Séance du 31 mai 2000







M. le président. « Art. 9. - L'article 15 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 15 . - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle.
« Il veille à ce que des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par un service de radiodiffusion sonore et de télévision, sauf lorsqu'il est assuré, par le choix de l'heure de diffusion ou par tout procédé technique approprié, que des mineurs ne sont normalement pas susceptibles de les voir ou de les entendre.
« Lorsque des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sont mis à disposition du public par des services de télévision, le Conseil veille à ce qu'ils soient précédés d'un avertissement au public et qu'ils soient identifiés par la présence d'un symbole visuel tout au long de leur durée.
« Il veille en outre à ce qu'aucun programme susceptible de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soit mis à disposition du public par les services de radiodiffusion sonore et de télévision.
« Il veille enfin à ce que les programmes des services de radiodiffusion sonore et de télévision ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité. »
Par amendement n° 40, M. Hugot, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Il est inséré, à la fin du titre Ier de la même loi, un article 20-1 A ainsi rédigé :
« Art. 20-1 A . - Les services de radiodiffusion sonore et de télévision ne peuvent mettre à disposition du public des émissions susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs que si l'heure de diffusion de ces émissions ou l'utilisation d'un procédé technique approprié garantissent que des mineurs ne sont pas normalement exposés à les voir ou à les entendre.
« Les émissions susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs mises à disposition du public par des services de télévision diffusés en clair doivent être précédées d'un avertissement sonore ou être identifiées par un symbol visuel tout au long de leur durée.
« Les services de radiodiffusion sonore ou de télévision ne peuvent mettre à disposition du public des émissions susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment en raison des scènes de pornographie ou de violence gratuite qu'ils comportent.
« Les services de radiodiffusion sonore ou de télévision ne peuvent mettre à disposition du public des émissions comportant des incitations à la discrimination ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 166, présenté par MM. de Broissia et Joyandet et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, et tendant, dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 40 pour l'article 20-1 A de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, après le mot : « sonore », à remplacer le mot : « ou » par le mot : « et ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 40.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Nous croyons fermement que le premier souci du législateur doit être, en matière de transposition d'une directive, de veiller au respect intégral des engagements pris dans les institutions européennes. Cet amendement rétablit donc le texte adopté à cet article par le Sénat en première lecture.
La fidélité du texte de l'Assemblée nationale aux articles 22 et 22 bis de la directive « Télévision sans frontières » reste, en effet, plus que douteuse. En confiant au CSA une simple « mission de veille », le projet de loi se situe en deçà des exigences de la directive.
Il faut rappeler, à cet égard, que, dans le cadre des missions de veille que la loi de 1986 lui attribue, le CSA dispose d'un pouvoir d'incitation qui débouchera difficilement sur la mise en oeuvre de la procédure de sanction à l'égard des diffuseurs rétifs.
Par ailleurs, le premier alinéa de l'article 22 de la directive invite les Etats membres à prohiber la diffusion d'émissions de télévision susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement des mineurs, « notamment des programmes comprenant des scènes de pornographie et de violence gratuite ». Or le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 15 de la loi de 1986 ne mentionne pas cette précision.
Nos engagements, rien que nos engagements, mais tous nos engagements, tel est notre programme à cet article, monsieur le président !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme pour la chasse !
M. le président. La parole est à M. de Broissia, pour défendre le sous-amendement n° 166.
M. Louis de Broissia. Il s'agit, par cohérence, d'aligner la rédaction du premier et du troisième alinéa du texte proposé par la commission pour l'article 20-1 A afin qu'il soit bien question à chaque fois des « services de radiodiffusion sonore et de télévision ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 166 ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 40 et sur le sous-amendement n° 166 ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement y est défavorable, bien qu'il soit particulièrement préoccupé par la protection des mineurs.
En ce qui concerne la directive, il n'est pas sûr, à ce jour, qu'elle interdise formellement et de façon absolue la diffusion de programmes tels que ceux qui ont été cités, à caractère pornographique ou présentant des actes de violence gratuite, caractéristiques d'ailleurs données à titre tout à fait indicatif dans le texte de la directive.
Ce que nous souhaitons, c'est distinguer, d'un côté, les programmes susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement des mineurs, qui doivent être absolument interdits et dont la diffusion est réprimée par le code pénal, et, d'un autre côté, les messages qui ne doivent être accessibles qu'avec des avertissements et des précautions particulières.
S'agissant des programmes qui ne relèvent pas de la prohibition, l'important est de soumettre leur diffusion à des contraintes adaptées. Cette diffusion devra être très tardive, cryptée et contrôlable par les familles, afin d'empêcher les plus jeunes d'assister par hasard à des scènes pouvant les choquer gravement. Je crois qu'il incombe au CSA d'y veiller, lui qui, par ailleurs, a mis en place un système de classification dont tout le monde apprécie la pertinence croissante.
Je regrette que le dispositif proposé par la commission n'ait pas prévu de s'appuyer sur cette pratique du CSA pour instaurer les précautions nécessaires.
Je suis donc défavorable à cet amendement, même si je suis évidemment, comme vous tous, extrêmement soucieuse d'aboutir à des dispositions concrètes permettant une meilleure protection des mineurs face au déferlement des nouvelles images.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 166, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 40.
M. Ivan Renar. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je suis tout aussi soucieux de la bonne santé mentale de nos enfants et de leur intégrité morale. Je m'interroge cependant souvent : qui définit ce qui est pornographique et ce qui est violent ? Comment ces notions sont-elles fixées ?
Pour parler très franchement, je crains toujours une dérive qui conduirait, comme nous en avons régulièrement des exemples négatifs, à des atteintes à la liberté de création.
Certes, la préoccupation est légitime, mais je ne crois pas que la méthode utilisée soit la bonne. Non que je ne sacrifie pour autant au vieux slogan « il est interdit d'interdire » - c'était plaisant dans les manifestations, mais la vie est un peu plus compliquée ! Non, je crains que la façon dont ces préoccupations encore une fois légitimes sont affirmées et affichées n'ait des incidences graves dans la détermination du champ laissé à la liberté de création.
La pornographie, nous le savons, est souvent l'érotisme du pauvre. Et où commence la pornographie ? Où finit l'érotisme ? Où sont la pornographie et l'érotisme dans une oeuvre d'art ? Où est la violence ?
D'ailleurs, des scènes de violence incroyables sont diffusées en toute liberté à la télévision, dans des feuilletons d'une si piètre qualité que l'on ne peut plus parler de liberté de création mais d'objets de grande consommation : des poitrines qui éclatent, du sang qui gicle partout sur les murs et sur les tables ! Et cela n'émeut pas beaucoup, même pas l'autorité de régulation.
Je pense que le CSA a édicté un nombre suffisant de règlements pour faire face aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Il n'est pas un parlementaire dans cet hémicycle pour ne pas souhaiter que ne soient diffusés que des émissions susceptibles d'être regardées sans dommage par tous les enfants de ce pays, tant l'influence de la télévision est grande sur la formation de l'inconscient. Mais, en fait, le débat n'est pas là.
M. Pierre Hérisson. Eh oui !
Mme Danièle Pourtaud. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, me semble-t-il, été la première autorité de régulation à se pencher sur la violence. Elle a effectivement conçu toute une signalétique destinée à mettre en garde les téléspectateurs, qui a d'ailleurs été reprise dans de nombreux pays. Ce travail mérite d'être salué, même si aucun dispositif ne peut être efficace à 100 % ; prétendre à un tel résultat serait illusoire.
Nous débattons pour savoir si le CSA doit continuer à faire ce travail ou si la loi doit intervenir pour interdire, le CSA n'ayant plus, alors, la charge de veiller au respect du dispositif qu'il a édicté. La solution retenue par l'Assemblée nationale, qui confie au CSA le soin de veiller au respect de toutes ces dispositions, me semble, et de loin, préférable.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Je voterai l'amendement de la commission. Je voulais simplement établir un parallèle avec l'environnement. Faut-il réduire la pollution à la source ou prendre des dispositions pour la réduire ensuite ? C'est l'histoire du moteur propre et du pot catalytique.
Il est possible de débattre éternellement mais, tant que nous n'aurons pas de dispositif en termes de production, nous pourrons mettre en place toutes les signalétiques et toutes les dispositions pour interdire la diffusion à certains horaires ou n'autoriser les diffusions qu'à partir de deux heures du matin, bref nous pourrons faire tout ce que nous voulons, à partir du moment où ne seront pas prises, à la source, des dispositions restrictives, nous perdrons notre temps.
Quoi qu'il en soit, je voterai l'amendement.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Ce sujet représente à juste titre, comme en première lecture, un moment important de la discussion.
Je le dis à Mme Pourtaud - je regrette que notre collègue M. Charasse ne soit pas là - il n'est pas possible d'évacuer le sujet sous le prétexte qu'un législateur admet difficilement qu'on ait confié à une autorité administrative indépendante le soin de régler un problème aussi grave.
Madame Pourtaud, l'éducation des enfants est bien dans les préoccupations de la Haute Assemblée,...
M. Pierre Hérisson. Absolument !
M. Louis de Broissia. ... tout comme la répression de la délinquance des mineurs et l'accompagnement familial. Nous sommes là en plein dans notre rôle de législateur.
Nous savons, parce que nous le constatons tous les jours dans nos quartiers comme dans nos villages, que certaines émissions radiophoniques et, surtout, de télévision peuvent susciter des comportements gravissimes et meurtriers - je pense ici au film Natural Born Killers. C'est là un fait prouvé. Dans mon département, en Côte-d'Or, une bande de délinquants âgés de treize à dix-sept ans a été arrêtée à ce titre. Ce sont des comportements extrêmement précoces que nous constatons de plus en plus en France.
Dès lors, il nous appartient, à nous, législateurs, de fixer les limites. Si le CSA ensuite les faits respecter par des dispositifs que nous encourageons très clairement - signalétique, avertissements sonores et visuels -, c'est une bonne chose ; mais je ne vois pas en quoi un législateur, sur un sujet de société aussi grave, dirait frileusement : « Laissons le CSA s'occuper de cela ! »
En première lecture, nous étions les uns et les autres moins frileux. Eh bien ! au Sénat, nous ne changeons pas d'attitude !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons déjà eu la même discussion en première lecture, et chacun va sans doute rester sur ses positions.
Nous aurions tout de même apprécié que vous soyez logiques avec vous-mêmes, messieurs, vous qui nous avez assez dit qu'il fallait s'en remettre au CSA et ne pas lui donner d'ordres. Mais non, vous tournez le dos à ce que vous aviez pourtant présenté comme votre philosophie.
Et faites attention : il faut que quelqu'un puisse apprécier. Qui va le faire ? Et qui va interdire ? Vous ne le dites pas. Est-ce que ce seront les tribunaux ? Je ne crois pas que des sanctions soient prévues.
En revanche, le CSA, lui, est obligé de faire ce que la loi lui demande de faire. M. Renar a bien eu raison de vous le demander : qu'est-ce que la pornographie ? Est-ce que L'origine du monde aurait dû être interdite ? A-t-on bien fait de refuser au Salon Le Déjeuner sur l'herbe ? Vous voyez les extrêmes dans lesquels vous risquez de tomber ! Je préfère une appréciation du CSA à des censeurs qui viennent dire : « C'est défendu. »
Quant à la violence « gratuite », pardonnez-moi, mais toute violence, personnellement, me choque, et je ne sais pas ce qu'est une violence gratuite. J'ajoute que ce ne sont pas seulement les mineurs qu'il faut protéger mais bien tous les téléspectateurs, parce qu'il y a quand même bien des majeurs qui sont mineurs à cet égard, c'est-à-dire qui sont impressionnables. Quant à ceux qui ne le sont pas, il vaudrait mieux qu'ils le soient, et dans le bon sens !
Par conséquent, le texte tel qu'il est rédigé, aux termes duquel on s'en remet au Conseil supérieur de l'audiovisuel, nous paraît de beaucoup préférable.
D'ailleurs, nous n'avons aucune illusion, et vous ne devriez pas en avoir non plus : l'Assemblée nationale reprendra évidemment le texte qu'elle a déjà repris après que vous avez exprimé une première fois votre désaccord. Alors, que vous le souteniez, je le veux bien, mais que vous interveniez en nombre pour dire la même chose, franchement, cela ne me paraît pas utile !
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je voudrais, à ce point de la discussion, souligner l'importance que j'attache au contenu du débat.
Nous divergeons, en fait, sur la voie à suivre pour répondre à cette multiplication absolument incontestable, sur nos écrans, d'images excessivement violentes, voire choquantes, ce que l'on qualifie de « terrain pornographique ».
Je partage totalement la préoccupation des auteurs de l'amendement. Je pense simplement que le processus actuellement engagé, qui est en fait un processus de responsabilisation des éditeurs de programmes et des diffuseurs, sous l'autorité du Conseil supérieur de l'audiovisuel, est infiniment plus efficace par rapport à cet abus d'images et aux dangers qu'elles représentent, que ne le serait une position de principe telle qu'elle s'exprime par cet amendement.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je voudrais simplement préciser que le Conseil des Communautés européennes, avec notre Gouvernement, a approuvé cette formulation pour la directive. Aujourd'hui, nous sommes d'accord pour que cette disposition soit mise en pratique et que celui qui est chargé d'estimer la gravité des faits reste le CSA.
Ce qui est aujourd'hui significatif, c'est qu'une partie des parlementaires refusent de reprendre ce que notre propre Gouvernement a soutenu au niveau de la directive et font donc, en l'occurrence, un acte volontaire de retrait du législateur, alors qu'on ne lui demande que d'exprimer la cohérence de la position de la France.
Rien ne dit, mon cher collègue Dreyfus-Schmidt, que nous érigeons le Parlement en censeur. Le CSA reste en la matière le dernier responsable de l'estimation de la gravité du dommage. Il importait simplement de dire que le législateur, le Sénat, ne se met pas en retrait par rapport à la position de notre Gouvernement au sein de l'instance des Communautés européennes. C'est tout ! C'est cela qui est significatif, ce n'est pas notre action.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 9 est ainsi rédigé.

Article 10