Séance du 23 février 2000







M. Luc Dejoie, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Monsieur le président, je souhaite que le Sénat examine par priorité l'amendement n° 2, que j'ai déposé au nom de la commission des lois et qui vise à rétablir l'article 2 bis, article qui a le même objet que l'amendement n° 27 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
L'article 2 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 2, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques réalisées à distance par voie électronique sont soumises aux dispositions de la présente loi. »
J'appelle en discussion commune l'amendement n° 27, par lequel le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Constitue une vente aux enchères publiques, au sens de la présente loi, le fait, en agissant comme mandataire du propriétaire, de proposer un bien aux enchères publiques, y compris à distance par voie électronique, pour l'adjuger au mieux disant des enchérisseurs.
« Est également soumise aux dispositions de la présente loi, à l'exclusion des articles 6 et 15, la vente, faite en la forme d'enchères, de biens culturels réalisée à distance par voie électronique, qui ne satisfait pas aux conditions de l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Il s'agit de rétablir l'article 2 bis que le Sénat avait introduit dans le projet de loi à l'occasion de la première lecture sur proposition de la commission des affaires culturelles. Je m'en suis longuement expliqué lors de la discussion générale.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 27 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'amendement de M. Dejoie constitue un progrès, mais je préfère la rédaction que je propose avec l'amendement n° 27.
Le phénomène des ventes aux enchères sur Internet a connu un développement considérable au cours des dernières années ou plutôt, devrais-je dire, au cours des derniers mois, tant l'éclosion des sites spécialisés est récente. La plupart des sociétés opérant en France ont, en effet, moins de deux ans d'existence.
C'est dire à quel point nous manquons de recul pour prendre l'exacte mesure de cette nouvelle économie du Net et de ses conséquences.
C'est pourquoi le Gouvernement, interpellé par la Haute Assemblée en première lecture, a souhaité procéder à une étude approfondie de la question avant d'arrêter une position.
Des réflexions qui ont été conduites, je retire aujourd'hui la certitude que trois objectifs doivent être poursuivis et conciliés.
D'abord, il convient d'être attentifs à ne pas brider, par une réglementation excessive ou inutile, l'essor considérable du commerce électronique, que chacun s'accorde à considérer comme un puissant moteur économique et qui connaît, de fait, une croissance exceptionnelle.
Ensuite, il faut veiller à offrir aux consommateurs qui achètent aux enchères sur le réseau un niveau de protection adapté, au regard de la vulnérabilité particulière qui découle de la technique des enchères.
Enfin, la nécessaire protection du patrimoine national doit conduire à établir une sorte « d'espace sécurisé » pour les ventes d'oeuvres d'art.
L'amendement du Gouvernement prend en compte ces trois objectifs. Il part du constat que la grande majorité des ventes dites « aux enchères » organisées sur Internet sont le fait d'opérateurs qui interviennent non pas comme mandataires du vendeur pour adjuger un bien, mais comme simples intermédiaires entre deux parties, lesquelles restent libres, une fois les enchères terminées, de conclure ou non la vente.
Dès lors, il devient nécessaire de circonscrire le champ d'application de la loi aux seules hypothèses où une protection de l'acheteur apparaît utile, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de véritables ventes aux enchères, qui engagent irrémédiablement les deux parties sous la responsabilité de celui qui adjuge le bien.
Tel est l'objet du premier alinéa de l'amendement que je soutiens.
Il faut, en revanche, étendre cette application à toutes les formes de ventes s'apparentant à des ventes aux enchères, quelles qu'en soient les particularités, lorsqu'il s'agit de vendre des biens culturels, dont la nature même exige une protection particulière.
Tel est l'objet du deuxième alinéa de l'amendement que je vous demande d'adopter, étant observé que la définition des biens culturels sera précisée par voie réglementaire en référence à des textes déjà existants.
Cet amendement répond, me semble-t-il, au souci exprimé, au nom de la commission, par M. le rapporteur dans son intervention, souci que j'ai relayé dans mon exposé liminaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 27 ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. L'amendement n° 27 que vient de présenter Mme la garde des sceaux vise à soumettre aux dispositions du projet de loi les ventes aux enchères réalisées sur l'Internet. Si je ne peux qu'approuver cette initiative, la formulation des deux alinéas de l'amendement ne me semble pas refléter la pensée de la commission des lois.
S'agissant des opérations dont a parlé Mme la garde des sceaux, et qui sont non pas des ventes aux enchères publiques mais des opérations de rapprochements entre deux personnes, nous sommes bien d'accord : la loi ne s'applique pas.
Or, s'agissant des véritables ventes aux enchères publiques, je déduis, à la lecture du premier alinéa de l'amendement n° 27 du Gouvernement, que n'importe qui a le droit de vendre son propre bien aux enchères publiques sans être soumis aux dispositions de la loi, puisque, dans ce cas, il n'agira pas en tant que mandataire du propriétaire. Or, en tant que propriétaire, je peux le faire directement avec mon ordinateur.
Cette formulation ne peut donc pas convenir et c'est la raison pour laquelle je préfère l'amendement de la commission.
Le second alinéa de l'amendement du Gouvernement est plus une question de principe.
Les ventes de meubles aux enchères publiques dont nous traitons peuvent concerner des objets d'art, des automobiles et toute une série d'autres biens.
Il ne m'apparaît pas convenable de créer une réglementation à deux vitesses, comme le laisse penser ce second alinéa, lequel vise les ventes de biens culturels à distance par voie électronique. Cela donne en effet l'impression que les ventes de biens non culturels ne seraient pas soumises à la loi et, par conséquent, que n'importe qui pourrait faire n'importe quoi dans ce domaine.
La formulation de la commission des lois est peut-être quelque peu lapidaire, j'en suis d'accord, mais le Gouvernement ayant la volonté d'approfondir la question, je crois qu'il est souhaitable, pour le moment, de nous en tenir à l'amendement de la commission. Cela évitera que des dérives, qui ont peut-être malheureusement déjà eu lieu, ne s'accentuent dans les mois qui viennent.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Comme je l'ai déjà dit dans la discussion générale, je suis tout à fait d'accord pour que le projet de loi vise également les ventes faites sur l'Internet. C'est même nécessaire. Mais je préfère l'amendement n° 27, qui me semble à la fois plus précis, plus concis et donc moins sujet à contestation.
Comme l'a dit le rapporteur, la porte n'est pas fermée et les points de vue vont encore évoluer. Pour le moment, nous ne pouvons que continuer le travail entrepris en première lecture au Sénat. Je m'abstiendrai sur l'amendement de la commission, puisque j'aurais aimé voter celui du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis est rétabli dans cette rédaction et l'amendement n° 27 n'a plus d'objet.

Article 2