SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000


M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par Mme Terrade, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 471 tend, après l'article 70 quater , à insérer une division additionnelle ainsi rédigée : « Chapitre... - De la situation des entreprises sous-traitantes et de leurs salariés ».
L'amendement n° 477 vise à insérer, après l'article 70 quater, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 432-5 du code du travail, un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Lorsque l'employeur d'une entreprise sous-traitante a connaissance d'une décision d'une entreprise donneuse d'ordre dont il estime qu'elle engendre des difficultés économiques de nature à la contraindre à procéder à un licenciement collectif, il en informe et réunit immédiatement les représentants du personnel.
« Sur la demande de cet employeur, le comité d'entreprise de l'entreprise donneuse d'ordre est convoqué sans délai par l'employeur de cette dernière et se trouve élargi aux membres du comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel de l'entreprise sous-traitante avec voix délibérative.
« Il en est de même, sur la demande des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante, lorsque ceux-ci ont connaissance d'une décision telle que visée au premier alinéa du présent article.
« Le comité ainsi élargi, coprésidé par les deux employeurs ou leurs représentants, dispose des prérogatives prévues par les articles L. 434-6 et L. 321-1 du code du travail.
« La réunion des deux entreprises constitue le champ d'appréciation du motif économique et de l'effort de reclassement au sens de l'article L. 321-1.
« Le refus, par l'employeur de l'entreprise donneuse d'ordre, de convoquer le comité d'entreprise sur la demande de l'employeur ou des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante est sanctionné par les dispositions de l'article L. 483-1 du code du travail.
« Lorsque l'employeur de l'entreprise sous-traitante n'a pas fait usage de la procédure prévue par le présent article, la décision de l'entreprise donneuse d'ordre ne peut être invoquée, directement ou indirectement, comme motif de licenciement par l'entreprise sous-traitante. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Ces deux amendements portent sur les effets des décisions stratégiques des entreprises vis-à-vis de leurs entreprises sous-traitantes.
Ils visent à modifier la rédaction du code du travail dès lors qu'un conflit d'intérêt est susceptible d'intervenir entre deux entreprises qui ont partie liée sur une relation commerciale et économique donnée.
Chacun a en mémoire ce qui a pu se passer dans une entreprise comme Wolber, dans l'Aisne, qui présente les caractéristiques d'être sous-traitante d'une autre grande entreprise du secteur du pneumatique dont il est inutile de rappeler ici le nom.
Dans un premier temps, il s'agit de convenir de la réunion d'un comité d'entreprise commun aux deux entités, à la lumière de l'expertise comptable qui est accordée aux comités d'entreprise par l'article L. 434-6 du code du travail et, s'agissant de la mise en oeuvre de procédures collectives de licenciement, dans le cadre de l'exercice des garanties prévues par l'article L. 321-1 du même code.
Pour autant, la réunion commune des deux comités est naturellement placée sous les garanties de l'application éventuelle du délit d'entrave prévu par l'article L. 483-1 du code du travail.
Dans les faits, il s'agit de mettre les salariés des deux entreprises en mesure d'appréhender effectivement les données de la situation créée par le choix stratégique de l'entreprise donneuse d'ordre, notamment en termes d'emplois.
La transparence dans la gestion des entreprises et l'exercice de nouvelles prérogatives par les comités d'entreprise, instances représentatives des salariés et de leurs intérêts, nous paraissent aujourd'hui indispensables si l'on veut durablement stabiliser les relations sociales et économiques dans notre pays et prévenir certains traumatismes entraînés par des choix de gestion ignorant les conséquences concrètes qu'ils entraînent.
Ces amendements ne sont pas à proprement parler un obstacle à la mise en oeuvre de procédures de licenciement collectif faisant suite à la perte de contrats commerciaux. Cependant, ils constituent, de notre point de vue, un outil complémentaire de l'intervention des salariés dans la gestion des entreprises, ce qui ne peut qu'aller dans le bon sens pour l'avenir.
C'est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à les adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 471 et 477 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La question qui est posée est intéressante, mais, ayant trait aux droits du comité d'entreprise, elle ne relève pas du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.
En revanche, ce type de problème pourra être abordé lors de la discussion du projet de loi de modernisation sociale, qui sera examiné ultérieurement. C'est pourquoi je vous demande, puisque vous avez indiqué votre position en exposant vos amendements, de bien vouloir les retirer ; nous pourrons les discuter le moment venu. Je sais en effet qu'un certain nombre de vos collègues, tant dans cet hémicycle qu'à l'Assemblée nationale, partagent votre volonté de déposer des amendements en ce sens.
M. le président. Madame Terrade, maintenez-vous les amendements n°s 471 et 477 ?
Mme Odette Terrade. Sous le bénéfice de l'information que vient de nous donner Mme le secrétaire d'Etat, je retire ces deux amendements.
M. le président. Les amendements n°s 471 et 477 sont retirés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, présentés par Mme Beaudeau, MM. Loridant et Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 472 tend à insérer, après l'article 70 quater , une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre... Du respect des fonctions des institutions représentatives du personnel »
L'amendement n° 478 vise à insérer, après l'article 70 quater , un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 225-27 du code de commerce, un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les sociétés relevant de l'application de la présente loi sont tenues d'inclure dans leurs statuts l'engagement de respecter la législation relative aux institutions représentatives du personnel. Le non-respect de cette obligation ainsi que la violation de cet engagement entraînent la nullité des décisions et délibérations correspondantes. »
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre ces deux amendements.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, il me semble tout à fait logique, pour la commodité des débats, de présenter ensemble les amendements n°s 472 et 478, qui forment un tout.
Comme nous avons pu le constater, par exemple lors de l'examen de l'article 4 du projet de loi, il s'agit d'introduire dans le droit des sociétés une forme d'obligation sociale tendant au respect des règles propres à la désignation, au fonctionnement et à la consultation des institutions représentatives du personnel.
On pourra évidemment nous objecter que ce type de dispositions n'a pas sa place dans le code de commerce, qui a par nature, nous le savons bien, un objet légèrement différent de celui du code du travail.
Cependant, il n'en demeure pas moins nécessaire, de notre point de vue, que cette précision soit apportée. Il est en effet grand temps, nous semble-t-il, que le fonctionnement des entreprises prenne en compte l'ensemble des données qui découlent de ces conditions mêmes. Nous l'avons bien vu, en particulier, au cours des débats que nous avons eus sur le fonctionnement des autorités de contrôle du droit de la concurrence, sur les clauses environnementales de la production industrielle et commerciale, sur les obligations d'information et de concertation liées à la mise en oeuvre des procédures d'appel d'offres.
La responsabilité sociale des entreprises doit donc être enfin définie. Cela passe notamment par le souci permanent de développer les conditions du dialogue social, souci relayé, entre autres, par nos amendements.
C'est donc dans la perspective de créer une responsabilité sociale des entreprises que nous vous proposons d'adopter nos deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je voudrais rappeler à notre collègue que les sociétés doivent, à l'évidence, respecter l'ordre public, comme tous les sujets de droit, et qu'elles sont donc tenues de respecter les obligations légales, même si ces dernières n'ont pas été transcrites dans leurs statuts : les statuts ne priment pas sur la loi ; bien au contraire, la loi prime sur les statuts et, si la loi l'exige - c'est d'ailleurs le cas pour un certain nombre de dispositions que nous avons votées dans ce projet de loi -, les statuts doivent être mis en harmonie avec elle.
Vous en avez eu un exemple ce matin, lorsqu'il s'est agi du partage des fonctions du président et du directeur général. Il est précisé que ce partage doit être prévu dans les statuts, mais c'est une obligation pour les statuts que d'en tenir compte.
Ce qui s'applique au partage des tâches entre les organes sociaux s'applique à l'évidence au droit du travail. L'amendement présenté par Mme Beaudeau n'est donc absolument pas nécessaire pour assurer le respect du droit en ce qui concerne le fonctionnement des institutions représentatives du personnel.
La commission est donc tout à fait défavorable à cet amendement ainsi qu'à la division additionnelle qui en est le chapeau.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement fera une réponse proche de celle de la commission.
Je comprends que déposer ces amendements, c'était réaffirmer un certain nombre de principes. Mais le respect des obligations relatives à la législation régissant les institutions représentatives du personnel comporte déjà des sanctions civiles et pénales : c'est le droit.
C'est pourquoi je demande de retirer ces amendements. En effet, je ne vois pas en quoi il serait nécessaire d'inscrire le droit dans les statuts.
Je vous demande de m'excuser, madame Baudeau, mais cet amendement ne tient pas !
M. le président. Madame Beaudeau, maintenez-vous vos amendements n°s 472 et 478 ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s 472 et 478 sont retirés.
Nous avons achevé l'examen des articles, appelés par priorité, relatifs au droit des sociétés commerciales.
Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à l'amendement n° 445, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 12.

Chapitre III

Dispositions communes

Article additionnel avant l'article 12