Séance du 26 juin 2000






LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2000

Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2000 (n° 428, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. [Rapport n° 433 (1999-2000]).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de l'honneur et du plaisir que j'ai à me retrouver de nouveau devant votre Haute Assemblée, je regrette que la commission mixte paritaire ne soit pas parvenue à un accord sur le projet de loi de finances rectificative. J'ai en effet la conviction que les deux idées fortes sur lesquelles repose le texte adopté par l'Assemblée nationale auraient pu - auraient dû - emporter votre adhésion.
Baisser les impôts, renforcer les services publics : voilà deux vecteurs essentiels au service d'une stratégie de croissance. Permettez-moi de revenir rapidement sur ces choix fondamentaux, dont le texte qui vous est soumis est porteur.
La baisse des impôts est à la fois massive et solidaire.
L'année 2000 marque, en effet, un changement d'échelle dans le mouvement d'allégement fiscal mené par le Gouvernement et sa majorité : aux 40 milliards de francs de baisses d'impôt de la loi de finances initiale, il faut ajouter les 40 milliards de francs que nous vous proposons dans le cadre de ce collectif ; 80 milliards, c'est 1 % du PIB qui sera ainsi restitué aux Français.
Quel est l'objectif de ces baisses ? Avant tout de conforter la croissance ranimée depuis trois ans et favoriser l'emploi.
En allégeant les premières tranches de l'impôt sur le revenu et en réformant profondément le système des dégrèvements à la taxe d'habitation, il s'agit d'aider nos concitoyens lorsqu'ils retrouvent un emploi.
Concrètement, le Gouvernement s'attaque ainsi aux « trappes à inactivité ». Il faut, en effet, rompre avec un système dans lequel, contrairement à l'opinion de certains qui ne s'intéressent qu'à la tranche de l'impôt sur le revenu la plus élevée, les taux marginaux d'imposition les plus lourds s'appliquent en réalité aux revenus les plus bas. C'est dans le même esprit que la réforme des aides au logement annoncée lors de la récente conférence sur la famille a été établie. Comme vous le voyez, ce collectif s'inscrit dans un projet d'ensemble en faveur de l'emploi. Nous continuerons dans cette voie, car c'est en agissant pour l'emploi que nous conforterons la croissance.
Il s'agit, par ailleurs, de faire profiter tous les Français des fruits de la croissance. C'est le sens de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et de la baisse d'un point du taux de la TVA. Ainsi, le Gouvernement aura achevé de restituer aux Français la hausse décidée par le gouvernement Juppé en août 1995, puisque, aux 30 milliards de francs de baisses ciblées de TVA mises en oeuvre depuis 1998, il faut ajouter les 30 milliards de francs d'effet en année pleine de la baisse de TVA qui est en vigueur depuis le 1er avril et qu'il vous est proposé de pérenniser.
La croissance passe aussi par des services publics efficaces. C'est à eux que sont consacrés les 10 milliards de francs de dépenses nouvelles de ce collectif.
Il s'agit d'abord de faire preuve d'une solidarité exceptionnelle pour faire face à des circonstances exceptionnelles : marée noire de l' Erika , cyclone Lenny aux Antilles et tempêtes de cet hiver en métropole.
Mais la solidarité ne s'arrête pas aux périodes de crise. L'école, la santé, la ville sont au coeur de notre projet. C'est pourquoi il vous est proposé d'ouvrir 2,6 milliards de francs d'engagement au profit des hôpitaux, un milliard de francs au profit de l'éducation nationale et 450 millions de francs en faveur de la politique de la ville.
Compte tenu de la qualité de nos débats en première lecture, je ne m'appesantirai pas sur les autres dépenses, même si chacune d'elles est fondée et nécessaire. Je mentionnerai donc, juste pour mémoire, les 250 millions de francs consacrés à l'intercommunalité, les 200 millions de francs destinés au dépistage de la maladie de la vache folle, les 50 millions de francs débloqués pour la création artistique ou les 40 millions de francs dégagés en faveur de l'économie solidaire, sans oublier l'effort consenti pour la modernisation de nos prisons.
Ce sont ainsi 51 milliards de francs qui viennent soutenir notre stratégie de croissance. Cette stratégie est à l'origine de ce collectif : c'est parce que nous avons connu une croissance exceptionnelle que nous disposons de recettes exceptionnelles. De ce point de vue, on ne peut pas dire que nous faisons des chèques en bois... Mais, comme je vous l'ai dit, cette stratégie est aussi l'objectif de ce collectif car le Gouvernement et sa majorité s'attachent à rendre la croissance durable et solidaire.
C'est sur la base de cette politique qu'un million d'emplois ont été créés depuis trois ans et que nous avons pour objectif la création d'un million d'emplois supplémentaires d'ici à la fin 2002 pour passer sous la barre des deux millions de chômeurs. Le mécanisme recherché est simple : en ranimant la croissance depuis 1997, nous avons eu plus d'emplois ; en favorisant la création d'emplois, nous aurons plus de croissance.
C'est aussi sur la base de cette politique que sont conduites nos finances publiques. Le financement de nos priorités s'inscrit dans le cadre d'une dépense publique maîtrisée. La réforme fiscale est conduite sur la durée de la législature, avec le souci de la justice sociale et de l'efficacité économique.
Mais ces deux orientations dans lesquelles s'inscrit ce collectif ne sont pas les seules. La réduction des déficits publics, indispensable pour réduire les impôts de demain, est également au coeur de nos priorités.
Les chiffres le montrent : alors qu'en trois ans, entre 1993 et 1996, le déficit de l'Etat a été réduit de 20 milliards de francs, il l'a été de 90 milliards entre 1997 et 1999. En 1999, nous avons même fait deux années en une, avec une baisse de 40 milliards de francs.
Qu'en sera-t-il en 2000 ? Il est encore trop tôt pour le dire de manière définitive, mais notre évaluation, aujourd'hui, est que nous devrions avoir un déficit en exécution de l'ordre de 200 milliards de francs. Tel est notre objectif. Nous serons mieux à même d'en apprécier la réalisation lors de la discussion que nous aurons lors de la discussion du collectif d'automne.
Sur quoi se fonde cette estimation ? D'abord sur le fait - bien connu - que toutes les dépenses ne seront pas effectuées au centime jusqu'au plafond autorisé par le Parlement. C'est ainsi chaque année dans des proportions variables et sans que nous sachions dire a priori quels chapitres seront concernés et avec quelle ampleur. Dans le cadre de la procédure des contrats de gestion que le Gouvernement a lancée et relancée à mon initiative en avril dernier, nous devrions ainsi économiser quelques milliards de francs en exécution.
Ensuite, il n'est pas exclu - l'expérience de 1999 est là pour nous le rappeler - que nous ayons quelques recettes supplémentaires au moment de la clôture de l'exercice.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. « Quelques recettes » !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Mais, en l'état actuel de la conjoncture, rien ne nous permet à ce stade de revoir à la hausse la prévision de recettes qui figure aujourd'hui dans le projet de collectif de printemps. En effet, nous sommes pour le moment en ligne avec les prévisions de croissance de l'INSEE telles qu'elles ont été établies au moment de l'élaboration de ce collectif, c'est-à-dire une croissance comprise dans une fourchette allant de 3,4 % à 3,8 %, soit une croissance moyenne de 3,6 %.
Voilà les éléments qui fondent notre prévision d'exécution pour 2000. Comme vous le voyez, nous sommes déterminés : nous continuerons de réduire régulièrement le déficit, pour alléger les impôts de demain, de manière aussi déterminée que nous réduisons les impôts aujourd'hui.
Nous avons eu en première lecture un débat approfondi et de qualité. Je m'en félicite car la transparence de nos débats est le signe concret et tangible de la volonté de transparence du Gouvernement : plutôt que de recourir à des méthodes réglementaires souvent qualifiées d'opaques, il a fait le choix, avec ce collectif, du débat démocratique devant la représentation nationale.
J'ai le sentiment profond que la stratégie de finances publiques qui vous est proposée avec ce collectif correspond à l'intérêt de notre pays. Je sais que c'est la préoccupation qui vous anime tous. J'espère donc vous faire partager ma conviction en faveur du texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je n'avais prévu, pour cette nouvelle lecture, qu'un exposé relativement technique, faisant le point des positions respectives de nos deux assemblées et rappelant les raisons pour lesquelles la commission mixte paritaire n'avait pu aboutir. Naturellement, je présenterai ces éléments aussi brièvement que possible dans quelques instants mais, puisque Mme le secrétaire d'Etat a souhaité revenir sur les conditions générales qui ont présidé à l'élaboration de ce texte, ainsi que sur ses orientations majeures, elle comprendra que je ne puisse, de mon côté, m'abstenir de tout commentaire du même ordre.
Madame le secrétaire d'Etat, vous nous dites que le Gouvernement a fait le choix de présenter ce collectif pour des raisons de transparence. Or l'observation des faits montre qu'il l'a fait non par choix mais par contrainte et que ce collectif a simplement résulté des erreurs manifestes de prévision qui ont entouré l'élaboration de la loi de finances initiale pour 2000 et, plus encore, de la loi de finances rectificative de la fin de l'année 1999.
Ce collectif budgétaire ne correspond pas à un choix ; il est la résultante arithmétique des erreurs qui ont été commises, volontairement ou involontairement, par celles et ceux qui ont eu la charge de mener la politique budgétaire de ce pays.
Vous nous dites aussi que vous maintenez votre prévision de déficit pour l'ensemble de l'exercice 2000 à 200 milliards de francs, et que vous atteindrez sans doute ce chiffre grâce à quelques économies réalisées ici ou là, notamment par le biais des contrats de gestion, et sans doute également à quelques recettes supplémentaires.
Permettez-moi de manifester à nouveau le grand étonnement de la commission des finances devant un tel raisonnement. Soit vous nous soumettez un document budgétaire comportant une estimation de clôture de l'année en cours que vous considérez comme exacte, soit vous considérez que les chiffres issus de vos propres documents sont dépassés par les faits. Mais alors, pourquoi nous demander de les approuver ?
En effet, vous nous demandez d'approuver un collectif qui conduit à un objectif de déficit pour l'année 2000 de 215 milliards de francs et, au même moment, vous nous confirmez que l'ordre de grandeur vraisemblable sera de 200 milliards de francs. Pardonnez-moi de ne pas me satisfaire des explications que vous avez données et qui nous montrent - ce dont nous pouvions nous douter - qu'il existe des marges d'ajustement dans l'exécution de la loi de finances pour l'année 2000, tant en dépenses qu'en recettes.
Seulement voilà, lorsque nous, sénateurs - en particulier nous, membres de la majorité de la commission des finances -, affirmons que l'on peut faire des économies sur tel ou tel chapitre budgétaire, comme nous l'avons fait lors du premier examen de ce collectif, en souhaitant que 10 ou 11 milliards de francs soient prélevés sur les dépenses pour accélérer la réduction du déficit, on nous rétorque : « Vous êtes des affreux ! Vous êtes des méchants ! Sur quelles rubriques allez-vous faire porter ces économies ? Ce sont de pauvres gens qui vont pâtir de ces atteintes aux programmes les plus sociaux qui concrétisent la volonté de solidarité du Gouvernement ! » Et j'en passe ! C'est peut-être, d'ailleurs, ce que vous nous répéterez dans quelques instants.
En revanche, lorsque c'est vous qui faites les économies, portant éventuellement sur les mêmes rubriques, sur les mêmes chapitres, sur les mêmes articles, et que vous nous demandez de le constater en fin d'exercice, c'est très bien ! Vérité en deçà, erreur au-delà !
Vous me permettrez de penser que cette présentation des choses est quelque peu artificielle et manichéenne, et que le Sénat ne peut pas s'en contenter.
En ce qui concerne les méthodes utilisées, au sein de la comptabilité budgétaire de l'Etat, pour suivre l'exécution des lois de finances, notre commission des finances, très mobilisée sur ce sujet, veut s'efforcer de comprendre. C'est en vertu de cette volonté de connaissance par l'expérience des procédures telles qu'elles sont mises en oeuvre par l'administration que la commission d'enquête présidée par M. Alain Lambert, président de la commission des finances, poursuit ses investigations.
Notre souci est d'aider, par ce moyen, l'Etat à se réformer, d'aider les responsables de l'administration des finances à simplifier, à trouver les bonnes méthodes pour assurer la crédibilité de nos comptes publics vis-à-vis de leur environnement tant français qu'étranger.
A cet égard, madame le secrétaire d'Etat, je me permets de vous donner rendez-vous au mois d'octobre, lorsque seront publiées les conclusions de la commission d'enquête.
Je tiens au passage à souligner que les travaux de cette commission se sont déroulés jusqu'ici dans des conditions techniques absolument satisfaisantes grâce aux excellentes relations qui se sont établies entre ses membres et les directions de l'administration centrale du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
C'est un exercice un peu nouveau, certes : on n'est pas habitué à ce que des parlementaires fassent un travail approfondi d'audit des administrations centrales, surtout d'agissant de celle des finances. Mais je suis heureux de reconnaître qu'on joue le jeu pour ce qui concerne la collecte et la transmission des documents dont nous avons besoin dans le cadre des compétences qui sont reconnues à une commission d'enquête par la Constitution par le réglement de notre assemblée.
J'ai conscience que ces travaux sont nécessairement longs et exigent une certaine disponibilité de la part de vos collaboratrices et de vos collaborateurs. Or, je le répète, tous jouent le jeu. Cela nous permettra d'aboutir à ce rendez-vous du mois d'octobre, qui nous fournira l'occasion d'échanger nos appréciations respectives sur les données qui auront été recueillies.
J'en tiens maintenant aux aspects techniques de l'examen de ce collectif en nouvelle lecture.
Le projet de loi initial comportait quinze articles. L'Assemblée nationale y a ajouté vingt-deux articles nouveaux.
Le Sénat avait adopté conformes vingt et un articles, en avait modifié seize et en avait à son tour ajouté vingt-deux.
La commission mixte paritaire a donc été saisie de trente-huit articles le 13 juin dernier et, malgré des convergences latentes sur toute une série de dispositions, elle a très vite - trop vite, à mon gré - constaté un désaccord sur les approches concernant la politique budgétaire, désaccord tel qu'il n'était manifestement pas possible d'aboutir à un texte commun.
Je reconnais que la commission des finances de l'Assemblée nationale, grâce en particulier à son rapporteur général, a été conduite, au cours de la nouvelle lecture, à retenir un certain nombre d'analyses communes ; on a bien voulu dire, au Palais-Bourbon, que le texte du Sénat avait été étudié dans un esprit d'ouverture.
Cependant, je dois rappeler les principaux désaccords entre nous, et tout d'abord ceux qui intéressent la fiscalité.
S'agissant de la TVA, nous avions souhaité toute une série d'ajustements.
J'avoue ne pas comprendre pourquoi on se refuse à appliquer - d'autant que cela ne coûterait pas vraiment cher - le taux réduit de TVA aux protections utilisées par les incontinents, de même qu'au droit d'utilisation des installations sportives. J'imagine que, si de telles propositions, au lieu d'émaner du Sénat, avaient été formulées par des membres de l'autre Assemblée, elles auraient sans doute connu un sort meilleur.
J'avoue ne pas plus comprendre pourquoi le dispositif d'aide pour les propriétaires de bois et forêts sinistrés qui figurait aux articles 4 bis , 4 ter et 4 quater a été supprimé.
Bien sûr, le Sénat, en ce qui concerne le respect de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, demeure très attaché aux positions qu'il a prises sur l'article 6, et donc au maintien des ressources fiscales de nos collectivités.
L'Assemblée nationale a décidé de persister dans la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et elle a adopté une position qui est totalement contraire à nos orientations. Ces dernières ne doivent d'ailleurs pas être caricaturées. Vous vous souvenez, mers chers collègues, que nous avions voté, en première lecture, une réduction de 12 milliards de francs au bénéfice des contribuables. Or c'était, à quelques centaines de millions de francs près, à peu près ce que proposait le Gouvernement pour les mêmes contribuables.
A l'article 9, nous demandions l'inscription de 250 millions de francs supplémentaires, destinés à neutraliser, au plan de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, le succès des communautés d'agglomération. Nous n'avons pas été suivis, et c'est regrettable : on incite les collectivités à se regrouper sous cette forme, mais on n'en tire pas les conséquences !
Bien entendu, nous sommes en opposition sur le devenir de l'impôt sur le revenu, sur la baisse du taux de TVA dans le secteur de la restauration, ainsi que sur un ensemble de sujets de politique fiscale.
Je déplore également que l'Assemblée nationale ait rétabli, à l'article 17, la prise en compte de la redevance d'assainissement dans le calcul du coefficient d'intégration fiscale, qui a donné lieu ici à de longs débats en première lecture, notamment sur l'iniatitive de notre excellent collègue Jacques Oudin.
Mais il y a aussi quelques points de convergence avec l'Assemblée nationale ; encore faudrait-il que cela se traduise par des actes.
Le rapporteur général de l'Assemblée nationale déclare que notre article 7 bis , modernisant le statut des sociétés de capital-risque, va dans le bon sens. Cela ne l'a pas empêché d'en demander la suppression !
Cela est d'autant plus regrettable, madame le secrétaire d'Etat, que, vous le savez fort bien, cet article devra être réintroduit sous une forme très voisine dans le projet de loi de finances initiale pour 2001. Ce seront donc six mois de plus de perdus pour des sociétés qui composent un secteur très dynamique de l'économie.
De même, on nous dit que nous avons raison concernant la revalorisation des indemnités de fonctions des adjoints, des conseillers municipaux, des présidents et des vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale. Le plafond a été augmenté pour les maires, mais pas pour ceux que je viens de mentionner, ce qui est complètement absurde ! Soit on le fait pour tout le monde, soit on ne le fait pas du tout !
La commission des finances de l'Assemblée nationale a jugé notre préoccupation raisonnable, mais les députés ont finalement pris une décision dilatoire.
A l'article 15, l'Assemblée nationale a supprimé l'extension du champ d'application du report d'imposition des plus-values de cession de titres, alors que cette mesure que nous avions adoptée avait recueilli votre avis favorable, madame le secrétaire d'Etat. L'Assemblée nationale estime que cette position peut tout à fait se justifier mais qu'il faudra attendre un autre texte pour traiter de l'ensemble des questions relatives à l'activité de ceux qu'on peut dénommer en français les « investisseurs providentiels », mais qu'on appelle plus communément - constatant qu'Emmanuel Hamel n'est pas dans l'hémicycle, je peux me risquer à employer l'expression (Sourires) - des business angels.
Enfin, la commission des finances de l'Assemblée nationale reconnaît que les titulaires de bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés réclament à bon droit une mesure pour alléger leur assiette de taxe professionnelle. Mais, là encore, pourquoi ne pas prendre tout de suite la décision qui s'impose ? Pourquoi ne pas voter la mesure que nous avons préconisée ? Non ! On va étudier pendant un certain nombre de mois je ne sais quelles propositions qui aboutiront sans doute à la même chose mais que, madame le secrétaire d'Etat, vous sortirez probablement de votre serviette à un moment judicieusement choisi ! Il aurait pourtant été si simple de suivre dès maintenant les recommandations du Sénat !
Là encore, nous sommes en accord sur le fond, mais parce que le Sénat est à l'origine de cette proposition, le moment n'est pas opportun. Il faudra la remettre sur le métier et revenir un peu plus tard avec une autre initiative.
M. Jacques Oudin. Très juste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour achever la liste des « vrais-faux » désaccords, si je puis m'exprimer ainsi, entre les deux assemblées, j'aborde maintenant la réforme de la taxe professionnelle de France Télécom que nous avons votée ici, mes chers collègues, à l'unanimité de tous les groupes.
La commission des finances de l'Assemblée nationale rappelle la nécessité pour le Gouvernement, que vous représentez, de proposer rapidement un dispositif permettant d'apporter une solution à une difficulté - je cite le rapporteur général de l'Assemblée nationale - « que tous s'accordent à reconnaître ». Mais cela fait des années que l'on en parle, madame le secrétaire d'Etat.
Tout le monde sait que cette situation est absolument insupportable pour France Télécom vis-à-vis de sa concurrence, pour les collectivités territoriales dans lesquelles sont implantés des établissements de France Télécom et pour les autres collectivités, celles qui bénéficieront d'un système de péréquation.
Puisque tout le monde sait que la situation actuelle est intenable, qu'elle ne peut pas durer, pourquoi se refuser à avancer plus vite sur ce sujet, qui a été analysé en long, en large et en travers par les assemblées, par les administrations, par les groupes de travail, par les professionnels ?
M. Migaud dit que tous s'accordent à reconnaître la difficulté en question. Le Sénat vote à l'unanimité et l'Assemblée nationale nous demande d'attendre encore un peu, ce qui n'est certainement pas une bonne méthode de travail.
En effet, si au moins nous étions capables de déblayer les sujets sur lesquels nous sommes d'accord - et il semble que ce soit ici le cas - nous pourrions consacrer notre énergie dans d'autres domaines qui, eux, nécessitent un débat et des évolutions techniques.
Je voudrais maintenant évoquer les points d'accord entre les deux assemblées.
Ainsi à l'article 3, l'application du taux réduit de TVA aux travaux sylvicoles et d'exploitation forestière est étendue aux travaux d'entretien des sentiers forestiers.
A l'article 9, à l'unanimité, l'Assemblée nationale a précisé la rédaction adoptée par le Sénat à l'initiative de notre collègue Jean-Marie Poirier. Il s'agit, pour tenir compte d'une anomalie manifeste des textes, de permettre dans certaines conditions aux communautés d'agglomération de percevoir la dotation globale de fonctionnement.
Il est heureux que le Sénat, grâce à l'initiative de notre collègue, ait été en mesure de faire triompher le bon sens. S'il subsistait encore quelques difficultés d'adaptation sur ce sujet, nous serions heureux, madame le secrétaire d'Etat, que vous nous les fassiez connaître.
A l'article 15 C, les pouvoirs d'investigation des présidents des commissions des finances sont alignés, comme nous le demandions, sur ceux des rapporteurs généraux, ce qui est la moindre des choses.
Enfin, à l'article 17 bis, l'Assemblée nationale a confirmé la précision que nous avions apportée s'agissant des règles d'écrêtement de la DGF des communautés de communes.
Bien sûr, ces quelques éléments d'accord techniques très parcellaires et les intentions qui ont pu être exprimées de part et d'autre sur plusieurs sujets ne sauraient masquer les franches divergences des politiques budgétaires que nous défendons.
Le Sénat estime que le déficit budgétaire de 215 milliards de francs qui apparaît dans ce document n'est pas un chiffre réaliste. Nous considérons que ce collectif demeure en retard sur la réalité et qu'il serait, à notre sens, nécessaire de mieux utiliser la bonne conjoncture actuelle pour réduire plus vite le déficit et l'endettement.
Nous considérons, enfin, que les efforts en matière de qualité de la gestion publique ne sont pas suffisants et que l'on pourrait s'assigner des objectifs plus volontaristes quant au niveau des dépenses publiques.
En conclusion, la commission des finances, madame le secrétaire d'Etat, ne saurait cautionner la gestion du budget de l'Etat en l'an 2000, telle qu'elle est approuvée par la majorité de l'Assemblée nationale, car elle ne nous paraît pas conforme aux engagements qui ont été pris lors du débat d'orientation budgétaire.
Nous persistons à penser que cette gestion insuffisamment volontariste et, à certains égards « au fil de l'eau », pose un problème de crédibilité en Europe.
Pour toutes ces raisons et compte tenu de nos analyses assez divergentes sur le fond, la commission des finances a estimé qu'il n'y avait pas lieu de délibérer en nouvelle lecture sur le présent projet de loi de finances rectificative. Nous avons, dès lors, pris l'initiative de vous proposer, mes chers collègues, une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire réunie pour débattre du texte du projet de loi de finances rectificative pour 2000 présente la particularité d'être, ainsi que l'on pouvait s'y attendre, relativement rapide.
La position purement idéologique de la majorité du Sénat n'a pas pu permettre de dégager un texte commun et a conduit l'Assemblée nationale à revenir au projet de loi qu'elle avait adopté, moyennant, comme vous l'avez indiqué, quelques ajouts apportés par notre Haute Assemblée.
Pour notre part, nous ne pouvons que souligner une fois de plus que ce collectif budgétaire répond à certaines des préoccupations et des attentes de nos compatriotes.
Il associe, en effet, réponse aux besoins collectifs tels qu'ils ont pu s'exprimer dans les plus récents mouvements sociaux et revendicatifs et souci affirmé de justice fiscale et sociale au travers de plusieurs dispositions annonciatrices de plus grandes évolutions dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2001.
Pour autant, nous avons pu indiquer que nous ne nous satisfaisions pas totalement du choix opéré en matière de répartition des fruits de la croissance, croissance qui a rendu possible et nécessaire ce projet de loi.
La gestion des comptes publics est en effet marquée par trois impératifs essentiels.
Le premier est la réponse aux besoins de la collectivité, et donc de la mobilisation la plus efficiente possible de la dépense publique.
Le deuxième est la mise en oeuvre d'une réforme de notre système de prélèvements fiscaux et sociaux qui soit susceptible de conforter la croissance au-delà de l'atteinte d'objectifs de justice et d'équité.
Le troisième, qui se place, de notre point de vue, dans le prolongement naturel des deux premiers, est la poursuite de la réduction des déficits publics, dont la « qualité », si l'on peut dire, dépend étroitement des choix de dépense publique et que l'on ne peut donc évaluer qu'en termes quantitatifs.
Que le montant du déficit évolue à la baisse ne peut nous faire oublier que, par exemple, un certain nombre de dépenses d'intervention ont connu depuis quinze ans une sensible augmentation, tandis que les recettes fiscales ont été marquées, notamment, par la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés ou encore par la réforme de l'impôt sur le revenu réalisée en 1995.
Force est de constater, d'ailleurs, que l'amélioration de la situation économique ne peut manquer d'avoir quelque influence sur la consommation de certains des crédits ouverts.
Elle a déjà un impact important sur les recettes fiscales et elle aura inéluctablement une conséquence sur les dépenses publiques elles-mêmes.
Il n'en demeure pas moins que la croissance doit encore être mieux partagée et que cela dépasse peut-être le strict cadre de la politique budgétaire de l'Etat.
Ainsi, nous estimons qu'un effort particulier doit être accompli sur la question du salaire minimum.
On ne peut, de notre point de vue, stigmatiser certaines « trappes à pauvreté » et oublier un peu rapidement que c'est d'abord l'insuffisance des salaires qui est le principal problème dont souffrent les salariés.
Dans un pays comme le nôtre, quatrième puissance économique de la planète, il est chaque jour plus insupportable que des millions de personnes n'aient que moins de 3 000 francs par foyer pour vivre, que des millions de salariés gagnent moins de 8 000 francs nets mensuels, que les qualifications, l'expérience professionnelle et les formations ne soient pas reconnues à leur juste valeur.
Quand certains soulignent que la moitié des contribuables de l'impôt sur le revenu ne paient pas de cotisation, ils semblent un peu vite oublier que cette situation est due, pour la plus grande partie d'entre eux, au caractère scandaleusement faible de leur revenu réel.
Nous l'avons dit, la part des salaires dans la valeur ajoutée est aujourd'hui plus faible qu'elle ne l'était en 1970, alors que notre pays était loin de connaître le taux de chômage qu'il a encore aujourd'hui, alors que les comptes publics étaient, sinon très largement excédentaires, au moins équilibrés.
Nous sommes de surcroît entrés dans une période pendant laquelle la modernisation des moyens de production comme celle des moyens de communication sont autant de facteurs susceptibles d'aider à la conception, à la décision, au développement de l'activité économique.
Cette modernité ne peut manquer d'avoir quelque influence sur la croissance elle-même et donc, de fait, sur la situation économique, celle de l'emploi et celle des comptes publics.
La question de la répartition des fruits de la croissance sera donc, plus que jamais, à l'ordre du jour.
De mon point de vue, ce gouvernement montre l'exemple. Il le doit, parce que cela fait partie du contrat qu'il a souscrit devant le peuple de ce pays au printemps 1997.
Il le peut, parce que les possibilités de répondre aux aspirations populaires existent, comme le montrent l'équilibre du projet de loi mais aussi les premiers mois de l'exécution 2000 qui ont d'ores et déjà dégagé 25 milliards de francs de plus-values fiscales.
Nous rappellerons donc ici que nous avions, lors du débat de première lecture, demandé, sous les modalités techniques que chacun connaît, une majoration des moyens financiers mobilisés pour l'école, la culture, la santé et la jeunesse.
Investir aujourd'hui dans la culture, l'éducation ou la formation, c'est investir dans le développement des capacités de la jeunesse de notre pays, dans l'intelligence et dans l'apprentissage de la citoyenneté, pleine, entière et respectueuse des individus.
C'est nous épargner demain les dépenses que nous sommes amenés à consacrer à la réduction des maux et des inégalités dont souffre notre société.
C'est d'ailleurs ce qui a guidé notre démarche lors de la première lecture et qui vaut bien sûr encore.
Pour autant, comme chacun peut le voir, fidèle à quelques-unes de ses « vieilles lunes », la commission des finances, par la voix de son rapporteur général, nous invite à décider du rejet pur et simple du projet de loi par la voie de l'adoption de la question préalable.
Pour nous, le débat budgétaire mérite un autre traitement. Nous ne pouvons donc qu'indiquer que nous ne suivrons pas cette voie. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourtant, vous aviez des amendements de réduction de crédits qui étaient excellents !
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici donc parvenus à la deuxième lecture de ce collectif budgétaire pour l'année 2000, et nous sommes confrontés, une fois de plus, aux différences d'analyse et d'orientation qui séparent, de façon récurrente, les socialistes et la gauche plurielle dans son ensemble de la majorité sénatoriale. En effet, mes chers collègues de la majorité, vous qui vous faites d'ordinaire les chantres du libéralisme économique et les champions des baisses d'impôts, vous avez déjà, au cours des débats précédents, montré aux Français le décalage qui peut exister entre vos propos et vos actes.
Pour nous, mes chers collègues, cette loi de finances rectificative constitue un prolongement et une amplification de la nouvelle politique économique et budgétaire que le Gouvernement de Lionel Jospin a mise en oeuvre depuis juin 1997. Et comme elle soutient la croissance, tout en faisant progresser la justice sociale grâce à une utilisation judicieuse de l'outil fiscal, on ne peut que regretter le fait que la majorité sénatoriale ait complètement vidé ce texte de sa substance lors de la première lecture.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tout à fait faux !
M. Jean-Pierre Demerliat. En effet, cette loi de finances rectificative renforce la croissance parce que 10 milliards de francs consacrés, entre autres, aux écoles, aux hôpitaux, aux quartiers en difficulté ou aux victimes des tempêtes, c'est du soutien pour la croissance, et cela traduit un réel élan de solidarité nationale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi ne pas en avoir mis vingt ou trente ?
M. Jean-Pierre Demerliat. A ce sujet, il n'est pas inutile de rappeler que notre pays a été profondément marqué par les intempéries de décembre dernier. Face aux milliers d'hectares de forêts complètement dévastées, aux centaines de kilomètres de routes communales et départementales endommagées et aux milliers de kilomètres de lignes électriques et téléphoniques hors service, les Français attendaient un geste fort de la part du Gouvernement.
C'est pourquoi ce collectif budgétaire consacre les engagements du Gouvernement envers toutes les victimes des intempéries, qu'il s'agisse des particuliers, des entreprises ou des collectivités territoriales. Ce sont plus de 5,5 milliards de francs qui nous sont proposés afin de panser les plaies de la tempête, même s'il est probable que d'énormes besoins subsisteront et qu'il sera certainement nécessaire d'ajuster les DGF et les DGE, dans le cadre de la loi de finances pour 2001, en fonction, par exemple, des dégâts subis par les collectivités territoriales, qui ne sont pas encore complètement inventoriés à ce jour.
Mais ce collectif budgétaire vise également à renforcer la solidarité nationale, grâce aux crédits accordés au « grand service public ». Une enveloppe de plus de 2 milliards de francs est ainsi attribuée au service public hospitalier, qui va lui permettre de fonctionner dans de bien meilleures conditions.
De même, 1 milliard de francs est affecté à l'éducation nationale, afin que celle-ci continue à lutter contre les inégalités dans son domaine de compétence.
Enfin, 450 millions de francs sont consacrés à la politique de la ville, afin que l'on puisse continuer à oeuvrer au désenclavement et au développement des quartiers urbains défavorisés.
Ainsi, mes chers collègues, le Gouvernement nous montre sa volonté d'améliorer le service public, qui fait la force et la fierté de notre pays et qui a été tant loué au moment de la tempête, y compris d'ailleurs par tous ceux qui veulent ordinairement le réduire.
Dans le même ordre d'idée, je ne veux pas manquer de me réjouir, avec vous sans doute, du fait que l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, vient de classer le système français de santé au premier rang de celui des 191 pays de la planète : outre que cette information est une bonne nouvelle pour les Français, elle est surtout la preuve éclatante de ce que peut faire un Etat social, plus conscient de ses responsabilités vis-à-vis de ses citoyens que de préoccupations comptables à court terme.
Par ailleurs, ce collectif budgétaire, qui crée les conditions d'une croissance forte et, par là même, favorise la création d'emplois, montre également la voie qu'il convient de prendre pour aller vers un système fiscal plus conforme à notre idéal de justice sociale.
En effet, mes chers collègues, les baisses d'impôts de plus de 40 milliards de francs, présentées dans cette loi, sont avant tout consacrées aux ménages les plus modestes : que ce soit l'abaissement du barème des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, qui représente une diminution de 11 milliards de francs, ou la réduction de la taxe d'habitation, qui en représente 11 de plus.
Enfin, mes chers collègues, on ne peut que saluer la baisse du taux normal de la TVA de 20,6 % à 19,6 % qui non seulement se traduit par plus de 18 milliards de francs de hausse du pouvoir d'achat des ménages, mais aussi représente une mesure importante de correction d'une malheureuse décision de politique économique qui, sous un autre gouvernement - les Français s'en souviennent - avait contribué à asphyxier la croissance.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et où trouver l'argent ?
M. Jean-Pierre Demerliat. En fin de compte, on ne peut que louer ce collectif pour la cohérence globale de la démarche qu'il traduit : prolongement d'une politique économique porteuse de plus de justice sociale, avec la lutte contre le chômage et la lutte contre les inégalités comme principaux objectifs ; soutien de la croissance par le confortement de son pilier le plus dynamique, à savoir la demande interne, par une baisse de la fiscalité judicieusement ciblée ; enfin, rétablissement progressif des grands équilibres budgétaires.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'en arrive à la conclusion de mon propos.
J'entends souvent dire, ici ou là, à droite bien évidemment, que la France serait l'exemple type, en Europe, du mauvais élève en matière de finances publiques et qu'elle serait « à la traîne » du processus de réduction des déficits publics. Eh bien ! mes chers collègues, sans remonter jusqu'au budget 1998 qui, déjà, satisfaisait au critère de Maastricht des 3 % de déficit public et permettait de qualifier la France pour l'euro, je me contenterai de vous rappeler que, pour l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, la baisse du besoin de financement des administrations françaises aura été la plus importante des pays de l'Union européenne entre 1997 et 2000 : elle atteindra, en effet, 7 points de PIB, contre seulement 1 point de PIB pour l'ensemble de l'Europe des Quinze et même 0,8 point pour les seuls pays de la zone euro.
La France ne se situe donc nullement « à la traîne ». Le Gouvernement a réussi non seulement à diminuer les déficits publics, mais encore à maîtriser la spirale de l'endettement dans laquelle le pays se trouvait entraîné.
En résumé, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous pensons, nous socialistes, que ce collectif budgétaire traduit concrètement la réalisation équilibrée d'un projet cohérent. C'est la raison pour laquelle, même si nous regrettons que l'adoption probable de la motion tendant à opposer la question préalable en interrompe la discussion démocratique, nous comprenons que la prolongation d'une telle discussion n'apporterait plus grand-chose à l'avancement de nos travaux parlementaires tant sont différentes, je dirais même antagonistes, les logiques de nos projets politiques respectifs, comme cela a été abondamment prouvé lors de la première lecture, ici même, du présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Poirier.
M. Jean-Marie Poirier. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le rapporteur général de la commission des finances de notre assemblée vient de nous expliquer excellemment les raisons pour lesquelles le Sénat ne peut cautionner la gestion du budget de l'Etat pour 2000 telle qu'elle a été approuvée par l'Assemblée nationale. Ce sont ces raisons qui devraient nous conduire tout à l'heure, selon toute vraisemblance, à adopter la question préalable qui nous sera proposée.
Cependant, le rapporteur général a aussi souligné les quelques points d'accord qui sont intervenus à l'issue de la première lecture : ils concernent essentiellement les finances locales. C'est très précisément dans ce cadre que s'inscrira mon propos, dont je vous prie à l'avance d'excuser le caractère sans doute un peu technique.
Grâce au soutien que m'a apporté la commission des finances du Sénat dès la première lecture, il se trouve que j'ai été à l'origine d'un des rares amendements ayant donné lieu à un accord entre les deux assemblées.
A l'article 9, j'avais déposé un amendement tendant à permettre aux communautés d'agglomération dont l'arrêté de fixation du périmètre avait été annulé de percevoir la dotation globale de fonctionnement d'intercommunalité de l'année, dès lors que la communauté avait été reconstituée dans les mêmes formes et que les sommes en cause avaient été provisionnées.
En fait, il s'agissait de l'arrêté de création d'une communauté d'agglomération, annulé pour un motif de pure procédure, et qui peut être repris à tout moment par le préfet dans les mêmes conditions de fond, alors que le périmètre a lui-même été confirmé par le tribunal administratif.
Un tel cas m'a été inspiré par ma propre expérience de construction intercommunale dans le Val-de-Marne.
Malgré les réticences du Gouvernement, le Sénat a bien voulu suivre mon argumentation, dont le souci fondamental est de permettre à la nouvelle loi sur l'intercommunalité, que nous avons votée l'année dernière dans des conditions de consensus tout à fait remarquables entre les deux assemblées, de prendre vie et épanouissement, et de ne pas pénaliser les collectivités qui se sont engagées avec un dynamisme particulier, sur l'incitation du ministre lui-même, dans ce projet d'avenir.
De même, l'Assemblée nationale a reconnu la validité de la position défendue par le Sénat sur ce sujet, puisque son rapporteur général a lui-même fait adopter un amendement tendant à préciser la portée de l'article 9 issu de la discussion du Sénat pour le rendre plus opérationnel, dans l'esprit même des observations que vous aviez formulées devant le Sénat, madame le secrétaire d'Etat.
La rédaction de cet article 9 par l'Assemblée nationale n'étant, semble-t-il, pas parfaite, malgré les rectifications, et donc apparement susceptible de poser des problèmes d'application, j'aurais souhaité pouvoir proposer de nouveaux amendements de précision au Sénat à l'occasion de cette nouvelle lecture.
Si l'adoption de la question préalable ne me le permet pas, je souhaite vivement que l'Assemblée nationale et, avec elle, le Gouvernement, puissent se saisir d'un problème qui reste entier et qu'ils acceptent les aménagements nécessaires à la mise en place d'un dispositif pleinement opérationnel pour les communautés d'agglomération nouvellement formées.
Je le souhaite d'autant plus que l'Etat lui-même n'est pas étranger à la survenue du contentieux qui me préoccupe, puisque c'est à lui que le juge administratif fait reproche de sa trop grande diligence à créer un établissement de coopération intercommunale en 1999. J'en veux pour preuve les dispositions de la circulaire du 18 juillet 1999 adressée aux préfets par M. le ministre de l'intérieur, qui demande explicitement à ces derniers de considérer les délais de réflexion laissés aux communes comme des délais maximum ne faisant pas obstacle à la possibilité de prendre des arrêtés de création dans des délais plus courts, à partir du moment où la majorité qualifiée des communes concernées aura été réunie.
En matière de dotation globale de fonctionnement, il a été rappelé, à plusieurs reprises, que les sommes ayant été provisionnées dans la loi de finances pour 2000 on ne pénaliserait personne en décidant de valider l'attribution des concours prévus à un EPCI qui existait formellement au 1er janvier, qui a juridiquement disparu le 7 juin, et qui renaîtra vraisemblablement dans quelques jours.
Par ailleurs, l'existence de tels contentieux pose non seulement le problème des dotations, mais aussi celui de la perception de la taxe professionnelle unique par le nouvel EPCI. En effet, une décision d'annulation de l'arrêté de création d'une communauté intervenue postérieurement au 30 mars oblige les communes membres à réinstaurer temporairement la taxe professionnelle communale, alors que la renaissance de la communauté est déjà enclenchée.
D'où les questions auxquelles je souhaiterais, madame le secrétaire d'Etat, obtenir de votre part des réponses claires.
Que compte faire le Gouvernement pour trouver un dispositif satisfaisant sur la question de l'attribution de la DGF intercommunale à un établissement qui connaît la situation précédemment évoquée ? Quelle mesure peut-on prendre pour régler le problème du rétablissement et de la perception de la taxe professionnelle unique, la TPU, dans l'EPCI en question ?
Dans le cas présent, toutes les communes concernées se trouvent encore placées sous le régime de la TPU puisqu'elles n'ont reçu la notification de leur état 1 259 que voilà quelques jours et qu'elles disposent d'un délai de quinze jours avant d'être obligées d'appliquer les dispositions notifiées par le préfet.
Pour l'instant, nous n'avons donc pas encore quitté le régime de la TPU. Pourquoi ne pas continuer sous ce régime ? Quels obstacles techniques peuvent être invoqués ? Quelles dispositions légales l'administration pourrait-elle faire valoir pour que ce système de la TPU perdure ?
Malgré des recherches approfondies, je n'ai trouvé aucun texte qui dispose qu'une communauté d'agglomération nouvellement créée soit obligée d'attendre l'année qui suit pour pouvoir disposer de la TPU. En revanche, la loi prévoit que les établissements de coopération intercommunale déjà existants, qui ne disposaient pas de la TPU et qui, par la suite, en ont fait le choix, sont soumis à la mise en place de la TPU à compter du 1er janvier.
Telles sont, madame le secrétaire d'Etat, les principales questions à propos desquelles les établissements de coopération intercommunale qui sont dans le même cas que celui que j'ai l'honeur de présider attendent des réponses de votre part. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. D'abord, je souhaite répondre, très rapidement, à M. Marini sur les points généraux qu'il a évoqués et que j'ai moi-même abordés dans mon discours introductif.
Ce collectif n'est en aucune façon une anticipation de la clôture de l'année en cours. En effet, un rendez-vous est prévu pour cela : le collectif d'automne. M. Marini est trop fin connaisseur pour ignorer qu'en matière de finances publiques, notamment de dépenses, l'exécution s'apprécie sur la base des paiements effectués, et non des autorisations d'engagement qui sont données par la loi de finances, laquelle constitue un plafond.
Cela étant dit, ce collectif n'est pas non plus le projet de loi de finances pour 2001. Il ne faut pas lui faire le procès d'intention de ne pas prendre en compte des évolutions fiscales qui, compte tenu de l'expertise qui est en cours pour certaines mesures, pourraient trouver leur place dans le projet de loi de finances pour 2001 si tel était le choix du Gouvernement.
C'est un travers bien connu de passer sous silence ce que le Gouvernement fait - excusez du peu, 40 milliards de francs de baisse d'impôt ; ce n'est pas tous les jours qu'un collectif budgétaire procède ainsi - pour se concentrer sur ce que le présent collectif ne fait pas, en laissant entendre que le Gouvernement pourrait ne pas faire d'évolutions fiscales supplémentaires, alors qu'il se contente de ne pas les faire tout de suite au motif que certaines propositions méritent d'être expertisées.
Je pense notamment à l'allusion que vous avez faite, monsieur le rapporteur général, en ce qui concerne la nécessaire modification du régime de la taxe professionnelle pour France Télécom. A cet égard, nous avons bien entendu le message du Sénat et de l'Assemblée nationale. Nous ne cherchons pas une réponse dilatoire. Nous considérons qu'on ne peut pas rebâtir en un jour un système qui a été initié en 1991, me semble-t-il, qui, pour l'instant, tient compte des établissements de France Télécom implantés dans un certain nombre de communes, qui préserve les principes de péréquation et qui tient compte des charges que cela pourrait entraîner pour l'Etat. Il ne s'agit donc pas de mesures dilatoires.
Il ne s'agit pas non plus de mesures dilatoires sur un certain nombre d'autres questions. Vous avez évoqué la taxe professionnelle en matière de bénéfices non commerciaux. Je n'entrerai pas dans le débat de fond, puisque j'ai déjà eu l'occasion de dire qu'il me semblait un peu curieux d'envisager une réforme en faveur d'entreprises ou de structures qui ne paient pas la taxe professionnelle sur la base des salaires. Mais c'est un autre débat.
Vous nous faites également le procès de modifier notre point de vue en fonction de l'origine des propositions, selon qu'elles émanent de l'Assemblée nationale ou du Sénat. S'agissant de l'opposition dont nous avons fait preuve sur un certain nombre de mesures, telles la baisse de la TVA sur les protections pour personnes incontinentes ou sur les installations sportives, nous avons également été confrontés à des amendements lors de la discussion à l'Assemblée nationale et je ne crois pas avoir alors présenté des arguments différents de ceux que j'ai avancés devant vous.
Si nous renvoyons ces dispositions à plus tard, c'est non seulement parce qu'elles nécessitent des expertises complémentaires, mais aussi parce que, s'il avait fallu les adopter tout de suite, nous aurions eu une difficulté en matière d'évolution de notre déficit budgétaire. Or, nous sommes attachés, tout autant que vous, à ce que le déficit budgétaire continue à se réduire. De ce point de vue, M. Demerliat a très judicieusement rappelé que la France n'était pas à la traîne en matière de réduction des déficits publics. Nous avons effectivement la meilleure performance en termes de rapidité de réduction de ces déficits publics entre 1997 et aujourd'hui.
M. Foucaud a indiqué que la croissance était encore trop mal partagée. C'est vrai. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a fait le choix de ce collectif qui est tout entier orienté vers les services publics et qui réduit les prélèvements en priorité pour ceux qui disposent des revenus les plus faibles. M. Demerliat a fort bien rappelé que les 40 milliards de francs de baisse d'impôt qui sont prévus par le collectif sont avant tout consacrés aux ménages les plus modestes.
M. Poirier, quant à lui, m'a posé des questions extrêmement précises sur un certain nombre de points, notamment sur les conséquences en matière de taxe professionnelle unique de la création d'établissements publics intercommunaux. Il a également évoqué la question de la communauté d'agglomération du haut Val-de-Marne. Le cadre de la discussion générale ne se prête pas aisément à une réponse très circonstanciée de ma part sur des questions aussi précises. Cependant, monsieur Poirier, mes services sont bien sûr à votre entière disposition pour expertiser ces questions, dans les meilleurs délais.
Pour conclure, permettez-moi de regretter que, dans l'hypothèse de l'adoption de la motion tendant à opposer la question préalable, le collectif budgétaire qui vous est présenté ne puisse être adopté. Si nous devions en rester au stade du vote du Sénat, les Français le déploreraient. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

Question préalable