SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000


M. le président. « Art. 70 ter. - I. - Dans le premier alinéa du I de l'article 163 bis C du code général des impôts, les mots : "cinq années" sont remplacés par les mots : "quatre années". »
« II. - Le 6 de l'article 200 A du même code est ainsi rédigé :
« 6. Sauf option du bénéficiaire pour l'imposition à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires, l'avantage mentionné au I de l'article 163 bis C est imposé au taux de 30 % à concurrence de la fraction annuelle qui n'excède pas 1 000 000 F et de 40 % au-delà.
« Ces taux sont réduits respectivement à 16 % et 30 % lorsque les titres acquis revêtent la forme nominative et demeurent indisponibles, suivant des modalités fixées par décret, pendant un délai au moins égal à deux ans à compter de la date d'achèvement de la période mentionnée au I de l'article 163 bis C. »
« III. - Dans le dernier alinéa du I de l'article 163 bis G du même code, les mots : "le taux prévu au 6 de l'article 200 A s'applique" sont remplacés par les mots : "le taux est porté à 30 %". »
« IV. - Les dispositions du I et du II s'appliquent aux options attribuées à compter du 27 avril 2000. Les dispositions du III s'appliquent à compter du 27 avril 2000. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 470, Mme Beaudeau, M. Loridant, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article :
« Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 6. L'avantage mentionné au I de l'article 163 bis C est imposé à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. »
Par amendement n° 342, rectifié, MM. Arthuis, Badré et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de rédiger ainsi cet article :
« I - L'article 80 bis du code général des impôts est abrogé.
« II - Au 8 de l'article 150-0-D du code général des impôts, le deuxième alinéa est supprimé.
« III - Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est supprimé.
« IV - Le 1 du II de l'article 150-0-A du code général des impôts est supprimé.
« V - Après l'article 150-0-A du code général des impôts, insérer un article rédigé comme suit :
« L'art. 150-0-A bis. - Le gain net défini au paragraphe 8 de l'article 150-0-D est imposé comme un bénéfice non commercial si la levée de l'option intervient avant l'achèvement d'une période de cinq années à compter de la date d'attribution de l'option et si la cession des titres est postérieure à cette période.
« Si la condition prévue au premier alinéa n'est pas remplie, le gain réalisé est imposé à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. La taxation est effectuée au titre de l'année au cours de laquelle le salarié a cédé les actions. »
« VI - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des paragraphes I à V est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 319, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi cet article :
« I - Dans le premier alinéa du I de l'article 163 bis C du code général des impôts, les mots : "cinq années" sont remplacés par les mots : "trois années" ;
« II - Au début du 6 de l'article 200 A du code général des impôts, sont insérés les mots : "Si les actions sont cédées moins d'un an après la date de levée de l'option," ;
« III - Le deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
« IV - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I et du II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
« V - La perte des recettes résultant pour les régimes sociaux des dispositions du III ci-dessus est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 470.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on conviendra que notre amendement n° 470 présente au moins l'avantage de la clarté en ce que nous simplifions à l'essentiel le texte de l'article en modifiant les dispositions actuelles de l'article 200 A du code général des impôts.
Le débat sur les plans d'option d'achat d'actions, qu'un franglais de mauvais aloi qualifie de stock-options, est un débat déjà relativement ancien.
Dans notre Haute Assemblée, il a suscité maintes controverses, qu'il s'agisse de modifier des dispositions de la loi de finances ou de produire quelques rapports sur le sujet.
C'est ici, par exemple, qu'en 1993 fut votée la suppression pure et simple du délai de détention des titres qui permettait à quelques cadres dirigeants d'entreprises de toucher la plus-value sur les cessions d'actions de leur propre entreprise avant même qu'ils aient fini d'en solder le coût d'acquisition et a fortiori de portage.
Sans doute était-ce dans l'esprit des concepteurs de cet amendement, qui siègent d'ailleurs encore aujourd'hui dans notre Haute Assemblée, en application des « réalités » économiques.
C'est encore dans cette enceinte que certains, à l'appui du régime spécifique d'imposition des plus-values de cessions, tirèrent parti du cas d'espèce pour préconiser une baisse significative des taux supérieurs de l'impôt sur le revenu, légitimant par là même l'évasion fiscale que permettait le régime particulier.
Mais revenons-en au fond.
Il convient, dès lors que l'on parle de ces questions, de partir de l'essentiel et de considérer les plans d'actions pour ce qu'ils sont. Pour nous, ils ne sont rien d'autre que des éléments de rémunération.
On observera d'ailleurs que le texte du projet de loi, si l'on prend en compte la rédaction retenue par l'Assemblée nationale et non pas celle de la commission des finances du Sénat et de son rapporteur, assimile objectivement ces revenus à des revenus salariaux.
L'obligation de transparence s'applique en effet à la fois aux rémunérations « normales » des dirigeants et des salariés les mieux rémunérés d'une entreprise, mais également à ces compléments que peuvent constituer les plans d'option.
Nous pensons donc qu'il convient de tirer toutes les conclusions de ce processus dès la promulgation de la présente loi, en soumettant au barème progressif les revenus tirés des cessions de parts, de la même manière que les salaires directs.
Dans ce cas de figure, l'obligation de transparence demeurerait effectivement affirmée, mais l'égalité de traitement fiscal deviendrait enfin la règle, la différence dans le montant du prélèvement étant dorénavant matérialisée par la stricte application du barème.
On notera également que ce choix - qui est aujourd'hui, comme chacun le sait, strictement optionnel - d'une imposition au barème progressif fait bénéficier les revenus considérés de l'application des dispositions correctrices de l'impôt sur le revenu propres à la catégorie des traitements et salaires, c'est-à-dire la déduction pour frais professionnels, ou de l'application du dispositif frais réels et de l'abattement de 20 %.
Nous estimons que nous devons faire clairement le choix de la lisibilité et de la simplicité, et tel est le sens de cet amendement qui tend à parer les possibilités d'optimisation fiscale, en jouant par exemple sur les effets de seuil, qui figurent dans la rédaction actuelle de l'article 70 ter .
Notre fiscalité, tout le monde ici en conviendra, doit tendre vers plus de simplicité et de clarté pour les contribuables. M. le président. La parole est à M. Badré, pour présenter l'amendement n° 342 rectifié.
M. Denis Badré. Cet amendement vise à simplifier et à alléger le dispositif de taxation des stock-options. Nous souhaitons par là favoriser leur distribution à l'ensemble du personnel de l'entreprise. C'est pourquoi nous proposons que la taxation n'intervienne qu'au moment de la cession des actions et non au moment de la levée de l'option.
Nous précisons que la plus-value sera calculée par rapport au prix de souscription. Si la levée de l'option et la cession des actions interviennent dans les cinq ans à compter de la date de leur attribution, les plus-values réalisées seraient imposables comme un salaire - pardonnez-m'en, madame Beaudeau. Au-delà de cinq ans, les gains nets seraient soumis au taux de droit commun de 16 %.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 319 et pour donner l'avis de la commission des finances sur les amendements n°s 470 et 342 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je crois utile de réaffirmer, en défendant cet amendement, les positions qui ont été prises avec continuité par la commission des finances en ce qui concerne le régime fiscal des options de souscription ou d'achat d'actions.
Trois idées sont à la base de nos positions.
La première est le raccourcissement de cinq ans à trois ans du délai d'indisponibilité fiscale, c'est-à-dire le délai entre l'attribution des options et la cession des actions. Ce délai doit être respecté si l'on veut bénéficier de l'imposition la plus favorable.
Deuxième idée : le rétablissement du taux d'imposition de droit commun de 16 % des plus-values sur valeurs mobilières lorsqu'un délai de portage d'un an est respecté entre la levée de l'option et la cession des actions. A défaut de cette condition, le taux majoré de 30 %, instauré en 1996, doit rester applicable.
Troisième idée, le retour à l'exonération de cotisations sociales, ce qui était la situation antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, les diverses contributions sociales au droit commun restant dues à hauteur de 10 %, soit la CSG, la CRDS et les 2 % sur les revenus du patrimoine.
Madame le secrétaire d'Etat, les positions de la commission des finances se fondent sur l'idée que les stock-options ne sont pas des compléments de rémunération ; c'est l'aspect important sur lequel je suis en désaccord complet avec la présentation qui a été faite par notre collègue Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ce ne sont pas, ce ne doivent pas être des surrémunérations sous-imposées, selon la formule que nous avions utilisée au début de l'année 1995, si ma mémoire est bonne, dans un rapport que j'avais eu l'honneur de cosigner avec MM. Jean Arthuis et Paul Loridant.
Nous restons dans cette conception que nous avons précisée à maintes reprises depuis lors : nous estimons que, pour mériter ce régime fiscal de plus-values, il faut qu'il s'agisse bien de vraies prises de risques, d'où le délai de portage, et qu'il ne doit pas s'agir d'un bénéfice automatique, comme si c'était un salaire ou un complément de salaire.
Si l'on est exigeant sur la notion même de stock-options, d'option de souscription ou d'achat d'actions, c'est afin de pouvoir justifier l'assujetissement à l'imposition des plus-values sur valeur mobilière et non pas à l'imposition des salaires au barème progressif de l'impôt sur le revenu.
Telles sont, madame le secrétaire d'Etat, les positions de base que notre commission souhaitait réaffirmer sur ce sujet.
Par ailleurs, monsieur Badré, si nos préoccupations sont convergentes, les dispositifs techniques que nous proposons diffèrent. Nous avons la même conception de base sur les stock-options et sur les différences fondamentales qui existent entre elles et les salaires, mais les dispositifs techniques que nous envisageons ne sont pas tout à fait identiques.
Pour la clarté de notre débat, je souhaiterais donc vivement que nos collègues de l'Union centriste acceptent de se rallier à l'amendement n° 319 de la commission des finances.
M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° 342 rectifié est-il maintenu ?
M. Denis Badré. Avant de le retirer, monsieur le président, je souhaiterais entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. S'agissant de l'amendement n° 470, le Gouvernement avait proposé, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale du texte que nous examinons, un amendement qui a été adopté et qui constitue l'article 70 ter du projet de loi.
Il en ressort un dispositif de taxation de la plus-value d'acquisition juste, efficace et équilibré, qui module l'imposition en fonction de deux critères : le montant des gains réalisés et le délai pendant lequel les titres auront été conservés.
En conséquence, madame Beaudeau, les préoccupations qui sont les vôtres, et qui sont légitimes sont bien prises en compte par cet article. Or, vous proposez de revenir sur cet équilibre et, en pratique, de supprimer le dispositif des options, ce qui n'est pas souhaitable.
Estimant que l'article 70 ter vous donne en grande partie satisfaction, nous vous demandons de retirer votre amendement, faute de quoi nous émettrons un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 342 rectifié, le Gouvernement a bien compris les préoccupations exprimées par M. Badré. Il propose de revenir à un système proche de celui auquel lui-même et ses amis ont mis fin en 1995, en créant le taux spécifique de 30 % pour la plus-value d'acquisition.
M. Denis Badré. Comment peut-on tenir de tels propos ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Vous souhaitez aujourd'hui que la plus-value totale, égale à la différence entre le prix de cession des titres acquis sous option et leur prix d'acquisition ou de souscription, incluant éventuellement un rabais de 20 %, soit imposée au taux réduit de 16 % lorsque la cession intervient après le délai d'indisponibilité de cinq ans.
Vous remettez donc complètement en cause la notion de plus-value d'acquisition, qui est inhérente à ce dispositif d'actionnariat salarié, pour l'assimiler purement et simplement à une plus-value de cession et soumettre ainsi l'ensemble du gain réalisé à un régime très favorable.
Il ne me semble pas possible d'aller au-delà du texte équilibré adopté à l'Assemblée nationale en première lecture. Vous comprendrez que le Gouvernement émette un avis défavorable.
Si, techniquement, l'amendement n° 319 de la commission des finances est différent, ma réponse ne sera guère éloignée de celle que je viens de vous apporter, monsieur Badré, puisqu'il tend à instaurer une certaine progressivité pour l'imposition des gains de levée d'options sur titres en tenant compte, d'une part, du montant des gains réalisés et, d'autre part, du délai pendant lequel les titres souscrits ou acquis sous options sont effectivement conservés par les bénéficiaires.
La commission propose de supprimer du dispositif voté par l'Assemblée nationale toute modulation de la fiscalité des stock-options selon le montant du gain réalisé, pour ne conserver qu'un allégement du taux d'imposition du gain, soit de 40 % à 26 %, en cas de respect d'un délai de portage limité à un an.
De plus, vous réduisez de cinq ans à trois ans le délai d'indisponibilité.
Enfin, pour faire bonne mesure, et en complète contradiction avec notre volonté d'encourager une association durable des salariés au capital de leur entreprise, vous supprimez l'assujettissement aux cotisations sociales de la plus-value d'acquisition lorsque le délai d'indisponibilité, pourtant réduit à trois ans, comme je viens de l'indiquer, n'est pas respecté.
Au total, il me semble que votre intention est surtout de revenir sur les modifications apportées au régime fiscal et social des stock-options en 1995, puis en 1996, par la majorité à laquelle vous apparteniez, ce que je trouve logique à titre personnel.
Naturellement, le Gouvernement ne peut que vous demander de retirer ces amendements, sinon il émettra un avis défavorable puisque « cela ne colle pas », si je puis me permettre d'employer cette expression populaire, à l'épure générale du projet que nous présentons.

M. le président. Monsieur Badré votre amendement est-il maintenu ?
M. Denis Badré. L'intervention de Mme la secrétaire d'Etat nous donne un peu de regret, car il serait intéressant que nous poursuivions cette petite polémique, en toute courtoisie, bien entendu.
Je ne partage évidemment pas l'analyse que Mme la secrétaire d'Etat vient de nous proposer sur ce que nous avons vécu depuis cinq ans sur ce sujet. Mais nous en resterons là pour aujourd'hui. Nous pourrons reprendre cette discussion en d'autres temps et en d'autres lieux.
Cela dit, je retire mon amendement, ainsi que le demandait M. le rapporteur, et je me rallie, bien entendu, à celui de la commission des finances.
M. le président. L'amendement n° 342 rectifié est retiré.
Madame Beaudeau, votre amendement est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 470, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 319, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 70 ter est ainsi rédigé.

Article 70 quater (priorité)