Séance du 4 mai 2000







M. le président. « Art. 25. - La section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigée :
« Section 2.
« Dispositions particulières à certaines agglomérations.
« Art. L. 302-5 . - Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions qui sont comprises, au sens du recensement général de la population, dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de la pénultième année, moins de 20 % des résidences principales, à l'exception de celles comprises dans une agglomération dont le nombre d'habitants a décru entre les deux derniers recensements de la population et qui appartiennent à une communauté urbaine, une communauté d'agglomération ou une communauté de communes compétentes en matière de programme local de l'habitat, dès lors que celui-ci a été approuvé.
« Les logements sociaux retenus pour l'application du présent article sont :
« 1° A. - Les places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale agréés par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales ;
« 1° B. - Les logements locatifs appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré, à l'exception de ceux construits, acquis ou améliorés à compter du 5 janvier 1977 et ne faisant pas l'objet d'une convention définie à l'article L. 351-2 ;
« 2° Les logements conventionnés dans les conditions définies à l'article L. 351-2 appartenant aux sociétés d'économie mixte et aux autres bailleurs définis au quatrième alinéa de l'article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière ;
« 3° Les logements appartenant aux sociétés d'économie mixte des départements d'outre-mer, les logements appartenant à l'Entreprise minière et chimique et aux sociétés à participation majoritaire de l'Entreprise minière et chimique, les logements appartenant aux houillères de bassin, aux sociétés à participation majoritaire des houillères de bassin ainsi qu'aux sociétés à participation majoritaire des Charbonnages de France ;
« 4° Les logements locatifs sociaux appartenant à d'autres bailleurs et faisant l'objet d'une convention conclue avec l'Etat en application de l'article L. 351-2, pour être mis à la disposition des personnes défavorisées mentionnées à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et les centres d'hébergement d'urgence ;
« 5° Les logements améliorés avec le concours financier de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et faisant l'objet d'une convention conclue avec l'Etat en application de l'article L. 351-2 et publiée au fichier immobilier ou inscrite au livre foncier ;
« 6° Les logements foyers dénommés résidences sociales, les foyers de jeunes travailleurs et les foyers de travailleurs migrants.
« Les résidences principales retenues pour l'application du présent article sont celles qui figurent au rôle établi pour la perception de la taxe d'habitation.
« Art. L. 302-5-1 . - Dans les communes situées dans les agglomérations visées par la présente section, les personnes morales, propriétaires de logements sociaux au sens de l'article L. 302-5, sont tenues de fournir chaque année avant le 1er juillet, au préfet du département, un inventaire par commune des logements sociaux dont elles sont propriétaires au 1er janvier de l'année en cours.
« Le défaut de production de l'inventaire mentionné ci-dessus, ou la production d'un inventaire manifestement erroné donne lieu à l'application d'une amende de 10 000 francs recouvrée comme en matière de taxe sur les salaires.
« Le préfet du département communique chaque année à chaque commune visée ci-dessus, avant le 1er octobre, le nombre de logements sociaux décomptés en application de l'article L. 302-5 sur son territoire au 1er janvier de l'année en cours. La commune dispose d'un mois pour présenter ses observations.
« Après examen de ces observations, le préfet notifie avant le 31 décembre le nombre de logements sociaux retenus pour l'application de l'article L. 302-5.
« Art. L. 302-6 . - A compter du 1er janvier 2002, il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5, à l'exception de celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine prévue par l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales, lorsque le nombre des logements sociaux y excède 15 % des résidences principales.
« Ce prélèvement est égal à 1 000 francs multipliés par la différence entre 20 % des résidences principales au sens du I de l'article 1411 du code général des impôts et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit à l'article L. 302-5, sans pouvoir excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice. Les communes seront dispensées du versement de ce prélèvement au prorata du nombre de logements présenté dans chaque dossier de réalisation de logements déposé en bonne et due forme auprès des services de l'Etat, qui auront reçu un avis favorable de financement et qui n'auront pas pour autant fait l'objet d'un financement effectif de la part de ce dernier.
« Pour toutes les communes dont le potentiel fiscal par habitant défini à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est supérieur à 5 000 francs l'année de la promulgation de la loi n° du janvier relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ce prélèvement est fixé à 20 % du potentiel fiscal par habitant multipliés par la différence entre 20 % des résidences principales au sens du I de l'article 1411 du code général des impôts et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit à l'article L. 302-5, sans pouvoir excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice.
« Le seuil de 5 000 francs est actualisé chaque année suivante en fonction du taux moyen de progression du potentiel fiscal par habitant de l'ensemble des communes de plus de 1 500 habitants.
« Le prélèvement n'est pas effectué s'il est inférieur à la somme de 25 000 francs.
« Le prélèvement est diminué du montant des dépenses exposées par la commune, pendant le pénultième exercice, au titre des subventions foncières mentionnées à l'article L. 2254-1 du code général des collectivités territoriales, des travaux de viabilisation des terrains mis ensuite à disposition pour la réalisation de logements sociaux et des moins-values correspondant à la différence entre le prix de cession de terrains donnant lieu à la réalisation effective de logements sociaux et leur valeur vénale estimée par le service du domaine.
« Le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle inscrit à la section de fonctionnement du budget des communes soumises au prélèvement institué au présent article est diminué du montant de ce prélèvement. Celui-ci est imputé sur les attributions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 2332-2 du code général des collectivités territoriales.
« Lorsque la commune appartient à une communauté urbaine, à une communauté d'agglomération ou à une communauté de communes compétente pour effectuer des réserves foncières en vue de la réalisation de logements sociaux et lorsque cette communauté est dotée d'un programme local de l'habitat, la somme correspondante est versée à la communauté. Elle est utilisée pour financer des acquisitions foncières et immobilières en vue de la réalisation de logements locatifs sociaux et, notamment dans les quartiers inscrits en contrat de ville ou dans les zones urbaines sensibles, des opérations de renouvellement et de requalification urbains.
« A défaut et hors Ile-de-France, elle est versée à l'établissement public foncier créé en application de l'article L. 324-1 du code de l'urbanisme, si la commune appartient à un tel établissement.
« A défaut, elle est versée à un fonds d'aménagement urbain affecté aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale pour des actions foncières et immobilières en faveur du logement social.
« Art. L. 302-7 . - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit approuvé en application de l'article L. 147-1 du code de l'urbanisme ou d'une servitude de protection instituée en application des articles 7-1 à 7-4 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.
« Le conseil municipal définit un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux qui ne peut être inférieur au nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre 20 % du total des résidences principales.
« Toutefois, lorsqu'une commune appartient à une communauté urbaine, une communauté d'agglomération, une communauté de communes, une communauté d'agglomération nouvelle ou à un syndicat d'agglomération nouvelle compétent en matière de programme local de l'habitat, celui-ci fixe, de façon à favoriser la mixité sociale en assurant entre les communes une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements, l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux sur le territoire de la commune de manière à accroître la part de ces logements par rapport au nombre de résidences principales. L'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux pour l'ensemble des communes de la communauté ne peut être inférieur au nombre total de logements locatifs sociaux dont la réalisation serait nécessaire, dans les communes soumises au prélèvement prévu par le premier alinéa de l'article L. 302-6, pour atteindre 20 % du total des résidences principales de ces communes, chacune de ces dernières devant se rapprocher de l'objectif de 20 %. Les communes non soumises au prélèvement prévu au premier alinéa de l'article L. 302-6 ne peuvent se voir imposer la construction de logements sociaux supplémentaires sans leur accord.
« Les programmes locaux de l'habitat précisent l'échéancier et les conditions de réalisation de logements sociaux, soit par des constructions neuves soit par l'acquisition de bâtiments existants, par période triennale. Ils définissent également un plan de revalorisation de l'habitat locatif social existant, de façon à préserver partout la mixité sociale sans créer de nouvelles ségrégations. A défaut de programme local de l'habitat approuvé dans le délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi n° du janvier précitée, la commune prend, sur son territoire, les dispositions nécessaires pour permettre la réalisation du nombre de logements locatifs sociaux prévus au deuxième alinéa ci-dessus.
« L'accroissement net du nombre de logements locatifs sociaux prévu pour chaque période triennale ne peut être inférieur à 15 % de la différence entre le nombre de logements sociaux correspondant à l'objectif fixé au deuxième alinéa et le nombre de logements sociaux sur le territoire de la commune. Ces chiffres sont réévalués à l'issue de chaque période triennale.
« A Paris, Lyon et Marseille, le programme local de l'habitat fixe, de façon à favoriser la mixité sociale en assurant entre les arrondissements une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements, l'objectif de réalisation de logements sociaux sur le territoire de l'arrondissement de manière à accroître la part de ces logements par rapport au nombre de résidences principales.
« Art. L. 302-8 . - La collectivité ou l'établissement public de coopération intercommunale ayant approuvé le programme local de l'habitat établit, au terme de chaque période triennale, un bilan portant en particulier sur le respect des engagements en matière de mixité sociale. Celui-ci est communiqué au conseil départemental de l'habitat. Lorsque les engagements figurant dans le programme local de l'habitat n'ont pas été tenus, ou lorsque, à défaut de programme local de l'habitat, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 302-7 n'a pas été atteint, le préfet, après avis du conseil départemental de l'habitat, constate la carence de la commune par arrêté motivé.
« A compter de cet arrêté, le prélèvement résultant de l'application de l'article L. 302-6 est doublé, sans pouvoir excéder 10 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice et aucun agrément de bureaux prévu à l'article L. 510-1 du code de l'urbanisme ne peut plus être accordé.
« Art. L. 302-9 . - Dans les communes ayant fait l'objet de l'arrêté préfectoral prévu par l'article L. 302-8, le préfet passe dans un délai n'excédant pas un an, en concertation avec le conseil départemental de l'habitat, une convention avec un organisme pour la construction ou l'acquisition-réhabilitation de logements sociaux, en vue de réaliser les objectifs fixés au deuxième alinéa de l'article L. 302-7.
« Lorsque l'Etat verse à ces opérations une subvention foncière, une dépense égale est mise à la charge de la commune.
« Art. L. 302-10 . - Un décret en Conseil d'Etat détermine, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent chapitre notamment celles nécessitées par la situation particulière des départements d'outre-mer. Il précise les dépenses à retenir pour l'application du sixième alinéa de l'article L. 302-6. »
Mes chers collègues, nous abordons l'examen de l'article 25, qui est particulièrement important.
M. Patrick Lassourd. Est-ce bien raisonnable ?
M. le président. Mon cher collègue, je vous signale que, ce matin, la conférence des présidents a eu quelque difficulté à envisager la tenue de la suite de ce débat dans des délais raisonnables. Par conséquent, je pense que nous ne pouvons pas perdre de temps.
Bien entendu, nous n'entamerons pas, ce soir, la discussion des amendements ; nous n'arriverons d'ailleurs même pas au terme de la liste des orateurs inscrits.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite prendre la parole quelques instants pour rappeler l'esprit dans lequel la commission a travaillé.
Il n'est pas besoin d'insister sur l'importance de cet article 25, qui aurait sans doute dû faire l'objet d'un projet de loi à lui tout seul.
Ainsi, à l'Assemblée nationale, cet article a donné lieu à neuf heures trente de débats en séance publique et, au Sénat, la commission des affaires économiques a examiné 130 amendements extérieurs.
Sur le fond, les propositions de la commission, loin de rejeter l'objectif de mixité sociale affiché par cet article, ont pour objet d'améliorer le dispositif proposé de manière pragmatique, pour tenir compte des circonstances locales, et, surtout, en permettre la mise en oeuvre effective.
S'agissant du champ d'application de l'article 25, les propositions de la commission s'inscrivent résolument dans une perspective de coopération intercommunale. Dès lors que ces structures existent, ce sont à travers elles qu'il faudra mettre en oeuvre l'objectif de réalisation des 20 % de logements sociaux.
En ce qui concerne la définition du logement social à prendre en compte, tant dans le décompte de l'existant que dans les objectifs de réalisation, la commission des affaires économiques a introduit les logements en accession sociale à la propriété.
Il s'agit là d'une position forte, à laquelle nous sommes très attachés. Le parcours résidentiel de chacun de nos concitoyens, y compris pour ceux qui disposent de faibles revenus, doit pouvoir offrir le choix pour l'accession sociale à la propriété. Au-delà, il faut aussi souligner que cette possibilité est un élément fondamental pour la mise en oeuvre effective de la mixité sociale.
Vous savez tous comme moi, mes chers collègues, que la présence, dans un même îlot d'immeubles, voire au sein d'un immeuble, d'accédants à la propriété est un élément essentiel de paix sociale et de cohabitation harmonieuse.
Sur les autres catégories de logements relevant du secteur locatif social, nous aurons des propositions complétant le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, notamment pour tenir compte de certaines situations où la surcharge foncière est lourde.
Nous avons ensuite privilégié une démarche contractuelle pour définir les objectifs de réalisation des logements sociaux et le mécanisme d'une contribution plutôt que celui d'un prélèvement, qui s'apparente, comme vous l'avez tous remarqué, à une sanction.
Enfin, pour la réalisation des logements sociaux permettant d'atteindre le seuil des 20 % fixés par la loi, la commission a retenu un critère complémentaire fondé sur les flux de construction constatés dans la commune. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je n'évoquerai que quelques points principaux dans ce propos liminaire, me réservant d'évoquer d'autres thèmes lors de la discussion des amendements.
Tout d'abord, et je le dis très clairement, je suis, nous sommes très nombreux à être tout à fait favorables à la mixité sociale.
M. Denis Badré. Absolument !
M. Ladislas Poniatowski. Nous sommes aussi favorables à la construction d'un plus grand nombre de logements sociaux. En revanche, nous sommes très hostiles à la méthode qui a été employée pour atteindre ces objectifs, que je qualifierai de « punitive » et que je considère comme nocive parce qu'elle ne tient pas compte de la réalité du terrain et de la liberté des communes.
Comme je viens de le dire, nous sommes très favorables à la mixité sociale. Nous sommes très nombreux, à gauche comme à droite, à la pratiquer depuis longtemps, c'est-à-dire bien avant que les termes de « mixité sociale » soient devenus à la mode. Nous la pratiquons un peu comme M. Jourdain faisait de la prose.
Depuis des décennies, tous les jours, dans nos villes respectives, nous pratiquons donc la mixité sociale. Les élus de droite comme de gauche n'ont pas intérêt à faire de leur commune une commune uniquement pavillonnaire ou une commune constituée seulement de grands ensembles à populations à problèmes.
Nous veillons à réaliser des infrastructures de voirie et de transport, des équipements culturels, sociaux, sportifs... et, en matière de logements, à assurer un certain équilibre. Que nous soyons de droite ou de gauche, nous veillons à ce qu'il y ait à la fois des logements collectifs et des logements individuels, du locatif comme de l'accession à la propriété.
Je me permets de le dire parce que je suis maire d'un petit chef-lieu de canton qui compte plus de 23 % de logements sociaux. Il est vrai que j'ai hérité d'une situation. Il n'en demeure pas moins que j'ai contribué à augmenter ce nombre. Je ne suis donc absolument pas concerné par ce texte de loi et je ne serai soumis à aucune obligation.
J'ai construit des logements sociaux tant dans le collectif que dans l'individuel. On ne peut donc pas me taxer d'être « antisocial ». Cependant, tout au long de ce débat, je défendrai les communes qui n'ont pas ce capital de départ.
Ce n'est pas forcément leur faute. Elles ont hérité d'une histoire urbaine, d'une situation et les sanctionner me paraît injuste, alors qu'elle ne peuvent ni foncièrement, ni financièrement répondre aux objectifs que vous leur fixez.
Comme je l'ai déjà dit, je suis très favorable à la construction de logements sociaux. Il se trouve que, comme un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, je suis président d'un organisme d'HLM. Avec ses 16 000 logements sociaux, cet organisme est propriétaire d'à peu près 45 % du parc de logements sociaux dans le département.
Qu'ils soient de droite ou de gauche, les présidents d'organismes bailleurs de logements sociaux n'oublient jamais qu'ils ont pour première mission, avant même celles que leur impose la loi, de gérer le patrimoine.
Nous gérons ce patrimoine en tenant compte de la situation des habitants. Nous nous efforçons d'améliorer leurs conditions d'existence. Nous rénovons les appartements, les immeubles. Nous essayons aussi de diminuer les charges. En effet, à une époque où, dans notre pays, les prélèvements sociaux atteignent des records, il ne me paraît pas inutile de diminuer un peu les charges des locataires.
C'est cela notre mission première et notre responsabilité première.
Notre seconde mission est, c'est vrai, de construire de nouveaux logements sociaux pour permettre à nos concitoyens de vivre dans un logement décent.
Sur ce thème également, je critique très sévèrement la méthode utilisée.
N'oublions pas que les offices ne construisent pas ces logements seuls, ils les construisent avec les communes. S'ils construisent un lotissement ou un immeuble de logements sociaux, c'est parce que, au départ, une commune le souhaite.
Autrement dit, les responsables des HLM travaillent en étroite liaison avec les élus. Or, parmi les élus, il y a de tout. Il y a ceux qui sont tout à fait convaincus qu'il faut construire des logements sociaux, ceux qui aimeraient en construire plus, mais qui ne le peuvent pas. Voilà pourquoi je vous reproche d'utiliser la contrainte au lieu de tenter de convaincre. (Murmures sur les travées socialistes.)
L'office d'HLM que je préside construit entre 300 et 350 logements sociaux neufs par an, ce qui représente, sur un parc de 16 000 logements, plus de 2 % d'augmentation. Ce n'est pas si mal.
Pour atteindre ce résultat, il me faut convaincre les communes et donc les maires. Je prends le temps de le faire. Et des élus qui n'étaient pas convaincus, voilà quelques mois ou quelques années, que le fait de construire des logements sociaux permettrait de maintenir des jeunes à revenus faibles dans leurs communes, finissent par accepter.
Je constate à ce sujet que le résultat du dernier recensement a été, pour un certain nombre d'élus et de communes, un véritable électrochoc. Certains pensaient qu'ils assuraient un développement équilibré de leurs communes, alors que ce n'était pas le cas.
Monsieur le ministre, avec ce texte punitif, vous ne laissez pas le temps à tous les responsables de convaincre les élus qu'il faut construire plus de logements sociaux.
Pour terminer, j'exprimerai deux regrets.
Les logements sociaux, ce ne sont pas simplement les logements neufs, nous le savons tous, ce sont aussi les logements anciens qu'il faut rénover, et là vous ratez le coche. Vous n'abordez qu'un volet de la rénovation, un volet qui vous tient à coeur à juste raison, car il est important, celui de la démolition. Mais il n'y a pas que la démolition.
Je suis étonné de voir que, de temps en temps, lorsque se posent des problèmes graves de violence, d'insécurité, de drogue, dans un quartier, on se dit : en démolissant deux, trois ou quatre immeubles, on va régler le problème. Il est vrai qu'en dédensifiant on améliore la situation. Encore faut-il ne démolir que les logements les plus anciens. Or, on est parfois tenté de démolir des logements tout à fait corrects pour régler un problème d'ordre social. C'est une erreur.
Je regrette également que l'aide de l'Etat soit très insuffisante. Pour une vaste opération de rénovation dans un quartier, qui implique la destruction de certains immeubles et la rénovation d'autres, l'aide de l'Etat n'est que de l'ordre de 8 % sur ce dernier élément. C'est tout à fait insuffisant. Il faudrait que les aides à la rénovation soient doublées.
J'insisterai maintenant sur le problème de la vacance. Pourquoi des logements sont-ils vacants ? Parfois, c'est parce qu'ils sont anciens, en mauvais état, vétustes, insalubres. Mais la vacance, nous la rencontrons aussi dans des logements neufs, parce que nos concitoyens ne veulent plus vivre dans certains quartiers pour des raisons que vous, le ministre délégué à la ville, connaissez mieux que d'autres : la peur de l'insécurité, de la violence, de la drogue.
De plus - ne pratiquons pas la langue de bois -, comme vous savez très bien aussi, des parents ne veulent pas rester dans des quartiers dans lesquels le pourcentage d'élèves étrangers atteint 60, 70, voire 80 % dans les écoles. Cela existe, et les gens quittent ces quartiers ou ne veulent pas aller y vivre alors que les logements y sont tous à fait corrects.
Cet aspect-là du problème n'est pas abordé du tout dans ce texte de loi. C'est une erreur supplémentaire.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Si certains de nos amendements traduisent mes convictions en matière de construction de logements sociaux, d'autres sont motivés par la nécessité de défendre la liberté des communes. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet article est, de loin, celui qui a suscité le plus de réactions. A la lecture de la presse, nos concitoyens ont parfois dû croire que ce projet de loi se résumait à cet article 25, tant les maires et les élus de l'opposition ont crié, parfois même hurlé, pour dénoncer le prétendu interventionnisme de l'Etat en matière de construction de logements sociaux.
Vos propos, mes chers collègues, ont souvent été caricaturaux envers les logements sociaux, que vous ne savez qualifier que de « tours » et de « barres ». Sachez, chers collègues de la majorité sénatoriale, qu'il est possible aujourd'hui, si on en a la volonté, de construire des logements sociaux agréables, bien intégrés dans l'environnement, des logements de qualité, qui prennent souvent la forme de petits programmes excédant rarement quatre étages.
Vos propos ont par ailleurs été insultants envers les populations qui y vivent car vous les avez stigmatisées. Et finalement, vous refusez de les accueillir et de leur proposer des logements adaptés à leurs besoins et à leurs possibilités.
Vos propos ont enfin été insultants envers des communes la plupart du temps animées par une volonté de solidarité, qui apparemment n'a pas cours partout, et où le nombre des logements sociaux est important. Vous les avez qualifiées de ghettos » !
Loin de moi l'idée d'idéaliser les logements sociaux construits pour répondre à la grave crise que traversait le logement dans les années soixante ou soixante-dix. Je suis précisément élue dans une commune de la région parisienne, Orly, qui s'est considérablement étendue à cette période, car la Ville de Paris y a construit de grandes cités afin de vider la capitale des populations les plus modestes, sans s'inquiéter de leur sort ni des conséquences pour ces villes de banlieue, qui étaient de petits villages à l'époque. On ne reconnaissait alors à ces grandes cités que la fonction de « villes-dortoirs ».
Le souci des équipes municipales successives, à Orly comme dans d'autres communes de banlieue que je connais, a été de rendre ces quartiers humains et agréables, notamment en favorisant les liens sociaux, en y créant des équipements collectifs, en y installant des services publics. « Recoudre la ville » : voilà bien la tâche qui a occupé et préoccupé la ville d'Orly durant bien des années.
Je ne nie pas que ces logements, s'ils ont représenté un progrès qualitatif à l'époque, ne sont plus aujourd'hui tous adaptés aux besoins et aux désirs des populations. C'est d'ailleurs pourquoi j'insiste sur la pertinence des programmes de démolition, mais aussi de reconstruction.
Je ne nie pas non plus que des tensions existent dans ces quartiers ni qu'elles y sont parfois graves ! Cependant, dans un souci d'honnêteté, reconnaissez avec moi que ces tensions sont, pour une grande part, liées aux difficultés sociales que les populations rencontrent, tant elles sont touchées par le chômage et la précarité.
L'étendue et la gravité de ces problèmes ne seront pas réglées par ce seul projet de loi ! Toutefois, je salue la volonté exprimée dans cet article 25 qui s'inspire du pacte républicain et qui impose une répartition équilibrée des différents types d'habitats sur l'ensemble du territoire.
Un seul point noir reste au dispositif proposé : la possibilité pour les communes regroupées au sein d'un EPCI de se dégager de leurs obligations de construction si le taux de logements sociaux, sur le périmètre intercommunal, répond aux objectifs.
Cette possibilité pourrait s'avérer perverse et contribuer au développement d'une coopération intercommunale d'aubaine, dans l'unique but d'échapper à la construction de logements sociaux.
Evidemment, la majorité sénatoriale s'engouffre dans cette faille et propose, par voie d'amendements, que le dispositif de l'article 25 soit applicable, dans son ensemble, au niveau intercommunal.
C'est en réalité le moyen de ne pas rejeter le principe de « mixité sociale », qui reçoit un avis favorable d'une grande majorité de nos concitoyens, tout en le rendant quasiment inopérant.
Pourtant, le mécanisme proposé est loin d'être autoritaire, les communes s'engageant sur des programmes triennaux de réalisation. Le prélèvement ne s'applique qu'à partir de 2002. De plus, il est modulé en fonction de la richesse des communes. L'Etat n'intervient qu'en cas d'immobilisme absolu.
Donc, contrairement aux affirmations de nos collègues, il n'y a rien d'autoritaire dans le texte.
Le Gouvernement a pris ses responsabilités. Reste à parvenir à une réalisation effective et cela relève de la responsabilité des collectivités locales, de leurs groupements et du maintien, voire de l'augmentation des financements.
Comme l'a dit M. le ministre Jean-Claude Gayssot, la solidarité doit être une valeur nationale. Nos concitoyens sont attachés à l'expression et au rayonnement de cette valeur. Afin qu'ils vérifient qu'elle n'est pas seulement une déclaration d'intention, elle doit également se matérialiser dans les faits, partout et de façon équilibrée ! C'est ce à quoi je vous invite, mes chers collègues de la majorité sénatoriale. (Applaudissemetns sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Calmejane.
M. Robert Calmejane. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi conditionne durablement, par sa portée, la vie des gens et le développement de notre cadre de vie. C'est pourquoi il est particulièrement regrettable que la préparation de ce texte ait été bâclée, sans que puisse s'exercer une réelle concertation entre tous les acteurs. Et pour cause ! Il est l'illustration de l'esprit dogmatique qui anime l'actuelle majorité politique du pays : changer la société à tout prix sans prendre en compte les réalités qui dérangent, en bafouant au besoin les principes du droit.
L'article 25 révèle en lui-même toute la méthode autoritaire de M. Gayssot, méthode dont le parti communiste est coutumier. (Mme Terrade proteste.) La finalité de mixité sociale est érigée en dogme, détournée de son objet urbanistique pour en faire une machine de guerre politique. Selon la vieille rengaine : les riches doivent payer !
Maire d'une ville moyenne de la Seine-Saint-Denis de 1964 à 1999, j'ai toujours cherché à concilier un habitat de qualité, incluant 32 % de logements sociaux, avec la préservation du tissu pavillonnaire traditionnel.
Si quelques rares communes de mon département ont su conserver un cadre de vie agréable à leurs administrés, ce n'est pas le cas de la plupart des villes gérées par des municipalités de gauche (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)...
M. Christian Demuynck. C'est bien vrai !
M. Robert Calmejane. ... qui, au fil des années, ont volontairement bétonné, densifié, à seule fin de perpétuer un électorat populaire que les communistes embrigadaient à grand renfort de mobilisation militante.
Mme Odette Terrade. Ces propos sont excessifs !
M. André Vezinhet. Arrêtez de pratiquer l'anathème ! Ce n'est pas possible d'être aussi méprisant !
M. Robert Calmejane. Mais, peu à peu, les populations ouvrières, dont la condition s'améliorait, ont quitté ces cités pour accéder à la propriété dans des communes plus agrestes.
Alors, c'est vrai, ces cités-dortoirs sans âme qui, tels de grands vaisseaux fantômes, jalonnent nos villes des noms évocateurs de Lénine, Karl Marx ou Stalingrad s'en sont allées à la dérive d'une ghettoïsation.
M. André Vezinhet. Il faut les rebaptiser Charles-de-Gaulle !
M. Robert Calmejane. C'est cet univers-là que le présent projet de loi veut systématiser dans les communes qui, par la volonté et le bon sens de leurs édiles, constituent aujourd'hui une scandaleuse exception au modèle collectiviste.
C'est cet univers-là que la loi va faire prévaloir contre la volonté des populations, contre l'intérêt d'un urbanisme à dimension humaine et le souci d'une qualité de vie de plus en plus attendue des habitants.
Cet article 25 bafoue la liberté des communes de s'administrer librement.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Robert Calmejane. Il est également une négation des lois de décentralisation puisque, sous couvert de régulation sociale, il autorise les préfets à imposer des constructions là où les maires ne l'auront pas souhaité, par voie de préemption, ou en déférant aux tribunaux administratifs tel plan d'occupation des sols jugé non conforme au nouveau schéma de cohésion territoriale. Le jacobinisme revient au galop !
La coercition fiscale est destinée à faire peur, à forcer la main des élus récalcitrants, mais elle pose de réels problèmes juridiques. Quand la compétence en matière de logement a été déléguée dans le cadre d'une intercommunalité, il y a lieu de considérer que c'est l'agglomération qui est le niveau pertinent de contribution. Mais le présent projet de loi méconnaît ce principe de droit et fait porter aux communes la pleine responsabilité financière. On risque ainsi de voir une commune imposée alors que l'établissement public auquel elle appartient, et à qui elle a transféré sa compétence, dépasse largement le taux de 20 % de logements sociaux.
Arbitraire, ce projet de loi est aussi injuste dans sa définition de l'habitat. En effet, pourquoi restreindre le concept de logement social aux seuls HLM et en exclure le parc locatif privé conventionné, les appartements du ressort de la loi de 1948, les immeubles réhabilités de certains centres-villes, dans lesquels des aides communales ont permis de maintenir les familles modestes qui y vivaient ?
Comment ne pas prendre en compte les copropriétés dégradées, dont la population constitue l'essentiel des attributaires des prestations sociales ? Ainsi, Les Bosquets, à Clichy, et Montfermeil seraient des résidences bourgeoises sous le prétexte qu'elles n'ont pas la forme juridique d'un office d'HLM ? On nage en plein délire...
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Robert Calmejane. De même, pourquoi méconnaître le rôle éminemment social des diverses formes d'accession à la propriété, que ce soient certains lotissements mutualistes, comme il en existe quelques-uns depuis 1936 dans ma commune de Villemomble, les petits pavillons de nos banlieues construits à partir de 1928 dans le cadre de la loi Loucheur ou, plus évidemment encore, les appartements d'HLM vendus à leurs locataires à partir de la loi de 1971 ?
Ce refus d'imaginer une accession sociale à la propriété, pourtant désirée avec opiniâtreté par les populations les plus laborieuses au prix d'efforts, de travail et d'épargne, dénote dans la démarche gouvernementale le parti-pris de niveler par le bas l'habitat social.
De nombreuses familles très modestes aspirent à posséder une maison bien à elles. Certaines communes ont ainsi choisi de favoriser par différentes voies cet épanouissement de l'individu au travers de l'accession sociale à la propriété, source de mixité justement. Un cadre de vie à dimension humaine ne doit pas, c'est l'évidence, être l'apanage des nantis face aux populations plus défavorisées, qui n'auraient pour tout univers que le béton gris et les centres sociaux des quartiers en déshérence. Cette politique-là, qui génère le mal de vivre, nous n'en voulons pas ; c'est celle contre laquelle nous luttons depuis cinquante ans en Seine-Saint-Denis !
Et puis cette loi arbitraire, injuste, est aussi irréaliste. Comment faire pour construire des logements sociaux supplémentaires lorsque le tissu urbain est saturé, qu'il n'existe pas de réserve foncière, qu'y figurent parfois des secteurs sauvegardés, des zones inconstructibles du fait des nuisances sonores ou de l'existence d'anciennes carrières ? Ce sont là des réalités objectives que l'aveuglement dogmatique méconnaît gravement.
Devra-t-on demain abandonner un projet d'espace vert indispensable au bien-être des citoyens, la réalisation d'un équipement collectif ou celle d'une zone d'activités économiques pour faire place à plus de logement social ? Devra-t-on exproprier par centaines pavillons et jardins de nos banlieues pour mieux densifier le tissu urbain ? (Mme Odette Terrade proteste.)
Un dernier point retiendra notre attention dans l'article 25. La contribution forcée imposée aux communes aura pour conséquence inéluctable une hausse de la fiscalité locale. Qui en seront les premières victimes ? Je crains que ce ne soient les familles les plus modestes qui, ayant fait le choix d'une certaine qualité d'environnement, n'auront d'autre solution que de retourner dans ces grands ensembles hideux qu'elles avaient cherché à fuir, cela parce qu'un Gouvernement frileux a, une fois pour toutes, paré les cités d'HLM des vertus de l'égalitarisme social.
C'est là l'aveu d'une incapacité à promouvoir une réelle politique sociale de l'habitat, favorisant l'accession à la propriété et contribuant ainsi à l'épanouissement de chacun. C'est l'utilisation démagogique de l'alibi social au mépris des préoccupations véritables de la population. A l'image de ce qui a été fait et a échoué en Seine-Saint-Denis, on croit pouvoir faire le bonheur des gens sans leur demander leur avis.
Je profite de mon intervention pour vous demander, monsieur le ministre, de rectifier une erreur concernant la commune des Lilas. Les services de l'équipement lui reconnaissent 2 928 logements sociaux et non 1 408, soit un taux de 31 % et non de 16,1 %. Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, et je compte sur vous. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'aucuns estiment aujourd'hui que le clivage gauche-droite est bel et bien mort, et que la vie politique est gangrenée par ce consensus mou qui éloigne les Français de la chose publique.
M. André Vezinhet. Eh bien non ! (Sourires.)
M. Christian Demuynck. L'article 25 de ce projet de loi exprime, s'il en était d'ailleurs encore besoin, tout ce qui peut séparer la gauche plurielle de l'opposition nationale, les jacobins des girondins, les partisans aveugles d'un centralisme autoritaire des partisans d'une démocratie locale vivante, proche des citoyens.
Disons-le clairement, le Gouvernement s'est efforcé d'enrober du miel de la mixité et de la promotion du logement social la pilule amère de l'autoritarisme et de la recentralisation.
Autoritarisme, en effet, quand le seuil des 20 % de logements sociaux sera imposé sans prise en considération des réalités locales, dans le secret d'un cabinet parisien, par des idéologues qui n'ont sans doute jamais vécu en banlieue. Ont-ils pensé un seul instant aux problèmes sociologiques provoqués, dans une commune de 20 000 habitants, par l'arrivée massive de 2 000 nouveaux venus,...
M. André Vezinhet. Il parle de La Paillade !
M. Christian Demuynck. ... à accueillir, à intégrer, à socialiser, à instruire, mais surtout - c'est le plus important, monsieur le ministre - à faire vivre décemment ?
De plus, de nombreuses communes ne pourront appliquer ce quota inique, pour des raisons budgétaires et financières évidentes.
Que le logement social soit encouragé et fasse l'objet d'une réelle concertation avec les acteurs locaux, nous n'avons jamais rien souhaité d'autre, contrairement à ce que vous propagez dans les médias et l'opinion publique. Dans ce sens, je défendrai d'ailleurs un amendement visant à conditionner à une étude d'impact la décision du préfet de procéder aux constructions jugées nécessaires. Cette étude, élaborée par le conseil départemental de l'habitat, viendrait définir la faisabilité du programme prévu par l'Etat. Son objet serait également de faire en sorte que la promotion du logement social ne tourne pas - ce que je crains, comme mon collègue Robert Calmejane - au « bétonnage » de nos villes, parce que vous ne pourrez pas faire autrement, compte tenu des problèmes fonciers que vous remontrerez.
Autoritarisme donc, mais aussi recentralisation. En effet, alors que les articles relatifs au schéma de cohérence territoriale et au plan local d'urbanisme, en imposant un cadre très flou, au demeurant propice à tous les délires idéologiques, pouvaient nous laisser penser à un simple accroissement des pouvoirs du préfet, l'article 25 ne nous permet plus de doute sur les intentions réelles du Gouvernement, à savoir revenir subrepticement sur le principe à valeur constitutionnelle de libre administration des collectivités territoriales. Pis, nous voici revenus aux temps maudits de la tutelle et d'un jacobinisme des plus vieillots.
Les préfets retrouvent, en effet, ce pouvoir de substitution d'action qui ôtera aux maires la maîtrise du sol de leur commune. Sur cette question, à mon sens vitale pour l'avenir de la démocratie locale, je proposerai de supprimer ces dispositions scandaleuses. N'aurait-il pas été préférable, monsieur le ministre, d'établir entre les représentants de l'Etat et les élus un lien fort fondé sur la concertation ? Sans doute avez-vous souhaité marquer à votre manière le 200e anniversaire de l'institution préfectorale !
Allons plus avant dans l'analyse de ce texte : avec la fin des pouvoirs du maire en matière d'urbanisme, pourra-t-on encore parler de démocratie locale dès lors que le suffrage universel ne permettra plus d'élire un maire responsable ni de choisir une politique du logement ? Le préfet pourra ainsi passer outre le choix du peuple souverain.
Pour toutes ces raisons, j'estime que le texte, dans son entier, notamment son article 25, est socialement dangereux. J'amenderai donc ce dernier afin que soit garantis la démocratie locale et l'équilibre sociologique de nos villes. (Applaudissments sur les travées du RPR.)
M. André Vezinhet. On vit un grand moment d'éloquence par la puissance des arguments !
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le nombre important d'orateurs qui se sont inscrits sur cet article témoigne, si besoin en était, que nous sommes parvenus au coeur du débat que le projet de loi dit « Gayssot » soulève.
L'article 25 de ce texte relatif à la solidarité et au renouvellement urbains constitue, à mes yeux, l'expression même de la philosophie qui a présidé à sa rédaction : une conception centralisatrice, dogmatique et, somme toute, permettez-moi de le dire, monsieur le ministre, irréaliste.
L'urgence que vous avez cru devoir déclarer sur ce texte - et que le Gouvernement auquel vous appartenez ne manque pas d'utiliser chaque fois qu'il s'agit de légiférer sur un texte primordial - est largement préjudiciable à la qualité des travaux parlementaires. L'Association des maires de France s'en est d'ailleurs émue, comme de nombreux autres partenaires.
Je crois que sur un article comme celui-là, la navette aurait permis la recherche d'un consensus, chacun s'accordant à considérer la mixité sociale et urbaine comme une nécessité.
Au lieu d'accepter le jeu démocratique, vous mettez la représentation nationale au pied du mur. Nous avons décidé de nous plier aux règles du jeu que vous avez fixées, mais les électeurs jugeront.
M. André Vezinhet. Ils ont déjà jugé !
M. Bernard Fournier. J'en viens au corps même de l'article 25. Il me paraît dangereux pour deux raisons : îl est imprécis et il est incomplet.
Il est imprécis quant à la définition du logement social qu'il pose. Elle est bien plus restrictive que celle que nous connaissons aujourd'hui. En en excluant les logements hébergeant des personnes handicapées, des personnes âgées, des jeunes travailleurs ou des migrants, vous oubliez tout l'aspect insertion ou réinsertion qui est la raison d'être de ces catégories de logements. Par là même, vous méconnaissez la réalité du principe du logement social.
Cet article est incomplet, car il ignore l'accession à la propriété comme élément du logement social. Vous avez fait le choix du tout-locatif. C'est un parti pris, mais il est, à mes yeux, erroné.
Le tout-locatif ignore la notion de parcours résidentiel, à laquelle nous sommes, pour notre part, attachés, c'est-à-dire l'amélioration de la condition sociale des ménages modestes. C'est une question politique qui fonde la différence essentielle entre vous et nous, entre l'assistanat et la responsabilité.
Cet article est également incomplet en ce qu'il ignore les efforts importants qui ont été développés par les municipalités - et cela depuis longtemps - pour augmenter le parc social ; je crains que nous ne découragions toutes les initiatives qui ont été prises depuis le vote de la loi d'orientation pour la ville.
Je veux maintenant vous dire pourquoi je considère que la disposition qui nous est soumise me paraît dépassée, d'un autre temps. Notre collègue M. Carrez, à l'Assemblée nationale, parlait de retour du Gosplan. (Exclamations sur les travées socialistes.) Il est à craindre qu'il n'ait été dans le vrai !
Vous remettez gravement en cause l'esprit des lois de décentralisation. Depuis le vote de ces lois, gauche et droite semblent avoir pris des chemins inverses, et de manière assez paradoxale ! Nous étions frileux en 1982, je le reconnais, mais nous défendons aujourd'hui la décentralisation contre les coups de boutoir d'une vague recentralisatrice qui nous paraît quelque peu rétrogade.
En organisant le retour du préfet comme vous le faites, en favorisant la contrainte plutôt que la concertation dans la mise en oeuvre de l'objectif des 20 % de logements sociaux, en écartant le rôle que pourraient jouer les établissements publics de coopération intercommunale, comment votre projet va-t-il s'articuler avec la loi Chevènement ?
Je crains, en fait, que ce texte ne soit un gage donné à une fraction de la majorité plurielle.
Que l'Etat ait son rôle à jouer, personne ne le conteste, mais ce rôle doit être délimité, défini. Privilégier le dialogue avec les élus plutôt qu'inscrire une sanction financière au budget d'une commune, voilà qui serait novateur !
Par ailleurs, cet article 25 me paraît irréaliste, car il ne tient pas compte de l'histoire urbaine d'une commune, ni des contraintes urbanistiques qui limitent sa liberté d'action. Je pense notamment au périmètre de classement en zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ou ZPPAUP.
Pourtant, je vous rejoins sur un point : l'objectif de mixité sociale. Nous devons être inventifs pour l'atteindre.
M. André Vezinhet. Ah ça, c'est le sommet !
M. Bernard Fournier. Devons-nous pour autant faire fi des réalités ? Etre contraignant, comme vous entendez l'être, c'est prendre le risque de créer des zones de spécialisation urbaine comme celles que nous avons connues dans les années 1970. C'est aussi, je crois, méconnaître l'article 72 de notre Constitution, qui pose le principe de libre administration des collectivités territoriales.
A ce sujet - bien que je connaisse déjà la position du Premier ministre sur ce point, je tiens à l'évoquer - j'aimerais savoir quel est le sens de l'avis que le Conseil d'Etat a rendu sur votre texte ? En effet, à mes yeux, sa constitutionnalité est douteuse. Le Palais-Royal vous a-t-il alerté sur ce point ?
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer trois points.
Le premier a trait à la définition du logement social.
Ce qui me choque dans le projet de loi qui nous est proposé, c'est la non-prise en compte de l'accession sociale à la propriété. Cela me paraît grave parce que, quelque part, cela exprime un certain mépris pour le souhait des Français. On sait bien qu'une très grande proportion de nos concitoyens souhaite accéder à la propriété. C'est une aspiration fondamentale.
Mais je me demande si, en définitive, derrière cette exclusion de l'accession à la propriété et cet amour immodéré que vous avez pour le locatif, monsieur le ministre, il n'y a pas chez vous la crainte de voir nos concitoyens, en accédant à la propriété, devenir moins malléables, moins perméables à certaines idéologies.
Cela révèle aussi un mépris du parcours résidentiel. Le locatif n'est pas une fin en soi : il est un passage correspondant, pour un ménage, à une période d'instabilité, notamment professionnelle. La fin en soi, c'est, bien entendu, l'accession à la propriété.
De même, vous ne tenez pas compte des efforts de certaines collectivités, de droite comme de gauche d'ailleurs, qui ont très clairement fait le choix de l'accession sociale, je dirai même de l'accession très sociale à la propriété, qui se sont même plus ou moins spécialisées dans ce domaine. Par choix, elles n'ont pas nécessairement fait beaucoup de locatif. Or elles ont beaucoup investi pour réaliser cet objectif.
Eh bien, votre projet de loi ne tient absolument pas compte de ces communes qui ont réalisé de tels efforts.
Chacun sait que certaines communes n'arrivent pas à favoriser l'accession sociale à la propriété si elles ne consentent pas un effort financier qui consiste à vendre des terrains en dessous de leur prix réel. Je trouve tout à fait déplorable que l'on ne prenne pas cela en considération.
J'ajouterai que vous allez provoquer des difficultés pour les organismes d'HLM.
En effet, nous réalisons de plus en plus des programmes mixtes. Président d'un OPAC départemental, en Ille-et-Vilaine, je puis vous assurer que, en milieu rural, on ne peut plus - ou on ne le peut que très difficilement - réaliser du locatif sans l'associer à de l'accession à la propriété de façon que la charge foncière de la commune reste raisonnable. Dans mon office, on donne 25 000 francs par terrain. Certains ne donnent rigoureusement rien ! Les communes consentent des efforts considérables. Avec un petit programme d'accession à la propriété associé au programme locatif, on arrive à alléger sensiblement le poids de ces efforts.
Mais je veux aussi évoquer le milieu urbain. A Rennes, où nous nous sommes rencontrés il y a deux mois pour le contrat de ville, l'office que je préside gérait depuis quarante ou cinquante ans, en plein centre-ville, un parc de 450 logements. J'ai procédé à une restructuration complète de ce quartier. En quoi cela a-t-il consisté ? Il s'est agi, premièrement, de faire un peu de démolition, deuxièmement, de réhabiliter totalement 300 logements en PLA - on a atteint 150 000 à 160 000 francs par logement - et, troisièmement, de réaliser des logements neufs : quatre petits immeubles comportant au total 84 logements en PLA, dont un quart en PLATS, puis deux autres petits immeubles, de dix-huit PLI chacun, puis encore deux petits immeubles, de dix-huit accessions sociales à la propriété chacun. C'est cela la mixité sociale !
MM. André Vezinhet et Jean-Pierre Plancade. Mais c'est très bien !
M. Ladislas Poniatowski. Eh oui, c'est cela la mixité !
M. Patrick Lassourd. Or le projet de loi que vous nous présentez ne permet pas à un OPAC de faire de l'accession à la propriété d'une façon aussi importante. Nous, nous l'avons fait au nom du principe de mixité et aussi pour des raisons budgétaires, parce que la ville de Rennes, avec ses sentiments très altruistes, ne nous fait aucun cadeau en matière de charge foncière.
En ce qui concerne, maintenant, les collectivités compétentes, qui constituent mon deuxième point, je ne vais pas reprendre ce qui a déjà été dit. Il va y avoir, à cet égard, une confrontation néfaste avec les éléments de la loi Chevènement. Vous privilégiez le niveau de la commune, alors que les EPCI, notamment les communautés d'agglomération, ont la compétence obligatoire en matière d'habitat. Et je pense que les communautés de communes à taxe professionnelle unique prendront de plus en plus cette compétence.
Pour éviter la confusion, il aurait été préférable - et c'est le sens de l'amendement de la commission, que je soutiens totalement - de traiter ces problèmes au niveau de la communauté d'agglomération et non des communes.
J'en viens à mon troisième point : le taux de 20 %.
Monsieur le ministre, il faut en finir avec les discours manichéens que l'on a pu entendre.
Je trouve absolument déplorable que des municipalités ne fassent pas de logements sociaux. C'est pourquoi, j'estime totalement ridicules et infondés les propos qui ont été tenus pendant des semaines, opposant la droite et la gauche, les riches et les pauvres, etc.
M. André Vezinhet. Mais c'est une réalité !
M. Patrick Lassourd. Non, ce n'est pas ainsi que ça se passe ! Je condamne les communes qui ne font pas de logements sociaux...
M. André Vezinhet. Elles sont surtout de droite !
M. Patrick Lassourd. Il y en a à droite comme à gauche.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Patrick Lassourd. Vous trouvez peut-être cela étonnant, mais c'est ainsi !
En tout cas, ce constat ne justifie pas les propositions que vous nous faites, monsieur le ministre.
Avec la sanction financière, que va-t-il se passer ? Les communes riches vont acheter leur droit à ne pas construire. Cela leur sera très facile ! Leur contribution est plafonnée à 5 % des recettes de fonctionnement. Or, 5 % de ces recettes dans une commune où les recettes fiscales par habitant sont de 2 000 francs et dans une commune où elles sont de 10 000 francs, cela ne pèse pas le même poids !
Quant aux communes pauvres, elles risquent de construire à marche forcée pour échapper à cette sanction financière. Et cette marche forcée aboutira à de la concentration, à de la densification, au mépris des principes d'urbanisme, avec une qualité architecturale très moyenne. Et la mixité sociale ne sera peut-être même pas assurée ! En fait, nous retrouverons un urbanisme que nous avons déjà vu dans les années passées.
Il serait préférable de raisonner non pas sur les stocks de logements sociaux mais sur les flux...
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. Patrick Lassourd. ... et d'obliger toutes les communautés d'agglomération où il n'existe pas une moyenne de 20 % de logements sociaux à réserver 25 % de toutes les réalisations de résidences principales à venir à des logements sociaux.
M. Denis Badré. Exactement !
M. Patrick Lassourd. Cela permettrait à chaque commune de suivre son rythme naturel, de ne pas aller à marche forcée vers des aberrations en matière d'urbanisme.
Bien sûr, il doit y avoir une sanction financière pour les communes qui ne suivent pas. Mais au lieu de reverser le produit de cette sanction à d'autres structures, il pourrait être inscrit d'office par le préfet sur le budget de la commune concernée à des fins de réalisation de logements sociaux.
Tels sont, monsieur le ministre, les trois points sur lesquels je tenais à exprimer mes convictions, à propos de cet article 25. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. A vouloir assurer une offre d'habitat diversifiée et de qualité ne passe pas forcément par un projet de loi, et encore moins par un texte que nous trouvons réducteur et qui défait les règles d'urbanisme actuellement reconnues, tout en restreignant les libertés communales et en imposant des quotas, cette fois-ci en matière de logements.
Une telle démarche, monsieur le ministre, ne peut qu'être pénalisante par rapport à l'objectif que vous vous êtes vous-même fixé.
Nous souhaitons, tout comme vous, que chaque Français puisse bénéficier d'un logement de qualité. Mais notre démarche ne s'inscrit pas du tout dans la même logique.
Contrairement à vous, nous ne voulons pas accentuer la densification actuelle, qui est tout à fait contraire à la mixité sociale que vous recherchez.
Pour atteindre cet objectif que vous vous êtes fixé, vous auriez été mieux inspiré en définissant une politique qui s'attaque véritablement à tous les problèmes de densification dans les villes dont le parc immobilier est majoritairement constitué d'HLM.
C'est dans ces villes, dans ces quartiers, qu'il aurait convenu de rétablir en priorité la mixité en rendant possible que l'ensemble des couches sociales se côtoient, grâce à une offre diversifiée et de qualité.
Pour cela, il aurait fallu accepter de revoir votre conception par trop restrictive, et de surcroît archaïque, du logement social.
Fallait-il donc réduire le logement social, comme vous le faites, au seul logement collectif et social ? Pourquoi avoir exclu de cette définition les titulaires de logements locatifs privés qui ont des loyers inférieurs à ceux des HLM et qui sont, eux aussi, dans des situations graves ?
Je pense notamment au parc privé social de fait, constitué de logements occupés souvent par des jeunes, des étudiants, des personnes âgées et des jeunes ménages.
De même, l'ensemble des logements conventionnés au titre de la loi Besson ou financés par les PLI doivent être considérés comme une offre de logements destinés aux ménages modestes.
Par ailleurs, je lis dans Actualités HLM du 30 janvier dernier, que « la mixité sociale nécessite aussi une accession à la propriété à destination des classes moyennes et des classes modestes qui permette d'assurer le parcours résidentiel des familles en leur offrant le choix du statut d'occupation de leur logement. Cette activité est, elle aussi, d'intérêt général ».
Répondre à cette aspiration des Français d'accéder à la propriété un jour - aspiration que certains ont pu réaliser grâce au PAP - est en effet un facteur de vraie mixité entre locataires et propriétaires.
Vous auriez pu également chercher à définir une nouvelle politique qui aurait proposé de nouveaux aménagements de l'espace susceptibles d'introduire, non seulement, une meilleure mixité entre emploi et logement, mais aussi un volet économique, car la mixité s'entend également par rapport au développement des commerces et des services de proximité dans les villes.
Vous auriez pu faire en sorte, enfin, que les logements sociaux soient insérés, en petit nombre, dans les quartiers de nos villes. Le meilleur logement social est en effet celui qui ne se distingue pas des autres.
Malheureusement, vous n'avez pas fait ce choix, et, sur un sujet aussi sensible, c'est fortement regrettable.
Au lieu de cela, vous avez fait preuve d'autoritarisme et, encore une fois, de dogmatisme.
Au lieu de laisser la place aux contrats, comme nous le faisions jusqu'à présent, vous avez fait le choix d'une loi uniforme, coercitive, contraignante, qui utilise la même toise et applique les mêmes ratios à toutes les communes sans tenir compte de la diversité des situations locales.
C'est totalement aberrant.
En premier lieu, vous condamnez des villes qui, selon vous, n'atteignent pas le quota de logements sociaux.
En second lieu, vous privilégiez d'autorité une gestion économe de l'espace par rapport à une gestion équilibrée.
L'image de la ville que vous nous proposez est celle d'une ville dense, compacte, qui doit se développer sur elle-même en priorité par rapport à toute extension ou à toute urbanisation nouvelle.
Croyez-vous que cet objectif réponde à l'aspiration des Français ?
A l'heure actuelle, nous le savons, 5 % à peine du territoire national abritent plus des trois quarts de la population. Fallait-il réellement accentuer cette situation déjà catastrophique pour ceux qui ont à la subir ?
Et pour satisfaire à cette obligation, encore faut-il que les communes aient des terrains constructibles et disponibles. Que faites-vous de celles qui n'en ont plus ?
Là, j'avoue ne pas comprendre votre attitude à l'Assemblée nationale. En effet, vous avez accepté que les communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d'une situation en zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit ou d'une servitude relative aux installations classées par la protection de l'environnement puissent ne pas être soumises à cette obligation.
En revanche, vous avez refusé que les communes dont le territoire est en grande partie non aedificandi puissent bénéficier de cette dérogation.
Mais que faites-vous, alors, des communes qui, comme la mienne, sont totalement inondables et viennent d'être classées, suite à un pic lié aux inondations, en aléa fort ou en aléa moyen sur la totalité de leur territoire mais qui ont vu aussi certaines réserves foncières devenir inconstructibles pour répondre, en cas de rupture de digues, à des bassins d'expansion de crues ?
Ne croyez-vous pas que ma commune, comme bien d'autres, aurait pu bénéficier d'un aménagement de la loi, alors qu'aujourd'hui, engagée elle aussi dans un parcours social vers l'accession à la propriété, elle compte sur son territoire plus de 25 % de pavillons qui ont bénéficié des opérations PAT et 15 % de logements locatifs sociaux ? Comment fera-t-elle, à moins d'exproprier, comme certains l'ont dit, de démolir et de construire en hauteur, ce qui n'est pas du tout indiqué ? Il est vrai qu'il s'agit de faire face à une obligation, je le répète, dogmatique et aveugle.
Pour conclure, j'aimerais revenir sur le fait que cet article remet en cause, comme bien d'autres, les pouvoirs des maires.
En effet, cette mesure ne manquera de déstabiliser les maires qui, pour la plupart d'entre eux, ont fait le choix de s'inscrire dans l'intercommunalité que préconise la loi Chevènement qu'ils perçoivent comme une loi porteuse de progrès. Cette dernière les oblige à la réalisation de PLH communautaires, ce à quoi ils adhèrent. Or, dans le même temps, votre texte fixe un pourcentage pour chaque commune prise individuellement ! Pouvez-vous me dire où est la cohérence dans tout cela ?
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je ne peux cautionner une démarche qui ne tient pas compte des spécificités de chaque commune et qui, encore une fois, impose, au lieu de laisser la place aux contrats locaux et aux initiatives locales. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. La définition des logements sociaux telle qu'elle résulte de la nouvelle rédaction de l'article L. 302-5 diffère sur de nombreux points de l'actuelle définition et s'avère beaucoup plus restrictive.
Les maires sont perplexes, inquiets, en colère pour beaucoup, et on les comprend. Qu'est-ce que cette mixité sociale dont la nature varie au gré des textes ?
Le maire de Voisins-le-Bretonneux, dans les Yvelines, m'expliquait qu'en 1990 sa commune avait un taux de logements sociaux de 21 %, puis, selon les critères de la loi d'orientation pour la ville, un taux de 19 %. Avec ce projet de loi, elle n'en compte plus que 8 % !
Autre exemple : à La Celle-Saint-Cloud la part des logements sociaux s'élève actuellement, selon les chiffres de la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur, à 31,2 % du parc. Selon les nouveaux critères, la part des logements sociaux ne serait plus que de 1 %, ce qui obligerait le maire à construire plus de 1 500 logements sociaux, sous peine de payer une amende de 1,5 million de francs. Tout cela parce que 2 500 logements à caractère social, pour une partie à caractère très social, ne sont pas pris en compte par les nouveaux critères que vous proposez !
Dernier exemple, à Viroflay il n'y aurait que 7 % de logements sociaux. Comment en est-on arrivé à ce taux ? Mystère ! Mais ce mystère se dissipe en partie quand on sait que les logements intermédiaires, les logements communaux, les logements d'instituteurs, les logements de la loi 1948 ont été décrétés logements de personnes aisées, puisque non contrôlés par le système HLM.
Obligation est donc faite à cette commune - c'est vrai pour beaucoup d'autres - de construire 837 logements sociaux en plus de ceux qui existent. Qui paye ?
Ensuite, la projection montre que 837 logements sociaux, c'est 2 100 habitants en plus dans une commune qui en compte 15 000.
Qui paye les infrastructures supplémentaires - crèches, écoles, gymnases, centre de loisirs - les réaménagements de voirie, l'ouverture de lignes de transport, et j'en passe ?
Par ailleurs, cette ville, dont la densité de population est de 10 000 habitants au kilomètre carré, est entièrement construite. Que faire, en ce cas ?
Monsieur le ministre, quand les technocrates comprendront-ils que nos concitoyens n'ont jamais rêvé d'habiter dans des pourcentages ?
Ils souhaitent vivre dans des villes où règne, bien sûr, la mixité sociale, mais la vraie, celle où fleurit l'urbanité. Ce mot est, certes, un peu passé de mode, il a été remplacé par la « citoyenneté », mais il disait bien les choses.
Sans le souci de créer des conditions propices à l'urbanité entre nos concitoyens, vos critères seront créateurs non pas de mixité sociale, mais de concentration sociale.
Cette mixité sociale que les élus locaux prônent sur le terrain a besoin d'être élaborée dans la continuité et sur le long terme. Or vous découragez ceux qui, depuis neuf ans, ont joué le jeu du programme local d'habitat. J'en fais partie !
Comment voulez-vous, monsieur le ministre, qu'ils puissent, dans de telles conditions, conduire sereinement une politique et une gestion municipales ?
Les collectivités qui ont supprimé le plafond local de densité, qui ont engagé des opérations programmées d'amélioration de l'habitat, sont à la même enseigne que les autres : comme au jeu de l'oie, retour à la case départ !
Il y a, derrière ce texte, de nouveau, un manque de confiance du Gouvernement en nos maires, comme une suscpicion, même. Ce n'est pas acceptable ! C'est le pouvoir républicain du maire qui, peu à peu, texte après texte, est défait. Il faut des doigts plus délicats pour toucher le tissu social, monsieur le ministre.
De même que l'on ne tire pas sur l'herbe pour la faire pousser, on ne décrète pas la solidarité à coup de quotas.
Il faut substituer le contrat à la contrainte, contrat entre l'Etat, les collectivités locales et les EPCL, afin de favoriser la mixité sociale sur l'ensemble du territoire, en ville et à la campagne.
« La vraie vie est absente », disait le poète. Les maires, eux, vous disent, par notre voix, monsieur le ministre, qu'avec cet article 25, tel qu'il nous est proposé, c'est la vraie ville qui est absente de votre texte ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mixité sociale est une belle idée, mais elle n'est ni de droite ni de gauche et, pour qu'elle se concrétise, il ne suffira pas simplement de disperser des logements sociaux dans toutes l'aire urbaine. Il faudra également, et ce sera là la résussite d'une vraie politique de la ville, que les classes moyennes puissent revenir dans les cités qui ne les accueillent pas actuellement. Tel était l'objectif des années soixante-dix, qui a été mis en échec avec la dégradation des grands ensembles. Il ne faut pas croire que seule la dispersion des logements sociaux résoudra les problèmes.
Quant à l'objectif - rigide - que vous fixez en exigeant que chaque commune ait 20 % de logements sociaux, je reprendrai à mon compte l'exemple que vous avez cité, M. le ministre, celui de Rennes.
Vous avez reconnu que cette ville, après avoir été dirigée par une municipalité de droite, puis par une municipalité de gauche, comptait 24 % de logements sociaux. Certes, mais il ne faut pas oublier le reste de ce qui a fait le développement urbain de Rennes, monsieur le ministre. Toutes les communes périphériques n'atteignent pas le seuil de 20 % de logements sociaux, et elles seront pénalisées.
Or s'agit-il uniquement de communes peuplées de représentants des classes élevées et supérieures ? Pas du tout ! Je pense à l'une d'elles, qui compte sur son territoire une usine automobile employant 10 000 ouvriers. Eh bien, elle n'atteint pas le pourcentage de logements sociaux requis. Et il faudra aller expliquer à son maire ainsi qu'aux maires des communes voisines qu'ils ne font pas de politique sociale, qu'ils n'ont pas assez de logements sociaux et que c'est pour cela qu'ils sont pénalisés ? Ils nous riront au nez, monsieur le ministre !
Car qu'ont-elles fait, ces communes ? Elles ont accueilli, avec l'aide de toute l'agglomération, des logements en accession à la propriété pour des ouvriers qui venaient soit des grandes HLM de Rennes, soit de fermes où ils ne jouissaient pas du confort de la périphérie, et ce au taux de 20 % ou 30 %. Elles ne comprendront pas. Voilà en quoi votre objectif est rigide et pourquoi il ne sera pas compris.
J'en viens aux moyens utilisés. Monsieur le ministre, en imposant les ménages des communes membres d'une communauté d'agglomération, vous semblez complètement oublier que, dorénavant, la taxe professionnelle est perçue par l'échelon supérieur. Comment des communes pourront-elles payer une somme qui ne sera pas de 1 000 francs par logement, parce qu'elle sera indexée sur un potentiel fiscal dont, par ailleurs, elles ne disposent plus ?
Chose extraordinaire, vous allez leur imposer de payer la taxe d'habitation et la taxe foncière, au titre des logements qu'elles auront construits, à une communauté qui perçoit déjà la taxe professionnelle. Il y a là une ineptie, pardonnez-moi d'employer ce mot un peu fort, dans votre système de financement.
Monsieur le ministre, parce que c'est une grande idée, il faut y introduire de la souplesse et, pour ce faire, il convient d'abord de raisonner non pas sur le stock mais sur les flux. Acceptez un effort de rattrapage de 25 %, et nous pourrons nous retrouver au moins sur cette donnée.
Nous pourrions également faire un effort pour que la construction ne soit pas uniquement concentrée dans la zone périurbaine dense. Dans le cas contraire, cela confinerait à l'absurde : la ville de Rennes ne pourrait même plus construire les logements sociaux qui lui sont nécessaires dans les nouveaux quartiers, ni même plus loin.
Monsieur le ministre, acceptez les amendements de la commission, car une grande politique sociale est d'abord faite pour la France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 25 va étendre la portée des dispositions de l'article L. 302-5 du code de l'urbanisme dont la mise en application a pourtant démontré la complexité et les limites.
Les difficultés tiennent, pour une part, au fait que chaque parc locatif, chaque quartier, chaque grand ensemble, nonobstant des traits communs, ne s'inscrit pas dans un contexte urbain rigoureusement identique - l'histoire locale n'est pas semblable - et n'appelle pas tout à fait le même traitement.
Pour définir l'agglomération, il serait prudent et raisonnable de s'en tenir à l'unité urbaine au sens du recensement général de la population, c'est-à-dire au sens de l'INSEE.
Dans le cadre élargi des structures intercommunales, la réussite du renouvellement urbain relèvera d'une exigence plus difficile.
Certes, des initiatives pourraient être prises dans un tel cadre, mais seulement à titre volontaire, contractuel, et non pas obligatoire.
Deuxième observation : le logement locatif social que réaliseront les communes, qui y seront contraintes, présentera, nous le savons tous, des caractéristiques plus évoluées, plus attrayantes que la plupart des HLM anciennes.
D'où l'attention toujours plus grande que nous aurons à porter aux parcs anciens. Qui croirait, en effet, que, par centaines de milliers, les HLM qui viennent d'être réhabilitées à grand frais vont disparaître ?
C'est dans les ensembles anciens, qu'on le veuille ou non, que, proportionnellement à leur nombre, subsisteront les familles les plus fragiles. Elles ne participeront que résiduellement au peuplement des nouvelles réalisations.
La mixité sociale, certes insuffisante dans les quartiers et zones sensibles, dans les zones de redynamisation urbaines est néanmoins réelle. Parfois, des copropriétés de très bon standing voisinent avec des HLM, et une cohabitation acceptable se poursuit dans un équilibre que la vigilance des bailleurs sociaux et des municipalités tend à préserver.
Le risque de renforcer l'effet de ghetto ou de ségrégation, là où il existe, n'est pas à négliger. Il est à craindre, monsieur le ministre.
C'est à l'intérieur de chaque quartier, quartier par quartier, qu'une politique de mixité sociale doit être définie. Naturellement, chaque ville, chaque agglomération s'y retrouvera dans un schéma d'ensemble.
Si obsession il y a, elle doit être non pas celle d'un taux, mais celle de la réalité de chaque zone sensible dont il ne faut pas aggraver les faiblesses il faut, bien au contraire, en atténuer les causes et les effets.
En ce qui concerne le taux, l'amendement que présentera notre collègue M. Badré et qui vise à substituer un taux de 25 % du total des logements construits au taux de 20 % des résidences principales est intéressant.
Enfin, et pour conclure, j'ajoute que la population attend de l'Etat d'être préservée des violences urbaines. L'urbanisme, à juste titre critiqué, n'est pas la seule cause de ces violences, et M. Ladislas Poniatowski l'a démontré tout à l'heure. La modification des règles d'urbanisme, aussi fondée soit-elle, ne peut exonérer le Gouvernement de ses obligations à cet égard.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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