SEANCE DU 11 OCTOBRE 2000


M. le président. « Art. 4. - I. - Le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de dépôt d'une offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise réunit immédiatement le comité d'entreprise pour l'en informer. Au cours de cette réunion, le comité décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre. Le chef de l'entreprise auteur de l'offre adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans les trois jours suivant sa publication, la note d'information mentionnée au troisième alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse. Dans les quinze jours suivant la publication de cette note, le comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de l'auteur de l'offre. Dans ce cas, la date de la réunion est communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance. Le comité d'entreprise peut faire part à l'auteur de l'offre de toutes les observations qu'il estime utiles. Il peut se faire assister préalablement et lors de la réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article 434-6.
« La société ayant déposé une offre et dont le chef d'entreprise, ou le représentant qu'il désigne parmi les mandataires sociaux ou les salariés de l'entreprise, ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ne peut exercer les droits de vote attachés aux titres de la société faisant l'objet de l'offre qu'elle détient ou viendrait à détenir. Cette interdiction s'étend aux sociétés qui la contrôlent ou qu'elle contrôle au sens de l'article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. La sanction est levée le lendemain du jour où le chef d'entreprise de la société ayant déposé l'offre a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. La sanction est également levée si le chef d'entreprise n'est pas convoqué à une nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué. »
« II. - Le quatrième alinéa de l'article L. 439-2 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas d'annonce d'offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange portant sur l'entreprise dominante d'un groupe, le chef de cette entreprise en informe immédiatement le comité de groupe. Il est alors fait application au niveau du comité de groupe des dispositions prévues aux quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 432-1 pour le comité d'entreprise.
« Le respect des dispositions de l'alinéa précédent dispense des obligations définies à l'article L. 432-1 pour les comités d'entreprise des sociétés appartenant au groupe. »
« III. - Le troisième alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La note sur laquelle la commission appose un visa préalable contient les orientations en matière d'emploi de la personne physique ou morale qui effectue l'offre publique. »
Par amendement n° 436, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de cet article par les mots : « et se prononce sur le caractère amical ou hostile de l'offre ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement est important à nos yeux.
Il s'agit de savoir dans quelles conditions se déroulent les offres publiques d'achat, les OPA, et les offres publiques d'échange, les OPE, c'est-à-dire ce qu'aujourd'hui l'on appelle, d'un autre terme, les opérations de concentration d'entreprises.
De telles opérations ne sont pas nécessairement positives. Elles peuvent prendre un caractère hostile et tendre, dans les faits, à porter atteinte à l'intégrité d'une entreprise concurrente, viser à la contrôler, à l'acheter et à asseoir sa propre position afin d'occuper, éventuellement, une position dominante.
L'histoire économique et financière récente de notre pays a été profondément marquée, on le sait - je pense à l'été dernier - par de grandes opérations dans le monde bancaire ou dans le monde de l'énergie, et donc par d'importants mouvements sur les détentions de titres ou de parts sociales dont la presse économique s'est largement fait l'écho - il serait fastidieux d'en rappeler la liste complète. Toujours est-il que certaines opérations sont menées à partir d'une procédure d'échange de titres qui peut dans certains cas, dès lors que l'OPA ou l'OPE n'est pas perçue positivement par la société convoitée, consister à échanger, en quelque sorte, des fruits qui ne sont pas dans le meilleur état pour des fruits plus beaux, au détriment de l'entreprise visée.

Une telle orientation ne peut être laissée, de notre point de vue, à la seule appréciation des autorités de contrôle et de régulation de la place et des organes dirigeants de l'entreprise. Il importe à nos yeux que le personnel des entreprises faisant l'objet d'une telle offre puisse également, par le biais de ses instances représentatives, juger de la pertinence de tel ou tel rapprochement et, au-delà de la consultation prévue à l'article 4, donner sa position de fond et son avis sur l'opération menée à l'encontre de leur entreprise.
En clair, nous demandons que le comité d'entreprise puisse donner son avis sur le caractère amical ou hostile de l'offre publique d'achat ou de l'offre publique d'échange - je parle bien entendu du comité de l'entreprise visée par l'OPA et non de celui de l'entreprise qui cherche à acheter - afin que tout le monde connaisse clairement les conditions dans lesquelles se déroulera l'opération. J'ajoute - cela ne figure pas dans l'amendement - qu'il ne me paraîtrait pas choquant, si le comité d'entreprise est hostile à l'offre, de saisir une autorité de l'Etat, voire le ministre - pourquoi pas ? - pour que le feu vert soit donné à l'opération envisagée.
Mais, je le sais, il s'agit là d'un débat de fond avec M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Loridant. Défavorable !
M. Philippe Marini, rapporteur. Comme le craint M. Loridant, la commission est défavorable à cet amendement, et je vais m'en expliquer brièvement.
L'article 4 permettra de délivrer une information au comité d'entreprise, qui pourra faire part de ses observations. Cette procédure est bien prévue par cet article et continue de figurer dans le dispositif qui ressort des amendements proposés par la commission.
Je me demande quel est l'apport de la rédaction suggérée par M. Loridant et par son groupe. Selon l'amendement n° 436, le comité d'entreprise devra se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre. Mais, en droit, rien ne définit l'offre amicale, rien ne définit l'offre hostile : ce ne sont pas des notions juridiques. Le fait qu'une opération soit perçue comme amicale ou comme hostile par le comité d'entreprise ne peut donc entraîner aucune conséquence juridique.
Au demeurant, mes chers collègues, qu'est-ce qu'une offre amicale ? Qu'est-ce qu'une offre hostile ? Tout dépend de celui qui exprime l'avis. Toute offre est amicale pour les actionnaires puisqu'elle va leur permettre de mieux valoriser leurs titres. Toute offre visant à transformer la stratégie d'une entreprise est plutôt inamicale, voire hostile, pour la direction en place.
Quant aux salariés, il existe nombre de cas de figure dans lesquels ils sont courtisés à la fois par les uns et par les autres - cela arrive - et où ils sont plutôt neutres dès lors qu'on ne touche pas aux effectifs et à l'organisation de l'entreprise.
Par conséquent, imposer au comité d'entreprise de déclarer que, de son point de vue, une opération est amicale ou hostile, est-ce vraiment servir les intérêts des salariés ? Je pose sérieusement cette question en essayant de me placer du point de vue de nos collègues. En effet, après tout, ce qui importe au comité d'entreprise, c'est non pas de qualifier l'opération, mais que cette dernière entraîne le moins de conséquences dommageables, le moins de dégâts possible sur la structure sociale, les effectifs et l'organisation de l'entreprise.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances émet un avis tout à fait défavorable sur l'amendement n° 436.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émettra un avis assez proche de celui de la commission.
Cet amendement vise à obliger le comité d'entreprise à trancher entre le caractère hostile ou amical d'une offre, ce qui ne semble pas opportun. Le comité d'entreprise peut d'ailleurs très bien avoir un avis nuancé. J'ajoute que certains souhaiteront même ne pas siéger, craignant, pour le cas où l'offre déclarée aboutirait quand même, connaître ensuite quelques soucis professionnels.
Une telle disposition ne rendrait pas service aux salariés et n'emporterait aucune conséquence juridique. Par conséquent, il est délicat de l'imposer au comité d'entreprise.
Mais, pour avoir connu comme vous, monsieur Loridant, beaucoup de situations de ce type, je peux vous dire que les représentants du personnel et le syndicat du personnel s'expriment toujours, parfois même publiquement. Par conséquent, leur parole existe, mais leur imposer cette dernière me paraît dangereux.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 436.
M. Paul Loridant. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 436 est retiré.
Par amendement n° 159, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, au début de la troisième phrase du deuxième alinéa du I de l'article 4, de remplacer les mots : « Le chef de l'entreprise auteur de l'offre » par les mots : « Ce dernier ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je voudrais, avec l'amendement n° 159, donner une vue générale des neuf amendements que la commission a déposés à cet article et qui constituent un tout.
L'article 4 est relatif à la convocation devant le comité d'entreprise de l'auteur d'une offre publique. C'est une possibilité, pour le comité d'entreprise, de l'entendre, mais une obligation, pour l'auteur de l'offre, dès lors que le comité le souhaite, de se rendre à cette audition. La sanction, en cas de refus de l'auteur de l'offre, est la suspension de ses droits de vote.
La commission des finances comprend bien l'objectif poursuivi, mais elle souligne les risques qu'il présente de son point de vue. Il faut rappeler que, d'ores et déjà, les comités d'entreprise disposent, dans la loi existante, d'une possibilité de convoquer le chef d'entreprise. Les dispositions que vise à ajouter l'article 4 peuvent créer de réelles difficultés ; et ce sont ces difficultés et ces risques que les amendements de la commission visent à réduire ou à éliminer.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit tout d'abord - c'est la réparation d'un oubli - d'étendre les obligations prévues aux initiateurs d'offres publiques qui seraient des personnes physiques.
Pour être exceptionnelles, ces hypothèses peuvent néanmoins se produire, et mieux vaut donc ne pas les laisser dans l'ombre.
Par ailleurs, nous souhaiterions offrir, en quelque sorte, une « session de rattrapage » au comité d'entreprise, qui, n'ayant pas jugé bon, dans un premier temps, de convoquer l'auteur de l'offre, se raviserait au vu de la note d'information et estimerait nécessaire de compléter cette information par l'audition du chef d'entreprise attaquante.
En troisième lieu, il convient de prévoir explicitement que la suspension des droits de vote prévue par cet article est la seule sanction applicable à l'auteur de l'offre. En effet, nous craignons que l'introduction de cette disposition nouvelle dans le code du travail ne puisse engendrer un conflit de deux droits : le droit boursier, puisque l'on est en offre publique, et le droit du travail, puisqu'il s'agit des compétences des comités d'entreprise et que cet article est inséré dans le code du travail. Ce sont deux disciplines juridiques bien différentes, et il ne faut pas oublier que les compétences au contentieux ne sont pas les mêmes, que les manquements ou délits de droit boursier sont portés devant les tribunaux judiciaires répressifs et que les contentieux en matière de droit du travail et notamment d'entrave au fonctionnement régulier des comités d'entreprise sont portés devant le juge du contrat de travail, c'est-à-dire le conseil de prud'hommes, en première instance, et la cour d'appel, chambre sociale, en seconde instance. Ce sont des concepts différents, des disciplines juridiques différentes et des juridictions différentes.
Que peut-il donc se passer, madame le secrétaire d'Etat, si l'on ne prend pas la précaution que préconise la commission des finances ? Le chef de l'entreprise initiatrice, venant présenter la note d'information devant le comité d'entreprise, pourrait, pressé de questions, en dire beaucoup plus que ce qui figure dans ladite note. Or, selon un principe de droit boursier, tous les participants au marché doivent disposer de la même information : l'information doit être égale pour tous ; elle doit circuler librement pour assurer la transparence du marché.
Le risque pour le chef d'entreprise est donc d'aller au-delà de l'information visée par le régulateur boursier et de commettre une indiscrétion sur l'opération, ce qui le placerait dans un cas de figure où l'ombre du délit d'initié pourrait éventuellement planer.
A l'inverse, le responsable d'entreprise, s'exprimant au nom de l'entreprise initiatrice, peut ne pas répondre à toutes les questions qui lui sont posées par le comité d'entreprise ; si celui-ci peut alors considérer, au terme de l'audition, qu'il ne lui a pas été donné satisfaction, il manifestera, en toute logique, son mécontentement (M. Loridant s'exclame.) : il considérera qu'il a été fait entrave à ses pouvoirs et que le délit d'entrave doit être invoqué, de manière réelle ou, d'ailleurs, de manière plus dilatoire, auprès du conseil de prud'hommes et, éventuellement, en appel.
Nous estimons qu'il faut absolument éviter tout risque de cette nature, car les conséquences quant à la stabilité et à la sécurité des situations pourraient être très graves. C'est pourquoi nous voudrions qu'il soit précisé qu'il ne peut pas y avoir d'autres sanctions applicables à l'auteur de l'offre que la suspension des droits de vote prévus par le texte, ce qui exclut toute sanction en termes de droit du travail.
Enfin, il convient, nous semble-t-il, d'indiquer de façon explicite qu'aucun recours ne pourra être interruptif du cours de l'offre. C'est, je crois, conforme à l'esprit de l'article 4 tel qu'il a été proposé par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale, mais il faut l'écrire clairement ; nous aurons à faire face à des phases de conflits telles que les différentes parties voudront naturellement exploiter tous leurs droits et n'hésiteront pas à entamer des procédures, peut-être sans effet final, mais qui prendront du temps. Par conséquent, pendant de temps-là, la vie de l'entreprise, à défaut de s'arrêter, s'engluerait. En effet, vous le savez, pendant une offre publique, on ne peut plus qu'expédier les affaires courantes. Si cela devait durer des mois et des mois, cela se retournerait un jour, dans un monde où les évolutions sont rapides, où la compétition est acérée, contre les intérêts de l'entreprise, et donc des salariés.
Par conséquent, nous souhaitons qu'aucun recours ne soit interruptif du cours de l'offre.
Tel est l'objet des neuf amendements successifs proposés par la commission et qui doivent être lus comme un tout.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 159 est intéressant, et le travail de la commission des finances a été très positif. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 159, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 160, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, après la troisième phrase du deuxième alinéa du I de l'article 4, d'insérer deux phrases ainsi rédigées :
« Le comité peut, lors d'une réunion ultérieure dans le délai de quinze jours suivant la publication de la note et s'il ne l'a pas décidé lors de la première réunion mentionnée à cet article, décider qu'il souhaite entendre l'auteur de l'offre. Cette audition de l'auteur de l'offre se déroule dans les formes, les conditions, les délais et sous les sanctions prévus aux alinéas suivants. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La proposition de M. le rapporteur est intéressante. Cependant, sa rédaction la rend complexe en introduisant un nouveau délai de quinze jours dont l'articulation avec celui qui figure déjà dans le texte n'est pas claire. On ne voit pas comment, sauf à allonger de nouveau la durée de l'offre, le comité d'entreprise pourrait disposer d'un délai de quinze jours pour décider d'entendre ou non l'auteur de l'offre alors qu'il dispose précisément de ce même délai pour l'entendre et que ce dernier doit être prévenu trois jours à l'avance.
La rédaction actuelle est plus simple, plus cohérente, tout en respectant les droits du comité d'entreprise. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 160, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 161, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer les quatre dernières phrases du deuxième alinéa du I de l'article 4.
Par amendement n° 359, MM. Cornu, Courtois,Cazalet, Francis Giraud et Murat proposent de supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail.
L'amendement n° 161 a déjà été défendu.
La parole est à M. Cornu, pour défendre l'amendement n° 359.
M. Gérard Cornu. Cet amendement vise à supprimer un dispositif qui ne se justifie pas à ce stade de la procédure.
L'article 4 prévoit que le comité d'entreprise pourra être assisté par un expert lors de l'audition par ses soins du chef d'entreprise ayant lancé l'offre publique d'achat ou l'offre publique d'échange. Or les frais liés à cette expertise devront inévitablement être pris en charge par l'entreprise visée par l'offre.
Il me semble que cette procédure ne se justifie pas à ce stade de l'audition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Notre collègue Gérard Cornu pose une question intéressante : on peut effectivement comprendre que l'on cherche à minimiser les dépenses, mais il convient de rappeler qu'il existe une disposition de portée très générale, inscrite dans l'article L. 434-6 du code du travail, aux termes de laquelle le comité d'entreprise peut faire appel à tout expert rémunéré par ses soins pour préparer ses travaux. Cet article paraît être applicable en l'espèce !
Par conséquent, même s'il était fait droit à la demande de nos collègues, le comité d'entreprise pourrait néanmoins, sur le fondement de l'article L. 434-6 du code du travail, faire appel à un expert qu'il rémunérerait. C'est pourquoi, par souci de réalisme et dans le cadre du droit existant, il a semblé préférable à la commission de maintenir la rédaction de l'article 4 sur ce point. Nous aurons ainsi accès, dans un même article, à l'ensemble du dispositif sans être obligés d'aller « repêcher » dans tout le code du travail des dispositions qui ne figureraient ici que par référence.
Sous le bénéfice de ces observations, je souhaiterais que notre collègue M. Cornu retire cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 359 et 161 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Sur l'amendement n° 359, le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission. Le droit du comité d'entreprise à l'expertise, qu'il utilise ou non, est simplement réaffirmé.
Quant à l'amendement n° 161, le Gouvernement y est également défavorable, ainsi qu'aux amendements n°s 162 et 163, car le texte de l'article 4 tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale me semble clair, et je ne vois pas l'utilité des modifications proposées.
M. le président. Monsieur Cornu, l'amendement n° 359 est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu. Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 359 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 161.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Loridant.
M. Paul Loridant. Avec cet amendement, nous sommes vraiment au coeur du débat que j'ai introduit hier en défendant une motion tendant à opposer la question préalable.
Ce projet de loi apporte-t-il une réponse aux vraies questions qui se posent aux salariés lorsqu'ils voient leur entreprise menacée de restructuration, lorsqu'ils font l'objet de procédures de licenciement ou, dans le cas qui nous intéresse, lorsqu'ils sont exposées à une OPA ou à une OPE ?
M. le rapporteur considère que le projet de loi issu des travaux de l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisant parce que l'on risquerait, s'il était adopté, de se heurter soit au délit d'entrave, soit au délit d'initié. Nous avons d'ailleurs eu ce débat au sein de la commission des finances.
En vérité, le problème est de savoir si les nouveaux pouvoirs qui sont donnés au comité d'entreprise constituent un moyen de permettre aux salariés de se défendre. Il s'agit là d'un sujet difficile : faut-il donner à l'autorité politique la capacité de s'impliquer dans telle ou telle OPA ? Certes, cette possibilité pourrait se heurter à la logique européenne ou à celle du droit des sociétés ou du droit du commerce. Toutefois, faute de donner ce pouvoir d'intervention au pouvoir politique, nous nous trouvons pris dans des contradictions.
Dans ces conditions, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'amendement n° 161, parce qu'il vient une fois de plus, sous couvert de positions dites équilibrées, rogner les pouvoirs des salariés.
Pour autant, le texte tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale ne nous satisfait pas.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je veux simplement rappeler que les amendements de la commission ont pour principal objet de permettre à l'auteur de l'offre de se faire assister dans sa présentation devant le comité d'entreprise par une personne de son choix : si, par exemple, il s'agit d'un étranger non francophone, il est bon qu'il puisse être accompagné par quelqu'un qui traduira ses propos, ou par un expert ou un collaborateur susceptible de faciliter un meilleur contact avec le comité d'entreprise.
Si nous avons introduit cette disposition, c'est pour faciliter le dialogue susceptible de se nouer, afin que la réunion soit fructueuse. Voilà pourquoi je suis un peu surpris de l'avis qui a été émis par le Gouvernement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 161, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 162, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, avant le dernier alinéa du I de l'article 4, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information, le comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de l'auteur de l'offre. Si le comité d'entreprise a décidé d'auditionner l'auteur de l'offre, la date de la réunion est communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance. Lors de la réunion, l'auteur de l'offre, qui peut se faire assister des personnes de son choix, prend connaissance des observations éventuellement formulées par le comité d'entreprise. Ce dernier peut se faire assister préalablement et lors de la réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article L. 434-6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai déjà défendu cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 162, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont présentés par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat.
L'amendement n° 358 vise à supprimer le second alinéa du texte proposé par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail.
L'amendement n° 357 tend à rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail :
« Si le chef d'entreprise de la société ayant déposé l'offre ou son représentant ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, cette carence peut être rendue publique à l'initiative du comité d'entreprise. De même celui-ci peut faire connaître les questions qu'il a souhaité poser aux dirigeants de la société ayant déposé l'offre et auxquelles il n'a pas été répondu précisément. »
Par amendement n° 163, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose, dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, de remplacer les mots : « à l'alinéa précédent » par les mots : « aux deux précédents alinéas ».
Par amendement n° 480, le Gouvernement propose, dans la deuxième phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, de remplacer les mots : « article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales » par les mots : « article L. 233-16 du code de commerce ».
Les deux derniers amendements sont présentés par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 164 vise, après la deuxième phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, à insérer une phrase ainsi rédigée : « Une sanction identique s'applique à l'auteur de l'offre, personne physique, qui ne se rend pas à la rénion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues aux deux alinéas précédents. »
L'amendement n° 165 tend à supprimer les deux dernières phrases du dernier alinéa du I de l'article 4.
La parole est à M. Cornu, pour présenter les amendements n°s 358 et 357.
M. Gérard Cornu. L'amendement n° 358 tend à supprimer la sanction adoptée par l'Assemblée nationale en cas de refus du dirigeant de la société émettrice de l'offre de comparaître devant le comité d'entreprise. Cette sanction consistant en la privation des droits de vote attachés aux titres acquis à l'occasion de l'offre publique, elle porte à l'évidence atteinte au droit de propriété.
L'amendement n° 357 vise à proposer un autre type de sanction : si l'auteur de l'offre a refusé de se rendre à l'invitation du comité d'entreprise ou a refusé de répondre aux questions qui lui étaient posées lors de cette réunion, cette attitude peut être rendue publique par le comité d'entreprise.
Par ailleurs, cet amendement précise que, à défaut de la présence du chef de l'entreprise auteur de l'offre, celui-ci peut se faire représenter par le représentant de son choix, sans que ce dernier soit obligatoirement un des mandataires sociaux ou un salarié de l'entreprise.
M. le président. L'amendement n° 163 a déjà été présenté.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 480.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président. Les amendements n°s 164 et 165 ont déjà été présentés.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 358, 357 et 480 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. S'agissant des amendements n°s 358 et 357, je rappellerai brièvement l'esprit dans lequel la commission des finances a abordé cette question.
L'organisation d'une audition par le comité d'entreprise en nous choque pas. ll est vrai que les salariés sont concernés et que le dialogue doit se nouer, même si, du fait des contraintes du droit boursier ce dialogue ne pourra pas aller au-delà du commentaire de la note d'information, pour les raisons que je rappelais voilà quelques instants. Mais il est logique et normal que les salariés d'une entreprise soient considérés comme partie prenante à une opération qui les concerne incontestablement.
Le comité d'entreprise est bien l'instance de représentation légitime permettant de nouer ce minimum de contact. La commission dénonce cependant la confusion des genres instaurée par le texte adopté par l'Assemblée nationale entre le droit du travail et le droit boursier. C'est pourquoi, si nous ne sommes pas choqués par une sanction relevant du droit des sociétés, à savoir la suspension des droits de vote, qui est une sanction classique, nous ne voulons pas que puisse éventuellement s'y ajouter une autre sanction qui serait éventuellement décidée par le juge du contrat de travail. Dans ces conditions, nous préconisons une sanction et une seule, à savoir la suspension du droit de vote.
En second lieu, nous craignons beaucoup, dans l'intérêt des entreprises et du marché, la possibilité de procédures dilatoires telles que la situation de l'entreprise serait suspendue aux décisions imprévisibles des prétoires pendant des mois et des mois.
Sous le bénéfice de ces explications et compte tenu des priorités de la commission, qui souhaite simplifier ce dispositif afin d'éviter qu'il ne se retourne contre l'intérêt des entreprises, je souhaiterais qu'il vous soit possible, monsieur Cornu, de retirer les amendements n°s 358 et 357.
Quant à l'amendement n° 480, qui est un amendement de codification, la commission y est favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 358, 357, 163, 164 et 165 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Les travaux de l'Assemblée nationale ont conforté le Gouvernement dans sa position : il a choisi de ne pas appliquer une sanction liée au droit du travail, dans la mesure où une telle sanction s'appliquerait à une offre faite par un repreneur potentiel français, mais pas par un repreneur potentiel étranger. Il y aurait donc une différence importante de traitement entre les offres.
A notre avis, la seule sanction opératoire est la supression du droit de vote. voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable aux différents amendements proposés.
M. le président. Monsieur Cornu, maintenez-vous vos amendements n°s 358 et 357 ?
M. Gérard Cornu. Je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s 358 et 357 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 163, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 480, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 164, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 165, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 166, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine le I. de l'article 4 par un alinéa ainsi rédigé :
« La sanction est levée le lendemain du jour où l'auteur de l'offre a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. La sanction est également levée si l'auteur de l'offre n'est pas convoqué à une nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je reviens sur l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 164, qui concernait non pas l'application du droit du travail mais visait à étendre la sanction de privation des droits de vote aux personnes physiques. C'est effectivement une solution envisageable, et je souhaitais donc m'en remettre à la sagesse du Sénat.
S'agissant maintenant de l'amendement n° 166, c'est un texte de coordination, précisément avec l'amendement n° 164 : je m'en remets également à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 166, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 167, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine le I de l'article 4 par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune autre sanction que la suspension des droits de vote prévue par le présent article n'est applicable à l'auteur de l'offre. Aucun recours ne peut être interruptif des formalités requises par le calendrier de l'offre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement a également été déjà défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat L'amendement n° 167 vise à exclure toute autre sanction que la suspension des droits de vote. Je m'en suis expliqué tout à l'heure : j'y suis défavorable.
M. Jean-Jacques Hyest. J'avais eu l'impression que vous aviez dit le contraire tout à l'heure en faisant la différence entre les étrangers et les Français !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est une nuance !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 167, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.).
M. le président. Par amendement n° 435, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De compléter le I de l'article 4 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour qu'elle puisse être réalisée, l'offre publique d'achat ou l'offre publique d'échange doit être acceptée par une ou des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Lorsque le quorum a été atteint au premier tour des élections, le nombre de voix à prendre en compte est le total de celles recueillies par les candidats titulaires lors de ce tour. Si cette condition n'est pas satisfaite, une consultation du personnel peut être organisée à la demande d'une ou de plusieurs organisations syndicales signataires. L'offre publique d'achat ou l'offre publique d'échange peut être réalisée si elle est approuvée par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ».
« Participent à la consultation prévue à l'alinéa ci-dessus les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du présent code. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 433-9 du présent code. La consultation a lieu pendant le temps de travail. »
B. - En conséquence, à la fin du premier alinéa du même I, de remplacer les mots : « deux alinéas ainsi rédigés » par les mots : « quatre alinéas ainsi rédigés ».
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement concerne la question de la connaissance sur les offres publiques d'achat et les offres publiques d'échange. Ainsi que nous le précisons dans l'exposé des motifs, il se pose la question assez essentielle selon nous des rapports pour le moins ambigus qui lient entre elles les règles propres au droit social, d'une part, et, d'autre part, celles du droit des sociétés - fût-il, comme c'est le cas avec ce texte, codifié dans le code de commerce - et celle, plus fondamentale de la relation entre décision économique et société.
Le premier aspect que nous voulons traiter avec cet amendement est celui de l'irruption du social dans la décision économique.
Avec notre amendement, en effet, le personnel des entreprises faisant l'objet d'une offre publique d'achat ou d'échange serait directement consulté par la voie d'un référendum d'entreprise à la demande d'une ou plusieurs organisations syndicales de l'entreprise concernée afin de traduire concrètement l'avis de ceux qui, à défaut d'être actionnaires, sont, en pratique, concernés par la décision économique.
On ne peut, en effet, oublier qu'il n'est guère d'opérations de concentration ou de rapprochement entre entreprises qui n'aient fini par générer des suppressions d'emplois, sous prétexte qu'il est nécessaire de dégager une certaine forme de retour sur investissement pour les nouveaux actionnaires ou de rationaliser le processus de production.
On notera d'ailleurs que la langue économique d'aujourd'hui est riche de concepts servant à dissimuler ce que le langage commun appelle d'autres noms : qu'il s'agisse de plan social pour « charrette de licenciements » ou d'accroissement de la productivité pour « hausse des cadences de production », le vocabulaire « managerial » s'est profondément renouvelé et il habille aujourd'hui des couleurs de la modernité des procédés aussi vieux que la société marchande.
Notre souci est donc de faire de la consultation du personnel, soit par le biais de l'accord des organisations syndicales représentatives majoritaires dans l'entreprise, soit dans le cadre d'une consultation directe des personnels, un passage obligé dans la mise en oeuvre d'une procédure d'OPA ou d'OPE.
Pour nous, l'entreprise ne peut être réduite à une proie financière. Elle est aussi une manifestation de l'intérêt collectif.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement de notre collègue subordonne la réalisation d'une offre publique d'achat ou d'échange à son acceptation par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou, à défaut, par les délégués du personnel, ou encore a»rès consultation du personnel.
Là, manifestement, on est face à une démarche politique, certainement honorable, mais qui ne peut être en cohérence avec la vision de la majorité de la commission des finances...
M. Jean-Jacques Hyest. Cela n'existe nulle part !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... et qui n'est d'ailleurs pas plus en cohérence, me semble-t-il, avec le texte du Gouvernement, sans préjuger ce qu'il va nous dire.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous êtes trop bon avec le Gouvernement, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Il est certain que je suis trop bon !
Je voudrais profiter tout de même de cette intervention pour redire que la réponse, madame le secrétaire d'Etat, qui a été faite tout à l'heure à la question, préoccupante en droit, du cumul possible des procédures et surtout des sanctions du droit du travail et du droit boursier, cette réponse, très franchement, nous ne l'avons pas entendue.
Nous ne l'avons pas entendue, et, pour les travaux préparatoires, il est vraiment important qu'elle figure clairement, si je puis me permettre de solliciter une prise de position à cet égard, dans nos débats parce que, s'il apparaît que cette réponse n'a pas été complètement argumentée, que va-t-il se passer ? Ainsi, le premier avocat venu d'un comité d'entreprise qui se trouvera placé dans cette situation ira devant le conseil des prud'hommes pour invoquer le délit d'entrave. Il va le faire. Ce n'est pas théorique !
Il faudrait donc que vous nous disiez si, oui ou non, avec votre texte, puisque vous estimez qu'il ne doit pas être amendé, il existe un risque de redondance ou de conflit entre le droit du travail et le droit boursier. Les entreprises ont besoin de cette réponse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat Le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement n° 435 car l'article 4 a pour objet de renforcer les pouvoirs d'intervention du comité d'entreprise en cas d'offre publique. Or l'amendement vise à soumettre les OPA, les OPE et, plus généralement, les cessions d'entreprises à l'accord préalable des organisations syndicales, des comités d'entreprises, etc.
Je comprends la motivation de ce texte mais vous savez aussi, d'une part, qu'il n'y a pas forcément d'unanimité, y compris au sein d'une même organisation syndicale- nous avons vécu récemment un conflit qui en a fait la démonstration - d'autre part, que, personne n'étant certain de la cohérence interne des positions de l'ensemble des salariés ou de l'ensemble des organisations syndicales, on peut également avoir des refus qui conduisent à des conflits durs et qui aboutissent in fine à des situations dramatiques pour l'entreprise et les salariés. Autant nous voulons renforcer les pouvoirs et les moyens du comité d'entreprise - ce qui est novateur dans ce texte - autant aller au-delà ne rendrait service à personne. C'est pourquoi je souhaite, monsieur le sénateur, que vous retiriez votre amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, en ce qui concerne l'amendement n° 167, et lui seul, il contient, vous l'avez rappelé, deux dispositions de nature différente.
Tout d'abord, il vise à exclure toute autre sanction que la suspension des droits de vote en cas de refus de l'auteur de l'offre de se rendre devant le comité d'entreprise. Le Gouvernement ne peut accepter une telle disposition. En effet, s'agissant de prérogatives du comité d'entreprise, il n'y a aucune raison de ne pas appliquer les sanctions de droit commun prévues par le code du travail, à savoir le délit d'entrave.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ah !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La seconde phrase de l'amendement précise qu'il ne peut y avoir aucun recours interruptif des formalités requises par le calendrier de l'offre. Cette précision ne me semble pas nécessaire, car l'intervention du comité d'entreprise est strictement délimitée dans le temps.
De plus, en ce qui concerne le contenu de la note d'information, les éventuels contentieux y afférents sont de la compétence de la cour d'appel de Paris, qui a l'habitude de traiter ces questions très rapidement.
Pour ces raisons, le Gouvernement n'était pas favorable à l'adoption de cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur. Vous êtes donc favorable au double contentieux ! Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 435, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 437, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le dernier alinéa du II de l'article 4 par une phrase ainsi rédigée :
« Néanmoins, des dispositions équivalentes à celles prévues au sixième alinéa de l'article L. 432-1 sont mises en application à l'échelon de l'ensemble du groupe. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Il s'agissait d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 435.
M. le président. L'amendement n° 437 n'a plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'article 4.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. La question que pose en fin de compte cet article 4 amendé par la Haute Assemblée est double. D'une part, jusqu'où doit-on aller dans la transparence en matière d'information des salariés d'une entreprise concernée par une offre publique d'achat ou d'échange ? D'autre part, est-il inconvenant ou inconcevable de considérer qu'une possibilité de sanction puisse être liée à un défaut d'information et de transparence ?
Selon toutes les apparences et les explications de M. le rapporteur, la commission des finances et la Haute Assemblée optent clairement pour un objectif de limitation tant de la transparence que des possibilités de sanction.
Il y a manifestement quelque chose qui fait un peu peur à la majorité sénatoriale, c'est la possibilité que certaines règles applicables au droit du travail viennent toucher également le droit boursier. On pourrait dire, sans trahir exagérément la pensée de M. le rapporteur, et en tout cas la teneur même de son rapport, que sa crainte est que cette possibilité d'intervention des salariés ne vienne « contaminer » le processus d'offre publique d'achat ou d'échange.
C'est ainsi que, à la page 55 de ce rapport, est posée cette question essentielle : « le risque d'un blocage des offres : la reconnaissance d'un droit d'opposition aux salariés ? »
Sur ce point, notre position est claire, monsieur le rapporteur : nous disons « et pourquoi pas ? »
Qu'est-ce qui doit primer dans une procédure d'appel d'offres ?
Nous n'avons voté aucun des amendements de la commission des finances et nous ne voterons pas l'article 4, car il nous paraît remettre en cause les droits des salariés, qui se trouvent réduits par rapport à ce qu'ils étaient dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. En outre, sur le fond, l'article 4 ne répond pas à la question originelle, à savoir que ce projet de loi doit modifier les rapports sociaux et donner des droits nouveaux aux salariés pour s'opposer à des opérations de restructuration qui viennent mettre en cause l'emploi alors même que les entreprises sont prospères.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
M. Marc Massion. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5