Séance du 7 mars 2000






ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES
Discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 207, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. Rapport n° 248 (1999-2000).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis constitue le quatrième volet de la démarche de rénovation législative pour le sport entreprise depuis 1998.
Je sais que de nombreux parlementaires auraient souhaité que ce processus se traduise par un texte unique. Je conçois bien volontiers que cette solution eût été préférable. Mais vous n'ignorez pas que des attentes spécifiques et urgentes m'ont conduite à adopter ce cheminement par étape.
Avec le projet de loi d'aujourd'hui, c'est toutefois un dispositif cohérent de refondation des lois de 1984 et de 1989 qui se termine.
Mon objectif, loin de la caricature effrayante et incompréhensible publiée dans la presse ce matin par le financement d'encarts publicitaires, est de donner au mouvement sportif les moyens de protéger les valeurs et le sens du sport et d'assurer le développement de toutes les pratiques.
A travers les thèmes spécifiques qu'elles abordent, les premières lois se sont inscrites dans une logique de valorisation de l'apport du sport, qu'il soit professionnel - c'est la loi de décembre dernier - ou amateur, à la promotion de la personne humaine et au développement de la vie sociale.
C'est évidemment la même volonté qui préside à ce dernier volet de la démarche à travers trois objectifs essentiels : valoriser l'action des associations et des bénévoles, organiser un véritable service public du sport, encourager le développement et valoriser la diversification des pratiques et la solidarité entre celles-ci dans leurs différents niveaux.
Cette exigence de modernisation du cadre législatif s'est révélée d'autant plus nécessaire que le sport s'est certainement beaucoup plus transformé entre 1984 et aujourd'hui qu'il n'avait évolué entre Pierre de Coubertin et la loi initiée par Mme Avice.
Pour illustrer concrètement l'importance de cette évolution, je me limiterai à quelques données chiffrées : 13 millions de licenciés sportifs ; 26 millions de pratiquants et de pratiquantes d'une activité physique et sportive ; 170 000 associations sportives animées par plus de 530 000 bénévoles ; 28 000 éducateurs sportifs professionnels, auxquels s'ajoutent aujourd'hui plus de 42 000 jeunes embauchés dans le cadre du dispositif « nouveaux métiers, emplois-jeunes » ; une dépense sportive totale incluant la consommation des ménages, l'intervention des pouvoirs publics et des entreprises, voisine de 135 milliards de francs.
Au-delà de ces éléments statistiques, les pratiques sportives se sont profondément transformées depuis 1984, principalement dans cinq directions.
Premièrement, on constate le redressement spectaculaire du sport d'élite français, longtemps en retrait après la débâcle des jeux Olympiques de Rome.
Deuxièmement, la médiatisation croissante des événements sportifs en amplifie le caractère planétaire, mais, dans le même temps, elle a également notablement revalorisé la perception des équipes nationales, comme en témoigne l'extraordinaire élan populaire qui a accompagné les succès de l'équipe de France de football lors de la Coupe du monde, celui de l'équipe de rugby en demi-finale de la coupe du monde, ainsi que celui de l'équipe féminine de handball.
Troisièmement, la progression importante du sport féminin se concrétise par l'ouverture à des pratiques naguère présumées exclusivement masculines, mais aussi par les brillants résultats du sport d'élite féminin.
Quatrièmement, l'accessibilité et la démocratisation de pratiques, longtemps réservées à des populations aisées, progressent dans toutes les catégories sociales et à tous les âges de la vie, grâce aux efforts des associations sportives et des pouvoirs publics.
Enfin, cinquièmement, le développement des activités physiques et sportives de pleine nature contribue aussi à la revitalisation touristique de zones rurales, tout en valorisant et en protégeant le patrimoine naturel.
Activité humaine à la fois planétaire et proche de chaque citoyen, fait social dont l'importance est désormais unanimement reconnue, le sport est tout naturellement devenu un enjeu économique considérable.
Dans une certaine mesure, cette inscription d'une partie importante des activités sportives dans la phère économique contribue à en conforter la reconnaissance sociale. C'est d'ailleurs dans cette perspective que j'organise, le 6 avril prochain, une rencontre avec de très nombreux dirigeants d'entreprises.
Cela étant et arguant des effets inéluctables de la mondialisation, certains espèrent qu'une déréglementation rampante leur permettra de se servir du sport à de seules fins mercantiles et au détriment de son éthique, de son unité, de ses règles de pratique et, en définitive, des sportifs et sportives eux-mêmes.
Quelques exemples récents illustrent ces dérives potentielles particulièrement inquiétantes.
Cependant, et je m'en réjouis, une large majorité des acteurs concernés, notamment dans le monde économique et bien au-delà de nos frontières nationales, s'accorde à souligner l'absolue nécessité d'une volonté politique forte pour préserver les valeurs citoyennes du sport en termes d'éducation, de culture, de respect de soi et d'autrui, et d'engagement collectif dans un projet associatif.
Cette exigence est d'autant plus forte que la société n'a jamais autant sollicité ces valeurs humanistes et citoyennes du sport.
Il s'agit, en fait, de replacer l'individu au centre de la pratique sportive, ce qui implique qu'il soit acteur et non enjeu, bénéficiaire et non objet des institutions ou des intérêts économiques.
Ce constat et les propositions qui en découlent constituent le fondement de ce projet, un projet issu d'une large consultation, qui s'est concrétisée par plus de cinquante réunions de travail associant le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, et l'ensemble des acteurs concernés, des centaines de forums sportifs, des dizaines d'assises départementales.
Il me paraît préférable d'aborder la discussion spécifique à chaque thème lors de l'examen des différents articles. Je me limiterai donc à vous présenter les principales caractéristiques de ce projet, qui peuvent être regroupées en six objectifs principaux.
Le premier de ces objectifs s'attache à renforcer les missions de service public du sport.
Initié par le regretté président Nelson Paillou, le modèle français du service public du sport repose sur une étroite coopération entre l'Etat, les collectivités territoriales et le mouvement sportif.
L'article 1er conforte clairement cette organisation.
Evoqués aux articles 2, 4 et 30, l'éducation physique et sportive et le sport scolaire y jouent un rôle prépondérant.
L'article 8 élargit substantiellement la participation de toutes les fédérations agrées aux missions de service public concernant le développement de l'emploi, l'accessibilité des pratiques et l'action éducative.
Contrairement à ce qui a pu être exprimé par certains, les fédérations délégataires ne sont pas pénalisées par cette disposition. L'article 9 étend en effet leurs missions au sport de haut niveau et à la régulation des aspects économiques de la compétition.
La démocratisation des organisations sportives et la valorisation du bénévolat constituent notre deuxième objectif.
Les articles 5 et 8 fondent l'agrément des clubs et des fédérations sur la double exigence non seulement d'une organisation démocratique des instances associatives, mais aussi de l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités.
Sur ces deux points, les textes d'application tiendront évidemment le plus grand compte des préconisations formulées par le député François Asensi à l'issue de la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre.
Les articles 32, 34 bis et 34 ter représentent une avancée considérable pour tous les bénévoles, au-delà même du secteur sportif. Ils instaurent en effet la validation des acquis des expériences bénévoles, l'extension du congé individuel de formation à l'exercice du bénévolat et la possibilité d'une déduction fiscale pour les frais engagés par les bénévoles.
Notre troisième objectif vise à conforter l'unité, l'indépendance et la responsabilisation du mouvement sportif.
En effet, je ne crois pas davantage à un secteur professionnel coupé de ses racines profondes pour n'être qu'un spectacle marchand qu'à un secteur associatif ou amateur pouvant se priver de la part indispensable d'exemplarité, de rêve et d'imaginaire propres aux grandes compétitions de haut niveau.
C'est dans cette logique que s'inscrivent les dispositions suivantes. L'article 7 encadre très rigoureusement l'activité des intermédiaires qui deviennent les mandataires des sportifs. Il responsabilise également les fédérations qui souhaitent s'investir dans la moralisation de cette profession tout en conservant une possibilité de recours au ministère, en cas de différend. L'article 9 donne aux fédérations concernées la possibilité de créer une ligue professionnelle sans se départir de leurs responsabilités de garantes de l'unité des différentes formes de pratiques. Il institue un contrôle de gestion dans le sport professionnel.
Je peux d'ores et déjà vous informer que cet ensemble de dispositions fera l'objet d'une initiative en vue d'une extension européenne, lors de la prochaine présidence française, au second semestre de cette année.
Enfin, l'article 19 confirme la mutualisation d'une partie des ressources des droits de télévision en faveur du sport amateur. Désormais validée par une décision du Conseil constitutionnel, cette disposition concrétise la solidarité entre le sport professionnel et les autres formes de pratiques.
J'ai d'ailleurs noté avec intérêt que la Commission européenne avait retenu le même principe de solidarité pour reconnaître le droit des fédérations à conclure des contrats collectifs en matière de retransmission télévisuelle.
La reconnaissance de la diversité des pratiques et la valorisation de leur fonction sociale constituent notre quatrième objectif.
Je pense en effet que, pour le sport comme pour bien d'autres activités humaines, la reconnaissance de la diversité des cultures doit prendre le pas sur la référence culturelle unique et intangible.
Sans remettre en cause ni, encore moins, mésestimer le rôle majeur et irremplaçable du mouvement sportif dans cette dynamique de diversification et de développement des pratiques sportives, il s'agit tout simplement, à travers l'article 8, de reconnaître explicitement l'apport d'autres composantes de la vie associative, qui promeuvent et organisent des pratiques différentes et adaptées aux publics qu'elles regroupent.
Dans le même contexte, il me paraît tout à fait important de souligner les missions du Comité national olympique et sportif français, dont les prérogatives sont renforcées par l'article 12, et celles du Conseil national des activités physiques et sportives, le CNAPS, telles qu'elles sont définies par l'article 25.
Regroupant l'ensemble des acteurs sociaux concernés par le sport, le CNAPS doit devenir un lieu d'échanges et de propositions concernant les politiques publiques du sport.
Je souhaite en effet pouvoir réunir régulièrement ce conseil, dont les fonctions sont élargies au pilotage de la politique de recherche dans le domaine du sport, à l'examen des normes d'équipement proposées par les fédérations et de la place des femmes dans le mouvement sportif, ainsi qu'à la concertation sur les dynamiques de développement des sports de pleine nature.
Sur ce dernier point, l'article 12 établit désormais clairement la capacité du mouvement sportif à contractualiser des programmes avec les pouvoirs publics chargés de la gestion des espaces naturels. Je ne verrais d'ailleurs que des avantages à l'amélioration et à l'enrichissement de ces dispositions lors de notre débat.
Il en va de même pour le sport en entreprise, dont l'approche actuelle est manifestement insuffisante face aux attentes des salariés mais aussi des employeurs.
Notre cinquième objectif vise à consolider l'organisation du sport de haut niveau.
Le dispositif actuel des filières de haut niveau fonctionne bien et donne d'excellents résultats tant sur le plan sportif qu'en matière d'insertion professionnelle. Il nécessite toutefois quelques adaptations ou des améliorations.
L'article 21 conforte le rôle majeur de la Commission nationale du sport de haut niveau dans le pilotage de ce dispositif.
Conformément aux voeux exprimés par les intéressés, l'article 22 donne une base législative à la reconnaissance des droits et obligations des sportives et des sportifs de haut niveau. Ses modalités d'application donneront lieu à une large concertation avec les ministères concernés, le mouvement sportif et, bien entendu, les représentants des sportifs eux-mêmes.
Les articles 23 et 24 améliorent notablement les possibilités d'insertion professionnelle et d'emploi des sportifs de haut niveau dans la fonction publique ainsi que dans les entreprises privées et publiques.
Introduit par un amendement parlementaire lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale, l'article 23 bis ouvre une possibilité intéressante et utile pour de jeunes sportifs « semi-professionnels », qui pourront aussi conserver un lien avec le monde du travail.
La modernisation de l'encadrement des activités physiques et sportives constitue notre sixième objectif.
Cet aspect important de notre réforme a récemment été sous les feux de l'actualité à l'occasion d'une action engagée par une organisation professionnelle de moniteur de ski. Cette initiative, qui exprimait une inquiétude quant à l'avenir de leur profession et à la sécurité des pratiquants, a eu le mérite d'être à l'origine d'un véritable débat.
Afin d'éviter toute ambiguïté, il n'est pas inutile de rappeler que ces dispositions ne constituent pas une loi d'exception pour le ski, mais qu'elles concernent bien toutes les fonctions d'encadrement sportif.
Je dirai tout d'abord quelques mots sur la situation actuelle.
Les métiers de l'encadrement sportif sont organisés sur le principe des seuls brevets d'Etat, généralement monodisciplinaires. Cette situation génère des difficultés.
C'est ainsi que le diplôme unique correspond à une approche souvent réductrice de la culture et des pratiques sportives. Ce système tend à paralyser l'émergence de nouvelles formes de pratiques sociales, telles qu'elles se développent dans les centres de vacances et de loisirs comme dans les organismes de tourisme social.
Les métiers de l'encadrement sportif se situent à la périphérie du droit commun du code du travail et de la formation professionnelle, avec toutes les conséquences qui en découlent parfois en termes d'absence de dialogue social et de protection des salariés. Il nous faut donc créer un paritarisme social qui, j'en suis sûre, va répondre de façon efficace à un double souci de sécurité et de qualité à travers des qualifications définies par l'Etat dans les diplômes reconnus par celui-ci.
Enfin, le lien entre l'encadrement bénévole et l'activité professionnelle est pratiquement inexistant. En la matière, je voudrais dire que l'opinion exprimée par certains, qui assimilent bénévolat et incompétence, me paraît inacceptable.
Il apparaît donc, à l'évidence, que la loi de 1984, qui avait repris des dispositions de lois antérieures datant de 1948, 1963 et 1975, nécessite une réforme fondée sur trois objectifs essentiels : garantir un niveau suffisant de compétence en matière de sécurité et de protection des pratiquants, des tiers et de l'« environnement » ; intégrer les métiers de l'encadrement sportif dans le droit commun du code du travail et de la formation professionnelle ; permettre à des bénévoles de voir leurs compétences reconnues. C'est le sens de la validation des acquis, qui donnera lieu à une évaluation rigoureuse, particulièrement en matière de sécurité des pratiquants.
Deux phrases permettent de résumer le sens de cette réforme : elle ne remet pas en cause les qualifications et diplômes existants lorsqu'ils correspondent aux exigences de sécurité, aux demandes des professionnels et aux aspiration des usagers ; elle vise à mettre fin à une approche étatiste et contraignante des formations et des diplômes pour mieux répondre, avec les acteurs, à la diversité de la demande.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le sport est désormais reconnu à sa juste place et il ne peut évidemment pas s'affranchir des règles communes de la vie sociale et économique.
Pour autant, le sport associatif ne saurait être asservi à des logiques qui lui sont étrangères, et encore moins être soumis aux seules lois du marché et des intérêts financiers.
Il nous appartient donc d'affirmer sa spécificité en tirant le meilleur profit de son positionnement au carrefour des fonctions économiques, éducatives et sociales.
La promotion de la vie associative constitue une garantie essentielle pour le développement du fait social sportif.
J'ai personnellement la conviction que ces objectifs humanitaires et citoyens peuvent être partagés au-delà des différences de sensibilités politiques. Je suis certaine que nos travaux seront riches et constructifs, comme à l'habitude. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. James Bordas, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis est, depuis très exactement deux ans, le cinquième texte modifiant la loi de 1984 relative à l'organisation et à la formation des activités sportives.
Cette méthode de réforme en cascade - et souvent en urgence - est, je crois, inédite.
Vous nous avez dit en commission, madame la ministre, que le projet de loi était la dernière étape de ce parcours un peu erratique et d'un « processus de refondation du cadre législatif du sport ».
Pardonnez-moi de devoir vous dire que l'examen de ce texte hétéroclite de quelque cinquante articles nous donne moins l'impression d'assister au passage à la dernière étape qu'à celui de la voiture-balai...
Mais ce qui nous inquiète surtout, c'est que la somme de ces mesures diverses - parfois même contradictoires - et de celles tout aussi diverses des textes précédents ne nous paraît pas ressembler à une refondation du droit du sport. Et c'est avec regret que nous avons découvert qu'elles étaient pour la plupart d'entre elles décevantes, voire, pour certaines, inquiétantes.
Notre déception tient d'abord au fait que le projet de loi est encombré, à côté de dispositions nouvelles qui n'apportent souvent pas grand-chose, d'un grand nombre d'articles qui ne font que reprendre le texte en vigueur ou ses décrets d'application. Apparemment, la rénovation de la loi de 1984 passe par beaucoup de redites. On a reproché, à juste titre, à la loi d'avoir parfois tendance à « bavarder » ; faut-il qu'au surplus elle bégaie ?
Mais nous constatons surtout que le projet de loi ne comble aucune des lacunes de ceux qui l'ont précédé. C'est ainsi que le sport pour tous, les bénévoles, les sportifs de haut niveau qui ne sont pas des vedettes surpayées ne font l'objet, pour l'essentiel, que de dispositions purement symboliques.
Parmi celles-ci, certaines font plaisir. Nous approuvons, notamment, que l'on insiste sur les droits des handicapés, que l'on reconnaisse le rôle des associations qui se consacrent à faire entrer ces droits dans la réalité. Mais en elles-mêmes, malheureusement, ces dispositions ne changeront rien et nous attendions de vous, madame la ministre, des mesures plus concrètes.
Lorsque nous vous avons entendue, vous avez insisté, madame la ministre, sur les dispositions du projet de loi relatives au sport de haut niveau, à la mutualisation, qui est d'ailleurs une redistribution, d'une partie des droits de télévision, sur les amendements de l'Assemblée nationale concernant les bénévoles.
Mais nous ne trouvons rien, dans ces mesures, qui soit de nature à donner un nouvel élan, pourtant bien nécessaire, à la solidarité entre les pratiques sportives.
Les sportifs de haut niveau bénéficient, eux aussi, de mesures de principe, et nous approuvons notamment la reconnaissance de la fonction arbitrale. Mais, pour le reste, les dispositions qui les concernent sont de bien faible portée et ne changeront fondamentalement ni leur situation - parfois difficile - ni leurs perspectives, notamment en matière d'insertion professionnelle. Bien au contraire, la réécriture, par exemple, de l'article de la loi sur les conventions d'emploi des sportifs de haut niveau serait plutôt susceptible de freiner l'accueil des sportifs dans les entreprises, au point que votre commission vous demandera, mes chers collègues, de lui préférer le texte actuel.
Quant au fameux dispositif de mutualisation, il a été, en fait, prévu par la loi de finances et ne figure dans le projet de loi que « pour mémoire », cette mention ne lui assurant d'ailleurs aucune pérennité.
Nous sommes nombreux, et je suis de ceux-là, à regretter qu'il ait fallu en venir à une mesure de taxation. N'était-ce pas, en effet, pour assurer une redistribution plus spontanée des droits de télévision que nous avions prévu, en 1992, que les fédérations soient titulaires de ces droits ?
Et cette « mesure de solidarité » dont vous êtes si fière, madame la ministre, illustre au contraire, j'en ai peur, un certain déclin de la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur, entre les grands clubs, qui ne rêvent que chiffre d'affaires et bénéfices, et les petits clubs, que les collectivités territoriales sont bien souvent les seules à aider.
Quant aux bénévoles, ils demeurent les grands oubliés de ce projet de loi, comme des précédents, et nous nous demandons, madame la ministre, ce qu'il reste des « assises nationales de la vie associative » organisées avec éclat l'an dernier.
Il n'y avait rien dans le projet initial et les amendements de l'Assemblée nationale n'apportent pas grand-chose.
Le droit au congé formation ? Il existe déjà.
L'avantage fiscal ? Il s'analyse en fait comme une libéralité supplémentaire des bénévoles aux associations, puisqu'ils renonceront au remboursement de leurs frais pour une réduction fiscale qui n'en couvrira que la moitié, au terme d'une procédure bien complexe et plutôt dissuasive... Quant au dispositif de l'article 42, il n'a aucune portée.
Vous souhaitez aussi progresser dans la moralisation du sport professionnel. Nous y souscrivons. Mais que nous proposez-vous ? Deux choses : d'abord, l'inscription dans la loi des ligues professionnelles, mais c'est une simple mesure d'affichage ; ensuite, un nouveau régime de contrôle des agents sportifs. Je reviendrai tout à l'heure sur son dispositif, qui est assez incohérent.
Ce que je veux simplement dire, pour l'instant, c'est que ce nouveau dispositif n'aurait peut-être pas été nécessaire si l'on avait appliqué le régime de déclaration adopté en 1992. Celui-ci était simple et pouvait être efficace, notamment parce qu'il permettait de sanctionner les agents exerçant sans s'être déclarés. Une centaine d'agents ont respecté la loi. Les autres n'ont jamais été poursuivis ni sanctionnés. Bien plus, mes chers collègues, nous avons appris que certains clubs de football refusaient de traiter avec des agents qui n'étaient pas agréés par la FIFA. Les services de la concurrence s'en sont inquiétés, madame la ministre, mais pas les vôtres, apparemment ! Alors, il ne faut pas s'étonner que la « moralisation » des agents sportifs reste à faire.
Ne disposant que de vingt minutes pour commenter cinquante articles, je ne m'étendrai pas à cette tribune, mes chers collègues, sur les mesures proposées pour améliorer la démocratisation du fonctionnement des associations sportives, qui ne vont d'ailleurs pas très loin, ni sur la description circonstanciée des nombreux organes consultatifs, qui constituent une véritable « comitologie sportive » et dont l'expérience nous invite à envisager le fonctionnement futur avec une certaine prudence.
J'en viens donc à présent, monsieur le président, aux sérieuses inquiétudes que nous inspire ce projet de loi, d'une part parce qu'il crée une certaine confusion des rôles entre les différents acteurs de la politique du sport, d'autre part parce qu'il remet totalement en cause, d'une façon qui nous semble particulièrement dangereuse pour le niveau des formations comme pour la sécurité des pratiquants, les conditions d'accès aux fonctions d'éducateur sportif.
Sur le premier point, nous savons bien, madame la ministre, que l'Etat n'a pas fait preuve de beaucoup de dynamisme pour remplir, dans le domaine de la politique du sport, ses missions de contrôle et de gardien de l'intérêt général, ni pour exercer ses pouvoirs de tutelle. Je viens d'en donner un exemple avec le contrôle des agents sportifs, et je pourrais, hélas ! en donner bien d'autres.
Le projet de loi va cependant plus loin, puisqu'il propose tout simplement de retirer à l'Etat une partie de ses compétences et de confier aux fédérations délégataires des pouvoirs qui vont bien au-delà de leur mission de service public et qui ne peuvent, dans notre système juridique, être exercées par d'autres que par l'Etat.
Il est vrai que cette évolution avait déjà été amorcée par la loi du 6 mars 1998, laquelle avait confié aux fédérations le pouvoir de réglementer l'accès à l'information sportive par des dispositions sur lesquelles la commission des affaires culturelles proposera de revenir.
Aujourd'hui, on voudrait leur confier la police de la profession d'agent sportif. Il nous semble, mes chers collègues, qu'une telle fonction ne peut être assumée que par l'Etat. Il est d'ailleurs sans exemple que des personnes privées aient été ainsi chargées d'autoriser l'accès à une profession commerciale et d'en contrôler l'exercice.
Nous vous proposerons donc de remplacer ce dispositif, au demeurant peu opérationnel, par un régime de licence inspiré de celui des agents artistiques.
Le projet de loi vise aussi à confier aux fédérations délégataires un pouvoir de police des manifestations sportives qui va très au-delà de leur mission de service public.
Cette mission, qui est très importante et qu'il n'est naturellement pas question de remettre en cause, leur confère le monopole de l'organisation de toutes les compétitions officielles, du niveau départemental au niveau international, de la sélection des sportifs qui y participent, de l'édiction des règles et des normes techniques selon lesquelles elles se déroulent. Ce monopole est évidemment indispensable : il ne saurait y avoir plusieurs championnats de France dans une même discipline, ni plusieurs sélections nationales pour participer à une compétition internationale. Il faut bien que tous les participants à une compétition respectent les mêmes règles et soient placés dans les mêmes conditions.
Mais, en dehors de la sphère des compétitions officielles, le sport est, et c'est heureux, une activité libre, et l'organisation de manifestations sportives aussi, à condition, bien sûr, de ne pas porter atteinte à l'ordre et à la sécurité publics mais cela, c'est l'affaire des autorités administratives.
Nous trouvons donc étonnant que l'on veuille donner compétence aux fédérations délégataires pour édicter les règlements de toutes les manifestations sportives ouvertes à leurs licenciés - et elles leur sont rarement interdites -, de la course pédestre ou cycliste organisée à l'occasion d'une fête locale au Marathon de Paris ou au Tour de France.
Je ne pense même pas, d'ailleurs, que cela serait matériellement possible. Mais, surtout, cela nous paraît aller vraiment trop loin. J'ajoute que c'est en outre parfaitement contradictoire avec les dispositions, elles aussi un peu surprenantes, qui voudraient faire figurer dans la loi le droit de jouer au football à sept, ce que personne, nous semble-t-il, n'a le droit d'interdire.
On nous propose aussi, renouvelant un débat qui avait déjà eu lieu en 1984, de donner aux fédérations délégataires le droit d'autoriser, et donc d'interdire, toute manifestation sportive qu'elles n'organisent pas elles-mêmes, à la seule condition que celle-ci soit dotée de prix d'une valeur globale dépassant un seuil qui, depuis 1986, est fixé à 10 000 francs.
Là encore, nous trouvons que c'est aller trop loin, d'autant plus que les conditions d'octroi de cette autorisation - qui serait totalement discrétionnaire - ne nous paraissent pas très claires.
Nous vous proposerons donc d'en rester au régime actuel de l'agrément, qui avait été inventé en 1984 par le Sénat, qui a fait ses preuves et qui paraît tout à fait suffisant pour éviter, par exemple, les interférences entre le calendrier des compétitions officielles et celui de manifestations s'adressant aux mêmes sportifs, ou pour interdire aux licenciés de participer à des manifestations qui seraient jugées plus commerciales que sportives encore que, malheureusement, les compétitions officielles soient elles-mêmes devenues très commerciales.
Nous examinerons, lors de la discussion des articles, les dispositions relatives aux collectivités territoriales, qui, elles, ne changent pas de rôle : elles demeurent essentiellement des bailleurs de fonds. Nous l'avons regretté, et plusieurs membres de la commission ont souligné, à juste titre, que le projet de loi ne clarifiait pas les compétences en matière de réalisation des équipements sportifs et ne prévoyait non plus aucune compensation des charges. Nous avons également noté que le projet de loi n'apportait aucune solution nouvelle au problème des normes techniques, dont il faudrait peut-être, en particulier, limiter plus strictement le domaine d'intervention. Le nombre de places dans un stade, par exemple, n'a aucune influence sur l'égalité des conditions de compétition.
J'en viens à présent à notre second sujet d'inquiétude : la réforme des conditions d'accès aux professions sportives.
Nous avons successivement connu, dans ce domaine, le monopole des brevets d'Etat d'éducateur sportif, puis, depuis 1992, un régime d'homologation qui était destiné à « ouvrir » un peu le système et à mieux adapter les formations à l'évolution des professions sportives, qui demeuraient cependant des professions réglementées, dont l'exercice était soumis à la possession de certains titres ou diplômes.
Aucun des deux systèmes n'a marché, en particulier - il faut bien le dire, madame la ministre - parce qu'ils ont été très mal gérés et très mal contrôlés par le ministère de la jeunesse et des sports.
Aujourd'hui, on nous propose un changement de cap radical, dont personne ne semble savoir à quoi il aboutira.
Ce qui est clair, c'est qu'il n'y aura plus d'exigence de diplômes. On nous dit que l'Etat ne s'occupera plus de la capacité technique et pédagogique des éducateurs ; il s'occupera seulement de leur « qualification » en matière de sécurité. Mais comment peut-on dissocier sécurité et compétence technique et pédagogique des éducateurs ?
MM. Gérard Braun et Charles Descours. Très bien !
M. James Bordas, rapporteur. J'ajoute que, s'il n'y a plus d'exigence de diplôme, nous ne pourrons plus nous opposer à la venue en France d'éducateurs européens insuffisamment formés, ce qui ne contribuera pas à la sécurité.
MM. Charles Descours et Louis Souvet. Très bien !
M. James Bordas, rapporteur. Il est aussi clairement prévu que l'exercice bénévole et l'exercice professionnel seront soumis aux mêmes conditions, ce qui nous paraît aberrant.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. James Bordas, rapporteur. Nous n'avons même pas la moindre idée, et ce n'est pas faute de l'avoir demandé, de ce que sera cette qualification de sécurité, dont nous savons seulement qu'elle pourrait être obtenue uniquement par la validation d'acquis, ce qui confirme simplement que ce ne sera pas un diplôme.
Pour le reste, tout est renvoyé au décret, et si nous votions ce texte, madame la ministre, nous ne saurions même pas ce que nous votons !
J'ajoute que vous ne semblez pas avoir songé non plus aux conséquences de ce texte sur l'emploi sportif, sur la situation des diplômés et, surtout, sur la sécurité des pratiquants.
Nous avons un des meilleurs systèmes de formation des éducateurs sportifs, peut-être le meilleur ; il n'en resterait rien.
Nous ne voulons pas cela, et nous vous proposerons, mes chers collègues, de prendre une position appuyée sur trois idées-forces.
D'abord, distinguer entre professionnels et bénévoles, même si, nous en sommes d'accord, il faut que l'exercice bénévole offre des garanties de sécurité. Il le faut pour les pratiquants, mais aussi pour les bénévoles eux-mêmes, à qui l'on impose souvent, je le sais pour avoir été moi-même bénévole, des responsabilités excessives. On ne s'improvise pas moniteur de gymnastique ou de toute autre discipline sans formation appropriée.
Ensuite, conserver l'exigence de diplôme. Bien sûr, ce diplôme pourra être de niveau différent selon les fonctions exercées. Mais il faut, pour la sécurité des pratiquants, que les professions sportives restent des professions réglementées et que la qualité des formations soit contrôlée.
Enfin, faire entrer les formations et les diplômes sportifs, notamment pour leurs conditions d'homologation, dans le cadre de la loi d'orientation sur l'enseignement technologique de 1971, qui permet un dialogue efficace entre les professionnels et l'Etat. Pour que tout soit bien clair, nous proposons aussi que les diplômes « Jeunesse et sports » soient inscrits d'office sur la liste d'homologation de la loi de 1971.
Nous proposons cela parce que, il faut bien le dire, les systèmes propres à la jeunesse et aux sports n'ont pas réussi ; ils n'ont pas permis d'éviter, notamment, le développement de l'exercice illégal des professions sportives, au détriment des diplômés. En outre, alors qu'il est question de réformer le cadre juridique de la formation professionnelle, il nous paraît essentiel que les professions sportives ne demeurent pas à l'écart de cette réforme, au risque d'être marginalisées.
Telles sont, mes chers collègues, les principales observations et propositions de votre commission des affaires culturelles, qui vous demandera, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous propose, d'adopter le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Donnay.
M. Jacques Donnay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons ce soir du projet de loi relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
M. le rapporteur a clairement exprimé la position de la commission. Pour ma part, je souhaite exposer le sentiment de quelqu'un qui vit au quotidien avec le sport depuis plus de quarante ans, en tant qu'ancien président de ligue et vice-président de la fédération de tennis.
Au regard de l'environnement économique et social du sport, qui a profondément évolué depuis la loi de 1984, de nouveaux statuts sont attendus avec juste raison.
Toutefois, préservons-nous de ne pas détruire ce qui a été construit, au fil des années, dans la confiance, par 1,5 million de bénévoles au sein de 175 000 associations au service de 14 millions de licenciés.
En effet, bien qu'il contienne des avancées positives, notamment en matière de prévention et de protection de la jeunesse, de réglementation de la profession des intermédiaires, de formation des enseignants à destination des élèves des classes primaires et maternelles, des handicapés, le texte qui nous est soumis aujourd'hui demeure surtout un ensemble hétéroclite où cohabitent des dispositions relatives au sport professionnel, au sport à l'école, au sport pour tous.
En un mot, ce texte risque de mettre à mal et d'affaiblir le sport français.
C'est avec les associations sportives locales, c'est-à-dire les viviers de demain, les bénévoles, à l'abnégation et au dévouement sans mesure, avec un dispositif d'encadrement et de formation des sportifs reposant sur des fédérations responsables, dans un climat de confiance en dehors de toute politique - le sport n'est ni de droite ni de gauche - c'est avec ces acteurs et en respectant ces principes que, jusqu'à présent, le sport s'est construit.
Dès lors, comment comprendre la remise en cause du principe sur lequel repose le développement du sport français, c'est-à-dire ; la délégation de service public à une fédération ?
Comment comprendre que, dans une loi consacrée au sport, on confère à des associations la possibilité de modifier les règles techniques des disciplines ?
Comment comprendre le bouleversement introduit dans le dispositif d'encadrement et de formation des sportifs ?
Des précisions doivent être apportées pour assurer un encadrement de qualité, pour garantir la sécurité des pratiquants et pour définir les activités à risques.
Pour une jeunesse en recherche, l'acceptation des règles du sport doit déboucher sur une acceptation des règles de vie.
Comment comprendre l'insuffisance de reconnaissance témoignée aux bénévoles ? Alors même que l'on constate un appauvrissement du bénévolat, aucune mesure efficace n'est prise pour y porter remède.
Que dire également de l'organisation de la mutualisation partielle des droits télévisés que l'on nous propose ? Au-delà de l'effet d'annonce, on peut se demander où réside l'intérêt financier d'une telle disposition pour les clubs locaux ? La modestie des sommes allouées aux clubs, ainsi que l'opacité qui présidera à leur répartition ne contribueront certainement pas à une amélioration des budgets.
Après l'exposé des inquiétudes, je formulerai un regret, et pas n'importe lequel : il est regrettable pour tous, en effet, que le recours à la procédure d'urgence escamote ainsi le débat parlementaire consacré à l'organisation du sport en France.
Inquiétudes, craintes, déception, voilà les sentiments que me suggère ce texte. Je souhaite autre chose pour le mouvement sportif, qui est aujourd'hui à l'écoute des responsables que nous sommes. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le sport est la meilleure école de la vie pour notre jeunesse. A tous les âges, il apporte épanouissement, équilibre, santé et bonheur. Peu de domaines en effet offrent autant de terrains concrets d'actions. Au travers des politiques éducatives, de santé publique, de prévention et d'intégration, de développement économique, touristique ou d'aménagement du territoire, le sport est un facteur incontestable de cohésion sociale, de promotion individuelle et de fraternisation. Dans le cadre de la politique de la ville, c'est un moyen privilégié pour instaurer un sentiment d'appartenance à une communauté, pour intégrer les jeunes en difficulté ou faire disparaître la fracture sociale.
Avec l'Etat et les collectivités locales, le mouvement sportif français constitue le troisième pilier de l'organisation du sport dans notre pays. Il repose sur une structure pyramidale.
Cette organisation homogène, profondément ancrée dans un modèle associatif et amateur tente aujourd'hui de résister à la professionnalisation croissante du sport et des sportifs.
A plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion d'évoquer devant vous, madame le ministre, l'importance que revêt à mes yeux la spécificité de notre organisation sportive et tout particulièrement le rôle primordial joué par les fédérations.
Or, plutôt que de renforcer nos fédérations sportives dans leur volonté de restauration du sport amateur, votre projet de loi, madame le ministre, remet en cause leur existence ainsi que leurs compétences.
Pour illustrer mon propos, je prendrai simplement trois exemples : les « règles de pratique », l'enseignement et la mutualisation des droits télévisés.
Ainsi, l'article 8 donne aux fédérations non délégataires et aux associations de jeunesse et d'éducation populaire la possibilité d'édicter des « règles de pratique », indépendamment de celles qui relèvent de la compétence des fédérations délégataires.
Or vous savez très bien, madame le ministre, que, dans les faits, de telles associations peuvent déjà aménager ponctuellement ces règles sans remettre en cause les bases fondamentales de la discipline. Par cette disposition, votre projet de loi remet totalement en question le principe de la règle unique d'initiation, de progression et de compétition, qui fait la richesse du sport français.
En fait, il s'agit avant tout d'une démarche partisane tendant à offrir au secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire les moyens de financer une activité qui ne correspond en aucun cas à la pratique sportive mais qui ressortit plutôt à l'animation, au même titre que la culture, les travaux manuels, la musique et toute autre activité récréative ou de plein air.
Bien entendu, les fédérations délégataires se doivent de rechercher les moyens d'intéresser toutes les catégories de la population à une discipline sportive. Elles doivent permettre un égal accès de tous à la pratique, et elles le font. Mais peut-être faudrait-il aller plus loin et réaffirmer cette volonté au travers des ligues, des comités sportifs et surtout de la pratique du sport à l'école. Concrètement, votre choix revient à nier tous les efforts qui ont été accomplis en la matière par le mouvement sportif. En tout cas, parler du sport loisir en dehors de la notion de progression, c'est là que réside l'erreur, c'est là que réside le véritable danger pour l'avenir du sport français.
Le mouvement sportif français a perçu ce danger, et je me fais son interprète en demandant la suppression de l'article 8-I bis . En effet, une telle disposition remet en cause sa construction pyramidale, qui a fait la preuve de son efficacité.
De la même manière, en matière d'enseignement, l'article 32 opère une petite révolution.
Actuellement, pour pouvoir enseigner contre rémunération, il faut être titulaire d'un diplôme délivré ou reconnu par l'Etat. Ainsi, les fédérations sportives jouent pleinement leur rôle en matière de formation.
Or cet article prévoit, tout d'abord, que tout enseignant, même bénévole, sera obligé de détenir une qualification. Une telle réforme suscite beaucoup d'inquiétude dans le milieu sportif.
En effet, dans les petites communes, l'encadrement, comme le rappelait M. le rapporteur, est assuré par des bénévoles qui n'ont pas nécessairement les moyens d'organiser leur temps de travail ni de financer une telle formation. Sans financement de l'Etat, cette mesure n'aura qu'un seul effet : démobiliser les bénévoles, qui sont des éléments essentiels au développement harmonieux du sport et à l'encadrement du sport amateur.
Ensuite, aux termes de cet article, disparaît le brevet d'Etat, qui garantissait une formation complète aux personnes souhaitant enseigner contre rémunération.
Une formation limitée à des connaissances en matière de sécurité et d'environnement revient droit notamment à appauvrir la portée du diplôme.
Le développement du sport de haut niveau implique de plus en plus un personnel dûment formé. A défaut, notre compétitivité par rapport à nos partenaires internationaux passera du domaine de la réalité à celui du souvenir. Madame la ministre, avec une telle réforme, ne comptez plus voir la France championne du monde !
Enfin, la formation diplômante pourra désormais être dispensée non seulement par les établissements relevant du ministère chargé des sports, mais aussi par ceux qui relèvent d'autres ministères.
Une telle disposition est en complète contradiction avec l'existence de fédérations délégataires qui contrôlent, en partenariat étroit avec le ministère, la qualité de la formation destinée à l'encadrement d'une activité sportive. En effet, un enseignement public placé sous la tutelle d'un autre ministère que celui qui est chargé des sports pourra être dispensé en dehors de tout avis et des recommandations de la fédération en question.
J'en veux pour exemple la formation des moniteurs de l'Ecole de ski français, qui, comme vous le savez, doivent se faire entendre et respecter des autres pays européens pour garder une qualité de formation qui fait de notre pays un exemple en la matière.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Bernard Murat. Qu'en sera-t-il quand n'importe quel établissement public pourra établir un cursus de formation devant déboucher sur la qualification requise ?
M. René-Pierre Signé. Caricature !
M. Charles Descours. Demandez l'avis des professionnels, qui ont renvoyé leur carte aux préfets !
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas dans la loi.
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues : la parole est à M. Murat, et à lui seul.
M. Bernard Murat. Ce n'est pas ainsi que nous renforcerons l'image du sportif français.
Et que dire du contrôle effectué par vos services sur cette formation quand on connaît les difficultés qui existent au niveau interministériel dans ce domaine ?
Il me paraît donc dangereux de laisser « filer » une partie des prérogatives, d'une part, des fédérations délégataires en matière de formation et, d'autre part, du ministère chargé des sports en matière de contrôle et de réglementation au profit d'autres structures de l'administration qui n'ont aucune compétence sportive. En effet, ces dernières, madame le ministre, n'ont aucun moyen ni aucune qualification pour apprécier efficacement les spécificités de la pratique d'un sport.
Quel est donc le but recherché si ce n'est une étatisation de l'organisation du sport français ?
C'est faire une véritable injure à l'histoire du sport français et à la mémoire des grands champions qui en ont écrit les plus belles pages !
C'est pourquoi je tiens à rendre hommage à M. le rapporteur, qui propose de rétablir l'obligation de diplôme pour l'exercice d'activités d'enseignement contre rémunération, ce qui permettra au mouvement sportif de conserver ses compétences en matière de formation et sa place dans la compétition internationale.
Enfin, je souhaiterais évoquer la question de la mutualisation des droits télévisés.
L'article 19 officialise le prélèvement de 5 % sur le montant des droits de retransmission d'événements sportifs acquittés par la télévision, au profit des associations sportives dites « de base ».
A ce sujet, je formulerai trois remarques.
Tout d'abord, en dehors du geste symbolique que peut représenter cette mesure, c'est une opération blanche pour le mouvement sportif. Avez-vous oublié, madame le ministre, que les fédérations pratiquent déjà depuis longtemps ce type de péréquation ?
Ainsi, par votre dispositif, vous allez prélever environ 180 millions de francs sur le milieu sportif. L'apport de l'Etat sera nul, les sommes du fonds Sastre sont sans lien avec cette opération. Puis, au travers du fonds national de développement du sport, vous redistribuerez ces mêmes 180 millions de francs au mouvement sportif. Quel est l'intérêt pour les fédérations et les clubs ?
Le résultat pourrait même être négatif au regard du coût réel d'une telle opération. Je pense notamment à son recouvrement par les services fiscaux, à la gestion des demandes de subventions et à la redistribution par les services de l'Etat selon des critères non précisés.
Ainsi, plutôt que d'encourager le sport amateur et de créer des emplois dans le domaine sportif, votre projet va servir au financement d'activités fiscales et administratives. C'est bien vers une étatisation du sport que nous conduit sa logique !
Ensuite, on critique régulièrement l'inflation galopante du coût des retransmissions. Or vous ne faites aujourd'hui qu'ajouter votre pierre à l'édifice. Au demeurant, les organisateurs n'hésiteront pas à délocaliser hors de France la gestion des droits télévisés, se faisant reverser par la structure expatriée une participation englobant les droits télévisuels, le marketing, le merchandising.
Enfin, pour l'instant, on évoque le prélèvement mais rien n'est dit sur le mode de redistribution. Certes, on annonce que le FNDS servira de support mais, dans le même temps, plane l'ombre d'une intégration de ce fonds dans le budget de l'Etat. Alors, ce fonds de mutualisation disparaîtra dans le budget du ministère et sera, comme d'habitude, distribué selon le bon vouloir de l'administration, tout en subissant régulations, gels et blocages répétés.
C'est pourquoi, avec plusieurs de mes collègues, je demande que l'inscription de ce dispositif dans la loi de 1984 soit supprimée. En effet, il est préférable d'étudier les répercussions sur le mouvement sportif de ce dispositif prévu par la loi de finances avant de l'inscrire dans la loi de 1984 modifiée.
En résumé, madame le ministre, votre projet de loi veut faire croire à plus de participation, à plus de partenariat, à plus d'échanges entre le mouvement sportif et l'Etat. Lorsqu'on en a pris connaissance, il révèle en réalité une mainmise accrue de l'Etat sur le mouvement sportif, une volonté de voir diminuer l'autonomie des fédérations et surtout, ce qui est le plus dangereux, de faire éclater les structures actuelles, qui ont fait leurs preuves et ont donné à la France tant d'athlètes reconnus sur le plan international.
Enfin, madame le ministre, je constate qu'il y a un grand absent dans votre texte : le bénévole.
Lors du match France-Pologne, le 23 février dernier, vous avez déclaré : « C'est une loi d'association. C'est une loi pour les bénévoles ». Or les deux dispositions auxquelles vous faisiez référence n'apportent rien de nouveau à leur statut.
La première concerne le « congé individuel de formation des salariés exerçant des fonctions bénévoles dans des associations sportives ». Malheureusement, ainsi que le souligne très justement notre rapporteur, ce dispositif n'ajoute rien au droit en vigueur : comme auparavant, les bénévoles pourront prendre ce congé mais ils ne pourront toujours pas en obtenir la prise en charge.
La seconde concerne la « déduction fiscale des frais exposés par les bénévoles ». Les conditions très restrictives posées par la majorité plurielle de l'Assemblée nationale rendent cette disposition purement démagogique et sans portée réelle.
En effet, sauf dans le cas où l'association serait dans l'impossibilité de régler sa dette à l'égard du bénévole, ce dernier ne bénéficiera en rien de cet avantage fiscal. De plus, cette réduction fiscale ne pourra couvrir que la moitié des frais qu'il aura engagés.
Or les problèmes significatifs rencontrés par le bénévolat dans le monde associatif en général appellent d'urgence des réponses appropriées.
La plupart des clubs sportifs ou des comités d'animation locale naissent de la volonté de quelques bénévoles déterminés, et uniquement de cette volonté. Ces chevilles ouvrières du monde associatif ont besoin d'être mieux reconnues et plus efficacement soutenues.
Consentant d'importants sacrifices au regard de leur carrière, ils ont de plus en plus de mal à répondre aux contraintes administratives qui leur sont imposées, sans parler de l'insécurité juridique à laquelle ils se trouvent de plus en plus confrontés.
Dans ces conditions, un soutien résolu aux bénévoles se révèle souhaitable. C'est pourquoi, madame le ministre, je profite de ce débat pour réclamer encore une fois l'élaboration, dans un délai aussi bref que possible, d'un projet de loi portant statut du bénévole.
Madame le ministre, j'ai le regret de vous dire que votre démarche, très orientée, ne sert pas l'idée que je me fais du sport, de sa place dans l'épanouissement de l'homme et de son rôle dans la cité.
M. René-Pierre Signé. Vous n'avez certes pas la même !
M. Bernard Murat. Comme Henri Serandour, président du Comité national olympique et sportif français, je ne peux accepter une loi qui asservit le mouvement sportif.
De même, nous ne pouvons admettre que, par des mesures démagogiques, le mouvement sportif soit dépouillé de ses responsabilités au profit d'acteurs extérieurs.
J'espère, madame le ministre, qu'au terme de nos débats, et compte tenu des propositions constructives que nous vous ferons, le milieu sportif français aura la loi qu'il mérite, car le sport n'est ni de droite ni de gauche : c'est un patrimoine qui nous appartient à tous et que nous devons transmettre à notre jeunesse avide de valeurs (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Les hasards du calendrier parlementaire font, madame la ministre, que nous entamons ce débat sur votre important projet de loi relatif au développement du sport à la veille du 8 mars, date à la valeur éminente pour les femmes de notre pays et du monde entier. Je vois là un symbole marquant.
Si j'établis d'emblée ce rapprochement, c'est qu'il y a pour moi une dynamique comparable dans l'évolution de ces deux grandes questions qui structurent très fortement notre communauté humaine.
En effet, il s'est avéré que, pour faire bouger les choses, pour faire entrer dans la vie des évolutions indispensables, qu'il s'agisse de la place et du rôle des femmes dans la société ou du développement d'un sport porteur de valeurs humanistes et démocratiques, le volontarisme et le recours à la loi constituent des conditions clés ; ils sont à la base de tout progrès significatif.
S'en remettre à l'évolution naturelle des moeurs ou des comportements revient d'évidence à prôner l'immobilisme et le statu quo, à repousser sine die le mouvement et le changement.
Nous venons d'en avoir une illustration irréfutable avec les dynamiques nouvelles créées par la parité femme-homme dans la vie publique, après la modification constitutionnelle de juin dernier, et avec le texte récemment débattu pour assurer une véritable mixité aux élections. Nous en recevons, madame la ministre, dans votre domaine de responsabilité, des confirmations réitérées à travers l'ouverture de nombreux chantiers, la prise de diverses décisions, ainsi que l'adoption, depuis votre prise de fonctions, de lois portant la marque d'une véritable politique du sport et de la jeunesse, que notre pays attendait de longue date.
Après la loi exemplaire sur le dopage, la loi sur le renforcement de la sécurité dans les stades, la loi sur le sport professionnel et après le franchissement de la barre des 3 milliards de francs pour votre budget - une première, même si ce chiffre est encore insuffisant -, le moment est venu de procéder à une refondation et à une actualisation des lois de 1984 et de 1989. Tel est l'objet du présent texte.
M. René-Pierre Signé. Bravo !
Mme Hélène Luc. Nous y allons travailler, chacune dans nos fonctions respectives, en concertation et en consultant largement les partenaires.
La modernisation du cadre législatif que vous proposez porte la marque de la valorisation du rôle irremplaçable du sport, qui irrigue l'activité de notre société et participe puissamment à la construction de la personne, autant dans sa dimension singulière que dans sa dimension sociale.
Cela étant, le développement du sport ne peut être déconnecté de celui de la société. Le sport est soumis au modèle dominant et aux contradictions dans lesquelles s'entremêlent, s'entrechoquent le poids de l'argent des médias, des valeurs humaines élevées, les actions anonymes et désintéressées de million de pratiquants et de bénévoles mus par la passion et le dévouement.
Votre texte vise à atteindre trois grands objectifs : la valorisation de l'action des associations et des bénévoles, avec, je le souligne, l'affirmation d'une mixité réelle dans les responsabilités ; l'organisation d'un véritable service public ; enfin, le développement diversifié des pratiques, ainsi que leur démocratisation et le renforcement de la solidarité entre les différents niveaux.
L'affirmation de ces trois ambitions vient à point nommé pour favoriser toujours plus le plein déploiement des activités sportives et le plein épanouissement des sportifs.
Les articles correspondants contiennent des dispositions de portée générale, mais également des dispositions plus ponctuelles. La conjonction de ces deux ordres de dispositions donne à l'ensemble toute sa cohérence.
L'égal accès des femmes et des hommes au sein des instances dirigeantes des associations sportives constituera, lorsqu'elle sera réalisée, une avancée extrêmement importante. La disposition en cause inscrit dans la loi la réalité féminine du mouvement sportif et la place prise dans le sport par les femmes au cours de ces dernières années. Ainsi, entre 1971 et 1994, le nombre de licences délivrées à des femmes en France, toutes disciplines confondues, a été multiplié par 3,2. Notre pays compte plus de 4 millions de licenciées.
Cependant, ce phénomène de démocratisation et d'accès des femmes au sport s'arrête trop souvent aux frontières du stade, et nos sportives ne parviennent que très difficilement aux postes à responsabilités dans les instances dirigeantes du mouvement sportif. Ainsi, seules deux femmes président une fédération affiliée au Comité national olympique et trois femmes, pour cinquante hommes, exercent les fonctions de directrice technique nationale.
Les discriminations dont sont victimes les femmes dans le sport sont multiples, à commencer par la sous-représentation des sports à dominante féminine dans les médias.
A cet égard, je me permets de rappeler que la Journée internationale des femmes du 8 mars 2000 sera marquée par une initiative particulière, qui vous revient, madame la ministre. En effet, à l'occasion de notre débat, une course de relais partira du Sénat à dix-neuf heures et rejoindra la Maison de la mutualité, où se tiendra un gala de la fédération d'athlétisme. Je vous invite, mes chers collègues, à courir avec les athlètes, et avec la ministre ! (Sourires.)
M. Paul Blanc. Pas de problème !
Mme Hélène Luc. Dans la perspective d'une ouverture plus grande du sport à l'ensemble de nos compatriotes, le projet de loi relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives fait une place nouvelle aux handicapés en prévoyant leur pleine insertion dans l'éducation physique et sportive des établissements d'enseignement ou de formation professionnelle et dans les centres spécialisés.
Il est paradoxal que nombre de personnes handicapées puissent pratiquer une activité physique et sportive dans le cadre de la fédération handisport sans retrouver au niveau de l'école, ni même parfois au niveau des établissements spécialisés, la même qualité d'enseignement.
Le texte introduit donc un droit nouveau pour les handicapés de pratiquer une activité sportive.
A cet égard, il convient de souligner le travail accompli sur cet article - mais c'est vrai sur bien des points du texte - par l'Assemblée nationale, qui a souhaité y introduire une formation spécifique pour l'ensemble de ceux qui, en tant qu'éducateurs, sont confrontés au handicap.
Le sport de haut niveau - nous savons tout l'intérêt que vous y porter, madame la ministre - n'est pas en reste dans le projet de loi qui nous est présenté.
Après que la loi sur le dopage eut placé la France à l'avant-garde vis-à-vis de nos partenaires européens en ce qui concerne la protection de la santé des sportifs, le présent texte contient un certain nombre de dispositions confirmant l'encadrement législatif de la profession d'intermédiaire sportif. Là encore, de nombreux amendements introduits par nos collègues députés illustrent la volonté de la représentation nationale de rendre au sport ses lettres de noblesse et de le voir échapper aux principes d'une « marchandisation » qui ne pourrait que le condamner et, avec lui, bien des athlètes.
Le dispositif qui nous est proposé à l'article 7 devrait permettre de lutter contre le trafic des jeunes joueurs et contre la multiplication des transferts en cours de saison.
Certes, ici, le législateur pose un principe dont on n'est pas certain qu'il sera adopté par l'ensemble de nos partenaires, notamment européens. Cependant, nous pensons que le législateur doit prendre toutes ses responsabilités, comme nous l'avons fait - et de manière unanime - en matière de dopage, pour moraliser le plus possible la vie sportive.
J'en viens à un aspect du texte qui semble susciter de l'inquiétude au sein de la majorité de la Haute Assemblée, comme il en a soulevé d'ailleurs au sein de l'opposition à l'Assemblée nationale. Je veux parler de l'article 8, qui concerne la place nouvelle des fédérations agréées et le rôle nouveau que nous souhaiterions leur voir jouer dans les années à venir.
Nous partageons votre souci, madame la ministre, de valoriser la place de chacun dans le développement du sport et des activités physiques. A de multiples reprises, vous avez rappelé votre attachement aux missions exercées par les fédérations agréées pour le développement du sport.
Dans ce contexte, l'article 8 reprend plusieurs mesures contenues dans la loi de 1984 et consacre certaines des évolutions de ces dernières années, en matière de pratiques sportives notamment.
Ainsi, les critiques faites au présent texte de tendre à opposer les fédérations affinitaires aux fédérations délégataires ne sont-elles pas excessives ?
Faut-il voir autre chose dans la rédaction de l'article 8 que la volonté de faire travailler chacun selon ses responsabilités afin de permettre, quoi qu'il en soit, des pratiques sportives plurielles ?
L'adoption des règles par les associations de jeunesse et d'éducation populaire pour les pratiques qu'elles mettent en oeuvre, telles qu'elles résultent de la rédaction de l'article 8, est-elle de nature à remettre en cause l'équilibre des compétences entre fédérations délégataires et fédérations affinitaires, entre fédérations délégataires et associations de jeunesse ?
Nous ne le pensons pas ! Avec vous, madame la ministre, nous partageons l'idée que le sport a besoin de tous ses acteurs et, comme vous l'indiquiez lors du débat de ce texte à l'Assemblée nationale, « l'unité du mouvement sportif ne s'obtiendra pas en opposant des pratiques, mais au contraire en prenant en compte leur diversité », du CNOSF aux directions fédérales en passant par le Conseil national des activités physiques et sportives, le CNAPS, et jusqu'aux bénévoles.
Je connais trop bien l'activité du CNOSF et de son président ainsi que celles de nombreuses fédérations pour ne pas apprécier tout leur apport au sport. Les intentions doivent être claires. Il s'agit en l'espèce d'offrir une reconnaissance à l'ensemble des activités qui, par leur diversité, participent au développement du sport en permettant à chacun de se reconnaître dans ce vaste ensemble qu'est le mouvement sportif.
Nous défendons donc sur le principe cet important article 8, mais nous serons à l'écoute des propositions qui pourront être faites au cours du débat.
Toujours dans la thématique de l'ouverture du mouvement sportif, nous nous félicitons également de la possibilité nouvelle donnée aux jeunes d'encadrer des associations juniors sous l'égide des associations sportives. Cette disposition devrait permettre un nouvel exercice de la citoyenneté et gagnerait, selon nous, à être élargie à l'ensemble du champ associatif.
L'article 32 du projet de loi semble, lui aussi, poser quelques difficultés, ce qui m'amène à aborder la question du bénévolat.
Le travail de l'Assemblée nationale a permis d'enrichir très utilement le texte sur le terrain de la reconnaissance du bénévolat.
Aménagements horaires, mesures fiscales et validation des acquis des bénévoles constituent un triptyque qu'il conviendra, certes, d'améliorer, mais qui ouvre la voie à une reconnaissance des missions des bénévoles dans le sport. Je dis « ouvre la voie », car le chemin n'est pas complètement parcouru pour parvenir à tenir les engagements pris par M. le Premier ministre en matière de bénévolat aux assises de la vie associative ; mais ce texte constitue une amorce.
Comme l'indiquait mon ami Bernard Outin à l'Assemblée nationale, « dans le secteur associatif français, le sport occupe la première place par le nombre et par la qualité de ses associations, mais il faut savoir que l'âme de ces associations est incarnée par environ un million de bénévoles qui les animent ».
Le rôle de ces bénévoles dans la structuration du lien social devait être reconnu et il importait donc que le présent projet de loi leur accorde une reconnaissance qui, jusqu'à aujourd'hui, ne figurait dans aucun texte. Voilà qui est nouveau, monsieur le rapporteur, il faut bien le reconnaître !
Cette exigence est tout entière contenue dans la rédaction de l'article 32, qui prévoit, notamment, la reconnaissance des acquis dans la validation des diplômes.
Certes, la rédaction de cet article peut, ce nous semble, être améliorée. Pour autant, faut-il là encore voir un contournement des qualifications existantes ?
Les brevets sportifs, qui, jusqu'alors, constituaient la base légale de l'enseignement des activités physiques, seront-ils remis en cause ?
Est-il juste, alors que bon nombre d'associations sportives doivent leur existence au travail bénévole que ceux qui donnent de leur temps ne bénéficient d'aucune reconnaissance en matière de diplômes sportifs ?
Le droit commun des formations diplômantes n'intègre-t-il pas la validation des acquis ? Nous allons en débattre.
Comment justifier, mes chers collègues, vos amendements de suppression de cette disposition auprès de ces millions de femmes et d'hommes qui, vous le reconnaissez, apportent tant au sport ?
Le temps me manque madame la ministre, mes chers collègues, pour aborder l'ensemble des mesures proposées par le projet de loi que nous examinons. Qu'il s'agisse de la meilleure prise en compte de l'environnement à travers l'accès et l'usage des sites naturels, de l'inscription dans la loi de la mutualisation des droits télévisuels à hauteur de 5 % ou de la création, au sein du CNAPS, d'un Comité national des espaces, sites et itinéraires relatifs à la nature, voilà autant d'avancées très positives pour le sport.
Certes, des mesures que nous estimons indispensables ne figurent pas dans le texte. Aussi proposerons-nous à la Haute Assemblée quelques amendements permettant encore d'améliorer l'existant.
Au rang de ces modifications, nous souhaiterions que notre système universitaire pût prendre toute sa place au sein du mouvement sportif dans son ensemble.
A cet égard, l'inscription dans la loi de 1984 de mesures particulières à l'université n'a pas permis d'avancées en la matière. Peut-être n'est-il pas envisageable, au moment où nous parlons, de rendre obligatoire au sein de notre enseignement supérieur l'enseignement du sport ou la pratique d'une activité sportive. Tout au moins, nous pensons que les cursus universitaires, et cela quelle que soit leur nature, pourraient intégrer des unités de valeur à dominante sportive. L'absence de mesures nouvelles nous conduit d'année en année à déplorer la confidentialité des activités sportives au sein de l'université.
L'autre volet important du mouvement sportif est le développement du sport en entreprise. Les expériences conduites ici ou là attestent de son intérêt, tant dans les entreprises publiques que dans les entreprises privées. Là encore, nous proposerons à notre assemblée de combler une lacune importante dans le texte qui nous est soumis. L'intérêt de son développement est justifié aussi par le nombre des licenciés des clubs d'entreprise puisque celui-ci avoisine les deux millions.
A la lecture des débats de l'Assemblée nationale, il apparaît que des prises de position fort diverses ont eu cours sur tel ou tel aspect du texte. Bien des avis se sont exprimés. Ils sont le signe de l'acuité de l'esprit démocratique. Certes, des divergences ont pu se manifester sur les points que j'ai mentionnés à l'instant. Pour autant, un certain nombre de convergences sont apparues quant à la volonté de protéger le mouvement sportif des dérives de ce que, pour faire vite, l'on nomme la « marchandisation ».
Ce même esprit de relative conciliation doit prévaloir au sein de la Haute Assemblée, et je ne doute pas qu'il y prévale.
La chose sportive n'est pas et ne doit pas être la propriété de quelques-uns. A cet égard, le texte qui nous est proposé fait de cet axe un enjeu majeur qui, seul, peut permettre de protéger le sport. L'offensive menée ici ou là par les tenants d'un libéralisme exacerbé aurait tôt fait de se repaître des divisions du mouvement sportif. Ce texte évite cet écueil, et nous devons beaucoup à votre détermination, madame la ministre.
Je forme le voeu qu'une volonté commune nous permette d'améliorer, comme nous nous devons de le faire, le texte qui nous est soumis, tout en gardant quelque chose de l'esprit de fraternité qui animait notre pays lors de la Coupe du monde de football et de la Coupe du monde de rugby, ou encore de l'esprit de responsabilité qui a animé jusqu'alors la commission des affaires culturelles dans ses travaux.
Il y va, je le crois, de la qualité de nos travaux et de l'affichage de notre détermination politique commune autour des questions du sport dans notre pays.
Une telle position pourrait nous permettre, madame la ministre, de faire avancer, lors de la présidence française de la Communauté européenne, bien des dossiers en suspens pour le mouvement sportif en Europe, dossiers dans le règlement desquels votre rôle, madame la ministre, sera important, nous le savons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Certes, ce texte était attendu, mais convenait-il bien de déclarer l'urgence, madame la ministre ?
Il est ambitieux sans pour autant répondre aux besoins, et certaines de ses dispositions déstabilisent partiellement l'enseignement sportif.
Peut-on être ambitieux sans réels moyens ? Les crédits consacrés aux sports dans le budget national sont parmi les plus faibles de l'Union européenne. Le produit de la taxe supplémentaire de 5 % sur les droits de retransmission télévisée permettra-t-il vraiment d'aider les clubs amateurs ? Ici comme ailleurs, l'application d'un taux réduit de TVA sur les équipements sportifs constituerait une mesure réellement efficace, que d'ailleurs les directives européennes autorisent. Outre le faible rendement de ce nouveau prélèvement, il reste à savoir comment il sera qualifié au regard des dispositions communautaires. La spécificité française ne sera-t-elle pas récusée ?
Chacun s'accorde sur le bien-fondé de la démarche qui vise à moraliser le monde sportif en limitant certaines dérives, à favoriser l'unité du mouvement, à reconnaître à cette activité une fonction sociale d'intégration. Toutefois, la louable intention de « purger » les pratiques abusives et illégales, de la part, notamment, de personnes faisant profession d'intermédiaire, n'est pas satisfaite par le changement - le glissement, devrait-on dire - de régime déclaratif et de contrôle. La commission proprose donc, à juste titre, un amendement visant à encadrer précisément la profession d'agent.
J'aurais aimé voir dans ce projet de loi de réels encouragements au bénévolat n'entravant pas pour autant l'avenir des professionnels de l'enseignement sportif. Or les articles 32 et 33 du présent texte ont particulièrement ému les moniteurs de ski et les guides de haute montagne.
Comme l'a déjà dit tout à l'heure M. Murat, on peut à juste titre affirmer que le modèle français d'encadrement des disciplines de montagne est une réussite : il est le leader sur le plan mondial. Depuis plus de cinquante ans que la formation professionnelle est réglementée, elle continue à répondre aux même exigences de qualification en tenant compte du développement et de l'enrichissement nécessairement induits par l'évolution.
Actuellement, 13 500 moniteurs de ski et 1 400 guides de haute montagne attirent une clientèle internationale du fait, justement, de leurs compétences.
Ils contribuent largement à la dynamique économique des zones rurales tout comme à leurs équilibres sociaux et environnementaux, et au recul de la désertification ; nombreux sont ceux qui ont des responsabilités dans les collectivités, les associations et les organismes de sécurité.
Or la rédaction adoptée pour les articles cités crée un amalgame entre les bénévoles et les professionnels.
Ainsi le projet de loi ne fait plus la différence entre l'enseignement professionnel et l'encadrement bénévole ; il fait disparaître la notion de diplôme au détriment d'une notion de simple qualification ; enfin, il gomme les notions d'environnements spécifiques.
En effet, la possibilité pour d'autres ministères que celui de la jeunesse et des sports de dispenser la formation de métiers de la montagne et de l'escalade portera préjudice à l'uniformité et à la qualité de l'enseignement nécessaire pour assurer la meilleure sécurité possible à l'usager. Quand on a la chance d'avoir, je le répète, la meilleure école du monde, pourquoi créer de nouvelles filières de niveau inférieur ? Elles auront des effets négatifs sur la qualité sécuritaire des prestations offertes aux pratiquants.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Bernard Joly. Ainsi, telle chambre de commerce et d'industrie, telle université ou tel établissement relevant du ministère de l'agriculture pourra former et qualifier aussi bien des moniteurs de ski que des guides de haute montagne. A terme, c'est programmer la disparition de l'Ecole nationale de ski et d'alpinisme !
De récentes affaires judiciaires ont montré que l'on admet de moins en moins de prendre des risques et que la responsabilité des accompagnateurs est systématiquement mise en cause, au-delà même du champ dans lequel elle s'inscrit raisonnablement. Ainsi, une peine a été prononcée pour un aléa climatique imprévisible dont les conséquences ont, hélas ! été dramatiques, mais alors qu'il n'y avait pas de faute au sens du manquement.
Si le texte n'était pas amendé, la concurrence des nouveaux diplômes s'exercerait dans les domaines les moins risqués, reléguant les plus compétents dans des limites toujours repoussées.
Il ne s'agit pas de refuser une qualification aux bénévoles, dont l'activité non lucrative ne doit pas être synonyme d'incompétence. Ainsi l'obligation de la formation prévue par le texte pour l'encadrement associatif est-elle souhaitable. Toutefois, il n'est pas raisonnable de délivrer directement un diplôme professionnel de haute qualification à travers la validation d'acquis très divers d'expériences professionnelles et bénévoles. Pour être concret, un instructeur de club ayant encadré une classe de neige pourra obtenir la médaille de moniteur sur simple présentation de dossier !
L'article 33 traite de la situation des moniteurs des autres Etats de la Communauté européenne. Il faut considérer la volonté qui anime les travaux des professionnels des pays alpins d'Europe afin d'élaborer une plate-forme commune qui pourrait devenir une directive européenne consignant les paramètres de définition et d'exercice des métiers de montagne à risques. Ainsi, les dispositions prévoyant les conditions de délivrance de libre prestation de service annihileraient les efforts entrepris toujours dans un souci de sécurité.
Un sous-amendement de la commission des affaires sociales, que j'ai cosigné, permet de distinguer le régime auquel sont soumis les sports « à risques ». Ainsi, eu égard à la différence de qualification qui existe entre les ressortissants des différents Etats membres, sera pratiquée une évalutation de la maîtrise de la discipline enseignée dans un environnement qualifié de spécifique.
Le travail effectué par le groupe d'étude des problèmes du sport et des activités physiques animé par notre collègue Jean Faure, et celui de la commission des affaires culturelles me permettront de voter le présent projet de loi, amendé comme le l'espère. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur plusieurs travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté va redonner toute sa cohérence au travail législatif entamé depuis 1997 et qui s'est déjà concrétisé par l'adoption de quatre lois sur le sport. Depuis la loi du 16 juillet 1984, le sport a connu d'importantes évolutions liées à son essor et à sa popularité croissante. Les intérêts financiers et commerciaux, le culte de la performance à n'importe quel prix, même celui de la santé par le recours aux produits dopants, ont peu à peu dévié le sport de sa fonction éducative et sociale, ainsi que de son éthique.
Le texte aujourd'hui en discussion, en poursuivant la réforme de la loi de 1984, permettra de maîtriser ces évolutions. Il réaffirme la volonté du Gouvernement et du législateur de donner au sport un nouvel élan démocratique, de renforcer l'unité et l'indépendance du mouvement sportif tout en reconnaissant sa diversité, de consolider le sport de haut niveau, de développer l'encadrement pour garantir plus de sécurité et, enfin, de promouvoir le bénévolat.
Le sport est un bienfait pour l'individu à tous les âges. Ses apports sur le plan social ou moral comme en ce qui concerne la santé sont reconnus par tous et rappelés à l'article 1er de ce projet de loi comme une base immuable.
Tous les acteurs du monde sportif, publics ou privés, doivent, en partenariat étroit, le promouvoir, le développer, et permettre aux jeunes, en particulier, d'être initiés au plus tôt à sa pratique, dans des conditions optimales de sécurité et d'accès. Ainsi, l'inscription dans le cycle de formation des IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres, devient obligatoire pour les futurs professeurs des écoles.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur, vous avez, madame la ministre, créé, en relation avec le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, des passerelles entre les filières universitaires pour être professeurs d'éducation physique et les brevets professionnels, afin de faire face à l'engouement croissant des jeunes pour cette filière - plus de 40 000 étudiants en STAPS, sciences et techniques des activités physiques et sportives - et de leur permettre une véritable formation professionnelle.
Cette voie est à poursuivre. Au-delà, nous comptons sur vous, madame la ministre, car il est nécessaire de mettre en place une véritable coordination entre les acteurs qui délivrent des formations, le CNFPT - centre national de la fonction publique territoriale - les instances fédérales, les organismes privés, le ministère de la jeunesse et des sports, le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, mais aussi, par exemple, le secrétariat d'Etat au tourisme.
S'agissant de l'accès aux équipements universitaires, leur utilisation sera autorisée, par conventions, non seulement pour les associations sportives universitaires - les usagers normaux - mais aussi pour les collectivités territoriales et les fédérations sportives.
De plus, la construction d'équipements sportifs est rendue obligatoire pour toute nouvelle construction de collège ou de lycée. Nous approuvons pleinement ces mesures qui prouvent que l'éducation physique devient une composante pleine et entière de l'enseignement scolaire.
Mais il est indispensable de prévoir une restructuration et une rénovation d'une très grande partie du parc existant, les tempêtes de décembre dernier ayant ajouté à ces retards pour plusieurs dizaines de millions de francs de dégâts matériels. Les collectivités territoriales ne peuvent financièrement assumer seules ces rattrapages. L'Etat doit y concourir fortement, et des plans doivent rapidement être mis en place.
Toujours sur ce sujet, l'article 31 prévoit le report à 2004 de la mise aux normes des enceintes sportives. Le temps ne doit pas nous faire oublier le drame du stade de Furiani, et ces quatre années supplémentaires doivent voir la réalisation concrète des travaux, avec des moyens d'accompagnement financiers pour lesquels, là encore, un effort particulier doit être consenti par l'Etat.
Pourrait-on, à cet effet, espérer une nouvelle hausse de votre budget pour 2001, madame la ministre, et, surtout, le déblocage de moyens exceptionnels, pour les collectivités territoriales, proposés par l'Etat ?
Tout citoyen doit pouvoir accéder à la pratique sportive, quel que soit son âge, son sexe ou, éventuellement, son handicap. Nécessité démocratique qui a sa place dans ce projet de loi : les handicapés auront accès comme tout un chacun à l'initiation ou à la pratique sportive, dispositif qui suppose toutefois des moyens en personnels et en équipements, du point de vue tant des installations sportives que de leur accès. Je souhaite vivement, madame la ministre, que des efforts importants soient faits à cet égard, en relation, notamment, avec votre collègue M. Gayssot, afin de permettre une vie plus facile pour ceux qui souffrent d'un handicap.
Autre élément de cette démocratisation : la place des femmes dans le sport sera accrue, car on ne peut plus ignorer leur engouement croissant, que les résultats obtenus au haut niveau, par exemple en handball ou en rugby, encouragent davantage.
Or, peu de place leur est laissée dans les clubs, pour l'utilisation des terrains, les médias ou les instances sportives. Selon le rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée dont les sept recommandations adoptées sont particulièrement intéressantes, deux femmes sont présidents de fédération sur cent deux structures agréées. Sans commentaire !
Ainsi, l'article 5 vise non seulement à démocratiser la vie fédérale, mais aussi à conditionner la délivrance de l'agrément d'une association à l'égal accès des femmes et des hommes à ses instances dirigeantes. Il s'agit là d'une étape intermédiaire, car nous savons et soutenons vos efforts, madame la ministre, ainsi que ceux du Gouvernement, pour l'instauration de la parité dans de nombreuses assemblées.
En outre, nous attendons avec impatience les conclusions de M. Asensi, qui rencontre actuellement toutes les fédérations sur les questions de statut type et des élections dans leurs instances dirigeantes.
Enfin, troisième élément de démocratisation : la pratique sportive du plus grand nombre, des non-licenciés, à travers les associations d'éducation populaire par exemple, sera favorisée par l'article 8. Sur ce point, il est logique que les fédérations affinitaires puissent adapter certaines règles de pratique tant qu'elles ne mettent pas en danger la sécurité des pratiquants.
L'évolution des règlements, des matériels utilisés, des surfaces, la nécessité pour les petites structures d'organiser la pratique sportive en fonction de leurs moyens, c'est une réalité qui doit être inscrite dans la loi. Madame la ministre, vous l'avez rappelé à de nombreuses reprises : fédérations délégataires et affinitaires doivent travailler ensemble. Leurs rôles sont, certes, différents mais ils n'en sont pas moins complémentaires.
Pour les jeunes de quartiers défavorisés, où le sport demeure un des vecteurs d'éducation et d'insertion sociale, pour ceux qui vivent en milieu rural ou pour ceux qui souhaitent découvrir un sport sans vouloir y adhérer, nous devons reconnaître ces nouvelles pratiques.
Reconnaître les diversités, c'est aussi renforcer l'unité du mouvement sportif, objectif visé dans plusieurs articles de ce texte.
D'une part, le dispositif de mutualisation de 5 % des droits de télévision est, à nos yeux, un élément essentiel pour la survie du sport amateur. D'ailleurs, 78 % des Français en approuvent le principe. Les 150 millions à 180 millions de francs ainsi dégagés seront versés au FNDS et permettront, à partir de projets, le développement des petits clubs locaux et la formation de leurs animateurs.
Lors de la présidence française de l'Union européenne, qui débutera en juillet prochain, nous soutiendrons, madame la ministre, votre proposition visant à étendre cette mesure à l'ensemble de la Communauté. La France, sur ce point et sur d'autres nous le verrons, doit poursuivre son rôle d'initiation et d'harmonisation.
D'autre part, cette aide aux petits clubs sera complétée par le rétablissement de la garantie d'emprunt accordée à une collectivité. Seuls les clubs disposant de ressources inférieures à 500 000 francs pourront en bénéficier, afin de favoriser les investissements de proximité et la création d'emplois.
Enfin, la profession d'agent ou d'intermédiaire est sérieusement encadrée dans ce texte, pour éviter les dérives liées aux transferts que l'arrêt Bosman avait notamment provoquées et que l'on a retrouvées récemment dans l'affaire du CSP Limoges.
Le droit d'exercer cette profession sera soumis à la détention d'une autorisation délivrée par les fédérations et, pour éviter les délocalisations, un agent autorisé pourra être mandaté par toute personne établie hors de France. L'harmonisation de ce dispositif à l'échelon communautaire serait, là encore, la solution idéale.
Par ailleurs, en bloquant leur rémunération et en ne l'autorisant que pour le premier transfert d'un joueur dans une même saison, le dispositif place les sportifs sur un pied d'égalité. Cette moralisation, qui est aussi une des mesures qui ont été préconisées dans le rapport de M. Donzel sur les centres de formation, ne peut être que bénéfique pour le monde du sport. Toutefois, il conviendra de suivre ce dossier au fur et à mesure de son application.
Le rapporteur de la commission prévoit d'ailleurs, dans un de ses amendements, la présentation d'un bilan de l'application de ce dispositif durant les trois premières années.
L'unité du mouvement sportif sera, de plus, développée au sein des deux organismes que sont le Comité national olympique et sportif français, dont les prérogatives sont renforcées à l'article 12 et auxquelles s'ajoute une reconnaissance des sports de pleine nature - nous présenterons d'ailleurs des amendements prenant en compte leur développement - et le Conseil national des activités physiques et sportives, le CNAPS, qui, même s'il était prévu par la loi de 1984, n'a malheureusement jamais existé.
Nous veillerons - et nous comptons sur vous, madame la ministre - à ce qu'il n'en aille pas de même dans le cadre de cette loi, car son concours au développement du sport sera déterminant, tant par son rôle consultatif, son rôle d'évaluation, de veille au respect de la mise en place de la parité que par les deux organismes institués en son sein : le Comité national de la recherche et de la technologie et le Conseil national des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de la nature.
Composé de tous les représentants du mouvement sportif, le CNAPS permettra de rattraper le déficit démocratique qui a trop longtemps éloigné le sport de la notion d'éthique, au profit d'intérêts uniquement financiers.
Les sportifs de haut niveau, même s'ils sont largement bénéficiaires des masses d'argent introduites dans le sport, en ont aussi été les principales victimes.
Victimes, car ils sont considérés par les gros sponsors comme de simples panneaux publicitaires qui doivent à tout moment répondre présents à une manifestation sportive importante, même en cas de blessure.
Ce texte reflète bien votre intention, madame la ministre, et celle du législateur de poursuivre une politique équilibrée et axée sur l'éthique. Les droits et devoirs des sportifs de haut niveau, ainsi que ceux de leurs partenaires d'entraînement, seront définis par décret, la charte existante n'ayant pas, en effet, de valeur réglementaire.
Leur formation et leur insertion professionnelle seront favorisées grâce à des conditions particulières d'emploi, dans le secteur privé comme dans la fonction publique. Les juges, arbitres ou entraîneurs de haut niveau doivent bénéficier, eux aussi, de cette mesure. Nous présenterons un amendement allant dans ce sens.
Les sportifs de haut niveau sont aussi victimes de la multiplication des rencontres sportives, qui a entraîné une utilisation intensive et souvent incontrôlée de produits dopants. Le projet de loi prévoit ainsi que les fédérations seront tenues de publier chaque année, lors de l'élaboration du calendrier officiel, le nombre de jours consécutifs et le nombre de jours maximal de compétition auxquels leurs licenciés sont autorisés à participer.
Ce dispositif est louable et nous le soutenons, mais sa mise en pratique révélera sans doute de nombreuses difficultés : cas des sportifs qui pratiquent plus d'une discipline, remplacements lors d'une compétition en sont quelques exemples. Le projet de calendrier mondial récemment présenté par Michel Platini, conseiller du président de la FIFA, peut être une première solution dont l'application prendra du temps, mais la concertation doit se poursuivre.
Les sportifs de haut niveau commencent à réagir, comme l'ont fait le défenseur Laurent Blanc avant le match France-Pologne ou, récemment, les rugbymen français. Il est impératif que leur voix soit entendue par l'ensemble des responsables du mouvement sportif.
Enfin, les sportifs de haut niveau sont victimes de la pression et de l'obligation de résultats, aboutissant, là encore, au dopage. Le conseil de prévention et de lutte contre le dopage, grâce à la loi du 23 mars 1999, commence, cette année, à remplir l'ensemble de ses missions. Je présenterai dans le cadre de cette loi deux amendements relatifs à des délais de procédure, qui renforceront l'efficacité de son travail.
Toutes ces mesures en faveur des sportifs professionnels ne doivent pas nous faire oublier les centaines de milliers de bénévoles qui sont le vivier du sport français.
Ainsi, le texte prévoit tout d'abord, afin de moderniser l'enseignement et l'encadrement des activités physiques et sportives, une formation accrue des bénévoles qui, comme M. le Premier ministre l'a annoncé, sera financée notamment grâce au doublement des crédits du Fonds national de développement de la vie associative. Une qualification d'Etat pourra être obtenue par la validation des expériences acquises, professionnelles ou bénévoles.
Nous sommes bien entendu très favorables à l'esprit de cet article 32, mais la pratique d'un sport pouvant présenter un risque particulier nécessite une qualification qui peut reposer non pas sur la seule reconnaissance d'expériences acquises, mais bien sur des bases définies et reconnues. Nous avons déposé un amendement visant à améliorer le dispositif. Or, le Gouvernement proposera au cours du débat une nouvelle rédaction de l'article qui, même si des améliorations mineures sont encore possibles, nous convient.
Cela suppose une nouvelle fois, madame la ministre, une aide importante à la formation des bénévoles, et nous comptons sur vous pour que les efforts en faveur du FNDS ou du FNDVA soient poursuivis d'année en année.
Par ailleurs, le congé individuel de formation pourra être accordé aux dirigeants bénévoles.
Enfin, le texte prévoit une réduction d'impôt pour des frais engagés dans le cadre d'une activité bénévole, dispositif dont on pourrait espérer une mise en place rapide et efficace. Malheureusement, l'intervention de Bercy ne me paraît pas acquise.
Ces avancées déterminantes, qui font suite aux demandes entendues lors des assises nationales de la vie associative, en février 1999, et qui s'ajoutent aux dispositions de la loi sur la réduction du temps de travail prévoyant que les conventions collectives peuvent prendre en compte les contraintes liées à l'exercice du bénévolat, ne sont, je l'espère, qu'un premier pas. Le bénévolat ne se limite pas qu'au domaine sportif ; la reconnaissance de notre pays doit aller plus loin.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Serge Lagauche. La célébration en 2001 du centenaire de la loi sur les associations doit en être l'échéance.
Madame la ministre, si nous pouvons regretter la discussion en urgence de ce texte qui aurait pu nous être présenté depuis de nombreux mois, nous en soutenons, bien entendu, les objectifs. Démocratisation, moralisation, éthique, accessibilité, ce projet de loi permettra de redonner au sport toutes ces valeurs dont il s'est éloigné.
Les mesures proposées sont à la hauteur des enjeux, mais il conviendra, madame la ministre, de permettre leur application dans les meilleurs délais, notamment par la publication rapide des décrets d'application, afin de donner à la présidence française de l'Union européenne un rôle tout particulier en faveur du sport.
Mme Hélène Luc. Tout à fait !
M. Serge Lagauche. Madame la ministre, vous avez annoncé que ce texte est l'ultime volet de votre réforme. Néanmoins, beaucoup de choses restent à mettre en oeuvre, notamment pour faire face à la violence qui continue à s'étendre dans les enceintes sportives. Nous présenterons d'ailleurs un amendement visant à permettre à des associations ayant pour objet la lutte contre le racisme de se porter parties civiles à l'occasion des manifestations ou agissements incriminés.
Les arbitres de la région Haute-Normandie ou du sud de la France se sont récemment plaints d'être de plus en plus confrontés à des agressions physiques ou verbales. Il conviendrait de tout mettre en oeuvre, en prévoyant, par exemple, la présence d'emplois-jeunes tout autour des terrains, afin que le corps arbitral, composé lui aussi de nombreux bénévoles, puisse exercer sans craintes.
Enfin, nous attendons beaucoup des propositions qu'Aimé Jacquet présentera, avant le 1er juin, sur les centres de formation. Peut-être nous réunirons-nous de nouveau sur ce sujet afin d'inscrire dans la loi les objectifs de moralisation et d'éthique qui sont les nôtres ?
Permettez-moi, pour terminer mon intervention, de féliciter, cordialement bien entendu, le rapporteur, M. Bordas, pour l'excellent travail qu'il a réalisé, au nom de la majorité sénatoriale, et qui est fondé sur un esprit critique systématique. (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants). Nous sommes diamétralement opposés à l'essentiel de son rapport, plus politicien que technique. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Le président de la commission des affaires culturelles ne pourra, pour sa part, que s'en féliciter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à mon ami Serge Lagauche, je dirai que le rapport de M. James Bordas est d'une objectivité et d'une clairvoyance qui nous ont séduits ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Madame la ministre, vous m'avez toujours laissé l'image d'une femme courageuse, déterminée et résolue à rendre au sport ses lettres de noblesse. En effet, votre projet de loi tendant à lutter contre le dopage a eu l'immense mérite de clarifier la situation, de lever un tabou sur des pratiques dont personne n'osait parler clairement.
Aujourd'hui, je vous l'avoue, ce texte, qui vise à réformer la loi de 1984, me déçoit. Vous avez parlé de concertation. Or, en tant que président du groupe d'étude des problèmes du sport, j'ai organisé quelques auditions de responsables sportifs au plus haut niveau, qui, tous, se sont plaints d'un manque de concertation.
Cette absence de concertation, la déclaration d'urgence, le découpage en plusieurs parties de la réforme du sport sont autant de motifs de déception et d'inquiétude. Vous auriez pu être à l'origine d'une grande refonte du cadre législatif du sport, en y associant l'ensemble du mouvement sportif et les parlementaires. Visiblement, vous avez préféré céder, peut-être à la suite de pressions, à une tentation politique, sinon politicienne. C'est peut-être d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles vous avez souhaité limiter la discussion à une seule lecture.
Mme Hélène Luc. Là, vous exagérez vraiment !
M. Paul Blanc. C'est la vérité !
M. Jean Faure. Pour ne rien vous cacher, madame la ministre, j'ai le sentiment que votre projet de loi ne témoigne que d'un intérêt clientéliste. Derrière les grandes ambitions que vous affichez - le développement du sport pour tous, la démocratisation du mouvement sportif, la modernisation des règles d'encadrement et d'organisation - se cache une préoccupation qui est bien éloignée de l'attente des acteurs du monde sportif.
J'ajoute que votre projet de loi, fait de dispositions disparates, manque singulièrement de lignes directrices et de cohérence.
A grands renforts d'effets d'annonces, vous avez laissé croire que ce texte permettrait au sport français d'entrer dans une nouvelle ère. En réalité, il remet en cause la répartition des rôles entre les différents acteurs que la loi de 1984 a chargés de contribuer à la mission d'intérêt général que constitue le développement des activités physiques et sportives. Cette évolution se traduit par un alourdissement du rôle de l'Etat, les fédérations étant soumises à un contrôle de plus en plus fort de la puissance publique sur un certain nombre de leurs prérogatives.
Les collectivités territoriales qui organisent l'égal accès de tous à la pratique du sport et qui assument seules la charge de la réalisation et de l'entretien des équipements sportifs ne semblent apparaître à vos yeux que comme des sources de financement.
Le texte remet également en cause la réglementation, l'animation et l'enseignement des activités et des conditions d'accès aux professions sportives. Ces trois points suffisent à nourrir notre inquiétude.
Cependant, je reconnais que certaines dispositions vont dans le bon sens. Je souscris notamment aux mesures visant à développer le sport en milieu scolaire, à faciliter l'accès des handicapés aux pratiques sportives, à réglementer la profession d'agent ou d'intermédiaire.
Malheureusement, beaucoup d'autres mesures occultent ces points positifs.
Tout d'abord, madame la ministre, vous affichez une volonté d'introduire la démocratie dans les fédérations ainsi que d'ouvrir les pratiques sportives. Or, cela ne correspond ni aux besoins immédiats ni aux réalités. Dans l'état actuel du projet de loi, chaque structure qui monte une activité pourra décider une réglementation spécifique.
Cette disposition nous paraît naïve et inutile puisque de nombreuses pratiques effectuées en marge des sports reconnus existent déjà, sans qu'il soit besoin de légiférer à leur sujet.
Cette disposition est aussi dangereuse, car elle pourrait permettre à n'importe quelle entité de créer une discipline sportive dont les normes seraient peu contrôlées, et donc potentiellement à risque. Dans les sports de combat, par exemple, certaines règles prises dans l'intérêt des pratiquants par les fédérations pourraient être négligées par des pratiques en marge de celles-ci. Des jeunes de douze à dix-sept ans pourraient ainsi monter des activités spécifiques et « autoréglementées ». Cette possibilité porte en germe une explosion du système technique de réglementation du sport et constitue donc une menace sérieuse pour l'institution sportive.
Ces dispositions permettront en particulier aux fédérations affinitaires d'organiser des pratiques sportives en dehors du cadre réglementaire édicté par le mouvement sportif. Cette situation remettrait en cause le système actuel qui institue une complémentarité des compétences entre les fédérations affinitaires et les fédérations délégataires. Les fédérations issues de l'éducation populaire gagnent ainsi du terrain au détriment des fédérations délégataires, de plus en plus contrôlées par le ministère.
Je suis intimement convaincu que le sport ne gagnera rien à être morcelé. Créer des règles nouvelles va à l'encontre de l'harmonisation recherchée au niveau européen, voire mondial. Dans l'absolu, on ne peut pas être opposé à la possibilité d'adopter des règles du jeu particulières. Cela se fait d'ailleurs tous les jours. Mais il est dangereux de légiférer sur ce sujet.
Votre texte, madame la ministre, compromet l'indépendance du mouvement sportif. En faisant peser des contraintes de plus en plus lourdes sur les activités des fédérations, c'est comme si « l'Etat voulait se payer 1 250 000 fonctionnaires bénévoles ! ».
Nul n'ignore que la formation constitue un atout majeur du sport en France. Or, les dispositions prévues par le projet de loi modifié par l'Assemblée nationale permettront désormais à des bénévoles de s'occuper de formation.
Je ne peux imaginer, madame la ministre, compte tenu de votre qualité, que vous n'ayez pas pensé aux risques que cela pourrait engendrer, notamment pour l'enseignement des pratiques sportives ayant lieu dans un environnement spécifique. En l'état actuel, votre projet de loi porte un coup fatal à l'avenir des professionnels de l'enseignement sportif de la montagne. Vous avez parlé du ski. Vous savez, bien sûr, que 13 500 moniteurs encadrent, initient et forment deux millions de nos compatriotes aux joies de la glisse. Ces professionnels bénéficient d'une formation reconnue et enviée au niveau mondial - l'Autriche et la Suisse s'apprêtent d'ailleurs à nous copier - d'une durée de cinq à sept ans, à l'Ecole nationale de ski et d'alpinisme de Chamonix.
Or, le projet de loi modifié par nos collègues députés permettrait, s'il était adopté en l'état, à n'importe quel établissement, telle une chambre consulaire ou une université dispensant une formation aux sciences et techniques des activités physiques et sportives, STAPS, de former et de qualifier des guides de haute montagne et des moniteurs de ski.
Je ne peux en aucun cas accepter une telle situation : elle est à mes yeux scandaleuse et se fait au mépris des règles élémentaires de sécurité et d'encadrement dont doivent bénéficier les pratiquants de ces disciplines à risque ; elle constitue aussi une atteinte intolérable à la compétence et au sérieux de la formation délivrée par l'école de Chamonix.
Le week-end dernier, j'ai rencontré des hommes prestigieux, comme Emile Allais, fondateur de l'école de Chamonix, comme Jean Vuarnet et Georges Joubert, qui ont contribué au perfectionnement de l'enseignement du ski français. J'ai longuement parlé avec eux de votre projet. Ils m'ont tous supplié d'intervenir auprès de vous, madame la ministre, pour vous convaincre de ne pas y donner suite sur ce point et de reconnaître l'excellence de soixante années d'expérience dans le domaine très délicat du ski et de la haute montagne.
Par ailleurs, en matière de conditions d'exercice de la libre prestation de services d'éducateurs sportifs, l'Assemblée nationale a remis en cause le dispositif prévu par la loi du 6 mars 1998 dont vous êtes vous-même à l'origine, et ce alors même que la France bénéficie d'une dérogation de la Commission européenne lui accordant le droit d'exiger un test d'aptitude pour les professionnels ressortissants de l'Union européenne souhaitant exercer dans nos massifs. Si cette dérogation est « invalidée » par la loi française, les moniteurs de ski étrangers pourront venir en France pour accompagner des groupes de touristes, sans avoir reçu une formation adaptée au milieu dans lequel ils évoluent.
Je proposerai donc, avec plusieurs de mes collègues, des amendements sur ces points qui me paraissent fondamentaux pour l'avenir des professionnels du sport en montagne, pour garantir à tous les pratiquants un encadrement efficace et une sécurité maximale.
Vous, madame la ministre, dont la sensibilité politique vous pousse plus naturellement à défendre l'emploi qu'à le combattre, vous ne pouvez pas laisser poignarder une profession dont l'organisation fait la fierté de la France et l'envie des autres pays concurrents !
Mme Hélène Luc. Vous y allez fort !
M. Jean Faure. Vous l'aurez compris, madame la ministre, le texte tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale ne nous convient pas. Je ne le voterai que si les amendements de la commission et ceux que j'ai déposés avec un certain nombre de mes collègues sont adoptés.
La pratique du sport doit se faire, selon moi, dans un cadre structuré, avec des règles stables et pérennes. Or le texte dont nous discutons aujourd'hui est à l'opposé de cette exigence. Les modifications proposées par le Sénat me semblent de nature à corriger cette dérive.
Le groupe d'étude des problèmes du sport du Sénat, que j'ai l'honneur de présider, regroupe toutes les sensibilités politiques de notre assemblée. Il rassemble également d'anciens athlètes de haut niveau, d'anciens professionnels ou dirigeants sportifs, des responsables en matière de tourisme social ou de fédérations de loisirs. Le Sénat ne compte pas que des grabataires, comme pourraient le laisser croire certaines caricatures de journaux, où on montre les sénateurs poussés dans des fauteuils roulants avec des plaids sur les genoux ! (Sourires.) Quelques sénateurs ont des connaissances dans le domaine du sport, et nous avons toujours travaillé, au sein de ce groupe, dans un esprit positif, dans le seul intérêt du sport. Nous avons ainsi, tous ensemble, obtenu des résultats significatifs quels que soient les gouvernements en place, parce que nous nous sommes toujours exprimés avec conviction et détermination, mais aussi avec sagesse et raison.
C'est pourquoi, madame la ministre, j'espère que vous saurez entendre la voix de la sagesse et de la raison. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, vous nous proposez un nouveau projet de loi sur le sport. Un de plus ! C'est le cinquième en deux ans. C'est non pas à un train de sénateur que vous nous soumettez, mais à un véritable marathon !
Le marathon, épreuve fondatrice des jeux Olympiques, exige de l'endurance. Alors, madame la ministre, pourquoi vouloir adopter une allure de sprinter en déclarant la procédure d'urgence ? Vitesse et endurance ne vont pas toujours de pair, mais, surtout, vitesse et précipitation ne sont pas synonymes de succès : bien au contraire, elles sont très souvent facteurs d'échec.
Certes, le sport, comme l'ensemble de notre société, évolue très vite. Le jeu évolue, les règles évoluent, les techniques évoluent, les équipements évoluent, les motivations des sportifs, comme celles des spectateurs, évoluent.
Dans un état de droit comme le nôtre, le cadre législatif doit lui aussi évoluer. Mieux, il devrait précéder cette évolution au lieu de la subir.
Dans ce domaine comme dans bien d'autres, ce n'est pas facile, j'en conviens volontiers. Mais le véritable problème se situe-t-il aujourd'hui au niveau de la loi ? Je ne le pense pas, même si je ne nie pas la nécessité de clarifier certaines situations.
Je salue, en particulier, votre souci de moraliser un certain nombre de pratiques, telle la refonte de la profession d'intermédiaire sportif, bien que l'article 7 présente quelques incohérences sur lesquelles je reviendrai.
Votre projet, madame la ministre, même s'il présente quelques aspects positifs au sein de ses quarante-quatre articles, reste extrêmement décevant car, plus qu'un texte, c'est l'affirmation d'une volonté politique qui, aujourd'hui comme hier, fait défaut.
C'est parce que cette volonté n'a jamais existé et parce que la France n'a jamais eu une vraie culture sportive que nos résultats sportifs sont erratiques.
Bien sûr, loin de moi l'idée d'en faire une doctrine d'Etat : l'histoire récente montre ce qu'il en advient. Ayons cependant la volonté de considérer le sport comme une activité aussi importante pour la nation que bien d'autres : le sport est une école de volonté et de dépassement de soi, au même titre qu'une activité intellectuelle, professionnelle ou culturelle.
Or nous sommes effectivement face à un problème culturel. Notre société n'a de considération que pour le jeune qui, à dix ans, résout une équation à deux inconnues. Dans le même temps, elle méprise le chef-d'oeuvre d'un apprenti et ignore carrément celui ou celle qui sue sang et eau pour gagner quelques précieux dixièmes de seconde afin d'accéder à la finale régionale du 1 500 mètres.
Je me réjouis, d'ailleurs, des propositions de notre rapporteur, qui font référence à l'apprentissage et à l'alternance ainsi qu'à la loi de 1971.
Notre société génère les ghettos qu'elle dénonce. Si nous accordions aux aptitudes physiques la même reconnaissance qu'à l'intelligence abstraite ou qu'à celle de la main, nous aurions peut-être moins de difficultés pour régler des problèmes de violence ou de délinquance.
Le sport n'est pas seulement indispensable à l'insertion des jeunes et au lien social, c'est aussi le meilleur vecteur de promotion et de prévention, car prévenir vaut mieux que guérir.
Mais cela exige une véritable volonté politique, notamment au niveau du système éducatif. Cela n'est pas le cas, et ne l'a jamais été. J'en veux pour preuve les lois de décentralisation dans le domaine scolaire, qui n'ont pas inclus les équipements sportifs dans les transferts de compétences.
Votre projet contient des dispositions sur ce point, mais pas un mot sur les moyens accordés par l'Etat aux collectivités pour assumer cette charge. Ce sera le sens de l'un de mes amendements.
Oui, cette volonté politique qui fait défaut doit s'accompagner des moyens financiers qu'exige sa mise en oeuvre. Mais force est de constater que tel n'est pas le cas.
Madame la ministre, votre texte présente au moins deux défauts rédhibitoires : l'absence évidente de moyens et un égalitarisme dangereux.
Cette volonté politique doit d'abord, en effet, se traduire au niveau des moyens.
Le budget du ministre de la jeunesse et des sports s'élève à 3 milliards de francs : ce n'est même pas l'équivalent du budget du département de la Haute-Savoie ! Il représente moins de 0,2 % du budget de l'Etat ; dans ce domaine, c'est l'un des budgets les plus faibles de l'Union européenne.
Or il n'est pas de politique sportive possible sans des moyens conséquents. Quelle que soit la qualité des mesures prises, si les financements ne sont pas à la hauteur, elles n'aboutiront à rien. Ce projet de loi n'échappe pas à la règle, il n'apporte pas au sport la reconnaissance morale et financière qu'il mérite.
De l'argent, pourtant, il y en a ! Et, si vous ne savez pas où en trouver, madame la ministre, je vais vous faire une suggestion...
M. Guy Fischer. Ah !
M. Jean-Claude Carle. ... qui, sans augmentation du budget de la nation, exige cependant un redéploiement.
Le budget de l'éducation nationale dépasse 300 milliards de francs. Or 95 % de ce budget sont affectés à la rémunération des personnels. (M. Lagauche proteste.) La commission d'enquête du Sénat sur la situation et la gestion des personnels, dont j'étais l'un des rapporteurs, a chiffré à 10 milliards de francs le montant des gaspillages occasionnés par la « mal administration » dont souffre le ministère de l'éducation nationale. Eh bien, madame la ministre, prenez 6 milliards de francs au budget de M. Allègre, il n'en souffrira pas ! (Mme le ministre sourit.) M. Guy Fischer. Et les cadeaux aux entreprises ?
M. Jean-Claude Carle. Certes, aujourd'hui, pour essayer de compenser un peu l'absence de moyens, vous instaurez un dispositif de mutualisation des droits de diffusion télévisuelle. Mais, sous couvert de redistribution égalitaire, vous allez nuire aux grands clubs sportifs sans rien apporter, ou quasiment rien, aux petits clubs. On n'enrichit pas les pauvres en appauvrissant les riches !
M. Guy Fischer. Ça, c'est une maxime !
M. Jean-Claude Carle. Quel en est le produit attendu, en année pleine, pour le sport amateur ? A peine 150 millions de francs, soit, au mieux, une obole de 300 francs par club ! A lui seul, le coût de collecte et de gestion de cette taxe équivaut au rendement attendu.
En amputant les ressources des sports les plus présents à la télévision, vous risquez de compromettre l'équilibre des clubs professionnels, qui doivent faire face à des compétitions européennes. Or force est de constater qu'ils ne disposent pas des mêmes atouts que leurs principaux concurrents européens.
Notre cadre juridique et fiscal, dans ce secteur, comme dans d'autres et, en particulier, dans celui de la création d'entreprises, favorise plutôt l'exode des talents.
Plutôt que de pratiquer un véritable matraquage fiscal sur l'employeur et sur le sportif, ne serait-il pas plus judicieux et opportun, madame la ministre, d'opérer un reversement du sport professionnel vers le sport amateur et d'affecter ce reversement au développement du sport et non au tonneau des Danaïdes de Bercy ?
Quand on songe aux revenus que perçoivent certains sportifs français de haut niveau et aux impôts qu'ils payent, quand on sait que leur carrière est courte et que nombre d'entre eux s'installent à l'étranger pour échapper à l'impôt sur leurs revenus, on se dit qu'affecter aux clubs ne serait-ce qu'une faible partie du produit de cet impôt permettrait d'augmenter sensiblement les moyens dont le sport a besoin pour se développer dans notre pays.
Cela aurait aussi le mérite de créer une véritable solidarité au sein du monde sportif. Ce sera l'objet d'un autre de mes amendements.
Nous entendons aussi que l'emploi de ces moyens supplémentaires soit encadré, afin d'éviter les dérapages.
Cet encadrement doit obéir à deux principes : une décentralisation des compétences et des financements et l'affectation prioritaire de ces moyens aux sportifs.
Nous avons besoin, en premier lieu, d'une décentralisation accrue : c'est au niveau local que l'utilisation des moyens est la plus efficace et la mieux appréciée.
Il faudrait donner davantage d'autonomie aux collectivités locales, départements et régions, en leur transférant les moyens correspondants pour assumer leurs responsabilités. Je songe notamment aux équipements sportifs dont elles supportent le coût.
L'effet de levier serait évident et peut être estimé au triple ou au quadruple, à l'instar de ce que nous observons aujourd'hui dans le domaine des investissements scolaires : je l'ai constaté en Rhône-Alpes, lorsque l'Etat mettait 1 franc, les régions ou départements investissaient 3 à 4 francs.
En second lieu, l'argent du sport doit aller avant tout aux sportifs, quel que soit leur niveau. Il faut que les moyens aillent vers ceux dont c'est la finalité, les jeunes et les athlètes. Or ce n'est pas toujours le cas.
Madame la ministre, je suis choqué, je vous le dis, lorsque, à l'occasion d'une grande compétition, on affrète un Airbus d'athlètes et deux Airbus d'accompagnateurs. Je préférerais qu'il y ait un Airbus d'athlètes, un Airbus d'accompagnateurs et un Airbus de jeunes sportifs d'avenir !
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Les moyens doivent aller en quasi-totalité à leurs destinataires, les sportifs, et le moins possible se perdre en frais de fonctionnement.
J'en viens au deuxième défaut de votre projet.
Sous couvert d'égalitarisme, vous pratiquez le nivellement par le bas.
Ce projet de loi correspond bien à une conception socialo-communiste de la société, qui, sous couvert d'éthique égalitaire, veut mettre tout le monde au même niveau.
M. Guy Fischer. Pour cela, on ne peut pas compter sur vous !
M. Jean-Claude Carle. Or l'égalitarisme a ses limites et ses dangers. Il faut, certes, moraliser un certain nombre de domaines, mais, si l'on veut que les choses marchent, il faut les organiser et, donc, les hiérarchiser. C'est vrai dans tous les domaines du sport, que ce soient les institutions, les fonctions ou les acteurs.
Les sportifs de haut niveau sont ignorés dans ce projet de loi, et c'est dommage.
Bien sûr, il n'y a pas d'élite sans sport de masse pour la faire émerger, mais il n'y a pas non plus de sport de masse sans émulation par l'élite. Or vous ne faites rien pour restaurer la solidarité qui se délite chaque jour un peu plus entre le sport de masse et notre élite.
En ce qui concerne l'encadrement, ensuite, vous faites également fausse route, madame la ministre.
Sous couvert d'égalitarisme, vous mettez bénévoles et professionnels sur le même plan. Vous supprimez le diplôme pour le remplacer par une simple attestation de compétences en matière de sécurité de l'usager et de maîtrise de l'environnement dans lequel il exerce cette activité. En clair, vous rendez moins exigeant le niveau de la formation sportive.
Ces règles risquant de devenir, à terme, les mêmes pour les professionnels que pour les bénévoles, vous aurez des professionnels moins compétents et vous n'aurez plus de bénévoles. Dans les deux cas, vous multipliez les risques, l'insécurité et les problèmes de responsabilité. Dans les deux cas, vous nuisez à la pratique sportive. Ce n'est pas sérieux !
Je n'aurai pas l'outrecuidance, madame la ministre, de vous rappeler qu'il faut aujourd'hui sept ans pour devenir un guide confirmé et quatre ans pour devenir un moniteur de ski compétent. Cela ne s'improvise pas ! Les quelques centaines de guides et de moniteurs qui sortent chaque année de l'ENSA, l'école nationale de ski et d'alpinisme, en sont l'exemple. Ils sont fiers de leur diplôme, qui garantit leur compétence et que d'autres pays, M. Faure vient de le dire, nous envient et nous copient.
Madame la ministre, ne dévalorisez pas cette médaille qu'ils portent avec fierté, car c'est celle des James Couttet, Emile Allais, Frison-Roche, celle qui a fait Jean-Claude Killy, les soeurs Goitschell, ou encore Piccard et Cretier. C'est celle de tous ceux et toutes celles qui, aujourd'hui, derrière le président Chabert et Xavier Chappaz, sont les dépositaires des valeurs de l'enseignement du ski français et des activités de montagne, celle qui fait notre réputation d'excellence, comme vous le savez, madame la ministre.
Cette médaille, madame la ministre, ( L'orateur montre effectivement une médaille), c'est un moniteur qui me l'a remise ce week-end en me disant : « A quoi bon la porter encore ? Demain, elle n'aura plus de valeur, puisqu'elle sera décernée à n'importe qui, par n'importe qui ! »
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. J'ai compris que, au-delà de son inquiétude et de sa colère légitimes, c'est un équilibre économique et social qui est menacé. Beaucoup l'ignorent sans doute, mais la pluriactivité est de règle en montagne. Dans une saison, la profession de moniteur de ski n'a qu'un temps. Ouvrir son exercice à des personnes non professionnelles et non qualifiées, c'est prendre la responsabilité de priver les moniteurs d'un revenu dont ils ont besoin pour vivre.
Au-delà de l'inquiétude et de la colère, j'ai compris aussi que toute une culture risquait de disparaître. Cette culture, madame la ministre, c'est celle de plusieurs d'entre nous, celle de Jean Faure, c'est la mienne. Nous ne voulons pas la voir disparaître.
Le système actuel fonctionne bien, madame la ministre, ne remettez pas en cause une formation de très haut niveau qui, autour de l'ENSA, a fait ses preuves et, comme l'a dit Jean Faure, que l'Autriche, la Suisse ou le Japon veulent mettre en place chez eux.
Ne remettez pas en cause les acquis obtenus de haute lutte, grâce à vous, auprès de la Commission européenne, car ils garantissent la qualité et la sécurité de l'enseignement du ski en France. C'est l'objet des amendements que nous soutiendrons et défendrons.
Par ailleurs, c'est vrai, le sport a aussi besoin de bénévoles.
Ces bénévoles, comme dans de nombreux domaines, font de plus en plus défaut. Sans bénévoles, des milliers de petits clubs risquent de disparaître et des centaines de milliers de jeunes de ne plus être encadrés et de ne plus pouvoir pratiquer d'activités physiques ou sportives.
Le bénévolat ne doit pas sombrer dans l'ascétisme de l'apostolat. Mais il serait tout aussi dangereux de vouloir en faire un professionnalisme déguisé.
Ce n'est pas seulement un dédommagement matériel qu'il convient d'organiser ; c'est d'une véritable reconnaissance que le bénévolat a besoin.
Pourquoi ne pas mettre en place un encouragement financier à la formation qui serait géré conjointement par les régions et les ligues régionales ? Ce dispositif à plusieurs volets serait destiné au bénévole, à son environnement, à son club ou à son association.
En tout état de cause, les enseignants professionnels doivent rester des professionnels et les bénévoles des bénévoles, le bénévole assumant sa mission sous la responsabilité et l'autorité de professionnels diplômés ; j'y reviendrai, là encore, lors de la discussion des articles.
Mais derrière cet affaiblissement plus ou moins volontaire des conditions de l'encadrement sportif, on sent poindre d'autres motivations, d'autres objectifs : d'abord, la nécessité politique pour le Gouvernement, à quelques mois des échéances électorales, de trouver à la hâte et par tous les moyens des débouchés pour certaines clientèles, ensuite, trouver un emploi aux huit mille étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives, les STAPS, alors que le système actuel, sans sélection à l'entrée, ne propose que quelques centaines de postes à la sortie ; enfin, ne nous le cachons pas, ce texte veut favoriser la promotion de divers organismes et réseaux associatifs qui sont chers au parti socialiste et au parti communiste.
Madame la ministre, prenez garde de ne pas relancer la guerre des fédérations ! Le sport français n'a pas besoin de cela.
En remettant en cause l'organisation et la pratique traditionnelle du sport au profit d'une dimension purement sociale, vous nuisez au sport et à l'insertion sociale.
C'est peu dire que ce projet de loi, annoncé en fanfare, ne répond pas aux attentes. Il est truffé de déclarations d'intention, de dispositions incohérentes et d'articles mal rédigés. Il n'apporte aucun moyen supplémentaire au sport. Il va jusqu'à contredire son propre objectif ; c'est non pas par un égalitarisme niveleur que l'on créera du lien social, mais par une émulation collective et par une hiérarchisation des fonctions et des responsabilités.
Ce projet, madame la ministre, est révélateur d'une pratique désormais coutumière du Gouvernement : se référer à l'éthique et à la morale, et tenter de nier les réalités.
Votre souci de moralisation, madame la ministre, est, je le répète, tout à fait louable. C'est même nécessaire, mais c'est très largement insuffisant, car les réalités vous contredisent : absence d'une véritable ambition politique, insuffisance des moyens, hypothèque sur l'avenir de secteurs de notre économie.
Répondre à la fois aux exigences de l'éthique et tenir compte des réalités, c'est le sens des propositions de la commission, propositions excellemment formulées par notre rapporteur, James Bordas, dont je salue l'implication constante, sur ce texte comme, d'ailleurs, sur les précédents.
Le groupe des Républicains et Indépendants s'opposera à votre texte, madame la ministre, et soutiendra les propositions de M. le rapporteur. Il défendra aussi un certain nombre d'amendements. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est une évidence, les Français s'adonnent de plus en plus à la pratique d'un sport. Au simple effet de mode, viennent s'ajouter la recherche du bien-être physique et peut-être aussi la quête du repos de l'âme par l'exercice du corps.
Ces dernières décennies, notre société a connu un changement considérable, comme l'attestent les chiffres : 175 000 associations sportives, 25 millions, voire 30 millions, de pratiquants, 15 millions d'adhérents, près d'un million de bénévoles. Qui ne voit aujourd'hui que le sport est un dérivatif indispensable dans un monde de stress ? Qui peut encore douter, à l'heure où l'école échoue dans sa mission d'intégration, que le sport permet l'insertion et canalise la violence dans nos quartiers sensibles ?
Nous nous devions d'accompagner cette évolution de la société par une législation adaptée et ambitieuse. Avec ce projet de loi, est-ce chose faite ? Je ne le crois pas, madame la ministre.
Tant sur la forme que sur le fond, ce texte est très en deçà des nécessités que nous impose l'évolution récente de la pratique sportive. Ou, pour utiliser une expression mieux adaptée à la nature de nos débats, madame la ministre, avec ce projet de loi, vous nous l'avez joué « petit bras » !
En effet, sa forme n'est pas celle d'un grand texte. Il ressemblerait plutôt à un projet fourre-tout qui règle à la va-vite ce que les précédents n'ont pas prévu. Le président du Comité national olympique et sportif français n'a-t-il pas qualifié ce texte d'« auberge espagnole » ?
Quant au fond, une conclusion s'impose : parce que vous souhaitez simplement faire un effet d'annonce, les mesures que vous proposez ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées.
J'insisterai sur quelques points.
Tout d'abord, vous entendez redéfinir les missions du service public des sports. L'intention est louable. Hélas ! les mesures que vous avancez ne le permettront pas, car, disons-le clairement, sans l'assurance d'une sécurité absolue au sein des structures sportives, comment peut-on parler de service public ?
Vous comprendrez qu'un élu de Seine-Saint-Denis se préoccupe des insuffisances de votre texte en matière de sécurité : nos terrains de football et toutes les infrastructures sont devenus des lieux de règlements de comptes entre bandes rivales, le sport n'y étant plus qu'un prétexte.
Comment espérer promouvoir et organiser les activités physiques et sportives dès lors que faire pratiquer un sport à vos enfants revient à prendre des risques pour leur vie ? Les plus passionnés en seront dissuadés.
Les seules dispositions relatives à la sécurité, dans ce texte, se limitent au casier judiciaire des formateurs, et vous avez raison de prévoir cette mesure, madame la ministre. Mais reconnaissez avec moi l'absence incompréhensible de mesures visant à réprimer un danger le plus souvent extérieur à l'activité sportive proprement dite. Peut-être, d'ailleurs prévoyez-vous un autre projet de loi sur la question ?
Ensuite, vous entendez renforcer l'unité sportive en redéfinissant les pouvoirs des fédérations ainsi que les conditions d'octroi de leur autorisation lors de manifestations hors cadre fédéral.
Là encore, derrière l'évidente profusion de bons sentiments, cette mesure possède un effet pervers : en demeurant flou sur les justifications de leur décision ou de leur refus, le projet de loi ouvre la voie à une dictature des fédérations, qui, pour des raisons d'opportunité ou d'autres moins avouables, pour ne pas dire bassement commerciales, useraient d'une arme redoutable contre toute manifestation hors cadre fédéral.
Il faut nous assurer que les fédérations accordent ou refusent leur autorisation au nom des seuls impératifs de sécurité des spectateurs et des usagers.
Par ailleurs, votre texte ne dit mot des relations entre les fédérations et les collectivités territoriales, hormis l'instauration d'une convention obligatoire pour l'usage et la construction des infrastructures sportives au sein de tout nouvel établissement public d'enseignement.
A ce propos, permettez-moi de déplorer le rejet de l'amendement de notre collègue député André Schneider, qui tendait à étendre cette disposition aux établissements privés. Le Gouvernement entend donc refuser à leurs élèves des droits en matière d'accès et d'adaptation des équipements sportifs !
Il est à regretter que, même lorsque l'épanouissement des enfants est en jeu, le Gouvernement se permette se séparer, par idéologie, ce qu'il estime être le bon grain de l'ivraie.
Qu'adviendra-t-il lorsqu'une collectivité, acteur du sport à part entière, décidera d'organiser un championnat interquartiers ? Les fédérations s'immisceront-elles dans les affaires locales, quitte à remettre en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales ?
Et si vous ne deviez me répondre que sur un seul point, madame la ministre, je souhaiterais que ce soit sur celui-là.
Enfin, ce projet de loi m'apparaît insuffisant quant à son inspiration première : le développement des associations sportives.
Je crains qu'en la matière votre ambition affichée ne soit qu'un simple effet d'annonce : la mutualisation de 5 % des droits de diffusion télévisée, prévue à l'article 19, part d'un bon sentiment, j'en conviens. Toutefois, plusieurs intervenants l'ont dit, les 150 millions ou 180 millions de francs ainsi récoltés seront ridiculement insuffisants ; cela représentera un « pourboire » de quelques centaines de francs par club. Une misère !
Outre son inefficacité, ce prélèvement de 5 % viendra grossir des prélèvements obligatoires déjà très lourds.
En résumé, il ne présentera aucun avantage pour les associations sportives et que des inconvénients pour l'économie de notre pays.
Si le Gouvernement entend améliorer le quotidien des associations sportives, qu'il ait le courage d'augmenter, de façon substantielle, le budget du ministère de la jeunesse et des sports ! Tout est une question de volonté politique.
Avec ces mesures « gadgets » à fort impact sur l'opinion publique, le Gouvernement occulte le véritable solutions et s'efforce de camoufler les misérables 0,187 % du budget général que représentent les crédits affectés à votre administration, madame la ministre.
M. Guy Fischer. Vous aviez fait moins bien !
M. Christian Demuynck. Que dire encore de l'absence d'un véritable statut des bénévoles, sinon qu'elle va à l'encontre de vos ambitions ?
Comment, en effet, prétendre développer nos associations sportives sans apporter une reconnaissance publique à ces 900 000 hommes et femmes ?
Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, quelques amendements que je qualifierai d'« heureux » ont timidement tenté une amorce de statut. Ils instituent un dégrèvement fiscal pour les frais engagés dans le cadre d'une activité bénévole et étendent les congés pour formation. Cela reste tout de même très largement insuffisant.
Si nous n'y prenons garde, ces bénévoles déserteront nos clubs locaux. L'encadrement et la sécurité de nos jeunes en pâtiront.
Sur tous ces points, madame la ministre, votre projet de loi apparaît flou, imprécis, manquant d'ambition pour le sport et les sportifs. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « plus vite, plus haut, plus fort » : la devise aurait dû s'appliquer à ce projet de loi relatif à la réforme des activités physiques et sportives, dans un contexte européen et international en évolution rapide.
Hélas ! cette réforme tient plus de la course de fond laborieuse et, à force de prolonger l'épreuve, les athlètes risquent de se décourager.
« Plus vite » ! Ce projet de loi modifiant la loi de 1984 était très attendu par l'ensemble du mouvement sportif. Afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté dans mon propos, je précise que l'impatience porte sur la consultation du monde sportif et non sur la procédure de la déclaration d'urgence : trop largement utilisée depuis juin 1997, et donc dévoyée, celle-ci ne me semble toujours pas appropriée.
Pour parvenir à un accord et à un texte de qualité, la réflexion et la concertation répétées sont indispensables. Je m'inquiète lorsque le président du Comité national olympique et sportif français écrit que le texte « a été élaboré en l'absence du mouvement sportif et sans concertation ».
Madame la ministre, quelle explication donnez-vous à ce manque de concertation avec les spécialistes, les professionnels, les bénévoles ?
« Plus haut » ! Ce projet de loi manque d'ambition, d'envergure. Prévu initialement comme la nouvelle grande loi sur le sport, il regroupe finalement une cinquantaine d'articles présentant des mesures diverses. Quelle vision globale de l'organisation du monde sportif défendez-vous ?
« Plus fort » ! Si je vous ai soutenue dans votre lutte pugnace contre le dopage, dans votre volonté affirmée de défendre un modèle européen du sport, je ne puis me satisfaire de la tiédeur de ce texte.
Certaines dispositions de ce projet de loi sont positives. Comme d'autres collègues avant moi, j'en retiendrai deux : une formation spécifique pour les enseignants et éducateurs afin d'améliorer l'accès des personnes handicapées au sport ; une plus grande protection des sportifs professionnels, notamment des jeunes, grâce à la réglementation de la situation des intermédiaires.
En revanche, ce projet de loi souffre de carences préoccupantes. Je n'insisterai pas sur les imperfections juridiques et la simple valeur déclarative ou réglementaire de certaines dispositions. En revanche, je soulignerai la logique de recentralisation dominant ce texte et, en particulier, la place insuffisante accordée aux bénévoles, et donc aux petits clubs.
Une logique de recentralisation d'un autre âge et d'un régime politique dépassé apparaît notamment à travers quatre exemples.
L'article 8 instaure un contrôle a priori de l'Etat sur les fédérations, tout en affirmant ensuite leur indépendance. Ce n'est pas cohérent. Dans ce même article, il est prévu que l'Etat légifère dans le domaine de la réglementation sportive.
A l'article 12, le ministre des sports se voit reconnaître un pouvoir de contrôle a priori sur la charte de déontologie du sport établie par le Comité olympique et sportif français.
Cette logique de recentralisation se retrouve en matière de financement, avec la création de droits de mutualisation qui viendraient abonder le FNDS. L'idée d'un prélèvement de 5 % sur les droits de retransmission télévisée touchés par les fédérations peut paraître simple et séduire le plus grand nombre ; mais c'est une fausse bonne idée.
Cette taxe rapporterait entre 150 millions et 180 millions de francs par an, ce qui est très insuffisant pour participer au financement des petits clubs : cela reviendrait à verser en moyenne 300 francs par club, sans tenir compte du coût de perception de cette nouvelle taxe. A titre d'exemple, une taxe d'un centime par cigarette rapporterait un milliard de francs !
Opposer les grands clubs aux petits crée une tension inutile et une atmosphère peu propice à une évolution constructive. Bien sûr, il faut protéger les petits clubs, qui sont indispensables en tant que vivier mais surtout par leur rôle social. Mais les fédérations redistribuent déjà une partie de leurs droits : une fédération, c'est une association, avec un équilibre entretenu par des discussions internes permanentes, un équilibre entre les clubs grands et petits, qui permet une distribution des efforts et des finances. Au-delà de l'effet d'annonce, quel serait le gain financier de cette disposition pour le mouvement sportif dans son ensemble ? Il serait nul.
Madame la ministre, en ce qui concerne les bénévoles, vous aviez déclaré dans un journal que « le mouvement sportif fonctionne grâce à ses champions, ses pratiquants, mais aussi et surtout à ces personnes formidables que sont les bénévoles ». Je partage votre point de vue.
Certes, lors de l'examen de la proposition de loi d'octobre 1999 qui concernait le sport professionnel, j'avais rendu hommage aux bénévoles des associations sportives, aux petits clubs, qui, malgré les difficultés, continuent à se battre pour faire vivre le sport sur l'ensemble du territoire. J'avais même déclaré que « les petits clubs doivent savoir qu'ils ne seront pas oubliés dans le projet de loi modifiant la loi de 1984, qui sera examiné par notre assemblée en 2000 ».
Qu'en est-il cinq mois après ? Quelle réponse concrète apportez-vous aux centaines de milliers de bénévoles du sport, à ces citoyens exemplaires pour leur générosité, pour leur rôle majeur dans l'éducation de nos enfants ? Nombreux sont les parents qui ne soupçonnent pas que tel ou tel président de club offre ainsi de son temps pour l'épanouissement de leur enfant, sans la moindre contrepartie.
Si vous connaissez les zones urbaines, connaissez-vous l'investissement temps, le dévouement de ces bénévoles dans les zones rurales, où ce bénévolat sportif dynamise les territoires, crée des solidarités, rassemble des populations disséminées ? De nombreux responsables m'ont fait part du découragement et de la lassitude des bénévoles. Les candidats au bénévolat vont se faire plus rares.
Quelle place leur est accordée dans ce texte ? Seuls les articles 32, 34 bis , 34 ter et 42 de ce projet de loi les concernent directement. Et encore, les articles 34 bis et 34 ter ne figuraient même pas dans votre texte initial ! Ce texte esquisse seulement des solutions. L'occasion a été manquée d'améliorer de manière substantielle la situation des responsables d'association, des points de vue administratif, financier et de la responsabilité des dirigeants.
D'un point de vue administratif, un travail de gestion très exigeant est demandé aux bénévoles sans que des moyens humains ou matériels ne viennent les appuyer.
Du point de vue financier, il nous faut distinguer les finances des clubs de celles des responsables associatifs. Aujourd'hui, les clubs sont soumis à l'impôt sur les sociétés dès que les recettes pour les actes commerciaux accessoires dépassent 250 000 francs par an. Il me semble important que ce seuil soit relevé afin qu'il soit plus conforme aux recettes d'un club moyen aujourd'hui. Je propose un seuil à 800 000 francs.
Par ailleurs, le taux de TVA sur les spectacles est de 5,5 %. Pourquoi ne pas l'appliquer aux manifestations sportives, entrées dans les stades, réceptions, ou autres, à compter de l'adoption de la prochaine loi de finances ? Il est temps de mettre fin à cette discrimination au détriment du sport.
La discussion de ce texte me permet également d'intervenir en faveur d'une baisse du taux de TVA sur l'ensemble des activités sportives et des équipements. Madame la ministre, défendrez-vous cette mesure lors du projet de loi de finances pour 2001 ?
Les responsables associatifs sont avant tout attachés au bon fonctionnement de leur club, sans se soucier de leur propre situation matérielle. Le bénévolat ne saurait biensûr se professionnaliser ; ce serait un contresens. Il doit demeurer un don de temps volontaire et non rémunéré.
Toutefois, une reconnaissance pourrait utilement être mise en place. La déduction fiscale proposée constitue un tout premier pas, mais je rappelle qu'elle ne s'applique qu'à hauteur de 50 % de la dépense. Elle devrait au moins être accompagnée d'un droit à la formation.
Du point de vue de la responsabilité, celle du président est engagée pour chaque manifestation organisée par le club. Dans mon département, un président de club m'expliquait que, désormais, c'était la responsabilité personnelle du président de l'association sportive qui était mise en cause et non celle de l'association en tant que personne morale. Pensez-vous que cela soit incitatif pour les dirigeants ?
Madame la ministre, êtes-vous prête à créer un statut pour les responsables d'associations sportives ?
Légiférer en montrant plus de confiance envers les bénévoles et les dirigeants aurait donné une nouvelle impulsion et des atouts majeurs aux fédérations, aux clubs et aux sportifs français. Cela aurait permis de renforcer le modèle européen.
Notre déception est à la mesure de nos attentes et des espoirs que vous aviez suscités. Devant la commission, vous avez déclaré que ce projet de loi représenterait la dernière étape de ce parcours législatif sur le sport. Cela nous préoccupe beaucoup car, sur de nombreux points, ce texte va à l'encontre des intérêts du sport. J'espère que nous pourrons apporter des modifications conséquentes car je ne voterai pas le projet de loi tel que vous le proposez. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous procédons aujourd'hui à l'étude d'un texte orienté, par priorité, vers le sport de haut niveau et l'organisation de la filière sportive, partant du comité olympique pour aboutir dans nos associations.
C'est un texte attendu par le monde sportif et vous me permettrez de féliciter notre collègue Bordas pour la qualité de son rapport.
Au risque de vous décevoir, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mon modeste propos ne vous suivra pas sur ces hauts sommets. Il se veut cependant le porte-parole de milliers d'actifs qui travaillent, vivent, mais surtout orientent les vocations sportives, permettent la connaissance et le respect de la nature, au travers de l'enseignement, de l'animation et de l'encadrement d'activités ludiques. Ces activités constituent souvent le premier pas, en écoles primaires, vers la pratique du ski, de la marche, du VTT, par exemple, le tout intégrant une dimension d'observation et de respect de la nature fort utile aux jeunes citadins.
Evidemment, sur cet aspect et durant ce débat, nous avons tous présente à l'esprit la tragédie du Drac. Mais l'accident - qu'il soit dû à la malchance ou à l'imprudence caractérisée de quelques-uns - doit-il conduire à adopter des règles drastiques tout autant que contradictoires, règles empêchant de facto la moindre activité d'initiation ? Permettez-moi, madame la ministre, d'en douter.
Les inquiétudes professionnelles des guides de haute montagne et des moniteurs de ski, je les partage, même si elles ne font pas l'objet exclusif de mon propos. Il faudra d'ailleurs être très vigilants quant aux possibilités offertes par l'article 33 du présent projet de loi. Nous devrons veiller à mettre pleinement en oeuvre les possibilités de contrôle et de test d'aptitude prévues à l'alinéa 2 de l'article 43-2 modifié de la loi de 1984 lorsqu'il existe des différences substantielles entre la formation que les guides ont suivie et la qualification visée à l'article 43 de ladite loi.
L'expérience est ici un critère déterminant. Paradoxalement, on banalise l'expérience des professionnels chevronnés que sont les guides de haute montagne et les moniteurs de ski, alors que le milieu où ils évoluent avec leurs clients est hostile et dangereux. Ils devraient, de ce fait, être les seuls à pouvoir continuer à encadrer des activités bien spécifiques car étroitement dépendantes d'une sphère où la moindre erreur peut mettre ne danger des vies humaines.
Alors que dans le même temps sera exigée, pour les personnels d'encadrement des centres de nature et de plein air des collectivités locales une qualification d'excellence avec des diplômes en rapport, alors même que les enfants sont éloignés volontairement - sécurité oblige ! - des milieux présentant des dangers et des risques, ici, curieusement, l'expérience professionnelle n'est considérée tout au plus que comme un critère secondaire.
Tirer les leçons d'une catastrophe, vouloir améliorer à cette occasion les règles existantes est tout à fait louable. En revanche, mettre en place des règles inadaptées - les réactions de tous les professionnels le prouvent - n'est certainement pas la meilleure méthode pour éviter de nouveaux drames. Tout au plus cette démarche permettra-t-elle d'exonérer préventivement les représentants des pouvoirs publics.
Si tel était notre but, alors ce texte serait adapté. Mais ce que nous voulons, ce que sont en droit d'exiger les professionnels, comme d'ailleurs les usagers, c'est un dispositif qui sera d'autant plus crédible qu'il peut être opérationnel, car adapté à la réalité, et non un parapluie à usage judiciaire préfectoral ou rectoral.
Si l'Etat, et plus particulièrement le ministre de l'éducation nationale, continue d'imposer des normes draconiennes totalement disproportionnées par rapport à l'obligation légitime de sécurité des enfants, c'est l'existence même des centres de vacances ou de plein air qui sera remise en cause.
L'expérience acquise sur le terrain par ces professionnels est remarquable. A titre d'exemple, le centre géré par la ville de Montbéliard, le centre Armand-Bermont-de-Charquemont, a accueilli en toute sécurité 22 000 petits Montbéliardais depuis 1967.
Va-t-on, au nom d'une logique administrative déconnectée de la réalité, priver les petits citadins de découvrir des activités sportives, de goûter les joies d'un séjour très apprécié par les intéressés ? Sachons faire la part des choses : exiger des personnels formés est une chose, se heurter à un univers digne de Courteline en est une autre.
Comment, en effet, expliquer aux parents que c'est en fonction du calendrier, selon que le ministère de tutelle est celui de la jeunesse et des sports ou celui de l'éducation nationale, que telle activité sera autorisée ou non ?
Se pose donc le problème de l'unification des règles, de la reconnaissance des diplômes et de l'expérience des personnes.
Se pose aussi et surtout le problème de l'inadéquation des textes avec l'objet des centres en question, à savoir une action d'initiation, de découverte, la volonté de donner envie de pratiquer telle ou telle activité, et non pas de former des sportifs.
La modification de l'alinéa 3 de l'article 43 de la loi de 1984 nous offre la possibilité de valider ces acquis professionnels, gages d'une pratique régulière et constante. Ne ratons pas cette occasion. Il faudra, pour ce faire, sortir du « flou le plus total », selon l'expression de M. le rapporteur, qui préconise fort justement que le niveau exigé des diplômes puisse varier selon les fonctions exercées, le degré d'expertise et de responsabilité qu'elles demandent. La loi du 16 juillet 1971 d'orientation sur l'enseignement technologique permet d'acquérir les diplômes par la validation d'acquis. Cette orientation retenue par la commission est assurément pertinente.
En effet, la vocation de ces centres n'est pas d'entraîner des sportifs. Ce n'est pas non plus le but des équipes d'encadrement. Mais, surtout, ce n'est pas le souhait des enfants, qui recherchent non pas la performance sportive, mais tout simplement l'évasion, la découverte d'activités jusqu'alors inconnues par eux. Si une telle démarche suscite des vocations, tant mieux ! Mais n'exigeons pas de l'encadrement des diplômes dignes des stages de l'INSEP. Sachons mesure garder.
Inspirons-nous du grand principe de proportionnalité du droit public. Croyez-vous, par exemple, qu'un enseignant émérite de ski alpin ou de ski de fond sera intéressé par quelques vacations dans un centre de découverte et d'initiation pour des bambins de six à dix ans ?
Ainsi, non seulement on ne permettra plus aux équipes formées depuis des années d'encadrer de telles activités, mais en plus, d'un strict point de vue corporatiste, de telles mesures ne correspondent pas non plus aux attentes des sportifs de très haut niveau requis par les textes.
L'occasion nous est donnée, grâce à ce projet de loi relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, de rectifier, de briser, devrais-je dire, un carcan qui à terme signifie la fermeture pure et simple des centres de plein air et de nature.
Le champ d'application de l'article 32 et nécessairement celui du décret d'application devront être suffisamment vastes et souples pour permettre aux personnels d'encadrement des centres en question de bénéficier sans restriction de la validation des acquis professionnels et bénévoles.
La pérennisation d'un tel dispositif pourrait également s'appuyer, à terme, sur l'intégration dans la filière sportive de la fonction publique territoriale des équipes d'encadrement, ces personnels bénéficiant tous d'une expérience très importante, expérience conjuguée à la détention de diplômes fédéraux. D'autres ministères doivent nécessairement s'impliquer dans ce dossier. J'ose espérer, madame la ministre, que ces recommandations pleines de bon sens seront suivies et que, ainsi, les attentes des milliers de personnes en exercice ne seront pas déçues. Exigeons des niveaux de diplômes en rapport avec les exigences particulières de chacune des catégories professionnelles concernées.
C'est en tout cas mon souhait, et vous voudrez bien me pardonner d'avoir pris la liberté de vous conduire sur un sentier de fond alors que vous étiez sur les cimes majestueuses... (Sourires et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. M. le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout le monde s'accorde sur la nécessité de réformer la loi de 1984. Depuis cette date, le sport a changé : la mondialisation l'a touché de plein fouet. Cela a eu des effets positifs, bien évidemment, mais cela n'a pas manqué d'engendrer des dérives.
Le sport spectacle a mis au jour des appétits financiers féroces, encourageant des pratiques qui bafouent l'éthique et l'esprit sportif. Pour paraphraser Georges Duhamel : le sport est véritablement devenu la plus étonnante école de la vanité.
La profonde évolution des pratiques rend désormais indispensable une nouvelle organisation du sport. Pour autant, le texte que vous nous proposez, madame la ministre, ne répond pas parfaitement à cette exigence.
La succession des textes législatifs qui, depuis deux ans, réforment par petites touches la loi de 1984, minimise la portée du texte qui nous est soumis aujourd'hui.
D'autres orateurs l'ont dit avant moi : ce projet de loi manque cruellement de cohérence.
Je regrette profondément que vous n'ayez pas jugé bon d'associer le mouvement sportif à la réflexion préalable et que vous ayez déclaré l'urgence. Cela, madame la ministre, ne témoigne pas d'un esprit sportif.
Si vous persistez dans votre refus de la concertation, ce texte sera non pas un grand texte, mais un simple toilettage de la loi de 1984, obscurci par des mesures complexes et dénuées de portée, presque impossibles à mettre en oeuvre, car trop rigides et d'inspiration étatiste. Comme certains de mes prédécesseurs à cette tribune, je veux exprimer ma farouche opposition aux dispositions donnant aux fédérations, y compris affinitaires, des compétences visant à mettre en place des règles particulières. Cela débouchera à terme sur des règlements spécifiques et des compétitions concurrentes, ce qui compromettra l'unité du monde sportif.
Par ailleurs, je ne souscris pas à la possibilité donnée aux associations sportives de jeunesse ou d'éducation populaire de bénéficier de financement public pour des projets montés par des jeunes.
Si l'on détache ces projets des associations sportives, quelles seront les garanties en termes d'encadrement et de sécurité ? Je vois là un risque important d'encourager, grâce à de l'argent public, des projets dont les fondements pourraient se révéler bien éloignés de la seule pratique sportive.
En réalité, madame, vous allez tout simplement sacrifier la sécurité des sportifs sur l'autel de la démocratisation. Vous ouvrez ainsi la boîte de Pandore !
Par ailleurs, rejoignant la position de mon collègue Jean Faure, je conteste la disposition visant à permettre aux bénévoles de faire valider leur acquis professionnel pour enseigner, animer ou encadrer une activité sportive. Là aussi, cela revient à sacrifier la qualité de l'enseignement dispensé aux professionnels au détriment de la sécurité. C'est malheureusement une tendance lourde de votre texte.
C'est particulièrement vrai pour les disciplines à risques comme le ski, la spéléologie, l'alpinisme, le parachutisme, le parapente, la voile, notamment. Quel sera le contrôle des fédérations sur le contenu technique des formations et les modalités de validation des acquis ? Là encore, ces situations sont de nature à remettre en cause les fondements mêmes de l'organisation des activités physiques et sportives.
D'autres dispositions suscitent également mon inquiétude et celle, je pense, de nombreux élus locaux. Le texte que vous nous soumettez oblige en effet à prévoir des installations sportives à l'occasion de la construction de nouveaux établissements scolaires.
L'initiative est louable. Cependant, son imprécision suggère de nombreuses questions sur la portée de l'obligation et les responsabilités en termes de maîtrise d'ouvrage et de gestion, la cohérence entre les équipements, l'enseignement de l'éducation physique et sportive et le contexte local.
Cette obligation ne doit pas procéder d'une mesure trop rigide et aurait dû donner lieu à une réflexion au plan local sur la programmation et l'utilisation rationnelle des équipements existants. Une telle réflexion aurait permis d'étudier les conditions d'utilisation à plein de ces équipements et de prendre en compte des situations spécifiques, notamment dans les zones urbaines où les contraintes foncières ne permettent pas toujours de réaliser un équipement sportif adapté lors de la construction d'un nouvel établissement.
Le refus de concertation avec les partenaires locaux à qui vous transférez des charges est également une tendance lourde du texte, madame la ministre.
Par ailleurs, il est regrettable selon moi que vous ne preniez pas en compte la réalité économique du sport. Je crois que sport et marché ne sont pas incompatibles. Il serait même illusoire de vouloir lutter contre la présence de l'argent dans le sport. Il convient toutefois de s'interroger sur la façon de concilier la dimension économique du sport, qui est aujourd'hui incontournable, avec sa dimension éducative, populaire, culturelle et sociale.
Ce travail de conciliation ne peut être traité que de façon globale, c'est-à-dire dans le cadre de l'Union européenne, voire sur le plan international.
Aujourd'hui, voulons-nous, voulez-vous, madame la ministre, marginaliser les clubs français, dans un environnement en pleine évolution ? Si la loi autorise les clubs à se constituer en société anonyme, elle leur interdit d'être cotés en Bourse, donc de pouvoir disposer de ressources suffisantes leur permettant de rivaliser avec les plus grands clubs européens
La mutualisation partielle des droits de retransmission télévisée pourrait certes se comprendre tant la dictature de l'audimat est importante. Il faut cependant veiller à ne pas diminuer trop fortement les ressources financières des sports les plus médiatiques.
J'ajoute que, compte tenu des sommes en jeu pour la retransmission d'événements comme la coupe de l'UEFA, par exemple, la tentation est grande d'aller plus loin.
M. Bernard Murat. Oh oui !
M. Philippe Nogrix. Dans un contexte de concurrence internationale, cela aurait pour effet d'affaiblir les clubs français, notamment dans leur possibilité de recrutement. A cet égard, je relève que nos clubs sont davantage vendeurs qu'acheteurs. Par ce biais, ils obtiennent des ressources importantes, mais il laissent échapper des talents que les clubs étrangers, eux, savent garder. Ce n'est pas une bonne méthode car nos clubs subissent ce qu'il faut appeler « la loi du marché ».
La mesure que vous proposez dans ce projet de loi, madame la ministre, est surtout symbolique. Elle ne permettra pas de sortir les petites structures sportives de leur misère.
Le vrai problème réside dans l'insuffisance des moyens dont dispose le ministère de la jeunesse et des sports. Sans pour autant augmenter le budget, il me semble qu'une baisse du taux de TVA sur tout ce qui concerne le sport en France serait bénéfique. Des études ont même montré que l'Etat pourrait vite récupérer le manque à gagner.
Tous nos voisins européens appliquent un taux réduit, les directives communautaires le permettent aujourd'hui. Tous les obstacles peuvent être levés chez nous. Ce n'est plus qu'une question de volonté politique.
Compte tenu de ces observations, je ne pourrai pas voter ce projet de loi tel qu'il nous a été transmis par l'Assemblée nationale. Manifestement, ce n'est pas un texte d'avenir. Il ne tient pas compte des réalités économiques et financières dans lesquelles le sport évolue désormais. Je n'y apporterai donc mon suffrage que dans l'hypothèse où les amendements auxquels je me suis associé auront connu un sort favorable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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