Séance du 14 juin 2000







M. le président. « Art. 18 bis. - Dans chaque département et dans chaque région de Guadeloupe, Martinique, Guyane et la Réunion, les représentants de l'Etat, des syndicats d'enseignants, de l'université, de la fédération des parents d'élèves, des collectivités en charge de la construction des écoles primaires et secondaires sont constitués en commission ayant pour mission d'adapter les programmes et les méthodes pédagogiques aux spécificités propres aux zones géographiques, culturelles et économiques des départements d'outre-mer. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 39, M. Reux, au nom de la commission des affaires culturelles, propose de rédiger ainsi cet article :
« Le conseil de l'éducation nationale institué dans les départements et les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, peut rendre tout avis sur les programmes des enseignements dispensés dans les écoles, collèges et lycées, implantés dans ces départements et régions et émettre toute proposition en vue de l'adaptation de ceux-ci aux spécificités locales. »
Par amendement n° 240, MM. Désiré, Lise, Larifla et les membres du groupe socialiste proposent de compléter l'article 18 bis par les mots suivants : « et de favoriser l'apprentissage notamment, des langues anglaise et espagnole dès le cours préparatoire de l'enseignement primaire. »
La parole est à M. Reux, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 39.
M. Victor Reux, rapporteur pour avis. Sur la proposition de M. Camille Dersières, député de la Martinique, l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du Gouvernement, un article nouveau tendant à créer dans chaque région de Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion, une commission qui aurait pour mission d'adapter les programmes scolaires et les méthodes pédagogiques aux spécificités des départements concernés.
La commission des affaires culturelles tient à rappeler que des instructions qui devaient entrer en vigueur à la prochaine rentrée scolaire autorisent déjà des aménagements non négligeables des programmes d'histoire et de géographie dans chacun des départements concernés, ainsi qu'un aménagement général pour les programmes nationaux s'appliquant dans l'ensemble des établissements de métropole et d'outre-mer.
Faut-il aller plus loin au risque de porter atteinte au caractère national des programmes et à leur mode d'élaboration, qui sont fixés par les articles 4 à 6 de la loi d'orientation de 1989 et qui assurent, en fait, une égalité des chances pour tous les élèves de la République ?
Plutôt que de créer une nouvelle structure dotée d'une véritable mission d'adaptation des programmes, la commission des affaires culturelles vous propose que le conseil de l'éducation nationale existant dans chaque département d'outre-mer et comprenant notamment les élus locaux ait la faculté de rendre tout avis sur les programmes et d'émettre toute proposition en vue de l'adaptation de ceux-ci aux spécificités locales.
La commission des affaires culturelles vous propose d'adopter l'article 18 bis dans sa nouvelle rédaction.
M. le président. La parole est à M. Désiré, pour présenter l'amendement n° 240.
M. Rodolphe Désiré. Indépendamment du fait que l'anglais et l'espagnol sont deux langues de la communauté européenne, ce sont les langues essentielles du bassin caribéen.
Leur enseignement, comme le préconise le professeur Claude Hagège, devrait commencer, en vue d'une maîtrise parfaite des langues étrangères, dès le primaire. Autrement dit, pour faire en sorte non seulement que la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane puissent s'inscrire véritablement dans leur espace géographique et mener plus facilement des actions de coopération régionales, mais aussi que les jeunes de ces départements français d'Amérique s'insèrent mieux dans l'ensemble du continent américain, on peut imaginer un enseignement tel que celui qui est pratiqué au Québec ou à l'île Maurice, où le français et l'anglais sont enseignés dès le primaire, afin que les élèves soient mieux armés pour partir plus tard à la conquête de territoires et de marchés extérieurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles sur l'amendement n° 240 ?
M. Victor Reux, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de favoriser l'apprentissage de l'anglais et de l'espagnol dans le premier degré, dès le cours préparatoire.
Comme vous le savez, un tel apprentissage des langues étrangères existe déjà en métropole dès le cours élémentaire, dans une perspective de diversification linguistique.
Je rappellerai aussi que, au collège, le choix se porte massivement sur l'anglais en première langue et sur l'espagnol en deuxième langue.
Comme l'article 18 du projet de loi prévoit déjà une prise en compte des langues régionales dans les écoles des départements d'outre-mer et que l'acquisition et la maîtrise de la langue française doivent rester une priorité pour notre système d'enseignement, on peut craindre que l'apprentissage précoce de l'anglais et de l'espagnol ne vienne réduire la juste place du français dans les langues régionales et renforcer la suprématie de l'anglais.
Je ne peux donc qu'exprimer mes réserves à l'égard de cet amendement et demander l'avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 39 et 240 ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 39, qui vise à donner au conseil de l'éducation nationale le pouvoir d'émettre des propositions en vue d'adapter l'enseignement aux spécificités locales.
En revanche, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 240. En effet, prescrire l'enseignement de certaines langues - et l'énumération pourrait être prolongée - dès le cours préparatoire de l'enseignement primaire relève non pas du domaine législatif mais de l'organisation des programmes.
Cela étant, je partage le sentiment de M. Désiré : il faudra effectivement renforcer l'enseignement des langues anglaise et espagnole, sans oublier le portugais, s'agissant de la Guyane ; mais cela peut se faire sans que la loi le prescrive. Nous sommes en dehors du domaine normatif.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 bis est ainsi rédigé et l'amendement n° 240 n'a plus d'objet.

Article additionnel après l'article 18 bis
ou après l'article 21