SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000


M. le président. « Art. 66. - I. - L'article 355-l de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application des mêmes paragraphes de la présente section, deux ou plusieurs sociétés agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait, dans le cadre d'un accord en vue de mettre en oeuvre une politique commune, les décisions prises dans les assemblées générales de cette dernière. »
« II. - Dans le premier alinéa du II de l'article L. 439-1 du code du travail, les mots : "aux articles 354, 355-1" sont remplacés par les mots : "à l'article 354, aux cinq premiers alinéas de l'article 355-1". »
Je suis d'abord saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 307, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi le I de cet article :
« I. L'article L. 233-3 du code de commerce est ainsi modifié :
« A. - Dans les deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 233-3, les mots : "dans les assemblées générales" sont remplacés par les mots : "en assemblée générale".
« B. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. »
Par amendement n° 586, le Gouvernement propose de rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 66 :
« L'article L. 233-3 du code de commerce est complété par un III ainsi rédigé : ».
Par amendement n° 113, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose de rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 66 :
« I. - L'article L. 233-3 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé : ».
Par amendement n° 587, le Gouvernement propose, au deuxième alinéa de l'article 66 :
1° Avant les mots : « Pour l'application », d'ajouter la mention : « III ».
2° De remplacer les mots : « paragraphes de la présente section » par les mots : « sections du présent chapitre ».
Par amendement n° 114, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose, dans le deuxième alinéa de l'article 66, de supprimer les mots : « , dans le cadre d'un accord en vue de mettre en oeuvre une politique commune, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 307.
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous sommes ici au coeur de notions importantes du droit boursier.
La commission des finances n'est pas favorable à la précision apportée par l'Assemblée nationale concernant la notion de contrôle conjoint, qui fait référence à un accord en vue d'une politique commune qu'elle juge inutile et ambiguë.
Elle est inutile, car il est évident que, lorsque deux sociétés arrivent à imposer leur politique à l'égard d'une société aux autres actionnaires de cette dernière, ils contrôlent cette société.
En outre, elle est ambiguë, car elle semble créer une nouvelle catégorie d'action de concert selon laquelle seraient considérées comme agissant de concert les personnes qui concluraient un accord afin de déterminer la politique sociale de la société cible de cet accord.
Il convient d'éviter cette ambiguïté et de rappeler que la politique commune mentionnée à l'article 233-10 du code de commerce concerne la politique commune élaborée par les sociétés engagées dans l'action de concert à l'égard de la société qui est la cible de cette action de concert.
La politique commune, c'est la politique des actionnaires de concert vis-à-vis de l'objet du concert, ce n'est pas la politique de la société ainsi contrôlée de concert. C'est en tout cas ainsi que les textes, nous semble-t-il, doivent être compris.
C'est en vertu de ces différentes raisons que nous souhaitons la suppression de la précision introduite par l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, la commission des finances s'interroge sur l'opportunité d'exiger que les sociétés agissant de concert aient déterminé de fait les décisions prises dans plusieurs assemblées générales successives d'une société pour considérer que les membres du concert contrôlent ladite société.
Le nombre d'assemblées ne nous paraît pas être un critère pertinent pour définir s'il y a contrôle de fait d'une société par plusieurs autres sociétés agissant de concert. Il peut se produire que, dans une assemblée générale déterminée, à un moment déterminé, les membres du concert conduisent l'assemblée générale à des décisions irréversibles, dont la simple observation permettra de constater que le contrôle de fait a été acquis sans qu'il soit nécessaire d'attendre la répétition de tels faits.
En réalité, il faut vérifier que les sociétés agissant de concert ont été en mesure d'imposer leur politique commune à la société lors de la prise des décisions en assemblée générale. Cela ne signifie pas que, dans tous les cas de figure, le contrôle de fait soit observable à l'issue d'une seule assemblée générale ! Ce sera matière à appréciation du conseil des marchés financiers, de la commission des opérations de bourse - bientôt sans doute du CMF et de la COB unifiés - et, le cas échéant, du juge, qui tranchera en définitive le point de savoir si le contrôle était exercé dès la première assemblée générale, ou s'il a fallu attendre la répétition de plusieurs assemblées générales pour que l'on s'assure de la réalité dudit contrôle.
Tel est l'esprit, madame le garde des sceaux, dans lequel la commission des finances souhaite amender l'article 66.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 586.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est un amendement de codification.
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 113.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. La commission des lois a les mêmes préoccupations que la commission des finances.
Si l'article 66 du projet de loi tend à reconnaître l'existence du contrôle conjoint exercé par deux sociétés agissant de concert, l'Assemblée nationale a limité la portée de cet article en indiquant que seule une des deux hypothèses de l'action de concert pouvait donner lieu à la reconnaissance du contrôle.
Or, me référant aux travaux du Sénat - M. Marini n'était-il pas déjà le rapporteur du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du 2 juillet 1998 ? - je rappelle que la Haute Assemblée avait déjà proposé la reconnaissance du contrôle conjoint exercé dans le cadre d'une action de concert.
Cela étant, monsieur le président, l'amendement de la commission des lois est, bien entendu, satisfait par celui de la commission des finances : sans avoir la même approche, nous aboutissons toutefois au même résultat car il ne faut pas adopter la démarche limitative de l'Assemblée nationale, qui supprime l'une des branches de l'alternative.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 587.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 114.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Nous sommes dans la même situation que pour l'amendement n° 113, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 307, 113 et 114 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai besoin d'un éclaircissement, monsieur le président : l'amendement n° 114 a-t-il été ou non retiré ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président, puisque l'amendement n° 307 nous donne satisfaction.
M. le président. L'amendement n° 114 est retiré.
Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je précise que j'aurais donné un avis favorable à l'amendement n° 114 s'il n'avait pas été retiré. (Murmures.)
Quant à l'amendement n° 307, il n'est pas opportun dans la mesure où, en transformant un pluriel en singulier, il introduirait une instabilité certaine dans la notion de contrôle.
Le Gouvernement y est donc défavorable.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Dois-je comprendre, madame le ministre, que c'est au A de l'amendement n° 307 que vous êtes hostile mais pas nécessairement au B, puisque vous auriez été favorable à l'amendement n° 114, qui en reprend les termes ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le B correspondant à l'amendement n° 114 déposé par M. Hyest au nom de la commission des lois, je n'ai pas d'objection à cette partie de votre amendement, en effet.
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans le souci d'être constructif, je rectifie donc l'amendement n° 307 et je retire le A. Je m'efforcerai, d'ici à l'examen par la commission mixte paritaire ou à la nouvelle lecture, de mieux convaincre les spécialistes de ce sujet au sein de vos services pour que nous puissions, éventuellement, avancer davantage sur ce thème.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement, n° 307 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et tendant à rédiger ainsi le I de l'article 66 :
« I. - L'article L. 233-3 du code de commerce est ainsi modifié :
« Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 307 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 586, 113 et 587 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 588, le Gouvernement propose, au II de l'article 66 :
1° De remplacer les références : « 354 et 355-1 » respectivement par les références : « L. 233-1 et L. 233-3 ».
2° De remplacer les mots : « cinq premiers alinéas » par les mots : « I et II ».
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 588, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 66, modifié.

(L'article 66 est adopté.)

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