Séance du 5 juin 2000







M. le président. « Art. 22 decies . - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel arrête et publie avant le 31 décembre 2000 la liste des fréquences disponibles pour les services de télévision à vocation nationale et à vocation locale diffusés par voie hertzienne terrestre. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 197, Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Les deux amendements suivants sont déposés par M. Hugot, au nom de la commission.
L'amendement n° 86 tend, dans ce même article, à supprimer les mots : « à vocation nationale et ».
L'amendement n° 87 vise à compléter in fine ce même article par les mots : « en mode analogique ».
La parole est à M. Weber, pour présenter l'amendement n° 197.
M. Henri Weber. L'Assemblée nationale a prévu, en deuxième lecture, la publication par le CSA des fréquences hertziennes disponibles avant le 31 décembre 2000.
On comprend le souci des députés, qui souhaitent favoriser le développement rapide du numérique en permettant la réalisation d'un audit du spectre disponible dans les meilleurs délais. Cette idée est excellente, mais, outre qu'il n'est pas précisé quel type de fréquence - analogique ou numérique - est concerné, elle semble impossible à réaliser, de l'avis même du CSA : celui-ci reconnaît ne pas bénéficier des moyens matériels de réaliser ce travail en si peu de temps ; à cette date, en effet, le CSA ne devrait pouvoir publier que les trente points hauts permettant de couvrir 50 % seulement de la population, et il faudra sans doute encore six à sept mois de travail pour établir la liste des fréquences, ce qui nous conduit, au mieux, au milieu de l'année 2001.
Je crois savoir que le CSA est tout à fait favorable au principe d'une concertation avec les différents acteurs concernés et à une publicité sur l'avancement des travaux de planification.
Le calendrier fixé par le projet de loi semble totalement incompatible avec les impératifs que je viens d'énumérer. En conséquence, nous demandons la suppression de cet article, qui précipite trop les choses.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 86 et 87 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 197.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. L'Assemblée nationale a imposé au CSA de publier avant le 31 décembre 2000 la liste des fréquences disponibles pour les services de télévision nationaux ou locaux diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique ou en mode numérique.
L'amendement n° 86 prévoit la publication des fréquences disponibles pour la diffusion des seuls services locaux de télévision en mode analogique, dont il est utile de soutenir le développement rapide. En ce qui concerne la diffusion numérique, la nécessité de publier la liste des fréquences avant la fin de l'année imposerait au CSA d'établir un plan de fréquences en fonction des seuls sites de réémission existants. La recherche de la planification la plus efficace nécessite des études supplémentaires et un peu de temps.
Quant à l'amendement n° 87, il a le même objet.
S'agissant de l'amendement n° 197, la commission a souhaité que le CSA annonce au plus vite les fréquences disponibles pour la télévision locale analogique. Je lui avais donc personnellement proposé d'émettre un avis défavorable, cet amendement étant contraire à ce souhait. Cependant, elle a prononcé un avis favorable, en raison des circonstances dans lesquelles est intervenu le vote.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 197, 86 et 87 ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 197, et il souscrit totalement aux arguments exprimés par M. Weber. Comme lui, il considère que la date du 31 décembre 2000 ne peut être tenue en raison des expertises techniques nécessaires : il s'agit de travaux très lourds ; par ailleurs, il faut mener à bien la consultation contradictoire qui sera engagée dès le mois de septembre prochain avec l'ensemble des acteurs concernés. Ces deux démarches doivent pouvoir cheminer jusqu'à leur terme avant que le CSA arrête et publie la liste des fréquences disponibles.
En revanche, le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 86 et 87, pour les raisons mêmes que je viens d'évoquer.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 197.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. J'aurais également pu m'exprimer contre cet amendement car, chaque fois qu'il est question de la liste des fréquences disponibles en matière de radio ou de télévision, on a des prudences de vieille fille : on a le sentiment qu'on va demander au CSA d'accomplir une oeuvre extraordinaire.
J'ai assisté à la répartition des fréquences radiophoniques dans ma région. Or le CTR, le comité technique radiophonique concerné, est toujours en place ! De plus, la tenue à jour de la liste des fréquences disponibles fait partie de la mission du CSA. On a l'air de découvrir que la télévision analogique existe encore dans ce pays ! N'a-t-on pas parlé tout à l'heure des zones d'ombre ?
Je ne défends pas très souvent les propositions de nos collègues de l'Assemblée nationale, mais, ici, il s'agit simplement d'inviter le CSA à publier la liste des fréquences disponibles. Ce dispositif ne me semble pas constituer le treizième des travaux d'Hercule ! C'est une tâche normale ! Et, même si certains mettent en avant l'encombrement du CSA, il s'agit simplement de lui demander d'être plus transparent. C'est une autorité administrative indépendante, mais ce n'est pas une autorité opaque.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. M. de Broissia connaît parfaitement le fonctionnement du CSA et des CTR, mais il feint de croire que tout est déjà planifié.
Qu'il me permette deux remarques.
Tout d'abord, monsieur de Broissia, en général, l'expertise des fréquences disponibles est réalisée à l'occasion d'un renouvellement d'attribution ou de l'apparition d'un projet spécifique. Il n'y a pas un chantier permanent de repérage complet sur tout le territoire, vous le savez très bien.
Vous êtes également bien placé pour savoir que le développement du numérique est quelque chose de nouveau, que ce n'est pas un dossier technique sur lequel on travaille depuis fort longtemps ; il ne faut donc pas s'étonner qu'il ne soit pas déjà sur la table. L'intérêt de tous - pouvoirs publics, opérateurs, Autorité de régulation - puisque l'on convient - la Haute Assemblée s'en est notamment fait l'expression - qu'un nouvel horizon s'ouvre pour le développement de la communication dans ce pays, est de mettre le dossier à plat.
Je le répète : dossier technique et enquête contradictoire auprès des opérateurs sont les véritables conditions d'un démarrage sérieux des attributions de fréquences.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philipppe Marini. J'avoue n'être pas du tout convaincu par les arguments que vient d'avancer Mme le ministre.
La disposition va dans le sens de la transparence, comme le disait notre collègue Louis de Broissia, puisque l'Assemblée nationale souhaite que le CSA arrête et publie, avant le 31 décembre 2000, la liste des fréquences disponibles dans le domaine qui nous concerne.
J'avoue ne pas comprendre la motivation de l'amendement. Que cache-t-il ?
Il y a une réalité technique, que le CSA, avec les moyens dont il dispose actuellement, peut analyser. Il peut donc se préparer à publier sa liste au 31 décembre 2000. Si, ensuite, après des analyses approfondies au cours de l'année 2001, il apparaît qu'il y a des éléments nouveaux, qu'est-ce qui empêchera le CSA de publier, au 31 décembre 2001, une liste révisée ? Ainsi, l'ensemble des ayants droit et des demandeurs protentiels de fréquences auront-ils connaissance, en toute transparence, de la réalité.
Aussi, espérant ne pas me tromper sur les faits - si tel est le cas, qu'on veuille bien me le dire - je m'apprête à voter contre l'amendement.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Je souhaite attirer l'attention de certains de mes collègues sur le fait que cette question n'a aucun caractère politique.
Le problème est purement technique. La meilleure preuve en est que la majorité de l'Assemblée nationale a adopté cette disposition que la minorité du Sénat, sans doute après réflexion, propose de supprimer.
Pour ma part, je voterai cet amendement, car tout n'est pas complètement étanche : il n'y a pas, d'un côté, les fréquences analogiques et, de l'autre, les fréquences numériques. Elles forment un ensemble, avec des interférences des unes sur les autres.
Certes, aujourd'hui, les fréquences analogiques pourraient être publiées dans un délai très rapide, mais il va y avoir de nouveaux multiplexes numériques, qu'il faudra faire coexister sur l'ensemble du spectre, et cela aura une interférence sur les fréquences analogiques.
Un important travail reste donc à faire avant que l'on puisse effectivement avoir une indication sur l'ensemble des fréquences qui pourront être rendues disponibles.
J'ajoute que le problème se pose de savoir si l'on fera de la télévision mobile ou de la télévision fixe. En effet, les fréquences et les plans de fréquences numériques, de même que les types de réseaux à mettre en place, ne sont pas les mêmes. Tout cela est d'une grande complexité.
Si donc nous voulons effectivement voir le CSA nous communiquer, le plus rapidement possible, l'ensemble des fréquences disponibles pour que les acteurs locaux que nous sommes, dans nos départements, dans nos régions, qui souhaitent voir ici ou là exister une télévision locale ou une télévision régionale, sachent si cela est possible ou non, nous ne voulons pas pour autant que l'on confonde transparence et précipitation.
Il faut, c'est vrai, faire pression sur le CSA dans ce domaine, et j'espère que le Gouvernement l'a fait. En tout cas, de notre côté, nous devons exercer cette pression.
Mais la date du 31 décembre 2000, fixée par l'Assemblée nationale, me paraît extrêmement prématurée, compte tenu de la complexité du problème. C'est pourquoi, pour ma part, je voterai l'amendement.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. J'avoue qu'après le vibrant plaidoyer de M. Pelchat je n'ai plus grand-chose à ajouter.
Je veux simplement rassurer M. Marini, en lui disant, après M. Pelchat, qu'il n'y a absolument pas de motivation politique à cet amendement, mais aussi qu'il n'y a aucune divergence entre le groupe socialiste du Sénat et le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, que la volonté de transparence du groupe socialiste du Sénat est égale à la celle du groupe socialiste de l'Assemblée nationale.
Cet amendement vise à supprimer non pas la publication par le CSA, mais la date-butoir,...
M. Michel Pelchat. Absolument !
Mme Danièle Pourtaud. ... qui, de l'aveu même du CSA, ne peut pas être respectée.
C'est donc une simple disposition technique qui ne cache aucun complot contre la transparence.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je veux simplement confirmer que le Gouvernement souhaite que la planification puisse être établie, et donc publiée - comme le prévoit le texte - dans les meilleurs délais possibles. Il y veillera. C'est également la préoccupation du CSA, je le sais.
Nous divergeons donc seulement sur la date butoir.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Notre démarche, comme celle de l'Assemblée nationale, d'ailleurs, tendait à faire reconnaître la forte demande de développement de la télévision locale, ...
M. Michel Pelchat. Bien sûr !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. ... dans laquelle la presse quotidienne régionale souhaiterait s'impliquer. Nous voulions donc activer le rythme, et je regrette que nos ne soyons pas unanimes sur ce point.
M. Henri Weber. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Je ne comprends pas l'attitude de certains de nos collègues qui viennent d'intervenir.
On dit souvent que l'un de nos péchés mignons, en France, est de légiférer à tort et à travers et d'imposer par la loi ce que l'on sait être impossible. Nous avons là la caricature de ce travers.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Dites-le à l'Assemblée nationale !
M. Henri Weber. C'est toute l'utilité de la navette !
Nous savons, grâce au CSA lui-même, la complexité du processus. Les progrès de la compression, la façon de procéder, la libération de l'analogique par l'utilisation du numérique, tout cela n'est pas connu d'avance.
Pourtant, nous fixons dans la loi une date butoir précise, celle du 31 décembre 2000, que nous savons ne pas pouvoir tenir. Le faire, c'est se moquer de la loi. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 197, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 22 decies est supprimé et les amendements n°s 86 et 87 n'ont plus d'objet.

Article 23