Séance du 4 avril 2000







M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 380-2 du code de procédure pénale, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 52, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger commer suit le texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-2 du code de procédure pénale :
« Art. 380-2. - La faculté d'appeler appartient :
« 1° A l'accusé ;
« 2° Au ministère public ;
« 3° A la personne civilement responsable, quant à ses intérêts civils ;
« 4° A la partie civile, quant à ses intérêts civils ;
« 5° En cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique. »
Par amendement n° 115, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
« I. - De compléter in fine le premier alinéa du texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-2 du code de procédure pénale par les mots : "et au ministère public, sauf en cas d'acquittement".
« II. - En conséquence, de supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 21 nonies B pour l'article 380-2. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 52.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement est extrêmement important, car à partir du moment où un second degré de juridiction en assises a été créé, il est essentiel de décider qui aura la faculté d'interjeter appel.
Il est vrai que nous avions d'abord prévu que seul l'accusé aurait le droit d'interjeter appel. A la réflexion, cette solution apparaît déséquilibrée voire, dans certains cas, pratiquement impossible à mettre en oeuvre.
Elle est déséquilibrée parce que, si nous souhaitons essentiellement donner une deuxième chance à l'accusé, il importe d'en donner une également à la société, qui a son mot à dire par l'intermédiaire du parquet.
Mais il faut aussi reconnaître que, en l'état actuel du dispositif, lorsqu'il y a plusieurs accusés et qu'un seul d'entre eux décide d'interjeter appel, on risque d'aboutir à des situations totalement extraordinaires et à des décisions qui pourraient être véritablement contestables sur le plan de l'équité et, peut-être, sur celui de la moralité des débats judiciaires. C'est la raison pour laquelle nous proposons un dispositif, qui existe en matière d'appel correctionnel, aux termes duquel la faculté d'appeler appartiendrait : à l'accusé ; au ministère public ; à la personne civilement responsable, quant à ses intérêts civils ; à la partie civile, quant à ses intérêts civils ; en cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique. Ainsi le dispositif nous paraît-il plus complet, plus équilibré, autant dire plus juste.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 115.
M. Michel Charasse. Cet amendement rejoint en partie celui que vient de présenter M. le rapporteur. Cependant, s'il vise à octroyer au ministère public la faculté d'interjeter appel, M. Badinter et les membres du groupe socialiste proposent que le ministère public ne puisse pas procéder ainsi en cas d'acquittement.
Je serais assez tenté de retirer cet amendement pour me rallier à l'amendement n° 52, si dans celui-ci au 2°, après les mots « au ministère public », sont ajoutés les mots « sauf en cas d'acquittement ».
Par ailleurs, s'agissant du 5° de l'amendement n° 52, je ne comprends pas pourquoi la commission ne souhaite pas que les administrations publiques puissent faire appel s'il n'y a pas d'appel du ministère public. En effet, je ne vois pas pour quelle raison les administrations publiques n'auraient pas une autonomie par rapport au parquet. Aussi je souhaite que soient supprimés, dans le 5°, les mots : « En cas d'appel du ministère public ».
Si la commission modifie son amendement sur ces deux points, je retirerai l'amendement n° 115.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a considéré que l'amendement n° 115 était satisfait.
Tout d'abord, j'aurai dû le préciser, mais je me suis exprimé sans recourir à mes notes, nous avons maintenu la règle selon laquelle l'appel n'est pas possible en cas d'acquittement. Cela résulte de la phrase, déjà adoptée, qui prévoit que l'appel est possible en cas de condamnation. Par conséquent, lorsqu'il y a un acquittement, l'appel n'est pas possible. Voilà ce que je tenais à indiquer s'agissant du premier point sur lequel vous avez bien voulu vous exprimer, monsieur Charasse.
Par ailleurs, vous m'avez interrogé sur le sens du 5° du texte que nous proposons pour l'article 380-2 du code de procédure pénale. Aux termes de cet alinéa, la faculté d'appeler appartient « en cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique ». En effet, il existe deux cas : ou bien les administrations publiques ont le droit d'exercer directement l'action publique et elles l'exercent en formulant leur appel ; ou bien, conformément aux textes, elles n'ont pas le droit d'exercer directement l'action publique et, dès lors, la voie officielle et institutionnelle pour les représenter, c'est le ministère public, qui peut faire appel. Vous avez donc également satisfaction sur ce point, monsieur Charasse.
M. le président. Monsieur Charasse, avez-vous été convaincu par M. le rapporteur ?
M. Michel Charasse. Les explications de M. le rapporteur m'ayant convaincu, je n'insiste pas s'agissant des modifications que je proposais et je retire l'amendement n° 115.
M. le président. L'amendement n° 115 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 52 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Voilà un instant, j'ai indiqué ma position sur la question de l'appel qui serait formulé par le parquet sur les décisions de la cour d'assises. Aussi, je n'y reviens pas.
Je comprends tout à fait que l'on veuille donner aussi une deuxième chance à la société, et pas seulement au condamné. S'il faut certes prendre en compte la situation des victimes, l'appel du parquet doit rester en pratique exceptionnel. J'ai donc suggéré, peut-être pour la commission mixte paritaire, une solution qui consisterait en l'appel du procureur général.
Cela étant dit, en l'état actuel de la discussion, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article 380-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé.

ARTICLES 380-3 ET 380-4 DU CODE
DE PROCÉDURE PÉNALE