individuel, soit sous la forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, peuvent, après expertise de leur projet de création ou de reprise d'entreprise, bénéficier d'une avance remboursable pour création d'entreprise dans les trois premières années d'activité de l'entreprise créée ou reprise.
« L'avance remboursable pour création d'entreprise est un prêt sans intérêt, financé par l'Etat, remboursable dans un délai de cinq ans, à une ou plusieurs personnes physiques qui s'engagent à l'intégrer au capital de la société créée ou reprise ou, le cas échéant, à l'utiliser pour le fonctionnement de l'entreprise individuelle créée ou reprise.
« Le montant de l'avance remboursable varie selon les caractéristiques financières du projet et le nombre de personnes physiques bénéficiaires de l'aide au titre de ce projet.
« L'accès au bénéfice de l'avance remboursable est subordonné à des conditions relatives à la viabilité économique des projets concernés et notamment à l'obtention d'un financement complémentaire.
« L'attribution de l'aide peut être subordonnée à l'engagement du ou des bénéficiaires à suivre une formation à la création ou à la gestion d'une entreprise ou un accompagnement personnalisé financé en partie par l'Etat.
« Les décisions d'attribution et la gestion de l'avance remboursable peuvent être déléguées à des organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement d'une aide remboursable, à la création ou à la reprise d'entreprise et à ceux visés au 1°) de l'article 11 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qui participent à la création ou la reprise d'entreprises.
En cas de cessation de l'activité créée ou reprise, ou de cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure judiciaire, le remboursement de l'avance peut ne pas être exigé.
« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent contribuer à la mise en oeuvre et au financement de l'avance remboursable pour création d'entreprise prévue par le présent article. Une convention conclue entre l'Etat et les collectivités territoriales concernées fixe les modalités d'attribution de l'aide et le montant des engagements financiers de chacune des parties.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Cet article vise à généraliser l'avance remboursable pour la création d'entreprises. Il s'agit, en fait, de l'extension du dispositif EDEN prévu par le code du travail, en application des lois relatives, d'une part, aux emplois-jeunes et, d'autre part, à la lutte contre les exclusions.
Cet article s'adresse à tous les publics dans toutes les activités et n'exclut par les personnes en difficulté. Il s'agit de booster la création de petites entreprises, qui recouvrent 80 % des cas.
Nous sommes convaincus que la multiplication de la création d'entreprises, notamment dans les territoires, sera assortie de la pérennisation.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement a choisi ce dispositif et l'a soutenu parce qu'il existe de jeunes créateurs pour lesquels il est plus difficile que pour d'autres d'avoir accès, par effet de levier ou de garantie du dispositif, aux crédits bancaires.
C'est la raison pour laquelle il nous a semblé important de nous intéresser à eux dans un premier temps. Il serait dommage d'abandonner cet appui aux jeunes chômeurs et aux bénéficiaires des minima sociaux.
En effet, pour les jeunes créateurs qui ne rencontrent pas beaucoup de difficultés, les réseaux d'accompagnement, les crédits que j'évoquais précédemment dans le cadre des plates-formes d'initiative locale, la garantie d'emprunt et la négociation avec la garantie publique de l'emprunt bancaire constituent une démarche qui a toutes chances d'aboutir sur les projets de petites entreprises.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je voudrais préciser ceci : non seulement l'aide remboursable aux jeunes chômeurs n'est nullement abandonnée, mais elle a été étendue à l'ensemble des jeunes qui désirent créer, étant entendu que les sommes d'argent nécessaires ne sont pas élevées.
Par ailleurs, le texte précise que cette aide ne sera pas accordée dans n'importe quelles conditions, mais qu'elle le sera après examen du dossier, et assortie de participations complémentaires.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. J'avais bien entendu cet argument dès le départ : on ne fait pas de discrimination dite « positive » - pardonnez-moi l'expression - pour les gens qui sont le plus en difficulté. Or, ce sont bien ceux-là qui, comme le soulignent fortement le rapporteur de l'ADI l'Agence de l'informatique et le rapport annuel des politiques de gestion, ont actuellement le plus besoin de soutien.
Ces projets méritent d'autant plus que nous leur portions une attention particulière que, comme le disait très bien Mme Novak, spécialiste du système bancaire, le taux de réussite est extrêmement intéressant sur ces dossiers.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 8.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous partageons le point de vue de Mme le secrétaire d'Etat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Chapitre II

Participation des personnes physiques
au capital des entreprises en création

Article 9



M. le président.
« Art. 9. - I. - Il est inséré, après l'article 239 bis AA du code général des impôts, un article 239 bis AB ainsi rédigé :
« Art. 239 bis. - Les sociétés à responsabilité limitée, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, ou agricole, dont le capital est majoritairement détenu par des personnes physiques ou des personnes morales détenues par des personnes physiques, peuvent, dans les trois premières années de leur création, opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l'article 8. L'option ne peut être exercée qu'avec l'accord de tous les associés et cesse de produire ses effets dès lors qu'une des conditions prévues par le présent article vient à faire défaut. »
II. - Au 3° de l'article 8 du même code, les mots « l'article 239 bis AA » sont remplacés par les mots : « les articles 239 bis AA et 239 bis AB ».
« III. - Il est inséré, après le deuxième alinéa du 1° bis du I de l'article 156 du même code, un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'imputation de ces déficits est autorisée, dans la limite de 100 000 F par foyer fiscal, pour les personnes visées à l'article 239 bis AB, à condition qu'elles conservent, pour une durée minimale de cinq ans, leurs droits dans la société. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. L'article 9 propose une incitation fiscale à l'apport en fonds propres des particuliers aux entreprises en création.
C'est ce que nous appelons « les investisseurs providentiels » ou, selon la formule anglo-saxonne, les business angels .
L'objectif est de stimuler, non seulement la création d'entreprise par une formule qui a fait ses preuves ailleurs, mais aussi le capital d'amorçage qui est toujours difficile à mettre en oeuvre dans notre pays.
Le droit français a déjà partiellement intégré ce dispositif puisque, selon l'article 163 octodecies A du code général des impôts, un créateur d'entreprise peut déduire des pertes en capital dans la limite de 100 000 francs en cas de liquidation.
L'article 9 de cette proposition de loi complète ce système puisqu'il vise globalement la période du début de vie de l'entreprise.
Cette modalité concerne, bien entendu, les SARL en début de vie - les trois premières années de la création - et les SARL indépendantes.
Cette modalité supposera qu'avec l'accord de tous les associés la SARL opte pour le régime fiscal des sociétés de personnes soumises à l'impôt sur le revenu.
Il est proposé d'appliquer ces modalités dans une limite d'une perte de 100 000 francs par foyer fiscal à condition de conserver les droits dans la société pendant cinq ans.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je suis défavorable à cet article, d'une part, en raison de la complexité du montage, d'autre part, parce que la déductibilité des pertes en capital est déjà possible dans un plafond de 100 000 francs, ce qui nous semble suffisant. Il n'est donc pas nécessaire d'aller au-delà.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je précise simplement que cette déduction n'est possible qu'en cas de liquidation.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Chapitre III

Prêts des personnes physiques
aux entreprises individuelles en création

Article 10



M. le président.
« Art. 10. - I. - Avant l'article 199 terdecies -O A du code général des impôts, l'intitulé du 14° est complété in fine par les mots : "ou de prêts consentis pour la création d'entreprises individuelles".
« II. - Le I de l'article 199 terdecies -O A du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par les mots : ou de prêts consentis pour la création d'entreprises individuelles ;
« 2° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : "Dans le cas d'une souscription en numéraire au capital d'une société non cotée, l'avantage fiscal..." ;
« 3° Après le cinquième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cas d'un prêt consenti pour la création d'une entreprise individuelle et pendant les trois années suivant le début de son activité, l'avantage fiscal s'applique lorsque les conditions suivantes sont remplies :
« a) L'entreprise individuelle est nouvelle au sens de l'article 44 sexies, est soumise à l'impôt sur le revenu dans des conditions de droit commun et exerce une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34, une activité agricole au sens de l'article 63, ou une activité professionnelle au sens du 1 de l'article 92 ;
« b) Le prêt est consenti pour une durée minimale de cinq ans ; il est gratuit ou assorti d'un taux d'intérêt ne dépassant pas celui de l'intérêt légal ; il ne fait l'objet d'aucune prise de garantie et est assorti d'une clause de créance de dernier rang en cas de procédure collective. »
Par amendement n° 20, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose, dans le deuxième alinéa (1°) du II de l'article 10, de remplacer les mots : « ou de prêts », par les mots : « ou du montant des prêts ».
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 21, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose, dans le dernier alinéa (b) du II de l'article 10, de remplacer les mots : « celui de l'intérêt légal » par les mots : « le taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des prêts à taux variables aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans ».
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. L'article 10 propose d'accorder aux épargnants qui souhaiteraient octroyer des prêts sur leur patrimoine propre aux entrepreneurs individuels le même avantage fiscal que celui dont disposent les épargnants qui entrent au capital de sociétés non cotées, selon la loi Madelin. Il s'agit d'une excellente mesure pour donner aux entreprises individuelles une source de financement alternative aux prêts bancaires.
Un tel avantage serait subordonné à la condition que le prêt soit accordé pour cinq ans et qu'il soit gratuit ou assorti d'un taux d'intérêt ne dépassant pas le taux de l'intérêt légal.
Compte tenu de la rémunération relativement symbolique d'un tel prêt, la commission des finances s'est demandée si l'intéressement fiscal pourrait suffire à encourager des prêteurs potentiels à immobiliser leurs capitaux pendant cinq ans.
C'est pourquoi elle vous propose d'augmenter le plafond de l'intérêt auquel le prêteur peut prétendre en remplaçant le taux de l'intérêt légal par un taux plus représentatif des conditions du marché.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Cette mesure, comme vous l'avez compris, tend à augmenter le taux de rémunération, qui s'élèverait en 1999 à 5,2 %. Elle ne peut qu'accroître l'incitation des épargnants à prêter à des créateurs d'entreprise.
Connaissant le nombre des ménages qui ont des livrets d'épargne - environ 87 % - et le nombre de ménages qui placent de l'argent dans des entreprises non cotées en bourse - environ 1,5 % - nous ne pouvons qu'être très favorables à un basculement de l'un vers l'autre. La commission donne donc un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Techniquement, monsieur le président, on ne saurait pas comment l'appliquer. Le Gouvernement considère qu'il faudrait retirer cet amendement. L'explication technique n'est pas suffisamment claire pour que l'on puisse suivre le raisonnement de la commission.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 21.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous non plus, nous ne voyons pas très bien comment appliquer un tel dispositif. De plus, il nous paraît totalement illusoire et n'aura aucun effet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article additionnel après l'article 10



M. le président.
Par amendement n° 22, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 235 ter ZA du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« VII. Le taux de la contribution mentionnée au I est ramené à 5 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2000 inclus. La contribution est supprimée pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée à compter du 1er janvier 2001. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de supprimer progressivement la surtaxe de 10 % sur l'impôt sur les sociétés instituée en août 1995, en la ramenant à 5 % en 2000 et en la supprimant à partir de 2001.
Le taux facial de l'impôt sur les sociétés passerait ainsi de 36,66 % aujourd'hui - 37,8 % en tenant compte de la contribution sociale sur les bénéfices, la CSB, instituée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 - à 35 % - 36 % en tenant compte de la CSB - en 2000, puis à 33,33 % en 2001.
Trois arguments militent en faveur de la suppression de cette contribution.
D'abord, il était entendu, lors de sa création, qu'elle était provisoire et qu'elle serait supprimée dès que la situation des finances publiques le permettrait. Le gouvernement de M. Alain Juppé s'était ainsi engagé à la supprimer « lorsque la réduction des dépenses et la reprise de l'emploi donneront l'assurance que le déficit public au sens du traité sur l'Union européenne sera inférieur à 3 % du produit intérieur brut ». Or les déficits publics sont passés sous la barre des 3 %, puisqu'ils s'élevaient à 2,1 % en 1999 et qu'il est prévu qu'ils s'établissent à 1,7 % en 2000. Quant à la croissance, elle semble suffisamment établie pour nous permettre d'espérer une poursuite de l'amélioration des comptes publics en 2000 et en 2001, si le Gouvernement s'engage dans la voie de la compression des dépenses publiques.
Ensuite, il est temps que la France suive ses partenaires européens qui s'engagent tous dans la voie de l'harmonisation fiscale, à commencer par l'Allemagne qui souhaite ramener le taux de son impôt sur les sociétés à 25 % en 2001. A défaut de suivre le mouvement, la France court le risque de voir les entreprises quitter l'Hexagone en masse pour s'installer dans les pays où l'environnement fiscal et réglementaire est le plus favorable à la création de richesses. Un tel risque n'est pas seulement théorique si l'on en croit le nombre de jeunes entrepreneurs, et notamment d'informaticiens, qui vont tenter de faire fortune aux Etats-Unis, en Irlande ou en Grande-Bretagne.
Enfin, la suppression de cette contribution donnera un ballon d'oxygène aux entreprises, notamment aux plus petites d'entre elles, et permettra de soutenir la croissance économique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. La proposition de loi initiale comportait deux articles relatifs à la taxation à taux réduit des bénéfices incorporés en vue d'un investissement. La commission des affaires économiques ne les a pas retenus dans ses conclusions. En effet, elle a considéré que, dans le contexte actuel, des mesures plus simples et plus globales pour alléger la fiscalité des entreprises, qu'il revenait à la commission des finances de proposer, étaient désormais envisageables.
Par conséquent, elle émet un avis favorable sur cet amendement, qui répond parfaitement à ses attentes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. On a supprimé l'IFA, l'imposition forfaitaire annuelle, car cela concernait tout le monde. En outre, votre proposition représente 15 milliards de francs en 2000 au titre de l'impôt sur les sociétés. Cette disposition n'est donc pas anodine.
On dit que cela favorisera les toutes petites entreprises. Or la grande majorité des petites entreprises, en particulier artisanales, y compris innovantes, étant au régime des BIC, les bénéfices industriels et commerciaux, et des BNC, les bénéfices non commerciaux, elles ne seront pas concernées par ce dispositif.
Lorsque la discussion porte sur des mesures fiscales, il faut regarder quelles personnes on vise. Actuellement, cette contribution demeure. Lors des débats parlementaires et s'agissant des priorités de réductions d'impôts, on choisira peut-être l'impôt sur les sociétés qui font des bénéfices importants. Je n'en suis pas sûre, en tout cas pas totalement convaincue quand je regarde le paysage économique français actuel.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous sommes très défavorables à cet amendement, d'autant que l'exposé de M. le rapporteur, en tout cas sa première partie, s'écarte considérablement de la question de la création d'entreprise. J'invite d'ailleurs les membres de la commission des finances à faire preuve d'une certaine modestie quant aux prévisions relatives au budget futur. En effet, je me souviens que, il n'y a pas si longtemps, ils faisaient des annonces catastrophiques sur le déficit d'un budget qui, paraît-il, dégage une petite cagnotte nouvelle. Je me souviens aussi d'accusations de truquage du budget, d'escamotage de déficits abyssaux. Alors, soyons un peu prudents !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 10.

TITRE III

STATUT DU CRÉATEUR D'ENTREPRISE

Chapitre Ier

Temps partiel pour création d'entreprise

Article 11



M. le président.
« Art. 11. - Le chapitre II du titre II du livre Ier de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
« I. - 1° Dans l'intitulé de la section 5-2, les mots : "Congé pour la création d'entreprise" sont remplacés par les mots : "Congé et temps partiel pour la création d'entreprise" ;
« 2° Dans l'intitulé de la sous-section 1 de la section 5-2, après les mots : "Dispositions spécifiques au congé", sont insérés les mots : "et au temps partiel".
« 3° Dans l'intitulé de la sous-section 3 de la section 5-2, après les mots : "Dispositions communes au congé", sont insérés les mots : "et au temps partiel".
« II. - L'article L. 122-32-12 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "à un congé", sont insérés les mots : "ou à une activité à temps partiel" ;

« 2° Au deuxième alinéa, après les mots : "est suspendu,", sont insérés les mots : "ou la durée pendant laquelle le salarié travaille à temps partiel" ;
« 3° L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'activité à temps partiel pour la création d'entreprise, l'aménagement du temps de travail porte sur au moins un cinquième du temps de travail applicable à l'établissement, sans que cette activité à temps partiel puisse être inférieure à 18 heures hebdomadaires. »
« III. - L'article L. 122-32-13 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Après les mots : "Le droit au congé", sont insérés les mots : "ou à une activité à temps partiel" ;
« 2° Après les mots : "date du départ en congé", sont insérés les mots : "ou du début de l'activité à temps partiel" ;
« 3° Les mots : "trente-six mois" sont remplacés par les mots : "vingt-quatre mois".
« IV. - L'article L. 122-32-14 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "de départ en congé", sont insérés les mots : "ou de début de l'activité à temps partiel" ;
« 2° Au premier alinéa, après les mots : "la durée envisagée de ce congé" sont insérés les mots : "ou de cette activité à temps partiel" ;
« 3° Au troisième alinéa, après les mots : "durée du congé", sont insérés les mots : "ou de l'activité à temps partiel" ;
« 4° Le troisième alinéa est complété par les mots : "ou de temps partiel".
« V. - A l'article L. 122-32-15 du code du travail, après les mots : "le départ en congé" sont insérés les mots : "ou le début de l'activité à temps partiel".
« VI. - L'article L. 122-32-16 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : "A l'issue du congé", sont insérés les mots : "ou de l'activité à temps partiel" ;
« 2° Dans la seconde phrase du premier alinéa, après les mots : "être réemployés", sont insérés les mots : "à temps complet" ;
« 3° Dans la seconde phrase du premier alinéa, après les mots : "l'expiration du congé", sont insérés les mots : "ou de l'activité à temps partiel" ;
« 4° Au deuxième alinéa, après les mots : "fin de son congé", sont insérés les mots : "ou de l'activité à temps partiel".
« VII. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 122-32-23 est ainsi rédigée :
« Dans les entreprises de moins de deux cents salariés une demande de congé ou d'activité à temps partiel pour création d'entreprise ou de congé sabbatique ne peut être refusée que si le chef d'entreprise après avis du comité d'entreprise ou, s'il n'en existe pas, des délégués du personnel justifie de l'absence d'emploi disponible ressortissant de la catégorie professionnelle du salarié ou de l'absence d'emploi équivalent ou s'il peut démontrer que ce congé ou cette activité à temps partiel aurait des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l'entreprise. »
« VIII. - Dans l'article L. 122-32-27 du code du travail, après les mots : "la liste de demandes de congé", sont insérés les mots : "ou d'activité à temps partiel". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Cet article traite du temps partiel pour la création d'entreprise.
J'ai cru entendre s'exprimer certaines réticences à propos de cet article lors de la discussion générale. Je voudrais préciser que ce temps partiel ne peut être décidé, bien évidemment, qu'en accord avec la hiérarchie de l'entreprise et que soit le contrat de travail, soit les clauses de non-concurrence permettent d'éviter qu'il se passe n'importe quoi.
Ce dispositif est proposé par le biais d'une adaptation des dispositions du code du travail relatives au congé pour la création d'entreprise, c'est-à-dire avec des règles similaires. Il s'agit d'un temps qui n'est pas rémunéré. Il faut être salarié depuis au moins vingt-quatre mois, bénéficier d'un aménagement du temps de travail portant au minimum sur un cinquième du temps de travail dans l'établissement, soit sept heures par semaine, et avoir une activité a contrario à temps partiel au minimum de dix-huit heures par semaine.
En ce qui concerne la sécurité qui est prévue par rapport aux employeurs, je tiens à préciser que le bénéfice de cette mesure peut être refusé dans les entreprises dont l'effectif est inférieur à deux cents personnes s'il est jugé que cette démarche est préjudiciable à la production et à la bonne marche de l'entreprise.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, cela fait beaucoup d'encadrement pour une mesure.
Pour une fois, et en souriant, je dirai que nous préférons négocier avec les partenaires sociaux avant de légiférer. Je reste persuadée, en effet, qu'une bonne négociation avec les partenaires sociaux nous conduira à un statut du créateur d'entreprise qui sera valable pour tous les créateurs, et pas simplement pour ceux qui sont dans des entreprises susceptibles d'accepter le temps partiel prévu. Je crois que la négociation portera ses fruits.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 11.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous sommes très sensibles à cet article et, comme Mme le secrétaire d'Etat, nous avons le souci de la négociation sociale. Comme nous ne nous faisons pas beaucoup d'illusions sur l'avenir du débat parlementaire, nous voterons tout de même, par principe, cet article, car il nous semble intéressant.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Chapitre II

Allocations chômage des salariés qui démissionnent
pour créer leur entreprise

Article 12



M. le président.
« Art. 12. - Il est inséré, après l'article L. 351-16 du code du travail, un article L. 351-16-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-16-1. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 351-1, les salariés qui démissionnent pour créer ou reprendre une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée, ont droit à l'allocation prévue à l'article L. 351-3 dans des conditions visées par l'accord prévu à l'article L. 351-8. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Madame le secrétaire d'Etat, je constate que vous faites confiance aux partenaires sociaux pour le temps partiel, mais pas pour le temps total, puisque vous imposez les 35 heures ! (Sourires.)
L'article 12 traite de l'allocation chômage des salariés qui démissionnent pour créer leur entreprise. Là aussi, vous avez émis des réticences. Je vous rappelle que la règle selon laquelle l'assurance chômage est réservée aux personnes qui subissent une perte involontaire d'emploi est fixée par la loi. Il n'est donc pas illégitime que ce soit la loi qui déroge à ce principe et qui renvoie, comme il se doit, aux partenaires sociaux.
Cela étant, cette disposition est proposée également pour éviter les licenciements déguisés. Les ASSEDIC examinent déjà au cas par cas la possibilité d'avoir une telle allocation de chômage dans le cadre d'une création d'entreprise. Nous proposons de généraliser cette pratique quel que soit le type d'entreprises : industrielles, commerciales, artisanales, agricoles, à titre individuel ou sous forme de société. Bien évidemment, dans le contexte actuel, nous proposons de laisser le soin aux partenaires sociaux d'examiner les conditions d'application de cet article.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Après avoir demandé aux partenaires sociaux de maintenir l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise, l'ACCRE, on a eu l'échec que vous connaissez. Puisque la négociation se passe à l'heure actuelle plutôt correctement en ce qui concerne la prise en charge du créateur, je préfère qu'elle aille à son terme. J'attendais la critique qui a été formulée tout à l'heure puisque je répondais en souriant à une critique que j'avais déjà entendue !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12.
M. Gérard Le Cam. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste également.

(L'article 12 est adopté.)

TITRE IV

PROMOTION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

Chapitre Ier

Conseil national de la création d'entreprise

Article 13



M. le président.
« Art. 13. - Un Conseil national de la création d'entreprise est institué dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi. Il est chargé de défendre les intérêts des petites et moyennes entreprises et de veiller à l'adéquation des politiques publiques à leurs besoins.
« Il suggère des modifications de nature législative ou réglementaire, en vue de favoriser la création et le développement des petites et moyennes entreprises. Il fait des propositions pour simplifier la réglementation et les formalités administratives auxquelles elles sont assujetties.
« Il est préalablement consulté sur tout projet de loi ou de règlement qui concerne les petites et moyennes entreprises. Son avis, qui comporte une étude de l'impact, sur ces entreprises, des dispositions envisagées, est rendu public.
« Il rédige un rapport annuel sur les petites et moyennes entreprises, qui comporte notamment une évaluation de l'application des dispositions de l'article 14 de la présente loi. Ce rapport est remis au Président de la République et transmis au Premier ministre et au Parlement.
« Il recueille toutes les informations utiles à l'accomplissement de ses missions et rend publiques ses observations et ses recommandations.
« Il élabore, de sa propre initiative ou à la demande d'une commission permanente ou spéciale de l'Assemblée nationale ou du Sénat ou d'un membre du Gouvernement, des études sur les petites et moyennes entreprises, qui sont rendues publiques. Il peut faire appel à cet effet, en tant que de besoin, aux différents services de l'administration de l'Etat, qui sont tenus de lui apporter leur concours. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Il s'agit non pas de créer un organisme supplémentaire de défense et de promotion des petites entreprises, mais de donner des missions supplémentaires au CNCE avec ces objectifs.
Nous précisons, en particulier, que toutes les modifications de nature législative ou réglementaire en vue de favoriser la création et le développement des petites et moyennes entreprises sont examinées dans le cadre du CNCE et que celui-ci est consulté préalablement à tout projet de loi ou de règlement qui concerne les petites ou moyennes entreprises.
L'idée qui sous-tend cet article, c'est de créer un organisme indépendant à la fois du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif pour essayer de faciliter définitivement la vie des entreprises dans notre pays. Un tel dispositif existe depuis très longtemps aux Etats-Unis - nous avons déjà évoqué ce point lors de la discussion générale - la small business administration , qui compte une trentaine de personnes à longueur d'année, examine à la lettre et à la loupe tous les textes qui sortent et signale tant au Congrès qu'au Président - chez nous, ce serait au Parlement et au pouvoir exécutif - tout ce qui ne va pas dans le bon sens pour les petites entreprises.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. On peut le faire par arrêté, comme pour le mode de fonctionnement du CNCE. Un arrêté supplémentaire peut donc mieux encadrer les choses. M. Christian Sautter a demandé que, préalablement à chaque décision concernant la création d'entreprise ou des dispositions fiscales ou sociales, l'aspect TPE et PME soit pris en compte. Dès lors, pourquoi ne pas consulter le CNCE ? Je proposerai un arrêté en ce sens.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 13.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous l'avons dit précédemment, nous ne sommes par très favorables à la création d'un nouvel organisme, car la profusion règne en ce domaine. De plus, les explications de M. le rapporteur m'inquiètent quelque peu. En effet, nous voyons fleurir un peu partout de tels organismes indépendants, ce qui fait que, finalement, nous ne savons plus qui décide dans cet Etat. Nous ne sommes pas un pays de tradition anglo-saxonne. Moi, je n'aime pas beaucoup ces organismes qui ne représentent rien et qui, en définitive, ont le droit d'émettre des avis, voire de légiférer. Cela ne me semble pas une bonne chose.
Aussi, nous voterons contre cette disposition. Même si elle peut présenter l'avantage de créer quelques emplois, le jeu n'en vaut pas la chandelle !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Chapitre II

Accès des petites et moyennes entreprises
aux marchés publics

Article 14



M. le président.
« Art. 14. - Au-dessous d'un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, les marchés publics sont, en cas d'offre équivalente, réservés aux entreprises qui comptent moins de cinquante salariés, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs, et dont le capital est détenu majoritairement par des personnes physiques ou des personnes morales directement détenues par des personnes physiques. »
Par amendement n° 24, M. Schosteck propose, dans cet article de remplacer le mot : « sont » par les mots : « peuvent être ».
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. J'espère que la note que je vais apporter ne sera pas trop discordante par rapport à la petite musique que nous ont servie MM. les rapporteurs pour avis, puisqu'ils sont les auteurs de tous les autres amendements que nous examinons. Ne voyez aucune ironie malveillante dans mes propos. Au contraire, je salue l'excellence du travail qui a été accompli.
Je souhaite simplement attirer l'attention du Sénat sur une disposition qui, selon moi, ajoute une contrainte à celles qui pèsent déjà sur tous les décideurs publics, en particulier ceux qui décident dans les commissions d'appels d'offres. En l'occurrence, je préférerais qu'il s'agisse non pas d'une obligation, mais d'une faculté.
Mon amendement a également pour objet d'appeler l'attention sur la notion de « mieux-disant ». En effet on nous dit toujours que nous ne sommes pas obligés de retenir le « moins-disant », et donc que nous pouvons retenir le « mieux-disant ». Or, personne n'est capable, aujourd'hui, de nous dire ce qu'est le « mieux-disant ». Par conséquent, si la disposition proposée - elle est excellente - qui vise à donner une priorité aux petites entreprises pouvait constituer le premier critère - car, à ma connaissance, il n'en existe pas d'autres - de définition de la notion de « mieux-disant », nous aurions accompli un progrès significatif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Je souscris pleinement au constat dressé par notre collègue Jean-Pierre Schosteck sur l'absence de définition du mieux-disant et l'arbitraire qui peut entourer cette notion. Il me semble néanmoins délicat d'approuver cet amendement.
En effet, la substitution d'une faculté à une obligation introduit un arbitraire à deux niveaux de la procédure d'attribution de marchés. Si cet amendement est adopté, les collectivités pourront faire jouer le régime préférentiel prévu par cet article à n'importe quel moment de la procédure et sur des critères qui ne sont pas définis et qui sont assez subjectifs.
Autrement dit, le régime d'attribution préférentielle pourra jouer quand cela arrangera les élus. C'est là une source d'arbitraire qui va à l'encontre des principes du code des marchés publics et du droit communautaire. Lorsqu'une PME locale et une grosse entreprise seront en concurrence, on fera jouer la préférence locale et lorsqu'une grosse entreprise et une PME allemande seront dans cette situation, on fera jouer la préférence autrement.
Je demande donc à M. Schosteck de bien vouloir retirer l'amendement n° 24.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Monsieur Schosteck, l'amendement n° 24 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Schosteck. J'ai indiqué que j'étais confus d'ajouter éventuellement une note discordante à la musique qui avait été excellemment jouée. Par souci de l'harmonie, à laquelle je tiens par-dessus tout, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 24 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Chapitre III

Allotissement des marchés publics

Article 15



M. le président.
« Art. 15. - Aucune prestation ni aucun ouvrage ne peut être scindé en vue d'être soustrait aux procédures applicables aux marchés publics. Les prestations et travaux peuvent néanmoins, si leurs caractéristiques ou les conditions de leur exécution le permettent, être répartis en lots homogènes donnant lieu à un marché distinct. »
Par amendement n° 9 rectifié, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de remplacer la seconde phrase de cet article par une phrase ainsi rédigée :
« Les prestations et travaux peuvent néanmoins être répartis en lots donnant lieu à un marché distinct selon les modalités fixées par le règlement de la consultation. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Avec l'article 15, nous en arrivons à la question de l'allotissement. Tout à l'heure, Mme le secrétaire d'Etat, que j'ai écoutée avec beaucoup d'attention, nous a exposé un point de vue qui ne m'a pas semblé tout à fait identique à celui que nous avions eu l'occasion d'entendre lors de l'audition, par la commission des lois, des représentants du ministère préparant la loi Zuccarelli. Je crains donc qu'il n'y ait à ce niveau quelques divergences.
Nous sommes en effet un certain nombre à avoir entendu que, dans le projet de loi Zuccarelli, s'agissant des travaux publics en particulier, l'allotissement allait devenir la règle, et l'entreprise générale l'exception. Pour l'instant, nous constatons que l'allotissement existe - vous l'avez dit ce matin, madame le secrétaire d'Etat, et c'est vrai - normalement, lorsque la collectivité y trouve un avantage technique ou financier. La mention de ces deux aspects est rarement invoquée en cas de décision d'allotissement, et un certain nombre de marchés sont passés sous forme de lots séparés.
L'amendement n° 9 rectifié vise donc à supprimer le verrou de l'avantage technique ou financier pour la collectivité, afin que l'allotissement soit possible dans tous les cas, sans qu'il soit pour autant obligatoire. Nous sommes à mi-chemin entre le droit actuel et celui que nous sentons venir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Avis tout à fait favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je suis quelque peu étonnée dans la mesure où, à ma connaissance, aucun article du futur projet de loi Zuccarelli ne traite du dossier de l'allotissement.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. C'est une deuxième Arlésienne !
M. Francis Grignon, rapporteur. Il s'agit peut-être de la loi sur les marchés publics.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Un texte est actuellement en discussion ouverte à la fois avec l'Assemblée nationale, le Sénat et l'ensemble des partenaires sur l'évolution possible des marchés publics.
Un problème se pose. Si la suppression de la clause de l'avantage technique ne pose pas de problèmes majeurs, il n'en va pas de même de la suppression de la clause de l'avantage financier, un marché devant prendre en compte cet avantage financier. Je ne sais donc comment on en sortira.
L'attribution par lots est possible. L'avantage technique est évident ; mais l'avantage financier doit être démontré : si le marché par lots aboutit à un coût supérieur de 20 %, par exemple, à celui d'une entreprise générale, je ne vois pas du tout comment un tel marché pourra être défendu.
C'est une vraie question, car, en cas de contentieux, le prix sera toujours considéré comme l'un des éléments du choix pour le marché public. Il faut faire extrêmement attention aux ouvertures de contentieux qu'une disposition de ce type pourrait entraîner : cela mettrait les maires dans des situations probables de contentieux violents.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 9 rectifié.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je tiens simplement à préciser que, dans la pratique - je l'ai vérifié pendant vingt-cinq ans - on ne fait pas simultanément un appel d'offres à la fois pour une entreprise générale et pour une entreprise par lots séparés. On ne saura donc jamais quelle est la différence entre les deux.
L'objet de l'article 15 est, en fait, d'inciter les maîtres d'ouvrage à consulter des entreprises séparées afin de permettre un meilleur développement de ces entreprises, qui sont, en général, des petites entreprises. Croyez-moi, il est beaucoup plus confortable pour une PME d'être en contact direct, pour les conditions de paiement comme pour des questions de responsabilité, avec un maître d'ouvrage plutôt qu'avec un intermédiaire.
Telle est la motivation de cet article.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Pour avoir aussi passé des marchés publics, je comprends très bien l'argument qui a été invoqué, quand il s'agit d'un bâtiment, ou de voies et réseaux divers.
En revanche, il est d'autres cas. J'ai volontairement cité tout à l'heure, car il s'agit d'un cas d'école qui engendre le plus de contentieux, l'avantage technologique de l'entreprise. Une entreprise a une technologie en matière d'épuration ou d'incinération, par exemple. Il est tout à fait possible de faire un appel d'offres avec la technologie d'un côté et des lots de l'autre. Mais il faut montrer un avantage financier puisque vous obligez une entreprise, propriétaire d'une technologie, à discuter avec vous, Or, on n'y arrive jamais ! Le vrai problème est là.
Monsieur le rapporteur, les élus locaux, pour des chantiers simples, passent effectivement de plus en plus de marchés par lots séparés. Ils ont même un avantage financier, car ils peuvent discuter lot par lot des caractéristiques techniques et financières. En revanche, attention à tout ce qui se situe en dehors du bâtiment, des travaux publics et des routes, et qui soulèverait des difficultés contentieuses. C'est pourquoi, dans sa rédaction actuelle, le texte me semble correct.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous devons, en revanche, travailler ensemble, en cas d'entreprise générale, sur le paiement entre la collectivité et le sous-traitant et sur la connaissance par la collectivité de ce dernier, cette dernière question étant beaucoup plus importante pour la PME que la première. C'est pourquoi je suis défavorable à cette ouverture, car j'estime, très honnêtement, que le problème n'est pas là.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je confesse à Mme le secrétaire d'Etat, que je me suis trompé d'Arlésienne ! (Sourires.) Cela peut arriver ! Celle dont je parlais est non pas la loi Zuccarelli mais la loi sur la réforme des marchés publics ! Quand nous avons auditionné les représentants du ministère des finances, c'est de cela qu'ils nous ont parlé : ils ont évoqué le lot comme étant la règle, et le marché global comme étant l'exception qu'il faudrait justifier.
On est donc assez loin, me semble-t-il, de la position exprimée tout à l'heure. C'est pourquoi nous avons proposé un moyen terme, que je souhaite voir le Sénat adopter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernemnt.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15, ainsi modifié.

(L'article 15 est adopté.)

Chapitre IV

Délais de paiement des marchés publics

Article 16



M. le président.
« Art. 16. - Les sommes dues en exécution d'un marché public sont mandatées dans un délai maximal fixé par décret en Conseil d'Etat à compter de la date à laquelle sont remplies les conditions administratives ou techniques déterminées par le marché auxquelles sont subordonnés les mandatements.
« A défaut de date certaine, ressortant du dossier de mandatement et permettant de déterminer le point de départ du délai de mandatement, celui-ci, sous réserve des conditions énoncées au premier alinéa, est la date de la facture augmentée de deux jours.
« Lorsque le mode de règlement proposé par le candidat est une lettre de change relevé, la personne publique est tenue de l'accepter. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements, présentés par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 10 tend :
I. - Dans le premier alinéa de cet article, à remplacer les mots : « sont mandatées » par les mots : « sont payées ».
II. - En conséquence, de compléter le même alinéa par les mots : « et le paiement. »
L'amendement n° 12 vise à insérer, après le premier alinéa de l'article 16, deux alinéas ainsi rédigés :
« Le défaut de paiement dans le délai prévu à l'alinéa précédent fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration dudit délai.
« Les intérêts moratoires dus au titre des marchés des collectivités territoriales sont à la charge de l'Etat lorsque le retard est imputable au comptable. »
L'amendement n° 11 a pour objet, dans le deuxième alinéa de l'article 16, de remplacer les mots : « du délai de mandatement » par les mots : « du délai de paiement ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, pour défendre ces trois amendements.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Ces trois amendements tendent à substituer, pour le démarrage des intérêts moratoires, la notion de paiement à celle de mandatement. Ce qui intéresse les entreprises, spécialement les petites, c'est le moment où les deniers entrent dans leurs caisses, et non le moment où une formalité administrative s'est déroulée quelque part, entre l'ordonnateur et le comptable.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois, d'ailleurs semble-t-il, là encore, en avance tant sur le Gouvernement que sur la Commission de Bruxelles, qui se prépare à élaborer une directive allant tout à fait dans ce sens, propose au Sénat d'envoyer au Gouvernement, sur la base de l'Arlésienne n° 2, un signe fort en lui indiquant ce que nous souhaitons, à savoir que les entreprises soient payées le plus exactement possible et que, à défaut de paiement réel à tel moment, on ne puisse pas s'abriter derrière des arguties variées pour expliquer que c'est la faute de l'un ou de l'autre. Le paiement, rien que le paiement et tout le paiement, si c'est possible !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 10, 12 et 11 ?
M. Francis Grignon, rapporteur. La commission émet bien sûr un avis favorable.
Je voudrais simplement préciser que l'article 16 prévoit d'étendre aux collectivités territoriales le régime des lettres de change relevé, qui existe pour l'Etat. Ce serait un excellent outil puisque la lettre de change relevé est l'équivalent de la traite dans l'économie privée ; elle impose des délais et des paiements d'indemnités de retard automatiques.
Il est donc important que les collectivités territoriales et les PME sachent que cet outil existe.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. J'ai expliqué longuement tout à l'heure que, après la directive européenne, nous élaborerons un texte. Je reste persuadé qu'il nous faut attendre la directive européenne, quitte à aller au-delà de ce qu'elle demandera.
En tout état de cause, la directive fait état de délai de paiement et jamais de mandatement. Dans l'argumentaire développé par M. Christian Pierret, c'est bien le paiement qui est pris en compte.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements, et ce pour des raisons d'opportunité par rapport à la directive.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger. M. Jacques Bellanger. Je tiens à rappeler que nous avons voté contre les quatre amendements précédents, dont les dispositions nous semblaient soit dangereuses, soit inefficaces.
S'agissant de l'amendement n° 10, nous sommes beaucoup plus perplexes, y compris sur les lettres de change.
Nous sommes quand même dans un sytème très simple : il y a l'ordonnateur et le payeur. Avec une lettre de change, il va falloir payer. Or, comment va faire le payeur s'il n'a pas les documents lui permettant de payer ? Il engagera sa propre responsabilité, car il est responsable sur ses propres deniers.
A cet égard, nous avons eu, ce matin, une discussion en commission des affaires économiques et du Plan. Naturellement, tout le monde est bien d'accord pour reconnaître qu'il est dramatique pour une entreprise, notamment une petite entreprise, de ne pas pouvoir être payée en temps utile. Dans le meilleur des cas, elle contractera des emprunts en banque et paiera des intérêts ; dans le pire des cas, elle déposera le bilan.
Aussi faut-il remédier à cette situation. Mais, dans le même temps, nous constatons que, dans la plupart des cas, c'est non pas le payeur qui est en cause, ou rarement, mais plutôt l'ordonnateur, qui n'arrive pas à fournir un certain nombre de pièces.
Vous le savez, toutes les mairies ne sont pas de grandes mairies, dotées de services compétents. Or, la législation, notamment sur les travaux, n'est pas si simple que cela.
Quand on le veut, quand on connaît bien la législation et quand on dispose de bons services, il est relativement aisé de faire payer dans les délais voulus, à condition d'avoir la trésorerie. Je suis très bien placé pour en parler, car je l'ai fait !
Mais l'amendement n° 10 va aboutir à d'innombrables contentieux pour savoir qui a empêché de payer. Le trésorier va dire que la commune ne lui a pas fourni les documents, et la commune prétendra le contraire. Je ne vois donc pas du tout comment le problème pourra être résolu. Par conséquent, si nous sommes tous d'accord pour dire que, sur le fond, il faut faire quelque chose, sur la forme, je suis beaucoup plus réservé.
J'ajouterai un autre argument relatif à la tenue d'un budget par une commune. Une commune ne va bien sûr pas engager des dépenses si elle n'a pas reçu les subventions, monsieur le rapporteur. Mais il arrive parfois que, contrairement à la promesse de subvention qui lui avait été faite, la collectivité locale ne voie rien venir. Or, elle est en droit d'engager les dépenses, et elle est aussi en droit de ne pas avoir de trésorerie, si l'engagement oral qu'on lui a donné n'est pas tenu. Les responsables des collectivités locales sont donc confrontés à certaines difficultés.
Tel est l'ensemble des raisons pour lesquelles nous sommes plutôt hostiles non seulement à l'article 16, mais aussi aux amendements n°s 10, 12 et 11.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Nous retrouvons ici une discussion que nous avons eue ce matin en commission des affaires économiques.
J'entends bien toutes les difficultés que vous exposez, monsieur Bellanger, mais je tiens à préciser un certain nombre de points.
D'abord, en ce qui concerne la trésorerie de la collectivité, il ne peut y avoir, sauf cas très exceptionnel, versement de subvention sans qu'il y ait eu préalablement paiement par la collectivité. Par conséquent, il appartient à cette dernière de prévoir son plan de trésorerie, quitte à ce que le comptable attire éventuellement son attention, quand elle lance ses marchés, sur le fait qu'à un moment ou à un autre il risque d'y avoir rupture.
Au demeurant, permettez-moi de vous signaler que je connais peu de cas où une banque n'accorde pas une ligne de trésorerie quand il y a un arrêté en bonne et due forme prévoyant une subvention de l'Etat ou d'une collectivité. Certes, j'ai connu un cas - je préfère taire le nom de la collectivité visée - où les imprudences successives du responsable majeur de cette collectivité l'avaient effectivement mise dans une situation telleque les lignes de trésorerie étaient systématiquement refusées parce que trop, c'est trop. Mais ce cas est unique !
Cela dit, il peut y avoir des problèmes entre le comptable et l'ordonnateur, c'est vrai. Mais vous me permetterez de dire que je préfère un contentieux entre le comptable et l'ordonnateur au dépôt de bilan d'une entreprise. Une fois que l'entreprise aura perçu son argent, que le comptable et l'ordonnateur se renvoient la balle sur les intérêts moratoires, c'est un autre problème, mais il doit rester interne à la sphère publique et il faut éviter que les entreprises privées se retrouvent en dépôt de bilan et disparaissent du jour au lendemain.
Quoi qu'il en soit, cette proposition de loi sur les marchés publics vise non les grands groupes - Bouygues peut supporter, à la limite, un léger retard de paiement -, mais la petite entreprise locale qui doit pouvoir, sans état d'âme et sans terreur anticipée, se présenter dans le circuit des marchés publics des collectivités territoriales.
Vu sous cet angle, dans l'intérêt des entreprises, nous devons aider la commission des affaires économiques dans sa démarche, ainsi que la commission des lois.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Chapitre V

Incidences sur les recettes de l'Etat et compensation

Article 17



M. le président.
« Art. 17. - Les pertes de recettes résultant de l'application des dispositions ci-dessus sont compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 23, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit cet article :
« Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des dispositions ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Ostermann, rapporteur pour avis.
M. Joseph Ostermann, rapporteur pour avis. S'agissant de la compensation financière de la proposition de loi, nous proposons une nouvelle rédaction de l'article 17 afin de prendre en compte le fait que les droits sur les tabacs sont aujourd'hui, pour 94 %, destinés à la sécurité sociale.
Il convient donc de créer une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs pour permettre de compenser les pertes de recettes pour l'Etat engendrées par les dispositions de la présente proposition de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Tout à fait favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je suis obligée de m'en remettre à la sagesse du Sénat : comme je ne suis pas favorable à l'ensemble de la proposition de loi, je ne peux être favorable à son financement. Mais cela regarde la Haute Assemblée !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Gérard Le Cam. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 17 est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions de la commission des affaires économiques, je donne la parole à M. Schosteck pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que le Sénat vient d'examiner et qui présente une palette variée de mesures innovantes destinées aussi bien aux micro-projets qu'aux petites et moyennes entreprises est le fruit des réflexions du groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires », créé par la commission des affaires économiques et du Plan en juin 1998.
Je tiens, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, à rendre un hommage particulier aux membres de ce groupe de travail qui, devant l'urgence qu'il y avait à renverser la tendance à la diminution de la création d'entreprises dans notre pays et face à l'attentisme du Gouvernement, a pu nous proposer un dispositif qui tend à améliorer l'environnement et l'accompagnement de la création et du développement des entreprises sur notre territoire.
Ce texte est, en effet, une véritable « boîte à outils » pour les acteurs du développement local, en même temps qu'il prévoit des mesures pour libérer les initiatives et donner un nouveau souffle à la création d'entreprise.
Alors que la seule innovation économique du Gouvernement est la loi sur les 35 heures, le Sénat doit s'honorer de proposer, comme il vient de le faire aujourd'hui, un dispositif qui favorise la création et le développement des entreprises, dans une optique d'aménagement et de développement du territoire.
Aujourd'hui, le Gouvernement persiste et signe dans une voie économique rétrograde et inadaptée. C'est bien, en effet, ce gouvernement, et aucun autre, qui, lors de l'examen par notre Haute Assemblée du projet de loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire, a opposé une fin de non-recevoir aux propositions faites dans ce domaine par la commission spéciale instituée alors et rapportées par notre collège Gérard Larcher.
Je pense ici tout particulièrement à la création de fonds communs de placement de proximité pour drainer l'épargne des particuliers vers les entreprises des zones fragiles de notre territoire.
Aujourd'hui, donc, ce dispositif innovant est adopté et amélioré par les trois rapporteurs, nos excellents collègues Joseph Ostermann, Paul Girod et Francis Grignon, qui ont su notamment démontrer la pertinence et la nécessité des souscriptions directes des particuliers dans le capital des sociétés non cotées en mutualisant l'épargne des investisseurs.
Le Sénat a ainsi, une fois de plus, montré la voie, et c'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement pour la République votera cette proposition de loi avec une grande satisfaction.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, s'il est au moins un objectif qui nous rassemble dans cet hémicycle, c'est bien celui qui tend à favoriser l'installation et la reprise des petites entreprises artisanales et commerciales, tout particulièrement dans nos départements ruraux.
Chiffres à l'appui, la preuve est faite que ce secteur est déjà particulièrement créateur d'emplois, et les relations régulières que j'entretiens avec les deux chambres des métiers de mon département en attestent.
Cependant, nous ne partageons pas la même philosophie de l'aide aux entreprises. Rien de surprenant à cela !
Nous disons péréquation quand vous omettez d'en parler ; nous exigeons le contrôle des fonds publics ; nous proposons la participation des salariés aux orientations de l'entreprise ; nous préconisons la mobilisation des financements, certes à l'échelon régional mais avec une mutualisation des risques, avec une limitation de ceux des collectivités locales et une garantie pour elles du retour sur investissement.
Pourquoi des collectivités locales aux budgets déjà serrés devraient-elles prendre tant de risques et attendre de façon aléatoire un éventuel retour sous forme de taxe professionnelle ou d'emplois, pendant que les boursicoteurs peuvent obtenir davantage, y compris en gonflant artificiellement la bulle financière ? Et je n'évoque pas ici les fonds de pension, qui attendent des retours sur investissement supérieurs à 15 % !
Si, demain, nous pouvions taxer davantage les revenus de la spéculation boursière, qui est néfaste pour l'emploi - il suffit de voir grimper la bourse quand une entreprise licencie - et transférer les fonds ainsi dégagés vers les PME et PMI créatrices d'emplois, alors, oui, nous aurions bien travaillé.
Voilà quelques-uns des éléments de notre conception. Mais ce n'est pas ce que nous trouvons dans cette proposition de loi. Aussi, comme je l'ai annoncé tout à l'heure, nous voterons contre, en émettant le voeu que, très vite, ce chantier soit remis en route sur de nouveaux critères plus sociaux, plus démocratiques et plus efficaces.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce matin, nous avons indiqué que nous émettions un certain nombre d'objections sur ce texte, même si nous approuvions quelques-unes de ses mesures. Nous avons également indiqué que, pour notre part, nous souhaitions contribuer sans aucun esprit partisan à l'élaboration de ce texte, tant le sujet nous semble important.
Je crois que nous avons rempli notre contrat, car nous sommes parfois allés très loin dans les concessions, notamment en ce qui concerne le statut du créateur d'entreprise et certaines autres dispositions qui ne recueillaient pas notre plein accord mais à propos desquelles nous voulions faire progresser le débat avec M. le rapporteur.
Mais, encore une fois, le texte n'est pas bon, et nous regrettons d'ailleurs un certain nombre de commentaires que nous venons d'entendre et qui nous confortent dans l'idée que la présente proposition de loi a plus pour objet, à la veille de manifestations annoncées, d'affirmer le point de vue de la majorité sénatoriale que de faire avancer le débat. Même si je pense que telle n'est pas la véritable intention des rapporteurs, c'est pourtant bien à cela que servira ce texte.
A partir de là, point n'était besoin de faire avancer le débat, puisque nous nous situons dans une querelle politicienne.
Je crois pourtant qu'il y a eu des échanges intéressants et que le débat parlementaire suivra son cours, même s'il n'est pas prêt de trouver sa conclusion, car une majorité ne se dégagera pas au sein du Parlement pour adopter ce texte. En effet, je le rappelle, le Parlement est composé de deux chambres, et les efforts des uns et des autres restent à l'heure actuelle insuffisants pour qu'un consensus puisse se dégager. C'est bien dommage !
En conclusion, il nous faut constater que les divergences politiques sont telles qu'il ne peut y avoir de consensus dans ce domaine. Au demeurant, ce n'est pas scandaleux ! Dans ces conditions, nous voterons, bien entendu, contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais d'abord féliciter les auteurs de la présente proposition de loi ainsi que nos rapporteurs, qui en ont amélioré la rédaction initiale.
Ce texte présente de nombreux avantages, et tout d'abord celui de faciliter l'accès au financement pour les créateurs d'entreprise, ce qui est important car les incertitudes qui pèsent depuis quelques mois en la matière ont fait chuter de façon sensible le nombre des demandes. Ainsi, dans mon département, que mon ami Paul Girod connaît bien lui aussi, le nombre de dossiers de créations d'entreprise déposés en 1999 n'a représenté que la moitié de ce que nous avions enregistré en 1998 et, depuis le 1er janvier 2000, il n'y en a presque pas eu.
Le fait que cette proposition de loi cadre mieux les dispositifs de soutien à la création d'entreprise est une bonne chose et va nous permettre, probablement, de repartir sur un rythme de création plus soutenu.
Ensuite, ce texte présente l'avantage de mieux accompagner les créateurs d'entreprise. Il faut en effet les aider, et les aider pendant plusieurs années. Pour ceux qui ont eu le courage de se lancer dans cette aventure - car il s'agit bien d'une aventure - il faut qu'il y ait le moins de risques possible.
A cet égard, je tiens à signaler l'existence de l'association EGEE, qui regroupe à travers la France 3 000 ingénieurs retraités pour aider les créateurs, spécialement les jeunes, à établir leur dossier et pour les suivre pendant un an, parfois deux, pour prévenir toute catastrophe prématurée. De tels exemples démontrent que l'on peut aujourd'hui mieux accompagner les créateurs d'entreprise.
En dernier lieu, les collectivités locales, les régions, les départements et les communes s'impliquent de plus en plus dans le développement local, et la présente proposition de loi s'ancre dans cette logique de développement local.
Pour ces différentes raisons, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet. Après M. Pelletier, je tiens à me féliciter du travail qui a été réalisé au sein de la commission des affaires économiques et du Plan. Nous y avons participé, et j'ai apprécié le débat qui a eu lieu dans cet hémicycle.
Le hasard veut que je revienne de deux pays étrangers, où j'ai passé deux mois. J'y ai rencontré des jeunes Français qui s'y étaient installés. Pourquoi l'ont-ils fait ? A cause de la lourdeur des formalités administratives en France ! Je reviens ainsi de San Francisco, où huit à dix prix Nobel travaillent dans la recherche. Nous y avons vu de jeunes Français qui nous ont dit qu'ils étaient prêts à s'installer en France mais que ce qu'on leur offrait là-bas était tellement mieux qu'ils n'avaient plus envie de rentrer.
Ces contraintes sont telles que nous avons l'obligation, en tant que législateurs, de nous interroger. Aux Etats-Unis, on peut s'installer en quarante-huit heures. Chez nous, pour créer une entreprise, il faut des semaines, voire des mois pour obtenir les autorisations nécessaires. Des modifications et des simplifications s'imposent !
Même si le débat d'aujourd'hui ne règle pas tout, il aura permis d'améliorer la situation. On pourrait d'ailleurs aller plus loin si l'on suivait le Sénat.
Quoi qu'il en soit, le groupe de l'Union centriste votera ce texte avec plaisir.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me félicite de la tonalité qui a présidé à ce débat. J'ai beaucoup écouté les arguments des uns et des autres ; j'espère que la réciproque est vraie.
Je veux remercier mes collègues Paul Girod et Joseph Ostermann, avec qui nous avons fait un travail commun pour arriver à un texte commun. Au fond - le débat d'aujourd'hui en témoigne - nous visons tous le même objectif, en ce qui concerne la création d'entreprise, les PME et les territoires. Malheureusement, nous divergeons sur les méthodes pour l'atteindre.
Sans aller jusqu'à espérer une inscription d'urgence de ce texte à l'Assemblée nationale, je veux croire, madame le secrétaire d'Etat, que tous les arguments que nous avons échangés vous inspireront, comme ils inspireront le Gouvernement lors de l'élaboration des beaux projets que vous nous avez annoncés et qui, je l'espère, viendront très rapidement en discussion, parce que nos entreprises, nos jeunes, nos territoires en ont véritablement besoin. (Applaudissements.)
M. le président. Qu'on me permette de m'associer à l'hommage rendu à tout ce travail qui a été fait et qui avait déjà éclairé le débat sur l'aménagement durable du territoire.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 254 (1998-1999).

(La proposition de loi est adoptée.)

9

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Louis Le Pensec, au nom de la délégation pour l'Union européenne, une proposition de résolution, en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (n° E-1353).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 221, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 22 février 2000 :
A neuf heures trente :
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. Guy Vissac attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la nécessité pour la région Auvergne que soit maintenu le taux de participation de l'Etat pour les travaux routiers du réseau national, et ce à équivalence du dernier contrat de plan. Il lui rappelle que, tandis que se négocient actuellement les crédits du futur contrat de plan Etat-région, le taux de participation de l'Etat en faveur des travaux routiers du réseau national atteindrait 50 %, laissant ainsi aux autres collectivités locales la moitié du financement. Cela est d'autant plus discutable que le réseau des routes nationales relève uniquement de l'Etat. Il lui demande donc de lui préciser les intentions du Gouvernement en la matière tout en lui rappelant qu'une participation plus lourde de la région Auvergne dans ce secteur risque de compromettre d'autres programmes d'équipement ou l'obligerait à revenir sur sa résolution de maintenir les taux d'imposition actuels. (N° 662.)
II. - M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les dispositions régissant la prestation compensatoire en cas de divorce.
Cette prestation, instituée par la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 sur le divorce, due par l'un des époux à l'autre, plus démuni, pour préserver son niveau de vie, a des conséquences bien souvent dramatiques sur celui que l'on appelle le débirentier.
Lors du divorce, la prestation compensatoire est calculée en fonction notamment des revenus du conjoint qui va la verser. Or, au fil du temps, le débirentier peut perdre son emploi ou connaître une baisse importante de revenus. La prestation compensatoire, elle, en raison de son caractère indemnitaire, n'est jamais modifiée.
De plus, cette prestation est transmissible, c'est-à-dire que, lors du décès du débirentier, sa nouvelle épouse ou ses enfants doivent continuer à verser la prestation à l'ex-conjoint de leur parent défunt.
Dans un rapport commandé par Mme le garde des sceaux et rendu public le 14 septembre 1999, il est préconisé de réformer cette prestation, en suggérant notamment le versement en capital, au moment du divorce, plutôt que le versement sous forme de rente.
La prise en compte par la voie législative de ses propositions, assez satisfaisantes, est très attendue.
C'est pourquoi il souhaite savoir dans quelle mesure et dans quel délai les conclusions de ce rapport pourront être reprises par un projet de loi. (N° 666.)
III. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur l'assujettissement des associations organisant des spectacles vivants à la taxe professionnelle. Le secteur associatif, en raison de la densité en nombre, de la variété de ses activités et de sa présence sur l'ensemble du territoire départemental, est un facteur essentiel du développement local. Par son action au plus près de nos concitoyens, comme par l'esprit désintéressé qui l'anime, il concourt à l'intérêt général. Dans ce contexte, il est donc justifié que les associations bénéficient de dispositions particulières au regard de l'impôt, notamment en n'étant pas soumises à la taxe professionnelle. Ce principe pérenne a malheureusement été remis en cause par le Gouvernement par le biais de deux instructions des 15 septembre 1998 et 16 février 1999 de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie décidant le réaménagement du régime fiscal applicable aux activités économiques des associations.
Ces deux directives ont créé un lien entre les trois impôts commerciaux, si bien qu'une association assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée devient désormais redevable des autres impositions. Ces nouvelles mesures pénalisent en particulier les associations culturelles organisant des spectacles vivants qui étaient alors assujetties à la TVA à taux réduit, à savoir les théâtres nationaux et les autres théâtres fixes, les concerts symphoniques, les orchestres et les chorales, ainsi que les théâtres de marionnettes, les cabarets artistiques, les cafés-concerts, les music-halls et les cirques, à l'exclusion des établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances. Pour la grande majorité d'entre elles, ces dispositions risquent d'être structurellement déficitaires. Conscient de ce problème, le Gouvernement, sans renoncer pour sa part à la fiscalisation, a demandé aux collectivités locales de voter avant le 15 octobre 1999 une exonération totale de la taxe professionnelle. Devant cette situation, il lui demande de bien vouloir prendre en compte le rôle spécifique joué par les associations en maintenant les dispositions particulières dont elles bénéficiaient en matière fiscale. (N° 672.)
IV. - M. Bernard Cazeau attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'avenir du centre hospitalier Vauclaire situé à Montpon-Ménestérol.
En effet, la presse nationale et locale s'est fait l'écho des inquiétudes des professionnels de santé, des élus et de la population quant à la recomposition hospitalière avec la mise en place de la seconde génération des schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS, qui tracent pour chaque région et pour les cinq années à venir (1999-2004), les priorités en termes de santé publique et d'amélioration de l'organisation de l'offre de soins.
Toutefois, ce SROS arrêté en septembre 1999 ne traite pas le sujet de la psychiatrie qui a fait l'objet d'un schéma quinquennal adopté en 1997. Or, le centre de Vauclaire a la particularité d'être un établissement exclusivement réservé au secteur psychiatrique.
Ces précisions apportées n'obèrent pas pourtant les inquiétudes liées aux perspectives de ce centre hospitalier dans la mesure où son avenir et sa pérennité passent par une large ouverture sur l'extérieur et un rapprochement entre la population et les structures de prise en charge.
A la lecture du SROS du secteur psychiatrique, il n'apparaît nulle part, explicitement, l'éventuelle fermeture du centre de Montpon-Ménestérol, ce qui constitue un élément de satisfaction, mais le SROS met en revanche l'accent sur la complémentarité qui doit jouer entre les hôpitaux de Périgueux, Bergerac, Sarlat et Vauclaire.
L'adaptation du dispositif de soins pour le rendre accessible dans l'espace et dans le temps amène à penser qu'il pourrait s'agir d'un redéploiement dans l'espace. Auquel cas on peut supposer qu'il se fasse au détriment de Vauclaire. L'augmentation de capacité de Périgueux par exemple et le renforcement de la coopération pourraient se solder à terme par des suppressions de lits, ainsi que par des transferts du personnel de Vauclaire.
Devant ces interrogations et ces incertitudes, et rappelant son attachement au maintien de la qualité des services de santé dans le département de la Dordogne, il souhaiterait connaître très précisément quelles seront les modalités de ce redéploiement. (N° 677.)
V. - Devant la prolifération des chiens de type pit-bulls dans les zones dites sensibles, M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les difficultés d'application de la loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux.
Cette dernière prévoit des mesures dans un souci de sécurité comme, notamment, l'interdiction pour certains chiens d'accéder dans les lieux publics, l'obligation de les tenir muselés ou encore de les déclarer en mairie.
Près d'un an après la parution de cette loi, on voit toujours autant de molossoïdes et de jeunes chiots de ce type dans les banlieues. De surcroît, on les rencontre dans les lieux interdits et ils ne sont que rarement attachés et muselés.
Il lui demande, d'une part, si une campagne d'information peut être lancée sur cette question et, d'autre part, quand des mesures efficaces seront prises pour faire appliquer cette réglementation. (N° 686.)
VI. - M. Daniel Hoeffel interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur l'enseignement des langues anciennes.
L'application d'un seuil de 15 élèves serait nécessaire pour pouvoir ouvrir une classe de latin ou de grec. Cette mesure s'est traduite par une diminution sensible du nombre d'élèves suivant cet enseignement, tout particulièrement dans l'académie de Strasbourg.
Par ailleurs, les élèves admis en section scientifique sont contraints de choisir en terminale entre la seconde langue vivante et une langue ancienne. Et par surcroît aucun cumul n'est possible entre la scolarisation en section européenne et l'enseignement d'une langue ancienne. Les élèves de ces filières sont ainsi privés de la possibilité d'acquérir une culture classique.
L'ensemble de ces mesures compromet l'engouement observé ces dernières années en faveur des langues anciennes, malgré une réelle demande de la part des élèves ainsi que du corps enseignant.
Quelles sont les orientations qui sont envisagées en faveur de la diffusion des langues anciennes ? Quelles sont, par ailleurs, les mesures concrètes permettant de traduire dans les faits la déclaration commune franco-italienne faite à Sienne le 2 juillet 1998 en faveur du développement de la culture classique et ratifiée par les chefs de gouvernement des deux pays ? (N° 690.)
VII. - M. Georges Mouly demande à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité si elle envisage, dans l'optique d'un traitement égalitaire des bénéficiaires de prestations similaires, le principe suivant : « à ressources identiques, avantages identiques », de mettre en oeuvre une réelle simplification du système des prestations sociales afin de redonner un sens aux missions des caisses d'allocations familiales et d'asseoir le rôle essentiel qu'elles jouent dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, un des enjeux majeurs de l'action publique. (N° 693.)
VIII. - Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite interroger M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les incidences du projet d'aménagement de la RN 171 en Loire-Atlantique, plus précisément sur la section Savenay-Nozay.
Ces travaux apporteront pour les acteurs socio-économiques des améliorations sensibles de la desserte de la zone portuaire Saint-Nazaire - Montoir. Toutefois, la population des communes riveraines, tout en reconnaissant ces avantages, exprime ses préoccupations sur les nuisances induites par l'intensification du trafic à l'intérieur des bourgs traversés, en particulier en termes de sécurité ou de pollution sonore et atmosphérique.
En conséquence, elle lui demande de bien vouloir porter à sa connaissance les orientations préconisées par ses services afin que soit envisagé un contournement des bourgs concernés permettant d'assurer la sécurité des usagers et la préservation de leur environnement. (N° 694.)
IX. - A moins d'un an du début de la campagne pour les élections municipales, M. Michel Esneu souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la communication d'une commune via un site Internet en période préélectorale. Globalement, les communes françaises ont été assez réceptives au phénomène de l'Internet. En Bretagne, par exemple, grâce au programme Cybercommunes, plus de la moitié des communes possède un site web aux finalités différentes. Les maires considèrent l'Internet comme un outil politique de gestion, de développement économique et de communication au service de l'aménagement du territoire. Cette démocratisation de l'Internet communal doit s'accompagner d'un ajustement de notre cadre juridique. Malgré les annonces du Gouvernement dans ce domaine, des questions restent en suspens, notamment celle de la compatibilité d'un site web communal en période préélectorale. En effet, selon l'article 43 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, le site web est assimilé à un service de communication audiovisuelle puisqu'il met à la disposition du public, par un procédé de télécommunications, des messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée. De plus, l'article L. 52-1, alinéa 1, du code électoral précise que l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection. Dans ce cadre, un site web communal peut-il être assimilé à un outil de propagande ? Par ailleurs, selon l'alinéa 2 de l'article précité, il y a une prohibition de six mois concernant toutes imputations susceptibles de promouvoir l'action ou la gestion du maire. Quid des sites communaux ? Faut-il les supprimer en période électorale ? En définitive, il s'agit de savoir si les dispositions de l'article L. 52 du code électoral s'appliquent au site Internet d'une commune. Dans l'affirmative, et en cas de recours, la jurisprudence retiendra probablement le principe de continuité selon lequel le candidat-maire ne doit pas sortir de son habitude de communication. Afin de limiter le contentieux électoral, il lui demande si le Gouvernement ne devrait pas préciser, dans une circulaire, les règles concernant les nouvelles possibilités de communication des communes en période électorale. (N° 696.)
X. - M. Jean Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur certaines conséquences de la modernisation des contributions indirectes. Le service des contributions indirectes de Voiron, dans l'Isère, sera ainsi très prochainement fermé pour être regroupé avec d'autres. Ce regroupement engagé au nom de la simplification et de l'efficacité risque en réalité de pénaliser les viticulteurs, les caves coopératives, les négociants d'alcools ou de boissons alcooliques et les débitants de tabac qui ne disposeront plus d'un service de proximité apte à maintenir un dialogue constant et constructif avec eux. Cet éloignement ne peut qu'inquiéter les professionnels au moment où ceux-ci doivent appliquer une réglementation européenne sur les produits soumis à accises en constante évolution et dont les contraintes et les implications sont importantes. En effet, les services des contributions indirectes, moins proches des entreprises, risquent désormais de privilégier l'aspect répressif de leur mission au détriment du conseil, la sanction au détriment du dialogue. Dans ces conditions, il lui demande s'il ne serait pas préférable de renoncer à la suppression de certains services de proximité, et notamment celui de Voiron, afin que les entreprises ne soient pas pénalisées par une modernisation sensée rendre le dispositif actuel plus efficace. (N° 698.)
XI. - M. Marcel Charmant appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la situation difficile que connaît actuellement le centre d'information et d'orientation de Nevers.
Le décret n° 55-1342 du 10 octobre 1955 met les CIO à la charge de l'Etat pour ce qui concerne les créations nouvelles d'établissements ; s'agissant des centres existant antérieurement, ils restent à la charge des collectivités ou organismes qui les ont créés, pour ce qui est des charges de fonctionnement hors personnel. La loi de finances du 17 décembre 1966 prévoit, quant à elle, leur étatisation progressive.
Depuis 1966, les demandes d'étatisation des CIO n'ont été que très partiellement satisfaites et à ce jour 47 % des centres d'information et d'orientation sont toujours à la charge des collectivités.
Les demandes répétées d'étatisation du CIO de Nevers déposées par le conseil général de la Nièvre n'ayant jamais été suivies d'effet, celui-ci a décidé de diminuer de 45 % la dotation attribuée en 2000 pour cet établissement et de supprimer les prestations en nature qui lui étaient allouées et notamment le nettoyage des locaux.
Depuis le 1er novembre, le CIO de Nevers doit faire face aux problèmes créés par cette décision avec les conséquences que cela entraîne pour la mission de service public qu'il doit assurer. Si une solution ne peut intervenir rapidement, le centre devra interrompre son service en avril faute des moyens nécessaires pour fonctionner.
Cette situation n'est acceptable ni par les personnels concernés, dont les conditions de travail sont déplorables, ni par les jeunes Nivernais, qui doivent pouvoir avoir accès à l'information et à l'orientation professionnelle dans de bonnes conditions et bénéficier d'une égalité de traitement avec les jeunes qui dépendent d'un CIO étatisé.
Il serait donc souhaitable que la demande d'étatisation du CIO de Nevers puisse être étudiée sans délai par les services du ministère. (N° 699.)
XII. - M. Jean-François Le Grand attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'inquiétude des élus du département de la Manche face aux évolutions de la carte hospitalière régionale : fermeture des urgences à Carentan, transfert de la chirurgie et de la maternité de l'hôpital de Valognes à Cherbourg, transfert de la maternité de la clinique Saint-Jean vers l'hôpital de Saint-Lô, avenir de la clinique de Coutances et un manque de moyens humains et financiers sur l'ensemble du département, avec pour conséquence un manque d'efficacité et d'égalité devant les soins, voire de sécurité sanitaire la plus élémentaire. (N° 700.)
XIII. - M. Jean-Paul Hugot attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés rencontrées par certains districts pour se transformer en communauté d'agglomération conformément à la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement de la coopération intercommunale.
Le deuxième alinéa de l'article 52 de cette loi précise en effet que les districts exerçant les compétences requises peuvent se prononcer sur leur transformation en communauté d'agglomération à condition de former un ensemble de plus de 50 000 habitants d'un seul tenant et sans entrave autour d'une ou plusieurs communes centres de plus de 15 000 habitants.
Cette condition constitue un obstacle pour certains districts, comme celui de l'agglomération angevine, au sein desquels une ou plusieurs communes ne sont pas en continuité territoriale avec le reste du territoire districal du fait de la présence d'une ou plusieurs autres communes membres d'une communauté de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique et qui ne peuvent ainsi quitter celle-ci.
L'exclusion des communes concernées de la communauté d'agglomération entraînerait pour elles de graves difficultés financières. Elles bénéficient, en effet, de nombreux investissements engagés sur leur territoire par le district. Elles risquent, en outre, de souffrir d'une situation d'isolement difficilement acceptable.
Ne conviendrait-il pas, par conséquent, d'aménager la loi afin de ne pas exiger la continuité territoriale pour les districts souhaitant se transformer en communauté d'agglomération mais présentant une discontinuité territoriale à la date de publication de la loi du 12 juillet 1999 si cette discontinuité est due à l'existence d'une ou plusieurs communes membres d'une communauté de communes dotée de la taxe professionnelle unique au 1er janvier 1999.
Un tel aménagement irait d'ailleurs dans le sens de la circulaire du 15 juillet 1999 selon laquelle la transformation des districts ne doit pas se traduire « par une régression de leur niveau d'intégration intercommunale ». (N° 704.)
XIV. - M. Aymeri de Montesquiou attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la politique gouvernementale menée en matière d'aménagement du territoire, notamment concernant la répartition des services publics. La France dispose d'un espace d'une ampleur, d'une qualité et d'une diversité uniques. La concentration de population dans les villes et les banlieues favorise les comportements inciviques, agressifs et violents, dans la rue comme dans les établissements scolaires. Un rééquilibrage du territoire par une meilleure répartition de la population est donc nécessaire. Il passe par le maintien, si ce n'est par une présence accrue, des services publics de proximité dans les zones rurales. Or, après les bureaux de poste et les gendarmeries, le Gouvernement envisage de réorganiser les trésoreries en réduisant les effectifs, singulièrement dans un certain nombre de trésoreries rurales. Certaines perceptions pourraient même être supprimées. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire savoir les mesures qu'elle envisage de prendre ou de décider avec les autres membres du Gouvernement pour mettre fin à la réduction des services publics génératrice de désertification rurale et permettre ainsi un meilleur équilibre du territoire français. (N° 707.)
XV. - M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le refus de plusieurs communes de son département déjà membres d'une communauté de communes d'intégrer une communauté d'agglomération. Il lui demande quelles conséquences cette décision peut entraîner dans le cadre de la loi sur l'intercommunalité. (N° 708.)
XVI. - M. Robert Bret appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le schéma régional d'organisation sanitaire, le SCROS de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur.
Si ce schéma restait en l'état, il conduirait notamment à une réorganisation des hôpitaux marseillais prévoyant la fermeture des hôpitaux sud Sainte-Marguerite et Salvador et donc la suppression d'un site d'urgences sur Marseille. Les sites nord et centre sont maintenus. Or, il faut savoir que Marseille est une ville très étendue - 26 kilomètres du nord au sud - avec des problèmes de circulation considérables et que les trois pôles hospitaliers, tenant compte de ces spécificités, ont montré leur efficacité. La fermeture des hôpitaux sud s'avère donc inconcevable, et ce à plusieurs titres.
En premier lieu, les personnels et la population des quartiers sud de Marseille, attachés à l'hôpital public de Sainte-Marguerite, sont fortement mobilisés face à une telle éventualité.
Ensuite, cet hôpital a été restructuré il y a trois ans et des sommes importantes ont été consacrées à sa rénovation. Il est par ailleurs très performant avec un taux de remplissage moyen de 87 %. Son service d'urgence est en augmentation de 39 %.
Enfin, cet hôpital est implanté dans les quartiers sud de Marseille, lesquels représentent près de 300 000 habitants. Il s'agit pour l'essentiel de quartiers résidentiels qui accueillent aussi de nombreuses activités : la technopole de Luminy, le stade vélodrome, le palais des sports. Le dernier recensement témoigne du développement croissant de ces quartiers.
L'hôpital Sainte-Marguerite fait donc partie d'un centre hospitalo-universitaire et travaille en parfaite complémentarité avec ses voisins que sont l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, le Centre national de la recherche scientifique CNRS et l'Institut Paoli Calmettes. Il est au coeur du pôle scientifique du sud de Marseille.
Dans ces conditions, sa fermeture handicaperait fortement un secteur de recherche médicale très performant. En outre, les dispositions préconisées par le SCROS provoqueraient un réel recul en matière de santé publique sur l'ensemble de la ville. Si une réorganisation du secteur hospitalier public sur Marseille est souhaitable et nécessaire, elle doit se faire avant tout en conservant les trois sites géographiques nord, centre et sud, et donc les trois sites d'urgence.
Il lui demande en conséquence de bien vouloir ouvrir une renégociation au SCROS et donner à Marseille, deuxième ville de France, les moyens d'assumer pleinement sa mission de santé publique dans la région PACA. (N° 711.)
XVII. - M. René-Pierre Signé attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la capacité véritable des communes de maîtriser la réorganisation foncière de leurs espaces naturels, et ainsi de contribuer à un aménagement plus équilibré du territoire.
En tant qu'élu du Morvan, région naturelle où se trouve concentrée, notamment, la plus grande partie française de la production de sapins de Noël, il s'interroge particulièrement sur l'impossibilité pour les maires, en vertu de l'article 126-1 du code rural, de prescrire, même après coupe rase, la plantation de prairies ou de cultures non forestières sur des terrains précédemment boisés et de les réintégrer dans le patrimoine cultivable dans le cadre des aménagements fonciers des communes.
Limiter le champ de cette réglementation communale aux terrains nus revient à figer, en quelque sorte, des situations préétablies sans qu'aucune prérogative de l'intérêt public ne puisse s'exercer.
Chacun voit bien l'intérêt pour les communes de sauvegarder les clairières et, plus largement, de maîtriser leur territoire dans le cadre d'une concertation avec les propriétaires, les exploitants, les associations de protection de l'environnement et en partenariat avec les services déconcentrés de l'Etat.
L'irréversibilité de situations parfois confuses - cessations d'activité forestière ou successions complexes - est incontestablement préjudiciable à la gestion de notre espace foncier.
Il aimerait donc savoir quelles directives sont susceptibles d'être données pour que les élus soient en mesure de mettre en place effectivement leurs programmes locaux d'aménagement. (N° 713.)
XVIII. - M. Claude Domeizel attire l'attention de Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire au sujet du recrutement des enseignants vacataires exerçant dans les collèges en zone rurale dont l'effectif des élèves est faible.
Si la rentrée 1999-2000 a été globalement satisfaisante en termes de postes budgétaires, certains collèges ruraux n'ont été totalement pourvus en personnel que plusieurs semaines après la rentrée, du fait, semble-t-il, des difficultés rencontrées par l'administration pour trouver des candidats pour des disciplines comptant peu d'heures d'enseignement.
Des exemples concrets permettent d'affirmer que la faiblesse du salaire alloué pour cinq ou six heures de cours, souvent amputé par des frais de déplacement et d'hébergement importants, freine en effet les ardeurs pour accepter la charge de quelques heures d'enseignement, parfois étalées sur trois ou quatre jours. Pour pallier cette regrettable situation, préjudiciable au bon fonctionnement des collèges ruraux, particulièrement en montagne, il lui demande s'il est possible d'envisager, à titre exceptionnel, d'augmenter le temps de travail de ces postes afin de les rendre plus attractifs, soit en apportant un appui à l'équipe pédagogique - enseignement de soutien, surveillance -, soit à l'administration de l'établissement.
Le coût d'une telle mesure, pour un nombre sans doute limité de cas, serait bien dérisoire face à l'immense service rendu, le maintien des petits collèges, contribuant ainsi à la politique d'aménagement du territoire engagée par le Gouvernement. (N° 715.)
A seize heures :
2. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 136, 1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, relatif au référé devant les juridictions administratives.
Rapport (n° 210, 1999-2000) de M. René Garrec, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 février 2000, à dix-sept heures.

Délais limites
pour le dépôt des amendements

Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, instituant un défenseur des enfants (n° 97, 1999-2000) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 février 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants (n° 125, 1999-2000) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 février 2000, à dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques (n° 156, 1999-2000) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 février 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (n° 163, 1999-2000) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 23 février 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Au cours de la séance du jeudi 10 février 2000, ont été proclamés membres de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France :
MM. Robert Badinter, José Balarello, Robert Bret, Guy Cabanel, Marcel-Pierre Cléach, Jean-Patrick Courtois, Mme Dinah Derycke, MM. Claude Domeizel, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Patrice Gélard, Hubert Haenel, Jean Huchon, Jean-Jacques Hyest, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Georges Othily, Michel Pelchat, Jean-Jacques Robert.

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

M. James Bordas a été nommé rapporteur du projet de loi n° 207 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
M. Jacques Legendre a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 374 (1998-1999) de M. Ivan Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen relative à l'organisation de l'archéologie.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Hubert Durand-Chastel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 191 (1999-2000) autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la constitution de l'Organisation internationale du travail (OIT).



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Classement des emplois de direction des EPCI

719. - 10 février 2000. - M. Philippe Richert appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le problème des critères de classement des emplois de direction des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Un projet de décret devait solutionner ce problème en adoptant, pour l'ensemble des EPCI à fiscalité propre, le critère unique de la population regroupée pour le calcul des seuils d'accès aux emplois fonctionnels. Or, il semblerait que ce critère unique de la population totale ne soit pas retenu pour les EPCI regroupant moins de 20 000 habitants. Une telle disposition introduit une discrimination tout à fait inacceptable entre les territoires urbains et les territoires ruraux et risque de rendre très difficile pour les structures intercommunales de moins de 20 000 habitants le recrutement de cadres motivés et compétents. Il souhaiterait donc connaître ses intentions réelles et les mesures qu'il entend prendre pour que les EPCI de moins de 20 000 habitants, qui sont les plus nombreux en France, puissent continuer de proposer des conditions de travail susceptibles d'attirer les cadres motivés et compétents dont elles ont besoin pour assurer leurs missions.