Séance du 21 mars 2000







M. le président. « Art. 6 ter. - L'article 4 de la loi n° 75-1 du 3 janvier 1975 portant création du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou est ainsi rédigé :
« Art. 4 . - L'établissement public est administré par un conseil d'administration et dirigé par un président nommé par décret en conseil des ministres.
« Le conseil d'administration comprend des représentants de l'Etat, des parlementaires, le maire de Paris ou son représentant, des personnalités qualifiées ainsi que des représentants élus du personnel.
« La composition du conseil d'administration est fixée par décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 8, M. Lagauche, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la disposition introduite par l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, en vue de modifier la loi du 3 janvier 1975 qui fixe les statuts du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou.
Cette disposition répond au souci légitime de doter cette institution d'un statut comparable à celui des autres grands établissements publics relevant de la tutelle du ministère de la culture.
Cependant, il semble qu'en cette matière les préoccupations d'efficacité administrative qui honorent le Gouvernement n'aient pas permis de mener cette réforme en concertation avec les dirigeants actuels du Centre.
Mais, madame la ministre, si vous vous montrez aussi convaincante que sur l'amendement précédent, je crains que vos propos n'emportent le succès ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le rapporteur, vous êtes très encourageant ! (Nouveaux sourires.)
En tout état de cause, je ne peux être que défavorable à un amendement tendant à supprimer une disposition introduite dans ce texte sur mon initiative, et ce, alors même que le Musée national d'art moderne du Centre Georges-Pompidou vient de rouvrir et qu'il prend une dimension nouvelle grâce aux investissements pluriannuels dégagés et aux acquisitions rendues possibles ces derniers temps, avec l'objectif de présenter plus amplement au public les richesses du patrimoine national.
La commission propose de supprimer l'article 6 ter , adopté par l'Assemblée nationale, qui vise à mettre en place un conseil d'administration en vue de doter le Centre Georges-Pompidou d'une structure juridique qui serait véritablement associée aux décisions et ne se limiterait donc pas à rendre des avis. En effet, un établissement tel que le Centre Georges-Pompidou est confronté, en plus des décisions à caractère scientifique, à des décisions plus lourdes, des décisions financières.
La volonté de moderniser cette structure et de renforcer les pouvoirs des organes dirigeants a conduit à rechercher une formule plus adaptée, qui traduit le caractère plus concerté que doit avoir un établissement rendant à la population un service public culturel.
Il me paraît parfaitement logique que, au-delà des instances dirigeantes proprement dites, l'Etat, le Parlement, le personnel, les personnalités qualifiées, qui sont d'ailleurs aujourd'hui engagées dans le conseil d'orientation, puissent donner pleinement leur avis et se prononcer au sein de ce conseil d'administration.
Cette réforme structurelle devrait donc permettre d'approfondir ces actions en confortant le rôle et les attributions du conseil d'orientation, présidé actuellement de façon tout à fait remarquable par M. le sénateur Marcel Vidal, dans un souci à la fois de sagesse et d'évolution, et conformément à l'éthique du service public. Cet organe regrouperait la totalité des compétences dévolues aujourd'hui aux deux organismes distincts que sont le conseil de direction et le conseil d'orientation.
Je reconnais que cette proposition de réforme structurelle n'est pas intrinsèquement liée à la présente proposition de loi au regard de l'identité des objectifs recherchés ; assurer la défense du patrimoine national, améliorer la connaissance et la diffusion de ce patrimoine auprès des différents publics sans oublier, comme je le soulignais dans mon allocution introductive, le rôle d'expertise assuré par les conservateurs du musée national d'art moderne, tels sont les seuls motifs qui peuvent en effet plaider pour l'introduction de cette disposition dans le texte.
L'Assemblée nationale a été sensible à la transformation du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou ainsi qu'à la nécessité de mieux reconnaître la contribution du conseil d'orientation et de garantir que ce grand établissement, original en lui-même, ne puisse pas être, à terme, fragilisé par une structuration ne correspondant plus tout à fait à l'énormité de son budget et à la portée de ses responsabilités.
Voilà pourquoi, en toute sagesse, l'Assemblée nationale, après un débat au cours duquel, comme l'a dit M. le rapporteur, j'ai dû faire face à toutes les remontrances qui se devaient d'être exprimées, a malgré tout introduit cette disposition dans le texte. Même si je comprends le reproche qui m'est fait, je plaide néanmoins en faveur d'un établissement qui, aujourd'hui, se remet en perspective et qui, je crois, est l'image de notre action en matière d'oeuvres d'art, puisque la collection nationale dont dispose le Centre Pompidou est l'une des plus importantes de France.
J'émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l'amendement n° 8.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Permettez-moi de m'exprimer en cet instant en tant que membre du conseil d'orientation du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou.
Sur le fond, je sais gré à Mme la ministre de sa franchise : elle n'a pas essayé de nous prouver que la présente disposition ne constituait pas un cavalier. Quoi qu'il en soit, si la nuance est importante sur le plan de la procédure, elle l'est moins sur le fond.
Le conseil d'orientation est un organe très utile, mais son fonctionnement est un peu vicié en raison de l'absence de conseil d'administration. C'est ainsi que nous ne devrions nous prononcer que sur les grandes questions relatives à la politique artistique du centre, mais que, dans la mesure où les représentants du personnel siègent au conseil d'orientation, le tiers de nos délibérations est consacré à des questions souvent mineures, même si elles sont très importantes pour un personnel qui n'a pas d'autre occasion de se faire entendre.
Il serait donc préférable d'organiser la gestion du Centre Georges-Pompidou de manière plus classique, avec un conseil d'administration au sein duquel tout le monde serait représenté.
Je me pose toutefois un certain nombre de questions.
Tout d'abord, je me demande si l'on a consulté notre collègue M. Vidal, qui a accompli la mission qui lui a été confiée avec beaucoup de sagesse et de compétence. Il serait regrettable que cette réforme intervienne dans ces conditions, sans qu'il ait été amené à donner son avis ! En tout cas, je peux confirmer que les membres du conseil d'orientation n'ont pas été consultés.
Ensuite, je me demande ce que pense le personnel d'une telle réforme. Or, par les temps qui courent, madame la ministre, je crois que le Gouvernement aurait tout intérêt à ménager les syndicats qui font partie de sa clientèle : quand on observe ce qui se passe dans d'autres domaines et compte tenu de ce que je sais de l'état d'esprit des personnels du Centre Georges-Pompidou, qui sont particulièrement revendicatifs, je voudrais être sûr qu'un tel texte ne sera pas pour eux prétexte à manifestations ou mouvements de mauvaise humeur plus ou moins fondés.
Sur le fond, je ne suis pas complètement en désaccord, mais j'estime que cette mesure est mal préparée psychologiquement et juridiquement. Je m'abstiendrai donc.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je souhaite répondre à M. Gaillard, que je remercie de son intervention.
Cette question lancinante a été évoquée, même si elle n'a pas été traitée de façon approfondie, au cours de ces derniers mois.
Les personnels souhaitent, vous l'avez dit, être davantage présents dans les décisions. Par ailleurs, nous souhaitions donner un statut d'administrateur à ceux qui, sous la conduite éclairée, attentive et judicieuse de votre collègue M. Vidal, consacrent beaucoup de temps à l'examen des dossiers. Nous avons donc saisi l'opportunité de ce texte - je le dis en toute simplicité - pour élaborer une structure qui permette de tenir compte de la portée des décisions du conseil d'orientation, tout en étant plus reconnue qu'aujourd'hui dans la vie de l'établissement.
La composition multiple de Beaubourg, qui compte de nombreuses unités, est parfois la cause de quelques difficultés et de quelques oppositions. Il faut donc trouver le moyen de donner aux décisions prises un caractère réellement représentatif de l'ensemble des acteurs concernés. Et, si le personnel est présent - or, je l'ai dit, il souhaite l'être - ce sera aussi un moyen pour lui de se sentir davantage concerné par la vie de l'établissement.
J'ai vécu beaucoup de conseils d'administration, j'ai aussi parfois été destinataire de quelques frustrations dans le suivi de l'expression du conseil d'orientation, mais je peux vous dire que, dans l'ensemble, tout se passe bien. Il n'y a donc pas, a priori, de nuages noirs à l'horizon, même si cette décision doit être prise. Cela vous permettra, en tout cas, de mieux fonder juridiquement les décisions tout en assurant une réelle reconnaissance des représentants du personnel. Cela rééquilibrera, en quelque sorte, le fonctionnement de l'établissement.
Nous devons également être attentifs à la fragilité de l'établissement, qui est très lourd à gérer. C'est d'ailleurs à la suite d'un plaidoyer très convaincant du président Aillagon, qui souhaitait être entouré d'administrateurs - même s'il respecte profondément les membres du conseil d'orientation - que j'ai été amenée à prendre cette décision.
Si j'ai été convaincue, c'est parce que j'ai bien compris son souci - qui est d'ailleurs à son honneur - de permettre au débat d'être approfondi, en impliquant toutes les personnes concernées.
M. Serge Lagauche, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Lagauche, rapporteur. Je vous remercie de vos explications, madame la ministre. Cependant, la commission a regretté que le présent débat n'ait pas eu lieu au préalable...
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Bien sûr !
M. Serge Lagauche, rapporteur. ... et je suis lié par ses décisions. Or elle a estimé qu'elle ne pouvait pas, sans avoir été davantage informée et sans discussion, accepter un tel dispositif.
Enfin, pour en avoir discuté avec notre collègue Marcel Vidal, je peux ajouter - mais je le fais à titre tout à fait personnel et cela n'engage pas la commission - que notre collègue est tout à fait d'accord avec une réforme de ce type.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. J'ai moi aussi le plus grand souci du bon fonctionnement de cette grande maison qu'est le Centre Georges-Pompidou, mais je ne pense pas que ce soit de cette manière qu'il faille procéder.
Un conseil d'administration serait en effet préférable à un conseil d'orientation, pour toutes les raisons que vous nous avez rappelées, mais c'est une question qui aurait mérité en elle-même un débat spécifique. Je pense d'ailleurs qu'il faudra songer un jour à la création d'un établissement public culturel.
Quoi qu'il en soit, en l'occurrence, la concertation n'a pas pu avoir lieu et la réflexion n'a pas pu être achevée. Je ne crois donc pas qu'une proposition de loi relative à la protection des trésors nationaux soit une couveuse naturelle pour ce type de cavalier. (Sourires.) Pour ma part, je pense qu'il serait préférable - le texte doit d'ailleurs retourner ensuite à l'Assemblée nationale - d'organiser un débat, y compris sur la loi de 1975, qui peut sans doute être modifiée.
Permettez-moi, en conclusion, d'ajouter un élément : j'ai beaucoup d'amitié pour vous, madame la ministre, mais j'ai aussi le souci de l'honnêteté intellectuelle. Or, tout à l'heure, je crois qu'un quiproquo s'est produit avec notre collègue Yann Gaillard : je ne veux pas être considéré comme le guide de la pensée ou de l'action de la majorité sénatoriale, mais je crois que notre collègue s'est exprimé tout à l'heure contre l'amendement n° 7 alors qu'il était pour. Je m'explique : notre collègue Yann Gaillard était, en fait, contre l'amendement de l'Assemblée nationale, que notre collègue Serge Lagauche nous proposait de supprimer. Par conséquent, il s'est prononcé contre ce pour quoi il était pour. C'est du Pierre Dac ! (Sourires.) Il a ainsi manifesté son accord avec l'Assemblée nationale. Il faut marquer ce jour d'une pierre blanche ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'article 6 bis ayant été voté conforme, il ne reviendra pas en discussion, monsieur Renar !
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6 ter.

(L'article 6 ter est adopté.)

Article 7