SEANCE DU 18 OCTOBRE 2000


SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS

Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 456, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. [Rapport n° 17 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, si j'ai toujours plaisir à vous retrouver, ce plaisir est encore plus grand aujourd'hui compte tenu de l'importance du texte dont nous allons discuter.
MM. Louis Besson, Claude Bartolone et moi-même revenons en effet aujourd'hui devant vous pour poursuivre l'examen du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Le débat sur ce texte a déjà été dense. Les échanges ont été souvent passionnés, le plus souvent constructifs, même s'ils furent parfois polémiques.
Comme vous le savez, la commission mixte paritaire, réunie au printemps, n'est pas parvenue à trouver un terrain d'entente.
Ce fut non pas à cause d'un désaccord global sur l'ensemble des dispositions de ce texte, dont une partie a d'ailleurs été adoptée avec de très larges majorités, mais du fait d'oppositions profondes sur certaines dispositions. Je citerai en particulier celles qui touchent à la mixité sociale dans l'habitat.
La représentation nationale a examiné au total plus de 3 400 amendements avant la nouvelle lecture que nous entamons aujourd'hui au Sénat. Le Parlement s'est donc, je crois, pleinement saisi de ce texte. Il convient de s'en féliciter.
Tant sur le volet concernant l'urbanisme que sur les questions d'habitat ou de déplacements, les contributions ont été nombreuses, riches de vos expériences et de vos réflexions, et le Gouvernement a été, je le crois, à l'écoute des parlementaires.
L'accroissement, tout au long des débats, du nombre des articles de ce texte, qui est passé de 87 à environ 170, montre tout l'intérêt que vous avez porté à l'ensemble des questions urbaines.
Je ne vais pas procéder, mesdames, messieurs les sénateurs, à une présentation détaillée des mesures contenues dans ce projet de loi, car vous les connaissez.
Permettez-moi simplement de revenir en quelques mots sur les principaux points qui restent aujourd'hui en discussion, puisque le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté en termes identiques de très nombreuses dispositions.
La navette a permis de confirmer sur bien des points une large convergence sur le premier volet de ce texte, qui vise, au travers de la réforme des documents d'urbanisme, à renforcer la cohérence des politiques urbaines à l'échelle de l'agglomération. C'est, en particulier, le cas avec les schémas de cohérence territoriale. S'agissant des plans locaux d'urbanisme, un point de désaccord subsiste avec la Haute Assemblée.
Vous vous souvenez que, sur la plupart des rédactions proposées par le Sénat sur ce volet, le Gouvernement avait, dès la première lecture, considéré qu'une synthèse serait possible. Il a eu raison de faire confiance à la sagesse du Parlement, puisque c'est aujourd'hui très largement le cas.
Je veux saluer le travail des rapporteurs des deux assemblées, en particulier celui de M. Althapé pour la commission des affaires économiques, et de M. Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois, en première lecture.
Ils ont consacré beaucoup de temps et d'énergie sur ces dispositions, dans un état d'esprit constructif que je me plais à souligner.
En définitive, sur les objectifs et les règles d'élaboration de ces documents d'urbanisme, mais aussi sur les politiques d'aménagement ou la fiscalité de l'urbanisme, les positions sont, à mon sens, maintenant relativement convergentes, sous réserve de précisions ou d'améliorations rédactionnelles.
Sur un certain nombre de points malgré tout, essentiellement d'ailleurs sur des dispositions issues d'amendements déposés en première lecture, il faut bien faire le constat d'un désaccord entre les deux assemblées. Je pense d'abord aux nombreux amendements touchant aux lois « montagne » et « littoral », grandes lois de protection auxquelles le Gouvernement entend garantir ce caractère.
L'Assemblée nationale, suivant en cela l'avis du Gouvernement, est revenue sur la plupart des modifications qui avaient été introduites ici même, en première lecture.
Le Gouvernement a eu l'occasion de dire à différentes reprises qu'il ne souhaitait pas que ce texte serve de support à une modification de l'équilibre de ces deux lois, sauf pour apporter des éléments de souplesse parfois utiles.
Il s'en tiendra donc à cette position d'ici à la fin du débat. Il a été amené à adopter la même position sur l'ensemble des amendements qui pouvaient porter atteinte au droit constitutionnel de chaque citoyen à contester devant le juge des décisions qui lui apparaîtraient injustifiées, car, même si des excès sont parfois à déplorer, ce droit constitue un élément essentiel de notre démocratie. Je ne doute pas de la capacité du Sénat à comprendre la sagesse de cette position et, peut-être, à s'y rallier.
Le deuxième volet est celui de l'habitat. Le débat parlementaire a permis de confirmer les convergences qui étaient d'ores et déjà perceptibles lors de la première lecture devant la Haute Assemblée.
Tout d'abord, le Gouvernement souhaitait, en commençant ce débat, que le présent texte permette de conforter et d'adapter les compétences des organismes d'HLM aux missions qui sont les leurs et aux enjeux auxquels ils auront à faire face à l'avenir.
Tel est le sens des dispositions des articles 62 et 63 qui consolident les compétences des organismes d'HLM à intervenir, en complément de leur mission fondamentale de production de logement locatif social, dans le champ de l'accession à la propriété et de l'aménagement urbain, dans l'objectif de contribuer ainsi à la fois au renouvellement urbain et à une vraie politique de mixité sociale dans les quartiers, les villes et les agglomérations.
Au-delà de quelques divergences limitées, notamment sur le rôle exact de la caisse de garantie du logement locatif social, le débat a permis, je crois, de faire progresser notre réflexion et d'aboutir à des solutions raisonnables. Ces dernières recueillent l'accord du Mouvement HLM. Il me semblerait important que la Haute Assemblée manifeste également son accord en les adoptant à son tour.
Au cours de la navette, d'importants pas ont pu être franchis sur la réforme du régime de la copropriété, pour préciser son organisation et les règles permettant d'assurer plus de transparence envers chaque copropriétaire.
Vous connaissez la sensibilité de ces questions, et je crois pouvoir dire que les améliorations qui vous sont aujourd'hui soumises respectent les grands principes et l'équilibre de la loi de 1965.
Ensuite - et il s'agit là d'une avancée majeure pour le droit au logement - le texte qui vous est soumis aujourd'hui permettra d'inscrire dans la loi la notion de logement décent. Il ouvrira ainsi à chaque locataire la possibilité de saisir le juge pour que les travaux nécessaires puissent être entrepris, si tel n'était pas le cas. Le Gouvernement souhaite que, sur ce point, un vote unanime des deux assemblées démontre à quel point cette avancée dépasse les clivages politiques.
Enfin, je voudrais souligner l'accord qui s'est réalisé, sur toutes les travées, sur la modernisation des procédures permettant d'intervenir plus efficacement pour lutter contre l'insalubrité dans le logement, en particulier par la suppression du paiement du loyer dans l'attente de la réalisation par le propriétaire des travaux prescrits. Il y a là les moyens de répondre concrètement aux plus démunis, qui vivent souvent dans ce parc de logements insalubres, et aux associations qui les soutiennent.
Je souhaiterais remercier de leur travail, important et réalisé dans un esprit d'ouverture et de coopération, MM. Althapé et Bimbenet, respectivement rapporteur de la commission des affaires économiques et rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales en première lecture.
En revanche, le Gouvernement a dû constater que des désaccords de nature politique subsistent en ce qui concerne les dispositions relatives à la mixité sociale dans l'habitat, c'est-à-dire à l'article 25 du projet de loi.
En effet, et par-delà les déclarations d'intention, émanant de tous les groupes, en faveur de la mixité sociale dans l'habitat, le texte adopté par la Haute Assemblée en première lecture n'aurait pas permis d'atteindre les objectifs que le Gouvernement s'est fixés.
Tout d'abord, il faut rappeler que l'objectif premier du texte qui vous est proposé est de mieux répartir l'offre de logement locatif social à l'intérieur de chaque agglomération.
La proposition adoptée par la Haute Assemblée, qui visait à exclure toute mesure incitative dès lors que le seuil de 20 % serait atteint globalement à l'échelle de l'agglomération, aurait conduit, en pratique, à nier les objectifs de mixité et à se résigner à voir perdurer les inégalités inacceptables qui peuvent exister entre communes d'une même agglomération.
De plus, l'extension considérable des logements pris en compte dans l'objectif des 20 % manifestait, nous semble-t-il, le refus de conférer réellement au logement locatif social sa juste place dans chaque commune urbaine et dans chaque agglomération.
Il faut le dire et le redire, aujourd'hui, deux Français sur trois, et même trois sur quatre avec le « PLUS », peuvent accéder au logement locatif social.
M. Patrick Lassourd. Et avec le prêt à taux zéro !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Est-ce trop demander...
M. Patrick Lassourd. Oui !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ecoutez-moi bien ! Est-ce trop demander que de faire en sorte que, dans chaque commune, un logement sur cinq permette de répondre à leur demande ?
M. Patrick Lassourd. Ce n'est pas ce qui est proposé !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ecoutez-moi ! Ne réagissez pas comme cela, vous aurez le temps ensuite de réagir !
A contrario, cela signifie, naturellement, que l'accession sociale à la propriété et l'investissement locatif privé, qui sont tous deux aidés par l'Etat,...
M. Dominique Braye. C'est faux ! Ils ne sont pas pris en compte !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... ont toute leur place dans l'offre de logement, et en particulier dans les quatre logements sur cinq restants.
M. Dominique Braye. C'est faux !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Telle est la démarche du Gouvernement : elle est à la fois volontaire, raisonnable et mesurée.
Enfin, la majorité sénatoriale avait également ôté toute substance au dispositif proposé dans le projet de loi en refusant de donner au représentant de l'Etat les moyens de faire appliquer la loi...
M. Dominique Braye. Il ne le pourra pas !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... lorsque les communes refusent de la respecter...
M. Patrick Lassourd. Ce sera inapplicable !
M. Dominique Braye. Demandez aux élus locaux !
M. Philippe Labeyrie. Laissez parler M. Gayssot !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et de mettre en oeuvre les objectifs de mixité sociale. (MM. Braye et Lassourd protestent.)
Je vois que les vacances n'ont pas réduit votre velléité !
M. Dominique Braye. Pas plus que la vôtre !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ni la mienne, vous avez raison de le dire !
L'Assemblée nationale a donc naturellement souhaité rétablir la logique politique du dispositif qu'elle avait adopté en première lecture. C'est un impératif de solidarité, auquel le Gouvernement est très prodondément attaché.
Je souhaite que les séances qui viennent permettent de faire progresser, sur ce point, nos analyses et nos propositions.
J'aborderai maintenant le volet relatif aux déplacements.
Le Gouvernement a souhaité que les différentes politiques de déplacements, d'habitat, d'urbanisme soient mises en cohérence dans une seule et même démarche, prenant en compte l'agglomération.
L'Assemblée nationale a - vous le savez - apporté un certain nombre de modifications au titre III du texte issu des travaux du Sénat. Elle a ainsi souhaité rétablir certaines des dispositions des articles 36 et 37 relatifs aux plans de déplacements urbains, afin de conforter leur caractère prescriptif.
Concernant la coopération entre les autorités organisatrices de transport et la création de « syndicats mixtes de transport », le texte initial du Gouvernement a été notablement amélioré par les travaux de Sénat et de l'Assemblée nationale. Les députés ont ainsi repris la proposition du Sénat d'élargir par la voie conventionnelle les possibilités de coopération entre les autorités organisatrices de transport.
S'agissant de la création d'autorités organisatrices de second rang, cette possibilité a été prévue pour la région d'Ile-de-France, mais supprimée pour la province.
En cohérence avec la position que j'avais exprimée ici même en première lecture, il ne m'est pas apparu souhaitable de bouleverser, à ce stade, l'équilibre de cet article, ce qui m'a conduit à soutenir la proposition des députés.
Concernant l'article 42, relatif aux ressources financières des syndicats mixtes de transport, l'Assemblée nationale a rétabli, avec l'accord du Gouvernement, la version qu'elle avait adoptée en première lecture, n'ayant pas été convaincue par votre proposition de création d'une taxe additionnelle sur le produit des amendes.
A l'article 42, un débat a eu lieu sur le seuil de population à partir duquel un versement de transport pouvait être institué par une autorité organisatrice de transports urbains.
M. Dominique Braye. Encore un impôt !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous vouliez créer un nouveau prélèvement !
Après discussion, ce seuil a été fixé à 10 000 habitants, contre 20 000 aujourd'hui, ce qui permettra d'apporter une réponse aux besoins exprimés par les petites villes.
L'Assemblée nationale a conservé, sans les modifier, les dispositions que vous aviez acceptées concernant ce qu'il est convenu d'appeler la « déspécialisation géographique » de la RATP. Je parle sous le contrôle de M. Fourcarde, qui s'est particulièrement mobilisé sur cette question. (M. Fourcade opine.)
Un paragraphe a été ajouté pour préciser les différentes ressources de la RATP, aujourd'hui mentionnées dans un décret. L'introduction de ce paragraphe à l'article 45 de la loi est rendue nécessaire par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui considère que l'énumération des ressources d'une catégorie particulière d'établissement public, telle la RATP, figure au rang de ses règles constitutives et doit être introduite dans la loi dès lors qu'une intervention législative s'y prête.
Enfin, l'Assemblée nationale est revenue sur l'article 50 bis , relatif à la mise en oeuvre du droit au transport.
Cet article trouve son origine dans un amendement parlementaire, voté par l'Assemblée nationale en première lecture puis supprimé par le Sénat.
La nouvelle rédaction de l'Assemblée nationale, plus équilibrée que la précédente, permet, en particulier, une plus grande souplesse dans les modalités de mise en oeuvre de cette disposition par les autorités de transport urbain. Le Gouvernement l'a donc soutenue.
Avant de passer au transport ferroviaire régional, je tiens à vous informer des suites des engagements que j'avais pris devant le Parlement.
Tout d'abord, je m'étais engagé auprès du sénateur M. Michel Mercier, après le retrait de son amendement, à associer l'Etat à l'expérimentation de nouveaux modes de tarification des déplacements individuels en voiture, pour en préciser la faisabilité juridique et politique.
Une étude importante avait été lancée sous l'égide de la communauté urbaine de Lyon, en association avec les villes de Grenoble et de Saint-Etienne, sur ces questions. Je tiens à vous annoncer que j'ai demandé au CERTU, le centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques, de procéder à cette étude, en coordination avec les agglomérations intéressées. J'ai souhaité que ces travaux puissent déboucher avant l'été prochain sur des propositions constructives et socialement acceptables.
Sur un second point, votre collègue Jean-Pierre Fourcade avait proposé d'instituer une possibilité de « post-paiement majoré » des droits de stationnement sur voirie, permettant d'éviter, dans ce cas, l'amende pénale.
Je viens de confier au CERTU la mission de réunir un groupe de travail, associant notamment des représentants des communes, pour « mettre à plat » tant les questions juridiques que celles qui concernent les conditions à réunir pour assurer l'efficacité d'un tel système de post-paiement. Là encore, j'ai demandé la conclusion de cette étude pour la fin du premier semestre 2001.
M. Jean-Pierre Fourcade. Merci !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Enfin, je terminerai par la régionalisation des services ferroviaires régionaux de voyageurs. Il s'agit, en fait, de généraliser l'expérience lancée en 1997 dans six, puis sept régions.
Nous en avons fréquemment parlé, et je suis convaincu, au vu des résultats de l'expérimentation, que transférer l'organisation et le financement des services régionaux de voyageurs aux régions est l'occasion de développer une offre ferroviaire plus pertinente. Les régions sont maintenant, elles aussi, convaincues de l'enjeu que représente pour elles la décentralisation de l'organisation de ces services.
Après l'important travail du Sénat en première lecture, le texte adopté fin juin par l'Assemblée nationale l'a été à une large majorité, voire, pour certains points, à l'unanimité.
Ce n'est pas le fruit d'un hasard, mais d'un long et fructueux travail de concertation avec les régions et l'association des régions de France, mais aussi avec la SNCF et toutes les parties prenantes.
Je voudrais revenir ici, mesdames, messieurs les sénateurs, sur deux inquiétudes qui se sont exprimées à ce sujet. Je me rendrai ensuite - et je vous prie de m'en excuser - à l'Assemblée nationale, où je dois intervenir à l'occasion d'un débat sur l'Europe.
Il s'agissait, tout d'abord, de la crainte que cette généralisation n'entraîne une certaine dégradation de l'unicité du système ferroviaire national, susceptible de créer une certaine rupture d'égalité entre les usagers.
Pour répondre à cette inquiétude, un nouvel article 52 bis a été introduit par l'Assemblée nationale. Il confirme le rôle de la SNCF en tant que garant de la cohérence des services ferroviaires intérieurs - et donc de l'égalité d'accès à ces services - et du développement équilibré des transports ferroviaires. Est également réaffirmée la responsabilité de l'Etat en matière de sécurité.
Cette amélioration devrait, en particulier, tenir compte de la perspective, sur le plan communautaire, d'un projet de règlement sur les obligations de service public dans les transports terrestres.
Vous redoutiez également - et je me tourne vers M. Raffarin, mais il n'était pas le seul à évoquer ce problème - un risque de transfert de charge important, à l'occasion du transfert de compétences.
Cette question a fait l'objet de nombreux et fructueux débats, puisque des modifications importantes ont permis de compléter le mécanisme de la dotation globale de décentralisation.
Il s'agit, je vous le rappelle, de la prise en compte des conséquences de la mise en service d'une ligne nouvelle à grande vitesse sur les services d'intérêt régional et de l'intégration de la compensation des pertes tarifaires liées à la mise en oeuvre des tarifs sociaux appliqués à la demande de l'Etat dans la dotation versée à la région au titre du transfert de compétences.
Il s'agit aussi d'un programme de modernisation des gares d'intérêt régional sur une durée de cinq ans, permettant ainsi de rattraper les retards constatés localement.
Enfin, je sais que les modalités de calcul de la dotation de l'Etat à verser aux régions sur la base des comptes attestés pour 2000 de la SNCF vous posent encore problème.
Je ne doute pas que le Sénat y revienne en cours de débat. Il convient d'avoir pleinement conscience que l'effort demandé à la SNCF pour réformer sa comptabilité et sa gestion est considérable. Le délai pour y parvenir sera peut-être plus long que prévu, mais nous devrions, je pense, trouver une solution.
Pour conclure, nous avons conscience que cette loi ne suffira pas à elle seule, et en dépit des ambitions qu'elle porte, à tout régler. J'ai néanmoins la conviction qu'elle constitue une étape importante dans la préparation de l'avenir.
Claude Bartolone, Louis Besson et moi-même entamons cette nouvelle lecture devant votre Haute Assemblée dans un esprit d'ouverture et de dialogue. Je suis persuadé que ce débat permettra d'améliorer ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous vous en souvenez sans doute, la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains a nécessité pas moins de soixante-cinq heures de débat, soit près de trois jours « non stop ». Plusieurs d'entre nous en gardent, sinon des stigmates, du moins des souvenirs, et je me tourne ici vers vous, mes chers collègues. Je pense que vous ne me démentirez pas !
M. Dominique Braye. Tout à fait !
M. Louis Althapé, rapporteur. C'est pourquoi, afin d'éviter de prolonger inutilement nos débats, je présenterai de façon synthétique le texte de l'Assemblée nationale, en suivant l'ordre des trois parties du texte qui concernent respectivement l'urbanisme, le logement et les transports.
En matière d'urbanisme, l'Assemblée nationale n'a retenu que quelques-unes des modifications de fond adoptées par le Sénat. Il en est ainsi de l'organisation d'une enquête publique sur les projets de directives territoriales d'aménagement, à l'article 1er, avec le texte proposé pour l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme ; il en est ainsi également de la faculté de réhabiliter plus aisément les constructions appartenant au patrimoine montagnard, en en permettant le changement d'affectation, à l'article 19 ter ; il en est ainsi encore de l'obligation pour l'Etat de fournir aux communes les études techniques dont il dispose en matière de prévention des risques et de protection de l'environnement, à l'article 1er, avec le texte proposé pour l'article L. 121-6 du code de l'urbanisme.
L'Assemblée nationale s'est inspirée du texte du Sénat pour plusieurs dispositions, telles que celles qui prévoient la réalisation d'un diagnostic territorial et d'un projet communal ou intercommunal lors de l'élaboration des schémas de cohérence territoriale, les SCT, et des plans d'occupation des sols, les POS ; c'est aussi le cas pour la prise en compte de la dimension transfrontalière des documents d'urbanisme, à l'article 1er, ou pour le développement de la mixité sociale dans l'habitat rural aussi bien que dans l'habitat urbain, à l'article 1er, avec le texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, ou encore pour l'assouplissement de certaines dispositions de la loi « littoral », à l'article 20 septies A.
Ainsi, hormis de nombreuses améliorations techniques que nous avions apportées, l'Assemblée nationale n'a retenu que peu de chose des travaux du Sénat.
M. Patrick Lassourd. Quasiment rien !
M. Louis Althapé, rapporteur. Il est révélateur qu'elle ait rétabli son texte initial sur divers sujets que nous jugions spécialement importants. Je n'en citerai que quatre : l'élaboration des cartes communales par les seules communes ; l'extension des compétences de la commission de conciliation au permis de construire délivré par l'Etat ; la participation du président du conseil général ou de son représentant à la commission départementale de conciliation ; enfin, l'institution de mécanismes protégeant les communes d'une intégration forcée dans un SCT.
Il en va de même des avancées que nous avions réalisées en instituant un droit à une constructibilité minimale dans les communes où s'appliquent la loi « littoral » et la loi « montagne », cette dernière étant d'ailleurs une loi non pas seulement de protection mais aussi de développement.
Nous sommes également parvenus à des avancées en autorisant des constructions nouvelles dans les zones rurales caractérisées par l'absence de toute pression foncière, selon les termes de l'article 19 septies.
Il est d'ailleurs révélateur que l'Assemblée nationale ait, malgré les réticences manifestées par de nombreux députés, rétabli l'appellation de « plan local d'urbanisme », au lieu de celle de « plan d'occupation des sols » que nous avions souhaité rétablir.
Au sujet de la politique de la ville et de la mixité sociale, s'agissant des articles 25 à 27 du projet de loi, qui modifient en profondeur la loi du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville en élargissant le champ d'application du dispositif imposant la construction de logements sociaux, l'Assemblée nationale a rétabli son texte initial, récusant ainsi l'essentiel de nos propositions.
Celles-ci portaient sur la prise en compte, autant que faire se peut, des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale, compétents en matière de logement.
Elles concernaient également la définition des logements à vocation sociale pris en compte pour l'appréciation du seuil de 20 %, qui devait intégrer, selon nous, le logement social de fait du parc privé, les logements locatifs intermédiaires dans certaines conditions, et, surtout, l'accession sociale à la propriété.
Elles prenaient en compte l'objectif de réalisation de logements sociaux à travers un contrat d'objectifs signé entre l'Etat et l'EPCI compétent en matière de logement ou, à défaut, la commune.
Enfin, elles étaient fondées sur le principe d'une contribution versée par la commune à l'EPCI compétent ou au fonds d'aménagement urbain, assorti d'un mécanisme de pénalités conventionnelles défini dans le contrat d'objectifs.
Sur cette partie du projet de loi, la commission des affaires économiques vous suggère donc, mes chers collègues, de rétablir le texte du Sénat, hormis quelques modifications rédactionnelles.
J'en arrive aux mesures concernant la politique du logement.
S'agissant des dispositions du projet de loi relatives à la protection de l'acquéreur et au régime de la copropriété, sur lesquelles la commission des lois avait présenté un avis, l'Assemblée nationale - il faut tout de même le noter - a retenu nombre de propositions adoptées par le Sénat.
Sur certains points, le dialogue s'est poursuivi avec la nouvelle lecture, notamment à l'article 28, où l'Assemblée nationale a instauré un délai de réflexion pour l'acquéreur d'un bien immobilier lorsque l'avant-contrat est conclu par l'intermédiaire d'un notaire.
En ce qui concerne les articles 30 à 31, modifiant en profondeur la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l'Assemblée nationale a également pris en compte des modifications proposées par le Sénat.
Néanmoins, sur certains points, il convient de préciser les rédactions retenues. Il en est ainsi des obligations comptables que devront respecter les comptes du syndicat, de la consultation du carnet d'entretien de l'immeuble par un acquéreur éventuel ou encore de l'information du syndic en cas de mutation à titre onéreux d'un lot.
Enfin, en ce qui concerne la définition du « logement décent », les propositions de l'Assemblée nationale tiennent compte des modifications adoptées par le Sénat. Mais les dispositions relatives à l'action en réduction de loyer sont trop largement rétroactives pour ne pas mettre gravement en cause la stabilité des contrats en cours. Il vous sera proposé d'y remédier.
Sur les dispositions relatives à la procédure d'insalubrité et de péril, l'Assemblée nationale a également entériné les propositions adoptées par le Sénat, sauf en ce qui concerne le régime des sanctions, qu'elle a rétabli, les modalités de calcul de l'indemnité de relogement et l'interdiction d'indemnisation en cas de suppression d'un commerce.
Sur ces différents points, il vous est donc proposé, mes chers collègues, de rétablir notre texte de première lecture.
Sur les objectifs et les moyens de la politique du logement, l'Assemblée nationale a fait, sur certains points, des avancées certaines.
Je citerai la définition des moyens de la politique du logement, à l'article 60, la pérennité du logement social et le statut du logement social. L'Assemblée nationale, à propos de ce dernier, a abandonné la notion de « mission de service public », pour adopter, d'une part, celle de service d'intérêt général pour la production de logements locatifs et, d'autre part, celle de mission d'intérêt général englobant les opérations d'aménagement et l'accession sociale à la propriété.
Sur d'autres points, enfin, comme en matière de garantie des opérations de promotion immobilière, l'Assemblée nationale est revenue à son texte de première lecture instituant une caisse séparée, mais en le complétant de telle manière qu'il répond à la plupart des interrogations soulevées par le Sénat.
Il conviendra néanmoins de rétablir le texte adopté en première lecture au Sénat, s'agissant du statut de la caisse et des actions qu'elle peut financer.
L'Assemblée nationale a parfois adopté des dispositions nouvelles inacceptables, notamment celle qui est introduite à l'article 61 du projet de loi pérennisant le patrimoine des filiales de la Caisse des dépôts et consignations, et que je vous proposerai de supprimer.
J'en viens au volet des transports.
J'aborderai, enfin, le titre III du projet de loi intitulé : « Mettre en oeuvre une politique de déplacements au service du développement durable ».
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a fait, de manière générale, peu de cas des nombreux enrichissements apportés par le Sénat, en première lecture, sur les différentes dispositions de ce titre.
S'agissant de la section I, relative aux plans de déplacements urbains, les PDU, le Sénat avait souhaité tempérer leur caractère normatif et contraignant pour les collectivités locales. Nous avions notamment insisté sur la nécessaire compatibilité entre les PDU et les nouveaux schémas de cohérence territoriale.
L'Assemblée nationale étant le plus souvent revenue à ses rédactions initiales, il vous sera proposé de confirmer les votes de la Haute Assemblée.
S'agissant de la section II, relative à la coopération entre autorités organisatrices de transports, le Sénat a souhaité qu'un comité des partenaires du transport public puisse être créé auprès de chaque syndicat mixte de transport. Sur ce point, l'Assemblée nationale a retenu la proposition du Sénat. En revanche, la Haute Assemblée n'a pas souhaité qu'un versement transport additionnel soit imposé aux entreprises pour financer le syndicat mixte de transport en zone périurbaine. Elle a préféré que le financement soit assuré par une taxe additionnelle assise sur le produit des amendes perçues au titre des contraventions de stationnement. En nouvelle lecture, les députés ont rétabli leur dispositif initial et aggravé, en passant, la charge imposée aux entreprises, en énonçant que le versement transport sera désormais possible dans les communes urbaines de plus de 10 000 habitants, contre 20 000 actuellement. Là encore, il vous sera demandé, mes chers collègues, d'en revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.
En ce qui concerne la section III, relative au syndicat des transports d'Ile-de-France, l'Assemblée nationale a retenu plusieurs dispositions souhaitées par le Sénat, notamment celles qui concernent la despécialisation de la RATP et l'extension des compétences du comité des partenaires du transport public en Ile-de-France.
Sur ces articles, il vous sera notamment proposé de rétablir un amendement adopté par le Sénat en première lecture et supprimé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture tendant à permettre aux syndicats des transports d'Ile-de-France d'exercer un contrôle de la maîtrise d'ouvrage des projets d'investissement réalisés par les entreprises.
Par ailleurs, la commission vous proposera d'adopter par amendement un dispositif nouveau, très attendu par l'assemblée des départements de France, tendant à permettre aux départements de l'Ile-de-France de se voir déléguer certaines missions pour les services routiers réguliers - de pôle à pôle ou de bassin à bassin - par le syndicat des transports d'Ile-de-France.
Enfin, s'agissant de la section IV, relative à la régionalisation des services ferroviaires régionaux, l'Assemblée nationale a rejeté, en nouvelle lecture, la plupart des améliorations qui avaient été apportées par le Sénat en première lecture afin, notamment, de permettre aux régions de connaître avec clarté l'état des comptes de la SNCF et d'assurer une compensation financière suffisante des nouvelles charges incombant aux régions.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est très décevant !
M. Louis Althapé, rapporteur. Il vous est proposé de rétablir l'article 51 bis, qui oblige la SNCF à présenter à chaque région un rapport retraçant l'état de ses comptes, état sur la base duquel devrait être calculée la compensation par l'Etat du transfert de compétences aux régions.
La commission des affaires économiques souhaite encore que la commpensation soit constituée : d'une contribution pour l'exploitation des services transférés ; du montant de la dotation annuelle nécessaire au renouvellement du parc de matériel roulant transféré ; d'un montant correspondant à la modification des tarifs sociaux décidés par l'Etat, point sur lequel, je le signale, l'Assemblée nationale a suivi le Sénat ; d'un montant correspondant aux conséquences d'une modification législative aggravant la charge imposée aux régions, point sur lequel l'Assemblée nationale a encore suivi le Sénat ; enfin, d'un montant correspondant à la nécessaire modernisation des gares.
Il vous sera aussi proposé de rétablir le régime d'indexation souhaité par le Sénat en première lecture, ainsi que la disposition exonérant de taxe professionnelle les véhicules ferroviaires destinés au transport régional de voyageurs.
Ces deux innovations majeures ont été rejetées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Il est à noter que deux dispositions importantes concernant la compensation des tarifs sociaux et la compensation des dispositions législatives ou réglementaires aggravant la charge des régions ont été conservées par l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, il convient de souligner que la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale avait adopté conforme l'article additionnel, introduit par le Sénat en première lecture, et créant un fonds de développement des transports collectifs régionaux financé par un prélèvement sur le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
La conclusion à tirer est que, si le Gouvernement avait laissé s'instaurer un véritable dialogue entre les deux assemblées, le texte sur lequel nous débattons en nouvelle lecture aurait pu être sensiblement amélioré.
La commission des affaires économiques vous propose, en conséquence, mes chers collègues, de rétablir, pour l'essentiel, le texte du Sénat, hormis sur quelques articles, pour lesquels elle présentera une solution de transaction susceptible d'être retenue par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd'hui en nouvelle lecture, et donc pour la dernière fois, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Je ne reviendrai pas en détail sur les analyses et les critiques que j'ai développées lors de ma précédente intervention, en avril dernier.
Je crois que le Sénat a fait du bon travail malgré les conditions difficiles d'organisation du débat. Nous discutions selon la procédure de l'urgence, c'est-à-dire par une seule lecture dans chaque assemblée, d'un texte particulièrement lourd, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, puisqu'il comportait 180 articles et qu'il concernait des domaines aussi variés que l'urbanisme, la politique de la ville, le logement et les transports.
Je regrette que M. Gayssot soit parti, car j'aurais aimé lui demander s'il n'aurait pas été plus sage de scinder ce texte en plusieurs, au lieu de chercher à légiférer dans la précipitation.
J'ose à peine espérer que cette leçon sera retenue pour une prochaine fois. Nous vivons dans l'urgence permanente, et je ne me fais donc pas beaucoup d'illusions.
Notre rapporteur, M. Althapé, a précisément fait le point sur les positions de chaque assemblée. Il propose de modifier le texte que l'Assemblée nationale a adopté le 29 juin pour revenir à une rédaction plus proche du texte que nous avions adopté en avril dernier.
Nous ne pouvons que nous féliciter de cette initiative puisque, avec les sénateurs de mon groupe, nous avions largement contribué à l'élaboration du texte voté par le Sénat.
En toute logique, nous apporterons, bien sûr, notre soutien entier aux amendements que M. Althapé défendra tout à l'heure.
En effet, si l'Assemblée nationale a retenu plusieurs de nos suggestions, elle n'en a pas moins rejeté certaines qui nous semblent particulièrement pertinentes et importantes.
Ainsi, elle a rejeté la création d'une agence de valorisation du sous-sol.
Le président du conseil général n'est plus membre de droit de la commission départementale de conciliation, comme vous venez de le préciser, monsieur le rapporteur.
Le rôle particulier de la commission en zone de montagne n'a pas été adopté par l'Assemblée.
Toujours selon le vote des députés, les dépenses d'élaboration des documents locaux d'urbanisme ne sont plus inscrites en section « investissement », ce qui, à mon sens, est une erreur.
Les députés n'ont pas non plus accepté le dispositif de l'article 25 en matière de logement social, avec - je suis tenté de le dire sans provocation - la souplesse que nous lui avions donnée.
Les conditions de la régionalisation ferroviaire des transports de voyageurs, telles que votées par l'Assemblée nationale, ne se font pas dans la transparence parce que, comme vous venez de très bien le dire, monsieur le rapporteur, l'état financier de la SNCF n'est pas clairement connu et que la compensation financière risque de se faire au détriment des collectivités locales. Notre collègue Jean-Pierre Raffarin n'a cessé de le répéter, voire de le crier avec passion, à cette tribune.
De ces quelques remarques, je tirerai une conclusion plus large, qui met en lumière la méthode du Gouvernement à l'égard des collectivités territoriales. Trois exemples illustrent parfaitement cette méthode.
Premièrement, la régionalisation ferroviaire est finalement imposée par la loi, alors même que des négociations étaient en cours entre les régions et l'Etat. Pourquoi ne pas avoir privilégié la concertation et l'échange avec les principaux intéressés, à savoir les régions, bien sûr ?
Deuxièmement, en ce qui concerne l'article 25, et vous avez été très nombreux à le dire en première lecture, la méthode est tout aussi calamiteuse, car elle repose sur la contrainte des collectivités locales. Si le logement social correspond à une nécessité, il est également important de préserver le choix des maires...
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. ... car ce sont eux qui connaissent les réalités locales et qui peuvent apprécier quels types de logement correspondent le mieux aux besoins de leurs concitoyens.
M. Patrick Lassourd. C'est le bon sens !
M. Ladislas Poniatowski. Merci, mon cher collègue !
Enfin, en troisième lieu, nous constatons que le Gouvernement inscrit son action dans une logique territoriale nouvelle qui tend à nier à la réalité départementale.
M. Patrick Lassourd. C'est vrai !
M. Ladislas Poniatowski. Je regarde un « départementaliste », monsieur le secrétaire d'Etat, en prononçant ces mots.
M. Philippe Nogrix. A titre syndical !
M. Ladislas Poniatowski. Dans le texte que nous examinons aujourd'hui, il me semble que c'est une erreur de ne pas faire figurer le président du conseil général parmi les membres de la commission de conciliation compétente en matière d'élaboration des documents d'urbanisme. De même, il est indispensable de permettre l'association des services du département au projet de schéma de cohérence territoriale.
Nous ne serions pas si inquiets, monsieur le secrétaire d'Etat, si ces mesures ne s'inscrivaient pas dans une démarche plus globale, plus pernicieuse aussi, comme l'attestent les récentes propositions de la commission Mauroy (Approbation sur plusieurs travées du RPR), propositions qui auront pour conséquence, je le crains sincèrement, de bouleverser les conseils généraux. En effet, le renouvellement en une fois tel qu'il est envisagé rendra le département plus perméable aux fluctuations de la politique nationale : c'est, en somme, nier sa stabilité. En outre, la réforme du scrutin cantonal rompra le lien entre l'élu et son territoire. Ce projet, c'est donc faire du département un énième représentant de la population alors qu'il doit demeurer un représentant des territoires, garant de l'harmonie entre le monde rural et le monde urbain.
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le groupe des Républicains et Indépendants ne votera ce projet de loi que si les amendements de notre collègue Louis Althapé sont adoptés. Ces amendements, eux, répondent, en effet, entièrement à nos souhaits dans la mesure où ils réintroduisent des dispositions adoptées par le Sénat en première lecture, mais supprimées par l'Assemblée nationale.
Ainsi, le texte qui nous est aujourd'hui proposé par notre rapporteur tient compte de nos suggestions et permet d'intégrer dans la loi plusieurs éléments auxquels nous sommes très attachés.
Nous en avons largement débattu lors de nos précédents travaux, mais, permettez-moi, ici, en guise de conclusion, d'en rappeler les principaux, car ils garantissent une politique du logement, des transports et de l'urbanisme équilibrée et équitable, que nous considérons comme prioritaire pour notre pays.
Je veux rappeler ces principes et ces éléments qui nous tiennent à coeur et, tout d'abord, une juste considération de l'évolution de notre paysage urbain, dans le respect d'une complémentarité entre la France urbaine et la France rurale, complémentarité que je vois de moins en moins.
Cela implique ensuite de mieux prendre en compte les spécificités des territoires autres qu'urbains, les espaces ruraux bien sûr, mais également les territoires périurbains, les territoires de montagne, qui tiennent à coeur à notre rapporteur, et les territoires du littoral.
Il s'agit également, c'est le troisième élément qui nous tient à coeur, de la mise en place d'un « parcours résidentiel » complet pour nos concitoyens, qui panache de manière équilibrée la location et l'acquisition.
Il s'agit en outre d'une mixité sociale, M. Gayssot le rappelait tout à l'heure, mais il y a une sacrée différence entre les paroles et les actes,...
MM. Dominique Braye et Patrick Lassourd. Absolument, bravo !
M. Ladislas Poniatowski. ... modulée en fonction des réalités du terrain et non imposée de façon uniforme.
Il s'agit aussi du soutien aux organismes d'HLM pour des actions renouvelées, de taille humaine, dans le logement social. Je ne vais pas insister, puisque vous m'avez entendu plusieurs fois en première lecture, monsieur le secrétaire d'Etat, et que c'est un secteur qui vous tient à coeur. C'est très bien d'imposer des chiffres, mais si vous ne donnez pas aux responsables d'organismes de logements sociaux les moyens de construire les logements correspondants, ils n'y arriveront pas. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Patrick Lassourd. Tout le problème est là !
M. Ladislas Poniatowski. Cela implique également des documents d'urbanisme lisibles, élaborés dans la concertation et la transparence, seules garantes de leur pérennité.
Enfin - nous ne le répéterons jamais assez - il nous faut être vigilants pour préserver l'autonomie et la libre administration de nos collectivités locales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Tout a été dit !
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici donc à nouveau réunis, après l'échec de la commission mixte paritaire, afin de réexaminer le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Bien entendu, nous ne pouvons que regretter que les deux chambres parlementaires ne soient pas parvenues à un accord. Toutefois, les différends entre nos deux assemblées étaient majeurs, d'ordre politique, et ne laissaient supposer, d'emblée, que peu de possibilités de rapprochement.
Il convient, toutefois, de noter positivement quelques convergences. Il en est ainsi - je ne citerai que cet exemple - des questions touchant à l'urbanisme, même si, sur les modalités ou la rédaction, des divergences subsistent encore.
Lors de la première lecture, j'avais dit combien mon groupe se sentait plus proche de la version du texte tel qu'il était issu de l'Assemblée nationale. Nous avions également salué la cohérence des thèmes contenus dans ce projet de loi. Ces remarques restent valables.
Sans revenir dans le détail sur le fond de l'argumentation que nous avions développée lors de la précédente lecture, je souhaite réaffirmer notre attachement aux ambitions affirmées dans ce projet de loi et qui sont résumées dans son titre.
Cet attachement découle, certes, du choix de société que les sénateurs de mon groupe défendent, mais il est tout autant étroitement lié aux besoins qui s'expriment dans notre pays et que nous avons le devoir d'entendre et de satisfaire.
Bien entendu, nous continuons d'approuver la logique de l'article 25, qui traite de la mixité sociale et que nos collègues de la majorité sénatoriale veulent à nouveau vider de son sens. J'avais eu l'occasion de le regretter en première lecture : mes chers collègues de la majorité, par-delà vos déclarations d'intention - nous venons d'en avoir une nouvelle preuve - en faveur de la mixité sociale dans l'habitat, vous refusez d'adopter un dispositif permettant effectivement d'avancer dans cette direction.
L'objectif du Gouvernement que nous soutenons est de mieux répartir l'offre de logement, locatif, social. La proposition émanant de la droite de cet hémicycle, visant à exclure toute mesure incitative, dès lors que le seuil de 20 % est atteint globalement à l'échelle de l'agglomération, revient, de fait, à nier cet objectif de mixité et à se résigner à voir perdurer les inégalités entre les communes.
Par ailleurs, l'extension considérable des logements éligibles à l'objectif des 20 % est significatif de votre absence de volonté de conférer au logement locatif social sa juste place dans chaque commune et chaque agglomération.
Pourtant, trois familles sur quatre sont aujourd'hui éligibles au logement locatif social. Comme l'a rappelé tout à l'heure M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, est-ce trop demander que, dans chaque commune, un logement sur cinq réponde à leur demande ?
M. Patrick Lassourd. Ce n'est pas le projet de loi !
Mme Odette Terrade. Cela signifie aussi que l'accession sociale à la propriété et l'investissement locatif privé, tous deux aidés par l'Etat, ont toute leur place dans l'offre globale de logement.
Je rappelle en toute amitié à mes collègues que, pour avoir défendu ce dispositif lors de la première lecture, M. Braye et ses amis m'ont taxée d'archaïque. (Exclamations sur les travées du RPR.) Je laisse nos concitoyens juger quelle est la position la plus rétrograde, ...
M. Dominique Braye. Ils le font à chaque élection !
Mme Odette Terrade. ... celle qui vise à faire partager le devoir de solidarité entre toutes les communes et ainsi permettre à tous de se loger dans la commune de son choix ou bien la vôtre, mes chers collègues, qui veut, en fait, préserver les ghettos de riches en accentuant la « mal vie » dans ceux des pauvres et ainsi aggraver les ségrégations !
M. Patrick Lassourd. Caricature !
Mme Odette Terrade. Vos positions ne sont pas caricaturales ?
M. Patrick Lassourd. Réalistes !
Mme Odette Terrade. Venez dans nos communes : vous verrez !
M. Dominique Braye. Demandez aux élus locaux, même de votre côté !
Mme Odette Terrade. Mais nous habitons aussi des communes dans lesquelles existe un fort taux de logement social.
M. le président. Madame Terrade, poursuivez votre exposé sans interpeller vos collègues, faute de quoi ils vous répondront.
Mme Odette Terrade. Le Sénat a définitivement ôté toute substance au dispositif proposé par le projet de loi en refusant de donner aux préfets les moyens de faire appliquer la loi lorsque les communes refusent de mettre en oeuvre les objectifs de mixité sociale.
Le groupe communiste républicain et citoyen a la volonté, comme en première lecture, de réaffirmer sa conception de la solidarité et du renouvellement urbains, qui doit s'appuyer avant tout sur la négociation, la concertation et la transparence.
S'agissant du titre Ier, consacré au renforcement de la cohérence des politiques urbaines, nous l'avons déjà dit, nous partageons la volonté du Gouvernement de faire du droit de l'urbanisme un droit moins attaché à la forme et plus riche au fond. Nous présenterons un amendement qui vise à renforcer les modalités de consultation des communes.
Le titre II traite non seulement des dispositions relatives à la mixité sociale, dont j'ai déjà parlé, mais également des propriétés dégradées. Je déplore que la commission des affaires économiques n'ait pas évolué dans son appréciation du premier chapitre de ce titre. En effet, les mesures imposant une répartition équilibrée sur l'ensemble du territoire ne sont pas une nouveauté. Ce qui est nouveau, c'est de chercher à les rendre plus efficaces. Qui pourrait blâmer le Gouvernement de rendre plus effective une mesure déjà en oeuvre ?
Après ce texte, une commune ne pourra plus s'exonérer de son obligation en payant. C'est une très bonne chose. Il lui faudra désormais satisfaire à l'obligation de réalisation effective de logements sociaux, à un rythme programmé.
M. Patrick Lassourd. A condition qu'on lui en donne les moyens !
Mme Odette Terrade. Mon groupe aura l'occasion de s'exprimer sur ce thème lors de l'examen de l'article 25.
Le titre III porte, lui, sur les déplacements. Nous restons convaincus qu'un développement des transports collectifs urbains et régionaux, adaptés aux besoins actuels de déplacement des Françaises et Français, impose que soient dégagées des ressources nouvelles au bénéfice des autorités organisatrices de transport.
Enfin, le titre IV constitue, à bien des égards, une partie fondamentale de ce projet de loi. C'est en effet là que sont définies la politique du logement, les missions des organismes, leurs prérogatives et leurs statuts, mais aussi les modalités de la lutte contre l'insalubrité !
A l'Assemblée nationale, lors des deux lectures, un amendement du groupe communiste visant à rehausser le seuil de déclenchement du surloyer de solidarité avait été adopté. Cette disposition nous semble aller dans le bon sens. En effet, comme nos collègues députés, nous sommes attachés à l'abrogation du supplément de loyer de solidarité. Ce surloyer nous paraît aller à l'encontre de l'objectif de mixité sociale. Je développerai notre position lors de la défense de notre amendement. En tout état de cause, nous regrettons votre amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, qui supprime le I bis de l'article 71 qui nous semble le minimum que nous devions faire.
S'agissant de la pérennisation du logement social abordé à l'article 61, nous sommes très soucieux de voir la commission des affaires économiques supprimer l'article L. 411-3-2 relatif au patrimoine de la SCIC - société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations.
En effet, la situation devient très préoccupante pour les populations concernées. C'est le cas dans de nombreuses communes de la région parisienne, dans le Val-de-Marne, dans les Hauts-de-Seine, notamment dans la commune de mon amie députée Janine Jambu et aussi dans le Val-d'Oise, notamment à Sarcelles, commune chère à notre collègue Marie-Claude Beaudeau.
M. Dominique Braye. Et à DSK !
Mme Odette Terrade. Ce bailleur, répondant pourtant aux mêmes caractéristiques sociales de peuplement que les HLM, entend faire glisser, au terme des conventions qu'il a passées avec l'Etat, son parc vers le marché libre, avec les conséquences sociales que cela entraîne !
L'introduction de cet article répondait à la demande de nombreux maires de gauche d'Ile-de-France. J'ai noté les risques d'inconstitutionnalité de l'amendement tel qu'il a été adopté à l'Assemblée nationale. Toutefois, il me semble que l'importance du sujet mérite qu'une solution soit trouvée rapidement.
Toujours dans le titre IV, nous souhaitons réaffirmer le rôle primordial des associations de locataires. C'est pourquoi nous proposerons deux amendements qui visent à consolider leur financement.
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen est attaché à un développement social, économique et territorial équilibré et harmonieux. Nous voulons contribuer efficacement au débat éminemment politique qu'ouvre ce texte. C'est le sens de nos amendements.
Ce projet de loi est attendu de nos concitoyens. Nous souhaitons donc son adoption rapide afin de rendre effectivement la ville à tous ses habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement a rappelé, à juste titre, l'importance de ce projet de loi dans le grand chantier ouvert par le gouvernement de la gauche pour adapter notre urbanisme aux nouvelles réalités de l'occupation spatiale de notre territoire, pour assurer la solidarité entre nos territoires et renouveler la ville, pour rapprocher les décisions des citoyens et, donc, pour approfondir la décentralisation et la déconcentration mises en oeuvre par Gaston Defferre sous le gouvernement de Pierre Mauroy.
M. Dominique Braye. Il ose parler de déconcentration alors qu'on recentralise tout !
M. Jacques Bellanger. Autre pôle de ce projet de loi : adapter notre urbanisme aux nouvelles réalités, confirmées par le dernier recensement, de l'occupation spatiale de notre territoire.
Les Français se rassemblent de plus en plus autour de grands pôles de développement en de grandes zones urbaines diversifiées, tandis que des régions moins favorisées par le climat, plus à l'écart des grands axes de communication et d'échanges, plus centrées sur des activités économiques anciennes ou à moindre valeur ajoutée s'organisent dans l'intercommunalité autour d'un projet. Ce clivage est source de débats qui soulignent nos divisions, mes chers collègues. (M. Braye s'exclame.)
Notre propos, notre projet n'est pas de dresser le monde urbain contre le monde rural, ou l'inverse, il est d'assurer le développement harmonieux de l'un et de l'autre dans leurs complémentarités. Il n'est plus possible aujourd'hui d'opposer ces deux mondes, tant ils ont, l'un comme l'autre, considérablement évolué.
Assurer la solidarité entre nos territoires et renouveler la ville est encore un axe de ce projet de loi.
Qui voudrait aujourd'hui construire à nouveau ces énormes barres qui défigurent les pourtours de nos grandes agglomérations et y concentrent la misère et la pauvreté ?
M. Patrick Lassourd. Vous !
M. Jacques Legendre. La gauche avec sa politique de l'immigration !
M. Jacques Bellanger. Elles ont cependant joué leur rôle hier en assurant à tous un logement décent.
Nous savons aujourd'hui qu'il faut aller plus loin et, souvent, autrement. Nous voulons assurer à tous les Français, y compris aux plus modestes, un égal accès à l'ensemble du territoire. Il faut cesser de concentrer les populations en difficulté dans des « poches » à pauvreté et assurer une présence harmonieuse des Français sur l'ensemble du territoire : tel est l'objet de l'article 25 de ce projet de loi.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Bellanger. Qui voudrait perpétuer les inégalités de ressources dans nos agglomérations, dont le centre est déserté par les activités économiques, qui se concentrent là où les investissements collectifs se développent sans que les ressources en découlant soient également réparties ?
Dès lors, si l'on peut parler de la libre administration des collectivités locales et y rattacher le droit de lever librement l'impôt, à quoi sert le droit de lever l'impôt sur des populations qui ne peuvent le payer ?
On peut en revanche parler de péréquation, le meilleur moyen de l'assurer en revanche étant l'impôt commun à l'agglomération et sans doute fondé, au moins en partie, sur le revenu des personnes physiques.
Nous favorisons donc la coopération intercommunale sous toutes ses formes, avec une priorité pour celles qui se construisent autour d'un projet et mettent en place une intégration des ressources fiscales.
Afin de rapprocher les décisions des citoyens (Ah ! sur les travées du RPR), nous approfondirons la décentralisation et la déconcentration.
M. Dominique Braye. Ayez la décence de ne pas en parler !
M. Jacques Bellanger. Nous donnons donc aux élus locaux de nouvelles possibilités d'action, par exemple en matière d'urbanisme, avec une simplification des plans d'occupation des sols devenus des plans locaux d'urbanisme ou le droit de délivrer le permis de construire avec la carte communale.
M. Dominique Braye. Soyez décent !
M. Jacques Bellanger. Nous déléguons aux échelons compétents de nouveaux pouvoirs, par exemple à la région en matière de transport ferroviaire de voyageurs.
M. Patrick Lassourd. Sans les crédits associés !
M. Dominique Braye. Avec l'argent des communes !
M. Jacques Bellanger. Nous renforçons la concertation entre les différentes collectivités locales et les citoyens et leurs associations.
M. Dominique Braye. Avec l'argent des contribuables !
M. Jacques Bellanger. Nous confortons le droit des locataires à l'égard des bailleurs tant sociaux que privés.
Nous trouvons l'application de ces volontés dans le projet de loi du Gouvernement.
La majorité sénatoriale a marqué son opposition à une grande majorité des mesures proposées...
M. Dominique Braye. Cela, c'est vrai !
M. Jacques Bellanger ... et vous venez, monsieur le rapporteur, de nous le confirmer.
Il est vrai que vous avez parfois apporté des novations intéressantes. Citons par exemple les modalités de coopération entre autorités organisatrices des transports et l'affirmation du principe de promotion de la mixité sociale dans le logement, aussi bien en zone rurale qu'en ville. Malheureusement, de votre part, les mesures concrètes ne suivent pas !
Citons encore une plus juste compensation financière au bénéfice des régions dans le cadre de la régionalisation ferroviaire du trafic de voyageurs.
Monsieur le rapporteur, vous avez poursuivi le débat sur des sujets abordés en première lecture par les députés. Je pense en particulier à la problématique du développement des zones de montagne et du littoral. Malheureusement, les solutions sont non pas toujours, mais souvent excessives, source d'insécurité juridique pour les maires et peu soucieuses de développement durable.
La majorité sénatoriale a aussi volontairement caricaturé le dispositif prévu à l'article 25...
M. Dominique Braye. Pas du tout !
M. Jacques Bellanger ... en omettant systématiquement de préciser qu'il s'agissait d'une mesure étalée sur vingt ans ou que la rénovation de l'habitat ancien était une alternative, particulièrement intéressante en zones rurales, à de nouvelles constructions.
M. Dominique Braye. C'est cela, oui !
M. Jacques Bellanger. La majorité sénatoriale a également encadré les conditions de recours en matière d'urbanisme de conditions financières excessives qui nous renvoyaient à la démocratie censitaire.
Enfin, vous avez refusé la mise en oeuvre effective du droit au transport pour tous.
Malgré des modifications aussi importantes de son texte, l'Assemblée nationale, dans sa majorité, a pris en compte de nombreuses propositions sénatoriales, M. le rapporteur l'a rappelé et je lui en donne acte.
Il n'y a eu aucun blocage lorsque les principes fondamentaux du texte n'étaient pas remis en cause. En reprenant pratiquement l'intégralité de ses propositions, la majorité sénatoriale manifeste sans doute sa cohérence idéologique, mais elle ne fait guère preuve d'ouverture. Bref, nous constatons l'impasse.
M. Patrick Lassourd. On n'a pas fait les mêmes choix !
M. Jacques Bellanger. Nous maintenons donc les positions que nous avons affirmées en première lecture...
M. Dominique Braye. Cela nous étonne !
M. Jacques Bellanger ... et nous les expliciterons une fois pour toutes dès la discussion des premiers articles. Nous sommes en effet attachés à l'application rapide de ce texte et soucieux de ne pas surchager encore l'ordre du jour de notre assemblée.
Le Gouvernement est donc assuré du soutien du groupe socialiste dans la discussion de ce projet de loi.
M. Dominique Braye. C'est une bonne nouvelle !
M. Jacques Bellanger. Nous devons faire part de notre satisfaction quant au sort réservé à nos amendements en première lecture, soit qu'ils aient été adoptés par le Sénat puis par l'Assemblée nationale, soit qu'ils aient été repris par l'Assemblée nationale lorsque le Sénat les avait rejetés. Nous en remercions le rapporteur de la commission de la production et des échanges.
Nous présenterons donc très peu de nouvelles propositions, mais nous insisterons particulièrement sur celle qui concerne la conception des cartes communales, car il nous paraît nécessaire de faire avancer le débat sur ce point important.
Ce projet de loi est un élément, une étape de l'approfondissement de la décentralisation que nous avons engagée depuis plus de vingt ans. La parité hommes-femmes, la réduction du cumul des mandats sont déjà acquis.
La réorganisation des territoires au profit des citoyens, la clarification des compétences et leur extension dans une intercommunalité simplifiée, la déconcentration des services de l'Etat pour les adapter à la nouvelle organisation territoriale, des services publics renouvelés et pris ou repris en compte à chaque niveau de l'intercommunalité, une participation accrue du citoyen à la vie publique et des moyens dégagés pour y arriver, et, enfin, l'adaptation de la fiscalité locale à la décentralisation, tels sont les grands objectifs que nous nous fixons pour demain.
M. Patrick Lassourd. C'est du racket !
M. Jacques Bellanger. Nous sommes condamnés à la réussite...
M. Hilaire Flandre. Vous êtes condamnés, tout court !
M. Jacques Bellanger. ... si nous voulons reconquérir la confiance des Français dans la politique.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien ! La République avance !
M. Jacques Bellanger La majorité sénatoriale est libre de rester sur le quai et de regarder passer le train (Protestations sur les travées du RPR), comme en 1982.
Mais, sur ces mesures, vous nous rejoindrez bientôt, comme après 1982. (Exclamations et rires sur les mêmes travées. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'échec de la commission mixte paritaire sur le présent projet de loi, le mépris à l'égard des enrichissements apportés par le Sénat au texte, le retour à la rédaction initiale de l'Assemblée nationale, le refus du dialogue témoignent d'une volonté politique : celle d'ignorer la voix des collectivités locales.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Patrick Lassourd. Cette volonté se révèle particulièrement affirmée dans le volet « logement » du texte, sur lequel je me suis battu lors des débats au Sénat.
C'est clair, le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale souhaitent avant tout recentraliser les pouvoirs de l'Etat en multipliant les interventions du préfet,...
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Patrick Lassourd. ... notamment dans les procédures d'urbanisme et d'habitat, ce qui ampute d'autant l'autonomie des collectivités locales.
Le débat est donc avant tout idéologique,...
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. Patrick Lassourd. ... comme le confirment les récentes mesures fiscales dépossédant les collectivités locales de la maîtrise de leurs impôts.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Patrick Lassourd. En effet, tout au long de ce texte, on retrouve l'idéologie socialiste, qui prône la contrainte et la sanction, la densification autoritaire, le « tout locatif ».
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Patrick Lassourd. Tout cela va non seulement à l'encontre de la nécessaire décentralisation, mais aussi, ce qui est plus grave, à l'encontre des attentes des Français.
M. Dominique Braye. Absolument.
M. Patrick Lassourd. Qu'il s'agisse des élus ou des citoyens, le Sénat s'est en effet attaché à relayer leurs souhaits, introduisant des mesures de bon sens et de justice dans un texte dogmatique et uniforme.
Il a plaidé tout particulièrement pour le respect des lois de décentralisation et des pouvoirs du maire, et pour une prise en compte de l'accession sociale à la propriété... sans être entendu, semble-t-il, eu égard à l'épilogue d'une CMP qu'on nous avait pourtant annoncée fructueuse !...
En tant que membre de cette CMP, je peux dire à quel point j'ai été surpris de ses conclusions, si décevantes pour le Sénat, alors même que l'on nous promettait de retenir nombre de nos propositions. Tout s'est joué comme un jeu de dupes... à l'image de la procédure d'urgence qui court-circuite, en l'altérant, le dialogue et le débat, le fonctionnement normal de la démocratie.
M. Dominique Braye. Très bien ! M. Patrick Lassourd. Ces méthodes inacceptables sont le signe qu'il y a plus qu'une différence de points de vue. Il y a véritablement une fracture entre deux visions de la société :...
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Patrick Lassourd. ... d'un côté, le dispositif normatif, quantitatif, contraignant, proposé par le Gouvernement, et, de l'autre, une approche contractuelle, dans l'esprit de la LOV, privilégiant le pragmatisme, les réalités du terrain, l'initiative et la responsabilité des élus, en clair, les attentes des citoyens.
Face à ce blocage délibéré, dont l'article 25 est l'illustration emblématique, je souhaiterais dénoncer le paradoxe d'une loi qui affiche des objectifs sans offrir les moyens de les atteindre ! La loi vise en effet à sanctionner les communes qui n'ont pas assez de logements sociaux. (M. Braye s'exclame.)
Or, depuis près de vingt ans, les communes qui souhaitaient développer sur leur territoire des logements sociaux voyaient leurs demandes insuffisamment satisfaites, faute de crédits d'Etat.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Patrick Lassourd. Ce n'était pas un problème de volonté, c'était un problème de possibilité : ces communes n'ont tout simplement pas pu construire, car il n'y avait pas assez de dotations !
Aujourd'hui, le système est inversé, mais le blocage reste le même. En effet, le dispositif de financement du logement social s'avère très inadapté puisque les dotations importantes ne sont pas consommées : environ 80 000 logements sociaux ont été budgétés en 2000, et à peine 40 000 seront sans doute construits !
Les conditions de financement de la construction du logement social ne répondent pas aux réalités économiques et financières actuelles ; elles impliquent une contribution excessive et dissuasive des communes.
Le coût de la construction augmente, les taux de PLA ont crû de 15 %, l'aide à la pierre est insuffisante, les communes sont donc confrontées à des charges de construction ou à des contributions trop importantes pour leur budget.
Je tiens à dénoncer cette « fausse décentralisation », cette véritable « défausse », où l'Etat, pour exercer sa compétence, impose très fortement les finances communales.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Patrick Lassourd. Il est un autre point de blocage révélateur : le véritable rejet, de la part du Gouvernement, de l'accession sociale à la propriété. C'est pourtant une attente forte de la grande majorité de nos concitoyens.
Les statistiques sont unanimes sur ce point : on observe cette année, comme l'an passé, une hausse importante de l'accession, avec le dispositif Périssol qui est adapté au revenu des ménages. On observe aussi une anticipation dynamique des promoteurs et des indicateurs de solvabilité encourageants. Or, l'Assemblée nationale a précisément exclu de la définition des logements à vocation sociale, retenus pour l'appréciation du seuil de 20 %, l'accession sociale à la propriété ! Le dogmatisme l'emporte largement sur le réalisme au profit d'une vision très réductrice, voire « hémiplégique », du logement social ! Je tiens à rappeler combien l'accession est un outil de mixité, de cohésion sociale, de stabilité, de diversité et d'équilibre de l'habitat. Vous ignorez, semble-t-il, la petite accession sociale, fruit du travail et de l'épargne dont rêvent bien des ménages modestes. Votre approche risque d'accentuer la ségrégation en condamnant ce rêve légitime des plus modestes.
En matière d'urbanisme, nous nous heurtons à la même approche rigide avec la suppression de l'appellation « POS » et le rétablissement de la terminologie « PLU », récusée par la Haute Assemblée. Simple arbitraire sémantique, me direz-vous, mais qui révèle, en définitive, et mon collègue M. Louis Althapé l'a très justement souligné dans son rapport, un « état d'esprit » particulièrement hostile aux suggestions du Sénat et une volonté sans concession de refuser concertation et coopération. De surcroît, la perte du caractère normatif en ce qui concerne la destination des sols et les règles de constructibilité ne manquera pas de déstabiliser les maires dans cette compétence difficile à assumer qu'est l'urbanisme communal.
Autre mesure, dont le rétablissement suscite inquiétude et réserve : l'interdiction de toute urbanisation nouvelle dès lors qu'il n'y a pas de schéma de cohérence territoriale qui couvre le territoire de la commune. Cette interdiction de toute construction nouvelle, sauf accord du préfet, dans une bande de quinze kilomètres autour d'un schéma de cohérence territoriale, ou en bordure de mer, affiche une volonté politique de réduire le pouvoir des maires.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Patrick Lassourd. Au-delà des quinze kilomètres, une telle mesure interdit toute implantation d'entreprise sur ce territoire, ce qui porte une véritable atteinte au développement des communes et à la liberté de décision des élus.
J'insiste sur la signification de ces mesures, car elles ne sont pas anodines. Elles sont graves et dangereuses dès lors qu'elles mettent en péril la démocratie locale, à laquelle le Sénat est si attaché !
J'ajoute un autre grief qui, à mon sens, va très largement invalider le texte présenté par le Gouvernement : la complexité. A l'heure où il faudrait précisément s'efforcer de simplifier le système administratif, on impose la constitution d'un EPCI dans les limites du schéma de cohérence territoriale, ajoutant ainsi un échelon administratif supplémentaire à un dispositif qui est déjà d'une complexité extrême !
En conclusion, je voudrais féliciter notre rapporteur Louis Althapé pour le travail qu'il a accompli. Il a été contraint d'« éplucher » en détail un projet de loi touffu et complexe, afin d'y débusquer toutes les mesures à caractère idéologique,...
M. Dominique Braye. Il n'a pas eu de peine ! Il n'y a que cela !
M. Patrick Lassourd. ... et contraint de réécrire ce texte dans l'esprit de notre philosophie, de notre vision de la société française et de l'organisation des collectivités. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au cours d'un véritable marathon et à l'appui de quelques mille cent cinquante amendements qui ont suscité plus de soixante heures de débats, le Sénat a apporté une contribution positive au projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Des discussions souvent vives, mais toujours constructives, ont permis d'enrichir considérablement ce texte en privilégiant la simplification sur la complexité, la responsabilité et la flexibilité sur la contrainte et, enfin, l'approche territoriale, les initiatives de terrain, donc la décentralisation, sur une recentralisation insidieuse, que nous vivons tous aujourd'hui au quotidien.
Autrement dit, comme cela a déjà été évoqué plusieurs fois ici à cette tribune, le Sénat a enrichi le texte en faisant confiance aux acteurs locaux que sont les maires et les élus des structures intercommunales, pour réussir le pari d'un véritable renouvellement urbain.
Il s'agit d'un renouvellement urbain fondé, comme nous l'avons affirmé ici, au Sénat, non seulement sur une mixité sociale, mais aussi sur la diversité des fonctions urbaines, toutes deux indissociables, pour être garantes d'un meilleur cadre de vie pour chacun.
Concernant le volet urbanisme, personne ici n'a contesté l'opportunité d'une réforme du droit de l'urbanisme, bien au contraire, car, il faut le rappeler, l'urbanisme réglementaire fondé sur la logique du foncier et du zonage n'est plus adapté au respect des grands équilibres dont il a la charge.
C'est donc une logique territoriale de projet initiée par les acteurs locaux que nous souhaitons privilégier ici, une logique de projet qu'il faut veiller à mettre en cohérence avec les nouveaux outils institutionnels issus de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
Pour traduire ces orientations, le Sénat a d'ailleurs proposé en première lecture une réécriture globale de la définition des schémas de cohérence territoriaux en affichant très clairement l'élaboration du projet d'aménagement et de développement durable au vu d'un diagnostic préalable des besoins.
Le Sénat a aussi souhaité favoriser la mobilisation de tous les élus, l'information et la concertation préalable en instaurant dans la loi un débat d'orientation au sein de l'assemblée compétente.
Le projet territorial a également été renforcé - dans un cadre intercommunal - notamment par la prise en compte de l'indispensable requalification de nos entrées de ville et la prévention des risques naturels.
La même démarche a été retenue en ce qui concerne les plans locaux d'urbanisme dans lesquels a été intégrée la prise en compte de la qualité architecturale et paysagère.
Mais une dynamique territoriale doit aussi être en cohérence avec le nouveau régime de la coopération intercommunale, et ne pas être une voie détournée pour remettre en cause les périmètres de l'intercommunalité qui se mettent en place aujourd'hui, chaque jour un peu plus.
C'est pourquoi, considérant que l'interdiction d'ouvrir des zones à l'urbanisation pour les communes situées à plus de quinze kilomètres de la périphérie d'une agglomération était trop arbitraire, le Sénat avait adopté deux dispositions alternatives qui prévoyaient la consultation, à leur demande, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale voisins, préalablement à l'élaboration d'un SCT, et l'avis de la commission de coopération intercommunale sur le périmètre de ces schémas.
Enfin, le Sénat, soucieux de l'équilibre de l'aménagement de notre territoire, avait proposé plusieurs adaptations de la réforme du droit de l'urbanisme pour que soit encouragé, au même titre que les espaces urbains, le développement raisonné et durable des espaces périurbains et ruraux.
C'est dans ce sens que plusieurs amendements relatifs à la définition des hameaux ou à l'adaptation des constructions en zone de montagne ont été adoptés et intégrés aux différents documents d'urbanisme.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a admis et pris en compte une partie de nos réflexions, notamment en reconnaissant la distinction des différents espaces naturels, périurbains et ruraux, et en retenant la notion fondamentale de la diversité urbaine ainsi que l'adaptation des constructions.
S'agissant des schémas de cohérence territoriaux et des plans locaux d'urbanisme, l'Assemblée nationale s'est ralliée aux notions de projet et de diagnostic territorial, mais en considérant que ces documents peuvent être établis simultanément. Elle a alors considérablement réduit l'intérêt d'une telle démarche.
S'agissant de la coordination du dispositif avec le régime de l'intercommunalité, l'Assemblée nationale a supprimé les ajouts du Sénat et réintégré, notamment, l'interdiction d'ouvrir des zones à l'urbanisation dans les communes dépourvues de SCT à partir de 2002 - sauf dérogation par arrêté préfectoral, certes -, la consultation de la commission départementale de la coopération intercommunale étant également supprimée, ce qui est dommage.
S'agissant des cartes communales, l'Assemblée nationale a souhaité « recentraliser le dispositif » - je cite là le rapporteur de l'Assemblée nationale - en proposant que les cartes soient approuvées conjointement par la commune et le préfet.
Elle a, en outre, supprimé la possibilité de délimiter les hameaux dans les documents d'urbanisme, ce qui réduit considérablement le potentiel de construction en zone rurale, qui, s'il doit être parfaitement maîtrisé, localisé et qualifié, doit pour autant être possible, notamment pour lutter contre la désertification de nos communes rurales.
J'en viens maintenant à la politique de la ville. S'agissant de l'implantation des logements sociaux au sein des communes, le Sénat avait priviligié une démarche volontaire incitant à la diversité sociale au sein des communautés de vie que sont les établissements publics de coopération intercommunale, démarche qui se substituait au caractère coercitif du projet de loi.
Là encore, nous avons souhaité une approche territoriale en cohérence avec les compétences nouvelles en matière d'habitat social de ces établissements au sens de la loi Chevènement de juillet 1999. En effet, comment exiger d'une commune qu'elle respecte des quotas de logement social alors qu'elle n'a plus la compétence de les construire ?
Face à ce paradoxe, le Sénat a proposé une alternative territoriale et contractuelle : un territoire de référence au sens de la loi Chevènement, un diagnostic de la situation sur ce même territoire dans le cadre de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale, et, enfin, une politique contractuelle avec un contrat d'objectif passé entre la collectivité et l'Etat.
Par ailleurs, dans ce cadre, la définition trop restrictive du logement social a été étendue notamment au logement social en accession à la propriété, qui n'est pas dissociable, précisément pour assurer une meilleure mixité sociale dans la politique du logement social. Pourquoi ne pas envisager, dans ce cas, la hausse de ce fameux taux de 20% dont on parle tant ?
L'Assemblée nationale, en suivant une autre logique - et c'est sans doute l'un des points de désaccord majeur entre nos deux assemblées sur ce texte -, n'a pas retenu cette solution contractuelle et territoriale, qui prenait en compte la diversité des situations locales. Elle a préféré en effet revenir au dispositif coercitif initial appliqué à la commune.
Concernant le logement privé et la copropriété, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a repris très largement à son compte les modifications introduites par le Sénat sur la section traitant des dispositions relatives à la protection de l'acquéreur d'immeuble et au régime de la copropriété.
Pour ce qui est de la protection de l'acquéreur d'immeuble, le texte de l'Assemblée nationale reprend le dispositif adopté par le Sénat relatif au délai de rétractation de sept jours, avec cependant une modification qui concerne la référence à un « projet d'acte » lorsque l'avant-contrat est conclu en la forme authentique.
Cette formule est un compromis acceptable avec les observations du notariat ; néanmoins, il faut souligner que la notion de « projet d'acte » ne correspond à aucune réalité juridique.
Quant aux modalités d'interdiction d'un dépôt d'argent avant l'expiration du délai de réflexion ou de rétraction, l'Assemblée nationale a, là aussi, suivi très largement les propositions du Sénat.
Il faut noter cependant que la date d'entrée en vigueur de ces dispositions doit être à nouveau fixée pour prévoir un délai suffisant et lisible pour tous.
Pour ce qui concerne la précommercialisation des lots dans les lotissements, le Sénat, considérant que toutes les garanties nécessaires à l'acquéreur n'étaient pas acquises, avait supprimé l'article 28 bis.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté une nouvelle rédaction qui autorise une promesse de vente à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir, tout en reconnaissant à l'acquéreur un délai de rétraction de sept jours et des conditions précises de restitution des fonds versés.
Néanmoins, ce point mériterait d'être étudié de façon plus approfondie, car se pose aussi la question de la vente de lots en état futur d'achèvement au moment de l'acte, même si toutes les autorisations administratives sont obtenues.
Pour ce qui est des régimes applicables à la copropriété des immeubles bâtis, l'Assemblée nationale a repris très largement les propositions du Sénat, notamment en ce qui concerne la mise en place du budget prévisionnel dans les copropriétés, l'obligation d'ouvrir un compte bancaire séparé au nom du syndicat ou la tenue à jour d'un carnet d'entretien.
La consultation de ce carnet d'entretien prévue par le Sénat pour tout bénéficiaire d'une promesse a été étendue par l'Assemblée nationale à tout candidat à l'acquisition, ce qui risque de provoquer des contraintes de gestion excessives pour des cabinets de syndic.
Par ailleurs, dans un souci de faciliter la lecture des comptes de la copropriété, le Sénat avait proposé l'élaboration d'un plan comptable simplifié ; l'Assemblée nationale a préféré la référence à un « plan comptable applicable au syndicat des copropriétaires », ce qui ne garantit pas une nomenclature simplifiée facilitant la transparence et la lisibilité des comptes pour tous.
J'aborderai rapidement les dispositions relatives aux édifices menaçant ruine.
Le Sénat avait adopté plusieurs modifications - la plupart avec l'avis favorable du Gouvernement - destinées à mieux préciser le rôle du maire dans les procédures de constatation, de réalisation et d'achèvement des travaux en cas de péril.
Le Sénat avait par ailleurs supprimé le renvoi à un viager ou à un bail emphytéotique, ces dispositifs ne donnant pas de garanties suffisantes sur la réalisation des travaux.
L'Assemblée nationale a souhaité rétablir la faculté d'un viager ou d'un bail emphytéotique en précisant toutefois l'obligation pour le preneur d'exécuter les travaux prescrits, ce qui nous semble satisfaisant.
Par ailleurs, l'indemnisation d'une collectivité pour le relogement des locataires d'un logement déclaré insalubre avait été fixée par le Sénat à douze mois de loyer ; ce dispositif est nettement préférable à celui qu'a retenu l'Assemblée nationale, dans lequel l'indemnité est calculée en fonction du nombre de personnes relogées, ce qui est indéniablement plus difficile à vérifier.
Enfin, concernant les transports, plus particulièrement la régionalisation des transports ferroviaires de voyageurs, le Sénat avait, en première lecture, cherché à compenser équitablement les charges supportées par les régions.
Une compensation financière avait été instituée au profit des régions ayant subi une perte de recettes du fait de réductions tarifaires décidées par l'Etat. Dans le même sens, une exonération de taxe professionnelle des véhicules ferroviaires acquis par une région était mise en place. Il a également été prévu que toute charge nouvelle liée à une disposition législative ou réglementaire donnerait lieu à une révision de la compensation.
Les députés, en nouvelle lecture, n'ont malheureusement retenu que cette dernière disposition.
Par ailleurs, concernant la coopération entre autorités organisatrices de transports, l'Assemblée nationale a rétabli et même élargi le champ d'application de la charge imposée aux entreprises pour financer le syndicat mixte de transport en zone périurbaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, dans les débats qui vont suivre, le groupe de l'Union centriste, comme en première lecture, soutiendra une approche pragmatique, réaliste et territoriale, en cohérence avec les situations que les élus rencontrent sur le terrain.
Malgré l'urgence regrettable, le Parlement a déjà pu fournir un travail important sur un texte qui a pour vocation légitime de moderniser la gestion de nos territoires urbains, périurbains et ruraux.
Nous regrettons néanmoins que, malgré de nombreux points de rapprochements sur une grande partie de ce texte, aucun accord global n'ait pu être trouvé en raison d'une approche plus politique que technique, sur l'article 25 notamment.
Sur ce point, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, ne peut, à notre sens, souscrire à un dispositif coercitif, remettant en cause les principes de la décentralisation et la libre administration des collectivités locales.
Notre vision respective de ce texte nous conduit à retenir des moyens différents pour parvenir à des objectifs souvent convergents.
Pour sa part, le groupe de l'Union centriste soutiendra une approche territoriale, privilégiant l'initiative locale, conforme à ce que proposera, bien entendu, la commission. En effet, nous voulons avant tout faire confiance aux élus et à la décentralisation - qui mérite d'être renforcée - pour encourager la mixité sociale et la diversité urbaine auxquelles nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, chères et chers collègues, mon intervention portera sur le volet « urbanisme » du projet de loi et, plus précisément, sur la question de la constructibilité en zone de montagne.
La loi du 10 janvier 1985, dite « loi montagne », a été adoptée avec l'objectif d'aménager et de protéger l'espace montagnard. En termes d'urbanisme, elle s'est traduite, en zone de montagne, par l'obligation de construire en continuité avec les bourgs et les villages existants.
Plus tard, la loi du 4 février 1995, dans son article 5, a introduit la possibilité de construire en continuité des hameaux existants. Néanmoins, cette disposition est difficilement applicable, car les notions de continuité et de distance ne sont pas suffisamment définies.
Force est donc de constater aujourd'hui que l'application rigoureuse de ces lois sur des territoires d'habitat dispersé a accentué le processus de désertification en limitant les nouvelles constructions. Les communes de montagne se trouvent donc souvent dans l'impossibilité d'accueillir de nouveaux habitants ou de nouvelles activités économiques, ce qui fragilise les commerces et les services publics de proximité.
Si la modernisation des outils de l'urbanisme prévue par ce projet de loi s'adresse d'abord aux secteurs urbanisés, les territoires de montagne ne sont pas oubliés. Il convient d'en remercier le Gouvernement, tout particulièrement M. Louis Besson, qui a été très attentif aux remarques des élus des territoires ruraux pendant toute la phase de préparation du projet de loi.
Comment se présente le texte aujourd'hui, dans le domaine sur lequel j'interviens ?
La rédaction actuelle me semble constituer un bon compromis puisqu'elle apporte des réponses à l'ensemble des questions qui ont été posées lors des débats en première lecture. Un certain nombre d'avancées peuvent être notées.
Première avancée : les députés ont supprimé à l'article 3 la disposition qu'ils avaient introduite en première lecture et qui ouvrait au PLU la possibilité d'identifier en zone de montagne les hameaux à partir desquels l'urbanisation peut se réaliser en continuité.
Je rappelle que notre groupe avait proposé cette suppression lors de la première lecture au Sénat, mais il n'avait pas été suivi. En effet, nous avions souligné les risques de contentieux qu'une telle disposition pouvait entraîner puisque la liste des hameaux est toujours susceptible de contestation devant le tribunal administratif.
Deuxième avancée : le Sénat a voté tel quel en première lecture l'article 10 bis . En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli la rédaction qu'elle avait adoptée en première lecture pour l'article 10 ter .
Ainsi, sont autorisées, à titre exceptionnel et après accord de la chambre d'agriculture et de la commission des sites, les nouvelles constructions de zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées.
Sont également autorisées de nouvelles constructions dans les zones de massif, assorties de prescriptions particulières pour tout ou partie d'un massif, prescriptions qui avaient été supprimées par la loi Pasqua du 4 février 1995. Sur ce dernier point, il me paraît essentiel que le Gouvernement définisse et mette en oeuvre rapidement les documents d'application concernant lesdites prescriptions.
Troisième avancée : les députés ont proposé une nouvelle rédaction de l'article 19 octies introduit par le Sénat en vue d'étendre les possibilités de dérogation au principe de constructibilité limitée et ainsi d'élargir les facultés de construction offertes aux communes rurales dépourvues de document d'urbanisme. Les conseils municipaux pourront en décider ainsi pour éviter une diminution de la population communale.
Cette rédaction a été préférée à celle du Sénat, qui est apparue difficile à mettre en oeuvre pour les raisons suivantes : comment en effet définir la notion d'habitat traditionnel dispersé ? Quant au dispositif limitant les autorisations à deux par an, il est apparu pour le moins injuste.
Après la nouvelle lecture effectuée à l'Assemblée nationale, la règle d'urbanisation en continuité a donc été assouplie, sans remise en cause de l'esprit de la « loi montagne ». Désormais, il convient que le Sénat ne bouleverse pas cet équilibre. En aura-t-il la sagesse, chères et chers collègues ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat mes chers collègues, comme cela était prévisible, la commission mixte paritaire du 6 juin 2000 sur le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains s'est soldée par un échec, en raison du constat de divergences fondamentales et irréductibles entre l'Assemblée nationale et notre Haute Assemblée.
Ces divergences étaient d'ailleurs tellement profondes et flagrantes lors de la première lecture, ce qu'avait parfaitement mis en exergue nos excellents rapporteurs, MM. Louis Althapé et Pierre Jarlier, qu'il semblait alors déjà évident que les points de vue de nos deux assemblées resteraient inconciliables.
Ce différend repose en effet sur deux visions antagonistes des rôles respectifs de l'Etat et des collectivités locales en général, en matière de politique urbaine notamment.
A la lecture du texte qui nous est à nouveau soumis, on se rend compte que, pour le Gouvernement et les députés, le fil conducteur de cette politique se résume à une volonté de recentralisation en termes d'objectif et à l'usage de la coercition en termes de méthode.
Dans votre vision, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Etat planifie sans nuance, décide sans concertation, impose sans écoute...
M. Patrick Lassourd. A la hussarde !
M. Dominique Braye. ... et sanctionne sans distinction. Cette fâcheuse tendance apparaît clairement dans l'article 25, qui crée, pour de nombreuses communes faisant partie d'agglomérations, une obligation de construction de logements locatifs sociaux assortie d'une pénalité financière.
Autrement dit, l'avis et la spécificité des collectivités locales ne sont nullement pris en compte, leur autonomie de décision et de gestion est foulée aux pieds, et on décide contre leur gré de ce que doit être leur politique d'aménagement et du logement.
Nous pensions et, avec nous, tous les Français sans exception, que ces méthodes qui caractérisaient hier les modes d'administration des pays de l'Est étaient définitivement révolues ! (Murmures sur les travées socialistes.)
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Dominique Braye. Voilà pourtant qu'elles resurgissent chez nous ! Certains vieux démons, monsieur le secrétaire d'Etat, ont décidément la vie bien dure !
En outre, non content de mépriser la liberté des communes, de court-circuiter leurs élus démocratiquement élus et de leur imposer des décisions dont elles ne veulent pas, le Gouvernement décide - cerise sur le gâteau ! - de les sanctionner financièrement, s'érigeant ainsi non seulement en planificateur dirigiste et en juge partial de leur gestion, mais aussi en racketteur de leurs finances !
Voilà donc la vision de la politique de la ville et du logement que prône le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat ! C'est la vision d'un dirigisme d'Etat qui décrète quels logements devront être construits, pour qui, combien, où et comment, et ce d'autant plus facilement que cela se fera aux frais des collectivités locales, qui subiront ces oukases. (M. Lassourd applaudit.)
M. Jean-Pierre Plancade. Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Patrick Lassourd. Ce n'est pas excessif !
M. Dominique Braye. Bref, tant qu'à décider contre le gré des communes, autant imposer sa vision par la force... Et par « imposer » j'entends aussi bien l'idée de contrainte que celle de levée d'un nouvel impôt. Il est vrai qu'il est facile de prendre les collectivités locales pour des pompes à finances de l'Etat, en feignant d'oublier que c'est toujours le contribuable, in fine , qui met la main au porte-monnaie.
Mais de cela, naturellement, le Gouvernement se défend - nos collègues présents sur les travées situées à gauche de l'hémicycle aussi. Dans toutes ses déclarations et dans tous les documents officiels - je vous invite, mes chers collègues, à consulter les documents de la politique de la ville -, il fait partout et toujours grand cas de son prétendu profond respect de l'avis du citoyen, à défaut de celui du contribuable. Dialogue et concertation par-ci, consultation et information par-là, jamais, apparemment, la pratique démocratique n'aurait été si parfaite.
Mme Odette Terrade. C'est vrai !
M. Pierre Lefebvre. Merci de le reconnaître !
M. Dominique Braye. Mais, avec ce projet de loi, entre autres, nous voyons ce qu'il en est réellement : tous ces discours ne sont qu'un rideau de fumée destiné à tromper nos concitoyens. Ceux-ci en effet ne sont pas plus consultés que leurs élus locaux sur la question de savoir ce qu'ils veulent dans leur commune en matière de logement. Leur avis n'est pris en compte et jugé pertinent que lorsqu'il rejoint celui du Gouvernement.
A cette vision centralisatrice, autoritaire et coercitive, qu'on eût voulu croire d'une autre époque, s'oppose une vision de liberté (Rires et exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen) , une vision de choix démocratiquement consentis par les citoyens et leurs élus les plus proches, c'est-à-dire les élus municipaux, et ce quelle que soit leur tendance politique.
En élus locaux responsables devant nos concitoyens et en notre qualité de représentants constitutionnels des collectivités territoriales, nous, sénateurs - du moins ceux de la majorité sénatoriale - avons légitimement et démocratiquement privilégié cette vision de la liberté par rapport à la vision gouvernementale de la contrainte.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Il faut libérer M. Braye ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Il nous avait semblé, à une époque qui n'est pas si lointaine, qu'un certain consensus s'était fait autour de la nécessité inéluctable de décentraliser et de gérer les affaires au plus près des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens.
Eh bien, il faut croire que ce consensus était un leurre et que certains vieux réflexes jacobins ont la vie dure !
De même, persiste cette approche idéologique manichéenne selon laquelle l'égalité est non pas l'équité mais l'uniformisation : au lieu de proposer, on impose, au lieu d'inciter, on contraint, au lieu de promouvoir, on rabaisse. Il ne faut surtout pas qu'une tête dépasse ! Ainsi, dans toutes les agglomérations, les communes auront leurs 20 % de logements locatifs sociaux. Et le logement sera si joliment nivelé, et le même partout, que c'en sera un vrai plaisir égalitariste !
Mme Odette Terrade. C'est une caricature, et vous le savez parfaitement !
M. Dominique Braye. Comment, en l'an 2000, peut-on encore croire à ces vieilles lunes, à ces solutions simplistes, à ce centralisme brutal et sans nuance ? Quand on ne cesse de ramer contre les courants combinés du bon sens et de l'histoire, il ne faut pas s'étonner que certaines « exceptions » françaises s'apparentent plus à des handicaps qu'à des atouts !
M. Jean-Pierre Plancade. A chacun ses arguments !
M. Dominique Braye. Chers collègues de la minorité sénatoriale, regardez autour de vous en Europe et prenez exemple auprès de vos amis socialistes qui ont tous abandonné ces vieux démons depuis longtemps ! De grâce, allez faire des stages dans les pays socialistes européens ! (Rires sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Entre nos deux visions divergentes, je tiens à rappeler que celle de notre Haute Assemblée peut se prévaloir d'être en parfait accord avec le texte fondateur de nos institutions, la Constitution de la Ve République.
En effet, son article 72 dispose, à propos des collectivités territoriales de la République, notamment des communes : « Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. »
Mais si la loi prévoit de plus en plus souvent, comme c'est le cas avec le présent texte, que ces collectivités locales ne peuvent s'administrer librement dans les faits, alors la loi ne devient-elle pas inconstitutionnelle, ou du moins ne détourne-t-elle pas l'esprit de la Constitution ?
Je laisserai aux éminents constitutionnalistes qui siègent sur les travées de la majorité sénatoriale le soin d'en débattre éventuellement, mais ce qui me semble évident, c'est que l'immense majorité des élus locaux et de nos concitoyens voient dans l'article 25 de ce projet de loi un recul réel et incontestable de leur liberté d'administration, sans parler du déficit total de concertation à leur endroit dont a fait preuve le Gouvernement.
Voilà pour la divergence majeure qui subsiste sur cet article entre notre Haute Assemblée et les communes, d'une part, le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale, d'autre part.
Mais ce mépris de la liberté, cet affront fait au principe de la libre administration des communes, même s'il constitue le problème majeur, n'est, hélas ! pas le seul défaut du dispositif de l'article 25. Sans prétendre à l'exhaustivité, j'en rappellerai seulement trois autres, qui sont des erreurs au mieux regrettables, au pis lourdes de conséquences.
Il s'agit tout d'abord de l'exclusion des logements financés par des prêts locatifs intermédiaires et, plus grave encore, de l'exclusion de l'accession sociale à la propriété de la définition du logement social. Mon collègue Alain Lassourd en a, avant moi, excellemment parlé.
Cela est incompréhensible, sauf si l'on se place dans une vision idéologique passéiste, selon laquelle les gens modestes ne peuvent devenir propriétaires sans devenir des « bourgeois ».
Mme Odette Terrade. Ça, c'est le bouquet !
M. Jean-Pierre Plancade. Le plus passéiste n'est peut-être pas celui que vous pensez, monsieur Braye !
M. Dominique Braye. Pour le Gouvernement, hors du logement locatif à vie, il ne saurait donc exister de logement à caractère social.
Cette approche est pourtant complètement démentie par l'évolution de notre société, par la réalité des faits et par l'aspiration profonde à l'accession à la propriété de l'immense majorité de nos concitoyens, si modestes soient-ils.
M. Pierre Lefebvre. Ceux qui touchent le RMI y aspirent aussi !
M. Dominique Braye. Et puis, comment accepter que l'objectif de la France au XXIe siècle, en matière de logement, soit de cantonner un cinquième de nos concitoyens dans du logement locatif social, de surcroît majoritairement vertical et dans des quartiers à l'urbanisme toujours plus dense ? Est-ce vraiment là une ambition digne de notre pays ?
Mme Odette Terrade. Nous n'avons jamais dit cela !
M. Dominique Braye. Malgré vos dénégations, madame, et celles de M. le ministre de l'équipement, ce sera le cas dans nombre de communes qui ne possèdent plus de réserves foncières suffisantes ou qui sont soumises à d'autres contraintes que vous n'avez pas voulu, les uns et les autres, prendre en compte. Allons-nous encore longtemps répéter ces erreurs urbanistiques, ô combien coûteuses en termes de problèmes sociaux ?
Deuxième autre défaut majeur du dispositif de l'article 25 : l'absence étrange de prise en compte de la dimension intercommunale dans son champ d'application. Je ne m'étendrai pas outre mesure sur ce point, l'ayant déjà amplement abordé lors de la première lecture.
Mais mon étonnement reste entier devant cette incohérence énorme : à quoi bon, monsieur le secrétaire d'Etat, faire adopter une loi renforçant la solidarité intercommunale pour ne pas en tenir compte aussitôt après ?
La pertinence de l'échelon intercommunal en matière de politique du logement n'est pourtant plus à démontrer.
M. Gérard César. Absolument !
M. Dominique Braye. Elle a été réaffirmée avec force et sans ambiguïté, à de multiples reprises dans cette assemblée, lors du débat qui a précédé le vote de la loi du 12 juillet 1999. Tout cela pour la nier aujourd'hui !
En fait, monsieur le secrétaire d'Etat, vous mettez en avant de grands et beaux principes quand cela vous arrange, pour mieux les jeter aux oubliettes quand ils vous dérangent. Mais comme ces deux textes ont été discutés presque concomitamment, cette duplicité du Gouvernement est apparue au grand jour et le manque de mémoire de nos concitoyens n'a pas eu le temps de se manifester !
Troisième autre défaut majeur : l'absence de toute approche nuancée quant à la diversité des situations locales et aux spécificités de chaque commune.
A cet égard, je soulignerai simplement l'autoritarisme et la partialité d'une méthode qui consiste à décider que les communes qui s'étaient mises en conformité avec les objectifs de la loi d'orientation pour la ville de 1991 doivent être maintenant sanctionnées et clouées au pilori, alors qu'elles étaient, seulement la veille, citées en exemple.
Si l'on voulait décourager les bonnes volontés, on ne s'y prendrait pas autrement ! C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis persuadé que votre loi aura l'effet inverse de celui que nous souhaitons tous : offrir à l'ensemble de nos concitoyens une possibilité de se loger décemment.
Nous ne pouvons cautionner ce changement unilatéral, et sans concertation préalable, des règles d'un jeu en cours de partie. Et il est encore moins acceptable de sanctionner des communes qui ont fait de réels et sincères efforts en faveur d'une meilleure mixité sociale afin de se mettre en conformité avec la loi. Selon notre conception, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs de la gauche, il paraît plus normal et plus moral de récompenser ceux qui font des efforts pour aller dans le sens que préconise la loi plutôt que de les sanctionner.
Voilà donc, selon moi, les principaux - et énormes - défauts de ce funeste dispositif de l'article 25 : une recentralisation brutale de la politique du logement, une profonde atteinte à la liberté d'administration des communes, un mépris idéologique passéiste de l'accession sociale à la propriété, une incohérence totale vis-à-vis de la dimension intercommunale et une approche sans nuance de la diversité de nos communes.
Et tout cela au nom de la mixité sociale, qui a décidément bon dos !
Personne, sur les travées de notre Haute Assemblée, n'est contre la mixité sociale, et nous sommes nombreux à la mettre en oeuvre depuis fort longtemps dans nos agglomérations, sans qu'on vienne nous l'imposer.
C'est la méthode aveugle et coercitive utilisée dans ce projet de loi que nous récusons.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. Dominique Braye. L'objectif d'une meilleure mixité sociale dans le logement devrait d'ailleurs passer par la promotion sociale plutôt que par le nivellement par le bas ; sa réalisation devrait reposer sur l'incitation plutôt que sur la contrainte.
C'est pourquoi, avec mes collègues du groupe du RPR et de la majorité sénatoriale, je soutiendrai le rétablissement du texte que nous avions adopté en première lecture, parfaitement cohérent avec l'objectif d'une mixité sociale respectueuse des attentes des communes et des aspirations profondes de nos concitoyens.
En agissant de la sorte, nous ne nous faisons aucune illusion, monsieur le secrétaire d'Etat, quant à l'aboutissement de notre démarche, mais nous savons que nous rendons service à la démocratie en étant les relais de l'immense majorité des élus locaux, toutes tendances politiques confondues.
M. Pierre Lefebvre. Parlez pour vous !
M. Dominique Braye. Figurez-vous qu'une députée socialiste m'a téléphoné avant-hier pour me demander d'empêcher la construction de logements sociaux dans sa commune ! Je parle donc bien pour tous les élus que je connais, toutes sensibilités politiques confondues.
Enfin, nous souhaitons que nos concitoyens prennent acte de nos propositions de bon sens en matière de logement social afin qu'elles puissent être, très prochainement, je l'espère, mises en oeuvre sur le terrain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Calmejane.
M. Robert Calmejane. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes nombreux ici à regretter l'échec de la commission mixte paritaire, tant il était souhaitable que, sur un sujet aussi fondamental pour la vie quotidienne de nos administrés, la représentation nationale apparaisse comme responsable devant l'opinion. Hélas ! malgré les efforts du Sénat pour amender le projet de loi dans un sens réaliste et efficace, la majorité des députés a préféré s'engager dans une entreprise où le dogme fait office de réflexion et le calcul politicien d'objectif.
Les exemples sont nombreux de l'inadéquation de ce projet de loi aux réalités de nos communes. Au fil des mois, depuis que le débat s'est instauré - et cela tardivement, par la faute du Gouvernement -, force est de le constater, les élus de toutes opinions, les spécialistes de l'urbanisme et les juristes s'interrogent sur les conséquences néfastes que ne manquera pas d'avoir cette loi.
Conçue davantage par vindicte partisane que par bon sens, elle bouleverse sans rien régler.
S'il est un point sur lequel chacun pouvait être d'accord, c'est le principe de mixité sociale. Mes amis et moi-même avions assez critiqué l'univers bétonné où les communes de gauche de la Seine-Saint-Denis entassaient les populations ouvrières sans se soucier de leur cadre de vie pour voir d'un bon oeil se rompre ce cycle infernal de la marginalisation.
Il est vrai que, pendant des décennies, cette formule a assuré des réélections faciles à certains élus communistes ou socialistes de la région parisienne qui ont exploité le « mal-vivre » et canalisé à leur profit le mécontentement légitime des habitants.
M. Dominique Braye. Il faut le dire !
M. Robert Calmejane. Maintenant, c'est différent : souvent, ces familles ouvrières ont déménagé vers des villes plus agréables ; les tours et les barres de nos cités sont devenues le réceptacle de populations immigrées souvent en grande difficulté sociale, peu ou pas intégrées. Les quartiers s'en sont allés à la dérive jusqu'à l'explosion de la violence. Et les esprits généreux d'antan ne sont plus aussi favorables à la concentration de logements sociaux ; ils en appellent, avec des cris de tragédie, à la mixité sociale.
Cette perfidie doit être stigmatisée : ce sont les mêmes qui ont favorisé, entretenu la concentration, qui, aujourd'hui, la dénoncent.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Robert Calmejane. Figure aussi dans le dispositif ubuesque qui nous est proposé une autre hypocrisie. Pourquoi occulter la réalité, pourtant éclatante ? La majorité des populations habitant par nécessité des HLM désire en sortir et, pour peu qu'elle y soit aidée, aspire à acquérir son logement, si possible dans un environnement préservé.
L'habitat locatif social est, certes, un point de passage obligé, dont la capacité doit augmenter dès lors que de trop nombreux jeunes sont encore privés d'emploi, et donc de revenus suffisants. Mais l'objectif principal d'une véritable politique de mixité sociale n'est-il pas de permettre à ceux qui en ont le désir et la volonté d'accéder à la propriété, dans la diversité des constructions de nos quartiers pavillonnaires, mêlant cadres, ouvriers et employés ? De cela, le présent projet de loi ne traite point, marquant le déphasage entre le dogme et la réalité.
Au moment où la prise de conscience de l'opinion sur le cadre de vie devient essentielle, a-t-on idée de vouloir densifier l'urbanisme en agglomération ? Doit-on y sacrifier les zones pavillonnaires, les espaces verts publics ? Au demeurant, y aurait-il des terrains libres, quel en serait le coût d'acquisition en centre ville, dans des zones dites résidentielles ? Le financement de la construction sociale est le vrai problème, curieusement absent de ce projet de loi.
Que dire de la complexité juridique qu'instaure le texte ? Les élus, dans leur diversité politique, l'ont déjà souligné au sein de l'Association des maires de France : la suppression de toute référence normative dans les PLU, ex-POS, va conduire à une augmentation des contentieux, à des décisions judiciaires aléatoires, faute de références précises, et à un engorgement des cours administratives. Cette situation provoquera le retard de maints chantiers publics ou privés, et je ne parle même pas du coût des procédures et des risques de lourdes pénalités financières qu'elle engendrera pour les collectivités.
La déréglementation contenue dans le projet de loi aura une autre conséquence sur l'urbanisme de nos villes : l'abandon de toute obligation, notamment au regard du coefficient d'occupation des sols, ouvrira la voie aux promoteurs soucieux de profits maximum. Ils n'hésiteront pas à engager des contentieux à l'encontre des maires ayant à coeur de préserver l'équilibre urbain de leur commune. Voilà l'une des singulières conséquences de ce projet de loi !
Parmi tous les défauts de ce texte, qui sont nombreux malgré les bonnes intentions qui le sous-tendent, il en est un qui ne peut laisser aucun élu indifférent. C'est la recentralisation qui apparaît dans les conditions technocratiques de définition des SCT, dans les pouvoirs donnés aux préfets d'imposer la construction des logements sociaux aux communes n'atteignant pas le seuil des 20 % ou de prélever sur les recettes fiscales de celles-ci la contribution compensatoire. Dans le chapitre concernant les transports urbains, le préfet se voit également accorder un moyen de contraindre les élus par des dispositions touchant à la vie quotidienne des habitants.
En retrait évident par rapport aux lois de décentralisation de 1983-1984, ces dispositions procèdent de la « reprise en main » entamée par l'Etat et son administration depuis quelques années, de manière rampante et insidieuse. On ne peut impunément prôner l'autonomie des collectivités locales et bafouer celle-ci en toutes circonstances. Il faut espérer qu'un coup d'arrêt sera donné à cette reprise en main par le Conseil constitutionnel eu égard à la non-conformité du texte à l'article 72 de notre Constitution.
Le présent projet de loi apparaît dès lors comme très critiquable, d'autant qu'en filigrane figure la volonté du Gouvernement, et de la majorité plurielle, d'exploiter une fois de plus l'argumentation éculée selon laquelle les villes généreuses sont dirigées par des élus de gauche et les villes bourgeoises, et donc égoïstes, sont dirigées par des élus de droite sans coeur. Tout cela, bien sûr, relève exclusivement de la duplicité politique et pas du tout du souci de développer la mixité sociale ! S'il y avait au sein du Gouvernement une réelle volonté de dialoguer pour améliorer la législation, il eût été facile d'accorder un peu plus d'intérêt aux propositions justes, mesurées et pragmatiques faites en première lecture par la Haute Assemblée. Sans doute aurait-on pu alors, au nom de l'intérêt général, parvenir à un aboutissement constructif. Fidèle à sa manière d'être, le Gouvernement ne l'a pas voulu.
Pour conclure, je précise que mon intervention est désintéressée puisque la commune aux destinées de laquelle j'ai eu l'honneur de présider pendant trente ans possède 32 % de logements sociaux. Je n'ai donc pas de leçon à recevoir de quiconque.
M. Gayssot a évoqué des interventions polémiques de notre part ; son propos est celui d'un spécialiste en la matière ! (Sourires et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord réitérer les remerciements adressés tout à l'heure par M. Gayssot à M. le rapporteur : il a accompli un travail remarquable sur ce texte qui traite de sujets, par nature et par essence, indéniablement complexes.
Cependant, si la commission mixte paritaire a échoué, c'est parce qu'il y avait des points de blocage et je regrette d'avoir à dire que certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ont souligné avec tant de vigueur qu'ils ne peuvent feindre l'étonnement quant à l'impossibilité de trouver des points de convergence. Le ton de leurs propos montrait bien qu'à défaut d'avoir vraiment souhaité l'échec de la commission mixte paritaire ils y ont pour le moins contribué !
Comment une assemblée peut-elle en effet faire blocage sur des points essentiels d'un texte et regretter ensuite que l'autre assemblée ne fasse pas toutes les concessions qu'elle lui demande ?
Je veux toutefois souligner - et j'appelle sur ce point votre attention - que, en deuxième lecture, l'Assemblée nationale a pris bien plus largement en compte les apports du Sénat quant au fond que ne le laisse apparaître le texte sur le strict plan rédactionnel. Il demeure, c'est vrai, des points de divergence - je pense à l'article 25, à certaines dispositions relatives à l'urbanisme ou à la caisse de garantie du logement social - mais n'y a-t-il pas eu convergence sur la copropriété, sur l'insalubrité, sur l'adaptation du statut des organismes d'HLM, ou encore sur nombre de dispositions en matière d'urbanisme ?
Le travail des deux assemblées a réellement enrichi le texte, et j'ai été quelque peu étonné d'entendre M. Poniatowski parler de lecture unique : pour ma part, je participe à la discussion de ce projet de loi pour la quatrième fois puisqu'il y a eu deux lectures à l'Assemblée nationale et que nous l'examinons aujourd'hui en nouvelle lecture au Sénat. Un cinquième et dernier examen interviendra en novembre, la différence entre l'urgence et la non-urgence étant qu'il y a cinq délibérations au lieu de sept.
L'état d'esprit qui préside aux travaux est évidemment - mais je tenais à le rappeler - plus essentiel que le nombre des discussions.
Je veux remercier aussi Mme Terrade et M. Bellanger de leur soutien et des contributions complémentaires qu'ils s'apprêtent à apporter à ce texte qu'ils ont déjà marqué de leur empreinte puisque certaines de leurs propositions ont cheminé et abouti.
Je remercie aussi M. Teston de sa plaidoirie en faveur d'une évolution à la fois positive et raisonnable du secteur rural, tout spécialement en montagne, mais je le savais déjà fin connaisseur et je n'ai pas été pas étonné par son propos.
M. Poniatowski a critiqué l'ampleur d'un projet de loi qu'il aurait préféré voir scindé en plusieurs textes. Mais ce que les élus des collectivités territoriales - qualité que je pense pouvoir revendiquer puisque ma première élection en tant que maire remonte à plus de trente-cinq ans et que je n'ai jamais cessé depuis d'exercer des fonctions locales - critiquaient, c'est précisément l'opacité qui règne en matière de développement urbain, et, notamment, l'accumulation de documents n'ayant jamais été mis en cohérence, ce qui met d'ailleurs en cause leur utilité effective. Rappelons-nous par exemple les anciens SDAU, ces schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme, dont beaucoup, trop vite archivés, n'ont pas été pris en compte. Je ne parle même pas ici de la région parisienne, où des dispositions spécifiques s'appliquent toujours, mais je connais bien des exemples qui confirment mon propos.
Les insuffisances étaient patentes puisqu'au fil des législatures les gouvernements successifs ont pris l'initiative de développer les programmes locaux de l'habitat, puis les plans de déplacements urbains, puis les schémas d'équipement commercial...
Une pluralité de démarches urbaines des plus diverses ont donc été initiées. L'ambition du présent texte est de permettre une approche globale en assurant leur mise en cohérence, laquelle aurait été compromise si les textes qui composent le projet de loi avaient de nouveau été séparés.
Tous les élus locaux considèrent que cette mise en cohérence s'impose et je sais qu'ils l'appellent de leur voeu. Ils savent, bien sûr, que si les thèmes abordés sont distincts, ils n'en sont pas moins liés. La politique en matière de déplacements urbains dépend ainsi forcément des choix en matière d'urbanisme et le renouvellement urbain mêle obligatoirement la question des logements privés insalubres, celle de l'adaptation et du renouvellement de l'offre d'habitat social ou encore celle du choix d'une démarche, effective ou non, en faveur de la mixité sociale.
Les principaux choix d'aménagement ne peuvent plus prendre tout leur sens au seul échelon communal ; c'est bien à une échelle plus vaste qu'il faut en débattre pour les définir.
Cette argumentation de fond plaide en faveur de la démarche choisie. et je crois que, dans l'histoire de l'urbanisme et du développemnet urbain, ce texte, enrichi par vos contributions, fera date : il sera considéré comme un tournant positif. Il fallait, en effet, répondre aux critiques que nous entendions. En tout cas, c'est cette volonté qui a présidé à l'élaboration du présent projet de loi.
D'ailleurs, derrière nombre des amendements que vous avez présentés - je pense, notamment, à ceux qui ont été déposés par la commission - je décèle votre adhésion à cette démarche. En effet, pour beaucoup d'entre eux, il s'agit non pas de suppressions mais d'ajouts.
S'agissant de la commission de conciliation, il a été regretté que le président du conseil général n'en soit pas membre. Je rappelle qu'il s'agit de régler des conflits entre documents d'urbanisme communaux ou intercommunaux et je sais que nombre d'élus départementaux préfèrent que les choses se passent à l'amiable. Les présidents de conseils généraux ne se sentent donc pas forcément vocation à siéger dans cette commission.
Je précise d'ailleurs que l'association du conseil général à l'élaboration du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme est prévue puisque, à sa demande, il est automatiquement consulté et entendu.
Le parti général du texte est de simplifier les procédures. Or les procédures d'association étaient souvent formelles et sources de lourdeur et de contientieux. Elles ont donc été supprimées. Le texte proposé permet même, me semble-t-il, au département de faire valoir ses intérêts de manière plus efficace et mieux ciblée que dans le système actuel.
Sur le logement social, j'ai peine à croire que certaines critiques aient pu être proférées de bonne foi et je m'étonne de ne pas avoir trouvé plus de nuances dans des interventions dont certaines avaient pourtant dû être préparées pas écrit. Bref, il me semble qu'il y a une volonté de caricature ! Pour quelles raisons ?
Chacun de vous, y compris parmi ceux qui ont été les plus virulents, sait que, aujourd'hui, dans les agglomérations françaises, on trouve plus de 20 % de logements locatifs sociaux, et qu'à ce pourcentage correspondent des personnes, des familles, des ménages n'ayant pas la capacité financière d'accéder à la propriété ou qui ne souhaitent pas y accéder.
Tous les élus savent bien aussi que, dans la chaîne du logement, qui est composée des segments du logement locatif social, du logement locatif privé et de l'accession à la propriété, seul le logement locatif social se heurte à des réticences, à des oppositions. D'ailleurs, des élus courageux les surmontent quelquefois,...
M. Dominique Braye. C'est pour ça que vous ne les écoutez pas !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. ... parce qu'elles peuvent venir non pas d'eux, mais de la population, qui est très prompte à se dire humaniste et à prétendre vouloir du bien à son semblable... mais à condition que ce dernier lui ressemble. Si ce n'est pas le cas, on n'en veut pas près de chez soi !
Je crois que vous connaissez tous ces données, ces réalités. Il me semble que c'est l'honneur des élus locaux, des élus de la nation, d'aider à ce que notre société ne s'enferme pas dans ces démarches de discrimination, et par conséquent d'aider à ce que la diversité sociale puisse être partout une réalité. Ce que nous définissons donc dans la loi, c'est ce segment qui fait l'objet de rejets, à savoir le logement locatif social.
Mais, bien évidemment, vous n'ignorez pas que ce gouvernement, s'agissant de l'accession à la propriété - je le dis tout particulièrement à M. Braye, et peut-être à M. Lassourd - a budgétisé, pour en assurer la pérennité, le prêt aidé pour l'accession à la propriété, le prêt à taux zéro, qu'il a négocié, avec le 1 %, un dispositif de sécurisation et que nous sommes à des niveaux d'accession à la propriété qui n'avaient jamais été atteints auparavant. Je pense que vous pouvez voir là que, d'une certaine manière, la critique que vous faites d'une « aversion » pour l'accession à la propriété ne peut pas être adressée à ce gouvernement. (M. Dominique Braye proteste.) Monsieur Braye, les chiffres sont clairs : plus de cent vingt mille prêts l'an dernier, alors que, vous l'avez dit vous-même, il ne s'est construit qu'un peu plus de 40 000 logements locatifs sociaux !
M. Dominique Braye. Ce système est mauvais !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Nous sommes donc en présence d'une accession aidée qui engage les finances publiques, qui engage la volonté politique du Gouvernement et qui représente chaque année quantitativement trois fois plus de logements que le locatif social. Vos critiques d'une vision quasi archéologique que vous croyez déceler chez vos adversaires n'ont donc aucun fondement. (M. Dominique Braye s'exclame.)
Vous avez dit également que les communes demandaient surtout à avoir les moyens de construire des logements sociaux. Puis-je me permettre de vous rappeler que ce n'est pas nous qui, en passant le taux de TVA à 5,5 %, avons supprimé l'aide à la pierre ; c'est même nous, permettez-moi de vous le rappeler encore, qui l'avons rétablie, même si, nous en sommes conscients, il faudrait aller encore plus loin, mais à la condition, bien sûr, que vous ne veniez pas toujours nous dire qu'il ne faut pas développer ce type de dépenses publiques, comme je l'entends parfois.
Vous savez que nous avons redonné au 1 % les moyens d'accompagner les programmes locatifs.
La semaine dernière encore, j'ai demandé au nouveau président de l'Union d'économie sociale du logement, M. Peloux, d'aller plus loin sur ce point aussi.
Vous savez également que de nombreux organismes d'HLM étaient inquiets du développement des impayés de loyer. Alors que le barème des aides au logement n'avait pas été actualisé pendant des années, il l'a été régulièrement depuis quatre ans. S'y ajoute une réforme des aides au logement avec l'unification des barèmes et une meilleure prise en compte des revenus modestes de l'activité. Cette réforme, dont le coût s'élève à 6,5 milliards de francs, sera appliquée sur deux exercices à partir du 1er janvier 2001. Voilà qui peut aussi rassurer les organismes quant à leur équilibre.
Vous connaissez également le développement des fonds de solidarité pour le logement, qui a permis d'aider jusqu'à présent 1 500 000 personnes. Cela a incontestablement évité bien des expulsions et nombre de difficultés d'encaissement des loyers.
Madame Terrade, vous avez soulevé la question des surloyers. Nous y reviendrons lors de l'examen de l'amendement qui vous pose problème. Nous sommes dans un monde qui s'ouvre de plus en plus. Je crois qu'il faut veiller à bien garder notre définition du logement social, à savoir, loyer plafonné et modéré, d'une part, et ressources plafonnées pour y avoir droit, d'autre part. Si un des deux termes de la définition saute, on s'expose à un certain nombre de mesures qui seraient globalement défavorables au logement social. Il faut placer le curseur au bon endroit.
Dois-je vous rappeler, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, que la généralisation des surloyers, auxquels était ajoutée une taxe sur les surloyers qui disparaît dans ce texte, était présentée comme une incitation à quitter le patrimoine HLM dès que l'on peut accéder à la propriété ? Le résultat est clair : on développe forcément une démarche de ségrégation, de concentration, avec des problèmes sociaux trop localisés dans les mêmes sites, ce qui rend impossible l'efficacité du travail des acteurs sociaux, notamment des personnels de tous les services compétents en ce domaine. (M. Dominique Braye s'exclame.)
Vous avez aussi soulevé la question du foncier. L'obligation créée, je le rappelle une fois encore, c'est une obligation sur vingt ans : 20 % sur vingt ans. Pour la commune qui part de zéro, c'est donc une obligation de 1 % par an.
Vous le savez, il existe maintenant des financements non seulement pour la construction mais également pour l'acquisition dans l'existant. Dans notre pays, il se construit 300 000 logements par an et il s'en vend 600 000 dans l'ancien. Compte tenu du droit de préemption urbain qui existe depuis une loi que vos prédécesseurs ont votée en 1967, il est tout à fait possible d'acquérir. Le Gouvernement, soucieux d'avoir une réponse pour ces communes qui n'ont pas de foncier disponible, a prévu un amortissement des prêts consacrés à ces acquisitions sur cinquante ans...
M. Dominique Braye. Ils vont payer autant !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. ... et une exonération de quinze ans de la taxe sur le foncier bâti. Donc, les communes qui se trouvent sans logements sociaux, qui n'ont pas fait d'efforts sociaux suffisants depuis très longtemps, se voient octroyés des moyens pour rattraper le retard et un temps largement suffisant pour que l'objectif soit réaliste et atteint. (M. Dominique Braye s'exclame.)
Il n'y a pas d'incohérence entre obligations communales et développement de l'intercommunalité. Les problèmes de concentration d'habitat locatif social se retrouvent dans certains quartiers. Aussi, porter le problème à un niveau supracommunal ne permettra pas de démanteler les ghettos naissants et de recomposer la ville. C'est plutôt à un niveau infracommunal qu'il faut agir.
M. Dominique Braye. Dans chaque quartier de banlieue !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Bien évidemment, tous les moyens qui peuvent être donnés aux agglomérations pour mener une politique positive dans ce domaine sont les bienvenus, et le Gouvernement y veille.
Quant à la décentralisation - c'est le dernier point essentiel que j'aborderai - je ne crois pas qu'elle soit en cause. En effet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce point est extrêmement claire : les libertés locales s'exercent dans le respect de la loi. Il revient donc au législateur de définir le cadre dans lequel elles s'exercent.
M. Dominique Braye. La loi supprime une liberté !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Aucun problème constitutionnel ne se pose donc à cet égard.
M. Dominique Braye. On verra !
M. Louis Besson. secrétaire d'Etat. Bien évidemment, aucune sanction ne sera prononcée à l'encontre des communes et des élus qui travaillent dans le sens de la loi. Cela devrait apaiser la crainte que vous avez émise. Ils ne pourront, au contraire, qu'être félicités.
M. Dominique Braye. La loi supprime une liberté !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat... Je peux vous assurer que, sur ce point, MM. Claude Bartolone et Jean-Claude Gayssot ainsi que moi-même serons beaucoup plus heureux de souligner les cas de bonne application de la loi, et de féliciter ceux qui y auront contribué, que de dénoncer ceux qui y feraient obstacle et qui, je le souhaite, seront le moins nombreux possible.
Je signale à M. Braye que l'agglomération peut effectivement répartir l'objectif de 20 %, mais en tenant compte du souci de diversité sociale qui est la finalité de la mesure prise.
J'en viens aux exemples que vous nous proposez d'aller voir dans d'autres pays de l'Union européenne. Comme j'ai encore pu le constater voilà quelques semaines en réunissant les quatorze autres ministres du logement de l'Europe des Quinze, tous ces pays ont un secteur locatif soit social, soit conventionné, et les pays où ce secteur est trop faible s'efforcent de le développer.
M. Dominique Braye. Pas de la manière dont vous le faites !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. En effet, ils se rendent bien compte que c'est ce déficit qui crée les difficultés en matière de droit au logement.
M. Dominique Braye. Ne changez pas de sujet ! C'est la manière qui est en cause !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, et ce sera ma conclusion, que vous nous avez prêté une démarche centralisatrice, dogmatique, dirigiste, autoritaire. M. Dominique Braye. C'est la réalité !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le problème n'est pas là. Il s'agit de savoir si l'on se sent comptable des besoins de toute la population que l'on représente. Si on est conscient qu'il existe dans cette population trop de familles, trop de personnes qui n'ont pas un logement correspondant à leurs besoins, on est bien obligé de se sentir redevable à leur égard.
M. Dominique Braye. La loi n'est pas applicable telle que vous la prévoyez !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Par conséquent, on se doit de ne pas proférer des thèses égoïstes, qui ne peuvent que différer la satisfaction d'un besoin élémentaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. C'est de l'angélisme !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Hier - mais c'est une coïncidence - c'était la journée mondiale du refus de la misère. A l'invitation d'ATD Quart monde, j'ai passé deux heures au Trocadéro. J'y ai rencontré des personnes, des groupes criant avec violence leur colère de se sentir interdits dans certaines communes, de se voir éventuellement concentrés dans tel ou tel site, et refusés dans d'autres.
M. Dominique Braye. Ils sont chez nous !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Il faut donc saisir ce problème à bras-le-corps. La conclusion de leur forum et l'intervention du président Bouchet, en clôture de cette journée, ont été les suivantes : à quand le projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, à quand le vote de l'article 25 et son entrée en application ?
M. Dominique Braye. Vous leur donnez de faux espoirs !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Soyez-en certains, mesdames, messieurs les sénateurs, ils attendent que vous le décidiez, et le plus vite possible.
M. Dominique Braye. L'enfer est pavé de bonnes intentions ! Vous donnez de faux espoirs à ces pauvres gens ! M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. En effet, ils n'en peuvent plus de constater des insuffisances et d'endurer les souffrances qui en résultent. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore pas adopté un texte identique.

Article 1er A