Séance du 4 avril 2000







M. le président. Monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, j'ai le plaisir de saluer votre première venue au Sénat dans vos nouvelles fonctions.
Je forme le voeu, avec tous mes collègues, que nous travaillions ensemble avec le meilleur esprit de compréhension mutuelle et dans la recherche constante du dialogue républicain entre le Sénat et le Gouvernement que vous représentez aujourd'hui.
Nous attachons beaucoup d'importance à la participation des ministres compétents aux séances de questions orales. Je vous remercie donc de votre présence à notre séance d'aujourd'hui à laquelle les auteurs de questions seront, je pense, sensibles.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je vous remercie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Cornu, auteur de la question n° 765, adressée à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, je tiens à mon tour à vous adresser mes souhaits de bienvenue, d'autant plus que je suis sénateur d'une région dont vous êtes encore le président à ce jour. Vous avez toujours fait preuve de pragmatisme ; j'espère qu'il en sera de même dans vos nouvelles fonctions, notamment à l'occasion de la réponse que vous allez apporter à ma question.
Il s'agit d'une question dont j'ai été saisi par le maire d'une petite commune rurale sur la situation d'un de ses agents titulaires à temps partiel.
Ce dernier est employé par le service des eaux de la commune en tant que surveillant depuis dix ans. Par ailleurs, entrepreneur de travaux agricoles et ruraux, il effectue, en cette qualité, des réparations sur le réseau.
Or, il se trouve qu'à l'occasion de la délivrance du visa des comptes de gestion, le trésorier-payeur général a fait valoir que cet état de fait n'était pas acceptable. Autrement dit, il a fallu dix ans de service dans ces conditions pour se rendre compte que cet état de fait inacceptable.
En effet, l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 pose le principe selon lequel « les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées ». L'interdiction de cumul souffre certes quelques dérogations : production d'oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques, activités d'enseignement, d'expertise ou de consultation. Mais il se trouve que l'intéressé ne peut y prétendre.
De plus, le trésorier-payeur général a cru bon de souligner que l'agent, effectuant en outre, dans le cadre de son activité privée, des réparations sur le service des eaux, pourrait être exposé au délit de prise illégale d'intérêt et voir sa neutralité et son indépendance mises en doute. Ainsi a-t-il demandé à la municipalité de régulariser sa situation.
Le maire est très ennuyé. Il fait valoir de son côté que cet agent, n'effectuant que huit heures hebdomadaires, ne peut raisonnablement pas vivre de ce seul emploi et que la conjugaison de ces deux activités est gage d'efficacité et de réduction des coûts pour la commune. Cette situation, je le rappelle, dure depuis dix ans et donne satisfaction à tout le monde.
En se mettant en conformité avec la loi, la commune va, de fait, pénaliser cet agent.
Monsieur le ministre, j'ai salué votre pragmatisme en tant que président de la région Centre, j'espère que vous n'allez pas vous en départir en tant que ministre. Je vous demande donc s'il n'y aurait pas lieu de prévoir, pour les cas de cette espèce, un assouplissement de la règle en vigueur instaurant un seuil de tolérance dès lors que l'activité à temps partiel confiée à l'agent ne suffit pas à assurer sa subsistance.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, de vous dire combien j'ai apprécié les mots que vous avez prononcés pour saluer mon arrivée ici, sur ce banc que je n'ai pas fréquenté depuis quelques années. J'ai profité de cette disponibilité ministre pour conquérir et exercer quelques mandats locaux, ce qui devrait aller droit au coeur des sénateurs, qui sont, comme chacun sait, les représentants des collectivités territoriales.
Monsieur le président, je comprends l'exigence des sénateurs de tous les groupes d'avoir pour interlocuteurs les ministres chargés des dossiers sur lesquels vous les interrogez.
Pour ma part, je l'ai toujours fait avec beaucoup de plaisir. Je n'ai jamais compté le nombre de journées et de nuits que j'ai passées en tant que parlementaire au sein de commissions mixtes paritaires, pour faire aboutir un certain nombre de textes, ou au titre de ministre en participant à nombre de débats relatifs à la justice ou aux finances.
Monsieur le sénateur, je suis très honoré que ce soit un élu de la région Centre qui soit le premier à m'interroger. Vous avez souligné ce que vous avez bien voulu appeler mon pragmatisme. Je ne voudrais pas vous décevoir trop vite, même si les réponses que je vais vous apporter commenceront par partir des grands principes. Mais quand on parle de fonction publique, comme vous l'avez fait vous-même, on doit partir d'un certain nombre de principes puis voir comment ils pourraient être éventuellement adaptés pour être plus conformes aux réalités de la vie quotidienne, en particulier dans les collectivités territoriales.
La loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit, ce qui est un grand principe ancien, que ces derniers doivent consacrer l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur ont été confiées et qu'ils ne peuvent donc exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sauf dérogations exceptionnelles fixées par un décret en Conseil d'Etat.
Ce principe selon lequel il n'est pas possible de cumuler un emploi public et une activité privée est au nombre de ceux qui permettent d'assurer - vous en serez d'accord - la disponibilité, l'indépendance et l'impartialité des agents en vue d'une bonne exécution du service public qui leur a été confié. Il s'applique de manière identique - c'est là où réside la difficulté - aux agents exerçant à temps complet et ceux qui exercent à temps partiel.
L'article 3 du décret-loi du 29 octobre 1936, qui s'applique toujours en l'absence de décret pris en application de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983, précise toutefois que l'interdiction de cumul d'un emploi public avec une activité privée ne s'applique ni à la production des oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques, ni aux expertises et aux consultations effectuées sur la demande d'une autorité administative ou judiciaire ou sur autorisation de l'administration dont dépendent les agents, ni aux enseignements.
L'article L. 324-4 du code du travail place également hors du champ de l'interdiction du cumul d'un emploi public avec une activité privée les « travaux ménagers de peu d'importance effectués chez des particuliers pour leurs besoins personnels ». Bien que cette disposition ne s'applique pas au cas que vous avez indiqué, elle peut être utile pour nos collectivités territoriales ; elle peut concerner un certain nombre d'agents employés à temps partiel dans les collectivités territorailes.
La réglementation est différente en ce qui concerne le cumul d'emplois au sein de l'administration. J'y fais allusion mais vous savez qu'il existe des possibilités de cumuler des fonctions au sein de l'administration avec des limitations.
De même, les centres de gestion de la fonction publique territoriale peuvent mettre des fonctionnaires à disposition de plusieurs collectivités pour accomplir auprès de chacune d'elles un service à temps non complet, ce qui peut être une manière d'utiliser les compétences d'un agent dans plusieurs collectivités territoriales.
Cela étant, conscient de certaines imperfections des textes actuellement en vigueur et des problèmes posés par l'évolution des modes de gestion publique, le Gouvernement a demandé au Conseil d'Etat voilà quelques mois de lui faire des propositions d'adaptation de la réglementation en vigueur. Le rapport du Conseil d'Etat lui ayant été remis, c'est sur la base de cette réflexion qu'avec l'ensemble du Gouvernement je vais réfléchir aux dispositions qui pourront être améliorées et que le Gouvernement arrêtera sa position à l'issue d'un travail en cours mené par les différentes administrations concernées et qui donnera lieu, bien entendu, à un dialogue avec les organisations d'élus, s'agissant de la fonction publique territoriale.
C'est dans ce cadre, qui à la fois réaffirme les principes auxquels nous sommes tous attachés et cherche à prendre en considération les difficultés actuelles que ces principes et leur application peuvent faire surgir, que nous allons essayer de travailler dans les mois qui viennent pour tenter de répondre à des problèmes identiques à celui que vous avez bien voulu me soumettre.
M. Gérard Cornu. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. La réponse est d'ordre général et je comprends bien que M. Sapin, nouvellement nommé au Gouvernement, ne puisse pas me donner une réponse plus précise.
Je suis forcément un peu déçu mais il m'a laissé entrevoir une proposition d'adaptation : nous verrons à l'oeuvre M. le ministre sur cette question.

RÉFORME DE LA POSTE