Séance du 8 juin 2000







M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, les Français se demandent si on ne va pas leur faire le coup de la vignette automobile et de l'impôt sur l'essence à l'occasion de l'attribution des fréquences du téléphonie mobile de la nouvelle génération.
Vous aviez deux choix : soit faire rentrer le plus d'argent possible dans les caisses de l'Etat en organisant une vente aux enchères pure et dure, comme les Allemands et les Anglais, soit protéger les opérateurs français - France Télécom, Cégétel et Bouygues - en même temps d'ailleurs que les consommateurs, en fixant un prix bas.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Ladislas Poniatowski. Or vous n'avez choisi ni l'une ni l'autre solution.
M. Gérard Larcher. Ils ne choisissent jamais !
M. Ladislas Poniatowski. Vous avez fait un peu les deux à la fois,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski. ... en mécontentant beaucoup et surtout en suscitant de nombreuses inquiétudes. En effet, il faut savoir que les candidats vont devoir débourser non seulement 32,5 milliards de francs pour pouvoir disposer de ces fréquences, mais aussi investir deux à trois fois plus pour installer le réseau sur toute la France.
M. Alain Gournac. Pas toute !
M. Ladislas Poniatowski. A l'arrivée, ce dont je suis sûr, c'est que c'est malheureusement le consommateur qui paiera.
M. Alain Gournac. En partie !
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le ministre, ma question est la suivante : qu'allez-vous faire de tout cet argent ? (Rires sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Ça ne les gêne pas de les dépenser !
M. Ladislas Poniatowski. En effet, 130 milliards de francs ne sont pas une somme négligeable. Vous nous avez déjà donné deux indications.
La première, c'est que vous allez abonder le fonds de réserve des retraites. Cela est bien, mais ce fonds de réserve n'entrera en jeu qu'à partir de la période 2010-2012, c'est-à-dire lorsque payer les retraites des Français posera problème. En attendant, que deviendra cet argent ? Il ne faut pas qu'il perde de sa valeur ! Il faut donc le faire fructifier, mais qu'allez-vous en faire ? Je signale au passage que vous auriez d'ailleurs pu le placer chez les opérateurs que vous allez retenir. (M. Gérard Larcher rit.)
Vous nous avez donné une seconde indication en nous disant que vous utiliseriez une partie de ces fonds pour réduire le déficit budgétaire. Mais tous ici, sur ces travées, nous savons ce que cela signifie : vous serez en mesure de faire un certain nombre de cadeaux fiscaux en 2001 et en 2002.
M. Alain Gournac. Pour les élections !
M. Ladislas Poniatowski. Or 2001 et 2002 sont deux années où se tiendront des élections locales et des élections nationales.
M. Alain Gournac. C'est un hasard !
M. Ladislas Poniatowski. Je crois, monsieur le ministre, que le Parlement est en droit de savoir combien d'argent va être consacré à cette réduction du déficit budgétaire et surtout comment cet argent sera employé. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, malheureusement, je n'ai pas le temps, en deux minutes et demie, d'aller au fond du sujet, mais je suis à votre disposition, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale, pour en discuter plus avant.
M. Gérard Larcher. Il faudra le faire !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous le ferons, de toutes les manières, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le groupe parlementaire auquel vous appartenez a pris, à l'Assemblée nationale, une position différente de celle du Gouvernement : il recommandait les enchères. Ces enchères auraient probablement fait rentrer, comme vous dites, plus d'argent, mais auraient pénalisé à coup sûr un certain nombre d'opérateurs industriels et les consommateurs.
Pour notre part, nous n'avons pas retenu cette solution, qui était proposée par la plupart de vos amis, ni l'autre solution, qui aurait consisté à priver les contribuables de toute rentrée ; nous ne voulons pas brader le patrimoine public. Nous avons choisi la solution la plus conforme à l'intérêt général.
J'ai entendu tel ou tel opérateur, et j'en ai d'ailleurs trouvé un petit écho dans votre question, dire que le prix était déraisonnable. Si c'est le cas, j'imagine que cet opérateur ne sera pas candidat (sourires), car si tel ou tel opérateur est candidat et qu'il dirige comme il le faut son entreprise, c'est qu'il estime que cela en vaut la peine.
Par ailleurs, j'ai dit d'entrée de jeu que, prenant en compte la solidarité, valeur, mesdames, messieurs les sénateurs, qui vous est certainement précieuse, et sachant que se poseront, à terme, des problèmes pour les retraites, il nous paraissait, au Premier ministre et à moi-même, tout à fait essentiel d'affecter ces sommes pour les deux tiers, probablement, et peut-être même plus, au fonds de réserve des retraites. En attendant, et vous avez raison de poser la question, monsieur le sénateur, l'argent ne dormira pas.
La gestion de ces fonds fera probablement - cela n'a pas encore été décidé - intervenir largement la Caisse des dépôts et consignations et en sorte qu'ils soient eux-mêmes producteurs. Nous pensons donc à nos enfants, pour le jour où le paiement des retraites posera des problèmes. Cette gestion est conforme à la fois à l'intérêt général et à la solidarité que nous avons tous à l'esprit. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

POMPAGE DE L'ERIKA