Séance du 16 mai 2000







M. le président. La parole est à M. Renar, auteur de la question n° 792, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, en l'occurrence, ma question s'adressera à M. le ministre des transports artistiques et de l'équipement culturel... (Sourires.)
M. le président. On nous a dit tout à l'heure que c'était la collégialité du Gouvernement !
M. Ivan Renar. Absolument !
M. le président. M. Gayssot doit savoir que la collégialité, même chez les évêques, est une invention du diable ! (Rires.)
M. Ivan Renar. Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Je ne suis pas évêque ! Mais cela m'aurait bien plu ! (Nouveaux sourires.)
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un récent conflit a rappelé à la représentation nationale les difficultés que rencontrent ceux qui ont la tâche d'enseigner les arts plastiques.
Depuis vingt ans, et malgré les alternances politiques, notre pays n'est pas parvenu à se doter d'un enseignement artistique à la hauteur des enjeux de la création contemporaine.
Les écoles nationales d'art et les écoles municipales comptent plus de 10 000 étudiants qui bénéficient d'une formation supérieure en arts plastiques.
En dépit de la qualité des formations dispensées, les enseignants des écoles d'art ont, au gré des établissements dans lesquels ils enseignent et selon les statuts des établissements, des reconnaissances très différentes, voire des contrats de travail très divers, allant du contrat de travail à durée déterminée à la vacation.
La non-reconnaissance de la qualité universitaire des enseignements dispensés dans les écoles d'art a été, dirai-je pour faire vite, l'une des causes essentielles du conflit de ces dernières semaines.
Au-delà, ce dossier atteste l'importance de poursuivre la réflexion afin de faire de l'enseignement des arts plastiques et, au-delà des enseignements artistiques dans notre pays, de celui des disciplines à part entière, à la croisée des arts, de la recherche fondamentale et des disciplines didactiques traditionnelles.
La réforme de 1973, qui tendait à décloisonner l'enseignement, conduit à la fermeture de nombreux établissements sous statut territorial.
Pour les écoles territoriales qui se sont maintenues, la précarité et des statuts d'enseignants très disparates ont été les modes de gestion en cours, faute d'une harmonisation attendue par tous.
Il importe aujourd'hui, monsieur le ministre, mes chers collègues, que les matières artistiques trouvent une juste place au sein de l'école de la République.
L'enjeu est plus que d'importance au moment de l'apparition des nouveaux médias et des nouvelles technologies, qui donnent à l'objet artistique une place certes originale, mais qui ne sont pas sans incidence sur la manière dont la notion d'oeuvre peut être appréhendée aujourd'hui.
Ainsi, seule une intervention forte de l'Etat peut permettre à ce dernier d'exercer une tutelle à même de garantir une pédagogie ouverte et respectueuse de la pluralité des courants d'expression artistique.
Les écoles d'art territoriales doivent pouvoir bénéficier de partenariats avec l'Etat.
Les enseignants devraient voir leur qualification reconnue, ce qui serait une manière de reconnaître la qualité de leurs travaux.
Enfin - et c'est pour nous un aspect essentiel de la question de l'enseignement artistique - cette reconnaissance permettrait une réelle démocratisation de l'enseignement artistique dans notre pays. En effet, trop d'établissements compensent, par des droits d'inscription exorbitants, les absences de crédits.
Sur toutes ces questions, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître ce que seront les orientations de votre ministère dans la prochaine période.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, Mme Tasca et M. Duffour, qui n'ont pu venir ce matin au Sénat, m'ont demandé de vous présenter la réponse qu'ils ont préparée à votre intention, ce que je fais bien volontiers, sachant aussi le rôle et la place que vous tenez dans la promotion artistique et culturelle.
Comme vous le soulignez, il existe une multiplicité de structures d'enseignement artistique. Une quarantaine ont un statut municipal et sept écoles nationales font partie du Centre national des arts plastiques. Trois écoles parisiennes - l'ENSBA, l'ENSAD et l'ENSCI - sont des établissements publics autonomes. Le studio national du Fresnoy, l'école de la photographie d'Arles et l'école du Port à la Réunion sont sous statut associatif. L'école des arts et techniques de l'image d'Angoulême et de Poitiers est portée par un syndicat mixte, et l'école régionale de la Martinique a un statut d'établissement public régional spécifique.
Cet ensemble complexe, différent de la situation des pays voisins, est le fruit d'une histoire nationale qui a connu une multiplicité d'initiatives en faveur des arts plastiques et de leur présence dans la cité.
Les personnels enseignants permanents dans les écoles d'art ont des statuts différents qui reflètent la diversité de statut des établissements : contractuels des établissements publics, fonctionnaires d'Etat ou de la fonction publique territoriale, contractuels dans les écoles spécialisées, auxquels il convient d'adjoindre des vacataires dont les missions méritent d'être précisées.
Au-delà du problème de la précarité de l'emploi, le problème majeur est celui de la reconnaissance du niveau de qualification et de rémunération, ainsi que du déroulement de carrière. Il a d'ailleurs fait l'objet de négociations entre le ministère de la culture et de la communication, d'une part, et les organisations syndicales et les représentants des enseignants, d'autre part, pour aboutir à la conclusion d'un protocole d'accord le 12 mai 2000.
La question de la reconnaissance du caractère supérieur des enseignements dispensés dans les écoles nationales d'art est également importante. Les enseignements et les formations assurés dans les écoles d'art conduisent des étudiants titulaires du baccalauréat à un diplôme homologué au niveau II.
Mme Tasca et M. Duffour souhaitent que puisse être reconnu à cet enseignement, et donc aux écoles nationales et à leurs enseignants, un statut conforme à leurs qualifications et à leurs responsabilités, et que ce statut traduise la dimension d'enseignement supérieur. En outre, il est nécessaire de conforter les nouvelles dimensions du métier d'enseignant des écoles d'art, notamment en matière de recherche. Le statut pourrait ainsi ouvrir la possibilité d'une année sabbatique, consacrée à un travail de recherche ou d'étude.
Par ailleurs, dans chaque école nationale d'art, autour du collège des professeurs titulaires, travaillent des techniciens, des enseignants à temps partiel, des professeurs associés, des intervenants invités : conférenciers ou artistes en résidence.
En un sens parfaitement justifié par la dynamique qui caractérise les formations souhaitées, ce régime permet de conserver l'usage de contrats pour accueillir les enseignants associés durant une période déterminée ainsi que ceux dont un emploi à temps partiel satisfait à la spécialité. Un régime de vacations répond également de manière satisfaisante aux besoins de la pédagogie que traduisent les invitations adressées à des conférenciers ponctuels et à des artistes intervenant sur une période limitée. Il apparaît en revanche nécessaire de reconstruire un statut de titulaires pour satisfaire les besoins permanents et à temps complet dans les fonctions techniques.
Le protocole conclu le 12 mai 2000 traite de cet ensemble de questions. Ces projets seront présentés aux ministres chargés du budget et de la fonction publique et examinés dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2001.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, qui apporte, à mon avis, des éléments très positifs. A en juger par sa précision, nous comprenons le souci de vos collègues Mme Tasca et M. Duffour de favoriser la création artistique dans notre pays.
La reconnaissance des écoles d'art comme établissements dispensant un enseignement supérieur est un pas attendu par les enseignants de ces établissements, mais également par la communauté des étudiants.
S'agissant du statut des enseignants, l'ouverture de passerelles entre les écoles d'art et l'enseignement supérieur devra être opérée rapidement, notamment pour ce qui concerne la mise en place de troisièmes cycles covalidés dans les écoles d'art. C'est un des résultats du protocole qui a été signé ces derniers jours.
Des coopérations nouvelles sont à réaliser avec le ministère de l'éducation nationale, et nous attendons beaucoup de l'actuel ministre de l'éducation, qui est sensible aux enjeux du développement culturel dans notre pays, ainsi que son passé en témoigne.
Nous souhaitons, pour notre part, que l'Etat s'engage très vite maintenant dans la voie que vous venez de nous indiquer. En effet, on ne répétera jamais assez que la précarité, la multiplicité des statuts et la fragilité des métiers de la culture ne sont pas de nature à garantir l'essor de la politique culturelle de notre pays et n'accompagnent pas de manière satisfaisante les diverses modalités de l'expression artistique telle qu'elle se développe aujourd'hui.
Nous pensons qu'il incombe au Gouvernement d'ouvrir, comme il l'avait annoncé, le chantier d'une refondation culturelle en phase avec les transformations de notre société et l'évolution des pratiques culturelles de nos compatriotes.
Nous sommes partie prenante d'une telle réflexion, que nous menons ici et là toutes les fois que l'occasion nous en est donnée.
La requalification des établissements publics culturels, comme l'atteste le dossier que nous venons d'examiner, est plus que jamais nécessaire.
Pour la résolution de cette question et de bien d'autres, nous restons, monsieur le ministre, à la fois disponibles et attentifs à la politique qui sera conduite dans la prochaine période.

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