Séance du 16 mai 2000







M. le président. Par amendement n° 979, M. Lefebvre, Mme Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 59 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Avant le 1er octobre 2000, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les conditions de financement des investissements et de l'exploitation des transports collectifs de voyageurs.
« Ce rapport porte notamment sur les aspects suivants :
« - état des lieux quant aux financements existants, notamment pour le versement transport et les dotations budgétaires ;
« - proposition d'affectation éventuelle de ressources nouvelles ;
« - perspectives de programmation budgétaire.
« II. - Les charges incombant à l'Etat et résultant de l'application des dispositions du I ci-dessus sont compensées à due concurrence pour la perception d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Cet amendement visant à insérer un article additionnel au terme de l'examen des dispositions du titre III du présent projet de loi présente un peu le caractère d'un amendement d'appel.
Il constitue en quelque sorte une illustration, parmi d'autres, des questions relatives au financement des transports collectifs qui ont été posées dans le cadre du débat, notamment sur les articles relatifs à la qualité de la convention entre le syndicat des transports de la région d'Ile-de-France et les entreprises publiques de transport, ou des questions portant sur le développement de la régionalisation ferroviaire.
Il est en effet de notoriété publique que les impératifs de service public qui sont propres au développement des transports constituent une source de mobilisation de ressources publiques dont la pertinence est néanmoins assez clairement illustrée par l'usage qui peut être fait de ces infrastructures qui demeurent, en dernière instance, facteur de développement équilibré du territoire.
Le rapport que prévoit cet amendement portera tout d'abord sur l'état des lieux, qui mettra notamment en évidence à la fois la quotité des dotations budgétaires et l'importance des ressources procurées par le versement transport, dont le produit s'élève, selon les éléments en notre possession, à 26 milliards de francs.
Pour autant, ces ressources, et plus spécialement la seconde, pourraient éventuellement faire l'objet d'une analyse critique, certains reprochant notamment au versement transport d'être assis sur la même assiette que la plupart des autres prélèvements spécifiques, c'est-à-dire les salaires.
Nous pensons en particulier, sans préjuger les conclusions de cette étude, qu'il conviendrait de s'interroger sur l'opportunité du maintien de cette assiette ou du choix d'une autre assiette.
On peut aussi se demander s'il ne convient pas de concevoir d'autres modes d'alimentation du versement transport, notamment à l'examen de la réalité de ce que l'on peut appeler les bénéficiaires réels des infrastructures de transport que sont, par exemple, les grands groupes de la distribution commerciale, eux-mêmes faibles contributeurs au titre du versement transport.
Toutefois, la qualité des enjeux du développement des transports collectifs appelle manifestement des dispositions particulières pour modifier éventuellement les ressources budgétaires affectées.
Ainsi, le rapport que nous préconisons pourrait étudier le problème de l'affectation d'une partie des taxes intérieures sur les produits pétroliers au financement des infrastructures.
Compte tenu du dynamisme réel de cette taxe et de son importance relativement consistante dans le volume global des ressources de l'Etat, il nous semble qu'il est peut-être temps de se demander si notre fiscalité ne peut, dans les années à venir, connaître une forme d'évolution qualitative, objectivement imposée par les finalités mêmes que poursuit ce projet de loi.
Voilà quelques points que nous souhaitions voir débattre à l'occasion de la discussion de ce projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. La commission a considéré que le délai fixé était trop court ; elle s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement ne peut pas être opposé à la remise d'un rapport destiné à éclairer davantage le Parlement, pas plus qu'il ne peut être défavorable à un état des lieux. Mais, comme il est question d'affectations éventuelles de ressources nouvelles, il s'en remet également à la sagesse du Sénat.
Mme Hélène Luc. Tout le monde est sage, ce soir !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 979.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est le dernier amendement du texte concernant le secteur ferroviaire. On a passé trois heures ou trois heures et demie sur ce texte, ce qui, compte tenu de l'ampleur de la réforme à mettre en oeuvre, est vraiment très peu.
Monsieur le ministre, nous avons le sentiment que cette réforme n'est pas bien partie. On avait cru à la concertation. On avait cru qu'on allait enclencher les mécanismes complexes permettant au transport ferroviaire de se développer, aux cheminots de trouver un nouvel espoir dans la décentralisation. On était convaincu qu'il y avait des perspectives d'avenir. Or, aujourd'hui, on ne voit que des blocages. On ne voit que des promesses non financées, des régions déçues, des régions qui en sont à dire : « puisque c'est ainsi, nous participerons, certes, au financement des TER, mais nous ne financerons plus les TGV », c'est-à-dire, tout ce qui, pour un grand nombre d'entre elles, figure dans le contrat de plan.
Quand je vois comment on a fait appel à nous pour financer un certain nombre d'équipements très importants - je pense au TGV Aquitaine ou au TGV Est, sur lequel le président de la région Alsace s'interrogeait l'autre jour - quand je vois que finalement nous participons à des financements d'infrastructures nationales, je déplore que les conditions de financement des infrastructures régionales ne soient pas assurées.
Je tiens à vous dire cela maintenant, monsieur le ministre, car, après ce débat, une commission mixte paritaire sera immédiatement convoquée et il en sera terminé de la consultation du Parlement : à la suite de la commission mixte paritaire, une décision nous sera imposée.
On nous annonce l'établissement de rapports soumis au Parlement - c'est l'objet de l'article 59 bis comme celui de l'amendement n° 979 - mais, franchement, le Parlement n'est pas suffisamment associé à l'ensemble des décisions qui concernent les grandes infrastructures !
Ainsi, le schéma des transports ne fait plus l'objet de la concertation. Pensez qu'avec les contrats de plan 120 milliards de francs provenant de l'Etat, autant de l'Europe, autant des régions et des départements, soit 400 milliards de francs pour la période 2000-2006, seront investis sans que le Parlement dise son mot, sans qu'il soit informé de l'ensemble de ces décisions. Dès lors, on peut se poser des questions : sommes-nous en train de bien travailler ? Notre démocratie est-elle bien vivante ?
Je m'abstiendrai sur cet amendement, parce que se contenter de nous promettre un rapport dans cinq ans, c'est faire fi du travail de la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je n'avais pas prévu d'intervenir à ce moment du débat, mais la déclaration de M. Raffarin me conduit à réagir.
Vous dites, monsieur le sénateur, que le Parlement n'intervient pas sur les dépenses de l'Etat, notamment sur les contrats de plan. Je vous assure que vous avez le pouvoir d'intervenir lors de l'examen de chaque loi de finances.
Par ailleurs, vous avez fait référence au TGV Est. Si vous voulez que nous abordions ce sujet, je vais vous rappeler un petit souvenir.
Tout le monde parlait depuis des décennies de ce TGV, que je qualifierai de TGV Est européen. Il se trouve qu'il est comme l'Arlésienne : nul ne l'a jamais vu et, comme soeur Anne, on n'a jamais rien vu paraître, et pour cause !
Il était bon d'affirmer à la veille d'échéances électorales qu'on allait le faire, mais aucun moyen financier n'était dégagé pour cela. Or, pardonnez-moi de vous le dire, monsieur Raffarin, les choses ne se sont pas passées ainsi avec le présent gouvernement.
Il était prévu que l'Etat consacre 3,8 milliards de francs au TGV Est, dont la première phase, à elle seule, coûte un peu plus de 20 milliards de francs. Les régions qui souhaitaient ce TGV Est européen se demandaient comment elles allaient faire, car la réalisation de ce projet et des 1 300 kilomètres de lignes à grande vitesse nécessitait quelque 400 milliards de francs alors que je n'ai trouvé, en juin 1997, que 500 millions de francs dans les caisses du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables. Il aurait donc fallu deux siècles pour réaliser les promesses faites par le gouvernement précédent !
Figurez-vous que, dès la première année, j'ai fait un exploit : j'ai gagné un siècle.
M. Hilaire Flandre. Avec l'argent des régions !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous me direz : cela ne rassure personne car on ne voit toujours rien venir !
Et pour le TGV Est, qu'a fait ce gouvernement ? Il ne s'est pas contenté de dire aux régions : nous allons discuter et voir à quelle hauteur peut se situer votre participation. Pour le TGV, comme pour les autoroutes, ce qui est devenu la règle, c'est le financement hors contrat de plan, dans le cadre d'un partenariat. C'est ainsi que nous avons procédé pour le TGV Est européen.
Des régions comme Champagne-Ardenne, Lorraine - et vous avez des amis dans cette région, monsieur Raffarin -...
M. Jean-Pierre Raffarin. Et en Alsace !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... de même que l'Alsace, n'ont pas eu l'attitude que vous avez eue à l'instant. Elles se sont regroupées avec la région parisienne et ont discuté avec le Gouvernement, qui a multiplié par plus de deux son engagement : de 3,8 milliards de francs l'Etat est passé à 8 milliards de francs. C'est sur cette base que nous sommes arrivés à un accord.
Le Gouvernement et le ministre des transports sont relativement fiers de dire que le TGV Est est non plus une promesse mais une réalité. D'ailleurs, si vous le voulez, monsieur Raffarin, je vous invite pour le jour où nous poserons la première pierre, peut-être avant les futures échéances électorales...
M. Jean-Pierre Raffarin. Grâce aux régions, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En tout cas, pour ce qui est du TGV Est, nous n'en sommes plus au stade des discours : nous sommes dans la voie de la concrétisation.
Tout au long de la discussion, j'ai été très attentif aux questions qui étaient posées, souvent avec beaucoup de force, tant sur les travées de l'opposition sénatoriale, qui soutient le Gouvernement, que sur celles de la majorité sénatoriale.
Au-delà de la confrontation politique, qui est évidemment normale, l'objectif que vise le Gouvernement et que je crois, nous devons tous viser, c'est le développement du transport ferroviaire. Quant au principe qui nous guide, c'est l'approfondissement de la décentralisation sans transfert de charges. J'y veillerai.
M. Hilaire Flandre. Le procès-verbal fera foi !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je l'affirme devant vous : je veux également être le garant du respect de ce principe.
Cela veut dire que l'on doit aussi tenir compte du développement futur et de l'amélioration de la qualité de service. Cela justifie éventuellement une anticipation des besoins dans le choix de la base de référence. Je vais m'en entretenir avec mon collègue ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Laurent Fabius.
Je souhaite donc, en vertu de cette détermination qui est la mienne, que la réflexion qui a été engagée puisse se poursuivre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amenement n° 979, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
( Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement. )

TITRE IV

ASSURER UNE OFFRE D'HABITAT DIVERSIFÉE
ET DE QUALITÉ

Article 60