SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Organismes extraparlementaires (p. 1 ).

3. Questions orales (p. 2 ).

situation de la gendarmerie rurale (p. 3 )

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; René-Pierre Signé.

situation de l'institut français
de fribourg-en-brisgau (p. 4 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Daniel Hoeffel.

redéploiement des forces de police
et de gendarmerie dans les yvelines (p. 5 )

Question de M. Dominique Braye. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Dominique Braye.

devenir de l'assistance publique -
hôpitaux de paris (p. 6 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; Marie-Claude Beaudeau.

reconnaissance de la médecine
anthroposophique (p. 7 )

Question de M. Hubert Haenel. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Hubert Haenel.

cessation anticipée d'activité
des salariés exposés à l'amiante (p. 8 )

Question de Mme Marie-Madeleine Dieulanguard. - Mmes Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; Marie-Madeleine Dieulanguard.

maintien à domicile des personnes âgées (p. 9 )

Question de M. Georges Mouly. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Georges Mouly.

réseau ferroviaire du sud-est de la france
et liaisons avec l'italie (p. 10 )

Question de M. José Balarello. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; José Balarello.

avenir de l'aéroport de nîmes-garons (p. 11 )

Question de M. Simon Sutour. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Simon Sutour.

aide à la construction pour les insulaires (p. 12 )

Question de M. Christian Bonnet. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Christian Bonnet.

régime indemnitaire des agents
du cadre d'emploi de police municipale (p. 13 )

Question de M. René Marquès. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; René Marquès.

suppression des fiches d'état civil
et justificatifs de domicile (p. 14 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Christian Demuynck.

suppression
de l'émission télévisée « montagne » (p. 15 )

Question de M. Jean Faure. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Jean Faure.

nouvelles dispositions relatives
à l'indemnité compensatoire
de handicap naturel (ichn) (p. 16 )

Question de M. Auguste Cazalet. - MM. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Auguste Cazalet.

réhabilitation des cabanes pastorales (p. 17 )

Question de M. Claude Domeizel. - MM. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Claude Domeizel.

refus d'acceptation de certains billets
par les commerçants (p. 18 )

Question de M. André Vallet. - MM. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; André Vallet.

accès à la profession
dans les métiers du bâtiment (p. 19 )

Question de M. Pierre Hérisson. - MM. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; Pierre Hérisson.

composition du nouveau supercarburant (p. 20 )

Question de M. Dominique Leclerc. - MM. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ; Dominique Leclerc.

Suspension et reprise de la séance (p. 21 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

4. Conférence des présidents (p. 22 ).

5. Reconnaissance du génocide arménien. - Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi (p. 23 ).

6. Loi d'orientation pour l'outre-mer. - Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture (p. 24 ).
Discussion générale : MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ; José Balarello, rapporteur de la commission des lois ; Edmond Lauret, Jean-Jacques Hyest, Lylian Payet, Paul Vergès, Claude Lise, Mme Lucette Michaux-Chevry.
MM. le secrétaire d'Etat, Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 25 )

M. Claude Lise.
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Robert Bret, Patrice Gélard. - Adoption.
Amendements n°s 2 et 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 2 (p. 26 )

Amendement n° 4 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 27 )

Amendements n°s 39 et 40 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (pour coordination) . - Adoption (p. 28 )

Article 5 (p. 29 )

Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 41 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 6 (p. 30 )

Amendement n° 62 rectifié du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendements n°s 12 à 14 de la commission. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 31 )

Amendement n° 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 bis (pour coordination) (supprimé)

Articles 7 quater et 7 quinquies. - Adoption (p. 32 )

Article 9 (p. 33 )

Amendement n° 42 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 50 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 9 bis A (p. 34 )

Amendement n°s 16 et 17 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 9 bis B (supprimé) (p. 35 )

Amendement n° 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 9 ter (pour coordination). - Adoption (p. 36 )

Article 9 quater (p. 37 )

Amendement n° 43 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 19 de la commission et sous-amendement n° 63 rectifié de M. Claude Lise ; amendement n° 58 de M. Claude Lise. - MM. le rapporteur, Claude Lise, le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement n° 63 rectifié et de l'amendement n° 19 modifié, l'amendement n° 58 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 9 quinquies A (supprimé) (p. 38 )

Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Georges Othily. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Suspension et reprise de la séance (p. 39 )

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

Article 9 quinquies (supprimé)

Articles 9 septies A, 9 septies et 9 octies. - Adoption (p. 40 )

Article 10 (p. 41 )

Amendement n° 21 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 11 (p. 42 )

Amendement n° 59 de M. Claude Lise. - MM. Claude Lise, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 11 bis (supprimé) (p. 43 )

Amendement n° 22 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 13 bis (supprimé) (p. 44 )

Amendement n° 23 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 16 (p. 45 )

Amendement n° 24 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 17 (pour coordination) . - Adoption (p. 46 )

Article 18 bis (p. 47 )


Amendements n°s 25 de la commission et 44 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait
de l'amendement n° 25 ; adoption de l'amendement n° 44.
Adoption de l'article modifié.

Articles 18 ter , 19 bis et 20. - Adoption (p. 48 )

Article 21 bis (p. 49 )

Amendement n° 47 rectifié de M. Paul Vergès. - MM. Paul Vergès, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 22 (p. 50 )

Amendement n° 26 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendements identiques n°s 27 de la commission et 60 de M. Claude Lise. - MM. le rapporteur, Claude Lise, le secrétaire d'Etat, Mme Lucette Michaux-Chevry. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Articles 23 et 24. - Adoption (p. 51 )

Article 24 bis (supprimé)

Article 24 ter (p. 52 )

Amendement n° 28 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 31 (p. 53 )

Amendement n° 29 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 30 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 31 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Claude Lise. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 32. - Adoption (p. 54 )

Article 33 (p. 55 )

Amendement n° 32 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 33 bis (supprimé)

Article 36 (p. 56 )

Amendement n° 61 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 36 (p. 57 )

Amendement n° 51 de Mme Lucette Michaux-Chevry. - Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 36 bis (p. 58 )

Amendement n° 52 de Mme Lucette Michaux-Chevry. - Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 37. - Adoption (p. 59 )

Article 37 ter (p. 60 )


Amendement n° 53 de Mme Lucette Michaux-Chevry. - Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. le rapporteur, le
secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Intitulé du chapitre IV du titre VI (réservé) (p. 61 )

Amendement n° 33 de la commission. - Réserve.

Article 38 (p. 62 )

Amendements identiques n°s 34 de la commission et 54 de M. Edmond Lauret ; amendement n° 48 de M. Paul Vergès. - MM. le rapporteur, Edmond Lauret, Paul Vergès, le secrétaire d'Etat, Paul Girod. - Adoption des amendements n°s 34 et 54 supprimant l'article, l'amendement n° 48 devenant sans objet.

Article 38 bis (p. 63 )

Amendements identiques n°s 35 de la commission et 55 de M. Edmond Lauret. - MM. le rapporteur, Edmond Lauret, le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article additionnel après l'article 38 bis (p. 64 )

Amendement n° 56 de M. Edmond Lauret. - MM. Edmond Lauret, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Georges Othily, Patrice Gélard. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Intitulé du chapitre IV du titre VI (suite) (p. 65 )

Amendement n° 33 (précédemment réservé) de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Paul Girod. - Adoption de l'amendement supprimant la division et son intitulé.

Intitulé du titre VII (réservé) (p. 66 )

Amendement n° 36 de la commission. - Réserve.

Article 39 (p. 67 )

Amendement n° 37 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Claude Lise, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Patrice Gélard, Pierre Fauchon, Josselin de Rohan. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Intitulé du titre VII (suite) (p. 68 )

Amendement n° 36 (précédemment réservé) de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant la division et son intitulé.

Article 40 (p. 69 )

Amendement n° 57 rectifié de M. Victor Reux. - MM. Victor Reux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 45 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 40 ter A. - Adoption (p. 70 )

Article 40 ter (pour coordination) (p. 71 )

Amendement n° 38 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 40 quater et 40 sexies. - Adoption (p. 72 )

Article additionnel après l'article 41 quater (p. 73 )

Amendement n° 49 de M. Victor Reux. - MM. Victor Reux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Alain Lambert, président de la commission des finances. - Irrecevabilité.

Article 41 (pour coordination) . - Adoption (p. 74 )

Vote sur l'ensemble (p. 75 )

MM. Paul Vergès, Claude Lise, Georges Othily, Lucien Lanier, Edmond Lauret, Lylian Payet, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. le secrétaire d'Etat.
Adoption du projet de loi.
M. Josselin de Rohan.

Suspension et reprise de la séance (p. 76 )

7. Transposition par ordonnances de directives communautaires. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 77 ).

Article 4 (p. 78 )

MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Amendements identiques n°s 19 de M. Denis Badré, rapporteur pour avis, et 47 de M. Pierre Lefebvre ; amendement n° 4 de la commission et sous-amendement n° 49 de M. Paul Masson ; amendement n° 14 rectifié (priorité) de M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. - MM. Denis Badré, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Pierre Lefebvre, Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois ; Paul Masson, Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis ; le ministre, Jacques Bellanger, Alain Lambert, président de la commission des finances. - Retrait de l'amendement n° 47 et du sous-amendement n° 49 ; adoption, après une demande de priorité, de l'amendement n° 14 rectifié et de l'amendement n° 4, l'amendement n° 19 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 5 (p. 79 )

Amendement n° 5 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 17 de M. André Jourdain, rapporteur pour avis. - MM. André Jourdain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 7 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 9 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 10 de la commission et 48 de Mme Nicole Borvo. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 48 ; adoption de l'amendement n° 10.
Adoption de l'article modifié.

Vote sur l'ensemble (p. 80 )

M. Simon Sutour, Mme Nicole Borvo.
Adoption du projet de loi.

8. Reconnaissance du génocide arménien. - Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi (suite) (p. 81 ).
MM. Jacques Pelletier, Jacques-Richard Delong, Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.
Adoption de la demande de discussion immédiate

Discussion immédiate
et adoption de la proposition de loi (p. 82 )

Discussion générale : MM. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; Jacques Peyrat, Louis de Broissia, Michel Pelchat, Robert Bret, le président, Paul Girod, Claude Huriet, Bernard Piras, Gérard Collomb, Bernard Seillier, Hubert Durand-Chastel, Guy Fischer.
Clôture de la discussion générale.

Exception d'irrecevabilité (p. 83 )

Motion n° 3 de M. Jacques-Richard Delong. - MM. Jacques-Richard Delong, Jean-Claude Gaudin, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Gilbert Chabroux. - Rejet par scrutin public.

Article unique (p. 84 )

Amendement n° 1 rectifié ter de M. Claude Huriet et sous-amendement n° 4 de M. Dominique Braye. - MM. Claude Huriet, Dominique Braye, le président de la commission des affaires étrangères ; le ministre, Gérard Collomb, Yann Gaillard, Louis de Broissia, Philippe Adnot. - Rejet du sous-amendement et de l'amendement.
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Claude Huriet et sous-amendement n° 5 de M. Dominique Braye. - Devenus sans objet.

Vote sur l'ensemble (p. 85 )

Mme Hélène Luc, M. Claude Huriet.
Adoption, par scrutin public, de l'article unique de la proposition de loi.

9. Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 86 ).

10. Dépôt d'une proposition de loi (p. 87 ).

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 88 ).

12. Renvoi pour avis (p. 89 ).

13. Dépôt d'un rapport d'information (p. 90 ).

14. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 31 octobre 2000 (p. 91 ).

15. Ordre du jour (p. 92 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

présidence de m. paul girod
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

organismes extraparlementaires

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.
En conséquence, j'invite la commission des affaires culturelles et la commission des finances à présenter chacune un candidat appelé à siéger au sein du conseil d'administration du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou. J'invite également la commission des affaires culturelles à présenter un candidat pour siéger au sein du Haut Conseil de l'évaluation de l'école.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

3

questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

SITUATION DE LA GENDARMERIE RURALE

M. le président. La parole est M. Signé, auteur de la question n° 868, adressée à M. le ministre de la défense.
M. René-Pierre Signé. Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur la situation de la gendarmerie, en particulier la gendarmerie rurale. Cette formation très homogène jusqu'alors tend à devenir très hétérogène.
La programmation concernant les années 1997-2002 inquiète les élus locaux puisque les effectifs ont perdu plus de cinq mille sous-officiers reconvertis, certes, pour partie en officiers, mais sur des postes de soutien non opérationnels, et douze mille gendarmes auxiliaires, issus du contingent volontaire, qui avaient une grande motivation et souhaitaient faire carrière dans la gendarmerie.
Il est vrai que la gendarmerie a vu ses effectifs grossir en particulier de seize mille gendarmes adjoints - il s'agit, en fait, d'emplois-jeunes - qui n'ont pas toujours vocation bien arrêtée de faire carrière.
Ces jeunes futurs gendarmes, formés très rapidement, sont principalement affectés aux zones rurales, d'où sont retirés les gendarmes chevronnés et compétents. Il en résulte des difficultés de fonctionnement, une présence et une surveillance insuffisantes, des délais d'intervention trop longs.
Or si les problèmes de délinquance dans les zones rurales n'atteignent pas l'acuité de ceux dans les banlieues, ils n'en sont pas moins inquiétants et ils ont une fâcheuse tendance à s'amplifier.
Monsieur le ministre, la sécurité des personnes et des biens me paraît être une exigence de base pour tout aménagement cohérent du territoire et il serait regrettable que le monde rural fasse les frais de l'amélioration de la sécurité des villes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je souhaite compléter votre information sur l'évolution des effectifs de la gendarmerie à l'échelon national et sur ses répercussions au sein des brigades rurales.
Vous avez évoqué la suppression de cinq mille emplois de sous-officiers de gendarmerie pendant la programmation. Il s'agit non pas d'une suppression mais d'un transfert.
Jusqu'à présent, des militaires ayant une formation et des capacités militaires de la gendarmerie étaient affectés à des fonctions de gestion. La réforme mise en place dans la loi de programmation a consisté - c'est de bonne administration - à transférer cinq mille postes qui correspondent au soutien administratif et technique de la gendarmerie vers des postes, certes de militaires, mais qui ne répondent pas aux mêmes spécificités, plutôt que de faire occuper ces postes par des titulaires d'aptitude militaire. Vous comprenez, monsieur le sénateur, que, pour assurer le secrétariat d'un groupement ou le fonctionnement d'une unité d'entretien de véhicules de la gendarmerie, il n'est pas nécessaire d'avoir recours à un brigadier aguerri et expérimenté.
Par conséquent, aucun emploi de sous-officiers de la gendarmerie n'est supprimé. En revanche, nous assistons à une mutation.
Naturellement, nous pouvons tous regretter que les douze mille appelés de la gendarmerie disparaissent. Mais cela est dû au fait que le service militaire est en voie de suppression. Il n'y a plus de raison de maintenir des appelés dans la gendarmerie alors qu'il n'y en aurait plus nulle part ailleurs.
Le Gouvernement, qui a été conduit à définir une projection, a donc considéré qu'il fallait remplacer les appelés par de jeunes volontaires. Vous avez fait allusion aux emplois-jeunes, monsieur Signé. Je suis sûr que, dans votre esprit, cela n'a rien de péjoratif. Il s'agit de jeunes qui entrent dans la profession et qui sont en train d'acquérir une expérience. Deux différences importantes existent par rapport aux appelés : d'une part, ils pourront être employés pour une durée allant jusqu'à cinq ans, alors que les appelés l'étaient pour dix mois ; d'autre part, ils bénéficieront de formations plus longues, que j'ai encore décidé d'allonger, et, dès la fin de la première année de service, ils auront des compétences d'adjoints de police judiciaire, ce qui n'était évidemment pas proposé aux appelés.
Nous disposons donc d'une ressource humaine supérieure en nombre - seize mille volontaires au lieu de douze mille appelés - et de jeunes dont la formation initiale est sans doute inférieure en moyenne à celle des appelés de la gendarmerie, mais qui pourront acquérir une expérience.
Nous n'en sommes qu'au début de l'expérience : les premiers jeunes ont été recrutés à la fin de l'année 1998. La grande majorité d'entre eux ont donc une année d'expérience, parfois moins, au maximum un an et demi. Lorsque ces jeunes auront une plus longue expérience, la mesure que j'ai prise, à savoir le remplacement, dans les brigades à faible activité, d'un gendarme sous-officier sur six par un gendarme adjoint, sera une bonne réforme.
En effet, monsieur le sénateur, nous avons des besoins que personne ne conteste - vous l'avez sans doute noté dans votre département - de renforcement des unités de gendarmerie dans la périphérie des villes. La solution la plus simple pour ce ministère aurait consisté à agir comme pratiquement tous les ministères l'ont fait au cours des vingt dernières années, c'est-à-dire d'envoyer dans les postes les plus difficiles les jeunes qui débutent. Je n'ai pas voulu procéder ainsi. Il me paraît plus digne, en effet, pour le service public et plus favorable aux jeunes qui font leur expérience de les faire encadrer par un groupe de gendarmes expérimentés dans une brigade de campagne où ils apprendront tous les aspects du métier de gendarme.
Cette évolution permet de maintenir entièrement le maillage des brigades cantonales, y compris dans les zones où l'on observe une faible activité des brigades. En principe, ces brigades ne doivent comporter qu'un jeune gendarme adjoint en substitution. C'est tout de même la meilleure façon d'intégrer les jeunes, face à des besoins de sécurité qui sont avérés en milieu rural comme en zone périurbaine.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, qui me semble un plaidoyer convaincant. Il n'empêche que les mille civils venant d'établissements militaires restructurés qui sont employés dans les bureaux, en tant que mécaniciens, dans les postes de soutien à la gendarmerie, ou autres, ne sont plus des gendarmes. Malgré tout, la formation de base est un peu différente. Et puis, il y a des officiers et des sous-officiers des armées qui ne sont pas des gendarmes, qui n'ont ni formation ni pouvoir juridique et qui font surtout du soutien.
Quant aux gendarmes adjoints dont vous avez parlé, monsieur le ministre, bien entendu, mon allusion aux emplois-jeunes n'avait rien de péjoratif. Il n'empêche que ces jeunes ont été recrutés après avoir passé des tests moins difficiles, puisqu'ils ont cinq ans pour intégrer la gendarmerie et réussir des tests plus sélectifs, et ils sont tout de même de valeur assez inégale. Or, précédemment, les gendarmes auxiliaires étaient des volontaires et ils étaient donc peut-être plus motivés.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que les jeunes étaient d'abord affectés dans les zones où la délinquance est moindre pour être formés. Cela me paraît tout à fait judicieux. Il n'en reste pas moins que l'encadrement me semble quelquefois insuffisant. Par exemple, dans mon canton, il arrive que, certains dimanches ou certaines fins de semaine, un seul gendarme chevronné accompagne deux ou trois gendarmes adjoints, ce qui me paraît quelque peu préjudiciable à la sécurité.
Cela dit, je comprends la suppression, dans les effectifs, de douze mille gendarmes auxiliaires en raison de la loi sur le service national. Mais il faudrait assurer un encadrement suffisant aux seize mille gendarmes adjoints, afin qu'ils soient mieux formés, et c'est ce qui me semble faire défaut dans les zones rurales.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, la question est importante et peut intéresser d'autres sénateurs.
Monsieur Signé, comme vous, je pense que les jeunes gendarmes adjoints doivent être présents en nombre réduit au sein des brigades et doivent bénéficier d'un encadrement par des gendarmes expérimentés nombreux. C'est ce qui se produit le plus généralement.
S'agissant de Château-Chinon, nous avons créé une centaine de pelotons de surveillance et d'intervention pour améliorer la synergie entre brigades en zone rurale. Si, pendant la montée en charge, ces pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, les PSIG, comportent un peu plus de gendarmes adjoints ou d'auxiliaires, pendant la période de croisière, ils seront composés, pour l'essentiel, de sous-officiers.

SITUATION DE L'INSTITUT FRANÇAIS
DE FRIBOURG-EN-BRISGAU

M. le président. La parole est M. Hoeffel, auteur de la question n° 875, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, ma question concerne l'avenir et la situation de l'Institut français de Fribourg-en-Brisgau, dossier que vous connaissez et que votre collègue ministre des affaires étrangères suit avec une particulière attention.
Trois arguments me paraissent militer en faveur du maintien de cette présence culturelle française à Fribourg-en-Brisgau.
Premier argument, la coopération sur les plans culturel et éducatif est appelée dans l'avenir à être l'un des fondements de la coopération franco-allemande. Or, c'est cette coopération-là qui vient étayer la coopération politique.
Deuxième argument, la coopération transfrontalière entre régions voisines me paraît être aujourd'hui, et sans doute le sera-t-elle davantage encore demain, la base d'une coopération forte entre nos deux pays. Tout ce qui peut donc être fait pour créer et étoffer les liens tant culturels que linguistiques va dans la bonne direction.
Troisième argument, les autorités allemandes étant très impliquées dans la plupart des instituts français tel celui de Fribourg-en-Brisgau, elles méritent un certain nombre d'égards, et je souhaite que ce soit en étroite concertation avec ces partenaires que les actions puissent être entreprises.
M. le ministre des affaires étrangères a répondu à ce sujet que la réforme, une fois finalisée en concertation avec nos partenaires allemands, sera mise en oeuvre de façon pragmatique et progressive en collaboration avec les autorités locales.
Conscient de la nécessité pour les instituts français - en Allemagne et ailleurs - de s'adapter et de se moderniser pour tenir compte de l'évolution du cadre dans lequel ils se situent, je souligne toutefois que la valeur symbolique d'un institut français tel que celui de Fribourg-en-Brisgau reste en tout état de cause très forte. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite que, en concertation avec nos partenaires allemands, le maintien de l'Institut français de Fribourg-en-Brisgau puisse être envisagé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je vous prie de recevoir les excuses de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, qui défend en ce moment même le budget de son ministère à l'Assemblée nationale.
La France, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, entretient en Allemagne le plus important de nos réseaux culturels à l'étranger. Pour fixer les idées, dans ce pays très proche et ami, sont localisés 13 % du total des établissements culturels autonomes du ministère des affaires étrangères, soit vingt-quatre implantations, ce qui fait beaucoup.
Aujourd'hui, dans un contexte évidemment très profondément modifié, et en bien, du fait des multiples liens qui se sont créés entre nos deux sociétés et, plus largement, de l'intégration européenne, il incombe au ministère des affaires étrangères de moderniser le réseau culturel non seulement en Allemagne mais dans toute l'Europe.
Ce réseau doit s'adapter aux nouvelles formes d'échanges qui structurent et traversent l'Europe dans les domaines culturel et éducatif, en tenant tout particulièrement compte du développement des industries culturelles, dont certaines sont heureusement conjointes, et des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Il faut aussi tenir compte - cela s'applique au cas de Fribourg-en-Brisgau - de la coopération transfrontalière, qui est aujourd'hui l'un des principes moteurs de nos relations européennes, ainsi que de l'implication des partenaires de la société civile dans la gestion de ces relations, conformément aux recommandations formulées lors du sommet franco-allemand de Potsdam.
Cette exigence d'adaptation s'impose également aux autorités allemandes, qui travaillent actuellement à modifier leur propre dispositif diplomatique, consulaire et culturel à l'étranger, toujours dans un souci de modernisation et d'efficacité.
La réforme que le ministère des affaires étrangères envisage pour le réseau culturel français en Allemagne n'a pas nécessairement à se traduire par des fermetures pures et simples mais, au contraire, dans nombre de cas, peut se manifester par le maintien d'une présence française assurée par des attachés de coopération culturelle chargés de la mise en oeuvre des projets bilatéraux et, parfois, multilatéraux, ce qui serait un progrès, et chargés également de mettre en relation directe les professionnels de la culture de nos deux pays, notamment dans le domaine artistique.
La dimension universitaire de notre action devrait également être renforcée puisque, heureusement, les jeunes de la génération qui suit les nôtres sont très familiarisés avec les études à l'étranger, raison pour laquelle le public à accueillir et à soutenir s'est accru.
Si, donc, un plan de restructuration a fait l'objet de premières études, aucune décision concernant le réseau culturel en Allemagne n'a encore été arrêtée et, lorsque la réflexion en cours sera achevée et que ce plan de restructuration sera, sans doute après des modifications, validé, nos partenaires allemands seront approchés suffisamment à l'avance pour que l'on puisse procéder à une réforme en concertation avec les autorités locales allemandes et en confortant des liens solides avec elles.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, de l'intérêt que vous manifestez pour cette coopération culturelle qui demeure, aujourd'hui autant qu'hier, absolument nécessaire pour la construction européenne telle que nous la voyons.
Les propositions que le Président de la République a faites à Berlin, les 26 et 27 juin derniers, lors de sa visite d'Etat, avec, par exemple, la création de l'académie franco-allemande du cinéma, témoignent de l'importance que notre pays attache au resserrement de ses relations culturelles avec l'Allemagne.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. En vous remerciant, monsieur le ministre, de votre réponse, je me permets d'insister sur deux points particuliers. D'une part, il ne saurait y avoir de coopération politique confiante entre nos deux pays sans que cette coopération se renforce sur les plans culturel et éducatif. C'est une exigence de notre temps.
D'autre part, vous l'avez vous-même précisé, il est absolument nécessaire que l'avenir de notre réseau culturel français en Allemagne puisse être assuré au moyen d'une concertation étroite et forte avec nos partenaires. C'est, je crois, la condition d'une adaptation et d'une modernisation réussies de la présence culturelle française en Allemagne.

REDÉPLOIEMENT DES FORCES DE POLICE
ET DE GENDARMERIE DANS LES YVELINES

M. le président. La parole est à M. Braye, auteur de la question n° 897, adressée à M. le ministre de l'intérieur. M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, ma question concerne la mise en place du plan de redéploiement des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie dans le département des Yvelines.
Je rappelle que les Yvelines sont l'un des vingt-six départements prioritaires du plan national de ce redéploiement.
La pertinence et l'urgence de cette réforme pour quatre communes des Yvelines, dont trois du Mantois, ont fait l'objet, après un long et difficile travail des élus locaux, d'un large consensus entre la population, les élus et les responsables départementaux et locaux de la police et de la gendarmerie.
C'est pourquoi, dès la fin de l'année 1999, ces trois communes de l'agglomération mantaise faisaient parvenir à la préfecture des Yvelines une délibération de leurs conseils municipaux favorable à ce transfert de compétence et demandant leur rattachement à la circonscription de police de Mantes-la-Jolie. Or, cet engagement communal demandé avec insistance par les services respectifs des ministères de l'intérieur et de la défense, ne s'est pas traduit par un même engagement du Gouvernement, puisqu'il aura fallu plus de dix mois d'attente pour obtenir une réponse concrète et positive des services de la préfecture, celle-ci ne nous étant parvenue qu'il y a moins d'une semaine.
En effet, les élus des communes de Buchelay, Magnanville et Toussus-le-Noble viennent seulement d'être informés, par lettre du préfet des Yvelines en date du 31 octobre 2000, de ce que le transfert de compétence serait effectif au 1er janvier 2001. Si vous me confirmez cette information, monsieur le ministre, j'en serais heureux, car bien que très tardive, elle respecte le choix des élus locaux et répond aux nécessités du terrain.
Néanmoins, ma satisfaction sera loin d'être complète, car une commune, Rosny-sur-Seine, demeure située en zone de gendarmerie.
Cette décision provoque l'étonnement, l'inquiétude et le mécontentement de tous les élus du Mantois, car Rosny-sur-Seine fait partie de la communauté d'agglomération de Mantes en Yvelines et présente, de surcroît, la particularité d'être la commune la plus proche du quartier du Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie, ce qui implique qu'elle est confrontée, en termes d'insécurité et de violences urbaines, pour le moins aux mêmes problèmes et aux mêmes risques que les autres communes de l'agglomération mantaise, telles que Magnanville et Buchelay.
Il semble donc évident pour tous les élus locaux, mais aussi pour tous les services de police et de gendarmerie du Mantois, que la police nationale devrait avoir compétence à Rosny-sur-Seine comme sur le territoire des autres communes urbaines de la communauté d'agglomération de Mantes en Yvelines.
En effet, vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, que cette commune présente clairement, par rapport à Mantes-la-Jolie, une continuité territoriale se traduisant, notamment, par l'existence de nombreux équipements collectifs et sportifs communs, dont un collège qui, bien que situé à Rosny-sur-Seine, accueille de nombreux élèves venant du quartier du Val-Fourré de Mantes-la-Jolie.
Par ailleurs, les projets de développement de la zone franche du Val-Fourré et la future urbanisation du quartier des Garennes, à la limite de la commune de Rosny-sur-Seine, confortent largement cette analyse et contredisent le seul argument avancé par les services de votre ministère, selon lequel il existerait une brève discontinuité du bâti entre le Val-Fourré et Rosny-sur-Seine.
Il est évident pour tous les habitants de notre agglomération, et même pour ceux qui n'y ont effectué qu'un bref séjour, que Rosny-sur-Seine a une communauté territoriale et une communauté de destin avec les autres communes de l'agglomération. Il apparaîtrait donc totalement incohérent et hautement préjudiciable d'en faire une exception locale - injustifiée - en la laissant sous compétence de la gendarmerie nationale, alors même que les trois autres communes de son canton seraient placées, elles, sous l'autorité de la police nationale.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de me préciser, d'une part, si Rosny-sur-Seine sera rattachée elle aussi au 1er janvier 2001, voire un peu plus tard, à la circonscription de police de Mantes-la-Jolie et, d'autre part, quels effectifs de police supplémentaires sont prévus pour faire face à ces nouvelles tâches, sachant que, malgré toutes les déclarations rassurantes des différents représentants du Gouvernement et de l'Etat, les effectifs sont jugés très insuffisants pour assurer la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens par tous les élus locaux, la population, et même par les différentes forces de gendarmerie et de police elles-mêmes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser mon collègue et ami M. Daniel Vaillant, qui ouvre aujourd'hui la session annuelle du Collège européen de police dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
Parmi les mesures de réorganisation territoriale entre la police et la gendarmerie nationales arrêtées par les ministres de l'intérieur et de la défense, figurent, pour le département des Yvelines, le transfert, sous la responsabilité de la gendarmerie nationale, de la commune de Toussus-le-Noble, qui est aujourd'hui en zone de police et, en sens inverse, le transfert des communes de Buchelay et de Magnanville, dans l'agglomération de Mantes, qui, elles, passent sous la responsabilité de la police nationale.
Ces deux communes, en raison de leur continuité avec l'assise territoriale de la circonscription de sécurité publique de Mantes-la-Jolie, constituent indiscutablement avec cette dernière un ensemble urbain homogène justifiant leur intégration en zone de compétence de police.
Par ailleurs, nous avons tenu compte des souhaits et des avis qui ont été exprimés par les conseils municipaux.
Donc, en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires et en s'appuyant sur les avis favorables des conseils municipaux, les arrêtés interministériels qui transfèrent, d'une part, Toussus-le-Noble en zone de gendarmerie, d'autre part, Buchelay et Magnanville en zone de police, sont à la signature des ministres concernés. Je peux vous dire que j'en ai signé un vendredi dernier et qu'il portait déjà la signature de M. Daniel Vaillant ; il ne manque plus que celle de notre collègue de l'économie, des finances et de l'industrie.
En ce qui concerne Rosny-sur-Seine, vous ne m'avez pas indiqué, monsieur le sénateur, quel était l'avis du conseil municipal de la commune.
M. Dominique Braye. Il est favorable, comme celui de la communauté d'agglomération.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je souhaite donc que nous réexaminions cette question, et je vais en saisir M. Daniel Vaillant. S'il y a effectivement continuité territoriale et vraiment matière à regroupements d'intérêts - en tant qu'élu d'un département voisin, je perçois bien cette réalité - le dossier peut certainement évoluer.
Mais, comme vous le suggérez, il reste bien entendu la question des effectifs nécessaires pour que la police nationale puisse assurer la charge que représentent ces milliers d'habitants supplémentaires, étant rappelé que Buchelay et Magnanville sont déjà, à elles seules, une charge importante en termes de populations et de sécurité publique. Sur ce point, je me permettrai de vous adresser une réponse écrite : une augmentation d'effectifs est bien prévue, mais je ne dispose pas des chiffres précis.
Concernant Rosny-sur-Seine, qui fait donc l'objet localement d'un souhait unanime, le Gouvernement a pour doctrine d'opérer par cohérence un rattachement quand il y a accord des partenaires. Cependant, il vous faut prendre en compte les nécessités d'effectifs. Je me ferai donc votre interprète auprès de M. Daniel Vaillant pour que nous travaillions ensemble à réexaminer le dossier de Rosny-sur-Seine.
M. Dominique Braye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et de la franchise dont vous avez fait preuve.
Je me permettrai une nouvelle fois d'insister : Rosny-sur-Seine est l'une des six communes urbaines de la communauté d'agglomération de Mantes en Yvelines et connait des problèmes de délinquance qui sont sûrement supérieurs à ceux de Magnanville et de Buchelay, compte tenu à la fois de sa proximité avec le Val-Fourré et du fait que le collège et les établissements scolaires accueillent des enfants du Val-Fourré.
La communauté d'agglomération, qui a délibéré sur ce point ne relevant pas de sa compétence, soutient la demande de Rosny-sur-Seine, tout comme le conseil municipal, qui, à l'unanimité, a également émis un avis favorable, alors même que, comme vous le savez, le passage de zone de gendarmerie en zone de police n'est pas toujours évident.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de réexaminer cette question et de me préciser, dans la mesure du possible, quelle sera l'augmentation des effectifs de police ; c'est en effet un souci des élus locaux mais aussi des services de police de savoir comment ils vont pouvoir faire face à ces nouvelles tâches.

DEVENIR DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE - HÔPITAUX DE PARIS

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 860, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, vous savez comme moi quel atout national représente l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, l'AP-HP. Cet ensemble hospitalier est le plus important établissement de soins d'Europe, avec ses 45 hôpitaux, ses 27 000 lits et ses 86 000 salariés ; c'est aussi le premier centre de formation et la première université de mé decine du continent. Reconnue comme un pôle d'excellence, l'AP-HP dispose d'une réputation nationale et internationale. Ses missions de service public dépassent largement les limites de l'Ile-de-France. Ses établissements reçoivent des patients de tout le pays et même de l'étranger. Ils prennent notamment en charge des pathologies lourdes ou rares. A titre d'exemple, ils ont effectué 1 581 greffes en 1998.
Aujourd'hui, nous considérons que cet atout national est menacé. C'est en tout cas la crainte qu'expriment de plus en plus nettement les personnels hospitaliers. La campagne médiatique de dénigrement n'est pas faite pour les rassurer.
Une autre campagne, souvent entretenue d'ailleurs par les gouvernements, vise à opposer l'AP-HP aux autres hôpitaux en présentant Paris et la région parisienne comme des secteurs « surdotés », sans tenir compte de la spécificité de l'AP-HP que j'évoquais à l'instant.
En fait, ce qui menace réellement le devenir de l'AP-HP, c'est cette logique d'austérité imposée depuis des années au nom de la prétendue « maîtrise comptable des dépenses de santé » qui frappe aussi bien les établissements de Paris, de banlieue ou de province.
Depuis l'abandon de la dotation globale aux hôpitaux de France en 1991, le taux annuel de progression de la dotation à l'AP-HP, à peine supérieur à 1 % avec un minimum de 1,08 % l'an dernier, s'est révélé incompatible avec la seule reconduction des activités et du personnel. Pour 2000, la fédération hospitalière de l'Ile-de-France estimait qu'une augmentation de 2,4 % était nécessaire pour cela. Et je ne parle pas de la croissance des besoins en matière de soins et d'investissements en matériels de nouvelle technologie.
Sur plusieurs années, cette logique d'austérité remet en cause toutes les missions de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
Le très fort mouvement revendicatif dans les hôpitaux publics qui s'est traduit, l'année dernière, par des grèves étalées sur quatre mois a révélé l'ampleur de la détérioration des conditions de travail, qui sont à la limite du supportable pour les personnels et dangereuses pour la sécurité des patients.
A l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, les personnels hospitaliers dénoncent les orientations du schéma régional d'organisation sanitaire et sociale 2001-2004 et la dégradation de l'offre et de la qualité des soins qu'il prévoit.
En Ile-de-France, 11 000 lits de court séjour risquent d'être ainsi fermés d'ici à 2004 - après la fermeture de 17 000 de 1994 à 1999 -, dont 1 000 par an à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, et 2 000 emplois supprimés alors que les syndicats estiment à 10 000 les personnels manquants.
Les critères comptables qui président aux choix stratégiques mis en oeuvre par la direction de l'Assistance publique vont à l'encontre de l'évolution des besoins de santé à Paris et en Ile-de-France.
Permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, de vous citer deux exemples à cet égard.
Alors que la direction de l'Assistance publique reconnaît une augmentation constante des urgences - elles ont progressé de 16 % de 1994 à 1997 - le plan de restructuration prévoit de fermer les deux tiers des sites.
De même, 1 600 lits de gériatrie doivent être fermés alors que la demande dans ce secteur ne cesse de croître.
Il résulte de cette évolution que le secteur privé se « taille des croupières » au détriment de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et s'empare des activités les plus rentables. Aujourd'hui, par exemple, 60 % des actes de chirurgie ambulatoire sont effectués par le secteur privé et 50 % par les maternités.
L'ensemble de la structure AP-HP continue à s'affaiblir. La logique de restriction financière imposée par les politiques gouvernementales successives conduit à faire des arbitrages entre ses missions de service public et même à déstructurer certaines de ses filières d'excellence. L'hôpital européen Georges-Pompidou, qui vient d'ouvrir ses portes avec sept ans de retard et des centaines de millions de francs de surcoût, en est la parfaite illustration.
L'Etat s'est complètement désengagé du financement de la construction de cet hôpital « vitrine », à vocation européenne, doté d'un grand plateau technique. Cela conduit l'AP-HP à sacrifier une partie de son patrimoine et à fermer les hôpitaux Boucicaut, Laennec et Saint-Lazare ainsi qu'une grande partie de l'hôpital Broussais, dont les activités ne se retrouvent que très partiellement dans le nouvel hôpital.
Dans le but - je n'en doute pas - de rechercher des recettes diverses et complémentaires à son budget, l'AP-HP, qui semble inscrire à son activité un nouveau volet, celui de la spéculation foncière, ne vient-elle pas de décider de vendre les quatre hectares du site de Laennec à la COGEDIM pour réaliser des logements haut de gamme ? D'autres projets existeraient. En avez-vous connaissance ? Quelle est votre position ?
Entre le Bon Marché, les jardins de Matignon et ceux de Saint-Vincent-de-Paul, en pleine rive gauche, allez-vous laisser la spéculation s'organiser pour prendre la place d'un hôpital ? Ce serait, à mon avis, une perversion de fonctions. Un coup d'arrêt doit être donné, ne serait-ce que pour éviter d'autres initiatives de ce type n'ayant plus rien à voir avec une réorganisation des services de soins à Paris et en Ile-de-France.
Je vous rappelle d'ailleurs...
M. le président. Madame Beaudeau, veuillez conclure ! Vous avez largement dépassé votre temps de parole !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... que les Parisiens s'inquiètent de voir s'éloigner des services de soins et de proximité. L'an passé, le conseil d'administration...
M. le président. Cette fois-ci, je vous prie de conclure, madame !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je conclurai donc en vous posant deux questions, madame la secrétaire d'Etat : pouvez-vous réaffirmer aujourd'hui les missions de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ? Quels moyens budgétaires allez-vous attribuer pour que, contrairement à l'an passé, le budget puisse être adopté par le conseil d'administration et non pas imposé par arrêté ministériel ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Madame la sénatrice, les propos que vous venez de tenir trouveront toute leur place dans le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui aura lieu prochainement ; nous aurons alors l'occasion de reparler de la politique hospitalière, de la restructuration et des objectifs nationaux de dépenses d'assurance maladie.
En ce qui concerne spécifiquement les deux dernières questions que vous m'avez posées, je veux confirmer devant vous que l'AP-HP est un ensemble hospitalier au rôle éminent, reconnu de tous, y compris, bien évidemment, du Gouvernement. Il emploie 68 000 agents et plus de 8 000 médecins. Il assure - je le souligne comme vous - non seulement des activités de pointe et de recherche médicale qui honorent notre pays, mais aussi des activités de prise en charge de proximité qui sont indispensables aux usagers parisiens.
Si nous demandons effectivement des efforts à l'AP-HP, nous tenons également compte - je tiens à le rappeler - de ses contraintes. Alors qu'en 1997, le budget avait régressé de 0,34 %, il a augmenté de 0,91 % en 1998 et de 1,48 % en 1999. Le gouvernement actuel a donc pris en compte les besoins de l'AP-HP. Pour l'an 2000, c'est une progression significative du budget qui sera enregistrée, une fois que les comptes seront arrêtés, compte tenu des crédits nationaux auxquels l'AP-HP a pu prétendre par le biais de différentes enveloppes qui lui ont été accordées pour faire face à ses obligations.
En effet, l'AP-HP a bénéficié d'un soutien financier conséquent dans la mise en oeuvre des protocoles de mars 2000, notamment avec des crédits pour les remplacements des personnels hospitaliers sur des postes existants mais non pourvus, et des mesures relatives aux personnels médicaux.
Par ailleurs, une attention particulière a été portée au volet « recherche et soins coûteux » et, dans le cadre du récent appel d'offres lancé sur le plan national, l'AP-HP s'est vu attribuer une enveloppe supplémentaire tenant compte de ses spécificités médicales et des projets déposés qui méritent un financement particulier.
S'agissant enfin de la question de l'emploi précaire, un accord a été conclu entre la direction générale de l'AP-HP et l'ensemble des organisations syndicales.
Cependant, les efforts que nous demandons à l'AP-HP sont justifiés par la volonté de réduire les inégalités entre régions. Quels que soient les critères retenus - budget hospitalier par habitant, dépenses par pathologie traitée, indice de mortalité -, Paris et donc l'AP-HP apparaissent mieux dotés que les autres régions, et ce même si l'on tient compte des spécificités de cet établissement en termes de recherche ou de rayonnement international. Je pense que nous serons tous d'accord pour considérer que les inégalités en matière de santé sont les plus insupportables et que le mouvement de réductions des inégalités doit être poursuivi, ce mouvement n'ayant rien à voir avec une politique d'austérité, mais résultant d'une politique de transparence et d'affectation des justes moyens aux besoins ressentis.
Je n'ignore pas pour autant les difficultés de l'exercice. Ce dernier n'est possible que sur la base d'un dialogue social intense au sein même de l'institution. Il suppose une vraie réflexion sur l'organisation interne de l'AP-HP. Le plan stratégique en cours d'élaboration pour la période 2001-2004 doit en être l'occasion.
Je sais que son élaboration a donné et donne encore lieu à des concertations internes auxquelles les établissements ont participé et qui ont associé l'agence régionale d'hospitalisation d'Ile-de-France. Mais nous sommes régulièrement sollicités par des groupes d'usagers ou des élus qui considèrent que la concertation n'est pas encore arrivée à son terme.
Je tiens à vous dire, madame la sénatrice, que tout est mis en oeuvre pour préserver le dynamisme de l'AP-HP dans son rôle d'hôpital de proximité, de centre de référence nationale, voire internationale, en tenant compte de la nécessité de moderniser ses différents établissements.
Le transfert de trois établissements dans l'hôpital Georges-Pompidou en est la concrétisation. Mais tout cela doit se faire dans le respect de la politique sanitaire définie pour l'ensemble du pays et dans le souci de laisser toute sa place au dialogue social.
J'en viens à votre crainte d'une éventuelle spéculation foncière à l'occasion de la mise en vente des terrains de l'hôpital Laennec. S'agissant d'une propriété privée, le Gouvernement aurait pu laisser les choses aller leur cours ; tel n'est cependant pas le cas, le Gouvernement n'entendant pas rester inerte dans cette affaire. Il a donc décidé d'étudier ce dossier complexe et difficile et d'intervenir au regard non seulement des règles de l'urbanisme, mais aussi des montages juridiques et financiers des promoteurs. En effet, l'avenir des terrains de l'hôpital Laennec concerne non pas seulement l'AP-HP qui en est propriétaire, mais aussi l'ensemble des Parisiens et de leurs représentants : il faut en effet veiller à ce que la commercialisation de ces terrains permette de répondre à certains besoins non satisfaits des Parisiens.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, à qui je demande d'intervenir brièvement dans la mesure où elle a déjà utilisé le double de son temps de parole. Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat.
Je reconnais que, jusqu'à ces dernières années, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris a bénéficié de meilleures dotations budgétaires que les hôpitaux ruraux, de province, de banlieue et notamment de grande couronne.
Qu'il me soit toutefois permis de rappeler que, l'an dernier et au début de cette année, les personnels hospitaliers de l'Assistance publique ont exprimé avec force et détermination le refus de la poursuite de cette politique en manifestant à de nombreuses reprises. Mme Aubry avait même dû reconnaître la légitimité de leurs revendications en accordant des crédits d'urgence aux hôpitaux, crédits intégrés, comme vous l'avez dit, au dernier collectif budgétaire. Mais ces crédits se sont élevés pour l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à 174 millions de francs, soit à peine plus que les 156 millions de francs d'économie que le Gouvernement lui avait imposés, et n'ont principalement servi qu'à rebudgétiser des postes déjà existants.
Je voudrais également évoquer un chiffre qui est pris dans notre département commun, madame la secrétaire d'Etat : trois habitants du Val-d'Oise sur quatre atteints d'un cancer sont soignés dans des hôpitaux parisiens. Pourquoi ? Je sais d'ailleurs votre souci de prévoir des dotations supplémentaires en faveur de nos hôpitaux de grande couronne. Et à ce propos, j'attends avec impatience vos décisions quant à l'affectation de nouveaux appareils d'imagerie à résonance magnétique, dont trois au moins sont nécessaires pour mon département.
En conclusion, monsieur le président, je précise que je tenais simplement à souligner, en posant cette question, que, si l'Assistance publique bénéficiait jusqu'à présent d'un traitement privilégié, ce n'est plus le cas aujourd'hui, tant il est vrai que cette dernière partage désormais le sort de l'ensemble du système de soins hospitaliers.
Dans le cadre d'une nouvelle politique...
M. le président. Madame Beaudeau, il vous faut conclure !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je conclus, monsieur le président !
Dans le cadre d'une nouvelle politique de soins hospitaliers, ne faudra-t-il pas, madame la secrétaire d'Etat, quitter rapidement le terrain des comparaisons et des affrontements entre hôpitaux de Paris et de banlieue, entre hôpitaux franciliens et de province, entre hôpitaux ruraux et urbains ?
Quoi qu'il en soit, je vous suivrai sur un point au moins, madame la secrétaire d'Etat : nous reprendrons ce débat lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. Madame Beaudeau, je vous rappelle que les temps de parole sont de trois minutes pour poser une question et de deux minutes pour répondre au Gouvernement, et non pas de six minutes et demie d'un côté et de deux minutes vingt de l'autre !

RECONNAISSANCE
DE LA MÉDECINE ANTHROPOSOPHIQUE

M. le président. La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 908, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Hubert Haenel. Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous préciser vos intentions au sujet de la reconnaissance officielle des médecines non conventionnelles, tout particulièrement de la médecine anthroposophique ? Les éléments que vous m'avez adressés en réponse à une question écrite que je vous avais posée à cet égard étaient, en effet, quasi « ésotériques », ce qui explique que je revienne à la charge.
Dans sa résolution du 27 mai 1997, le Parlement européen constate que le recours d'une partie de la population des Etats membres de l'Union à certaines médecines non conventionnelles ne peut être ignoré. Partant de ce constat, il considère qu'il est important d'assurer aux patients une liberté de choix thérapeutique aussi large que possible en leur garantissant, bien sûr, le plus haut niveau de sécurité, l'information la plus correcte sur l'innocuité, la qualité, l'efficacité et les éventuels risques des médecines dites « non conventionnelles », ainsi qu'une protection contre les personnes non qualifiées.
Dans cette même résolution, le Parlement européen demande à la Commission de s'engager dans un processus de reconnaissance des médecines non conventionnelles et, notamment, d'élaborer en priorité une étude approfondie sur l'innocuité, l'opportunité, le champ d'application et le caractère complémentaire et/ou alternatif de chaque discipline non conventionnelle.
Or, lorsque je vous ai interrogée, madame la secrétaire d'Etat, par le biais d'une question écrite, sur la reconnaissance officielle de la médecine anthroposophique, vous m'avez répondu, le 7 septembre dernier, qu'il s'agissait d'« une tradition mystique et ésotérique d'origine occidentale » qui ne faisait pas partie des médecines conventionnelles pour lesquelles la France avait entrepris certaines actions dans la perspective de s'engager dans un processus de reconnaissance officielle, dans l'esprit de la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen.
Vous ajoutiez que, parallèlement à ces actions, vous veilliez à protéger les malades des déviances - charlatanisme, sectes... - qui sont nombreuses en ce domaine. Vous étiez là parfaitement dans votre rôle.
Or, madame la secrétaire d'Etat, la médecine anthroposophique fait bien partie des médecines non conventionnelles pour lesquelles le Parlement européen invite la Commission à entamer des études approfondies.
Si vous travaillez effectivement dans l'esprit de cette résolution, vous ne pouvez donc ignorer cette médecine. En effet, le Parlement indique, dans son « sixième considérant », que certaines médecines non conventionnelles bénéficient d'une forme de reconnaissance légale dans certains Etats membres, en particulier la médecine anthroposophique. Il ajoute, dans son « huitième considérant », qu'une évolution des législations s'est déjà manifestée, notamment par l'introduction des médicaments dans la pharmacopée, et cite en exemple la médecine anthroposophique en Allemagne.
Nous sommes là bien loin, convenez-en, de la description que vous avez faite, madame la secrétaire d'Etat, d'une application d'une idée mystique traditionnelle de l'Occident suspecte de sectarisme et de charlatanisme !
Il va de soi que le double principe de la liberté pour les patients de choisir la thérapeutique qu'ils souhaitent et de la liberté pour les praticiens d'exercer leur profession implique qu'il faut garantir l'innocuité et la qualité des traitements dispensés, assurer une formation appropriée des praticiens, codifier leur statut professionnel et introduire les remèdes de ces médecines dans la pharmacopée européenne.
En conclusion, nos concitoyens sont en droit de connaître votre position, madame la secrétaire d'Etat. Celle-ci doit être claire et déterminée à l'égard tant de la médecine anthroposophique que de la mise en oeuvre des études nécessaires à l'engagement, le cas échéant, d'une procédure de reconnaissance officielle de celle-ci par la France afin d'en finir une bonne fois pour toutes avec les ambiguïtés actuelles et, parfois, avec les procès en sorcellerie engagés ici ou là.
Nos concitoyens sont en droit d'attendre des pouvoirs publics qu'ils prennent une position officielle dans le cadre national et européen.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur les mesures qui ont été prises en France pour assurer la reconnaissance de la médecine anthroposophique.
Je récuse le qualificatif de « charlatanisme », mais je maintiens que la médecine anthroposophique s'inspire d'un mouvement mystique et ésotérique d'origine occidentale. Ce n'est pas une technique médicale reconnue, et elle n'a fait l'objet d'aucune évaluation validée scientifiquement.
Si la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen, à laquelle se réfère votre question, constitue une première étape dans la voie de la reconnaissance des médecines non conventionnelles, elle présente le caractère d'une recommandation et ne saurait avoir actuellement une valeur contraignante.
Par ailleurs, la directive 92/73/CEE du 22 septembre 1992 élargissant le champ d'application des directives précédentes concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments et fixant des dispositions complémentaires pour les médicaments homéopathiques, sur laquelle vous vous fondez pour solliciter la reconnaissance de la médecine anthroposophique, ne réglemente pas à proprement parler deux types de médicaments, respectivement homéopathiques et anthroposophiques.
Ce texte se borne à préciser, dans ses considérants d'introduction - et non dans son dispositif -, que les médicaments anthroposophiques ne sont assimilables aux médicaments homéopathiques que dans la mesure où ils sont décrits dans une pharmacopée officielle et préparés selon une méthode homéopathique. Loin de placer les deux types de médicaments sur un même pied, cette assertion illustre parfaitement les limites que rencontre actuellement le concept de médecine anthroposophique.
Sur l'ensemble de ces sujets, le Gouvernement français observe une attitude pragmatique. Il s'est, en conséquence, déjà engagé dans un travail sur l'ouverture à des non-médecins de la pratique de certaines techniques jusque-là réservées aux médecins, telles que l'ostéopathie ou la chiropraxie. La reconnaissance de la médecine anthroposophique ne fait pas, pour le moment, partie de ses préoccupations. (M. Leclerc applaudit.)
M. Hubert Haenel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Je crois, madame le secrétaire d'Etat, que nous restons dans l'ambiguïté complète.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Ah non !
M. Hubert Haenel. Je ne demande pas une reconnaissance de la médecine anthroposophique, je souhaite simplement que l'on soit clair,...
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Nous sommes clairs !
M. Hubert Haenel. ... car les personnes qui suivent ce type de traitement sont en droit de savoir quelle est la position officielle à cet égard, et si vous comptez ou non vous engager non pas dans la voie de la reconnaissance de cette médecine, mais dans des études suffisamment approfondies sur la question.
La réponse que vous venez de me faire s'inscrit donc dans le droit-fil de celle que vous avez apportée à ma question écrite. Je m'en tiendrai là pour le moment, mais je pense, soit dit entre nous, que ce n'est pas sérieux, car nos concitoyens sont en droit d'attendre des indications de la part des pouvoirs publics.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. Je suis contraint de vous demander d'être brève, madame le secrétaire d'Etat, car nous dépassons très largement les temps de parole prévus.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. J'indiquerai simplement d'un mot que ce n'est pas parce que certaines personnes font confiance à ce type de médecine que je vais vous dire que c'est une pratique reconnue et validée scientifiquement !
Rien ne me permet aujourd'hui d'affirmer cela, et rien ne me permet de rassurer les adeptes de cette médecine au sujet d'une validation scientifique qui n'existe pas.
M. Dominique Leclerc. Elle a raison !

CESSATION ANTICIPÉE D'ACTIVITÉ
DES SALARIÉS EXPOSÉS À L'AMIANTE

M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, auteur de la question n° 893, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ma question, qui s'adresse à Mme le secrétaire d'Etat à la santé, concerne les modalités de mise en oeuvre de la préretraite « amiante » et le calcul des dates de fin d'exposition à ce matériau dangereux. Elle concerne également la liste des établissements retenus, car certaines entreprises sous-traitantes de la construction et de la réparation navale ont été oubliées.
En 1998, le Gouvernement a souhaité instituer une allocation de cessation anticipée d'activité pour les salariés ayant été exposés à ce matériau, susceptible de provoquer des pathologies graves telles que les plaques pleurales, les asbestoses ou les mésothéliomes.
Un arrêté du 7 juillet 2000 précise la liste des entreprises, des métiers et des périodes d'exposition pour la construction et la réparation navale.
Plusieurs organisations syndicales, mais aussi l'association de défense des victimes de l'amiante, se mobilisent car, pour le chantier de Saint-Nazaire, le choix de l'année 1975 comme date de fin d'exposition à l'amiante pose un problème.
En effet, l'écoulement des stocks d'amiante pour le flocage s'est poursuivi au-delà de 1975. Puis un autre procédé a été utilisé jusqu'aux années quatre-vingt-dix : il s'agit de panneaux en marinite, composé d'amosite qui est, selon l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, une des variétés d'amiante les plus dangereuses. A l'occasion de leur manipulation, des fibres ont été inhalées par les salariés jusqu'aux années 1990, et des joints contenants de l'amiante ont été employés jusqu'en 1997.
Vous comprendrez donc, madame la secrétaire d'Etat, que les salariés aient été émus lors de la parution de l'arrêté de juillet dernier alors que, pour les sites de la Normed, où étaient exercés les mêmes métiers dans des conditions techniques comparables, la date retenue correspond, en fait, à la fermeture de cette entreprise en 1989.
Par ailleurs, certaines personnes qui seraient concernées par la préretraite « amiante » échappent, de fait, à ce dispositif. Elles sont aujourd'hui au chômage. Je pense en particulier aux 450 salariés de l'entreprise Dubigeon, qui avaient été remerciés. Pour eux, la situation est encore plus injuste, car ils sont privés de ce dispositif.
En outre, sont absentes de la liste de certaines entreprises de sous-traitance navale, ainsi que des entreprises de services, notamment de nettoyage.
Il paraît donc essentiel que le temps réel d'exposition à l'amiante soit pris en compte - et ce pour tous les salariés -, tout comme il paraît équitable de faire bénéficier de ce dispositif les salariés atteints d'affections pleurales, considérées comme bénignes et classées en catégorie B du tableau n° 30 des maladies professionnelles, car ils ne sont pas répertoriés parmi les bénéficiaires de ce dispositif.
Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous indiquer les critères qui ont été retenus pour arrêter l'année 1975 comme date limite d'exposition pour ces entreprises ? Le Gouvernement envisage-t-il de réexaminer cette décision, notamment au vu des informations fournies par les représentants des personnels ? Peut-il, de même, envisager d'intégrer parmi les bénéficiaires de ce dispositif les salariés atteints par des lésions pleurales dites bénignes ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Madame la sénatrice, nous savons tous les souffrances qu'endurent ceux qui ont été exposés à l'amiante et la détresse de ceux qui leur sont proches.
Comme souvent, l'injustice s'est acharnée sur les plus fragiles. Ce sont le plus souvent les salariés astreints à des emplois pénibles qui, aujourd'hui, sont fauchés par la maladie.
C'est pourquoi, depuis que ce gouvernement est en place, il a oeuvré pour que ces drames humains ne se doublent pas de drames sociaux. D'importantes mesures ont été prises pour faciliter l'accès à la reconnaissance et à la réparation des maladies professionnelles pour l'ensemble des personnes qui en sont victimes. Des mesures plus spécifiques pour les maladies liées à l'amiante ont également été mises en oeuvre.
Le dispositif de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante est, bien évidemment, un élément fondamental de cette politique. Créé en 1999, il a été élargi par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 au secteur de la construction et de la réparation navale.
La mise en oeuvre de ce dispositif nécessitait de recenser les entreprises concernées et, pour chacune, les périodes pendant lesquelles l'amiante avait été utilisée. C'est l'objet de l'arrêté du 7 juillet 2000.
Je crois utile de préciser que ce travail de recensement est particulièrement lourd et minutieux, vous le savez. Il s'agit de repérer des centaines d'entreprises, or certaines ont disparu depuis longtemps, tandis que d'autres, touchées par les restructurations, ont changé plusieurs fois de dénomination, de raison sociale ou de propriétaire.
Ce travail est réalisé en étroite concertation avec les services déconcentrés du ministère, avec les caisses de sécurité sociale ou encore avec les mutuelles des secteurs concernés.
Comme nous l'avons fait pour les entreprises de fabrication d'amiante, nous prendrons autant de textes qu'il sera nécessaire dans le domaine de la construction et de la réparation navale pour couvrir tant les entreprises que les périodes ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité.
Pour ce faire, nous nous appuyons notamment sur les informations transmises par les organisations syndicales et par les associations d'aide aux victimes. Je tiens d'ailleurs à souligner la qualité et le sérieux de leurs interventions. En ce domaine, leur collaboration nous est indispensable !
Des modifications de l'arrêté du 7 juillet 2000 sont d'ores et déjà prévues et, dans le cas particulier des Chantiers de l'Atlantique, grâce aux informations transmises par les syndicats, après vérification auprès des caisses régionales d'assurance maladie et des directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, nous allons prolonger la période ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité dans cette entreprise dans le sens que vous souhaitez. Les modifications nécessaires seront prochainement soumises pour avis, comme le prévoit la procédure, à la commission des accidents du travail et feront l'objet d'un arrêté modificatif.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de cette réponse très ouverte, de nature à donner satisfaction aux salariés intervenant dans la construction et la réparation navale.
Restent ceux qui sont atteints de maladies professionnelles classées dans la catégorie B du tableau n° 30.
Je vous demande de ne pas fermer ce dossier. En effet, nous nous trouvons dans une situation paradoxale où des salariés ayant été exposés mais ne manifestant aucun signe pathologique peuvent envisager de partir en préretraite anticipée alors que d'autres, qui ont une pathologie déclarée, certes considérée comme bénigne, se voient refuser le bénéfice de ce dispositif.

MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 909, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Georges Mouly. Madame le secrétaire d'Etat, le maintien à domicile est l'un des axes prioritaires de la politique en direction des personnes âgées, à quelque niveau que ce soit. La volonté politique est, de ce point de vue, constamment affirmée, même si, concrètement, en termes de moyens, il reste toujours à faire.
La clôture des travaux de l'année internationale des personnes âgées a été « l'occasion de souligner la nécessité de repenser les moyens du maintien à domicile et de concourir à leur mise en cohérence au travers de la création d'un réseau de coordination gérontologique organisant le maillage du territoire à partir des échelons de proximité ». Je cite - vous l'aurez reconnue, madame le secrétaire d'Etat - l'introduction de la circulaire DAS du 6 juin 2000 relative aux centres locaux d'information et de coordination, CLIC, pour l'expérimentation 2000 et la programmation 2001-2005.
En ma qualité d'élu d'un département où la moyenne d'âge est élevée, président d'une instance cantonale de coordination gérontologique et, surtout, d'une association intercantonale, regroupant des cantons urbains et ruraux, d'aide à domicile pour personnes âgées, initiant une expérimentation, déjà bien avancée, de coordination locale autour de la personne âgée, c'est avec une attention toute particulière que j'ai suivi la mise en oeuvre de cette nouvelle démarche, puisque les sites pilotes choisis pour expérimenter les CLIC doivent servir de laboratoire.
La circulaire établissait le calendrier prévisionnel suivant : réunions interrégionales en septembre-octobre 2000, bilan d'activité des sites expérimentaux, validation du cahier des charges détaillé et de la procédure de labellisation des CLIC en novembre 2000, enfin publication du cahier des charges et appel à projets pour la campagne 2001 en décembre 2000.
Nous sommes en novembre ; je suppose que le calendrier, à quelques détails près, a été respecté. Si oui, l'heure est donc au bilan et à l'élaboration du cahier des charges.
C'est pourquoi je souhaite vous demander, madame le secrétaire d'Etat, si les spécificités du milieu rural seront prises en compte pour la population concernée par la mise en oeuvre d'un CLIC.
En effet, dans les départements ruraux, où le nombre de personnes âgées est souvent important, la densité est très fréquemment faible, voire très faible, en dehors des principaux pôles. Si la notion de seuil prise en compte pour les expérimentations devait être maintenue, à savoir, si mes informations sont exactes, de 7 000 à 10 000 personnes de plus de soixante ans sur le territoire couvert par un CLIC, elle pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur la pertinence d'une coordination locale en contraignant les porteurs de projet à élargir, géographiquement parlant, la compétence du CLIC. Or la notion de proximité reste essentielle en matière de coordination et de maintien à domicile - bonne connaissance des partenaires, fonctionnement rationalisé, etc.
Ces considérations me conduisent à poser deux autres questions.
Le financement est annoncé pérenne jusqu'en 2005. Pourrait-on avoir connaissance de son montant et surtout de ses modalités d'attribution ? De ce point de vue, ne serait-il pas possible, et je reviens un peu sur ma réflexion précédente, d'éviter les effets de seuil en proratisant ce financement à la population de plus de soixante ans effectivement concernée ?
Ma dernière question est plus concrète : quelle aide peut être envisagée pour le CLIC de l'association intercantonale du pays de Tulle, dont je vous parlais tout à l'heure ? C'est le deuxième en Corrèze ; il a reçu un avis très favorable au départ, et il est d'ores et déjà opérationnel après un très long travail de rencontres, de consultations, d'échanges. Hier même, nous avons d'ailleurs procédé au recrutement d'une coordinatrice, qui est une personne hautement qualifiée et d'expérience. C'est une chance. Que pouvons-nous espérer de l'Etat en la matière ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la mise en place des centres locaux d'information et de coordination.
Pour bâtir une politique de maintien à domicile à la mesure des enjeux et pour assurer aux personnes âgées le libre choix de leur mode de vie, le Gouvernement a engagé une réforme de grande envergure. Il y a, bien sûr, l'instauration d'une nouvelle prestation d'aide à l'autonomie, mais aussi la création des CLIC, que vous évoquez, appelés à mailler le territoire au niveau des bassins de vie pour assurer la coordination gérontologique des services qui sont utiles à nos concitoyens âgés.
Vous avez également noté le développement des services de soins infirmiers à domicile et la constitution d'une filière de formation des aides à domicile avec la professionnalisation et la reconnaissance de cette activité.
La circulaire du 6 juin dernier que vous avez citée précise les modalités de mise en place des CLIC.
Le calendrier prévisionnel des actions conduites en 2001 fixé par cette circulaire du 6 juin ne sera pas bouleversé. La rédaction du cahier des charges détaillé est en cours. Ce document, destiné à accompagner l'appel à candidature pour 2001, devra être effectivement disponible à la fin de l'année. L'extension du réseau en 2001 sera assurée par l'inscription d'une enveloppe de 70 millions de francs sur les crédits du titre IV du ministère de l'emploi et de la solidarité dont nous allons débattre prochainement.
Enfin, les spécificités du milieu rural que sont la faible densité de population, son vieillissement supérieur à la moyenne nationale et l'habitat dispersé devront nécessairement être prises en compte. Le critère démographique sera relativisé pour que le territoire couvert par les CLIC soit en adéquation avec la réalité du bassin de vie. Il faudra aussi, vraisemblablement, travailler au développement, dans les zones rurales, d'équipes médico-sociales mobiles, du fait, précisément, de la dispersion de l'habitat.
Sur ce point, le fonctionnement des sites pilotes de la Creuse, de la Nièvre, des Hautes-Pyrénées et de la Haute-Vienne, notamment, devrait nous apporter quelques orientations pertinentes qui inspireront les propositions du Gouvernement.
En conclusion, monsieur le sénateur, je voudrais insister, puisque, au fond, c'est notre préoccupation commune, sur la nécessaire réflexion des acteurs locaux, notamment ceux du canton de Tulle que vous avez évoqués, sur ce que devrait être, d'ici à cinq ans, l'organisation territoriale et le maillage des CLIC dans chaque département. C'est dire si, dans cette affaire, les services déconcentrés de l'Etat ont partie liée avec les conseils généraux que j'aimerais bien trouver aussi déterminés sur l'ensemble du territoire que dans certains départements où l'on a un très bon partenariat, partenariat qui sera déterminant pour la mise en oeuvre d'une coordination gérontologique de proximité au service des personnes âgées et de leur entourage.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, même si j'aurais aimé que sur ma dernière question, vous avanciez un chiffre... Toutefois, j'ai noté, vous l'avez rappelé, tous les efforts faits par le Gouvernement s'agissant des différents aspects d'une politique de maintien à domicile des personnes âgées.
Vous avez confirmé la vocation des CLIC, maillage du territoire, et j'ai apprécié les renseignements que vous m'avez apportés concernant la prise en considération des caractéristiques du milieu rural en la matière.
J'espère que tout cela se concrétisera rapidement et que, sur place, le département étant déterminé pour le volet qui relève de son ressort, les initiatives comme celles que je me suis permis de mentionner recevront bientôt les réponses souhaitées.

RÉSEAU FERROVIAIRE DU SUD-EST
DE LA FRANCE ET LIAISONS AVEC L'ITALIE

M. le président. La parole est à M. Balarello, auteur de la question n° 866, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. José Balarello. Monsieur le ministre, le rapport de M. Blanchet, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées, commandé par la direction des routes et la direction des transports terrestres de votre ministère, vous a été remis en mars 2000. Cette étude sur les transports dans les Alpes-Maritimes aborde, à de très nombreuses reprises, le problème de la ligne ferroviaire Nice-Breil-Tende-Cuneo.
Cette ligne est qualifiée d'obsolète par ce rapport. L'état de la voie limite la vitesse maximale à 70 kilomètres par heure et la vitesse moyenne à 45 kilomètres par heure pour les meilleurs trains.
Les liaisons entre Turin et la Côte d'Azur sont très lentes et de mauvaise qualité : quatre heures pour 200 kilomètres. Le rapport relève également la faible fréquence des services quotidiens, au nombre de cinq. La clientèle empruntant cette voie, au nombre de 300 000 voyageurs par an, est principalement liée aux trajets périurbains alors que cette ligne est une ouverture sur le Piémont, Cuneo et Turin.
L'ingénieur Blanchet conclut en considérant que la modernisation de la voie ferrée Nice-Breil est consensuelle et nécessaire, la création de services express entre Turin et la Côte d'Azur étant un objectif stratégique.
Pour atteindre cet objectif, un matériel performant doit être mis en place. En effet, de Nice à Breil, la voie ferrée, une fois modernisée, peut rendre de grands services pour la desserte périurbaine de Nice jusqu'à Drap et Cantaron. Au-delà, la voie permet le désenclavement de territoires peu denses.
La modernisation de cette ligne jusqu'à Vintimille contribuera à l'amélioration des liaisons entre le Piémont et la Riviera italienne et la Côte d'Azur.
Le rapport Blanchet note cependant un apparent désintérêt de la SNCF et des FS - les chemins de fer italiens - pour cette ligne dû à des contentieux passés.
Pourtant, pour attirer une importante clientèle piémontaise et lombarde sur la côte, des services rapides entre Turin et Nice, via Vintimille, Menton et Monaco, par automoteurs puissants s'avèrent indispensables. L'ingénieur Blanchet préconise également la suppression du rebroussement à Vintimille.
En outre, il apparaît que les pentes, le gabarit et l'absence d'électrification des lignes excluent une utilisation pour un trafic de marchandises massif et le ferroutage.
Aussi, monsieur le ministre, alors que tous les rapports attestent de l'importance de la modernisation de cette ligne, que vous connaissez pour l'avoir empruntée récemment,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui !
M. José Balarello. ... tant pour le désenclavement de l'arrière-pays que pour l'accès rapide au Piémont et à la Lombardie, que la DTA Côte d'Azur inscrit dans son programme le développement de la ligne Nice-Breil, je vous demande les raisons pour lesquelles, sur les 24 millions de francs inscrits au XIe Plan pour la modernisation de cette ligne, seulement 200 000 francs de travaux ont été jusqu'à présent engagés et pourquoi, alors que le XIIe Plan Etat-région a inscrit 30 millions de francs supplémentaires sur cette ligne, aucune ouverture de crédits n'a été prévue lors du comité de suivi des engagements du contrat de plan du 13 juin 2000.
A l'heure actuelle, lorsque vous prenez le train à Turin ou à Cuneo pour vous rendre à Nice, vous avez deux solutions : soit changer de train à Breil-sur-Roya pour emprunter une portion française passant par Sospel et L'Escarène, portion où la vitesse est en moyenne de 30 kilomètres par heure, soit rester dans les chemins de fer italiens, descendre la vallée de la Roya jusqu'à Vintimille. En gare de Vintimille, le voyageur doit emprunter un second train français ou italien en provenance de Gênes et se rendant directement sur Menton, Monaco et Nice. Cela suppose une rupture de charge, voire un passage préalable par un sous-terrain piétonnier.
Ce trajet, qui était nécessaire avant les accords de Schengen puisque les postes de douanes français et italien se trouvaient en gare de Vintimille-centre, ne l'est plus aujourd'hui.
Une solution existe qui permettrait au voyageur en provenance de Turin ou de Cuneo de rejoindre Menton, Monaco ou Nice sans changement à Breil-sur-Roya ou à Vintimille.
Voilà de nombreuses années que j'attire l'attention de vos prédécesseurs sur une possibilité : il existe à Vintimille une seconde gare de triage vaste et récente dont les capacités ne sont pas pleinement exploitées. De cette gare partent deux tunnels ferroviaires qui permettent de rejoindre directement la voie ferrée franco-italienne Gênes-Nice-Marseille, qui, en territoire français, est à double voie et électrifiée.
M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue !
M. José Balarello. J'ai terminé, monsieur le président.
Cet épi ferroviaire exercerait un attrait considérable sur une clientèle italienne venant de Turin, désireuse de se rendre à Menton, Monte-Carlo ou Nice sans emprunter la route, qui est enneigée en hiver.
La gare existant déjà, pour mettre en place cet épi ferroviaire, il suffirait de faire un rajout de 300 mètres de rail en rattrapant un dénivelé de cinq mètres.
Quand auront lieu une réunion franco-italienne et une étude consacrée à ce problème, étude qui pourrait être financée par des crédits européens ? Je les réclame depuis près de huit ans.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour prendre rapidement une initiative en ce sens.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je sais que, comme vous l'avez dit à l'instant, vous avez attiré l'attention de mes prédécesseurs sur cette question depuis de longues années.
Je vous confirme que le XIe Plan a effectivement permis de lancer une première tranche d'investissement de 24 millions de francs afin de permettre une amélioration sensible des temps de parcours et des services sur la ligne ferroviaire Nice-Breil. RFF et la SNCF se sont employés à la réalisation de ce programme dans de bonnes conditions. Les travaux sont désormais engagés et je vous confirme qu'ils devraient se dérouler jusqu'en 2001 pour assurer la réalisation de ce qui était prévu. A la fin de l'année prochaine, les montants nécessaires à la réalisation de cette tranche auront été engagés et cette opération attendue depuis près de dix ans devrait être enfin terminée.
Afin de poursuivre la modernisation de cette ligne, vous l'avez rappelé, 30 millions de francs ont bien été inscrits au nouveau contrat de plan Etat-région Provences - Alpes - Côte d'Azur pour la période 2000-2006. Il appartient donc maintenant aux différents partenaires concernés au niveau régional de se concerter pour arrêter conjointement la consistance précise des aménagements à retenir.
De plus, s'agissant de la question plus globale des franchissements des Alpes du sud, une commission intergouvernementale pour l'amélioration des relations franco-italiennes dans cette partie du massif sera très prochainement mise en place. Je vous informe d'ailleurs, monsieur le sénateur, que les membres français en sont d'ores et déjà connus et que nous attendons la désignation des membres italiens.
La spécificité des flux de transport à travers les Alpes et les solutions ferroviaires feront bien entendu l'objet d'un examen spécifique, en cohérence avec les réflexions déjà engagées. Dans la perspective d'un développement des trafics ferroviaires, cette commission pourra notamment examiner les questions de la poursuite de l'électrification de la ligne empruntant la vallée de la Roya et de l'amélioration des circulations sur la ligne du littoral entre Nice et Vintimille.
La question de l'électrification de la ligne Limone-Fanghetto pourra bien évidemment être évoquée. Mais, monsieur le sénateur, il vous faut toujours garder à l'esprit qu'il s'agit d'une ligne intérieure du réseau italien. Je n'en suis pas à pouvoir décider à la place de nos amis italiens de ce qu'ils peuvent et doivent faire ! Mais c'est dans cet esprit que le gouvernement français poussera les propositions.
M. José Balarello. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Surtout, je me félicite de la création d'un groupe d'étude franco-italien. Mais j'attire votre attention sur le fait que l'électrification n'est pas en totalité en territoire italien : à peu près cinquante kilomètres sont en territoire français, c'est-à-dire entre Fanghetto et le col de Tende. Le gouvernement français aura donc son mot à dire.
J'insiste encore auprès de vous pour que vous demandiez à ce groupe de travail franco-italien d'inscrire à son ordre du jour le problème de l'épi ferroviaire, c'est-à-dire la suppression de la rupture de charge en gare de Vintimille, ce qui permettrait surtout en période hivernale, de multiplier par deux ou par trois la clientèle, qui viendrait de Turin sur la Côte d'Azur avec beaucoup plus de facilité.

AVENIR DE L'AÉROPORT DE NÎMES-GARONS

M. le président. La parole est à M. Sutour, auteur de la question n° 895, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Simon Sutour. Monsieur le ministre, la plate-forme aéroportuaire de Nîmes-Garons est un vecteur important du développement économique et touristique du département du Gard. Les organismes consulaires, les milieux économiques et les collectivités locales n'ont eu de cesse, depuis sa création, d'oeuvrer à sa pérennité et à son développement. C'est pourquoi la mise en place de la liaison Nîmes-Roissy, décidée par Air France, qui consacre l'ouverture de l'aéroport à l'international, constitue une évolution positive dont chacun se félicite.
Son expansion future semble néanmoins compromise par la décision unilatérale d'Air France, qui a supprimé, depuis le 30 octobre, l'ensemble des liaisons quotidiennes sur Orly.
Cette suppression menace à terme le devenir de la plate-forme aéroportuaire en la privant du créneau porteur que constitue le marché d'affaires. Une étude de la chambre de commerce et d'industrie démontre que le potentiel existant est de 430 000 passagers par an sur Paris, dont 340 000 sur Orly.
Il paraît donc opportun de rétablir deux liaisons, matin et soir, sur Orly, qui compléteraient efficacement et rationnellement l'offre actuelle et éviteraient les risques éventuels d'évasion de la cientèle potentielle vers Marseille et Montpellier. Le conseil municipal de Nîmes a d'ailleurs émis un voeu dans ce sens.
Je vous demande donc de bien vouloir préciser quelles meures vous entendez prendre pour contribuer au développement de cet aéroport, qui a su, grâce à une gestion dynamique, s'engager dans une diversification de son offre et qui conforte par ailleurs une gestion multimodale aérienne, ferroviaire avec le TGV et routière des transports et des déplacements dans le département du Gard.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je connais bien cette question pour avoir été plusieurs fois sollicité, notamment sur les liaisons Nîmes-Roissy.
Je rappelle qu'une réglementation européenne datant de 1992 a prévu la libéralisation progressive du transport aérien dans les pays de l'Union, et celle-ci a été achevée en avril 1997 par la libéralisation du marché intérieur national. Depuis lors et comme toutes les autres compagnies, Air France évolue dans cet environnement très concurrentiel et, dans le cadre de l'autonomie de gestion qui lui est légalement reconnue, elle effectue elle-même et directement ses choix commerciaux. Voilà pour l'historique.
Je souhaite donc vous préciser, monsieur le sénateur, tout d'abord, que le rétablissement par Air France de deux liaisons quotidiennes entre Orly et Nîmes est non pas du ressort du Gouvernement, mais bien de la direction de la société, qui doit se donner les moyens de son développement.
La liaison aérienne Orly-Nîmes connaît, vous le savez, une évolution irrégulière du trafic depuis quelques années. Une baisse notable de sa fréquentation est attendue avec la prochaine mise en service de la grande vitesse sur le tronçon Valence-Marseille en juin 2001.
Nîmes sera alors à moins de trois heures de Paris par TGV - à deux heures cinquante et une minutes exactement, si ma mémoire est bonne - et les travaux se déroulent normalement.
C'était d'ailleurs l'un des arguments qu'avaient avancé les responsables de la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes lorsque je les avais rencontrés, l'année dernière. Ceux-ci m'avaient dit qu'une liaison entre Roissy et Nîmes était vraiment nécessaire, plus qu'une desserte à partir d'Orly, en raison de la dimension internationale et de la vocation, notamment touristique, de leur ville et de sa région.
En prévision de la mise en place, l'année prochaine, de la liaison ferroviaire à grande vitesse, Air France, à l'occasion de la saison d'hiver 2000-2001 qui a débuté le 29 octobre, a profité de l'existence de créneaux horaires disponibles sur l'aéroport Charles-de-Gaulle pour programmer quatre fréquences quotidiennes vers Nîmes, ce qui est d'ailleurs le minimum indispensable si l'on veut assurer la couverture des principales plages de correspondance à Roissy.
Des Airbus A 319 et des Boeing 737 seront utilisés pour assurer ces vols, qui permettront à la clientèle nîmoise d'avoir accès, avec des temps de correspondance courts, à soixante-neuf destinations « long-courrier » et à cent douze destinations « moyen-courrier » du réseau d'Air France. Telle est l'évolution qui, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, est positive de ce point de vue.
La mise en place de cette desserte conduit cependant la compagnie à supprimer dans le même temps la desserte de Nîmes au départ de l'aéroport d'Orly. En effet, la faisabilité du maintien de deux liaisons par jour entre Orly et Nîmes, en complément des quatre fréquences programmées sur Roissy, a été étudiée par Air France. Il résulte de cet examen que le maintien de l'actuelle grille de desserte entraînerait pour la compagnie une surcapacité importante par rapport à la demande et conduirait à une perte financière élevée qu'elle affirme ne pouvoir supporter.
Puisque vous avez évoqué les capacités et les potentialités de trafic. Je veux vous dire, que cette situation n'a rien de définitif : une croissance significative du trafic sur l'aéroport de Nîmes-Garons amènerait naturellement, je le pense, Air France à revoir à la hausse son schéma de desserte actuelle à partir et à destination de cette plate-forme.
J'ajoute, monsieur le sénateur, mais, vous le savez mieux que moi en votre qualité d'élu, que l'aéroport de Nîmes-Garons recèle des capacités de développement vers d'autres destinations et qu'il convient sans doute de les promouvoir.
Les principes que le Gouvernement a définis pour les schémas de services encouragent bien sûr l'intermodalité entre la grande vitesse ferroviaire et le transport aérien, avec l'objectif de promouvoir une meilleure complémentarité entre les différentes plate-formes. Dans ce cadre, Nîmes et sa région bénéficieront à la fois d'un équipement aéroportuaire de qualité et d'un accès à la grande vitesse ferroviaire et au réseau autoroutier. J'ai donc la conviction que notre région sera bien placée pour jouer un rôle important, ce qui sera décisif pour le tissu économique local et l'emploi.
M. Simon Sutour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sutour.
M. Simon Sutour. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse particulièrement complète et détaillée.
Je n'ignore pas, bien entendu, le contexte européen dans lequel agit désormais Air France et je prends note de l'ouverture pour l'avenir dont vous avez fait preuve à la fin de votre réponse.
Je vous demande néanmoins, au nom de la population gardoise et de ses élus, de continuer à faire pression sur Air France pour que notre aéroport puisse encore se développer et, si le trafic le permet, pour que cette liaison sur Orly puisse à nouveau être ouverte.

AIDE À LA CONSTRUCTION POUR LES INSULAIRES

M. le président. La parole est à M. Bonnet, auteur de la question n° 887, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
M. Christian Bonnet. Je remercie M. Louis Breton d'être venu répondre personnellement à cette question que je pose en tant qu'élu de longue date de Belle-Ile et président pendant vingt-cinq ans de l'Association des îles du Ponant.
Les îles du Ponant, qui vont de Chausey à l'île d'Aix, comptent 15 700 habitants et, au terme du dernier recensement, il apparaît que la population est en diminution et qu'elle est marquée par un certain vieillissement. Y maintenir de jeunes actifs - les deux mots sont essentiels - est une nécessité vitale.
Or, la construction de logements sociaux dans des îles au budget étriqué, parfois squelettique, revient plus cher que sur le continent, et ce pour deux raisons. La première est la pression foncière extérieure sur les terrains. La seconde est le coût de la construction, qui est supérieur de 120 000 à 150 000 francs pour un logement HLM à prestations équivalentes. Les besoins sont évalués à quelque trois cents logements pour les années 2000 à 2006.
Les départements consentent un effort important, les régions tout autant. Ainsi, pour l'année 2000, la région Bretagne a décidé d'engager des crédits à concurrence de 2 millions de francs. C'est ainsi qu'elle assume 40 % du budget d'acquisition et de viabilisation des terrains et que, pour la construction, elle accorde 45 000 francs.
Dans le cadre du programme « neuf » du contrat de plan, quelle somme l'Etat, qui se montre généreux vis-à-vis d'une grande île - ce n'est pas une critique, c'est un constat -, a-t-il dégagé dans le budget en cours d'exécution et quelle autre a-t-il inscrite au projet de budget pour 2001 ?
M. le président. la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. M. le sénateur, comme vous venez de l'indiquer, parmi la multitude d'îles et d'îlots qui jalonne les côtes de la Manche et de l'Atlantique, quinze sont habités de façon permanente et n'ont pas de lien fixe avec le continent. Ce sont les îles du Ponant que vous connaissez fort bien et qui comptent, comme vous l'avez rappelé, une population permanente de l'ordre de 16 000 habitants, cette population étant multipliée par cinq ou par six en haute saison. L'activité touristique y est devenue en effet prépondérante par rapport aux activités économiques traditionnelles.
Dans la mesure où, comme vous l'avez souligné, la population permanente est en baisse, le maintien des jeunes actifs devient un enjeu fort pour les îles, l'élement déterminant étant le logement.
La réponse à ce besoin passe notamment par la construction de logements locatifs sociaux. Or la construction de ces logements locatifs sociaux s'avère difficile, car le marché foncier est tendu du fait de la pression touristique, et les coûts de construction sont plus élevés que sur le continent, en raison, notamment des problèmes de transport de matériaux. Je m'en suis entretenu avec l'Association pour la protection et la promotion des îles du Ponant et les élus îliens, à l'occasion d'un déplacement que j'ai effectué en septembre 1999 à Ouessant, voilà donc quatorze mois. Les propos qu'ont tenus ces élus étaient rigoureusement les mêmes que ceux que vous venez de tenir devant la Haute Assemblée, monsieur le sénateur.
Au cours de ces quatorze mois, le contrat de plan Etat-région a été signé. L'Etat avait fait connaître sa disponibilité - à toutes les régions, d'ailleurs - pour des actions partenariales dans le domaine du logement. Le contrat de plan signé entre l'Etat et la région Bretagne conjugue les efforts de l'Etat et de la région pour soutenir la construction non pas de 300 logements, comme vous le souhaitiez, mais de 100 logements sur la durée du plan. Ce nombre pourra peut-être faire l'objet d'une révision si ces cent logements sont construits rapidement. Des contrats de plan peuvent en effet parfois comporter, vous le savez - certes rarement - des avenants.
A cet effet, l'Etat a bien réservé une enveloppe de crédits de 10 millions de francs sur son budget du logement, la région, pour sa part, apportant également 10 millions de francs. Pour le moment, nous avons plutôt quelque peine à faire consommer les crédits, les projets n'étant pas aussi nombreux que nous le voudrions. Mais, bien évidemment, si le rythme s'accélérait, l'Etat serait au rendez-vous, car les crédits n'ont pas d'affectation précise dans la loi de finances. Je peux donc prendre l'engagement d'écouter vos propositions, si telle ou telle opération ne devait pas pouvoir être programmée en raison de l'insuffisance de l'enveloppe déléguée au préfet de la région concernée.
Les travaux à l'échelon local se poursuivent pour affiner les conditions opérationnelles d'intervention de l'Etat et du conseil régional dans une logique de complémentarité de leurs efforts, ce qui est une manière de dire que les partenaires ne nous ont pas encore fait connaître les conditions d'utilisation des crédits en cause. La discussion doit sans doute se poursuivre.
Selon les services centraux, l'aide de l'Etat permettra d'apporter une subvention majorée selon les dérogations autorisées localement par le préfet. Ces crédits pourront être utilisés pour faciliter le montage d'opérations de primes communales à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale permettant aux communes de disposer de logements à vocation sociale dans le parc existant. Les crédits pourront surtout être mobilisés pour prendre en charge une partie du surcoût foncier qui pourrait résulter de certaines opérations, sachant que, depuis une année, l'Etat a aussi décidé de porter à cinquante ans la durée des prêts consentis pour les acquisitions immobilières et foncières destinées au logement social. C'est aussi une façon de répondre aux questions de surcoût du foncier.
De plus, la future loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains fait apparaître la possibilité de prendre en compte quelques dispositions nouvelles liées à l'exercice du droit de préemption urbain. Par exemple, si les îles se dotent d'un programme local de l'habitat, ce peut être suffisant pour pouvoir préserver tel ou tel habitat et l'affecter à la résidence principale locative plutôt qu'à la résidence secondaire. Des moyens juridiques et financiers ont donc été mis en place au cours de cette dernière année. Il nous reste à les mobiliser efficacement. Je ne doute pas que votre intervention y aidera.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais que vous en êtes convaincu comme moi, une véritable politique sociale consiste à donner non pas plus que le nécessaire à ceux qui l'ont déjà, mais l'indispensable à ceux qui ne l'ont pas. Or tel est le cas pour les îles.
Il est des communes touristiques - je pense en particulier à une commune que vous connaissez - dans lesquelles la pression foncière est telle qu'il est très difficile pour des ménages modestes d'y construire un logement. Et il est impossible d'aller dans les communes qu'Edgard Pisani aurait qualifiées de « circum voisines », car c'est l'océan !
Il existe donc un problème très spécifique, sur lequel je me devais d'insister, tout en vous remerciant, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse.

RÉGIME INDEMNITAIRE DES AGENTS DU CADRE
D'EMPLOI DE POLICE MUNICIPALE

M. le président. La parole est à M. Marquès, auteur de la question n° 881, adressée à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. René Marquès. J'attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur le régime indemnitaire des agents du cadre d'emploi des gardiens de police municipale.
En effet, dans une réponse à une question orale posée à l'Assemblée nationale, parue au Journal officiel du 10 avril 2000, le ministre de la fonction publique a précisé que l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions instaurée par le décret du 31 mai 1997 était cumulable avec les indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées dans les conditions du décret du 6 octobre 1950.
Or le décret du 3 janvier 1974 instituant l'indemnité spéciale mensuelle police municipale précisait que ladite indemnité était cumulable avec les indemnités dont l'agent pourrait bénéficier à un autre titre.
Il serait utile de connaître la position du ministère sur la possibilité de cumuler cette indemnité spéciale avec, d'une part, l'indemnité horaire pour travail de nuit instaurée par le décret du 10 mai 1961 et, d'autre part, l'indemnité pour travail intensif de nuit.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Vous l'avez interrogé sur le devenir du régime indemnitaire des gardiens de police municipale fondé antérieurement sur l'arrêté du 3 janvier 1974 modifié, qui prévoyait l'attribution d'une indemnité spéciale de fonctions fixée au taux individuel maximal de 16 % du traitement indiciaire de l'agent.
Cette indemnité pouvait être complétée, conformément à l'article 3 de cet arrêté, avec les indemnités « dont l'agent pourrait bénéficier à un autre titre ».
Il en résultait que l'agent pouvait se voir attribuer, dans le cadre d'un travail de nuit, selon les cas, des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, en application de la réglementation sur les heures supplémentaires, ou des indemnités horaires pour travail de nuit et une majoration spéciale pour travail intensif définies par le décret du 10 mai 1961, commun à divers corps ou catégories de fonctionnaires.
Désormais, ces dipositions ne s'appliquent plus. Pour autant, les nouvelles règles applicables aux agents de police municipale permettent à ces derniers de bénéficier d'un régime favorable.
En effet, le régime indemnitaire des agents de police municipale, faute de corps équivalent dans la fonction publique de l'Etat, est désormais établi, en application de l'article 68 de la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, en dérogation aux dispositions de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée précitée, par le décret du 31 mai 1997.
Ce décret prévoit que les agents de police municipale peuvent percevoir cumulativement : une indemnité spéciale mensuelle de fonctions ; des indemnités horaires pour travaux supplémentaires dans les conditions fixées par le décret du 6 octobre 1950, celles-ci pouvant être majorées pour les heures supplémentaires de minuit à sept heures.
De fait, les avantages prévus par le décret du 10 mai 1961 précité ne peuvent plus être transposés aux agents du cadre d'emplois des agents de police municipale, faute d'équivalence de ce cadre d'emplois avec un corps de l'Etat qui en bénéficierait.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique, tient à souligner, cependant, que le taux maximal de l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions fixé par le décret du 31 mai 1997 précité est passé de 16 % à 18 % du traitement indiciaire individuel et que ce traitement a lui-même bénéficié de la revalorisation des grilles indiciaires résultant de la création du cadre d'emplois des agents de police municipale qui a remplacé, en 1994, l'ancien statut communal. Au total, les communes peuvent ainsi assurer un niveau global de primes individuel équivalent ou supérieur.
Enfin, dans le cadre de l'organisation du temps de travail, les collectivités peuvent tenir compte des contraintes du travail de nuit. La nouvelle réglementation qui sera applicable aux fonctionnaires territoriaux en matière de temps de travail, sur la base des projets de textes examinés par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale les 15 juin et 6 juillet derniers, permettra de mieux répondre à ce type de besoins, par exemple avec le recours à la notion de cycles de travail.
Tels sont les éléments qu'au nom de M. Sapin je pouvais vous apporter, monsieur le sénateur.
M. René Marquès. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marquès.
M. René Marquès. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de répondre à une question qui est complexe et qui dépend de beaucoup de lois et de décrets.
Il ne faut pas l'oublier, le rôle difficile des agents de police municipale, surtout en milieu rural, exige de leur part une polyvalence et une présence supérieures à celles que peuvent exercer les policiers de la police nationale, par exemple. Or ils jouissent de peu de considération, ce qu'ils ressentent de façon très importante.
Tout cela mérite bien de les faire bénéficier d'un régime indemnitaire !
Vous avez évoqué l'augmentation du taux de l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions de 16 % à 18 % ainsi que la revalorisation du cadre d'emploi. Je vous remercie pour ces précisions et je serais heureux que les nouvelles modifications apportées aillent dans le sens que je souhaite.

SUPPRESSION DES FICHES D'ÉTAT CIVIL
ET JUSTIFICATIFS DE DOMICILE

M. le président. La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 930, adressée à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a décidément l'esprit des grandes réformes ! En atteste la suppression, à compter du 1er décembre prochain, de la fiche d'état civil et de tout justificatif de domicile dans le cadre de démarches administratives. Voilà qui, prétendez-vous, devrait faire gagner un temps infini aux personnels des mairies. Outre que cette grandissime réforme ne peut améliorer de façon décisive le fonctionnement de l'administration, force est de dénoncer ses graves inconvénients.
D'une part, la simple présentation d'une copie d'un document d'identité, certifiée conforme par les propres soins de tout un chacun, en lieu et place des mairies, apparaît pour le moins dangereuse. Comment, de plus, accorder foi à des pièces illisibles ou à des livrets de famille étrangers, le plus souvent peu explicites sur la situation familiale réelle ?
D'autre part, je ne peux que condamner avec la plus extrême virulence votre intention de mettre fin aux justificatifs de domicile pour l'obtention d'avantages sociaux offerts par certaines communes. En effet, celles-ci devront ainsi assumer de lourdes charges indues qui viendront grever des finances gérées sainement mais, il faut bien le reconnaître, non sans mal.
De nombreuses personnes feront peu de cas de leur honneur en déclarant leur domicile dans des villes à leurs yeux plus intéressantes socialement et financièrement - pourquoi pas ? - en se domiciliant dans plusieurs communes. Quels moyens de contrôle aurons-nous ?
Les répercussions sur les établissements scolaires seront, elles aussi, considérables. Certains parents, soucieux de l'avenir de leurs enfants, n'hésiteront pas à falsifier les déclarations sur l'honneur à seule fin de voir leur progéniture dans de meilleurs établissements.
En outre, votre décision va compliquer le travail des inspections académiques ; celles-ci se retrouveront, tôt ou tard, confrontées tantôt à des collèges et écoles désertées, tantôt à des classes surpeuplées.
Ma question est, par conséquent, double, monsieur le secrétaire d'Etat. Abandonnerez-vous cette décision ? Dans le cas contraire, quels garde-fous prévoyez-vous pour endiguer une fraude prévisible ?
M. le président. La parole est M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé mon collègue ministre de la fonction publique sur la décision du Gouvernement visant à supprimer, à compter du 1er décembre prochain, la délivrance des fiches d'état civil et à alléger les justificatifs de domicile.
Vous contestez l'opportunité de ces mesures dont vous dénoncez les inconvénients, voire les risques de fraude qu'elles pourraient engendrer.
Sachez que le fait de faciliter la vie quotidienne constitue une exigence permanente de l'action du Gouvernement. C'est ainsi que M. Sapin a proposé des mesures de simplification destinées à supprimer la délivrance de soixante millions de formulaires administratifs, alors que sont dénoncés, souvent avec raison, l'excès des procédures, la compléxité des formulaires, voire une certaine frénésie normative.
Ces mesures de simplification administrative postulent, bien évidemment, une relation de confiance entre l'administration et les usagers, rompant ainsi avec la perception trop fréquente d'une administration complexe et suspicieuse.
En effet, la philosophie des simplifications administratives décidées consiste à ne pas considérer l'usager comme un fraudeur potentiel et donc, par suite, à ne pas soumettre l'ensemble des usagers aux contrôles mis en oeuvre pour une minorité de fraudeurs.
Créées il y a près de cinquante ans, les fiches d'état civil sont délivrées aujourd'hui sur la présentation de pièces justificatives, sans possibilité réelle en pratique pour les administrations et les services municipaux, en particulier, de vérifier leur authenticité. Autrement dit, la délivrance des fiches d'état civil n'a jamais empêché la fraude, d'autant moins que la fiche d'état civil pouvait permettre l'authentification d'un faux par la délivrance d'une pièce officielle !
Pour autant, rassurez-vous, un certain nombre de dispositions garantissent la sécurité du nouveau dispositif, qui, je le précise, ne modifie pas le droit relatif à l'état des personnes et à la nationalité.
Le décret portant simplifications administratives précisera que, en cas de doute sur la validité des documents produits destinés à justifier de son identité, de sa nationalité ou de sa situation familiale, les administrations pourront demander par écrit, de manière motivée, la présentation de l'original.
Par ailleurs, il faut rappeler que les déclarations relatives à l'état civil, à la nationalité, ou au domicile relèvent de la responsabilité individuelle et que toute fausse déclaration ou falsification de document est passible de sanctions pénales. Ces sanctions peuvent aller de six mois à un an d'emprisonnement et de 50 000 francs à 100 000 francs d'amende. Elles peuvent être complétées par la privation des droits civiques, civils et familiaux. En cas d'escroquerie, la peine encourue est de cinq ans d'emprisonnement et de 2 500 000 francs d'amende.
Enfin, les décisions obtenues par fraude ne sont évidemment pas créatrices de droits, toute fausse déclaration entraînera de surcroît la suspension pendant un an des procédures engagées par l'usager.
Je vous précise que le projet de simplification du Gouvernement ne concerne pas les procédures relatives à l'inscription sur les listes électorales, à la délivrance de pièces d'identité et de séjour telles que la carte d'identité, le passeport, le titre de séjour, le livret de famille, les actes d'état civil ni à l'immatriculation consulaire des Français à l'étranger. S'agissant plus particulièrement de la déclaration de domicile, le projet du Gouvernement ne porte nullement atteinte aux éléments de preuve du domicile, qui, selon les dispositions du code civil, « est au lieu du principal établissement » déclaré par l'individu.
En cas de doute ou de litige, il appartiendra au juge, sur demande de l'administration, de déterminer la réalité du domicile à partir d'un faisceau d'indices : la déclaration de l'intéressé, certes, mais aussi le lieu de paiement des impôts ou encore l'inscription sur les listes électorales.
Voilà, me semble-t-il, monsieur le sénateur, des mesures qui ne peuvent pas susciter les craintes que vous avez exprimées. Pour le Gouvernement, elles s'inscrivent dans le cadre d'une politique visant à placer l'usager au coeur de l'action de l'Etat.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. En fait, monsieur le secrétaire d'Etat, votre confiance en nos concitoyens est à plusieurs niveaux : pour s'inscrire sur les listes électorales, il faudra présenter certains éléments de preuve, mais, pour bénéficier des avantages sociaux consentis par les collectivités, ce ne sera pas nécessaire !
Aussi, vous ne m'avez pas du tout rassuré ! Pour ne prendre qu'un exemple - mais on pourrait ouvrir un vaste débat sur le sujet - je suis très inquiet pour la prochaine rentrée scolaire.
Comment allez-vous gérer le problème des inscriptions dans les lycées et les collèges ? Pour un lycée de 1 000 places, vous aurez 1 200 ou 1 300 inscrits ! Selon quels critères allez-vous sélectionner les jeunes ?
Vous allez créer une énorme inégalité dans la mesure où des jeunes qui auraient dû entrer dans tel lycée ne le pourront pas parce que des gens auront fraudé. Nous, maires, nous vivons ce phénomène à toutes les rentrées scolaires : les parents essaient, et c'est tout à fait compréhensible, de faire en sorte que leurs enfants aillent dans les meilleures écoles pour qu'ils puissent ensuite suivre des études leur permettant d'avoir une carrière professionnelle intéressante. Je ne vois donc pas comment vous allez régler ce problème ; les inspections d'académie sont d'ailleurs, comme moi, très inquiètes à ce sujet.

SUPPRESSION DE L'ÉMISSION TÉLÉVISÉE « MONTAGNE »

M. le président. La parole est à M. Faure, auteur de la question n° 903, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean Faure. Ma question s'adressait à Mme Tasca, mais je pense que M. Duffour, ici présent, pourra y répondre.
J'associerai à mes propos un membre du Gouvernement, qui, j'en suis sûr, m'approuvera, je veux parler de mon excellent ami Louis Besson, qui, pendant plus de trente ans, a été mon compagnon de lutte sur les problèmes de la montagne.
J'ai donc appelé l'attention de Mme le ministre sur la disparition du magazine Montagne , qui était diffusé le dimanche matin.
En effet, la dernière émission a eu lieu le 4 septembre 1999.
On nous dit que ce magazine avait peu d'audience ! Effectivement, en le diffusant le dimanche matin, on pouvait être certain qu'il n'aurait qu'une faible audience. Si Thalassa était diffusée le dimanche matin, je suis sûr qu'elle n'atteindrait pas les records d'audience qu'elle enregistre aujourd'hui. Inversement, si le magazine Montagne avait été diffusé le dimanche soir à une heure d'écoute intéressante, il aurait bien évidemment eu beaucoup de succès.
Je ne peux donc que regretter l'interruption de cette émission et vous faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, de la consternation des populations de montagne. Ce magazine s'intéressait en effet aux montagnes du monde entier sous tous les aspects, et l'on ne peut qu'espérer que le service public fera renaître un programme sur ce sujet.
L'émission, dont la durée était de trente minutes, avait été créee voilà quinze ans, avec un rythme hebdomadaire, devenu mensuel il y a deux ans.
Je rappelle qu'elle a d'abord été diffusée le dimanche après-midi, puis le dimanche matin, ce qui explique aussi la diminution de son audience.
L'existence d'un magazine de la montagne est nécessaire, tout autant que celle d'un magazine de la mer. En effet, la disparition du thème de la montagne des grilles de programmes est regrettable, dans la mesure où le grand public, qui fait montre d' a priori erronés, ne disposera plus d'un média facile d'accès pour appréhender les spécificités socio-économiques de ce milieu.
Je ne voudrais pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous me répondiez, comme l'a déjà fait le président de la chaîne, qu'il existe un magazine intitulé Chronique d'en haut. En effet, ce dernier magazine, s'il est certes conçu à Lyon, n'est repris que de façon volontaire par certaines chaînes régionales, qui le diffusent à des heures ne lui permettant pas forcément de recueillir une large audience, puisqu'il s'agit soit du samedi après-midi, soit du dimanche matin, dans le cadre de ce que l'on appelle les basculements régionaux. Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que soit élaboré un véritable magazine de la montagne, comparable à ce qui existe pour la mer avec Thalassa et diffusé à des heures de grande écoute. Je serai heureux d'entendre votre réponse sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, vous attirez, avec raison, l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la suppression de l'émission Montagne de France 3. Je dois vous dire que Mme Tasca s'en était elle-même inquiétée, dans la mesure où il s'agit d'un programme dont elle connaît, et dont je mesure moi-même l'intérêt et l'importance, non seulement pour les populations vivant en zone montagneuse, mais plus généralement pour tous ceux qui fréquentent ces régions.
Je suis aujourd'hui en mesure de vous rassurer, monsieur le sénateur, à la suite des informations que Mme la ministre a reçues de la direction de France 3. Il ne s'agit pas en effet d'abandonner le thème de la montagne ; il s'agit en fait de modifier la formule proposée aux téléspectateurs depuis maintenant quinze ans. Consciente des attentes du public, France 3 a décidé de proposer, et ce dès janvier prochain, un nouveau magazine consacré à la montagne. Il sera davantage axé sur la vie en milieu montagnard, en ajoutant aux approches sportives et techniques les questions de société propres à ce milieu.
C'est la même équipe grenobloise qui travaille à ce nouveau projet, en liaison avec la rédaction nationale.
Je rappelle par ailleurs - vous y avez fait allusion, monsieur le sénateur - qu'un autre magazine portant sur un thème proche, Chronique d'en haut, diffusé par la majeure partie des stations régionales de France 3, reste dans la grille de programmes de cette chaîne publique. Cette diffusion s'ajoute donc à ce que je viens d'évoquer.
M. Jean Faure. Je demande la parole.
M. le président. La parole et à M. Faure.
M. Jean Faure. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse sera satisfaisante dans la mesure où la nouvelle émission bénéficiera d'heures et de jours de diffusion pendant lesquels les téléspectateurs seront devant l'écran.
Je souhaiterais donc que vous soyez particulièrement attentif aux heures et aux jours de sa programmation de façon qu'elle puisse être vue par tout le monde.

NOUVELLES DISPOSITIONS
RELATIVES À L'INDEMNITÉ COMPENSATOIRE
DE HANDICAP NATUREL (ICHN)

M. le président. La parole est à M. Cazalet, auteur de la question n° 899, adressée à M. le ministre de l'agriculteur et de la pêche.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le ministre, permettez-moi d'attirer votre attention sur la très vive inquiétude éprouvée par les agriculteurs du département des Pyrénées-Atlantiques concernés par la réforme des ICHN, indemnités compensatoires de handicap naturel, inscrite dans le projet de plan national de développement rural accepté par l'Union européenne lors du comité STAR du 26 juillet.
Il semblerait que la mouture présentée à Bruxelles soit sans rapport avec les modalités d'un nouveau règlement arrêtées par le groupe de suivi de la politique relative à la montagne.
Mais ce qui suscite l'étonnement est la remise en cause radicale des fondements de la politique jusqu'à présent menée dans ce département et au crédit de laquelle il faut mettre le maintien de l'activité économique et le développement de productions de qualité dans les zones défavorisées.
En effet, le fait de conditionner désormais l'attribution des ICHN au respect des bonnes pratiques agricoles définies notamment par des critères d'extensivité est perçu comme l'abandon du principe du handicap, les indemnités se transformant en mesures de type agri-environnemental.
Ainsi, des dispositions telles que le non-versement de l'ICHN en deçà du seuil minimal et au-delà du seuil supérieur du taux de chargement, l'application d'un tarif unique de prime par type de zone défavorisée, la disparition de la différenciation par espèce - ovins, bovins -, le mode de calcul de l'indemnité versée à l'agriculteur après fixation par le préfet d'une plage optimale dans laquelle l'ICHN serait versée à taux plein, ainsi que la restriction des critères d'éligibilité pour les pluriactifs suscitent plus que des interrogations auprès des éleveurs du département puisque, selon certaines estimations, ce sont au total 1 500 agriculteurs qui, au Pays basque et dans le Béarn, sont non seulement concernés mais aussi menacés : 400 exploitations seraient exclues du dispositif, celles qui sont situées en zone de piémont perdraient jusqu'à 14 % de leurs indemnités et les non-transhumants, environ 500, perdraient jusqu'à 30 % de celles-ci.
Etant donné l'écho peu favorable que semble susciter ce projet, notamment auprès des jeunes agriculteurs, je souhaiterais que vous m'apportiez, monsieur de ministre, des précisions quant à son contenu et que vous m'indiquiez les points sur lesquels vous seriez disposé à discuter de nouveau avec la profession.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, la réforme des indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, a fait l'objet de nombreux débats publics et de polémiques peut-être un peu excessives, voire inutiles. Je vais essayer de vous relater la genèse de cette histoire.
J'ai souhaité la mise en place de cette réforme et je me suis fixé un certain nombre d'objectifs, dont le premier - je tiens à le rappeler ici - est le renforcement de la politique de la montagne. En effet, l'agriculture en montagne a besoin d'être davantage aidée, parce qu'elle correspond à une certaine conception de l'agriculture multi-fonctionnelle : parfaitement respectueuse de l'environnement et participant à l'aménagement du territoire, elle est indispensable à la société, en particulier à la société de montagne.
Je suis donc dans une logique non pas, comme je l'ai lu, de destruction de vingt-cinq ans d'une politique de la montagne, mais, au contraire, de renforcement de cette politique, et ce d'entrée de jeu, en y consacrant, pour les années à venir, 500 millions de francs supplémentaires par an, ce qui est loin d'être négligeable. Ainsi se trouve apporté un démenti cinglant à l'idée que je puisse mettre en cause cette politique de la montagne. Ensuite, je souhaitais la pérenniser. Je voulais, en particulier, la faire avaliser, d'une manière durable, par la Commission européenne, et j'ai donc tenu à l'inscrire dans le plan de développement rural. J'ai également voulu la simplifier. A cet égard, je suis toujours l'objet de demandes pressantes, vous le savez, de la part des organisations professionnelles agricoles, qui souvent ont raison, même si elles apportent leur pierre à la complexité. Je voulais que la majorité des éleveurs y voient leurs aides accrues dans l'avenir et je tiens toujours à ce principe.
A partir de là, une négociation a été engagée avec la Commission européenne lors de l'élaboration du plan national de développement rural, et celle-ci nous a demandé, à l'issue des discussions au mois de juillet dernier, de bien vouloir prévoir, en contrepartie des ICHN, ce qu'elle appelait des bonnes pratiques agricoles. Ce qui n'était pas contestable en soi le devenait à partir du moment où il nous a été demandé d'évaluer ces bonnes pratiques agricoles en fonction d'un taux de chargement à l'hectare. Lorsque je suis revenu de Bruxelles avec ce plan national de développement rural, j'ai procédé à un certain nombre de simulations pour savoir comment il se traduirait dans les faits. Or il s'avère que les deux départements qui souffriraient le plus de ce plan sont le vôtre, monsieur Cazalet, et le mien, car il exclurait les agriculteurs de montagne des deux départements. Les deux autres départements les plus touchés seraient le Lot et le Cantal, le vôtre, monsieur Domeizel, l'étant un peu moins.
Compte tenu de son caractère inacceptable, je ne me suis pas rallié à cette réforme qui émane non pas du ministre de l'agriculture français, mais de la Commission européenne. Il faut donc remettre l'ouvrage sur le métier. Je puis vous donner l'assurance que je maintiens ces objectifs que je viens brièvement de vous rappeler. Ils seront mis en oeuvre avec des moyens supplémentaires, afin de renforcer le volet agricole de la politique de la montagne.
Il faut rassurer les agriculteurs qui auraient pu être inquiets face à cette proposition qui émane, je le répète, non pas du ministre de l'agriculture mais de la Commission européenne et que je combats à leurs côtés, afin de la remettre en cause dans les plus brefs délais.
M. Auguste Cazalet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Je remercie M. le ministre de sa réponse. Je sais qu'il est très sensible aux problèmes de montagne car, comme il vient de le rappeler, il est issu d'un département qui est très montagneux, peut-être plus que les Pyrénées-Atlantiques. Mais qu'il me permette de lui dire, en toute amitié, presque entre voisins, de ne pas toucher au fondement même de la politique de la montagne, car elle a fait ses preuves depuis presque trente ans maintenant.
Monsieur le ministre, je vous lance cet appel : défendez et aidez les agriculteurs, véritables jardiniers de la montagne, à vivre demain sur leur exploitation et à y installer leurs enfants.

RÉHABILITATION DES CABANES PASTORALES

M. le président. La parole est à M. Domeizel, auteur de la question n° 902, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Claude Domeizel. J'ai écouté avec intérêt la question de M. Cazalet et j'ai pris connaissance avec autant d'intérêt de votre réponse, monsieur le ministre, car je vous ai moi-même interrogé sur cette réforme des indemnités compensatoires de handicaps naturels. Il s'agit d'un sujet d'inquiétude pour bon nombre d'agriculteurs des Alpes-de-Haute-Provence, département que j'ai l'honneur de représenter ici et où l'agriculture de montagne occupe une très grande place.
J'en viens à ma question, qui porte également sur un secteur important de l'agriculture de montagne : l'élevage.
Monsieur le ministre, je me permets d'attirer votre attention sur le problème de l'hébergement des bergers lors de la transhumance dans les alpages.
A l'aube du xxie siècle, il est anormal que des hommes vivent dans des conditions souvent très sommaires et dignes d'un autre siècle. Outre le bénéfice d'un confort minimum, une amélioration des cabanes pastorales permettrait aux bergers qui le souhaitent de séjourner avec leur famille. En plus du maintien de l'équilibre familial seraient aussi partagées les tâches professionnelles et de la vie quotidienne qu'aujourd'hui le berger assume seul, ce qui l'oblige à s'éloigner du troupeau pendant de longues heures.
En outre, si un argument supplémentaire devait être apporté, il me paraît important de souligner que la présence continue du berger ou d'un membre de la famille auprès de son troupeau deviendrait alors un élément complémentaire de défense contre les chiens errants ou tout autre prédateur - je veux parler du loup - et contre les intempéries.
Les départements et régions participent déjà, avec le concours du ministère de l'environnement et le vôtre, monsieur le ministre, par le biais du fonds national d'aménagement du territoire et du fonds de gestion de l'espace rural, au financement des améliorations pastorales. Mais, à l'évidence, ces efforts sont insuffisants pour la rénovation de ces habitats. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de prendre des mesures financières plus importantes pour la réhabilitation ou la construction de cabanes pastorales, qu'elles soient gérées par l'Office national des forêts ou par les municipalités ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, les élus des départements de montagne que nous sommes savons que le pastoralisme est une activité essentielle de l'économie agricole en zone de montagne, où il tient un rôle écologique et social reconnu. C'est, en outre, un excellent exemple de la multifonctionnalité de l'agriculture, que nous plaidons à l'échelon à la fois européen et international.
A ce titre, compte tenu des contraintes géographiques, économiques, environnementales et humaines que vous soulignez, cette activité fait l'objet de soutiens particuliers de la part des collectivités publiques. Ainsi, la rénovation et la réhabilitation des cabanes pastorales peuvent bénéficier de diverses aides publiques de l'Etat, des collectivités et de l'Union européenne, afin d'améliorer l'hébergement des bergers lors de la transhumance dans les alpages et d'assurer la sécurité des troupeaux.
La nature et le montant de ces aides dépendent, bien sûr, du projet et de son bénéficiaire. Elles sont de trois types : tout d'abord, le fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, qui permet d'obtenir des subventions au titre du volet socio-économique des CTE ; ensuite, les dotations inscrites dans les contrats de plan Etat-région et les conventions interrégionales de massif ; enfin, les financements communautaires lorsque les travaux entrent dans le cadre d'une mesure éligible au plan national de développement ou à un document unique de programmation, le DOCUP, objectif 2.
Le ministère de l'agriculture et de la pêche mobilisera annuellement, au titre des investissements pastoraux pris dans leur ensemble, sur la période 2000-2006 des contrats de plan Etat-région de l'ordre de 20 millions de francs par an. Les conseils régionaux se sont engagés à apporter une somme équivalente.
En ce qui concerne le cofinancement communautaire, ces participations annuelles nationales devraient appeler 6 à 7 millions de francs sur le FEOGA-garantie, au profit de projets individuels ou collectifs.
Il convient également de souligner la participation de mon ministère au programme triennal du « plan loup » mis en place dans l'arc alpin, à hauteur de 9,8 millions de francs pour l'ensemble des trois années 2000-2002.
En outre, un complément du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement vient compléter l'ensemble de ce dispositif financier.
Nous faisons donc la preuve, chiffres à l'appui, que la réhabilitation des cabanes pastorales fait l'objet d'un soutien des collectivités publiques, en général, et de l'Etat, en particulier.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse à laquelle les ouvriers agricoles, dont on parle peu dans notre assemblée, seront sensibles car elle est de nature à satisfaire, je l'espère, leurs inquiétudes.

REFUS D'ACCEPTATION DE CERTAINS BILLETS
PAR LES COMMERÇANTS

M. le président. La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 820, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. André Vallet. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'ignorez pas que l'obligation qui est faite aux commerçants d'accepter les billets émis par la Banque de France, dès lors qu'ils ont un cours légal, constitue l'un des fondements de notre droit commercial. Un refus serait d'ailleurs sanctionné par l'article R. 642-3 du nouveau code pénal.
Or, en dépit de ce texte, la recrudescence de faux billets de 500 francs incite de nombreux commerçants à refuser purement et simplement les coupures de ce montant. Cette attitude est d'autant plus difficile à admettre qu'il est possible de déceler les contrefaçons et que du matériel simple et accessible permet de contrôler ces billet. D'ailleurs, de nombreux commerçants se sont dotés de ce matériel.
La Banque de France édite une brochure dans laquelle sont détaillés tous les défauts de l'imitation. Elle organise également des stages gratuits à l'adresse des commerçants pour les mettre en mesure de faire face à cet afflux de fausse monnaie. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, il paraît anormal que des consommateurs se voient refuser le paiement avec ces billets.
J'aimerais également soulever la question des responsabilités dans la persistance de la présence de fausse monnaie.
Le billet de 500 francs est aujourd'hui la coupure la plus élevée de notre système monétaire. Par voie de conséquence, sa valeur en limite automatiquement la circulation. En effet, si les commerçants sont tenus d'accepter les billets de 500 francs en paiement, ils n'ont qu'exceptionnellement l'occasion de les remettre directement en circulation auprès des usagers.
Dès lors, l'immense majorité des billets de 500 francs est remise aux organismes financiers, qui en assurent la redistribution au public. On peut donc s'interroger sur le degré de responsabilité de ces établissements qui remettent en circulation des billets dont ils savent qu'une partie au moins constitue une contrefaçon.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour sanctionner le refus de certains commerçants d'accepter des billets de 500 francs dont rien ne permet de mettre en doute l'authenticité ? Comment va-t-il contrôler l'afflux de cette fausse monnaie dans les divers organismes financiers ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, vous évoquez un problème qui, il est vrai, inquiète souvent les commerçants. Il renvoie également à la question de savoir comment, demain, les consommateurs seront protégés eu égard à la future monnaie européenne.
Cette attitude des commerçants peut être compréhensible, car elle est motivée par l'insuffisance des moyens dont ils disposent pour effectuer l'identification des faux billets. Ils prennent ainsi le risque, en les acceptant, que leur établissement bancaire les confisque, sans évidemment leur fournir la contrepartie en valeur équivalente. Je suis néanmoins obligé de vous rappeler que cette attitude est illégale, comme vous l'avez souligné, monsieur Vallet, en faisant référence au code pénal. Si un commerçant a bien la possibilité de demander à sa clientèle de faire l'appoint, le fait de refuser des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France constitue une infraction passible de l'amende prévue pour les contraventions de deuxième classe.
Le Gouvernement veut, en la matière, montrer l'exemple et aider les commerçants. Tout d'abord, l'Etat montre l'exemple pour ce qui concerne le réseau du Trésor public. A cette fin, j'ai fait rappeler à l'ensemble des comptables publics la réglementation en vigueur, afin d'éviter que ne se reproduisent des initiatives isolées de refus de certains billets.
Ensuite, pour mettre fin au comportement de défiance, la nouvelle gamme de billets de 500 francs à l'effigie de Pierre et Marie Curie, dont la conception et la fabrication ont reposé sur l'utilisation de technologies avancées, se caractérise par un niveau de sécurisation qui est parmi les plus élevés dans le monde.
Le nombre de faux billets a ainsi été divisé par dix entre 1995 et 1999. Il faut encore mieux informer le public et les commerçants des signes de sécurité de la nouvelle gamme de billets. Nous avons donc demandé à la Banque de France d'amplifier les actions de sensibilisation menées en ce sens. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vient également de saisir le ministre de l'intérieur pour que les efforts s'intensifient à l'encontre des filières de faux-monnayage.
Les pouvoirs publics suivent donc avec beaucoup d'attention, monsieur le sénateur, le phénomène que vous évoquez.
M. André Vallet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Si je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que le ministre de l'intérieur et la police surveillent de très près cette fausse monnaie, notamment les faux billets de 500 francs, je comprends toutefois parfaitement l'embarras des commerçants auxquels on présente ce mode de paiement.
Je vous demande simplement de rappeler très fortement que, si un commerçant peut contrôler un billet, il n'est pas en droit de le refuser. Tel est le fond de ma question. En effet, si nous sortions du Sénat pour nous promener dans le quartier, nous ne manquerions pas de voir au-dessus des caisses des pancartes annonçant que les billets de 500 francs ne sont pas acceptés. C'est cela qui n'est pas tolérable.

ACCÈS À LA PROFESSION
DANS LES MÉTIERS DU BÂTIMENT

M. le président. La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 888, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
M. Pierre Hérisson. La loi du 5 juillet 1996 relative au développement, à la promotion du commerce et de l'artisanat, que j'avais eu l'honneur de rapporter au Sénat, pose en son article 16 l'exigence, pour les personnes exerçant en entreprise individuelle ou en société, d'une qualification minimale préalable dans certaines activités du bâtiment comme la construction, l'entretien et la réparation des bâtiments, la mise en place, l'entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ou pour tout ce qui touche l'alimentation en gaz, le chauffage des immeubles et les installations électriques, ou encore le ramonage.
Le décret du 2 avril 1998, pris tardivement, indique que l'exercice de toutes ces activités est limité aux personnes titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle, un CAP, d'un brevet d'études professionnelles, un BEP, ou d'un diplôme ou titre homologué, d'un niveau égal ou supérieur, dans l'un des métiers du bâtiment. A défaut d'un diplôme ou d'un titre homologué, une expérience de trois années effectives d'activité professionnelle dans le secteur du bâtiment est requise. Cette expérience fait l'objet d'une validation par le préfet.
Or une circulaire ministérielle du 12 juin 1998 a vidé la loi de sa substance. La circulaire précise en effet que le défaut de qualification d'un candidat à la création d'entreprise interdit l'exercice des activités artisanales, mais laisse la porte ouverte à l'immatriculation à la chambre de métiers. Cette circulaire indique aussi que la condition peut être remplie soit par la personne qui exerce l'activité, soit par toute autre personne qui assurera un contrôle de façon permanente.
Aussi, afin de respecter la volonté du législateur, dans un souci d'efficacité des missions de contrôle et dans l'intérêt même des candidats à l'installation, je vous demanderai, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous n'envisagez pas de compléter les dispositions en la matière afin que les chambres consulaires qui effectuent l'immatriculation des artisans procèdent elles-mêmes au contrôle de la qualification professionnelle, toujours dans le but de protéger le consommateur et d'améliorer le niveau de qualification des créateurs d'entreprises du bâtiment. Vous contribuerez à éviter, dans certains cas, les dépôts de bilan, mais aussi les très nombreux contentieux liés à la garantie d'achèvement des travaux et aux garanties décennales, dans un secteur particulièrement sensible.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, la loi du 15 juillet 1996, dont vous avez été effectivement le rapporteur, distingue bien, en son article 16, la création de l'exercice effectif de la profession.
Pour ce qui est de la création, la certification professionnelle n'est pas exigée par la loi ; en revanche, l'exercice effectif d'une telle activité par une entreprise, quels que soient sa taille et son statut, et à n'importe quel moment, ne peut s'effectuer que sous le contrôle effectif et permanent d'une personne qualifiée, qu'elle soit chef d'entreprise ou salariée.
Donc, actuellement, personne ne peut empêcher la création d'une entreprise et son immatriculation. En revanche, l'exercice de la profession - et, je veux vous rassurer, il n'y a eu de détournement ni de l'esprit ni de la lettre de la loi en la matière - ne peut se faire que par une personne réellement qualifiée.
Quant au contrôle de ces dispositions, Monsieur le sénateur, il relève de deux catégories d'agents : soit les agents de police judiciaire, soit les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, que vous connaissez bien, par ailleurs.
Comment obtenir cette qualification ?
Les conditions de la qualification obligatoire ont été fixées dans le décret n° 98-246 du 2 avril 1998, qui a été pris après avis du Conseil de la concurrence, de la commission de la sécurité des consommateurs, des assemblées consulaires et des organisations professionnelles.
Il est ainsi exigé, comme vous l'avez rappelé, soit un diplôme ou titre homologué de niveau égal ou supérieur au certificat d'aptitude professionnelle, soit une expérience professionnelle de trois ans attestée pour assurer le contrôle de l'exercice de l'activité.
Les chambres de métiers, en tant qu'elles tiennent le répertoire des métiers et assurent l'immatriculation des entreprises en vue de leur création, n'ont ni le pouvoir ni le devoir - sauf, le cas échéant, d'information et de conseil - en matière de contrôle de la qualification professionnelle des entreprises artisanales nécessaire à leur exercice, ce qui leur a été rappelé récemment afin, notamment, d'éviter à leurs responsables toute suspiscion d'usurpation de fonction.
Aujourd'hui, il faut une qualification, et le décret prévoit à quelles conditions. Mais le rôle des chambres de métiers et des chambres consulaires est non pas de contrôler, mais d'informer et d'enregistrer. Le pouvoir de police en la matière revient bien aux services de contrôle définis par la loi, et à eux seuls, qui sont chargés de veiller à l'application des dispositions légales. Les services de la DGCCRF, qui relèvent de mon secrétariat d'Etat, ont été notamment invités à faire preuve d'une plus grande vigilance dans les domaines que vous avez évoqués.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie, mais tout irait bien si, dans la réalité, le système fonctionnait comme vous l'avez décrit. Malheureusement, il en va différemment.
J'ai bien compris votre souci d'améliorer la situation, notamment en appelant la DGCCRF à une vigilance accrue. Cependant, tant que les chambres de métiers pourront enregistrer et immatriculer et que le dispositif de contrôle, qui certes, a des effets intéressants, interviendra a posteriori , c'est-à-dire après l'immatriculation, un certain nombre d'entreprises seront encore immatriculées et des activités pratiquées jusqu'au jour où un contentieux s'élèvera sur la qualification de la personne chargée de représenter l'entreprise dont le diplôme n'aura, par exemple, rien à voir avec les activités du bâtiment.
La solution radicale serait que les chambres consulaires ne puissent pas procéder à l'enregistrement sans un contrôle préalable de la qualification.
Mais nous pourrons en reparler en d'autres circonstances, à l'occasion d'une évolution des textes qu'il me paraît souhaitable d'envisager, et non plus pour les seules activités du bâtiment.

COMPOSITION DU NOUVEAU SUPERCARBURANT

M. le président. La parole est à M. Leclerc, auteur de la question n° 896, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis le 1er janvier 2000, un supercarburant est distribué en lieu et place de l'essence plombée. Il contient donc, pour faire fonction d'antidétonant, non plus le fameux plomb tétraéthyle, mais du potassium.
On n'a pas manqué, à l'époque, de me faire part des inquiétudes suscitées par cette nouvelle composition, plus particulièrement par les incidences de l'addition du potassium dans le supercarburant en termes d'environnement et de santé publique.
J'avoue partager ces préoccupations.
En effet, le potassium contient un isotope radioactif naturel, qui émet un rayonnement bêta et gamma lors de sa désintégration et dont on ne connaît pas l'impact réel à long terme sur la santé de nos concitoyens.
C'est pourquoi j'avais interrogé la direction générale de l'énergie et des matières premières à ce sujet.
Il m'a été récemment répondu que ce produit a fait l'objet de nombreux tests et études en Autriche et en Suède et que son utilisation ne pose pas de problème dans ces pays.
Cette réponse ne m'a pas satisfait, et c'est pourquoi je vous interroge aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat.
D'une part, pour reprendre l'exemple suédois, on sait la préoccupation des Suédois pour les centrales, mais je dois avouer, pour l'avoir constaté sur place, que la radioactivité au quotidien n'est pas leur principale préoccupation !
D'autre part, la réponse reçue ne dit rien d'études menées par des scientifiques français qui démenteraient formellement la radioactivité potentielle du potassium, ce que je ne m'explique pas.
En effet, la France dispose d'experts en radiation hautement qualifiés dont la qualité des travaux est reconnue dans le monde entier, et je crois qu'il serait facile de leur demander d'effectuer des calculs, non seulement pour déterminer d'éventuels dommages sur l'appareil respiratoire, mais aussi pour savoir si les résidus restent peu de temps dans l'organisme a, au contraitre, s'ils sont susceptibles de s'y accumuler.
Ces calculs n'ont pas été effectués et vous comprendrez que je m'étonne, à l'heure où l'on fait de la protection de la santé une priorité, que vous n'ayez pas fait réaliser cette étude d'impact de l'utilisation du potassium, afin d'obtenir l'absolue assurance de son innocuité.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me rassurer, ainsi que l'ensemble de nos concitoyens, en fournissant de véritables résultats sur les effets de ce produit, ou bien en nous confirmant que vous envisagiez de faire procéder à des expertises en ce sens.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé le problème posé par la toxicité des carburants et de leurs additifs destinés aussi bien à augmenter l'indice d'octane qu'à assurer la protection des sièges des soupapes des moteurs anciens.
Chacun s'accorde à reconnaître que le plomb est toxique, et l'on pense en général aux effets du saturnisme sur les enfants, notamment.
Le plomb a, en effet, des propriétés neurotoxiques connues pour affecter le développement du système nerveux des jeunes enfants. Il est par ailleurs un poison non réversible des catalyseurs installés dans les pots catalytiques des véhicules modernes.
La France a décidé de s'appuyer sur d'autres connaissances pour trouver un nouvel additif qui ne présente plus la dangerosité de l'oxyde de plomb. C'est ce dérivé du potassium, ayant les mêmes effets sur l'anti-récession des soupapes, mais n'ayant pas d'incidences sur l'environnement, que nous pouvons inclure dans les nouveaux carburants.
Je vous rappelle l'expérience internationale en la matière, non sans avoir souligné que, si la recherche française n'a pas été au-delà, c'est que notre gouvernement a suivi les recommandations faites dans le cadre européen par des organismes dont on peut difficilement contester aujourd'hui à la fois le niveau de recherche et la fiabilité.
Aujourd'hui, cette expérience internationale - vous avez rappelé celle de l'Autriche, mais il y a aussi celles de la Thaïlande et de l'Allemagne - reconnaît un avantage certain à l'utilisation d'additifs contenant du potassium, sans effet secondaire parasite néfaste sur la santé, l'environnement ou les équipements des moteurs. Ce type d'additif est actuellement en usage, depuis 1990, en Autriche, depuis 1992, en Suède et en Norvège et, depuis plus de cinq ans, dans d'autres pays.
Ces additifs ont fait l'objet de programmes de tests en Autriche et en Suède, pays connus pour leur sensibilité et leur rigueur environnementales. En particulier, des tests ont été conduits en Suède par le motortescenter selon la procédure standard reconnue par le National Swedish Environmental Protection Board sur le niveau des émissions et des particules, sur la consommation, sur la composition chimique des particules et des émissions, sur l'activité biologique des particules et des émissions concernant la mutagénéité ainsi que sur l'impact au regard de la production de dioxines.
C'est ce qui a conduit la France, monsieur le sénateur, à retenir cette solution.
Le nouveau supercarburant destiné aux véhicules anciens est ainsi constitué de carburant sans plomb d'indice d'octane minimal 97 et d'un additif à base de potassium.
A la fin de votre question, vous me demandez si le Gouvernement est prêt à utiliser les connaissances actuelles en matière de radioactivité pour obtenir des réponses qui nous manquaient jusqu'à présent. Je peux répondre par l'affirmative. Aujourd'hui, le Gouvernement est en effet prêt à poursuivre les études sur des effets non indiqués dans la première partie de ma réponse, mais qui feraient courir un risque réel pour la population.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de ces derniers propos, mais permettez-moi d'insister. Aujourd'hui, toute recherche de gisement de minerai d'uranium est caractérisée par une attention particulière portée au rayonnement naturel d'éléments radioactifs que sont évidemment l'uranium mais aussi le strontium et le potassium.
Or, compte tenu de la densité de la circulation dans nos grandes villes, que l'on ne peut comparer à celle de la Suède ou de l'Autriche, mais aussi compte tenu de l'état des véhicules, il serait intéressant que nos scientifiques nous indiquent sous quelle forme le potassium, notamment, est inhalé et ensuite rejeté par les urines, afin de pouvoir dire à nos concitoyens, dans un souci de transparence, que le potassium additif, avec tous les avantages qu'il offre par rapport au plomb, ne présente aucun risque, dans l'avenir, pour leur santé.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons suspendre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean Faure.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 8 novembre 2000 :
A quinze heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001) ;
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
La conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale est expiré.
Jeudi 9 novembre 2000 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001) ;
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
Mardi 14 novembre 2000 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 892 de Mme Janine Bardou à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (régime fiscal des micro-entreprises) ;
N° 898 de M. Daniel Eckenspieller à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (TVA applicable au bois-énergie) ;
N° 900 de M. Jean Besson à M. le secrétaire d'Etat au logement (réforme de l'aide personnalisée au logement) ;
N° 904 de M. Robert Laufoaulu à M. le ministre de l'éducation nationale (enseignement des langues wallisienne et futunienne et place de Wallis-et-Futuna dans la nouvelle organisation de l'enseignement supérieur dans le Pacifique) ;
N° 905 de M. Jean-Claude Carle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (réforme des aides à l'embauche de jeunes en contrat de qualification) ;
N° 906 de M. Bernard Cazeau transmise à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (reconstitution de carrière des médecins sous contrat dans les centres hospitaliers publics) ;
N° 910 de M. Bernard Piras transmise à M. le ministre de l'intérieur (financement des réseaux de distribution d'eau potable) ;
N° 911 de M. Philippe de Gaulle à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (fiscalité applicable aux retraites mutualistes des anciens combattants) ;
N° 913 de M. Joseph Ostermann à M. le ministre de l'intérieur (financement des services d'incendie et de secours) ;
N° 914 de Mme Nicole Borvo à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (ventes de terrains par l'Assistance publique de Paris) ;
N° 915 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (reconstitution des forêts dévastées par la tempête de 1999) ;
N° 917 de Mme Hélène Luc à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (seuils de revenus donnant accès à la CMU) ;
N° 918 de M. Jean-Marie Poirier à M. le ministre de l'intérieur (contenu des conventions de coordination policière) ;
N° 921 de M. Jean Huchon à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (fonctionnement des centres anticancéreux) ;
N° 925 de M. Paul Girod à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (création d'un troisième aéroport) ;
N° 931 de M. Lucien Lanier à M. le ministre de l'intérieur (petite délinquance à Vincennes et Saint-Mandé) ;
N° 932 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (transport du bois abattu par les tempêtes de fin 1999) ;
N° 941 de M. Gérard César à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (situation du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande).
A seize heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire :

2° Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 64, 2000-2001) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à l'ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 13 novembre 2000.
Mercredi 15 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 64, 2000-2001) ;
Jeudi 16 novembre 2000 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 64, 2000-2001) ;
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures ;

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 21 novembre 2000 :

Ordre du jour réservé

A dix heures trente :
1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Bizet et plusieurs de ses collègues tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales (n° 455, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 20 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
A seize heures :
2° Question orale avec débat n° 27 de M. Jean-Jacques Hyest à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la suite des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires ;
En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 20 novembre 2000 ;
3° Question orale européenne avec débat n° QE-11 de M. Hubert Haenel à M. le ministre de la défense sur l'état de la mise en place des instruments politiques et militaires nécessaires à la gestion des crises ;
La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement ;
Le soir :
4° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et plusieurs de ses collègues tendant à harmoniser l'article 626 du code de procédure pénale avec les nouveaux articles 149 et suivants du même code (n° 474, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 20 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
5° Conclusions de la commission des affaires culturelles (n° 387, 1999-2000) sur la proposition de loi de M. Louis de Broissia modifiant la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 20 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 22 novembre 2000 :
A quinze heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

1° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française (n° 439, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 21 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
2° Projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats (n° 483, 1999-2000) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 21 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour les dépôt des amendements à ce texte ;
3° Projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale (urgence déclarée) (n° 20, 2000-2001) ;
La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 21 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 21 novembre 2000.
Jeudi 23 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
A onze heures, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2001 (AN, n° 2585)Voir en annexe les règles et le calendrier de la discussion de la loi de finances pour 2001, du jeudi 23 novembre au mardi 12 décembre 2000.

.
La conférence des présidents a adopté les propositions de la commission des finances sur l'organisation et le calendrier du projet de loi de finances pour 2001, jusqu'au 12 décembre inclus. Ce calendrier sera adressé à tous les sénateurs.
En outre,
I. - Jeudi 30 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A seize heures :
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 29 novembre 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
II. - Jeudi 7 décembre 2000, à quinze heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.
Par ailleurs, la conférence des présidents a adopté le calendrier des séances mensuelles réservées et des séances de questions jusqu'à la fin de la session.
Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l'ordre du jour réservé ?...
Ces propositions sont adoptées.

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RECONNAISSANCE
DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

Demande de discussion immédiate
d'une proposition de loi

M. le président. En application de l'article 30 du règlement, M. Jacques Pelletier demande la discussion immédiate de la proposition de loi de MM. Jacques Pelletier, Robert Bret, Jean-Claude Gaudin, Bernard Piras, Michel Mercier et Jacques Oudin, relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 (n° 60, 2000-2001).
Cette demande est signée par au moins trente sénateurs.
Conformément au quatrième alinéa de l'article 30 du règlement, il va être procédé à l'appel nominal des signataires.
Huissier, veuillez procéder à l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.) Ont signé cette demande et répondu à l'appel de leur nom : MM. Guy Allouche, Bernard Angels, François Autain, Denis Badré, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean-Pierre Bel, Jean Besson, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. Christian Bonnet, Mmes Nicole Borvo et Yolande Boyer, M. Robert Bret, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Marcel Charmant, Gérard Collomb, Roland Courteau, Jean-Patrick Courtois, Louis Ferdinand de Rocca Serra, Marcel Debarge, Charles Descours, Claude Domeizel, Bernard Dussaut, Hubert Falco, Léon Fatous, Guy Fischer, Thierry Foucaud, Jean-Claude Gaudin, Adrien Gouteyron, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Roger Hesling, Roger Karoutchi, Serge Lagauche, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Roland du Luart, Mme Hélène Luc, MM. François Marc, Serge Mathieu, Michel Mercier, Roland Muzeau, Mme Nelly Olin, MM. Jean-Marc Pastor, Jacques Pelletier, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Mme Gisèle Printz, MM. Ivan Renar, Roger Rinchet, René-Pierre Signé, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Vallet, Paul Vergès et André Vezinhet.


M. le président. Mes chers collègues, la présence d'au moins trente signataires ayant été constatée, il va être procédé à l'affichage de la demande de discussion immédiate sur laquelle le Sénat sera appelé à statuer, conformément à l'article 30 du règlement, au cours de la présente séance, après l'expiration du délai minimum d'une heure et après la fin de l'examen du dernier texte inscrit par priorité à l'ordre du jour.
La demande va être communiquée sur-le-champ au Gouvernement.

6

LOI D'ORIENTATION POUR L'OUTRE-MER

Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi d'orientation (n° 28, 2000-2001) relatif à l'outre-mer, adopté par l'Assemblée nationale avec modifications en nouvelle lecture. [Rapport n° 48 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en m'adressant à votre assemblée, et pour la première fois à cette tribune, pour vous présenter, en nouvelle lecture, le projet de loi d'orientation relatif à l'outre-mer, adopté le 12 octobre dernier par l'Assemblée nationale, j'entends bien ne pas procéder à un examen purement formel de ce texte. Mon état d'esprit est en effet tout autre.
Je souhaite, en y mettant toute la force de ma conviction, essayer de convaincre la majorité sénatoriale, qui a accepté en première lecture l'essentiel de ce texte et qui l'a enrichi, que rien ne justifie, au fond, que subsistent de véritables désaccords entre elle et le Gouvernement. Si quelques points de divergence - deux seulement, en fait - ont abouti à ce qu'échoue la commission mixte paritaire qui s'est tenue le 3 octobre dernier à l'issue de la première lecture, je veux croire, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette discussion peut les réduire.
Je souhaite surtout que notre discussion permette à chacun, dans cet hémicycle comme dans les départements d'outre-mer, de prendre l'exacte mesure des orientations affirmées par ce projet de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte n'est pas une simple loi d'étape. Il dessine un cap, sans fixer un point d'arrivée. C'est en cela qu'il est une véritable loi d'orientation.
Permettez-moi d'en donner au moins trois preuves.
Tout d'abord, ce projet de loi fonde un processus d'évolution statutaire porteur de sens et d'une exigence forte.
Plus d'un demi-siècle après la loi de 1946, près de vingt ans après les lois de décentralisation, une nouvelle page doit s'écrire pour les départements d'outre-mer. Dans le même temps qu'il affirme le droit à une évolution différenciée et choisie, ce texte reconnaît que le mouvement doit provenir de la confrontation des idées et des projets dans l'espace public local. C'est la fin d'une vision unique, dictant à l'outre-mer, depuis Paris, le chemin à emprunter.
Ce texte - et c'est, je crois, la deuxième preuve de sa qualité de loi d'orientation - vise à s'attaquer à bras-le-corps à l'enjeu majeur, au drame partagé des départements d'outre-mer que sont le chômage et la souffrance sociale que celui-ci produit, en disant haut et fort que les départements d'outre-mer ne sauraient demeurer durablement à l'écart de la croissance retrouvée par notre pays et que, bien sûr, il faut agir pour cela.
Enfin - et c'est la troisième preuve que je voulais apporter - ce projet de loi tend à dépasser l'opposition stérile entre le développement économique, d'un côté, et l'évolution institutionnelle, d'un autre côté. Ce texte donne à la République une grille de lecture indispensable pour appréhender les réalités complexes de l'outre-mer et bâtir l'action de l'Etat. Mieux organiser la solidarité n'est pas un objectif incompatible avec le respect des identités et des différences.
S'agissant du volet économique et social de ce projet de loi, que je voudrais évoquer tout d'abord, je faisais observer à vos collègues députés, lors de mon intervention à l'Assemblée nationale, que le Sénat, en première lecture, avait adopté l'essentiel des articles de ce projet de loi. Je donnais d'ailleurs acte au Sénat, et je le refais volontiers aujourd'hui, de ce que, dans bien des cas, ces travaux, ces débats et les interventions de son rapporteur avaient permis d'améliorer certaines dispositions proposées. Plus globalement, ce projet de loi d'orientation - je tiens aussi à le rappeler aujourd'hui - est le fruit d'un travail qui vient après une phase de consultation, de concertation et un rapport qui a fait date, celui de Claude Lise et de Michel Tamaya.
Au regard des amendements que la commission des lois du Sénat a adoptés, et évidemment sous bénéfice d'inventaire, il me semble que les points de désaccord se sont encore considérablement réduits par rapport à ceux qui avaient été constatés à l'issue de la première lecture. Sur le fond, dans le domaine économique et social, seuls deux d'entre eux paraissent suffisamment substantiels pour être évoqués d'emblée.
Le premier est relatif au dispositif, très attendu outre-mer depuis de nombreuses années, de congé-solidarité, prévu à l'article 9 quater du projet de loi, dispositif couramment qualifié de « préretraite contre embauche de jeunes ». Le Gouvernement a entendu en réserver le bénéfice aux seules entreprises qui seront effectivement passées aux 35 heures.
L'Assemblée nationale a rétabli cette disposition qui est, en effet, pour le Gouvernement, une condition nécessaire. Le Gouvernement a fait de la réduction hebdomadaire du temps de travail un axe majeur de sa politique en faveur de l'emploi. Les résultats en ce domaine, qui viennent d'ailleurs d'être confortés par la baisse importante du chômage que notre pays a connue en septembre - 2,5 % de baisse, soit près de 59 000 chômeurs en moins - montrent qu'il a eu raison.
Concernant le dispositif de congé-solidarité, cette condition effective jouera, de surcroît, comme un multiplicateur qui permettra d'embaucher un nombre de jeunes en contrat à durée indéterminée supérieur à celui des salariés âgés bénéficiant de ce congé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans les départements d'outre-mer, où près de 36 % de la population a moins de vingt ans, contre 25 % en métropole, les mesures prises en faveur de l'emploi des jeunes, qui sont au coeur de ce projet de loi d'orientation, doivent être à la hauteur des enjeux qui s'y posent. La condition des 35 heures, tout autant d'ailleurs que celle qui est relative à la nature des contrats de travail qui devront être proposés à ces jeunes, est donc essentielle - je voudrais vous en convaincre - pour la réussite de ce mécanisme de congé-solidarité.
Le second point de divergence, à l'issue des travaux de la commission des lois du Sénat, concerne le champ des exonérations de charges patronales de sécurité sociale, tel que prévu à l'article 2 du projet de loi d'orientation. La commission des lois, comme c'est bien sûr son droit, a réitéré son souhait que bénéficient de ces exonérations non pas les entreprises de moins de onze salariés, mais les dix premiers salariés des entreprises de moins de vingt et un salariés.
Le Gouvernement - j'ai eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises sur ce point - a toujours eu conscience de la nécessité d'atténuer l'effet de seuil que provoque ce dispositif. A ce titre, j'ai accepté à l'Assemblée nationale, au nom du Gouvernement, un amendement parlementaire qui poursuivait cet objectif et qui m'apparaît comme un bon compromis.
M. Lucien Lanier. Très bien !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. L'amendement de la commission des lois, dont je comprends bien sûr l'objectif, ne représenterait pas moins de 400 millions de francs de charge budgétaire pour un effet sans doute marginal sur l'emploi et, en tout cas, sans commune mesure avec son coût. Au demeurant, la disposition proposée ne supprimerait pas l'effet de seuil mais se contenterait de le repousser.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sur ce point, j'observe également que personne, ici pas plus qu'ailleurs et, en tout cas, pas dans les départements d'outre-mer, ne conteste que le plan d'exonérations de charges proposé par le Gouvernement est, selon la formule du Premier ministre, sans précédent.
Le dispositif antérieur, celui de la loi du 25 juillet 1994, ne concernait en effet que les entreprises des secteurs exposés. En dehors de ces secteurs exposés, les exonérations de charges ne bénéficiaient à aucune des petites entreprises. Celles-ci ne profitaient donc pas d'un système dans lequel l'exonération était plafonnée au SMIC et qui était, au demeurant, restreint par la condition d'être à jour de ses dettes sociales ou de s'être vu accorder par l'administration un plan d'apurement de celles-ci. Les dispositions de cette loi étaient limitées à cinq ans et son financement, je le souligne, reposait intégralement sur une majoration de la TVA outre-mer, c'est-à-dire sur un impôt dont chacun sait qu'il frappe indistinctement les plus riches comme les plus pauvres. Précaire, très restreint, intégralement à la charge des départements d'outre-mer - en fait de trois d'entre eux -, ce dispositif n'aura concerné que moins de 45 000 salariés.
Le projet de loi d'orientation relève d'une tout autre ambition. Aux entreprises des secteurs exposés, même lorsque celles-ci ont plus de dix salariés, s'ajouteront désormais toutes les petites entreprises de moins de onze salariés, et ce quel que soit leur secteur d'activité. Ce choix en faveur des petites entreprises découle du constat qu'elles seront, outre-mer peut être plus encore qu'en métropole, le principal gisement de créations d'emplois dans les années à venir. Quant au seuil proposé - chacun reconnaît qu'il en fallait un -, celui qui est retenu dans le projet de loi aura été choisi de façon large, car la très grande majorité des entreprises d'outre-mer - 95 % à peu près - ont en réalité un effectif moyen inférieur ou égal à deux salariés. De plus - j'insiste sur ce point -, le seuil ne concerne pas les entreprises des secteurs exposés. Vous en connaissez la liste. Cela correspond, vous le savez, à l'essentiel de l'économie des départements d'outre-mer.
Enfin, si le Gouvernement n'a pas jugé possible de suivre la position du Sénat, s'agissant de la liste des secteurs exposés, il a néanmoins accepté d'aller dans son sens, puisque, à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, y figurent désormais les nouvelles technologie de l'information et de la communication, comme l'avait demandé ici M. Claude Lise, et les énergies renouvelables, comme l'avait souhaité M. Paul Vergès.
Je rappelle que le Gouvernement avait déjà inclus dans la liste des secteurs pouvant bénéficier de ces exonérations quelle que soit la taille des entreprises le secteur du bâtiment et des travaux publics, avec une exonération qui a été ramenée à la moitié.
Dans l'avenir, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont donc 95 % des entreprises des départements d'outre-mer qui bénéficieront d'une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale, dans la limite d'un plafond désormais relevé à 1,3 fois le SMIC. Autrement dit, ce dispositif concernera près de 115 000 salariés, auxquels s'ajouteront tous les entrepreneurs et travailleurs indépendants, c'est-à-dire 55 000 personnes de plus. Enfin, les nouvelles dispositions seront pérennes et, cette fois-ci, relèveront intégralement de la solidarité nationale.
Lors de la première lecture, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, s'était également exprimée une inquiétude concernant le respect par le Gouvernement de l'engagement qu'avait pris le Premier ministre de proposer dès 2001 un nouveau système, plus efficace et plus juste, de soutien fiscal aux investissements outre-mer, en remplacement de la loi de 1986.
Issu des travaux d'un groupe de travail qui associait les représentants de l'administration aux chefs d'entreprise des départements d'outre-mer, ce nouveau dispositif figure à l'article 12 du projet de loi de finances pour 2001, projet de loi adopté par l'Assemblée nationale le 20 octobre dernier et dont la Haute Assemblée sera bientôt appelée à débattre.
Ce projet de loi a été accueilli outre-mer presque unanimement de façon très positive à la fois par les élus et par l'ensemble des milieux socioprofessionnels. Je veux néanmoins en rappeler les grandes lignes, parce qu'il participe de cet effort visant à s'attaquer radicalement aux difficultés des départements d'outre-mer.
Ce nouveau dispositif de soutien fiscal à l'investissement sera en effet marqué par une plus grande justice fiscale. Il est plus équitable. En effet, la déduction actuelle du revenu global, qui porte atteinte à la progressivité de l'impôt, sera remplacée par une réduction d'impôt plus équitable, égale à 50 % du montant de l'investissement. Tous les intervenants seront donc traités de façon équivalente quelle que soit leur tranche d'imposition ; moins critiquable, ce dispositif sera, n'en doutons pas, plus durable.
Ensuite - c'est sa seconde qualité - ce dispositif sera plus efficace économiquement. L'aide sera étendue à de nouveaux secteurs économiques qui sont réellement créateurs d'emplois : la maintenance, la rénovation hôtelière et l'acquisition de logiciels.
Vous l'avez compris, cette réforme entend avant tout être au service de l'emploi dans des secteurs qui sont aujourd'hui réellement créateurs d'emplois outre-mer.
Enfin, j'ai personnellement tenu à ce que les nouvelles technologies de l'information et de la communication figurent désormais dans la liste des secteurs éligibles à ce soutien fiscal et, à ce titre, un amendement gouvernemental a été adopté par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2001.
Je veux souligner également que les entreprises de l'outre-mer seront les principales bénéficiaires de ce soutien fiscal, ce qui n'était pas forcément le cas dans le passé. En effet, au minimum 60 % de l'avantage fiscal accordé par l'Etat leur sera rétrocédé par le biais d'une réduction du loyer.
Comme pour le dispositif d'exonération de charges sociales - et vous pourrez constater la constance du point de vue du Gouvernement en ce domaine -, des dispositions favoriseront les petites entreprises, lesquelles n'ont pas accès, aujourd'hui, à l'aide fiscale à l'investissement, beaucoup d'entre elles ne disposant pas de revenus suffisants pour investir. Désormais, pour elles, le crédit de 50 % du montant de l'investissement sera reportable et remboursable. Il pourra être imputé sur l'intégralité de leur impôt, sans plafonnement, le cas échéant sur cinq ans, avec remboursement du solde à la fin de la cinquième année.
Pour conclure sur ce dispositif, je voudrais rappeler qu'un effort particulier sera réalisé pour les départements ou territoires d'outre-mer n'ayant pas la plus forte dynamique d'investissement, c'est-à-dire pour Mayotte, Wallis-et-Futuna, mais aussi pour Saint-Pierre-et-Miquelon et la Guyane. La réduction d'impôts sera en effet portée à 60 % pour les investissements qui seront réalisés dans ces quatre collectivités.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures économiques et fiscales du projet de loi d'orientation, tout comme la nouvelle loi de soutien fiscal à l'investissement, viennent compléter, pour les départements d'outre-mer, les crédits contractualisés, nationaux et européens, dont ils bénéficieront sur la période 2000-2006. Ces crédits, je le rappelle, représentent près de 30 milliards de francs, sans préjudice des contreparties locales, soit plus de 50 % d'augmentation par rapport à la période précédente.
Pour les départements d'outre-mer, le pacte de croissance et de solidarité, que le Premier ministre avait proposé au pays tout entier en juin 1997, s'appuiera désormais sur ces trois outils, conçus en étroite synergie et qui leur permettront, j'en suis sûr, de s'inscrire enfin dans une logique de développement durable et solidaire. Je souhaite que la Haute Assemblée ne demeure pas à l'écart de ce nouveau soutien aux économies de l'outre-mer.
J'en viens maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, au volet institutionnel du projet de loi d'orientation. Là encore, je comprendrais plus aisément que la Haute Assemblée, comme vous le propose une nouvelle fois la commission des lois, affiche sur ce point son désaccord avec le projet du Gouvernement s'il était démontré que ce désaccord découle d'oppositions fondamentales comme celles qui ont parfois opposé, sur l'outre-mer, les grandes familles politiques de notre pays, à d'autres moments de notre histoire.
Or, à l'occasion de la première lecture de ce texte au Sénat, dont j'ai relu avec attention les débats, le président de la commission des lois, M. Jacques Larché, dont je veux saluer ici l'ouverture d'esprit et le souci de la recherche d'un compromis, n'avait pas caché son approbation personnelle à l'égard de l'essentiel des orientations institutionnelles proposées. Il avait simplement regretté que le Gouvernement n'ait pas choisi d'aller plus vite sur ce chemin, en proposant d'emblée la transformation des départements d'outre-mer en collectivités de l'article 72 de la Constitution, collectivités qui se substitueraient à celles qui coexistent aujourd'hui : l'institution départementale et l'institution régionale. Il n'y voyait guère d'obstacle en droit interne - peut-être avons-nous sur ce point une divergence - mais il relevait la nécessité d'examiner les conséquences de ces évolutions en droit communautaire.
Malgré ce propos, chacun conviendra en relisant l'ensemble des débats du Sénat, que ceux-ci n'étaient ni fermés ni sectaires, mais que tout a été dit des ambiguïtés qui subsistent s'agissant des perspectives d'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer.
Je vais tenter aujourd'hui, au nom du Gouvernement, de lever quelques-unes de ces ambiguïtés. En effet, je vois dans cette première lecture la confirmation du fait que les groupes politiques qui constituent la majorité sénatoriale ne s'opposent plus à cette évolution institutionnelle.
Pour être nouvelle et récente, cette approche s'inscrit ainsi en parfaite cohérence avec l'expression, désormais semblable sur ce point, des deux plus hauts responsables de notre pays. Permettez-moi de les citer : le 11 mars 2000, en Martinique, le Président de la République déclarait que l'évolution des règles statutaires de l'outre-mer était « dans la nature des choses ». Et cette orientation ne s'opposait en rien, au contraire, à la ligne directrice tracée par le Premier ministre, lorsque, écrivant aux huit présidents d'assemblées, de conseils généraux et régionaux, Lionel Jospin soulignait la volonté du Gouvernement de proposer aux départements d'outre-mer la possibilité d'une évolution.
Il n'y a donc plus d'opposition, en métropole, entre gauche et droite sur ce point.
Il n'en demeure pas moins que semblent subsister des différences d'appréciation tant sur les contraintes juridiques d'un tel exercice que sur la méthode sur laquelle il doit se fonder.
S'agissant, tout d'abord, des contraintes juridiques, j'indique que le Gouvernement ne croit ni possible ni souhaitable que le législateur, s'appuyant sur l'article 72 de la Constitution, puisse créer une collectivité unique qui viendrait se substituer non seulement à la région - ce qui est évidemment possible - mais aussi au département, collectivité de la République dont l'existence est prévue par la Constitution pour l'ensemble du pays, à l'exception des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie.
Autrement dit, pour autant qu'il ait souhaité le faire, le Gouvernement n'aurait pu proposer la création d'une telle collectivité faisant table rase des institutions actuelles par une loi simple. Pour ce faire, il faudrait tout simplement, le moment venu, une révision constitutionnelle.
Au-delà des contraintes juridiques, une telle approche aurait surtout posé un double problème de méthode. Devait-elle concerner, en effet, l'un des quatre départements d'outre-mer - ce qui, à l'avenir, est évidemment envisageable - ou s'appliquer de façon uniforme à ces quatre départements, auquel cas nous serions en désaccord ?
S'il doit y avoir une évolution institutionnelle pour les départements d'outre-mer, alors le choix du Gouvernement est sans ambiguïté.
L'évolution statutaire devra se faire en fonction de réalités et d'aspirations qui sont propres à chacun de ces départements, et non de façon uniforme.
Le choix d'une approche spécifique, « sur mesure », pour chaque département d'outre-mer est aujourd'hui commun au Président de la République et au Gouvernement. L'outre-mer est une école de la diversité !
Enfin - cela doit être également clarifié -, qui doit être à l'initiative de cette évolution institutionnelle ?
Le Gouvernement en a évidemment toujours la possibilité juridique. Mais, sur le plan politique, notre choix est tout autre. Nous entendons, en effet, que l'évolution institutionnelle procède d'abord de l'initiative locale et ne soit ni octroyée ni imposée d'en haut, depuis Paris.
Tel est donc l'objet de l'article 39 du projet de loi : donner aux élus locaux des deux assemblées un droit à l'initiative en matière d'évolution statutaire et, à ce titre, organiser ce droit.
Sommes-nous vraiment en désaccord sur ce point ? Et, si nous le sommes, quelle est la portée véritable de cette opposition ?
Le Gouvernement considère légitime de poser trois conditions politiques à l'évolution institutionnelle d'un département d'outre-mer qui y aspirerait... dans le cadre de notre République, est-il utile de le souligner ?
La première condition est que l'évolution statutaire soit d'abord l'affaire des élus du suffrage universel et ne soit en aucun cas imposée par des avant-gardes ou des minorités agissantes, sans légitimité démocratique, qui prétendraient imposer leur volonté et leur projet à la population et à ceux qu'elle a investis pour la représenter.
Ensuite - deuxième condition -, chacun voit bien que ces élus devront rechercher dans un débat démocratique et républicain les conditions d'un rapprochement des points de vue. Inévitablement, ceux-ci seront, au moins au départ, différents, parfois antagonistes, avant, je l'espère, de se retrouver le plus largement possible sur une position commune qui sera le fruit d'un compromis.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, s'agissant de l'outre-mer, je ne crois pas envisageable que l'évolution statutaire, dès lors qu'elle serait substantielle et qu'elle s'éloignerait du droit commun, puisse être mise en oeuvre sans que chacun, Gouvernement et Parlement, mais aussi élus locaux, se soit assuré qu'elle rencontre l'assentiment de la population.
Le Gouvernement a procédé ainsi pour la Nouvelle-Calédonie et pour Mayotte. Dans les deux cas, certes, les bases juridiques de la consultation de la population étaient différentes. En Nouvelle-Calédonie, la révision constitutionnelle de juillet 1998 avait prévu cette consultation. A Mayotte, celle-ci n'avait aucun caractère décisionnel et trouvait son fondement juridique dans les préambules des Constitutions de 1946 et de 1958, dont le rapprochement montre que, s'agissant des territoires, au sens physique et non juridique du terme, de telles consultations sont possibles.
Là encore, le Président de la République et le Gouvernement partagent la même appréciation, comme l'a confirmé l'intervention publique du chef de l'Etat, le 11 mars dernier, en Martinique, dans laquelle il a souhaité que « toute modification statutaire substantielle soit explicitement approuvée par les populations concernées ».
L'éloignement comme l'histoire des relations entre la métropole et l'outre-mer sont autant de facteurs qui conduisent à être convaincu que, si de telles consultations sont juridiquement possibles pour les collectivités d'outre-mer, en l'espèce, pour les départements, elles sont surtout politiquement et moralement nécessaires. Vouloir agir autrement serait prendre le risque de troubler profondément les opinions publiques en suscitant craintes et hantises, en contraignant ainsi les aspirations par la peur.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que signifie profondément l'article 39 du projet de loi d'orientation. Mais il m'est apparu nécessaire que les intentions du Gouvernement, s'agissant de l'évolution institutionnelle des trois départements français d'Amérique, où une telle aspiration semble s'être fait jour, figurent explicitement dès l'article 1er de ce projet de loi.
Sommes-nous en désaccord sur le constat, pourtant indéniable, que, parmi ces quatre départements d'outre-mer, l'un d'entre eux, le plus important par la population, a d'ores et déjà choisi la voie qu'il entendait suivre dans les années à venir ? En effet, les Réunionnais souhaitent que leur île continue d'être régie par le droit commun, sous bénéfice des adaptations prévues par l'article 73 de la Constitution.
Je l'ai dit et je le répète, le Gouvernement respectera ce choix et il entend même, suivant en cela la demande d'une majorité d'élus - qu'il s'agisse des assemblées locales, des maires ou des parlementaires - approfondir cet alignement sur le droit commun en proposant que la Réunion devienne, comme toutes les régions de métropole, une région pluridépartementale, et ce par des mesures dont certaines relèvent de la loi d'orientation et d'autres de décisions du Gouvernement.
Toutes tendances confondues, les cinq députés de la Réunion ont déposé et fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement prévoyant qu'un second département serait créé à la Réunion dès le 1er janvier 2001.
Le Gouvernement n'a pu qu'en tirer les conséquences en amendant son propre texte par l'introduction d'un article 38 bis . Il appartient désormais au Sénat de prendre ses responsabilités et de répondre, favorablement je l'espère, à cette demande.
Je reviendrai, si votre assemblée estime ne pas posséder sur ce point toutes les informations nécessaires, sur les termes du débat qui a eu lieu, localement, entre adversaires et partisans de la bidépartementalisation. J'observe cependant que, ni sur le plan local, ni sur le plan national, personne ne peut, là non plus, réduire le choix à une position partisane qui recouvrirait les clivages politiques traditionnels.
Seul parlementaire de la Réunion sur huit à y être défavorable, le sénateur Lauret sait bien que, dans son propre parti, des élus importants - je pense par exemple à Alain Bénard, maire de Saint-Paul, seconde ville du département - se sont prononcés pour la bidépartementalisation.
Dois-je rappeler par ailleurs que, là encore, le Président de la République s'est à deux reprises publiquement prononcé pour la création d'un second département ?
Si cette idée est largement partagée, c'est bien que la création d'un second département ne se limite pas à une bidépartementalisation administrative. Il y a aussi, dans ce choix, d'une part, la volonté d'une bidépartementalisation sociale, garante de plus de proximité et de solidarité - et donc d'une meilleure cohésion sociale - et, d'autre part, la recherche d'un meilleur équilibre économique, que permettront des infrastructures mieux réparties et une animation du développement local au plus près de ceux qui en sont les acteurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai ouvert mon propos en affirmant ne pas vouloir me résigner à ce que subsistent des désaccords alors qu'aujourd'hui nous pouvons ensemble mieux éclairer les termes du projet de loi d'orientation relatif à l'outre-mer. J'espère y avoir contribué et je veux rappeler ici que ce texte a été voté, en nouvelle lecture, à l'Assemblée nationale, par des élus de l'outre-mer qui siègent sur les bancs de l'opposition. Léon Bertrand, Gérard Grignon, ou encore André Thien Ah Koon ont-ils abdiqué leurs convictions ? Non ! Ils ont perçu dans ce projet, qui a été préparé par Jean-Jack Queyranne et que j'ai l'honneur de vous présenter cet après-midi, l'opportunité d'une grande loi pour l'outre-mer français. En joignant leur vote à celui de leurs collègues de la majorité, ils ont montré que pouvaient être dépassés les clivages traditionnels.
Je crois en effet que l'outre-mer, c'est-à-dire les femmes et les hommes qui y vivent, mais aussi ceux qui en sont originaires et qui vivent en métropole, mérite cet effort collectif pour dépasser la ligne qui, habituellement, partage le Parlement. Il vous appartient désormais, après l'Assemblée nationale, de le leur dire. C'est à cela que le Gouvernement vous convie ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, réunie au Sénat le mardi 3 octobre 2000, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer n'a pu parvenir à un accord. Elle a en effet très vite constaté l'impossibilité d'aboutir à un texte commun s'agissant de deux dispositions majeures du projet de loi, respectivement prévues par les articles 38 et 39 approuvés par l'Assemblée nationale mais supprimés par le Sénat en première lecture. Il s'agit, d'une part, de la création d'un second département à la Réunion et, d'autre part, de l'institution dans les autres départements d'outre-mer d'un congrès réunissant le conseil général et le conseil régional et ayant vocation à formuler des propositions d'évolution institutionnelle.
Saisie en nouvelle lecture à la suite de l'échec de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale est revenue sur nombre des modifications apportées par le Sénat.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer a été modifié par le Sénat au mois de juin dernier ; à l'issue de la première lecture dans chaque assemblée, vingt-quatre articles ont été votés dans les mêmes termes ; il restait cinquante-neuf articles en discussion, parmi lesquels de nombreux articles additionnels.
Les modifications de fond apportées par le Sénat ont concerné, pour l'essentiel, d'une part, les mesures économiques et sociales destinées à favoriser l'emploi et, d'autre part, les aspects institutionnels.
Compte tenu de la situation économique et sociale actuelle des départements d'outre-mer, caractérisée par le chômage massif qui frappe surtout la jeunesse - 35,7 % de demandeurs d'emploi à la Réunion, 30,3 % en Martinique, 28,8 % en Guadeloupe, 21,4 % en Guyane - et par la montée de l'exclusion, la commission des lois a souligné, lors de l'examen du projet de loi d'orientation en première lecture, la priorité absolue à donner aux mesures économiques et sociales destinées à favoriser la création d'emplois.
Suivant les propositions de la commission des affaires sociales, saisie pour avis, le Sénat a renforcé la portée des mesures prévues par le projet de loi d'orientation en adoptant les amendements présentés par son rapporteur, M. Jean-Louis Lorrain, afin de favoriser les créations d'emplois et d'améliorer l'insertion en incitant au retour à l'activité.
Le Sénat a voulu améliorer la compétitivité des départements d'outre-mer par rapport aux pays environnants à salaires très bas et charges sociales quasiment inexistantes - car c'est bien le noeud de la question ! - et amplifier la baisse du coût du travail par la réduction des charges sociales.
C'est ainsi que nous avons étendu le bénéfice des exonérations de cotisations sociales patronales prévues par l'article 2 et ciblé l'effort sur les entreprises exportatrices.
Notre assemblée a cherché également à favoriser la formation et l'insertion professionnelle des jeunes et à faciliter l'octroi du congé emploi-solidarité et de l'allocation de retour à l'activité.
En matière institutionnelle, je rappelle que notre assemblée, adoptant les conclusions de la commission des lois, a supprimé l'article 38, qui prévoit la création d'un second département à la Réunion, après avoir constaté l'avis défavorable du conseil général, du conseil régional et l'hostilité de la population, consultée par sondages et qui, il y a quelques jours encore, a manifesté contre la création d'un second département, appuyée en cela par les organisations socioprofessionnelles. Nous pourrions d'ailleurs prendre le pari, monsieur le secrétaire d'Etat, que, si une consultation avait lieu - mais, vous l'avez dit, cela pose un problème sur le plan institutionnel - cet article 38 serait repoussé.
Notre assemblée a estimé que la création d'un second département ne permettait en rien de résoudre le problème de l'emploi, cette réforme ayant, en outre, un coût important pour les finances publiques.
Notre assemblée a également supprimé l'article 39, créant dans les régions d'outre-mer monodépartementales une nouvelle entité, le congrès, constitué par la réunion du conseil général et du conseil régional, et ayant vocation à délibérer de toute proposition relative à l'évolution institutionnelle en vue de sa transmission au Gouvernement, qui pourrait ensuite consulter les populations intéressées.
Nous avons en effet constaté que le projet de création du congrès était loin de faire l'unanimité parmi les élus locaux, puisqu'il a suscité l'avis défavorable de six des huit assemblées locales concernées, que la procédure envisagée serait difficile à faire fonctionner et qu'elle risquait d'aboutir, de fait, à la création d'une troisième assemblée locale dont le rôle serait ambigu. Nous nous sommes d'ailleurs interrogés sur la constitutionnalité du dispositif.
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes nombreux en commission des lois, avec notre président Jacques Larché, à réfléchir à ce difficile problème de la consultation des populations, problème auquel il faudra, je le crois, que nous trouvions une solution tous ensemble.
En ce qui concerne les aspects institutionnels, traités aux titres V, VI et VII, d'une manière générale, la commission des lois a jugé insuffisantes les dispositions prévues par le projet de loi d'orientation, eu égard à la situation constatée dans les départements d'outre-mer au cours de deux récentes missions de délégations de la commission.
Il apparaît désormais nécessaire d'envisager des évolutions institutionnelles différenciées - c'est moi qui, pour la première fois, ai utilisé l'expression « cousu main », qui n'est pas loin de votre « sur mesure » - afin de mieux prendre en compte les spécificités et l'identité culturelle des différents départements, en leur permettant d'accéder à une autonomie accrue. Depuis le début, la position du Sénat n'a jamais varié sur ce point.
En revanche, notre assemblée a approuvé les dispositions tendant à conférer aux départements et régions d'outre-mer de nouvelles compétences en matière d'action internationale dans leur environnement régional, afin de favoriser le développement de la coopération régionale décentralisée, visée aux articles 22 et 23, qu'elle a enrichis de plusieurs amendements.
Le Sénat a également approuvé les dispositions allant dans le sens d'un élargissement des compétences exercées au niveau local et d'un approfondissement de la décentralisation, sous réserve d'un certain nombre d'amendements tendant à en améliorer la rédaction.
En outre, sur l'initative de son rapporteur - on voudra bien m'excuser de le dire - et dans le souci de veiller à une utilisation efficace des fonds structurels européens, qui constituent un atout essentiel pour le développement économique des départements d'outre-mer au cours des prochaines années - 23 milliards de francs pour la période 2000-2006 : c'est tout de même très important ! - le Sénat a proposé - l'Assemblée nationale l'a accepté - de consacrer dans la loi l'existence d'une commission de suivi de l'utilisation des fonds structurels européens, instance de concertation qui serait coprésidée par le préfet et par les présidents du conseil régional et du conseil général, et qui réunirait l'ensemble des interlocuteurs concernés afin d'assurer un suivi régulier de l'utilisation de ces fonds.
Pourquoi cette disposition ? Parce que le maire que je suis d'une commune qui était éligible à l'objectif 5 b sait que l'on a parfois, pour diverses raisons d'ailleurs, mais notamment en raison d'un manque de fonds de concours, des difficultés à utiliser la totalité des fonds structurels européens. Peut-être faudra-t-il modifier les règles internes régissant les crédits qui viennent abonder les fonds européens, car il serait dommage que ces sommes s'en retournent à Bruxelles.
Les autres dispositions du projet de loi d'orientation n'ont pas fait l'objet de divergences majeures entre les deux assemblées. Nous y avons néanmoins apporté un certain nombre d'améliorations, notamment sur l'initiative de nos commissions des affaires économiques et des affaires culturelles et de leurs rapporteurs, MM. Jean Huchon et Victor Reux, à qui je me plais à rendre hommage, de même qu'à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Par ailleurs, notre assemblée a inséré dans le volet économique et social du texte un certain nombre d'articles additionnels, parmi lesquels celui qui prévoit la possibilité de transférer les forêts domaniales de l'Etat dans le patrimoine des collectivités territoriales guyanaises dans un but de développement économique, suivant la proposition de notre excellent collègue M. Georges Othily, sénateur de Guyane.
Enfin, les dispositions relatives à Saint-Pierre-et-Miquelon ont été approuvées par le Sénat, qui les a complétées par plusieurs amendements concernant notamment le régime de protection sociale applicable dans cette collectivité territoriale à statut particulier, sur la proposition de notre collègue Victor Reux, sénateur de l'archipel.
Il est en outre à noter que l'article 12 bis , qui prévoit la suppression de la prime d'éloignement dont bénéficient les fonctionnaires des départements d'outre-mer, a été adopté conforme par le Sénat et n'est donc plus en discussion.
M. Jean-Jacques Hyest. Tant mieux !
M. José Balarello, rapporteur. A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens, en mon nom personnel et au nom de la commission des lois du Sénat, à appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prévoir des mesures transitoires adaptées, car nous avons tous reçu - sans doute comme vous - de nombreuses protestations de fonctionnaires de l'outre-mer. Il faudra donc, dans le décret qui sera pris pour l'application de cet article, préciser que cette mesure s'applique aux seuls fonctionnaires qui feront l'objet d'une affectation dans les départements d'outre-mer après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et non à ceux qui y sont déjà affectés, pour lesquels le versement de la prime d'éloignement est en cours, qui, bien souvent, ont fait des projets, ont réalisé des emprunts, et pour lesquels l'application de la mesure déstabiliserait les budgets.
J'en viens aux travaux réalisés par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté dix-sept articles dans la rédaction issue des travaux du Sénat et a approuvé un certain nombre de modifications d'ordre rédactionnel ou technique apportées par le Sénat.
S'agissant des dispositions ayant fait l'objet d'une divergence de fond, l'Assemblée nationale est, pour l'essentiel, revenue à son texte de première lecture, tant sur le volet économique et social que sur le volet institutionnel, bien que M. Jérôme Lambert, rapporteur au nom de la commission des lois, ait reconnu dans son rapport que les « avancées sénatoriales » avaient été « nombreuses et constructives ». Vous venez d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, de le confirmer à cette tribune.
Cependant, l'Assemblée nationale, en matière économique, a supprimé les modifications apportées par le Sénat qui tendaient à privilégier l'emploi, en constatant que ces mesures, pour « intéressantes qu'elles soient », allaient trop loin.
Tel est également l'avis du Gouvernement, nous venons de l'entendre. Nous le déplorons, car les économies réalisées seront largement dépassées par les dépenses induites par le chômage élevé qui sévira dans les départements d'outre-mer dans les années qui viennent. Il nous faut y réfléchir, monsieur le secrétaire d'Etat, car la situation risque de dégénérer, si nous n'y prenons garde.
S'agissant des dispositions introduites par le Sénat pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes, l'Assemblée nationale a approuvé l'article 9 bis A, qui étend le champ des activités ouvertes aux emplois jeunes.
En ce qui concerne les amendements adoptés par le Sénat afin d'inciter au retour à l'activité, si l'Assemblée nationale a approuvé les modifications apportées à l'article 13 relatif à l'allocation de retour à l'activité, l'ARA, elle a, en revanche, rétabli, à l'article 9 quater, l'obligation faite aux entreprises d'avoir réduit la durée du travail à 35 heures hebdomadaires pour pouvoir bénéficier du dispositif de congé-solidarité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de l'environnement des départements d'outre-mer, que ce soit dans la Caraïbe ou dans l'océan Indien, est-il bien sérieux d'imposer les trente-cinq heures aux entreprises, alors que, nous le savons, les pays voisins ne sont soumis à aucune réglementation du travail ?
L'Assemblée nationale a supprimé deux articles additionnels insérés par le Sénat : l'article 13 bis, tendant à la mise en place de conventions de retour à l'emploi, et l'article 11 bis, qui avait pour objet de faire compenser par l'Etat la charge supplémentaire des départements résultant de l'alignement du RMI.
En ce qui concerne le volet institutionnel, après avoir souhaité marquer en préambule, dès l'article 1er, la perspective d'une évolution institutionnelle différenciée de chacun des départements d'outre-mer ainsi que la possibilité offerte aux assemblées locales des départements français d'Amérique de proposer des évolutions statutaires et à leurs populations d'être consultées sur ces évolutions - nous proposerons d'ailleurs une rédaction différente par voie d'amendement - l'Assemblée nationale a rétabli, sous réserve de certaines modifications, les deux principales dispositions du projet de loi d'orientation qui ont été supprimées par le Sénat et sont à l'origine, comme je l'ai indiqué, de l'échec de la commision mixte paritaire.
S'agissant de la bidépartementalisation de la Réunion, non seulement l'Assemblée nationale en a rétabli le principe posé à l'article 38, mais, au lieu de renvoyer sa mise en oeuvre à une loi ultérieure, comme le prévoyait le texte adopté en première lecture, elle a avancé au 1er janvier 2001 son entrée en vigueur, sur l'initiative de M. Michel Tamaya et des autres députés réunionnais, qui ont notamment fait valoir leur crainte qu'une loi ultérieure ne puisse être adoptée dans des délais assez rapprochés pour permettre la mise en place de la réforme d'ici au 1er janvier 2002, compte tenu des prochaines échéances électorales.
En conséquence, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement afin de préciser les modalités de la création de ce second département à la Réunion au 1er janvier prochain, devenu l'article 38 bis.
Je rappelle par ailleurs que le projet procédait également au découpage des deux futurs départements.
Suivant la proposition de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a également rétabli l'article 39, prévoyant la création dans les régions d'outre-mer monodépartementales d'un congrès réunissant le conseil général et le conseil régional, et ayant vocation à délibérer de propositions d'évolution institutionnelle. Il y a eu tout de même une avancée puisque l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a adopté la nouvelle appellation de « congrès des élus départementaux et régionaux ».
L'Assemblée nationale a pris en compte, sur ce dernier point, les observations que j'avais formulées. Lors du débat en première lecture, j'avais en effet souligné les risques de confusion avec le Congrès du Parlement se réunissant à Versailles, voire avec le Congrès américain.
Si l'Assemblée nationale a approuvé un certain nombre d'amendements adoptés par le Sénat sur les autres dispositions du projet de loi, sous réserve de certaines précisions ou améliorations rédactionnelles, notamment dans le domaine culturel ou dans celui du logement, elle est, en revanche, revenue à son texte initial sur diverses dispositions.
L'Assemblée nationale a cependant approuvé la plupart des modifications apportées par le Sénat au titre V, relatif à la coopération régionale, et je m'en félicite.
Elle a, en outre, approuvé, sous réserve de modifications rédactionnelles, l'article 37 ter, inséré par le Sénat sur l'initiative de son rapporteur afin de consacrer dans la loi, comme je l'ai indiqué voilà un instant, l'existence d'une commission de suivi des fonds structurels européens.
Elle a, en revanche, rejeté l'article 9 quinquies A relatif aux forêts domaniales guyanaises. Mais je connais la ténacité de notre collègue Georges Othily ; il n'en restera pas là.
L'Assemblée nationale a renvoyé le règlement de cette question à une future loi sur la forêt guyanaise. Je suis certain que notre collègue Georges Othily se fera un plaisir de déposer une proposition de loi, car il m'apparaît que ce problème est important et qu'il nous faut le régler rapidement.
Quelles sont, aujourd'hui, les propositions de la commission des lois du Sénat en nouvelle lecture ?
La commission des lois se félicite, tout d'abord, que l'Assemblée nationale ait adopté dix-sept articles dans les mêmes termes que le Sénat et ait, en outre, approuvé un certain nombre d'autres modifications diverses ou de compléments que nous avons apportés aux différents volets du projet de loi d'orientation. Sur les cinquante et un articles encore en navette, elle vous propose donc d'adopter vingt-sept articles sans modification.
En revanche, la commission constate que, s'agissant des principales dispositions du texte, qui ont soulevé de réelles divergences de fond entre les deux assemblées en première lecture, l'Assemblée nationale a campé sur ses positions sans prendre en compte les arguments développés par notre assemblée.
Considérant que ces arguments sont néanmoins toujours fondés, la commission propose donc au Sénat d'en revenir, sur ces principaux points, au texte adopté par lui en première lecture en ce qui concerne tant le volet économique et social que le volet institutionnel.
Cependant, la commission considère que, compte tenu de la gravité de la situation économique actuelle des départements d'outre-mer, priorité absolue doit être donnée aux actions susceptibles de réduire le chômage massif qui frappe aujourd'hui la jeunesse de ces départements, sauf à risquer une explosion sociale d'ici à quelques années. Je pense que vous en êtes conscient, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que le Gouvernement.
La commission des lois estime donc indispensable de renforcer la portée des mesures prévues par le projet en faveur de l'emploi et de l'insertion. Aussi vous proposera-t-elle de rétablir les amendements adoptés en ce sens par le Sénat en première lecture, sur l'initiative de sa commission des affaires sociales. Je ne reprendrai pas ces mesures, car vous les connaissez ; elles avaient principalement pour objet d'étendre le bénéfice des exonérations sociales aux entreprises de moins de vingt salariés au lieu de dix. Vous nous avez dit que cela coûterait fort cher. Je pense néanmoins que c'est indispensable - je vous l'ai dit - dans le contexte des Caraïbes, de l'océan Indien et des pays limitrophes.
La commission proposera également de supprimer à nouveau la possibilité d'un abandon des créances sociales et fiscales, quitte à établir des moratoires car cette mesure serait une prime donnée aux entreprises qui se sont abstenues de régler leurs charges sociales et fiscales.
M. Jean-Jacques Hyest. Une prime à l'incivisme !
M. José Balarello, rapporteur. De même qu'en première lecture, la commission des lois regrette l'insuffisance du volet institutionnel du projet de loi eu égard à la diversité des situations locales. Ce constat la conduit à accepter d'inscrire, à l'article 1er, ce qu'a fait l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, la possibilité pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion, dans le cadre de la République d'évoluer à l'avenir vers de organisations institutionnelles qui leur soient propres.
S'agissant plus particulièrement de la Réunion, elle tient néanmoins à faire observer que cette rédaction reste compatible avec le souhait de l'ensemble des élus réunionnais de conserver le statut de département d'outre-mer, sans toutefois exclure définitivement toute perspective d'évolution de l'organisation institutionnelle de la Réunion.
La commission proposera toutefois - peut-être est-ce un voeu pieux, monsieur le secrétaire d'Etat ? - de supprimer la référence au terme de « pacte » qui n'est pas l'oeuvre du rapporteur de l'Assemblée nationale, notre collègue Jérôme Lambert. Les auteurs du texte adopté par l'Assemblée nationale devraient en effet se pencher sur l'histoire de France durant la fin du XVIIIe et le début du XIXe où existait le « pacte colonial ». (M. Georges Othily s'exlame.)
Cependant, la commission persiste à considérer que les deux principales dispositions institutionnelles du projet de loi, prévues par les articles 38, 38 bis et 39, sont inadaptées et inopportunes ; elle vous proposera donc à nouveau de les supprimer compte tenu des précisions apportées voilà quelques instants.
Par ailleurs, la commission vous proposera également de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture sur un certain nombre de dispositions, telles que la possibilité de transférer, dans certaines conditions, les forêts domaniales de l'Etat dans le patrimoine des collectivités territoriales guyanaises.
En conclusion, comme elle l'avait fait en première lecture, la commission des lois tient à aborder les perspectives d'avenir, le présent texte ne constituant à ses yeux qu'une simple loi d'étape dans la mesure où elle s'apparente davantage à un texte portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer qu'à la grande réforme institutionnelle qu'il nous faudra tôt ou tard réaliser aux Antilles et en Guyane. Vous avez d'ailleurs rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, la position du président de la commission des lois, M. Jacques Larché, qui est conforme à celle de la commission des lois du Sénat et de son rapporteur.
A cet égard, tout en soulignant la nécessité de préserver les acquis de la départementalisation et le bénéfice de l'intégration au sein de l'Union européenne et des fonds correspondants, la commission des lois rappelle que les obstacles juridiques constitués par l'article 73 de la Constitution et l'article 299-2 du traité d'Amsterdam ne doivent pas s'opposer définitivement à toute évolution du statut de département d'outre-mer vers une autonomie accrue et, le cas échéant, différenciée, à laquelle aspirent les populations concernées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumettra, la commission des lois vous propose d'adopter le présent projet de loi d'orientation pour l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 13 minutes ;
Groupe socialiste : 11 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 9 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 6 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, trois années ont été nécessaires pour préparer ce projet de loi, censé développer les activités économiques, l'aménagement du territoire et l'emploi dans les DOM.
Hélas, il faut reconnaître, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'après les coupes claires pratiquées en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale dans les propositions du Sénat, ce texte entraînera une forte déception outre-mer.
Sur le plan économique, il ne reste de notre texte que la restauration et l'amélioration de la loi Perben de 1994. L'exonération des charges patronales de sécurité sociale pour les petites entreprises répond, certes, à nos préoccupations et à nos demandes répétées, mais sa limitation aux seules entreprises de moins de dix salariés entraînera, de l'avis de tous les experts, un effet de seuil et une distorsion de concurrence.
Les dispositions relatives à l'emploi des jeunes - le projet initiatives-jeunes - sont timides et n'auront pas d'effets sensibles, compte tenu de l'importance du chômage des jeunes en outre-mer, à la Réunion en particulier.
La solution est ailleurs, car le tissu économique des DOM ne permet pas - encore moins qu'en métropole - la pérennisation des emplois jeunes, des contrats emploi consolidés, les CEC, les contrats emploi-solidarité, les CES, et autres emplois de l'économie alternative que vous privilégiez au détriment des emplois du secteur productif.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, votre texte ne prévoit rien en faveur du plan export, rien pour le logement, rien pour les 12 000 employés communaux non titulaires.
Sur le plan social, là encore, vous avez raté le rendez-vous avec les habitants des DOM, les Réunionnais en particulier.
Tous les partis politiques, toutes les collectivités locales, tous les syndicats, toutes les associations de chômeurs réclament l'alignement immédiat du RMI et de l'allocation de parent isolé, du complément familial et de l'allocation des mères de familles de plus de cinq enfants.
Les 20 % retenus pour alimenter la créance de proratisation ne bénéficient pas aux RMIstes car, paradoxalement, leurs faibles revenus leur interdisent l'accès aux logements sociaux. C'est un comble !
Or le Gouvernement oppose un veto à l'alignement du RMI dans un délai raisonnable.
En réalité, monsieur le secrétaire d'Etat, les « mesurettes » que comporte ce projet de loi n'ont qu'un seul but : faire avaler par la population la couleuvre qui s'appelle la bidépartementalisation, et ce à des fins purement électoralistes, pour sanctionner les électrices et les électeurs de mon département qui, en 1998, ont fait le choix de confier à la droite le contrôle politique du conseil général.
Dois-je vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que la population de la Réunion, les élus locaux, se sont déclarés hostiles à ce découpage inutile, dangereux, et très coûteux ?
Dois-je vous rappeler l'hostilité du conseil général et du conseil régional qui, tous les deux, à deux reprises, se sont prononcés, et contre le projet gouvernemental, et contre le principe même de la bidépartementalisation ?
Dois-je vous rappeler l'hostilité des syndicats, du patronat, des chômeurs, de la chambre de commerce et d'industrie, de l'église, bref, de l'ensemble des forces vives ?
Dois-je vous rappeler les résultats de trois sondages successifs, IPSOS et Louis Harris, qui tous les trois ont montré l'hostilité grandissante de la population à ce coup de force ?
Je précise que le dernier de ces sondages, paru le mois dernier, fait apparaître que 63 % de nos concitoyens de la Réunion refusent ce « charcutage » ; qu'à Saint-Denis, ville dont le député Tamaya, auteur du rapport contesté, est le maire, seuls 13 % de la population sont favorables à leur premier magistrat. Cela explique votre précipitation, votre affolement, à mettre en oeuvre le découpage deux mois avant les élections municipales et cantonales de mars, par une pitoyable manoeuvre digne d'une république bananière, et en violation des règles démocratiques élémentaires.
Dois-je vous rappeler la lettre du 17 février dernier de M. le Premier ministre qui fixait deux objectifs à ce projet : l'emploi et la prise en compte de la volonté du peuple et des élus locaux ?
Or, ce nouvel article 38, issu d'un amendement d'origine parlementaire qualifié chez nous d'« amendement de la honte », d'ailleurs, à mon sens, non conforme à l'article 40 de la Constitution, ne créera pas d'emplois - M. Queyranne l'a reconnu publiquement à la télévision - et ne tient compte ni de la volonté populaire ni de celles des élus locaux !
Monsieur le secrétaire d'Etat, les Réunionnaises et les Réunionnais m'ont demandé de vous dire deux choses.
D'abord, nous n'accepterons pas la politique du « fait accompli ». C'est à la population de dire si elle veut ou non de ce projet : c'est une question de morale et de démocratie sur laquelle nous ne transigerons pas !
Ensuite, ce genre de procédé, courant dans les pays totalitaires de l'ex-bloc soviétique, ne peut pas être appliqué en France, pays des droits de l'homme. A moins que certains, ici à Paris, ne nous considèrent comme des sous-Français, tout juste bons à tendre la main en disant : « merci Bwana ! »
Eh bien non, monsieur le secrétaire d'Etat, Non, mes chers collègues, nous ne sommes pas les bâtards de la République française ! Vous ne pouvez pas accepter qu'une décision aussi importante pour l'unité et l'avenir de notre département soit imposée « à la hussarde » contre l'avis largement majoritaire de notre population.
Auriez-vous, mes chers collègues, accepté une telle humiliation de vos populations dans vos propres départements ? A l'évidence, non !
Alors, mes chers collègues, je vous demanderai de ne pas vous rendre complices de ce viol de la conscience populaire et de ne pas participer à la casse de l'unité de notre petit département.
Vous ne devez pas, vous ne pouvez pas couper en deux l'île de Lacaussade, de Leconte de Lisle, de Roland Garros et de Michel Debré : « Créole un jour, créole toujours », disait-il.
J'ajoute encore que M. Raymond Barre, notre ancien Premier ministre, a qualifié hier le projet de découpage de son île d'absurde et dangereux, et a réclamé la consultation pour avis de la population.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais, avant de terminer, vous poser publiquement deux questions, qui d'ailleurs sont liées.
Pouvez-vous nous communiquer le coût exact de cette bidépartementalisation ? Des chiffres énormes ont été cités, variant de 300 millions de francs à plus de 400 millions de francs par an.
Où sont inscrits ces crédits ? Je ne les ai pas repérés dans le projet de loi de finances pour 2001.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, et même si je suis fondamentalement hostile à l'écriture en créole à l'école que vous voulez nous imposer contre notre volonté, je m'adresserai à vous en créole :
« Zot y veut coup' a nous,
Sans consult' a nous ?
Eh ben, si zot y coup' a nous,
En mars, zot va gout a nous ! » (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner le projet de loi d'orientation relatif à l'outre-mer en nouvelle lecture. Notre excellent rapporteur, José Balarello, a dit combien le Sénat avait travaillé sur le volet économique et social et apporté certaines précisions.
A cet égard, je me contenterai donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de dire que je suis personnellement choqué que l'on supprime les dettes fiscales et sociales. On ne doit y toucher qu'avec une extrême précaution !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. On ne les supprime pas !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous nous le préciserez ! Mais cela nous est quand même apparu comme une suppression des dettes. Réjouissons-nous s'il s'agit simplement d'examiner chaque situation en particulier avant de prendre les mesures nécessaires, étant toutefois précisé que cette possibilité existe déjà, ne serait-ce que dans le cadre des procédures collectives.
Je crois dès lors que nous pourrons aboutir à un accord sur ce point, car il est vrai qu'un certain nombre d'entreprises connaissent, dans ces départements, des difficultés et qu'il faut trouver des solutions, mais je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de légiférer à ce sujet : les dispositifs existants peuvent suffire.
Je n'en dirai pas plus sur le volet économique et social.
L'ensemble de la réprésentation nationale considère, semble-t-il, aujourd'hui, après le Président de la République et le Gouvernement, qu'une évolution des départements d'outre-mer est souhaitable. En fait, l'environnement à la fois géographique et culturel doit permettre à ces départements d'évoluer, à condition que les propositions recueillent l'accord de tous, du moins d'une large majorité, car il serait dangereux d'imposer des réformes qui ne sont pas acceptées par l'ensemble des populations et des élus.
D'ailleurs, je me fais une réflexion, monsieur le secrétaire d'Etat. Récemment, nous avons été conduits à examiner la situation de Mayotte. Alors que les parlementaires étaient contre et les élus locaux pour, on a consulté la population, ce qui a donné le résultat que nous avons connu.
Inversement, nous avons entendu parler - comparaison n'est pas raison, mais on ne peut pas ne pas s'interroger - de certains accords dits « de Matignon », à partir desquels, après consultation des élus régionaux, sera élaboré un projet de loi visant à supprimer des départements dans une île.
Cela montre que l'expérience après un certain nombre d'années n'est pas complètement pertinente et qu'il convient de trouver un autre système plus opportun pour l'unité de la Corse.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vais maintenant vous parler de la bidépartementalisation de la Réunion, mais sans doute pas avec la même fougue que notre collègue M. Lauret, qui est élu de ce département et qui vit donc mal ce coup de force institutionnel.
Il s'agit bien d'un coup de force institutionnel puisque, selon le texte initial du projet de loi, la bidépartementalisation, c'était pour après 2002. Cette solution ne me paraissait pas pertinente, mais ce délai permettait au moins de se préparer. L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, sans l'avis de sa commission des lois sur un article qui comportait trente-quatre amendements a voté sans discussion et sans examen. Ce n'est pas une bonne méthode pour légiférer dans le domaine institutionnel.
Certains points démontrent par ailleurs que la bidépartementalisation pose des problèmes.
L'élection des députés, on n'en parle pas ! On la reporte à une loi ultérieure.
En revanche, bizarrement, sur les trois sénateurs, il y en aura un pour le Nord et deux pour le Sud, alors que la population du Nord sera de 340 000 habitants et celle du Sud de 370 000. Une telle disparité ne me paraît pas convenable, elle pose un problème constitutionnel.
Il s'agit là de quelques exemples d'une précipitation qui traduit une mauvaise approche de l'évolution institutionnelle de la Réunion. Mais il en est d'autres qui témoignent que, en fait, l'île de la Réunion forme un tout.
Ainsi, en matière de sécurité civile, on crée un service interdépartemental de secours et d'incendie alors qu'on devrait créer un service par département ! Si un département se suffit à lui-même, comme c'est le cas sur le reste du territoire, je ne vois pas pourquoi on créerait un service interdépartemental.
Les choses sont tellement liées que, même pour l'eau, qui représente une question fondamentale pour la vie - nous connaissons bien les problèmes qui se posent à la Réunion en matière d'eau potable - on prévoit également de créer un service interdépartemental.
Honnêtement, si le fait de créer deux départements me paraissait cohérent, je serais d'accord, mais tel n'est pas le cas. Je pense que cela ne contribuera en rien au développement économique et social qu'attendent les Réunionnais, mais que cela créera des déséquilibres, sans rien changer en matière de déplacements ni de rééquilibrage économique. Créer une nouvelle structure risque de compliquer davantage encore les choses.
M. Lauret a noté en outre qu'il n'existait pas d'étude d'impact, puisqu'il s'agit d'un amendement qui a été déposé en cours de discussion. Cela est un peu dommage, d'autant qu'il faudra bien nous dire combien coûtera la bidépartementalisation, car elle a certainement un coût.
On lit par ailleurs dans le projet de loi que le département qui ne bénéficiera pas des services des fonctionnaires territoriaux pourra recruter des contractuels, alors que, dans quelque temps, nous examinerons un texte relatif à la précarité dans la fonction publique et tendant à résorber le nombre des contractuels.
Tout cela témoigne d'une improvisation totale. Bien entendu, il est toujours facile de nommer un préfet - on trouve toujours des préfets disponibles, on le sait bien, dans la République - mais je crois que ce n'est pas suffisant.
Je regrette vraiment que la réflexion d'ensemble n'ait pas été menée sur une évolution institutionnelle qui est souhaitée. Mais je dois constater que, de ce point de vue, le projet de loi débouche sur peu de choses. Je pense donc que nous aurons à réfléchir à nouveau ensemble pour que les départements d'outre-mer, avec la consultation des populations, puisqu'elle est prévue par ailleurs, puissent proposer des structures qui leur conviennent, qui soient adaptées à leur situation, et, surtout, qui contribuent à leur développement, ce que ne permet pas le texte soumis à notre examen.
Pour toutes ces raisons, mon groupe soutiendra, bien sûr, les propositions de la commission des lois qui visent à supprimer notamment tous les articles concernant l'avenir institutionnel de l'outre-mer, en regrettant que la chance de bâtir un projet plus ambitieux n'ait pas été saisie. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Payet.
M. Lylian Payet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui, en nouvelle lecture, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, tel que nous l'avions étudié, ou presque, en première lecture puisque, après l'échec de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale a rétabli pour l'essentiel le texte qu'elle avait voté au mois de mai dernier.
Sans vouloir reprendre les termes du discours que j'avais prononcé à cette même tribune le 13 juin - de toute façon, le temps qui m'est imparti ne me le permettrait pas - je souhaiterais néanmoins insister sur quelques points qui me paraissent fontamentaux et que j'avais développés à l'époque.
En premier lieu, je tiens à redire que le rattrapage sur trois ou sept ans de certaines prestations sociales sur le niveau métroplitain me paraît toujours aussi inacceptable au regard du principe de l'égalité entre les citoyens, car l'application de ce principe ne souffre pas de délai.
J'ai dit et je redis que plus rien, juridiquement, ne justifie la différence dans le montant versé aux allocataires selon qu'ils résident en métropole ou dans un département d'outre-mer.
J'ai dit et je redis qu'à la Réunion cette revendication dont je me fais l'écho fait l'objet d'un consensus, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.
Je sais bien que la procédure ne me permet pas de redéposer des amendements proposant un alignement immédiat du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé, mais l'intention demeure.
Je sais bien aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, car vous l'avez dit tant à l'Assemblée que devant la commission des affaires sociales, que, s'agissant du RMI, le délai de trois ans est un maximum et que, d'ici à la fin de l'année, le calendrier exact de l'alignement serait défini. J'estime que nous sommes presque à la fin de l'année : pouvez-vous aujourd'hui nous donner de plus amples précisions sur ce point ?
Outre cet aspect social, qui demeure à mes yeux primordial, je regrette que, sur l'aspect économique, l'Assemblée nationale n'ait pas retenu les améliorations qu'avait apportées le Sénat afin de renforcer les dispositifs d'aide à l'emploi et à l'insertion. Notre commission des lois proposera de les rétablir. C'est très bien ainsi car n'oublions pas, mes chers collègues, que le problème majeur qui se pose dans nos départements c'est le chômage. C'est sur cette question que nous devons mobiliser nos énergies et travailler ensemble pour éviter l'explosion sociale.
Or, force est de constater que l'on retiendra surtout de l'examen de ce projet de loi les passions qu'il a soulevées autour de deux questions seulement : êtes-vous pour ou contre la bidépartementalisation de la Réunion ? Etes-vous pour ou contre le congrès aux Antilles ?
J'en viens donc maintenant au sujet qui divise, je dirai même qui fâche : le volet institutionnel. C'est le principal sujet de désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, celui qui a provoqué l'échec de la commission mixte paritaire.
L'Assemblée nationale a non seulement rétabli la création d'un second département à la Réunion, qui avait été supprimée par le Sénat, mais elle l'a avancée au 1er janvier 2001 et, sur l'initiative du Gouvernement, elle a défini les modalités de sa mise en oeuvre. Nous avons les uns et les autres exprimé nos positions lors du débat en première lecture. Est-il vraiment utile de reprendre la discussion aujourd'hui ?...
La commission des lois du Sénat proposera de supprimer les articles 38 et 39. Ceux qui avaient voté cette suppression au mois de juin referont bien entendu de même aujourd'hui. Nul doute que l'Assemblée nationale, en dernier lieu, rétablira ces dispositions.
Je dirai simplement à ce sujet que je regrette sincèrement que cette question ait été le centre d'un combat politique, pour ne pas dire politicien, surtout à la Réunion, qui a occulté les autres dispositions du projet de loi en diabolisant la bidépartementalisation et en jetant l'anathème sur ceux qui la défendent. Il suffit pour s'en convaincre d'avoir écouté certains discours.
Depuis, les passions se sont apaisées à la Réunion. Pour beaucoup de Réunionnais, malgré ce que l'on dit ici ou là, la messe est dite. Même la presse, par ses articles de fond, explique ce qui va se passer dans les deux départements.
Quant à moi, je consacrerai mon énergie au développement des deux départements créés dans un objectif de développement général de la Réunion et pour le plus grand bien des Réunionnais, et ce sans avoir à respecter les consignes de parti, car mon parti, c'est la Réunion.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dès que la loi sera promulguée, nous comptons sur votre diligence pour faire paraître au plus tôt les nombreux décrets d'application nécessaires afin de répondre aux attentes des populations d'outre-mer. Globalement, cette loi d'orientation est une chance pour la Réunion. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'Assemblée constituante, en adoptant à l'unanimité, le 19 mars 1946, la loi de départementalisation, ouvrait, pour les quatre vieilles colonies, comme on les appelait, l'ère de l'égalité. Cinquante-cinq ans plus tard, la loi d'orientation pour l'outre-mer annonce l'ouverture d'une ère nouvelle à la Réunion.
Après la réalisation prochaine et définitive de l'égalité sociale, cette ère nouvelle sera placée sous le double signe du développement durable et de la responsabilité reconnue aux Réunionnais.
A l'évidence, le projet de loi d'orientation marque une étape importante dans la marche des Réunionnais vers l'égalité et vers le développement, indissociables l'une de l'autre.
Il s'agit d'une étape finale vers l'égalité, commencée en 1946 et aujourd'hui quasiment achevée avec l'engagement répété du Gouvernement de procéder à l'alignement du RMI dans les meilleurs délais.
Il s'agit d'une étape décisive dans la marche vers le développement, ouverte dès 1992 par les Réunionnais, avec l'élaboration d'un Plan de développememnt actif. L'élaboration d'un projet de développement solidaire, global et cohérent constitue en effet à la Réunion une priorité stratégique depuis plus d'une décennie.
L'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2001 concrétise aujourd'hui ces efforts.
Par l'effort budgétaire sans précédent qu'il représente, par l'ampleur des mesures de soutien au secteur productif, par le caractère volontaire et novateur des dispositifs tendant à la création massive d'emplois dans le secteur traditionnel comme dans l'économie solidaire, par la valorisation de nos nombreux atouts, notamment en matière de coopération internationale, par son caractère global et cohérent, ce projet de loi d'orientation fait renaître l'espoir d'un renversement des tendances.
En raison de la simultanéité dans l'application de la loi d'orientation, du dispositif de soutien fiscal à l'investissement, que l'on appelle la défiscalisation, du contrat de plan Etat-région pour 2000-2006, du plan de développement régional avec l'Union européenne, les conditions semblent aujourd'hui objectivement réunies pour qu'un « bond en avant » soit opéré.
Mais passer de la mythologie du développement à sa réelle concrétisation suppose de part et d'autre des efforts continus et soutenus.
Cela signifie que, si le vote par le Parlement de la loi marque l'aboutissement d'un processus d'élaboration législatif, ce vote représente surtout un point de départ dans l'action afin d'inscrire dans le quotidien des Réunionnais les changements attendus. La tâche est immense ; elle est devant nous. A la Réunion, le 1er janvier 2001 doit sonner l'An I du développement durable !
Les Réunionnais, comme en témoigne leur implication dans l'élaboration de ce projet de loi, seront au rendez-vous. Les acteurs du développement, les collectivités locales, les entrepreneurs, les artisans, les pêcheurs, les agriculteurs, les jeunes et le monde associatif ont accompagné pas à pas, au cours de ces deux années, la préparation de cette loi ; ils sauront tirer le meilleur des mesures qui sont proposées. Les dizaines de milliers de chômeurs aussi - et en premier lieu les jeunes - qui attendent les créations d'emplois.
C'est une responsabilité immense pour tous - élus comme acteurs économiques - car une telle conjonction d'éléments favorables est rare dans l'histoire d'un pays.
Nous serons, pour notre part, attentifs à la prise rapide des décrets d'application et à l'accompagnement qu'apporteront les services déconcentrés de l'Etat à la mise en oeuvre dans les meilleures conditions des mesures inscrites dans la loi.
Ces efforts ne doivent pas occulter l'ampleur des réformes qui restent encore sans réponse ; dans le cadre de l'élaboration de la loi Sapin, des solutions doivent être proposées au problème très sérieux de la fonction publique territoriale outre-mer.
Nous en avons longuement débattu au cours de la première lecture et chacun s'accorde sur le fait que l'avenir de notre administration communale en dépend.
Avant de conclure, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je dirai un mot sur le volet institutionnel, qui a largement été discuté en première lecture devant notre assemblée.
L'Assemblée nationale a rétabli, pour les départements français d'Amérique, l'article 39, et, pour la Réunion, l'article 38, qui instaure un second département au 1er janvier 2001.
La commission des lois de notre assemblée a confirmé sa proposition de suppression de ces deux articles.
Je veux, sans insister, souligner que la présente loi forme un tout global et cohérent. Le projet de développement qui se dessine fait du volet économique de la loi un élément indissociable des autres volets : social, culturel et politique.
A la Réunion, il est important que les mesures d'ordre économique et social puissent se déployer dans un cadre favorisant un aménagement plus équilibré du territoire, que permettra, précisément, la création d'un second département.
Je tiens aussi à dire avec mon collègue Robert Bret, qui interviendra sur cet aspect dans le débat, qu'à l'heure où des réflexions légitimes sont engagées pour donner un nouveau souffle à la décentralisation le statu quo que la commission des lois propose en fait à l'outre-mer laisse perplexe.
Le sens historique commande de répondre à cette aspiration à un pas en avant en faveur d'un développement durable dans la responsabilité reconnue.
Au-delà des réponses immédiates à la situation d'urgence que connaissent nos régions d'outre-mer, nous ne devons pas perdre de vue des problématiques essentielles - comme la croissance démographique ou les conséquences de l'effet de serre sur le climat - qui, bien que moins apparentes pour certaines, accumulent chaque jour les éléments qui bouleverseront la réalité de demain.
La réelle prise en compte de ces données et leur anticipation sont la condition pour que les efforts importants réalisés aujourd'hui ne soient pas annihilés demain. Mais notre séance signifie que nous nous acheminerons dans quelques semaines vers ce que nous appellerons, encore une fois, l'An I du développement durable et solidaire de la Réunion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne sais pas si tous, ici, nous mesurons bien l'impatience des futurs bénéficiaires de la loi d'orientation pour l'outre-mer.
Je ne sais pas si nous avons suffisamment conscience de l'état d'esprit dans lequel peut se trouver, par exemple, celui qui attend de savoir s'il va ou non se lancer dans une opération de développement de sa PME ou de son hôtel, de son restaurant, de son commerce ou encore de son exploitation agricole, ou de l'état d'esprit de celui qui, plus simplement, veut savoir s'il va enfin pouvoir procéder au minimum d'embauche lui permettant de travailler désormais dans les conditions minimales d'efficacité et de rentabilité. Il s'agit d'une interrogation angoissante émanant notamment, nous le savons, d'une majorité d'artisans ou de petits patrons pêcheurs.
Je ne sais pas si nous avons suffisamment conscience de l'état d'esprit de celle ou de celui dont l'activité ne peut plus se poursuivre sans la mise en oeuvre rapide de véritables plans de sauvetage contre les effets d'un trop lourd endettement social et fiscal. Et de l'état d'esprit du jeune demandeur d'emploi, du chômeur de longue durée ou du RMIste suspendu à l'espoir de pouvoir créer, grâce à une aide appropriée, sa propre entreprise.
Tous ont vraiment hâte de voir mises en oeuvre les nombreuses dispositions du projet de loi d'orientation sur lesquelles je suis longuement intervenu en première lecture et dont ils savent pouvoir attendre beaucoup quoi qu'en disent, avec une parfaite mauvaise foi, ceux qui parlent à ce propos de « mesurettes ». Je pense aux allégements de charges, au projet initiative jeune, à l'allocation de retour à l'activité, aux primes à la création d'emplois, aux plans d'apurement des dettes sociales et fiscales, etc.
Ils ne mettent nullement en cause la méthode d'élaboration de ce projet de loi, qui, pour une fois, a permis d'accorder le temps qu'il fallait à la consultation des acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels des DOM.
Pourtant, ils ne comprennent pas que, au terme d'une première lecture qui a permis non seulement à l'Assemblée nationale et au Sénat d'améliorer et d'enrichir incontestablement le texte mais aussi de clarifier les questions qui pouvaient faire débat, députés et sénateurs ne soient pas parvenus à un accord permettant une mise en application, la plus rapide possible, du projet de loi.
Ils ont surtout le sentiment qu'en la matière ce sont des intérêts partisans qui ont prévalu et que, au bout des stratégies qu'ils devinent, il ne reste pas grand-chose de leurs préoccupations quotidiennes.
Comment comprendre, en effet, la position de blocage obstiné affichée par la majorité de la Haute Assemblée à l'encontre de l'article 38 et de l'article 39 ?
Mon collègue Paul Vergès a rapidement dit ce qu'il fallait au sujet de l'article 38.
S'agissant de l'article 39, qui intéresse plus particulièrement les départements français d'Amérique, vous me permettrez de faire fi des faux-semblants et de dire clairement où se situe réellement le débat.
Il suffit d'examiner les choses avec un tant soit peu d'objectivité pour se rendre à l'évidence !
La suppression de l'article 39 est réclamée non pas parce que les dispositions que comporte cet article apparaissent contestables en elles-mêmes, mais tout simplement parce que celles-ci ne conviennent pas à la démarche politique empruntée depuis quelque temps par trois personnalités politiques qui président les trois conseils régionaux des DFA, et dont l'une se trouve être membre de la majorité sénatoriale.
Cela est si vrai que j'en connais plus d'un ici qui ont d'abord accueilli favorablement la méthode d'évolution institutionnelle et statutaire différenciée, démocratique et transparente que j'ai proposé de retenir pour les DOM et que l'on retrouve, pour l'essentiel, à l'article 39, puis qui ont changé de position depuis la publication d'un certain « Appel de Basse-Terre ».
En fait, cet appel n'est rien d'autre qu'un compromis passé entre ses signataires - qui appartiennent à trois camps jusque-là opposés : le camp indépendantiste, le camp autonomiste et celui que l'on appelait traditionnellement le camp départementaliste - sur un objectif d'évolution statutaire qu'ils estiment indispensable pour les trois DFA.
On ne voit donc pas, au premier abord, pourquoi il faudrait mettre en parallèle, et plus encore en opposition, ce qui se présente comme un projet, ou plus exactement une ébauche de projet, et les dispositions contenues à l'article 39 du projet de loi d'orientation qui, elles, constituent un cadre légal et une méthode d'évolution institutionnelle ou statutaire.
Autrement dit, rien n'empêchait - et n'empêche toujours - les tenants de l'Appel de Basse-Terre de continuer à étoffer leur projet, jusqu'ici inachevé, et de décider de le soumettre aux élus locaux réunis en congrès dans chacun des trois départements concernés sitôt la promulgation de la loi d'orientation.
Alors il faut bien trouver de mauvaises raisons à un refus dont on ne veut pas avouer les vrais motifs !
C'est ainsi qu'on nous dit qu'il n'est pas nécessaire de faire inscrire dans la loi la possibilité pour les élus départementaux et régionaux de se réunir en congrès. Quoi de plus évident, en effet !
Sauf que, soyons sérieux, l'article 39 ne se résume nullement à la simple réunion en congrès des élus locaux.
Il fixe également les modalités de prise en compte, par les instances gouvernementales, de tout projet d'ordre institutionnel et, surtout, il prévoit, en cas de proposition de changement de statut, la mise en oeuvre d'une consultation des populations intéressées.
Mais, s'agissant du seul congrès, si son inscription dans la loi est tellement inutile, pourquoi tant de beaux esprits dépensent depuis des mois autant d'énergie pour l'en empêcher ? Pourquoi certains ont-ils fait une fixation quasi névrotique sur cette question, au point d'avoir réussi, pendant assez longtemps, à occulter toute la partie économique et sociale du projet de loi d'orientation ?
Alors on nous dit : « Oui, mais, de toute façon, ça ne passera pas la barrière du Conseil constitutionnel ! » Et comme le propos cache mal ce qui est le plus souvent un souhait, ceux qui le tiennent s'apprêtent en général à faire en sorte qu'il y ait à coup sûr saisine du juge constitutionnel.
Dans ces conditions, malgré ce qu'en pense le Conseil d'Etat et nombre d'éminents constitutionnalistes, on ne peut nier l'existence du risque. Mais, pour autant qu'il existe, je ne vois pas pourquoi il ne faudrait pas l'assumer. Je ne vois pas non plus pourquoi cela devrait nous priver de l'occasion de voir si, avec le temps, compte tenu de l'évolution des esprits sur les questions institutionnelles, de l'apport de l'Europe dans ce domaine, notamment de l'existence de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, le Conseil constitutionnel n'a pas quelque peu infléchi son interprétation jusqu'ici extrêmement restrictive de l'article 73 de la Constitution.
Il est d'ailleurs curieux de constater que ceux qui semblent si sourcilleux s'agissant de la constitutionnalité du congrès ne s'attardent pas trop sur le point de savoir quel sort pourrait être réservé par le Conseil constitutionnel à leur propre projet, qui, tel qu'il se dessine, pose manifestement des problèmes autrement plus épineux de compatibilité avec la Constitution actuelle.
Pour ma part, même dans le cas où l'article 39 serait censuré par le Conseil constitutionnel, je considère que subsisterait malgré tout un acquis indéniable.
En effet, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le seul fait qu'un gouvernement ait accepté d'inscrire dans un texte législatif une procédure d'évolution institutionnelle et statutaire différenciée des DFA constitue une importante victoire politique.
Le vote de cette disposition par le Parlement constituera une seconde et encore plus importante victoire. Ce sera, pour la première fois, l'obtention d'une reconnaissance officielle du droit à l'autodétermination des peuples martiniquais, guadeloupéen et guyanais.
A partir de là, il est incontestable que, désormais, rien ne sera plus comme avant.
Et même dans l'hypothèse d'une censure du Conseil constitutionnel, les élus locaux se trouveront dans un contexte beaucoup plus favorable qu'auparavant pour réclamer en même temps que les modifications de la Constitution absolument indispensables à la mise en oeuvre d'un éventuel changement de statut celles qui permettront une consultation des populations concernées.
Cette consultation des populations est pour moi le point fondamental, et je ne suis pas sûr qu'il n'existe pas là une vraie divergence avec les tenants de la démarche de Basse-Terre. Certes, ceux-ci proclament qu'ils sont partisans de consultations locales en cas d'évolution statutaire. Ce serait d'ailleurs politiquement suicidaire pour eux de dire autre chose, tant les citoyens de nos départements y sont profondément attachés.
Mais je m'interroge sur ce qui, dans l'article 39, constitue leur cible réelle. A travers le congrès, n'est-ce pas avant tout la procédure de consultation locale qui est visée ? Je suis d'autant plus porté à le croire qu'un amendement présenté par la commission des lois tend à supprimer, à l'article 1er, le paragraphe introduit par l'Assemblée nationale pour précisément mettre en valeur, dès le début du texte, la nécessité de garantir, dans le cadre de tout processus d'évolution, la maîtrise locale de la décision finale.
Sur un plan plus général, je suis convaincu qu'il existe, en réalité, une divergence fondamentale entre deux démarches face à la nécessité de doter les actuels DFA d'un niveau de responsabilité locale suffisamment important pour leur permettre de mieux convevoir leur développement, de mieux préserver leur identité et de mieux maîtriser leur avenir en fonction des aspirations de leurs peuples. Cette divergence ne porte pas forcément sur le modèle d'autonomie régionale pouvant correspondre à cette nécessité ; elle porte essentiellement sur la voie à emprunter pour y parvenir.
Je suis, pour ma part, évidemment favorable à toute discussion visant à rechercher le statut d'autonomie le plus pertinent pour la Martinique. Cela ne devrait étonner personne puisque, militant autonomiste de longue date, j'ai fait le choix de répondre à un appel qui date, lui, de 1956, l'appel d'Aimé Césaire qui se conclut par le fameux : « L'heure de nous-mêmes a sonné ! » Simplement, en matière de statuts, je demande à voir de très près, persuadé que, plus un pays est petit, plus il faut être exigeant sur la présence de contre-pouvoirs et de garde-fous démocratiques.
Par ailleurs, même si un statut pouvait m'apparaître particulièrement indiqué pour la Martinique, je ne me sentirais pas le droit de l'imposer à qui que ce soit, d'autant que je suis intimement convaincu que la voie d'évolution choisie conditionne largement ce que deviendra un projet. « Le but est dans le chemin » disent, à juste titre, les maîtres bouddhistes.
On le voit, le véritable débat se situe, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à cette tribune, entre ceux pour qui toute évolution statutaire dans un DOM doit s'opérer selon des voies réellement démocratiques et ceux pour qui elle doit être l'affaire de minorités agissantes s'octroyant le droit de parler, de négocier et de décider à la place du peuple.
Il est évident que ceux qui ont décidé d'opter pour la deuxième solution ne peuvent que combattre la procédure prévue à l'article 39. Face à une telle alternative, je ne peux vraiment pas croire que la Haute Assemblée puisse persister à faire le choix de l'aveuglement. Je souhaite donc que, sur l'article 39, l'on n'assiste pas une nouvelle fois à un vote mécanique mais que chacun ait vraiment à coeur de voter en conscience.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes collègues, le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer tel qu'il nous est soumis est un très bon projet. Il peut encore être quelque peu enrichi. C'est dans cette optique que je présenterai tout à l'heure trois amendements.
Il ne doit cependant être ni mutilé ni dénaturé. Il doit absolument conserver toute sa cohérence si l'on veut qu'il traduise une réelle volonté de rupture dans la manière habituelle d'appréhender les réalités des départements d'outre-mer.
N'ayons garde désormais, en nous attaquant aux problèmes économiques et sociaux qui s'y posent et dont on connaît l'acuité, d'oublier la demande de responsabilité des peuples.
C'est seulement à ces conditions que, avec l'ensemble du groupe socialiste, je serai en mesure d'émettre un vote favorable sur le texte qui sortira des travaux de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'annonce du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer a été accueillie de façon favorable. Il le fut, d'abord, parce que, depuis la loi Pons, puis la loi Perben, l'outre-mer semblait oublié. C'est la raison pour laquelle les parlementaires de tous bords politiques réclamaient au Gouvernement un débat de fond sur l'outre-mer.
Ensuite, le fait de confier à deux parlementaires de l'outer-mer la mission d'émettre des propositions ne pouvait que créer un grand espoir : celui de voir prendre en compte la réalité de nos problèmes.
Hélas ! la désillusion allait poindre rapidement.
En effet, au rapport Lise-Tamaya, alors toujours en gestation, se sont substitués d'autres rapports techniques - le rapport Mossé, le rapport Senners, le rapport Fragonard - qui ont occulté le rapport des parlementaires en mission et, tandis qu'une grande publicité a été donnée au rapport Fragonard, le rapport Lise-Tamaya est arrivé, lui, tout doucement, par la poste !
Le projet de loi tant attendu fut finalement publié dans la précipitation le 13 décembre, à la suite de la déclaration de Basse-Terre du 1er décembre, déclaration que vous devriez lire, monsieur Lise. En tout cas, je peux vous dire qu'il n'a jamais été question pour nous, qui connaissons mieux la violence que vous, d'imposer notre point de vue aux populations. Au contraire, nous avons cherché à ouvrir entre nous, loin des clivages politiques, une consultation, un débat, nous avons souhaité entendre et écouter nos compatriotes.
Cela gêne beaucoup que, en Guadeloupe, nous soyons arrivés à faire ce que certains n'ont pu obtenir. C'était une gageure que de faire siéger ensemble M. Marie-Jeanne, qui réclame l'indépendance, M. Karam, autonomiste, et moi qui ai toujours défendu la présence française au péril de ma vie et de celle de ma famille, ce que vous semblez oublier.
Le projet de loi actuel ne tient pas compte de certains avis pertinents des rapports techniques ni même des propositions - je suis plus objective que vous, mon cher collègue - que vous aviez formulées dans votre rapport en vue de déboucher sur plus de décentralisation et sur la recherche de nouveaux moyens financiers pour les collectivités.
De même, le Gouvernement ne fait aucun cas des avis défavorables des collectivités territoriales. Le conseil régional de Guadeloupe, composé de membres de la majorité et de l'opposition, a ainsi voté contre le projet de loi et pour la déclaration de Basse-Terre et les études qui ont suivi.
Le projet de loi était considéré à l'époque comme tellement important qu'on a pu le comparer à l'abolition de l'esclavage, mais il a subi depuis de très nombreuses modifications.
Vous ne m'avez pas convaincue tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, quand vous avez déclaré qu'il fallait consulter les populations des départements français d'Amérique à propos des institutions alors que, d'ores et déjà, en vertu du point de vue d'élus locaux et de certaines personnes, vous avez décidé d'appliquer la bidépartementalisation. Je considère, pour ma part, que la consultation des populations est un devoir sacré, une condition du respect de la démocratie.
J'ai relevé dans ce texte quantité de contorsions qui me gênent ; je vais les rappeler rapidement.
Le Gouvernement a conscience du fait que les charges sociales et fiscales pénalisent les entreprises de l'outre-mer qui sont fragiles, mais il ne propose que quelques mesurettes, et non pas un dispositif global plus lisible.
J'ai entendu tout à l'heure M. le rapporteur, parlant des 35 heures, montrer le handicap que ce dispositif représentait par rapport aux pays de la zone. Mais enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, qui chez nous travaille trente-cinq heures par semaine ? Vous avez oublié Noël, Pâques, le 1er novembre, le 2 novembre, le carnaval, qui dure neuf jours, etc. (Sourires.) Il fallait mettre tout cela à plat !
Il faut prendre conscience des réalités de l'outre-mer !
Par ailleurs, fixer à dix salariés le seuil maximum permettant de bénéficier des exonérations revient à créer une concurrence déloyale lors de la participation aux appels d'offre parce qu'une entreprise qui emploiera dix salariés pratiquera des prix plus intéressants que celle qui en comptera onze.
Une autre contradiction me paraît devoir être relevée : la sous-consommation des fonds structurels européens induit comme solution la création d'une commission que j'appellerai « commission de bavardage ». En effet, cette solution traduit une méconnaissance des causes profondes et réelles de la sous-consommation.
Sous-consommation, pourquoi ? Le département de la Guadeloupe n'a pas consommé les 120 millions de francs destinés à ses ports parce que ce département est en faillite chronique.
Sous-consommation pourquoi ? Parce que la région Guadeloupe n'a pas reçu les 217 millions de francs qui devaient lui être versés au titre des années 1998, 1999 et 2000.
Sous-consommation, pourquoi ? Parce que les porteurs de projets n'ont pas les moyens de les faire avancer.
Pour remédier à cette sous-consommation, nous avions proposé la mise en place d'un fonds régional de préfinancement des fonds européens. Nous n'avons jamais obtenu de réponse sur ce point.
Vous proposez que soit créé un véritable comité de suivi, mais ce comité de suivi existe ! Il est obligatoire ! Le comité de suivi est prévu aux pages 23 et suivantes du DOCUP, le document unique de programmation. Il se réunit au moins deux fois par an. Il module les plans, il établit un déflateur qui permet une meilleure répartition. Je peux dire que, dans la région que je préside, 90 % des fonds européens ont été consommés grâce à une répartition très intelligente qui s'exerce au niveau du comité de suivi.
Pour répondre à l'éloignement - et je ne parle pas d'une liaison entre la capitale régionale et Paris comme on l'a toujours favorisée en Corse - nous demandons un traitement de l'archipel guadeloupéen, qui comporte six îles. Pour répondre à ce handicap, le Gouvernement ne propose qu'une mesure, qui est déjà en application, d'ailleurs : réduire le prix du livre.
Certes, il doit y avoir un CAPES de créole. C'est très bien ! Mais quel créole allez-vous enseigner dans nos écoles ? Celui de Basse-Terre, de Grande-Terre ou de Marie-Galante ? En tout cas, attention au créole américain, qui est en train de pénétrer dans la zone de la Caraïbe !
Autre motif d'étonnement : l'article 36 bis.
Cet article est sans fondement. Il crée une discrimination entre les îles de Saint-Barthélémy, de Saint-Martin et les autres îles de l'archipel. De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, il méconnaît le contenu du contrat de plan signé avec l'Etat qui, à la page 65, comporte déjà un dispositif de développement des îles comprenant des mesures spécifiques, non pas seulement pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, mais pour les six îles qui composent l'archipel de la Guadeloupe. Il y a des mesures pour Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Marie-Galante, Grande Terre, Basse Terre et Desirade, et ce depuis le XIe plan, soit 1994.
Autre ambiguïté : le congrès.
Le fonctionnement du congrès plaît à certains de nos collègues, mais il est pour le moins tortueux ! Il était d'abord convenu que le congrès délibérerait, que la décision serait transmise au Premier ministre et qu'à la réunion suivante un procès-verbal viendrait confirmer les décisions déjà transmises. Maintenant, chaque assemblée sera amenée à entériner les décisions du Congrès... Ce n'est pas sérieux, monsieur le secrétaire d'Etat !
A l'heure actuelle - peut-être les élections qui se profilent perturbent-elles certaines personnes, je peux le comprendre - une grève des transports frappe la Guadeloupe. Cette grève dure depuis deux mois et l'on ne parvient pas à réunir autour de la même table des représentants du conseil général et du conseil régional pour trouver une solution à ce problème qui touche les populations les plus déshéritées. Je le répète, ce n'est pas sérieux, monsieur le secrétaire !
Il n'est pas sérieux non plus, monsieur le secrétaire d'Etat, que RFO ait complètement transformé vos propos. Au demeurant, la population, qui est sans doute plus intelligente qu'on ne le croit, a compris que M. le secrétaire d'Etat n'avait pas pu dire cela. Cela a évité bien des perturbations !
L'affaire des transports est également symptomatique. Le conseil général propose de faire voter une quatrième assemblée, l'assemblée des transporteurs, et d'en faire des fonctionnaires.
Toutes ces questions montrent bien que le fonctionnement du congrès est tortueux.
Nous n'avons pas peur du congrès maintenant, mon cher collègue Lise, car, en Guadeloupe, nous sommes majoritaires. Le congrès fera donc ce que le conseil régional décidera. C'est le fonctionnement du congrès qui n'est pas bon. Nous l'avons dit. Si c'est la première fois qu'on en parle ici, c'est parce que - vous l'avez peut-être oublié - c'est la première fois que j'interviens dans ce débat.
Bref, le projet de loi qui nous est soumis est confus. Il traduit une méconnaissance du fait domien et l'oubli de données importantes.
S'agissant de la banane antillaise, par exemple, la France aurait été bien inspirée d'utiliser la jurisprudence intelligente de l'Espagne, qui a appliqué la préférence nationale sur son territoire, et ne pas laisser la banane antillaise, française, européenne, se trouver en concurrence avec la « banane dollar » américaine.
J'en viens au problème de la pêche, monsieur le secrétaire d'Etat. Depuis 1987, nous entendons parler des zones territoriales et de leur délimitation.
Or, quand un Français de l'hexagone est arrêté dans une île quelconque, on dépêche des émissaires pour régler le problème et quand un marin-pêcheur de la Guadeloupe est arrêté, emprisonné à Sainte-Lucie ou à Antigua, ce sont les élus locaux qui doivent se débrouiller sur le terrain pour tenter de trouver une solution.
Parallèlement, le problème des zones territoriales n'est pas réglé et nous continuons à voir des bateaux étrangers venir piller nos eaux territoriales.
Le thème de la coopération a été évoqué et chacun s'est montré très satisfait. J'ai bien entendu vos propos sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat.
Mais votre coopération est bien à plat. Pourquoi ?
Le premier discours de coopération, le plus important, a été prononcé par M. Rocard, alors Premier ministre. Ce fut son fameux discours de Cayenne.
Puis, M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères mit sur pied l'association des Etats de la Caraïbe, dont l'acte de naissance fut signé à Carthagène et ratifié par une loi du 29 décembre 1997.
Or, que s'est-il passé la semaine dernière, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Votre collègue secrétaire d'Etat au tourisme est arrivée en catimini en Guadeloupe pour accueillir les ministres de tous les Etats compris entre Cuba et le Venezuela, afin d'y tenir une réunion sur le tourisme, domaine qui nous intéresse au premier chef. Nous n'avons été ni invités ni informés. Nous n'avons même pas pu nous rendre à l'aéroport et faire preuve d'un minimum de correction vis-à-vis de nos voisins et, suprême insulte, le secrétaire général de l'AEC, l'Association européenne de coopération, a quitté par ses propres moyens Saint-Martin et Saint-François et est venu à Basse-Terre nous saluer - ce qui fait deux heures de route aller et deux heures de route retour - pour nous dire qu'il ne comprenait pas que la France viole les accords de l'AEC.
Rencontre des ministres des transports à Panama : ni la Guadeloupe, ni la Martinique, ni la Guyane n'en sont informées.
Rencontre encore au Costa Rica : ni la Guadeloupe, ni la Martinique, ni la Guyane n'en sont informées !
Et l'on vient me parler de coopération régionale, de possibilité de passer des accords internationaux ! Lesquels ?
Je vois aussi dans le projet que l'on va consulter le conseil économique et social départemental. Je ne connais pas de conseil économique et social départemental. Allez-vous en créer un ? Je ne connais que le conseil économique et social régional.
J'ajoute que la coopération est en danger, monsieur le secrétaire d'Etat. La France, sans rien dire, a abandonné son siège au sein du conseil d'administration de la banque de développement de la Caraïbe. De ce fait, actuellement, aucune de nos entreprises ne peut obtenir de marché dans la Caraïbe.
Ce retrait de la France me semble démontrer le désintérêt du Gouvernement pour ce qui se passe dans la zone caraïbe. Or elle a un rôle stratégique considérable à y jouer.
Au moment où les Etats de cette zone, qui sont presque tous francophiles, qui sont liés à nous par l'histoire et la culture, prennent conscience de l'apport de l'Europe, qui permet notamment aux départements de la Guadeloupe et de la Martinique d'apparaître comme très avancés en matière de télécommunications ou d'énergies renouvelables, voilà la France qui se retire de la banque de développement, alors que celle-ci constitue un lien indispensable !
Je pense, contrairement à ceux qui ont attaqué la déclaration de Basse-Terre, que nous avons créé un espace de dialogue, où nous faisons tout pour écarter la méchanceté, la médisance, la violence, la haine, où nous nous efforçons de partager avec les autres ce sentiment fort de la place de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane dans la Caraïbe. Cette place doit être de mieux en mieux reconnue, grâce à notre action personnelle, à celle de la France et à celle de l'Europe, actions que nous avons menées en complémentarité en faveur de l'ensemble de la région Caraïbe. Il n'y a là nulle conception dictatoriale. Ce qui gêne sans doute beaucoup de gens, c'est que nous ayons ainsi innové.
Quoi qu'il en soit, pour ma part, je n'apporterai pas mon soutien à ce projet de loi. Notre déception a été trop grande. Nous attendions des mesures beaucoup plus fortes, beaucoup plus amples en matière de développement économique. Nous attendions des mesures plus appuyées en faveur de la jeunesse ; tout ce qui est proposé ici pour les jeunes, nous l'avons déjà mis en place en Guadeloupe.
Je vous signale, monsieur le secrétaire d'Etat, que beaucoup d'athlètes guadeloupéens, lors des grandes compétions sportives internationales, font monter le drapeau français et résonner la Marseillaise. Malheureusement, en regard des résultats que nous avons l'honneur d'offrir à la France, la participation du budget de l'Etat à la vie sportive en Guadeloupe est vraiment insignifiante ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Conformément à l'usage mais aussi parce que les interventions que nous avons entendues l'exigent, je souhaiterais répondre à l'ensemble des orateurs, en essayant de clarifier un certain nombre de points, voire de désamorcer quelques querelles qui ne me paraissent pas fondées s'agissant d'un texte que je crois profondément utile pour l'outre-mer.
Monsieur le rapporteur, vous avez établi, comme en première lecture, sur la situation économique et sociale des départements d'outre-mer, un diagnostic qui ne diverge en rien de celui que porte le Gouvernement.
Vous avez notamment insisté sur la nécessité d'améliorer la compétitivité des entreprises et sur les disparités régionales qui faussent la concurrence entre les entreprises des départements d'outre-mer et celles d'Etats voisins, dont, à l'évidence, les systèmes de protection sociale sont très éloignés de ce que l'égalité des droits a permis d'instaurer dans ces mêmes départements.
Votre diagnostic correspond tout à fait à celui qui a fondé, dans un premier temps, le rapport de M. Claude Lise et du député M. Michel Tamaya, puis le projet de loi d'orientation du Gouvernement.
Quand j'entends quelque peu sous-estimer - comme Mme Michaux-Chevry vient encore de le faire à l'instant - l'effort qu'il sera possible de consentir aussitôt que cette loi d'orientation aura été définitivement approuvée par le Parlement, force m'est de rappeler que, jusqu'à présent, l'effort de notre pays en matière d'allégement de charges sociales dans les départements d'outre-mer plafonnait à moins de un milliard de francs. Or, grâce au dispositif que je vous propose d'adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, ce même effort s'élèvera à plus de 3,5 milliards de francs. Il s'agit d'un effort appuyé, essentiel, qui ne manquera pas de marquer l'histoire économique de l'outre-mer. Cet effort relève, à mes yeux, tout simplement de la solidarité nationale, mais je ne l'en considère pas moins comme historique.
S'agissant de la coopération régionale - et je réponds ici également à Mme Michaux-Chevry - pour être effectivement une idée ancienne, elle n'est pas pour autant une idée fausse.
Moi, je crois profondément à la coopération régionale. Pour la première fois, nous donnons aux principales collectivités de l'outre-mer, départements et régions, la possibilité de tenir leur rang dans l'espace régional en leur permettant - nous y reviendrons tout à l'heure dans le débat - de conclure des accords avec les Etats voisins et de participer aux associations de coopération régionale non plus sur un strapontin, mais en tant que membres à part entière.
Au moins sur le principe, il me semble y avoir là une convergence entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement, même si, sur les modalités, nous ne parvenons manifestement pas tout à fait à nous entendre.
Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, qu'un amendement d'origine parlementaire avait mis fin à la prime d'éloignement dont bénéficient les fonctionnaires.
Je voudrais vous rassurer sur un point : cette mesure n'est pas rétroactive. Nous ne savons pas encore, au demeurant, quelle forme elle prendra dans l'avenir puisqu'un décret est nécessaire à son application.
En tout cas, ainsi que je le précisais ce matin encore à l'une des principales organisations représentant les fonctionnaires - les enseignants, en l'occurrence - rien ne sera fait sans une intense consultation. Celle-ci, bien sûr, ne peut commencer avant que la loi soit adoptée par le Parlement. Mais je suis prêt, dès sa promulgation, à rencontrer les organisations représentant les agents publics pour évoquer les conditions d'application de cette mesure qui relèvent du pouvoir réglementaire, étant entendu que le Parlement - Assemblée nationale et Sénat - s'est prononcé pour la fin de cette prime d'éloignement, du moins dans la forme que l'on connaît aujourd'hui.
S'agissant des 35 heures, bien sûr, il n'est pas question pour moi de relancer dans cet hémicyle un débat qui a été mené avec talent et brio par Martine Aubry il y a maintenant près de deux ans. Mais enfin, comment peut-on vouloir sérieusement défendre l'égalité des droits dans les départements d'outre-mer, au nom même des effets positifs de la départementalisation, et considérer que, sur une question aussi essentielle, il doit y avoir deux poids et deux mesures : les 35 heures en métropole et on ne sait quoi dans les départements d'outre-mer ? J'ai en effet cru comprendre que, dans certaines situations, on pouvait y travailler neuf jours d'affilée !
En vérité, il est essentiel que soit respectée l'égalité des droits des salariés, dans les départements d'outre-mer comme en métropole. Mais cette égalité vaut aussi pour les décisions qui seront proposées à l'intention des petites et moyennes entreprises en vue de les faire bénéficier d'un certain nombre d'assouplissements.
J'en viens à ce procès d'incivisme que j'ai vu poindre curieusement à propos des entreprises de l'outre-mer et de la possibilité d'apurement des charges sociales qui figure dans le projet de loi. Ce point a été évoqué par M. le rapporteur, et aussi par M. Hyest. Il me semble voir dans ce procès une singulière contradiction.
Nous voulons tous prendre en compte les difficultés des entreprises de l'outre-mer. On va même parfois jusqu'à s'apitoyer sur leur sort. Or je ne crois pas que ce soit ce qu'elles demandent. Elles demandent simplement que l'on prenne en considération leurs problèmes spécifiques, liés à l'étroitesse du marché, à l'insularité, aux difficultés de communication.
Dans ce projet de loi d'orientation, il ne s'agit pas d'effacer, comme sur une ardoise magique, les dettes sociales des entreprises de l'outre-mer. D'ailleurs, ce n'est pas rendre service aux départements d'outre-mer et aux entreprises qui y sont implantées que de laisser planer dans l'opinion, notamment métropolitaine, l'idée selon laquelle le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale auraient engagé un plan visant à effacer purement et simplement les dettes sociales des entreprises de l'outre-mer.
Il s'agit de tenir compte de difficultés qui sont importantes, de situations économiques qui sont déprimées dans certains secteurs des départements d'outre-mer, et cela essentiellement grâce à deux mesures : l'annulation des pénalités et des majorations de retard et, après examen de la situation des entreprises, un abandon de créances, qui ne doit pas aller au-delà de 50 % de la dette.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas dit !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. C'est clair pour les dettes sociales, mais nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
M. Lauret a évoqué les bienfaits de la loi Perben. Cette loi a, certes, constitué un dispositif d'allégement des charges sociales, mais vous auriez été tout à fait fondé, monsieur le sénateur, à en souligner l'insuffisance et la timidité. En effet, le bilan du coût budgétaire de l'application de cette loi est quatre fois inférieur au coût du dispositif que nous proposons aujourd'hui de mettre en place, malheureusement sans votre soutien.
Mais je remarque que, dans votre département, votre position est minoritaire sur ce point, comme elle l'est, d'ailleurs, en ce qui concerne la bidépartementalisation.
Est-ce offenser la démocratie que de rappeler que sept parlementaires de la Réunion sur huit sont favorables à la bidépartementalisation ? Est-ce offenser la démocratie que de rappeler que deux sénateurs sur trois sont favorables à la bidépartementalisation ?
Je dois dire, monsieur le sénateur, que j'ai trouvé bien excessif le procès que vous avez instruit tout à l'heure. La Réunion souhaite demeurer dans le droit commun de la République et maintenir un système départemental. Est-il absurde, incohérent, dès lors, d'envisager, pour une région qui comptera plus d'un million d'habitants dans une quinzaine d'années, une bidépartementalisation ? (Protestations sur quelques travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Y a-t-il improvisation, alors que ce débat se déroule depuis des mois et que les modalités précises de la bidépartementalisation figuraient déjà dans l'avant-projet de loi que le Gouvernement a transmis au Conseil d'Etat ? Il y a aujourd'hui débat au Parlement sur les modalités de la bidépartementalisation, comme il y a eu échange, voilà maintenant plus d'un an, avec le Conseil d'Etat, sur la façon de procéder. Est-ce là travailler dans l'improvisation et la précipitation ?
M. Lucien Lanier. Pourquoi vouloir passer en force ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je crois que l'on fait, sur ce point, deux, voire trois faux procès, dans un but évident de désinformation de la population ; mais, monsieur Lauret, je pense que nous aurons l'occasion de nous expliquer très bientôt à cet égard, et peut-être même dans votre belle région de la Réunion.
Dans le premier acte de cette tragédie de désinformation que l'on tente de jouer - mais je ne crois pas que ce soit un succès durable à la Réunion - on essaie de faire accroire que la bidépartementalisation est un gadget pour des élus locaux en mal de mandat.
Je rappellerai simplement que la bidépartementalisation ne crée pas un siège de conseiller général de plus.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Elle a tout de même un coût !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. J'y reviendrai, monsieur Fauchon !
Le second procès n'a pas été évoqué, il est vrai, dans cet hémicycle, mais j'ai lu dans de nombreux écrits, y compris sous la plume d'un élu réunionnais, que la création d'un nouveau département serait anachronique à un moment où la fin des départements serait programmée. Qui considère que la fin des départements est programmée ? Certainement pas le Gouvernement ! Certainement pas la commission Mauroy ! Certainement pas le Sénat !
M. Jean-Jacques Hyest. Ah ça non !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je vous remercie de le confirmer, monsieur le sénateur !
Par conséquent, nous ne sommes pas engagés aujourd'hui dans une réflexion qui conduirait à la fin des départements. Nous rappelons, au contraire, que le département, comme espace de solidarité et comme initiateur d'équipements, a toute sa place dans le paysage territorial de la France, donc aussi à la Réunion.
On a évoqué la consultation. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure - et je le referai peut-être en répondant à Mme Michaux-Chevry - quand il s'agit de rompre avec le droit commun, quand il s'agit d'évoluer vers des dispositions statutaires qui peuvent réclamer, le moment venu, une modification de la consultation, alors, effectivement - et c'était bien le sens des propos convergents du Président de la République et du Premier ministre - il est nécessaire de prendre l'avis des populations.
Il s'agit aujourd'hui d'une réorganisation territoriale, voulue, encore une fois, par la très grande majorité des parlementaires représentant la Réunion au Parlement de la République...
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois. Il n'y a pas que les parlementaires !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. ... et, très sincèrement, nous avons là de bonnes raisons de penser que, au prix d'une meilleure explication excluant les propos partisans et la désinformation, nous pourrons convaincre la majorité des habitants de la Réunion qu'il s'agit d'une bonne mesure, ce pour trois raisons essentielles... (M. Edmond Lauret brandit un document.) L'explication n'a pas commencé, monsieur le sénateur ! Je suis sûr que vos collègues sénateurs ici présents, comme les députés qui ont déposé un amendement voilà quelques semaines, vont entamer cette explication qui n'a pas encore eu lieu.
La bidépartementalisation revêt trois aspects.
Il y a une bidépartementalisation des services publics de l'Etat comme de la collectivité départementale, mieux répartis, plus proches de la population et des citoyens. Est-ce un objectif indécent à poursuivre ?
Il y a une bidépartementalisation sociale. Vous connaissez comme moi le nombre actuel de bénéficiaires du RMI à la Réunion. Vous savez que la volonté convergente des élus locaux et du Gouvernement est d'aller au plus vite vers l'alignement progressif du RMI dans les départements d'outre-mer sur celui de métropole. Vous savez également, j'en suis sûr, que le souhait des institutions locales et du Gouvernement est de faire en sorte que ces politiques d'insertion soient menées au plus près du terrain. La bidépartementalisation a donc également un sens social.
J'en arrive au troisième aspect de la bidépartementalisation, s'il faut aller encore plus loin dans l'argumentation : il s'agit de l'aménagement plus harmonieux d'un territoire dont vous connaissez mieux que moi, monsieur le sénateur, les difficultés et la géographie tourmentée. Nous constatons, en effet, aujourd'hui, un déséquilibre en matière d'aménagement de ce territoire. Les grandes infrastructures de communication - M. Vergès nous en a souvent entretenu - sont tout à fait significatives à cet égard.
La mise en oeuvre de la bidépartementalisation doit effectivement faire l'objet d'une concertation avec les élus locaux, mais elle doit surtout être progressive : en affirmant la nécessité que le « coup d'envoi » soit donné au 1er janvier 2001, l'Assemblée nationale n'entend pas pour autant que la bidépartementalisation soit achevée au 1er janvier 2001. A défaut, nous pourrions en effet parler de précipitation et, nécessairement, d'improvisation. Le Gouvernement ne s'est pas opposé à cet amendement parlementaire.
L'Etat n'entend pas, d'ici au 1er janvier 2001, doubler les effectifs, je suis désolé de devoir vous le dire. La nouvelle assemblée départementale devra, à nombre d'élus constants, organiser progressivement sa structure. Tant l'Etat que cette collectivité départementale devront être exemplaires dans l'emploi des derniers publics et dans la mise en oeuvre de la bidépartementalisation.
Les estimations dont je dispose sont loin des chiffres absolument fantasmatiques qui ont été brandis par les adversaires de la bidépartementalisation : 400 millions de francs, 500 millions de francs. C'est tout à fait délirant ! Le moment venu, je communiquerai des chiffres précis pour le compte de l'Etat. Vous serez surpris de l'approche modeste que nous avons de la mise en oeuvre de la bidépartementalisation. L'Etat peut être modeste et exemplaire !
M. Jean-Jacques Hyest. Si on faisait des études d'impact, on pourrait le savoir dès à présent !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je ne reviendrai pas sur le procès en incivisme...
M. Jean-Jacques Hyest. J'ai parlé de risque !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je vous remercie d'atténuer cette accusation, monsieur Hyest !
M. Payet a rappelé, et je lui en sais gré, l'importance qu'attachent les élus de la Réunion, toutes tendances confondues, à l'alignement progressif du RMI. J'ai eu l'occasion d'indiquer à plusieurs reprises que le délai de trois ans qui avait été évoqué par le Gouvernement était un maximum et que je souhaitais, pour ma part, que nous puissions aller plus vite. Avant la fin de cette année, j'espère être en mesure d'indiquer le calendrier définitif de l'application de cette mesure, dont je sais, encore une fois, qu'elle est très importante pour cette île.
M. Vergès a évoqué, et je l'en remercie, le fait que la loi d'orientation n'était pas aujourd'hui le seul dispositif mis à la disposition des départements d'outre-mer pour favoriser leur développement. Certes, ce dispositif est essentiel. J'ai essayé tout à l'heure d'en donner quelques aperçus, au moins au travers de la mesure la plus importante, en termes budgétaire, que représentent les allégements de charges sociales. Mais, bien entendu, d'autres mesures sont prévues, dont nous débattrons peut-être aujourd'hui.
Il est important de souligner que, à côté de la loi d'orientation, qui est en quelque sorte la clé de voûte, on trouve la nouvelle loi de soutien fiscal pour l'investissement outre-mer, dont je voudrais dire encore une fois qu'elle est non seulement plus équitable - ce qui était l'objectif du Gouvernement - donc plus pérenne, mais également et surtout plus efficace. S'il était nécessaire d'en faire la démonstration, je serais ravi que nous puissions y revenir.
Il y a, ensuite, les contrats de plan, qui représentent un effort en forte augmentation pour les départements d'outre-mer.
Il y a, enfin, les fonds européens, qui participent aujourd'hui de la solidarité financière au profit des collectivités locales et des entreprises de l'outre-mer.
C'est l'ensemble de ces dispositifs qu'il faut avoir à l'esprit lorsque l'on veut prendre la mesure de l'effort accompli actuellement par la France en direction des départements d'outre-mer.
Vous avez également souhaité, monsieur Vergès - et nous nous en sommes déjà entretenus - que l'entrée en vigueur de la loi d'orientation ne soit pas différée et que l'année 2001 ne soit pas, sur ce point, une année de jachère. C'est également mon souhait et des instructions ont été données pour que la préparation des décrets soit engagée au plus vite. Bien sûr, il faut que cette loi d'orientation soit adoptée, mais des mesures ont été prises pour éviter tout retard. Il s'agit, en effet, d'un élément important : c'est parce que nous croyons à la force et à la pertinence de cette loi d'orientation que nous devons veiller à ce que son application ne soit pas différée.
M. Claude Lise, qui est un des inspirateurs de cette loi d'orientation, a très sereinement, mais avec beaucoup de force, évoqué ses effets sur les entreprises : pour la très grande majorité d'entre elles, la loi d'orientation est une bonne nouvelle et son application est de nature à modifier considérablement l'économie des départements d'outre-mer. Il fallait le rappeler et vous l'avez fait, monsieur le sénateur !
Vous avez également fait allusion au congrès des élus départementaux et régionaux et vous avez dit combien cette méthode démocratique, sereine et progressive était, peut-être plus que d'autres méthodes que l'on a pu évoquer au cours des derniers mois, de nature à garantir, pour ceux des départements d'outre-mer qui le souhaitent, une évolution vers des scénarios statutaires dont il nous appartiendra, bien sûr, le moment venu, de débattre.
Mme Lucette Michaux-Chevry a plaidé, avec beaucoup de fougue, pour une évolution statutaire des départements d'outre-mer, en tout cas des départements français d'Amérique. Je suis profondément convaincu qu'après avoir été, pour la première fois ce soir, une adversaire résolue de la loi d'orientation, vous ne serez pas la dernière, madame le sénateur, à vous saisir de l'opportunité historique que constituent le congrès, et, plus généralement, la volonté convergente des partis politiques de notre pays de voir l'outre-mer évoluer sur le plan statutaire.
S'agissant du problème des transports, madame le sénateur, vous avez pris le risque de valider, au nom du conseil régional, des propositions qui ne sont pas constitutionnelles et qui négligent les règles élémentaires d'organisation des services publics. Alors, ne vous en prenez qu'à vous-même !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Vous avez lu la délibération du conseil régional ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. J'ai lu, en effet, la façon dont le conseil régional a pris position.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Vous l'avez mal lue !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. J'ai lu également, et je l'ai transmis au président du conseil régional, autorité organisatrice en matière de transports publics, l'avis du Conseil d'Etat qui fixe un certain nombre de règles évidentes en matière d'organisation des transports publics. Je vous renvoie donc encore une fois à la lecture de cet avis.
Mme Lucette Michaux-Chevry. C'est une accusation politicienne !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. S'il est politicien de se référer à un avis du Conseil d'Etat sur un sujet aussi fondamental, je suis contraint de renvoyer tous ceux qui le souhaitent à la lecture de cet avis du Conseil d'Etat. Nous avons souhaité le rendre public, parce qu'il dit le droit avec beaucoup de précision.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je respecte le droit et je connais les décisions du conseil régional ! Nous n'avons pas violé la loi ! Nous avons donné un point de vue. Je vous transmettrai les délibérations du conseil régional.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Vous avez validé une proposition...
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je n'ai rien validé du tout ! Vous n'avez rien lu !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. ... vous avez validé une proposition qui n'était pas conforme au droit. D'ailleurs, le Conseil d'Etat a très clairement rappelé quel était le droit.
S'agissant de la coopération régionale, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la loi donne aux régions et aux départements la possibilité de conclure des accords internationaux et d'être membres associés d'organisations internationales dans l'espace régional. Il s'agit, me semble-t-il, d'un progrès considérable. Je suis persuadé que la région de Guadeloupe ne sera pas la dernière à s'emparer de ces possibilités.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, peut être un peu longuement et avec une passion qui n'a d'égale que celle des intervenants de votre assemblée, les réponses que je souhaitais apporter aux intervenants.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Monsieur le ministre, permettez-moi, à la place que j'occupe à titre provisoire et avec un certain regret car le président de la commission connaît beaucoup mieux que moi le détail de cette question, de formuler deux observations.
Tout d'abord, vous avez cru pouvoir dire que le Sénat a l'habitude de s'opposer aux évolutions de l'outre-mer ; je ne pense pas me tromper en disant que c'était l'une des phrases de votre discours introductif. Je suis obligé de m'inscrire en faux contre cette déclaration, car elle ne correspond pas à la vérité.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, tout au long d'un débat qui a été assez important, nous avons beaucoup innové et essayé d'inventer des formes nouvelles, y compris au mépris des traditions juridiques, puisqu'il nous a paru qu'il fallait les dépasser.
De même, pour ce qui est du présent projet de loi, il est possible que nous ayons des divergences de vues sur ses modalités d'application et que nous ne considérions pas comme une solution miraculeuse le fait de diviser en deux un département. En effet, si elle était miraculeuse, il faudrait généraliser cette mesure à l'ensemble du territoire national et en tirer des leçons, car ce serait alors très profitable pour le développement économique.
Mais, d'une manière générale, je crois qu'il serait inexact de dire que notre assemblée n'a pas montré le souci, partagé par tous, d'ailleurs, de faire évoluer ces pays d'une manière convenable, afin de les adapter aux conditions nouvelles de l'existence et à l'évolution du monde.
Ensuite, je relève dans vos propos, sans entrer dans le fond du débat sur la division de la Réunion, que vous irez sur place mener une campagne d'explications et que vous ne doutez pas - parce que vous avez confiance en vous-même, ce qui est tout à fait sympathique - de parvenir à convaincre.
Cela fera tout de même beaucoup de monde à convaincre, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous n'ignorez pas, en effet, que vous avez en face de vous tout de même la majorité de deux assemblées locales, soit bien plus que sept ou huit parlementaires : comme les hommes sont égaux entre eux, une assemblée qui compte plus de quarante membres, l'autre, au moins plusieurs dizaines, qui vous disent l'une et l'autre que votre projet est une erreur, et qu'ils n'en voient pas l'intérêt ; des sondages répétés qui vont dans le même sens, qui ne sont naturellement que des sondages, mais qui, quand ils se succèdent et se confortent, méritent au moins qu'on se pose des questions ; bref, tout cela fait beaucoup.
Alors, venir nous dire que l'on va d'abord prendre la décision et l'exécuter, et ensuite seulement l'expliquer témoigne d'une façon de procéder extrêmement surprenante dans une situation qui est pour le moins inquiétante.
Le texte d'origine prévoyait un délai entre la prise de la décision et sa mise en application. La solution nous paraissait déjà tout à fait suspecte, mais elle se défendait intellectuellement. Au contraire, la solution qui consiste à agir d'abord - non sans une certaine précipitation, d'ailleurs, parce que le 1er janvier 2001, c'est demain - pour s'expliquer ensuite n'appartient plus tout à fait à la même conception de la démocratie. Pour parler franc, cela s'apparente un peu à des procédés qui relèvent du centralisme démocratique. Mais la démocratie telle que nous l'entendons voudrait que la consultation précède la décision ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Le développement économique, l'aménagement du territoire et l'emploi dans les départements d'outre-mer constituent, en raison de leur situation économique et sociale structurelle reconnue notamment par l'article 299, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, des priorités pour la Nation. »
« Ces priorités sont mises en oeuvre par la présente loi qui vise également à promouvoir le développement durable de ces départements, à valoriser leurs atouts régionaux, à compenser leurs retards d'équipement, à assurer l'égalité sociale et l'accès de tous à l'éducation, la formation et la culture ainsi que l'égalité entre les hommes et les femmes. Elles impliquent l'accroissement des responsabilités locales ainsi que le renforcement de la décentralisation et de la coopération régionale.
« La présente loi a également pour objet de poursuivre, avec les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, la rénovation du pacte qui unit l'outre-mer à la République.
« A ce titre, elle reconnaît à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion la possibilité de disposer à l'avenir d'une organisation institutionnelle qui leur soit propre. Respectant l'attachement des Réunionnais à ce que l'organisation de leur île s'inscrive dans le droit commun, elle accorde aux assemblées locales des départements français d'Amérique la capacité de proposer des évolutions statutaires. Dans ce cadre, elle pose le principe de la consultation des populations sur les évolutions qui seraient envisagées. »
Sur l'article, la parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. J'interviens sur l'article 1er pour dire combien je me félicite de la rédaction nouvelle que le Gouvernement a proposée lors de la nouvelle lecture du projet de loi d'orientation à l'Assemblée nationale. Ainsi, le Gouvernement précise bien ses intentions et renforce l'article 39, dont j'ai souligné tout à l'heure, dans mon intervention liminaire, le caractère absolument fondamental.
J'avais moi-même déjà proposé, en première lecture, que soit inscrit, dès cet article 1er, l'objectif fondamental qui consiste à ouvrir aux départements d'outre-mer des perspectives d'évolution, non seulement d'ordre institutionnel, mais également d'ordre statutaire. Et la nuance a toute son importance, j'en veux pour preuve le fait que, précisément, la commission des lois du Sénat souhaite faire disparaître le mot « statutaire ». Ce n'est certainement pas sans raison.
Je déplore donc que notre commission des lois ait décidé d'amender cet article pour supprimer ce que je considère, moi, comme essentiel, à savoir l'ouverture réalisée à l'Assemblée nationale en faveur de la prise en compte d'éventuelles évolutions institutionnelles et statutaires.
Je déplore encore davantage que, dans la foulée, comme si de rien n'était, la commission des lois en arrive à remettre en cause le principe de la consultation des populations sur les évolutions qui seraient éventuellement envisagées. Certes, M. le rapporteur nous a affirmé tout à l'heure qu'il était pour la consultation des populations. D'ailleurs, j'ai entendu plusieurs autres intervenants, hostiles à la procédure prévue à l'article 39, hostiles à l'inscription, dès l'article 1er, du principe de la consultation, dire qu'ils étaient pour cette consultation. Alors je m'interroge : cette consultation est-elle réellement souhaitée ? Les amendements déposés par la commission des lois ainsi que les positions affichées en première lecture, et encore tout à l'heure, me paraissent bien contradictoires. Le Sénat va-t-il continuer à se complaire dans ses contradictions ? J'espère que, malgré tout, la raison et la sagesse finiront par l'emporter !
M. le président. Par amendement n° 1, M. Balarello, au nom de la commission, propose de supprimer le troisième alinéa de l'article 1er.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la disposition introduite par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, qui précise que « la présente loi a pour objet de poursuivre, avec les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, la rénovation du pacte qui unit l'outre-mer à la République ».
Nous avons considéré que cette notion de « pacte » n'avait pas de signification juridique. En outre, ce terme pourrait rappeler, certes, involontairement, mais néanmoins fâcheusement, le « pacte colonial », qui désignait, aux xviiie et xixe siècles, le système réservant à la métropole le marché colonial, ce qui irait manifestement à l'encontre des intentions des rédacteurs du texte. Nous tenions tout de même à en faire part au Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il a tenu à introduire dans la loi un objectif à ses yeux essentiel, qu'il est donc important de mentionner dès l'article 1er. C'est cet article qui donne un cap à ce texte et qui en fait véritablement un projet de loi d'orientation. La rénovation du pacte républicain est, tout au long de la législature, en effet, l'un des fils conducteurs de l'action de ce gouvernement. Ce pacte, à la fois de développement et de solidarité, entre la République et l'outre-mer, me paraît avoir toute sa place dans le texte.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. L'article 1er est, à nos yeux, significatif de l'évolution positive apportée au texte du projet de loi lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déposé, au nom du Gouvernement, un amendement qui marque la volonté de donner aux départements d'outre-mer une perspective d'évolution institutionnelle réelle.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne peut que soutenir cette ouverture permettant, enfin, une réflexion sur une évolution statutaire différenciée de chacun des DOM dans le respect de leur diversité, d'autant plus que nous avions fortement reproché à votre prédécesseur, M. Jean-Jacques Queyranne, le manque d'ambition en matière d'évolution institutionnelle du projet de loi qu'il présentait en première lecture. Ce texte était bien loin, en effet, des enjeux et des attentes exprimées par les populations des DOM. Leurs aspirations à la responsabilisation et à l'émancipation sont réelles et s'affirment toujours plus fortement.
Il y a urgence - nous l'avions déjà souligné lors du précédent débat - à trouver des réponses novatrices pour résoudre la très grave crise structurelle que connaissent ces régions aujourd'hui.
La rénovation du « pacte » - même s'il eût été plus judicieux d'employer un autre mot - unissant l'outre-mer à la République que vous avez proposée dans votre amendement à l'article 1er est un premier pas important dans cette voie.
Les populations domiennes doivent avoir les moyens de définir elles-mêmes les nouvelles formes d'un développement durable et autocentré indispensable pour l'avenir de leurs territoires, et ce dans la diversité des approches et des situations locales, vous l'avez rappelé il y a un instant, monsieur le secrétaire d'Etat.
L'affirmation du principe de la consultation des populations sur les évolutions statutaires contenue dans cet amendement est également intéressante dans cette optique. Malheureusement, la commission des lois du Sénat a proposé des amendements à l'article 1er modifié qui vident l'amendement gouvernemental d'une grande partie de son apport.
Notre groupe ne votera pas ces amendements déposés par la commission des lois du Sénat, qui, de notre point de vue, vont à l'encontre des aspirations formulées par la majorité des populations des départements d'outre-mer.
Il faudrait, au contraire, pour répondre à ces attentes, aller plus loin et permettre que soit précisé le contenu des possibilités d'évolution.
En effet, si nous soutenons le contenu de l'article 1er tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale, il y reste néanmoins des imprécisions et un certain flou qui devront être rapidement corrigés au moyen de propositions concrètes.
Je me situe, vous l'aurez compris, dans la perspective d'une réinsertion de la totalité de votre amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, lors du prochain passage du texte à l'Assemblée nationale. Nous sommes convaincus que cela est possible et nous prendrons, en tant que parlementaires communistes, dans la prochaine période, toutes les initiatives pour que la parole et les propositions des populations domiennes soient entendues sur ce sujet. Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous partagez cette ambition et vous pouvez compter sur notre entier soutien dans cette tâche. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je prends la parole en cet instant pour me rallier aux propositions de notre rapporteur. Je m'y rallie d'autant plus volontiers que les termes utilisés dans le débat qui précède me paraissent d'une imprécision juridique gravissime.
Tout d'abord, le mot « pacte » que vous avez utilisé, monsieur le secrétaire d'Etat, est tout à fait inadapté. D'une part, il rappelle fâcheusement le pacte colonial et, d'autre part, il rappelle non moins fâcheusement les fameux « pactes » que Gorbatchev avait voulu mettre en place avec les collectivités qui constituaient l'URSS. C'est un mauvais terme qui n'a pas sa place dans les relations qui unissent à l'heure actuelle la métropole et les départements d'outre-mer.
Il est un second terme sur lequel je ne suis pas d'accord : le « statut » ne correspond pas à la situation. Tout d'abord, un statut s'oppose à la loi ; un statut, c'est le statut de la fonction publique, c'est le statut d'une entreprise anonyme ou d'une association ; ce ne peut être le texte qui régit les départements d'outre-mer, c'est trop médiocre. C'est la raison pour laquelle je pense que la réflexion sur le texte rédigé par l'Assemblée nationale a été bâclée.
Je me rallie donc naturellement à ce que propose M. le rapporteur de la commission des lois.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Balarello, au nom de la commission.
L'amendement n° 2 tend à rédiger comme suit la première phrase du dernier alinéa de l'article 1er : « Dans le cadre de la République, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion ont la possibilité d'évoluer à l'avenir vers des organisations institutionnelles qui leur soient propres. »
L'amendement n° 3 vise à supprimer les deuxième et troisième phrases du dernier alinéa de l'article 1er.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 2 et 3.
M. José Balarello, rapporteur. A la simple lecture de l'amendement n° 2, on comprend qu'il s'agit d'ouvrir la possibilité pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion d'évoluer à l'avenir vers des organisations institutionnelles qui leur soient propres dans le cadre de la République.
Quant à l'amendement n° 3, il s'agit d'une coordination avec la suppression du congrès proposée à l'article 39.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 2 et 3 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Les deux alinéas que ces amendements tendent à supprimer sont, à mes yeux, des pièces essentielles de cette loi d'orientation qui ont été apportées dans le débat parlementaire par un amendement déposé par le Gouvernement en nouvelle lecture, à l'Assemblée nationale.
Il s'agit d'affirmer le principe d'une évolution différenciée et d'une évolution choisie par les départements d'outre-mer. Il s'agit également - c'est en quoi je suis un peu surpris car rien, dans l'intervention de M. le rapporteur, ne préparait à de tels amendements - de distinguer entre, d'une part, les départements français d'Amérique, où l'aspiration à une évolution statutaire existe depuis de nombreuses années et, d'autre part, l'île de la Réunion, où la demande de maintien dans le droit commun fait en effet l'objet d'un consensus qui, sur ce point au moins, ne s'est pas démenti tout au long des débats.
Il y a donc quelque contradiction à reconnaître, comme M. le rapporteur tout à l'heure, et je suis d'accord avec lui, ainsi que le Gouvernement, qu'il s'agit de mettre au point des évolutions sur mesure pour les départements d'outre-mer et, dans le même temps, alors que cet article tend à affirmer la possibilité d'une évolution différenciée, à faire disparaître cette mention.
Alors que l'on a indiqué à plusieurs reprises - et encore vous-même, monsieur le vice-président, tout à l'heure - que la consultation des populations est essentielle lorsque l'on veut engager une évolution statutaire, il me paraît également dommage que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale soit supprimée par l'amendement n° 3. Là encore, si l'on veut une évolution différenciée et une évolution choisie, la rédaction actuelle me paraît apporter toutes les garanties.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. La commission des lois s'est rendue dans tous les départements d'outre-mer, à l'occasion de deux voyages. Nous sommes allés d'abord aux Antilles, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et en Guyane, puis, quelques mois plus tard, à la Réunion, profitant de cette mission pour nous rendre à Mayotte puisque j'étais le rapporteur du texte sur l'évolution institutionnelle de cette collectivité territoriale.
Grâce à ces missions, nous nous sommes rendu compte que l'on ne pouvait adopter une structure commune à tous les départements d'outre-mer et qu'il fallait, selon la formulation que j'avais employée devant M. Queyranne en commission des lois, « faire du cousu main ».
L'évolution du projet de loi le montre. Dans l'article 1er, il n'y avait rien sur ce point dans le texte initial, et il n'y avait toujours rien après le passage en première lecture à l'Assemblée nationale. C'est à la suite du passage devant le Sénat, et grâce à l'intervention de plusieurs de nos collègues, de votre rapporteur et du président de la commission des lois, que l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont pris en compte ce désir d'évolution institutionnelle en introduisant un amendement à l'article 1er.
Il faut cependant avouer que la référence au pacte, M. Gélard l'a dit beaucoup mieux que moi, est totalement inadaptée. Il y a des références qu'il vaut mieux éviter et, de surcroît, du point de vue juridique, celle-ci ne signifie absolument rien. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a « bâtonné », si je puis utiliser cette expression qu'emploient souvent les juristes, le terme de « pacte ».
Notre amendement n° 2 le précise bien : « Dans le cadre de la République, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion ont la possibilité d'évoluer à l'avenir vers des organisations institutionnelles qui leur soient propres. » Cela signifie ipso facto que, si la Réunion ne veut pas évoluer ou souhaite maintenir ses institutions, elle est bien évidemment libre de le faire.
Je crois donc que nous faisons très clairement référence à l'évolution institutionnelle dans l'amendement n° 2.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je tiens une nouvelle fois à circonscrire les désaccords, du moins à ne pas en aggraver la portée, et à répondre aussi à M. le vice-président de la commission des lois qui craignait tout à l'heure que je n'aie pas perçu la volonté réformatrice du Sénat s'agissant du statut des départements d'outre-mer.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Vous avez des excuses, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Effectivement, puisque je n'étais pas encore membre du Gouvernement lorsque le Sénat a examiné ce texte en première lecture.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. C'est pourquoi je disais que vous aviez des excuses !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. J'ai cependant pris connaissance de vos interventions, notamment de celle du président de la commission, M. Jacques Larché, à qui je souhaite un prompt rétablissement afin qu'il puisse reprendre ses travaux à vos côtés.
Monsieur le rapporteur, en fait, vous amputez la rédaction actuelle et vous proposez une nouvelle rédaction. Certes, vous ne niez pas aux départements d'outre-mer la possibilité d'une évolution. Je vous donne acte. D'ailleurs, au sein de toutes les forces politiques de notre pays, de l'Assemblée nationale et du Sénat, s'exprime depuis des mois sinon des années une volonté convergente, qui se manifeste très clairement ce soir.
Nous allons plus loin, en proposant que cette évolution soit différenciée. A ce titre, il est nécessaire, si l'on veut être précis et donner une véritable orientation à ce texte, de différencier les départements français d'Amérique et la Réunion. A défaut, on crée parfois la confusion, voire la peur, qui n'est pas la meilleure conseillère s'agissant de sujets aussi essentiels.
Par ailleurs, votre proposition ne reprend pas l'idée que cette évolution doit être choisie. En effet, votre rédaction ne fait pas état de la consultation des populations, dont l'Assemblée nationale, en reprenant l'amendement du Gouvernement, a souhaité avec force poser le principe.
Encore une fois, concevez qu'il y a là quelques différences qui ne me permettent pas d'adhérer totalement aux amendements que vous proposez.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - I. - Au chapitre II du titre V du livre VII du code de la sécurité sociale, il est inséré, après l'article L. 752-3, un article L. 752-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 752-3-1 . - Dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1, les entreprises sont exonérées du paiement des cotisations à leur charge au titre de la législation de sécurité sociale, dans les conditions suivantes :
« I. - L'exonération est égale à 100 % du montant des cotisations patronales dans la limite d'un montant de rémunération égal au salaire minimum de croissance majoré de 30 %.
« II. - Cette exonération est applicable aux cotisations afférentes aux salaires et rémunérations des salariés employés par :
« 1° Les entreprises, employeurs et organismes mentionnés à l'article L. 131-2 du code du travail, occupant dix salariés au plus, dénombrés selon les dispositions de l'article L. 421-2 du code du travail. Si avant le 31 décembre 2001 l'effectif vient à dépasser le seuil de dix salariés, le bénéfice intégral de l'exonération est maintenu dans la limite de dix salariés jusqu'au 31 décembre 2002 ; puis son montant est affecté d'un coefficient de 80 % en 2003, 60 % en 2004, 40 % en 2005 et 20 % en 2006. Si après le 31 décembre 2001 au cours d'une année civile l'effectif vient à dépasser le seuil de dix salariés, le bénéfice intégral de l'exonération est maintenu, dans la limite de dix salariés, pendant un an ; puis son montant est affecté d'un coefficient de 80 % la deuxième année, 60 % la troisième, 40 % la quatrième et 20 % la cinquième. Un décret fixe les conditions dans lesquelles le bénéfice de l'exonération est acquis au cas où l'effectif d'une entreprise passe au-dessous de onze salariés.
« Dans le cas d'entreprises comptant plusieurs établissements, la condition d'effectif s'apprécie en prenant en compte l'effectif total employé par l'ensemble des établissements de l'entreprise dans le département.
« Les dispositions du présent article s'appliquent aux entreprises artisanales immatriculées au répertoire des métiers ;
« 2° Les entreprises, quel que soit leur effectif, des secteurs de l'industrie, du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, de la pêche, de la conchyliculture, de l'aquaculture et de l'agriculture, à l'exclusion des entreprises publiques et des établissements publics mentionnés à l'article L. 131-2 du code du travail.
« Ces dispositions sont également applicables au secteur du bâtiment et des travaux publics, l'exonération étant égale à 50 % du taux de l'exonération prévue au I.
« III. - Par dérogation aux dispositions des articles L. 241-13-1 et L. 711-13-1, les entreprises mentionnées au II qui remplissent les conditions prévues aux articles 19 et 21 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail bénéficient en outre d'un allégement des cotisations dues par elles au titre de la législation de sécurité sociale dont le montant par salarié est fixé par décret. Le montant total de cet allégement, cumulé avec les exonérations prévues au I, ne peut excéder le total des cotisations patronales de sécurité sociale dues par l'entreprise ou l'établissement. Les entreprises bénéficient d'un droit d'option entre l'exonération prévue au présent article et les allégements prévus à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail et aux articles 20, 21 et 23 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 précitée.
« IV. - Lorsque dans une même entreprise ou un même établissement sont exercées plusieurs activités, l'exonération est applicable au titre des salariés employés dans chacune des activités relevant des secteurs visés au 2° du II, au taux correspondant à cette activité.
« Les exonérations et allégements prévus par le présent article ne peuvent être cumulés avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale.
« IV bis. - Toute condamnation pénale de l'entreprise ou du chef d'entreprise pour fraude fiscale, travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d'oeuvre, en application des articles L. 152-3, L. 152-3-1, L. 362-3, L. 362-4, L. 362-5 et L. 362-6 du code du travail, entraîne la suppression des allégements et exonérations de cotisations sociales prévus au présent article.
« V. - Un décret en Conseil d'Etat détermine, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article. »
« II et III. - Supprimés. »
Par amendement n° 4 rectifié, M. Balarello, au nom de la commission, propose :
A. - A la fin du I du texte présenté par le I de cet article pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, de remplacer le pourcentage : « 30 % » par le pourcentage : « 50 % » ;
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, d'insérer après le I un paragraphe ainsi rédigé :
« I bis. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de la majoration de la limite fixée au I de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement reprend le texte d'un amendement présenté en première lecture par M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, tendant à porter la limite de l'exonération de cotisations sociales patronales prévue à l'article 2 de 1,3 SMIC à 1,5 SMIC, afin de lui donner une plus grande efficacité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de dire quel effort nouveau en direction de l'économie des départements d'outre-mer représentait pour la nation le dispositif d'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale. Il représente, en année pleine, un coût de 3,5 milliards de francs. Il s'agit, je le réaffirme solennellement, d'un effort sans précédent en matière de réduction du coût du travail dans les départements d'outre-mer, effort quatre fois plus important qu'actuellement.
Je comprends bien le souci du Sénat de ne pas s'arrêter en chemin. Toutefois, j'ai le sentiment qu'en portant le seuil d'exonération à 1,3 SMIC le Gouvernement, avec l'accord de l'Assemblée nationale, a fait un pas décisif.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. L'un de nos collègues a parlé tout à l'heure d'une étude d'impact s'agissant de la bidépartementalisation. Je pense que, du point de vue économique, il eût été important que le Gouvernement réalise une étude d'impact approfondie, fasse le compte des indemnités de chômage qu'il paie, des RMI qu'il verse, et, en regard, examine combien de créations d'emplois pouvaient être espérées de l'application de la mesure qui a été proposée.
J'ajouterai, monsieur le secrétaire d'Etat, que tant l'Assemblée nationale que le Sénat ont supprimé, sur la proposition du Gouvernement, l'indemnité dite d'éloignement. Je crois que cela représente une ressource nouvelle importante pour développer l'emploi dans les départements d'outre-mer, ce qui est vital, car nous savons tous que si nous ne faisons pas baisser le taux de chômage nous aurons, dans les cinq ans à venir, des problèmes graves à régler dans les départements d'outre-mer. Donc, la priorité des priorités, c'est la baisse du chômage dans les départements d'outre-mer.
C'est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement qui vise, lui aussi, à résorber le chômage.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 5, M. Balarello, au nom de la commission, propose :
A. - Après le deuxième alinéa (1°) du II du texte présenté par le I de l'article 2 pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette exonération est également applicable aux entreprises, employeurs et organismes mentionnés à l'article L. 131-2 du code du travail, occupant de 11 à 20 salariés dénombrés selon les dispositions de l'article L. 421-2 du code du travail. Mais, dans ce cas, elle ne concerne que les cotisations patronales afférentes aux dix salaires ou rémunérations les moins élevés. Lorsque pendant une année civile, l'effectif vient à dépasser le seuil de 20 salariés, le bénéfice de l'exonération est maintenu dans les conditions fixées à l'alinéa précédent. »
B. - En conséquence, de rétablir le II de cet article dans la rédaction suivante :
« II. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du troisième alinéa du II de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit de rétablir le texte qui avait été adopté par le Sénat en première lecture et qui vise à étendre le bénéfice de l'exonération de cotisations patronales aux dix premières rémunérations des entreprises de vingt salariés au plus, au lieu de dix salariés comme le prévoit le projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un article important, qui a déjà été examiné en première lecture. Comme M. Jean-Jack Queyranne avait alors eu l'occasion de vous dire, cet amendement ne supprime pas l'effet de seuil, il le repousse et le place à vingt et un salariés, même s'il est vrai que l'impact est moindre proportionnellement. D'ailleurs, cette extension n'aurait sans doute pas toutes les vertus qu'on lui prête sur l'emploi local. En effet, cette exonération de charges sociales permettra notamment à une partie du travail dissimulé de rejoindre les rangs du travail légal. Or, la plupart des entreprises où l'on observe ce recours au travail dissimulé sont de petites entreprises.
Enfin, le coût de cette extension - et nous ne pouvons écarter cet argument - serait supérieur à 400 millions de francs, sans contrepartie évidente en termes de création d'emplois.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable, en précisant, une fois encore, que le coût budgétaire du dispositif prévu sera quatre fois plus important qu'actuellement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Balarello, au nom de la commission, propose :
A. - Dans l'avant-dernier alinéa (2°) du II du texte présenté par le I de l'article 2 pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « production audiovisuelle, », d'insérer les mots : « du bâtiment et des travaux publics, de la formation professionnelle, des transports régionaux aériens et maritimes ayant leur siège et leur établissement principal dans le département, » ;
B. - En conséquence, de supprimer le dernier alinéa du II du texte présenté par le I de cet article pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale.
C. - En conséquence, de rétablir le III de cet article dans la rédaction suivante :
III. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'extension aux secteurs du bâtiment et travaux publics, de la formation professionnelle et des transports régionaux aériens et maritimes, des exonérations prévues au II de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit, là encore, de préserver l'emploi. Cet amendement vise à compléter la liste des secteurs d'activités pouvant bénéficier de l'exonération de charges sociales prévue par l'article 2, quel que soit l'effectif des entreprises concernées, en y ajoutant le bâtiment et les travaux publics, à taux plein, ainsi que la formation professionnelle et les transports régionaux aériens et maritimes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement s'est montré tout à fait ouvert aux propositions des parlementaires visant à élargir le périmètre de ce dispositif d'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale. Je l'ai dit tout à l'heure : c'est à ce titre que nous avons retenu le secteur des nouvelles technologies - M. Claude Lise avait insisté sur ce point - et le secteur des énergies renouvelables, à la demande de votre collègue M. Vergès, qui y attache beaucoup d'importance, et à juste titre, car les énergies renouvelables sont particulièrement essentielles dans les départements d'outre-mer.
Par ailleurs, le Gouvernement considère qu'aller au-delà de l'extension proposée pourrait contrevenir à des règles communautaires. L'argument essentiel que nous avons utilisé pour définir ce périmètre est bien le caractère exposé des secteurs auxquels cette exonération s'applique.
Aussi, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - I. - Non modifié.
« II. - Les marins propriétaires embarqués et, sans préjudice de l'article 2, les marins-pêcheurs, exerçant leurs activités dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale, bénéficient dans les mêmes limites d'une réduction de moitié du montant des cotisations et contributions visées ci-dessus ; cette réduction est appliquée par les organismes dont ils relèvent.
« Dès lors que l'état de catastrophe naturelle est reconnu sur le territoire d'un département d'outre-mer, ou sur une portion de ce dit territoire, par arrêté constatant notamment l'effet destructeur du choc mécanique d'une houle cyclonique, les marins-pêcheurs propriétaires embarqués ayant subi un préjudice matériel découlant de cette catastrophe naturelle peuvent bénéficier soit d'un report de trois mois pour le paiement des arriérés de cotisations et contributions visées ci-dessus pour ceux qui ne sont pas à jour de paiement de leur rôle d'équipage, soit d'une exonération égale à 100 % des cotisations d'allocations familiales, d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des employeurs et travailleurs indépendants jusqu'au 31 décembre de l'année civile au cours de laquelle la catastrophe naturelle a eu lieu, pour ceux qui sont à jour de leur paiement de rôle d'équipage.
« III. - Non modifié .
« IV à VII. - Supprimés.
« VIII. - Les pertes de recettes pour les organismes collectant les cotisations d'allocations familiales, d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des marins-pêcheurs propriétaires embarqués, résultant de l'exonération en cas de catastrophe naturelle prévue au deuxième alinéa du II sont compensées, à due concurrence, par la création d'un prélèvement sur les sommes engagées dans les départements d'outre-mer dans les courses et jeux. »
Par amendement n° 39, le Gouvernement propose, dans le deuxième alinéa du II de cet article, de remplacer les mots : « jusqu'au 31 décembre de l'année civile au cours de laquelle la catastrophe naturelle a eu lieu » par les mots : « pendant les six mois suivant la catastrophe naturelle ».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Un amendement adopté à l'Assemblée nationale vise notamment à exonérer les pêcheurs du paiement des cotisations sociales en cas de catastrophe naturelle.
Toutefois, la référence au 31 décembre de l'année au cours de laquelle s'est produite la catastrophe naturelle aboutirait à des allégements très variables selon les départements et les périodes cycloniques. En effet, si la date de la catastrophe naturelle est proche de la fin de l'année, la durée de l'exonération peut se révéler trop courte pour permettre d'aider véritablement les bénéficiaires.
C'est pourquoi il est proposé de retenir une période de six mois suivant la catastrophe naturelle, fait générateur de cette exonération. C'est, me semble-t-il, une mesure de bon sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission.
M. José Balarello, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 40, le Gouvernement propose de supprimer le VIII de l'article 3.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à lever le gage correspondant à l'amendement précédent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

pour coordination

M. le président. « Art. 4. - L'article L. 762-4 du code rural est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les exploitants agricoles exerçant leur activité sur des exploitations de moins de quarante hectares pondérés sont exonérés des cotisations relatives aux prestations familiales, à l'assurance maladie, invalidité, maternité et à l'assurance vieillesse dans des conditions fixées par décret. » ;
« 2° Le deuxième alinéa est supprimé. » - (Adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - I. - Les entreprises installées et exerçant leur activité au 1er janvier 2000 dans les départements d'outre-mer peuvent demander, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, aux caisses de sécurité sociale compétentes de leur département, le sursis à poursuites pour le règlement de leurs créances, antérieures au 1er janvier 2000, relatives aux cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi qu'aux pénalités et majorations de retard correspondantes.
« Les dispositions prévues au précédent alinéa sont applicables aux créances, même déclarées et constatées après cette date, qu'elles aient fait l'objet ou non de notifications ou mises en demeure, telles que prévues par le code de la sécurité sociale et le code rural.
« Cette demande entraîne de plein droit une suspension de six mois des poursuites afférentes auxdites créances ainsi que la suspension du calcul des pénalités et majorations de retard durant cette période.
« II. - Durant ce délai de six mois, un plan d'apurement est signé entre l'entreprise et les caisses compétentes. Sa durée est au maximum de sept ans. Il peut comporter l'annulation des pénalités et majorations de retard. De plus, un abandon partiel des créances constatées au 31 décembre 1999, dans la limite de 50 %, peut être prononcé afin de tenir compte de la situation de l'entreprise, garantir sa pérennité et le paiement ultérieur des cotisations. Les modalités d'instruction des dossiers et les conditions dans lesquelles intervient la décision sont fixées par voie réglementaire.
« Cet abandon partiel est subordonné au paiement effectif de la part salariale des cotisations ou, à défaut, à la signature d'un échéancier de paiement d'une durée maximale de deux ans.
« II bis. - Toute condamnation pénale de l'entreprise ou du chef d'entreprise pour fraude fiscale, travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d'oeuvre, en application des articles L. 152-3, L. 152-3-1, L. 362-3, L. 362-4, L. 362-5 et L. 362-6 du code du travail, ou, après mise en demeure, le non-respect de l'échéancier du plan ou le non-paiement des cotisations dues postérieurement à la signature de ce plan entraîne la caducité du plan d'apurement.
« III et IV. - Non modifiés.
« V. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux entrepreneurs et travailleurs indépendants, y compris dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche, pour les contributions et les cotisations obligatoires de sécurité sociale.
« Par dérogation à l'alinéa ci-dessus, les cotisations d'assurance vieillesse dues au titre des exercices antérieurs à 1996 à raison de l'exercice de l'une des professions visées aux articles L. 622-3, L. 622-4 et L. 622-5 du code de la sécurité sociale et à la caisse mentionnée à l'article L. 723-1 du même code peuvent, à raison de leur ancienneté, être annulées, sous réserve du respect d'un plan d'apurement visé au II. Les périodes au titre desquelles cet abandon intervient ne sont pas prises en compte pour le calcul des prestations servies par ces régimes.
« De même, en cas d'abandon partiel de créances en matière d'assurance vieillesse, dans les conditions prévues au II, les droits sont minorés dans une proportion identique.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat.
« VI. - Supprimé.
« VII. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du II sont compensées par le relèvement, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 7, M. Balarello, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le II de cet article :
« II. - Durant ce délai de six mois, un plan d'apurement peut être signé entre l'entreprise et les caisses compétentes afin de tenir compte de la situation de l'entreprise, garantir sa pérennité et le paiement ultérieur des cotisations. Sa durée est au maximum de sept ans. Il peut comporter l'annulation des pénalités et majorations de retard applicables aux créances constatées au 1er janvier 2000. Les modalités d'instruction des dossiers et les conditions dans lesquelles intervient la décision sont fixées par voie réglementaire. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement vise au rétablissement du texte adopté par le Sénat en première lecture : il s'agit de prévoir la possibilité, et non l'obligation, pour les entreprises de conduire un plan d'apurement avec les caisses de sécurité sociale.
Nous avons d'ailleurs constaté, en lisant le compte rendu des débats à l'Assemblée nationale, que M. Jérôme Lambert, rapporteur de la commission des lois, partage notre point de vue dans la mesure où il considére que le droit des contrats s'oppose à une telle obligation.
J'ajoute que, s'agissant d'entreprises non viables, la signature obligatoire d'un tel plan n'aboutirait qu'à retarder artificiellement une mort annoncée.
Par ailleurs, cet amendement tend à supprimer à nouveau, comme le Sénat l'a fait en première lecture, la possibilité d'un abandon partiel de créances. Vous avez précisé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agissait bien d'un abandon partiel. J'observe néanmoins que la possibilité d'un abandon des créances sociales risque de constituer un précédent lourd de conséquences, en exerçant un « effet d'appel », les entreprises renonçant purement et simplement à payer leurs cotisations sociales, mais aussi en risquant d'alimenter des anticipations de futures « amnisties sociales ».
En outre, une telle disposition instituerait incontestablement une inégalité à l'égard des entreprises qui, elles, ont fait l'effort de payer leurs cotisations.
Nous nous demandons d'ailleurs s'il n'y a pas là un risque d'inconstitutionnalité dans la mesure où cette rédaction entraînerait une inégalité de traitement entre les entreprises métropolitaines et les entreprises des départements d'outre-mer, inégalité qui peut difficilement être justifiée par une différence de situation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je me suis inscrit tout à l'heure en faux contre cette idée d'amnistie sociale, et je regrette, monsieur le rapporteur, de ne pas avoir été entendu sur ce point.
Je ne rappellerai pas quelles sont les difficultés spécifiques des entreprises de l'outre-mer, car nous les avons évoquées à plusieurs reprises au cours de ce débat. Je redirai simplement que la disposition que vous entendez supprimer permettrait d'assainir la situation financière des entreprises des départements d'outre-mer, et ce en cohérence avec l'entrée en vigueur du dispositif d'exonération de l'article 2 de la loi d'orientation, qui prévoit des allégements de charges.
Il est donc important, à mes yeux, de maintenir la possibilité d'abandonner ces créances sociales à hauteur de 50 %. C'est non pas un effacement intégral ou une amnistie, mais un apurement partiel qui est clairement plafonné par la loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Balarello, au nom de la commission, propose, après le II de l'article 5, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II bis A. - Le plan d'apurement peut être suspendu pour une durée de trois à six mois, et prorogé d'autant, si l'entreprise peut se prévaloir d'un préjudice matériel dû à un aléa climatique, suite à la publication d'un arrêté portant constatation de l'état de catastrophe naturelle sur le territoire d'un département d'outre-mer ou sur une portion de ce dit territoire dans lequel elle est implantée. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement vise à maintenir la suppression de la référence à la force majeure, décidée par l'Assemblée nationale, tout en conservant un tempérament à l'automaticité de la caducité du plan d'apurement en cas de cyclone.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 9, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le II bis de l'article 5, après les mots : « fraude fiscale, », d'insérer les mots : « en application de l'article 1741 du code général des impôts, ou pour ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la notion de fraude fiscale en visant l'article 1741 du code général des impôts qui s'y rapporte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gourvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 10, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du deuxième alinéa du V de l'article 5, après les mots : « du même code », d'insérer les mots : « , ainsi que les pénalités et majorations de retard correspondantes, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement vise à assurer la cohérence avec le régime applicable aux entreprises, lequel prévoit que le plan d'apurement peut comporter l'annulation des pénalités et majorations de retard applicables à ces créances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable, et ce pour les raisons qu'il a déjà évoquées tout à l'heure.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 41, le Gouvernement propose de supprimer le VII de l'article 5.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à lever le gage introduit en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - I. - Les entreprises industrielles, commerciales, artisanales, agricoles, ou du secteur de la pêche, ainsi que les contribuables exerçant des professions non commerciales installés et exerçant leur activité au 1er janvier 2000 dans un département d'outre-mer peuvent demander, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, l'adoption d'un plan d'apurement de leurs dettes fiscales au 31 décembre 1999.
« Les précédentes dispositions s'appliquent aux dettes fiscales antérieures au 31 décembre 1999, même déclarées et constatées au-delà du 1er janvier 2000, que celles-ci aient fait l'objet ou non de l'établissement de rôles, de notifications, d'avis à tiers détenteur.
« Pendant une période de six mois à compter du dépôt de la demande, le sursis de paiement de ces dettes est de droit et les mesures de recouvrement forcé sont suspendues. Cette suspension des poursuites est accompagnée d'une suspension du calcul des majorations et intérêts de retard pendant la période mentionnée à l'alinéa précédent.
« II. - Si la demande du contribuable est acceptée, le plan d'apurement est signé dans le délai de six mois mentionné au I. Il est d'une durée maximum de sept ans. Sauf mauvaise foi, le contribuable peut bénéficier de remises totales ou partielles de ses impositions directes, y compris les majorations et intérêts de retard, afin de tenir compte de la situation de l'entreprise, de garantir sa pérennité et le respect ultérieur de ses obligations fiscales.
« En cas de signature d'un plan d'apurement, l'entreprise qui a fait l'objet d'une taxation d'office pourra bénéficier d'un réexamen de sa situation en vue d'une imposition sur des bases réelles.
« Le plan d'apurement peut être suspendu pour une durée de trois à six mois, et prorogé d'autant, si l'entreprise peut se prévaloir d'un préjudice matériel dû à l'effet d'un aléa climatique, suite à la publication d'un arrêté portant constatation de l'état de catastrophe naturelle sur le territoire d'un département d'outre-mer ou sur une portion de ce dit territoire dans lequel elle est implantée.
« III. - Non modifié.
« IV. - Toute condamnation pénale de l'entreprise ou du chef d'entreprise pour travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d'oeuvre ou fraude fiscale, en application des articles L. 152-3, L. 152-3-1, L. 362-3, L. 362-4, L. 362-5 et L. 362-6 du code du travail, ou, après mise en demeure, le non-respect de l'échéancier du plan d'apurement ou le non-paiement des charges fiscales dues postérieurement à la signature de ce plan entraîne la caducité du plan d'apurement.
« V. - Ne peuvent bénéficier des dispositions du présent article les entreprises ou les chefs d'entreprise ayant été condamnés pénalement, en application des articles L. 152-3, L. 152-3-1, L. 362-3, L. 362-4, L. 362-5 et L. 362-6 du code du travail, pour travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d'oeuvre ou pour fraude fiscale au cours des cinq dernières années précédant la publication de la présente loi.
« VI et VII. - Non modifiés.
« VIII. - Supprimé. »
Par amendement n° 62 rectifié, le Gouvernement propose, après les mots : « 1er janvier 2000 », de supprimer la fin du deuxième alinéa du I de cet article.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Cet amendement est purement rédactionnel. Il a pour objet d'éviter tout risque d'interprétation restrictive de la disposition de l'article 6 permettant aux contribuables de demander, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, l'adoption d'un plan d'apurement de leur dette fiscale dont l'origine est antérieure au 31 décembre 1999, même si la mise en recouvrement intervient postérieurement à cette date.
La rédaction actuelle de l'article 6 comporte une liste qui, en fait, ne couvre pas l'ensemble du champ concerné. Ainsi, les dettes fiscales peuvent donner lieu à l'établissement d'avis de mise en recouvrement, pour la TVA, par exemple, et à des mesures de poursuites telles que les saisies immobilières ou les ventes globales de fonds de commerce.
Il est donc préférable d'éviter une liste qui pourrait être interprétée comme limitative et de retenir une rédaction qui soit à la fois plus claire et plus concise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. La rectification de cet amendement étant intervenue après la réunion de la commission, cette dernière n'a pu se prononcer à cet égard. Cependant, à titre personnel, j'émets un avis favorable sur ce texte.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 11, M. Balarello, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le premier alinéa du II de l'article 6 :
« II. - Si la demande du contribuable est acceptée, le plan d'apurement est signé dans le délai de six mois mentionné au I afin de tenir compte de la situation de l'entreprise, de garantir sa pérennité et le respect ultérieur de ses obligations fiscales. Il est d'une durée maximum de sept ans. Il peut comporter l'annulation des majorations et intérêts de retard pour les dettes constatées au 31 décembre 1999. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de remises partielles ou totales de créances fiscales.
En effet, l'article L. 247 du livre des procédures fiscales prévoit déjà la possibilité de bénéficier de remises gracieuses, totales ou partielles - d'ailleurs, la presse, ces derniers temps, n'a pas manqué d'évoquer des remises gracieuses en matière de procédure fiscale... - en s'adressant au directeur des services fiscaux, voire au directeur régional ou au ministre pour des montants plus importants. Cette nouvelle mesure apparaît donc pour partie redondante.
Des plans d'apurement ou de règlement peuvent déjà être accordés par la commission des chefs des services financiers qui réunit, sous la présidence du trésorier-payeur général, le directeur des services fiscaux ainsi que le directeur de l'URSSAF.
Par ailleurs, cette nouvelle rédaction permettrait de supprimer la référence faite à la mauvaise foi, qui paraît trop imprécise. C'est pourquoi la commission vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. En effet, le texte qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit la possibilité d'accorder aux entreprises en difficulté des remises totales ou partielles de leurs impositions directes, sauf en cas de mauvaise foi.
Il vise par ailleurs à instaurer une procédure individualisée qui - j'insiste sur ce point - devrait permettre de sauvegarder les emplois et donc de garantir la pérennité de l'entreprise ainsi que le respect ultérieur de ses obligations fiscales. C'est bien pour maintenir la portée de ce dispositif que je ne suis pas favorable à la rédaction proposée par la commission.
Quant à la restriction apportée pour les redevables à l'encontre desquels la mauvaise foi est établie, elle est fondée sur la nécessité de ne pas accorder de remises gracieuses d'imposition à ceux qui ont connaissance des manquements constatés ou qui ont voulu minorer leurs impôts. Voilà pourquoi le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté).
M. le président. Par amendement n° 12, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le dernier alinéa du II de l'article 6, après les mots : « préjudice matériel dû à », de supprimer les mots : « l'effet d' ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 13, M. Balarello, au nom de la commission, propose :
A. - Dans le IV de l'article 6, après les mots : « main-d'oeuvre », de supprimer les mots : « ou fraude fiscale ».
B. - En conséquence, dans le paragraphe IV de cet article, après les mots : « code du travail, », d'insérer les mots : « ou pour fraude fiscale en application de l'article 1741 du code général des impôts ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, qui vise à mieux définir la fraude fiscale en faisant référence à l'article correspondant du code général des impôts. C'est un texte de coordination avec l'amendement n° 9 présenté à l'article 5.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 14, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le V de l'article 6, après les mots : « fraude fiscale », d'insérer les mots : « , en application de l'article 1741 du code général des impôts, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7



M. le président.
« Art. 7. - I. - Il est créé, au chapitre II du titre III du livre VIII du code du travail, une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Aide à la création d'emploi

« Art. L. 832-7 . - Une prime à la création d'emploi financée par l'Etat est instituée pour les entreprises dont l'un au moins des établissements est implanté dans un département d'outre-mer, qui contribuent à l'accroissement et à la diversification des débouchés commerciaux matériels et immatériels.
« Cette aide est versée aux entreprises agréées par le représentant de l'Etat dans le département, qui, après avis du président du conseil régional, s'assure que l'activité de l'entreprise présente un intérêt pour le développement économique du département.
« L'aide est versée pendant dix ans, de façon dégressive, pour les créations nettes d'emplois postérieures à la date de l'agrément. Son montant et les conditions de sa dégressivité sont fixés par décret.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article.
« II. - Supprimé. »
Par amendement n° 15, M. Balarello, au nom de la commission, propose :
A. - Après l'avant-dernier alinéa du texte présenté par le I de l'article 7 pour l'article L. 832-7 du code du travail, d'insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Pour les entreprises ainsi agréées, l'exonération prévue au I de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale est égale à 100 % du montant des cotisations dans la limite du plafond de la sécurité sociale. »
B. - De rétablir le II de l'article 7 dans la rédaction suivante :
« II. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 832-7 du code du travail sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement vise à relever l'exonération de cotisations sociales prévue à l'article 2 du présent projet de loi pour les entreprises bénéficiant de la prime à l'exportation, l'exonération portant non plus sur 1,3 SMIC, mais sur le plafond de la sécurité sociale, soit un salaire de 14 700 francs brut par mois. Il s'agit toujours, conformément au voeu des commissions saisies de ce texte - nous étions trois rapporteurs en première lecture - de favoriser l'emploi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Pour les raisons que j'ai déjà exposées tout à l'heure, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ce texte.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7 bis
(pour coordination)

M. le président. L'article 7 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Articles 7 quater et 7 quinquies



M. le président.
« Art. 7 quater. - La compétence de la chambre de commerce, d'industrie et des métiers de Saint-Pierre-et-Miquelon est étendue au secteur agricole.
« L'appellation de la chambre consulaire devient : chambre d'agriculture, de commerce, d'industrie et des métiers.
« Une section agricole peut être créée après avis du conseil général.
« Toute autre section peut être créée après avis du conseil général.
« Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application du présent article. » - (Adopté.)
« Art. 7 quinquies. - Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, à l'appui de la loi de finances, un rapport sur les conditions de fixation des taux bancaires dans les départements d'outre-mer et sur les raisons de leur écart par rapport aux taux pratiqués en métropole. » - (Adopté.)

Article 9



M. le président.
« Art. 9. - Dans le chapitre II du titre III du livre VIII du code du travail, il est inséré un article L. 832-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 832-6 . - Dans les départements d'outre-mer, les jeunes âgés de dix-huit à trente ans ainsi que les bénéficiaires du dispositif prévu à l'article L. 322-4-18 arrivant au terme de leur contrat peuvent bénéficier d'une aide financière de l'Etat dénommée aide à un projet initiative-jeune, en vue de faciliter la réalisation d'un projet professionnel.
« Cette aide bénéficie aux jeunes qui :
« a) Soit créent ou reprennent une entreprise à but lucratif dont le siège et l'établissement principal sont situés dans un département d'outre-mer et dont ils assurent la direction effective ; dans ce cas, l'aide de l'Etat prend la forme d'un capital versé en deux ou plusieurs fractions ;
« b) Soit poursuivent, hors du département d'outre-mer dans lequel est situé le centre de leurs intérêts ou pour ce qui concerne l'archipel de la Guadeloupe, hors des îles des Saintes, de Marie-Galante, de la Désirade, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy où est situé le centre de leurs intérêts, une formation professionnelle proposée par l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer ou par tout organisme agréé par l'Etat ; dans ces cas, l'aide de l'Etat prend la forme d'une mensualité, dans la limite de deux ans, à laquelle peut s'ajouter la prise en charge de frais liés à la formation.
« La décision d'attribution de l'aide est prise par le représentant de l'Etat dans le département, qui apprécie la réalité, la consistance et la viabilité du projet.
« L'aide, dont le montant est fixé par décret, est versée à compter de la date de la création effective de l'entreprise ou de celle du début de la formation.
« Un même jeune peut bénéficier successivement des deux types d'aide si, après avoir suivi une formation en mobilité, il crée une entreprise dans les conditions fixées au présent article.
« L'aide en capital est exonérée de toutes charges sociales et fiscales. L'aide mensuelle est soumise à cotisations sociales dans les conditions prévues à l'article L. 962-3. Elle fait partie, le cas échéant, des ressources pour le calcul du revenu minimum d'insertion ou d'autres prestations sociales.
« Toute personne qui aura frauduleusement bénéficié ou tenté de bénéficier de l'aide afférente au projet initiative-jeune sera punie des peines prévues aux articles 313-1 à 313-3 du code pénal.
« Les jeunes bénéficiant ou ayant bénéficié de l'aide à un projet initiative-jeune et créant ou reprenant une entreprise à but lucratif dont le siège et l'établissement principal sont situés dans un département d'outre-mer et dont ils assurent la direction effective peuvent également bénéficier des aides prévues à l'article L. 351-24.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article et notamment celles de la suspension ou de la suppression de l'aide, ainsi que celles relatives au non-cumul de cette aide avec d'autres aides publiques. »
Par amendement n° 42, le Gouvernement propose, dans le quatrième alinéa (b) du texte présenté par l'article 9 pour l'article L. 832-6 du code du travail, après les mots : « par tout organisme agréé », d'insérer les mots : « à cet effet ».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement de précision. En effet, les organismes concernés par ces programmes initiative-jeune doivent avoir un agrément spécifique, car il ne peut s'agir d'un agrément général qui aurait été donné pour un objet plus large.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 50, le Gouvernement propose, dans le sixième alinéa du texte présenté par l'article 9 pour l'article L. 832-6 du code du travail, après les mots : « dont le montant », d'insérer le mot : « maximum ».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. C'est un amendement de précision qui a pour objet de permettre d'apporter une aide financière adaptée aux projets professionnels des jeunes. De plus, l'aide ne peut dépasser - c'est une évidence - le niveau des dépenses réelles qui sont occasionnées par ce projet. Aussi est-il nécessaire de préciser que le montant de l'aide qui sera fixée par le décret est un maximum et non pas un montant uniforme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Article 9 bis A



M. le président.
« Art. 9 bis A. - Le chapitre II du titre III du livre VIII du code du travail est complété par un article L. 832-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 832-7-1 . - Dans les départements d'outre-mer, le champ des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 322-4-18 s'étend aux activités de coopération internationale régionale et notamment d'aide humanitaire. »
Par amendement n° 16, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par cet article pour l'article L. 832-7-1 du code du travail, de supprimer le mot : « notamment ».
Par amendement n° 17 rectifié, M. Balarello, au nom de la commission, propose de compléter le texte présenté par l'article 9 bis A pour l'article L.832-7-1 du code du travail par le mot : « régionale. ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces deux amendements.
M. José Balarello, rapporteur. L'amendement n° 16 est d'ordre rédactionnel. Il concerne la disposition introduite par le Sénat en première lecture afin d'étendre le champ des activités ouvertes aux emplois-jeunes à la coopération régionale et à l'aide humanitaire.
Par ailleurs, il vise à supprimer le mot « notamment », qui est source d'insécurité juridique.
M. Patrice Gélard. Très bien !
M. José Balarello, rapporteur. Je dois dire que le président de la commission des lois, M. Jacques Larché, a plusieurs fois insisté pour que nous n'utilisions pas le terme « notamment » en commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel afin de préciser que l'élargissement du champ d'intervention des emplois-jeunes au titre de l'aide humanitaire s'inscrit dans le cadre de la coopération internationale régionale. Cet amendement, approuvé par le Gouvernement, a complété de façon satisfaisante la rédaction de l'article 9 bis A.
S'agissant de la suppression du terme « notamment », objet de l'amendement n° 16, le Gouvernement n'y voit pas d'inconvénient.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 17 rectifié, car il considère que la rédaction de l'Assemblée nationale est satisfaisante sur ce point.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9 bis A, modifié.

(L'article 9 bis A est adopté.)

Article 9 bis B



M. le président.
L'article 9 bis B a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 18, M. Balarello, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Dans le premier alinéa de l'article L. 832-2 du code du travail, après les mots : "favoriser l'insertion professionnelle", sont insérés les mots : "des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi,". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l'article 9 bis B, adopté par le Sénat en première lecture, afin de recentrer les contrats d'accès à l'emploi sur les jeunes les plus en difficulté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. S'agissant d'une matière réglementaire, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 9 bis B est rétabli dans cette rédaction.

Article 9 ter
(coordination)



M. le président.
« Art. 9 ter . - L'article L. 720-4 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 720-4 . - Dans les départements d'outre-mer, sauf dérogation motivée de la Commission nationale d'équipement commercial, l'autorisation demandée ne peut être accordée, que celle-ci concerne l'ensemble du projet ou une partie seulement, lorsqu'elle a pour conséquence de porter au-delà d'un seuil de 25 %, sur l'ensemble du territoire du département ou d'un pays de ce département ou d'une agglomération au sens des articles 25 et 26 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, ou d'augmenter, si elle est supérieure à ce seuil au-delà duquel la demande est automatiquement rejetée, qu'il s'agisse d'un ou de plusieurs transferts, changements d'activité, extensions, ou toute opération de concentration, la surface totale des grandes et moyennes surfaces de détail dans lesquelles sont mis en vente des produits alimentaires, ou la part de son chiffre d'affaires annuel hors taxes incluant toutes les ventes au détail sur place, par correspondance ou par tout autre moyen de communication, et appartenant :
« - soit à une même enseigne ;
« - soit à une même société, ou une de ses filiales, ou une société dans laquelle l'un des associés du groupe possède une fraction du capital comprise entre 10 % et 50 %, ou une société contrôlée par cette même société au sens de l'article L. 233-3 ;
« - soit contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé du groupe exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16, ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. » - (Adopté.)

Article 9 quater



M. le président.
« Art. 9 quater. - I. - Afin de favoriser l'embauche de jeunes dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon par la cessation d'activité de salariés âgés, l'Etat, le conseil régional ou le conseil général ainsi que les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le département peuvent passer une convention-cadre aux fins de la mise en place d'un dispositif dénommé congé-solidarité.
« La convention-cadre fixe les engagements respectifs de l'Etat, du conseil régional et du conseil général.
« La convention-cadre doit être conclue au plus tard le 31 décembre 2001. Elle désigne, avec son accord, l'organisme gestionnaire de l'allocation de congé-solidarité.
« II et III. - Non modifiés .
« IV. - La convention-cadre fixe également les contreparties de la mise en oeuvre du congé-solidarité dans les limites suivantes :
« 1° La durée collective du travail est fixée à au plus soit trente-cinq heures hebdomadaires, soit 1 600 heures sur l'année ;
« 2° Pour chaque salarié adhérant à la convention d'application du congé-solidarité, l'employeur est tenu d'embaucher un jeune âgé d'au plus trente ans sous contrat à durée indéterminée fixant un horaire au moins égal à celui du salarié remplacé et conclu dans le délai fixé par cette convention et qui ne peut excéder six mois ;
« 3° L'effectif atteint à la date de la dernière embauche à laquelle est tenu l'employeur et déterminé selon les modalités prévues à l'article L. 421-2 du code du travail ne doit pas être réduit pendant la durée fixée par la convention et qui ne peut être inférieure à deux ans. »
« V à VIII. - Non modifiés. »
Par amendement n° 43, Le Gouvernement propose, dans le premier alinéa du I de cet article, de supprimer les mots : « et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'harmoniser la rédaction proposée afin d'éviter toute confusion.
Pour que l'article s'applique bien à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, il sera proposé parallèlement un amendement à l'article 40, tendant à ajouter l'article 9 quater dans l'énumération des articles du présent projet de loi s'appliquant à Saint-Pierre-et-Miquelon.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 19, M. Balarello, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le IV de l'article 9 quater :
« IV. - La convention-cadre fixe également les conditions de mise en oeuvre du congé-solidarité dans l'entreprise.
« Elle prévoit que, pour chaque salarié adhérant à la convention, l'employeur est tenu d'embaucher un jeune âgé d'au plus trente ans sous contrat de travail à durée indéterminée, pour une durée de travail effectif au moins égale à celle effectuée par le salarié adhérant à la convention.
« Elle fixe aussi le délai dans lequel doit être conclu ce contrat de travail, ce délai ne pouvant excéder six mois, ainsi que la durée pendant laquelle l'effectif de l'entreprise, déterminé selon les modalités prévues à l'article L. 421-2 du code du travail, ne peut être inférieur à l'effectif constaté à la date de signature de la convention, cette durée ne pouvant être inférieure à deux ans. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 63, présenté par MM. Lise, Larifla, Désiré et les membres du groupe socialiste et tendant :
A. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 19 pour le IV de l'article 9 quater , après les mots : « à durée indéterminée », à insérer les mots : « ou un jeune bénéficiaire du dispositif prévu à l'article L. 322-4-18 du code du travail arrivant au terme de leur contrat ».
B. - A compléter in fine l'amendement n° 19 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les pertes de recettes éventuelles résultant de l'extension aux jeunes employés dans le cadre d'un contrat emploi-jeune du dispositif proposé sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 58, MM. Lise, Larifla, Désiré et les membres du groupe socialiste proposent :
A. - Dans le troisième alinéa (2°) du IV de l'article 9 quater , après les mots : « à durée indéterminée », d'insérer les mots : « ou un jeune bénéficiaire du dispositif prévu à l'article L. 322-4-18 du code du travail arrivant au terme de leur contrat ».
B. - De compenser les pertes de recettes éventuelles résultant de l'extension aux jeunes employés dans le cadre d'un contrat emploi-jeune du dispositif proposé par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 19.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l'obligation pour l'entreprise d'avoir réduit la durée du travail à 35 heures hebdomadaires pour bénéficier du congé emploi-solidarité. En effet, cette obligation est contre-productive, les entreprises de moins de vingt salariés n'étant soumises à la réduction de la durée légale du travail à 35 heures qu'à partir de 2002. Une telle mesure les écarterait de fait du dispositif, alors qu'elles constituent la très grande majorité des employeurs dans les départements d'outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Lise, pour présenter le sous-amendement n° 63 et l'amendement n° 58.
M. Claude Lise. Mon amendement n° 58 deviendra sans objet si celui de la commission est adopté. C'est la raison pour laquelle j'ai également déposé un sous-amendement de repli à l'amendement n° 19.
L'un et l'autre ont pour objet de permettre, dans le cadre du congé emploi-solidarité, outre l'embauche d'un jeune d'au plus trente ans sous contrat à durée indéterminée, celle d'un jeune bénéficiaire d'un contrat emploi-jeune parvenu à son terme.
Ils s'inscrivent dans la suite logique d'une disposition identique, adoptée en première lecture à l'article 39, pour le projet initiative jeune.
Aussi, j'espère que notre Haute Assemblée voudra bien aujourd'hui, à défaut de pouvoir adopter l'amendement n° 58, adopter le sous-amendement n° 63, pour aller dans le même sens.
Nous savons que nombre d'emplois-jeunes ont été institués dans nos départements d'outre-mer. Mais ces mesures, pour efficaces qu'elles soient, sont limitées dans le temps. En effet, la volonté du Gouvernement est de pérenniser les emplois-jeunes, mais nous savons bien que c'est difficile. Le sous-amendement n° 63 n'a donc d'autre objet que de contribuer à cette pérennisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 63 ?
M. José Balarello, rapporteur. La commission n'est pas opposée au sous-amendement de M. Lise, sous réserve d'une rectification formelle : dans le A, il faut écrire « son contrat » au lieu de « leur contrat ».
M. le président. Monsieur Lise, acceptez-vous la rectification proposée par M. le rapporteur ?
M. Claude Lise. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Lise, Larifla, Désiré et les membres du groupe socialiste, et tendant :
A. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 19 pour le IV de l'article 9 quater , après les mots : « à durée indéterminée », à insérer les mots : « ou un jeune bénéficiaire du dispositif prévu à l'article L. 322-4-18 du code du travail arrivant au terme de son contrat ».
B. - A compléter in fine l'amendement n° 19 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les pertes de recettes éventuelles résultant de l'extension aux jeunes employés dans le cadre d'un contrat emploi-jeune du dispositif proposé sont compensées par l'augmentation, à due concurrence, des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 19, le sous-amendement n° 63 rectifié et l'amendement n° 58 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 19, pour des raisons que j'ai longuement exposées tout à l'heure.
Sans doute avons-nous, M. le rapporteur et moi-même, quelques différences d'appréciation sur l'impact de la réduction du temps de travail sur le chômage. Pour ma part, je considère que la loi Aubry a eu dans notre pays des effets tout à fait positifs et je serais au regret de constater que l'on doive en restreindre la portée dans les départements d'outre-mer.
M. José Balarello, rapporteur. Attendez 2002 !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Cela me conduit donc à émettre un avis défavorable sur le sous-amendement n° 63 rectifié de M. Lise, considérant d'ailleurs que son souhait est satisfait par l'amendement n° 58, auquel je suis en revanche favorable et dont je lève le gage.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 63 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 58 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9 quater , modifié.

(L'article 9 quater est adopté.)

Article 9 quinquies A



M. le président.
L'Assemblée nationale a supprimé l'article 9 quinquies A.
Mais, par amendemenent n° 20, M. Balarello, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Les bois et forêts domaniaux de l'Etat peuvent être transférés dans le patrimoine des collectivités territoriales guyanaises dans un but de développement économique, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Pour l'entretien et la gestion de ce domaine, il est créé un office régional de la forêt dont le statut et la composition sont fixés par le même décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement tend à rétablir l'article 9 quinquies A, adopté en première lecture sur l'initiative de notre collègue Georges Othily, afin de permettre le transfert des forêts domaniales de l'Etat dans le patrimoine des collectivités territoriales guyanaises, dans un objectif de développement économique.
Sur ce sujet très important, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement peut-il s'engager à déposer prochainement un projet de loi ? Envisage-t-il de fixer une date butoir en la matière ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Si tel était le cas, monsieur le rapporteur, retireriez-vous votre amendement ?
Ce que je peux vous dire - et c'est un engagement que je prends - c'est qu'une concertation a été engagée avec l'ensemble des acteurs locaux professionnels et avec les élus et que, les premières orientations étant arrêtées, un premier texte pourrait voir le jour avant la fin de cette année. Il nous sera alors possible de nous engager plus avant sur un calendrier !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. Georges Othily. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. L'ensemble des élus de Guyane ont demandé au sénateur guyanais que je suis de déposer un amendement pour que l'Etat transfère aux collectivités guyanaises les bois et forêts.
J'ai moi-même déposé, voilà deux ans, une proposition de loi tendant à modifier le code forestier à cette fin. Cela étant, comme le Gouvernement est maître de l'ordre du jour du Sénat, cette proposition de loi n'a pas encore été appelée en discussion dans cette enceinte.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, le 11 octobre dernier, qu'il n'apparaîtrait pas opportun au Gouvernement d'anticiper sur les discussions qui peuvent avoir lieu à l'échelon local dans ce domaine.
Cependant, j'observe également que M. Jérôme Lambert, l'excellent rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, avait fait en sorte que cet amendement, auquel le Gouvernement ne s'est pas déclaré favorable, soit adopté.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, les discussions au sujet des nouvelles dispositions du code forestier sont achevées depuis le 17 août 2000 et - c'est une information que je vous livre - ont été définitivement adoptées le 7 septembre, à dix heures, à la préfecture régionale de Guyane, salle Félix-Eboué, les dispositions qui permettront peut-être au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi tendant à modifier le code forestier.
J'ai participé à ces discussions et j'ai fortement imprimé ma marque à ces dispositions, à telle enseigne que l'on s'est servi de la proposition de loi que j'avais déposée pour élaborer ces dernières.
Vous comprendrez donc très bien que, puisque nous en sommes au stade de la discussion d'un projet de loi d'orientation et que vous vous prononcez aujourd'hui en faveur de l'inscription dans la loi de cette possibilité, pour la collectivité guyanaise, de devenir propriétaire du domaine forestier, nous revenions à la charge le moment venu.
En attendant, nous allons, bien sûr, adopter l'amendement que notre excellent rapporteur, M. José Balarello, propose à notre Haute Assemblée d'adopter aujourd'hui.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 9 quinquies A est rétabli dans cette rédaction.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi d'orientation relatif à l'outre-mer.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 9 quinquies .

Article 9 quinquies

M. le président. L'article 9 quinquies a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Articles 9 septies A, 9 septies et 9 octies



M. le président.
« Art. 9 septies A. - L'article 21 de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette instance paritaire de concertation rend, après consultation des collectivités régionales et départementales de chaque département d'outre-mer, un rapport annuel assorti de propositions susceptibles de diminuer le coût des transports outre-mer. Ce rapport annuel sera transmis au Gouvernement. » - (Adopté.)
« Art. 9 septies. - Dans les départements d'outre-mer, les conditions d'accès à l'activité de transporteur public routier de personnes sont aménagées en ce qui concerne les conditions de capacité professionnelle et de capacité financière pour les artisans exploitant personnellement un seul véhicule, lorsque ce véhicule a une capacité maximale de neuf places, conducteur inclus, ou pour les entreprises qui n'utilisent qu'un seul véhicule de ce type.
« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat. » - (Adopté.)
« Art. 9 octies. - Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, par dérogation à la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, et aux prescriptions du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, les conventions et les autorisations relatives aux services réguliers de transport public routier de personnes, encore en vigueur à la date de promulgation de la présente loi ou venues à échéance au plus tôt au 1er janvier 1995, sont réputées avoir poursuivi leurs effets, si l'autorité organisatrice de transport compétente le décide, pour une durée ne pouvant excéder dix-huit mois après la promulgation de la loi, sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée. Dans ce délai, une loi définira un nouveau dispositif d'organisation des transports publics terrestres de personnes, portant en particulier sur les modalités d'attribution des lignes, les financements et la gestion de ce service public. Cette loi précisera également les conditions dans lesquelles s'effectuera le passage du dispositif actuel à ce nouveau dispositif. - (Adopté.)

Article 10



M. le président.
Art. 10. - Au chapitre II du titre Ier du livre VIII du code du travail, il est créé un article L. 812-1, ainsi rédigé :
« Art. L. 812-1. - L'article L. 129-2, à l'exception de son avant-dernier alinéa, n'est pas applicable dans les départements d'outre-mer. Dans ces départements, il est créé un titre de travail simplifié pour assurer la rémunération et pour la déclaration en vue du paiement des cotisations sociales :
« - des personnes employées par des entreprises, employeurs et organismes mentionnés à l'article L. 131-2 occupant moins de onze salariés ;
« - des personnes effectuant des travaux et services au domicile des particuliers.
« L'activité de ces personnes est réputée être salariée.
« Lorsque l'activité s'exerce en entreprise, elle ne peut excéder pour la même personne cent jours consécutifs ou non par année civile dans la même entreprise.
« Le titre de travail simplifié ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié. Il se substitue à la remise du bulletin de paie prévu par l'article L. 143-3. L'entreprise doit cependant satisfaire à l'obligation visée à l'article L. 320.
« L'employeur et le salarié qui utilisent le titre de travail simplifié sont réputés satisfaire aux obligations mises à la charge de l'un ou l'autre par les articles L. 122-3-1 et L. 212-4-3, ainsi qu'aux déclarations au titre de la médecine du travail et du régime des prestations mentionnées à l'article L. 351-2.
« La rémunération portée sur le titre de travail simplifié inclut une indemnité de congés payés dont le montant est égal à un dixième de la rémunération hormis lorsque s'applique le régime des professions affiliées aux caisses de compensation prévues à l'article L. 223-16.
« Les titres de travail simplifiés sont émis et délivrés par les établissements de crédit ou par les institutions ou services énumérés à l'article de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, dans le cadre de la convention prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 129-2.
« Les cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle imposées par la loi dues au titre des rémunérations versées aux salariés visés au présent article sont calculées sur une base forfaitaire réduite et font l'objet d'un versement unique à la caisse générale de sécurité sociale.
« Par dérogation, ces cotisations peuvent être calculées, d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, sur les rémunérations réellement versées au salarié.
« Les modalités de gestion et de répartition de ce versement unique font l'objet d'un accord entre les organismes concernés avant le 1er juillet 2001. A défaut d'accord à cette date, ces modalités sont fixées par arrêté interministériel.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 21, M. Balarello, au nom de la commission des lois, propose, après le huitième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L. 812-1 du code du travail, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés visés au présent article ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'effectif au sens de l'article L. 421-2. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les salariés bénéficiant du titre de travail simplifié ne seront pas pris en compte dans le calcul de l'effectif de l'entreprise.
Cet amendement s'inscrit toujours dans la même philosophie de la commission des lois, de la commission des affaires économiques et du Plan et de la commission des affaires sociales du Sénat, qui vise à développer l'emploi dans les départements d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, ainsi modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article additionnel après l'article 11



M. le président.
Par amendement n° 59, MM. Lise, Larifla, Désiré et les membres du groupe socialiste proposent, après l'article 11, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La section I du chapitre IV du titre Ier du livre VIII du code du travail et les articles L. 814-1 à L. 814-4 sont supprimés. »
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Cet amendement vise à supprimer un certain nombre d'articles du code du travail qui fixent les modalités d'évolution du SMIC dans les départements d'outre-mer.
En effet, si le SMIC de ces département a bien été aligné sur le niveau métropolitain en 1996 en vertu de ce que l'on a appelé la politique d'égalité sociale initiée par le Premier ministre de l'époque, Michel Rocard, le Gouvernement n'a pas, depuis cette date, supprimé dans le code du travail les articles spécifiques concernant les modalités d'évolution du SMIC outre-mer. Ainsi, un simple décret permettrait à nouveau de différencier le SMIC outre-mer du SMIC métropole.
Il est donc proposé, conformément à la politique de l'égalité sociale poursuivie par l'actuel gouvernement, d'abroger ces articles qui n'ont plus lieu d'être.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, au nom du principe d'égalité sociale qui est affirmé par le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, puisque le taux horaire du SMIC outre-mer est identique à celui qui est applicable en métropole.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.

Article 11 bis



M. le président.
L'article 11 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 22, M. Balarello, au nom de la commission, propose de rétablir cet article dans la rédaction suivante :
« I. - A compter de la publication de la présente loi, la charge supplémentaire, résultant de l'article 11, que supportent les départements d'outre-mer au titre des actions d'insertion prévues à l'article 38 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 précitée est compensée par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement a effectivement pour objet de rétablir l'article 11 bis, introduit par le Sénat en première lecture, afin d'assurer la compensation par l'Etat de la charge supplémentaire résultant pour les départements du financement des crédits d'insertion liés aux conséquences de l'alignement du RMI. Ces crédits d'insertion étant calés sur l'importance des sommes versées au cours de l'exercice précédent par l'Etat dans le département au titre de l'allocation de RMI, il est certain que cet alignement du RMI entraînera un surcroît de dépenses pour les départements d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est défavorable, essentiellement pour deux raisons, monsieur le rapporteur.
La première, c'est que les charges résultant de l'insertion des RMIstes n'ont pas fait l'objet d'une compensation pour les départements de métropole ou pour les départements d'outre-mer jusqu'à présent.
La seconde - c'est peut-être celle-là qui peut emporter votre conviction, monsieur le rapporteur - c'est qu'au fond, notre objectif, le vôtre comme celui du Gouvernement, c'est bien de réduire le nombre des bénéficiaires du RMI. A cet égard, la loi d'orientation comprend toute une série de dispositions, tel le revenu de solidarité qui résulte d'un amendement déposé par votre collègue M. Lise et qui permettra à plusieurs milliers de bénéficiaires du RMI de sortir de leur situation et d'obtenir un meilleur revenu.
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Dieu vous entende, monsieur le secrétaire d'Etat, parce que, à ce moment-là, il est certain que la participation de l'Etat pour compenser les dépenses ainsi induites pour les finances départementales sera minime ! Vous pourriez donc accepter cet amendement, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 11 bis est rétabli dans cette rédaction.

Article 13 bis



M. le président.
L'article 13 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 23, M. Balarello, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Le chapitre II du titre III du livre VIII du code du travail est complété par un article L. 832-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 832-8-1. - Dans les départements d'outre-mer, à titre expérimental et à partir du 1er janvier 2001, tout bénéficiaire du revenu minimum d'insertion depuis un an peut, dans le cadre d'un contrat d'accès à l'emploi à mi-temps prévu à l'article L. 832-2, conclure une convention de retour à l'activité avec son employeur et l'agence départementale d'insertion.
« Pendant la durée de la convention, le bénéficiaire a droit au maintien intégral de l'allocation de revenu minimum d'insertion.
« Un bilan de ces conventions de retour à l'activité sera réalisé et rendu public dans chaque département pour le 1er janvier 2003.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article, notamment en ce qui concerne les actions de formation devant bénéficier aux personnes concluant une convention de retour à l'activité ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement tend effectivement à rétablir l'article 13 bis, qui avait été introduit par le Sénat en première lecture, afin de mettre en place des conventions de retour à l'activité permettant aux bénéficiaires du RMI depuis plus d'un an de reprendre une activité professionnelle par le biais d'un contrat d'accès à l'emploi à mi-temps tout en continuant à percevoir l'allocation de RMI pendant la durée de la convention. Ce dispositif est important car il peut inciter les RMIstes à rechercher un emploi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement tendant à rétablir un dispositif qui avait été adopté par le Sénat en première lecture, car il lui paraît présenter plusieurs inconvénients. Il est d'abord contraire à l'esprit de l'allocation de retour à l'activité qui remplace le RMI dès la reprise de l'activité. Il aurait ensuite, et cela nous renvoie à la discussion que nous avons eue à l'instant, le double inconvénient de conserver la personne dans le dispositif du RMI, ce qui n'est pas souhaitable, mais aussi de maintenir au même niveau les dépenses du conseil général au titre de l'insertion, ce que vous déploriez, monsieur le rapporteur, en quelque sorte tout à l'heure.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 bis est rétabli dans cette rédaction.

Article 16



M. le président.
« Art. 16. - Il est rétabli, dans le titre IV du livre III du code de l'urbanisme, un article L. 340-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 340-2 . - Il est créé, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à la Réunion, un fonds régional d'aménagement foncier et urbain qui coordonne les interventions financières de l'Etat, des collectivités territoriales et de l'Union européenne, en vue d'assurer la constitution de réserves foncières et la réalisation des équipements nécessaires à l'aménagement d'espaces déjà urbanisés ou qui ont vocation à l'être en vertu des documents d'urbanisme applicables.
« Le fonds régional participe également au financement des études préalables à la réalisation de ces opérations.
« Pour la mise en oeuvre du dispositif, une convention est passée avec une institution financière chargée de regrouper les fonds et de verser les aides.
« Les représentants des maîtres d'ouvrages sociaux sont consultés sur la gestion et l'évaluation de ces fonds.
« La présidence du fonds régional d'aménagement foncier et urbain est assurée alternativement et par période d'un an par le président du conseil général et par le président du conseil régional. A la Réunion, la présidence de ce fonds est assurée alternativement et par période d'un an par le président du conseil régional et, conjointement, par les deux présidents de conseil général.
« L'association des maires désigne deux représentants pour siéger au fonds régional d'aménagement foncier et urbain.
« Les autres modalités d'organisation et de fonctionnement des fonds régionaux sont définies par décret. »
Par amendement n° 24, M. Balarello, au nom de la commission, propose de supprimer la seconde phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 340-2 du code de l'urbanisme.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec la suppression de la bidépartementalisation de la Réunion, problème que nous allons examiner dans un instant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Défavorable en raison de l'exposé même des motifs de cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, ainsi modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17
(pour coordination)



M. le président.
« Art. 17. - Le premier alinéa de l'article 721-1 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu'un institut universitaire de formation des maîtres est créé dans une académie qui ne comprend aucune université, il est rattaché à une ou plusieurs universités d'une autre académie. » - (Adopté.)

Article 18 bis



M. le président.
« Art. 18 bis. - I. - Il est inséré, après l'article L. 311-5 du code de l'éducation, un article L. 311-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-6 . - Le conseil de l'éducation nationale institué dans les départements et les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion peut se prononcer sur le calendrier des rythmes scolaires, rendre tout avis sur les programmes des enseignements dispensés dans les écoles, collèges et lycées implantés dans ces départements et régions et émettre toute proposition en vue de l'adaptation de ceux-ci aux spécificités locales.
« II. - L'article L. 311-6 du même code devient l'article L. 311-7. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 25, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par le I de cet article pour l'article L. 311-6 du code de l'éducation de remplacer les mots : « peut se prononcer sur le calendrier des rythmes scolaires, rendre tout avis sur les programmes des enseignements » par les mots : « peut rendre tout avis sur le calendrier des rythmes scolaires et les programmes des enseignements ».
Par amendement n° 44, le Gouvernement propose, dans le texte présenté par le I de cet article pour l'article L. 311-6 du code de l'éducation, de remplacer les mots : « peut se prononcer sur le calendrier des rythmes scolaires » par les mots : « peut être consulté et émettre des voeux sur le calendrier et les rythmes scolaires ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 25.
M. José Balarello, rapporteur. La commission retire cet amendement car elle est satisfaite par l'amendement n° 44 du Gouvernement, auquel elle se rallie.
M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 44.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement de cohérence car la formule « le calendrier des rythmes scolaires » n'a pas de sens. En effet, elle regroupe deux thèmes différents : le calendrier de l'année scolaire, d'une part, et les rythmes scolaires, d'autre part. L'amendement fait donc référence au décret de 1985 relatif aux conseils de l'éducation nationale dans les départements et les académies.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18 bis, ainsi modifié.

(L'article 18 bis est adopté.)

Articles 18 ter , 19 bis et 20



M. le président.
« Art. 18 ter . - Il est institué un conseil culturel de l'île de Saint-Martin. Ce conseil a notamment pour mission de proposer aux responsables de l'île de Saint-Martin et du département de la Guadeloupe, ainsi qu'au préfet, toute mesure de nature à préserver et développer les acquis culturels spécifiques de l'île. Il peut être consulté par le préfet et les collectivités territoriales. » - (Adopté.)
« Art. 19 bis. - Afin d'assurer l'égalité d'accès de Saint-Pierre-et-Miquelon aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'Etat mettra en place au plus tard le 1er janvier 2002 un dispositif compensant le surcoût engendré par la surtaxe satellitaire supportée dans cette collectivité. » - (Adopté.)
« Art. 20. - Les oeuvres cinématographiques peuvent bénéficier d'une aide sélective spécifique si elles sont tournées en tout ou en partie dans les départements d'outre-mer ou à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les modalités de cette aide, gérée par le Centre national de la cinématographie en concertation avec l'Etat, sont déterminées par voie réglementaire. » - (Adopté.)

Article 21 bis



M. le président.
« Art. 21 bis. - Après le premier alinéa du II de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle assure la continuité territoriale des autres sociétés nationales de programme en prenant en compte les particularités propres aux départements d'outre-mer selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges après consultation de chaque conseil régional. »
Par amendement n° 47, M. Vergès propose, dans le texte présenté par cet article pour insérer un alinéa après le premier alinéa du II de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots : « la continuité territoriale des », de remplacer les mots : « autres sociétés nationales de programme » par les mots : « trois sociétés nationales de programme, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés. »
La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. C'est un problème bien simple : il s'agit de la reprise, avec une clarification, d'un amendement qui avait été voté par le Sénat en première lecture et tendant à faciliter l'accord de RFO.
Cet amendement concerne le droit à l'image et précise que les solutions peuvent être différentes à la Réunion et dans les départements français d'Amérique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. J'avoue - mais peut-être connaissons-nous mal le problème - ne pas comprendre le sens de cet amendement, qui vise à remplacer les mots « autres sociétés nationales de programmes » par les mots, à mon avis plus restrictifs - mais M. Vergès nous démontrera peut-être le contraire - « trois sociétés nationales de programme ».
J'aimerais que M. Vergès nous donne quelques explications sur ce point.
M. Paul Vergès Je demande la parole.
La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Cet amendement signifie qu'il n'existe aucune réticence à l'encontre de la structure actuelle de la société de radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer. Nous demandons que RFO soit chargée d'assurer la continuité territoriale des chaînes publiques entre la métropole et la Réunion, c'est-à-dire que cette société soit la responsable de la retransmission des chaînes publiques que nous ne réceptionnons pas, à savoir France 2, France 3, La Cinq et Arte.
Nous allons même plus loin : nous faisons confiance à RFO pour retransmettre intégralement les émissions des chaînes publiques métropolitaines.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Cet amendement, qui vise en effet à affirmer le principe de la continuité territoriale, des chaînes publiques et à en confier à RFO l'entière responsabilité, va dans le bon sens, dans un sens qu'admet le Gouvernement : la continuité territoriale des chaînes publiques.
Je serais d'autant plus tenté d'émettre un avis favorable sur cet amendement, qu'il prévoit une mise en oeuvre différenciée de cette continuité territoriale qui pourrait en effet être à l'origine d'une meilleure adaptation aux réalités locales.
Toutefois, la rédaction initiale évoque les « trois sociétés nationales de programme ». Comment ferons-nous si, demain, il y en a quatre ?
De ce fait, monsieur le sénateur, ne pourriez-vous pas modifier votre amendement en maintenant, en effet, la différenciation, mais en inscrivant dans la loi les « autres sociétés nationales de programme », c'est-à-dire les trois qui existent aujourd'hui, plus d'autres qui seraient éventuellement créées demain ?
Sous cette réserve, le Gouvernement serait favorable à votre proposition, monsieur Vergès.
M. le président. Acceptez-vous la rectification proposée par M. le secrétaire d'Etat, monsieur Vergès ?
M. Paul Vergès. J'accepte la proposition de M. le secrétaire d'Etat, qui nous donne satisfaction.
Deux idées prévalent en effet : la diffusion des programmes des chaînes nationales et la différenciation entre la Réunion et les départements français d'Amérique.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 47 rectifié, présenté par M. Vergès, et visant dans le texte proposé par l'article 21 bis pour insérer un alinéa après le premier alinéa du II de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots : « la continuité territoriale des », à remplacer les mots : « autres sociétés nationales de programme », par les mots : « autres sociétés nationales de programme, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés ».
Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21 bis, ainsi modifié.

(L'article 21 bis est adopté.)

Article 22



M. le président.
« Art. 22. - Dans le chapitre Ier du titre IV du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, sont insérés les articles L. 3441-2 à L. 3441-7 ainsi rédigés :
« Art. L. 3441-2 . - Dans les régions d'outre-mer ne comportant qu'un seul département, le conseil général peut adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d'engagements internationaux concernant la coopération régionale entre la République française et, selon le cas, les Etats de la Caraïbe, les Etats voisins de la Guyane et les Etats de l'océan Indien, ou d'accords avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies.
« Art. L. 3441-3 à 3441-5 . - Non modifiés.
« Art. L. 3441-6 . - Les conseils généraux des départements d'outre-mer peuvent saisir le Gouvernement de toute proposition tendant à l'adhésion de la France aux organismes régionaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 3441-3. »
« Art. L. 3441-7 . - Non modifié.
« Art. L. 3441-8 . - Supprimé . »
Par amendement n° 26, M. Balarello, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le début du texte présenté par cet article pour l'article L. 3441-2 du code général des collectivités territoriales :
« Le conseil général de chaque département d'outre-mer peut adresser... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination : nous proposons en effet de supprimer les articles 38 et 38 bis prévoyant la création de deux départements à la Réunion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 27 est présenté par M. Balarello, au nom de la commission.
L'amendement n° 60 est déposé par M. Lise et les membres du groupe socialiste.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 22 pour l'article L. 3441-6 du code général des collectivités territoriales :
« Art. L. 3441-6. - Les départements d'outre-mer peuvent, avec l'accord des autorités de la République, être membres associés des organismes régionaux mentionnés à l'alinéa 1er de l'article L. 3441-3 ou observateurs auprès de ceux-ci.
« Les conseils généraux de ces départements peuvent saisir le Gouvernement de toutes propositions tendant à l'adhésion de la France à de tels organismes. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 27.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre aux départements d'outre-mer de devenir membres associés des organisations internationales régionales.
M. le président. La parole est à M. Lise, pour défendre l'amendement n° 60.
M. Claude Lise. Les arguments qui ont été présentés à l'appui des modifications de l'article 22 annulant la possibilité, pour les conseils généraux, de devenir membres associés ou observateurs au sein d'organismes internationaux ne sont fondés ni sur le plan juridique ni sur le plan fonctionnel.
Par ailleurs, aucun texte n'est venu conférer une légitimité particulière aux exécutifs régionaux en matière de représentation extérieure.
En matière de coopération, les partenaires des départements d'outre-mer ne sont pas uniquement intéressés par les questions de développement économique, qui relèvent essentiellement des régions, mais également par tout ce qui concerne le sanitaire et le social, domaines de prédilection des conseils généraux, ainsi que par l'éducation, la culture, l'environnement, secteurs où les départements ont des compétences aussi importantes que les régions. C'est la raison pour laquelle les conseils généraux sont déjà impliqués, et parfois fortement, dans des actions de coopération régionale.
Réserver à un seul exécutif local la participation aux travaux des organismes internationaux risquerait de compromettre les avancées déjà obtenues en matière de coopération régionale. Il n'y a d'ailleurs pas, en fait, de difficulté à permettre la représentation des deux collectivités. Il ne s'agit pas du tout d'installer les deux exécutifs sur un même siège.
Les organismes pouvant offrir un siège d'observateur ou de membre associé à un département d'outre-mer sont multiples. Dans la zone caraïbe, je citerai notamment le l'OECS, l'AEC, le CARICOM, le CARIFORUM, etc. Les exécutifs départementaux et régionaux peuvent aisément se partager les sièges à occuper ou organiser pour chacun d'entre eux un système de représentations tournantes.
Par ailleurs, les commissions techniques qui existent dans beaucoup de ces organismes peuvent trouver avantage à bénéficier des compétences ou de l'expérience acquise par l'une ou l'autre de ces collectivités.
Il suffit que les exécutifs se mettent d'accord localement sur une politique de représentation tenant compte de leurs compétences respectives et des desiderata des partenaires et des responsables de ces organismes régionaux. Une instance peut permettre cette concertation, celle que nous avons prévue à l'article 23 de ce projet de loi.
Il serait vraiment dommage qu'une loi qui vise à élargir le champ des compétences locales fixe déjà des modalités de mise en oeuvre contraignantes et pouvant finalement aboutir à restreindre le pouvoir d'initiative local.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. L'intervention du rapporteur comme celle de M. Lise emportent la conviction du Gouvernement d'autant plus que c'est la position qu'il a défendue, hélas ! dans beaucoup de succès, à l'Assemblée nationale.
En effet, le Gouvernement ne souhaite pas trancher entre le département et la région, les compétences de ces deux collectivités pouvant les conduire, l'une et l'autre, à intervenir dans l'espace régional pour mener des actions de coopération ou pour participer à des associations internationales.
Au nom du Gouvernement, je suis donc favorable à ces deux amendements.
M le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 27 et 60.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, je souscris pleinement à la demande de mon collègue M. Lise, car je pense qu'en matière de coopération décentralisée il y a des compétences qui relèvent du département et d'autres de la région.
Je voudrais toutefois vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que chacun doit rester à sa place. Or, dans le cadre de l'AEC, la France se fait représenter par ses ministres et non par le département ou la région.
C'est ainsi que votre collègue, le ministre de l'équipement, des transports et du logement a assisté à Panama et au Costa Rica à une réunion technique sur les transports. Récemment, lors d'une réunion technique sur le tourisme qui s'est tenue en Guadeloupe et à laquelle participaient des ministres de Cuba et du Vénézuela ni les autorités départementales ni les autorités régionales de Guadeloupe et de Martinique n'étaient présentes.
Le Gouvernement lui-même devrait respecter les accords passés avec l'AEC, présentés à l'époque par le ministre des affaires étrangères, M. Juppé, et ratifiés par la loi du 29 septembre 1997.
Si l'on continue l'éparpillement des interventions de la France dans la zone, c'est tout le travail réalisé par nos assemblées qui sera remis en cause.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n° 27 et 60, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22, modifié.

(L'article 22 est adopté.)

Articles 23 et 24



M. le président.
« Art. 23. - Dans le chapitre III du titre III du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, sont insérés les articles L. 4433-4-1 à L. 4433-4-7 ainsi rédigés :
« Art. L. 4433-4-1 à L. 4433-4-7 . - Non modifiés.
« Art. L. 4433-4-8 . - Supprimé. » - (Adopté.)
« Art. 24. - I. - Au titre IV du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, il est créé un chapitre IV intitulé : "Attributions", comprenant les articles L. 3444-1 à L. 3444-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 3444-1 à L. 3444-3 . - Non modifiés.
« Art. L. 3444-4 . - Les conseils généraux d'outre-mer sont consultés par l'Autorité de régulation des télécommunications avant toute décision d'attribution d'autorisation délivrée en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 du code des postes et télécommunications pour des réseaux ou services locaux ou interrégionaux.
« L'avis des conseils généraux est réputé donné en l'absence de notification à l'Autorité de régulation des télécommunications d'un avis exprès dans un délai de deux semaines à compter de la saisine.
« Art. L. 3444-5 . - Les conseils généraux d'outre-mer sont consultés sur les projets d'attribution ou de renouvellement des concessions portuaires et aéroportuaires concernant ces départements. »
« II. - Dans le chapitre III du titre III du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, sont insérés quatre articles L. 4433-3-1, L. 4433-3-2, L. 4433-3-3 et L. 4433-3-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 4433-3-1 et L. 4433-3-2 . - Non modifiés.
« Art. L. 4433-3-3 . - Les conseils régionaux d'outre-mer sont consultés par l'Autorité de régulation des télécommunications avant toute décision d'attribution d'autorisation délivrée en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 du code des postes et télécommunications pour des réseaux ou services locaux ou interrégionaux.
« L'avis des conseils régionaux est réputé donné en l'absence de notification à l'Autorité de régulation des télécommunications d'un avis exprès dans un délai de deux semaines à compter de la saisine.
« Art. L. 4433-3-4 . - Les conseils régionaux d'outre-mer sont consultés sur les projets d'attribution ou de renouvellement des concessions portuaires et aéroportuaires concernant ces régions. » - (Adopté.)

Article 24 ter



M. le président.
« Art. 24 ter. - Le Gouvernement adresse tous les deux ans aux conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la Réunion un rapport relatif à la problématique des échanges aériens, maritimes et des télécommunications. Ce rapport pourra ensuite faire l'objet de recommandations de la part des conseils régionaux. »
Par amendement n° 28, M. Balarello, au nom de la commission, propose, après les mots : « rapport relatif », de rédiger comme suit la fin de la première phrase de cet article : « aux transports maritimes et aériens ainsi qu'aux télécommunications. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello. rapporteur Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 24 ter, ainsi modifié.

(L'article 24 ter est adopté.)

Article 31



M. le président.
« Art. 31. - Au chapitre IV du titre IV du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 3444-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 3444-6 . - Dans les départements d'outre-mer, le conseil général est saisi pour avis, avant le 31 décembre de chaque année, des orientations générales de la programmation des aides de l'Etat au logement pour l'année suivante.
« Ces orientations générales portent sur la répartition des aides par dispositif, d'une part, et la répartition des aides par bassin d'habitat au sens de l'article 441-1-4 du code de la construction et de l'habitation, d'autre part.
« Le conseil régional peut être saisi pour avis sur ces orientations, par le représentant de l'Etat dans le département. Dans le cas où il est saisi, le conseil régional doit rendre son avis au plus tard le 31 décembre de chaque année.
« La présidence du conseil départemental de l'habitat est assurée par le président du conseil général.
« Art. L. 3444-5 à L. 3444-7 . - Supprimés. »
Par amendement n° 29, M. Babarello, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L. 3444-6 du code général des collectivités territoriales, de remplacer les mots : « le conseil général est saisi » par les mots : « le conseil général et le conseil régional sont saisis ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir une saisine obligatoire - et non facultative, comme l'a prévu l'Assemblée nationale - du conseil régional sur les orientations générales de la programmation des aides au logement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 30, M. Balarello, au nom de la commission, propose de supprimer l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 31 pour l'article L. 3444-6 du code général des collectivités territoriales.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement précédent : l'alinéa visé n'est plus nécessaire puisque, désormais, le conseil régional est saisi dans les mêmes conditions que le conseil général
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 31 rectifié, M. Balarello, au nom de la commission, propose :
I. - De compléter l'article 31 par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 3444-7. - Dans les départements d'outre-mer, les compétences en matière d'amélioration de l'habitat privé sont exercées par le département.
« Les charges transférées aux départements en application des dispositions du présent article sont compensées dans les conditions fixées par les articles L. 1614-1 à L. 1614-3. Toutefois, par dérogation à l'article L. 1614-1, le montant de ces charges est égal, la première année du transfert, à la moyenne annuelle des dotations de l'Etat destinées à l'amélioration de l'habitat privé dans le département pendant les cinq année précédant le transfert.
« Art. L. 3444-8. - Les services de l'Etat qui participent à l'exercice des compétences tranférées aux départements en application de l'article L. 3444-7 sont, en tant que de besoin, mis à disposition des départements dans les conditions prévues à l'article L. 4151-1.
« Art. L. 3444-9. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités des transferts de compétences prévus aux articles L. 3444-7 et L. 3444-8. »
II. - En conséquence, de rédiger comme suit le premier alinéa de l'article n° 31 :
« Au chapitre IV du titre IV du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, sont insérés quatre articles L. 3444-6 à L. 3444-9 ainsi rédigés : »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit de prévoir, dans les départements d'outre-mer, le transfert au département du bloc de compétences relatif à l'amélioration de l'habitat privé.
Ce transfert présente l'intérêt d'aller dans le sens d'une plus grande autonomie des départements d'outre-mer, objet sous-jacent de ce projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, ainsi que le président de la commission des lois l'avait souligné en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il convient d'abord d'observer que les collectivités départementales exercent déjà des compétences dans le domaine de l'amélioration de l'habitat privé.
Par ailleurs, la présidence du conseil départemental de l'habitat par le président du conseil général permet désormais à ce dernier d'être plus impliqué dans la programmation des aides de l'Etat aux logements neufs ou à l'amélioration des logements existants.
J'ajoute que, comme le Gouvernement s'y était engagé devant votre assemblée, le ministère de l'équipement, des transports et du logement, va envoyer avant la fin de cette année une mission dans les départements d'outre-mer pour apprécier le fonctionnement du dispositif d'amélioration de l'habitat privé.
Il ne m'apparaît pas souhaitable de revenir ainsi sur la fongibilité des aides au logement, en détachant une partie des crédits qui sont inscrits sur la ligne budgétaire unique pour le logement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31 rectifié.
M. Claude Lise. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. L'amendement de la commission des lois reprend un amendement que j'avais présenté en première lecture. Je l'avais retiré précisément en raison de l'annonce qui avait été faite de l'envoi d'une mission dans les départements d'outre-mer.
Chacun le comprendra, en la présente circonstance, je ne peux que m'abstenir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 31, modifié.

(L'article 31 est adopté.)

Article 32



M. le président.
« Art. 32. - I. - Non modifié.
« II. - Après l'article 2563-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article 2563-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 2563-8 . - Les conseils municipaux de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy peuvent, par délibération, demander à la région ou au département de la Guadeloupe de leur transférer pour une durée déterminée leurs compétences dans les domaines de la formation professionnelle, de l'action sanitaire, de l'environnement, du tourisme, de la voirie classée en route départementale, des ports maritimes de commerce et de pêche ou des aéroports, de l'aménagement du territoire, du transport, de l'urbanisme, de la culture et du sport.
« Le maire de la commune notifie cette délibération à l'exécutif de la collectivité compétente.
« Par délibération notifiée à la commune, le conseil régional ou le conseil général se prononce sur la demande des conseils municipaux de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la demande.
« Une convention, passée entre la commune et la région ou le département de la Guadeloupe, précise les conditions financières dans lesquelles les compétences sont transférées par le département et la région ainsi que, le cas échéant, les conditions de mise à disposition des personnels. Les sommes afférentes aux compétences transférées doivent être au moins égales à celles qui étaient dépensées sur le territoire de la commune à ce titre, en fonctionnement, l'année civile précédente et en investissement, en moyenne annuelle sur les cinq années précédentes. Ces sommes présentent le caractère de dépenses obligatoires.
« La convention prévoit la durée pendant laquelle l'exercice de la ou des compétences de la région ou du département est transféré à la commune. Cette durée ne peut être inférieure à six ans. Ces conventions peuvent être dénoncées avec un préavis d'un an.
« L'exercice de ces compétences par les communes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy entraîne de plein droit l'application des dispositions des trois premiers alinéas de l'article 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5.
« Les communes sont substituées de plein droit à la région ou au département dans l'ensemble des actes qui ont été pris par ces autorités à la date du transfert, pour l'exercice des compétences transférées. A partir de l'entrée en vigueur du transfert de compétences, elles peuvent procéder à leur modification.
« Les communes sont substituées de plein droit au département ou à la région dans les contrats conclus par ces collectivités avant l'entrée en vigueur du transfert de compétences, sans que cette substitution n'entraîne, au profit des cocontractants, aucun droit à résiliation ou à indemnisation.
« Le département ou la région informent leurs cocontractants de cette substitution, dans le délai d'un mois suivant l'entrée en vigueur du transfert de compétences. » - (Adopté.)

Article 33



M. le président.
« Art. 33. - I. - Après l'article 2563-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article 2563-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2563-2-1 . - Le montant total de la dotation forfaitaire des communes des départements d'outre-mer est majoré en 2001 d'une somme de 40 millions de francs, prélevée sur la dotation d'aménagement instituée à l'article 2334-13.
« Cette majoration est répartie entre les départements d'outre-mer proportionnellement à la population telle qu'elle est définie à l'article L. 2334-2. Elle est ensuite répartie entre les communes à l'intérieur de chacun de ses départements, sauf pour la Guyane, au prorata de leur population ainsi définie. La répartition entre les communes de Guyane se fait à concurrence de 75 % au prorata de la population ainsi définie et à concurrence de 25 % à parts égales entre elles. »
« II. - Supprimé. »
Par amendement n° 32, M. Balarello, au nom de la commission des lois, propose :
A. - A la fin du premier alinéa du texte présenté par le I de cet article pour l'article L. 2563-2-1 du code général des collectivités territoriales, de supprimer les mots : « , prélevée sur la dotation d'aménagement instituée à l'article L. 2334-13. »
B. - De rétablir le II de cet article dans la rédaction suivante :
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer le prélèvement de 40 millions de francs sur la dotation d'aménagement prévu par le projet de loi pour financer la majoration de la dotation forfaitaire des communes des départements d'outre-mer.
La commission des lois estime qu'il est anormal de pénaliser, par le biais d'un tel prélèvement, l'ensemble des communes françaises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je suis défavorable à cet amendement qui, non seulement est contraire à l'article 40 de la Constitution, mais aurait surtout pour effet de supprimer ce prélèvement sur la dotation d'aménagement auquel le Gouvernement souhaite qu'il soit procédé, afin que la somme en question puisse être consacrée aux communes des départements d'outre-mer.
L'évolution globale de la DGF, vous le savez d'ores et déjà, mesdames, messieurs les sénateurs, sera plus favorable en 2001 qu'en 2000. Le prélèvement sur la dotation d'aménagement paraît donc pertinent.
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Je me permets simplement de faire remarquer à M. le secrétaire d'Etat que notre amendement est gagé.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 33, ainsi modifié.

(L'article 33 est adopté.)

Article 33 bis

M. le président. L'article 33 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 36



M. le président.
« Art. 36. - I et II. - Non modifiés.
« III. - L'article 266 quater du code des douanes est complété par un 4 ainsi rédigé :
« 4. Par dérogation aux dispositions du présent article, les communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin fixent, par délibération du conseil municipal et dans la limite de 1,50 franc par litre de carburant consommé, les taux de la taxe spéciale de consommation sur les produits visés au premier alinéa et perçoivent cette taxe sur leur territoire, en lieu et place du conseil régional. Les recettes correspondantes sont affectées à des fonds d'investissement destinés à financer l'entretien et la modernisation de la voirie des îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. En conséquence, les communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ne bénéficient plus du reversement aux communes par la région de la Guadeloupe du produit de la taxe spéciale de consommation sur les produits visé au premier alinéa. »
« IV. - Non modifié . »
Par amendement n° 61, le Gouvernement propose de rédiger comme suit le III de cet article :
« III. - 1° L'article 266 quater du code des douanes est complété par un 4 ainsi rédigé :
« 4. Par dérogation aux dispositions du présent article, les communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin fixent, par délibération du conseil municipal et dans la limite de 1,50 franc par litre, les taux de la taxe spéciale sur les produits visés au premier alinéa en lieu et place du conseil régional de la Guadeloupe. »
« 2° Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« a) Le chapitre III du titre VI livre V de la deuxième partie est complété par un article L. 2563-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 2563-9 . - Les conseils municipaux de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy fixent le taux de la taxe spéciale de consommation prévue à l'article 266 quater du code des douanes, dans la limite prévue par le 4 de cet article. Le produit en est inscrite au budget de chacune de ces communes.
« Ces communes doivent consacrer le produit de la taxe à la voirie dont elles ont la charge ou au développement des transports publics de personnes. »
« b) Dans le chapitre IV du titre III du livre IV de la quatrième partie, après l'article L. 4434-4, il est inséré un article L. 4434-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4434-4-1 . - Les articles L. 4434-2, L. 4434-3 et L. 4434-4 ne sont pas applicables aux communes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. »
La parole est M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Cet amendement a simplement pour objet de clarifier la codification des dispositions relatives à l'affectation de la taxe spéciale visée par l'article 36 pour les communes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 36, ainsi modifié.

(L'article 36 est adopté.)

Article additionnel après l'article 36



M. le président.
Par amendement n° 51, Mme Michaux-Chevry et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'insérer, après l'article 36, un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions de l'article 10 de la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 relative à l'octroi de mer et portant mise en oeuvre de la décision du Conseil des ministres des Communautés européennes n° 89-688 du 22 décembre 1989, les communes de Saint-Barthélemy et Saint-Martin fixent, par délibération du conseil municipal et dans la limite des taux arrêtés par ladite loi, une taxe ad valorem à percevoir sur les produits et les marchandises pénétrant sur leur territoire.
« Les recettes correspondantes sont affectées au fonds de fonctionnement desdites communes. En conséquence, les communes de Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne bénéficient plus de l'affectation prévue à l'article 16 de la loi susvisée. »
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Dans la continuité de ce qui vient d'être voté, nous demandons que, par dérogation aux dispositions de l'article 10 de la loi de 1992, soit créée une taxe ad valorem sur toutes les marchandises qui entrent à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, taxe dont le produit viendra abonder le fonds de fonctionnement de ces deux collectivités.
C'est une question de justice sociale.
Je rappelle que, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, on ne paie pas la taxe sur les carburants. Or ces communes reçoivent leur part de la région, et cela au détriment des autres communes de Guadeloupe. Il en va de même pour l'octroi de mer.
Il est donc juste d'instituer cette taxe ad valorem sur les marchandises, à l'instar de ce que le Gouvernement a fait pour le fonds routier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui tend à créer, au profit des communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, une taxe sur les marchandises pénétrant sur leur territoire.
A Saint-Barthélemy, une telle taxe existe déjà : il s'agit du droit de quai,...
Mme Lucette Michaux-Chevry. Ça n'a rien à voir !
M. José Balarello, rapporteur. ... perçu en application de l'article 10 de la loi de finances pour 1974.
A Saint-Martin, la création d'une telle taxe n'est pas souhaitée compte tenu du statut de zone franche de l'île, caractérisé par l'absence d'impôts indirects.
M. le président de la commission des lois et moi-même avons reçu assez longuement les représentants de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, et ceux-ci se sont clairement opposés à l'institution de taxes supplémentaires. Il faut rappeler en particulier que, à Saint-Martin, la partie française de l'île est en concurrence directe avec la partie néérlandaise, dont le statut est très attractif pour les investisseurs. C'est pourquoi il faut se montrer très prudent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement pour deux raisons que j'exposerai brièvement à Mme Michaux-Chevry, qui est, décidément, ce soir, un peu fâchée avec le droit.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Pas du tout ! Je le connais mieux que vous et je l'applique !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Tout d'abord, cet amendement n'est pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 45 de la Constitution, car il est sans lien direct avec une quelconque disposition restant en discussion au cours de cette nouvelle lecture.
Mais, surtout, cet amendement n'est pas conforme à la décision du conseil des ministres des Communautés européennes de décembre 1989 ni à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.
Mme Lucette Michaux-Chevry. N'importe quoi !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas moi qui dit le droit, madame Michaux-Chevry !
Cette décision et cette jurisprudence interdisent en effet la création d'une taxe d'effet équivalent à un droit de douane. Or c'est bien le cas avec la taxe prévue par votre amendement qui frappe les produits et les marchandises pénétrant sur le territoire des deux communes de l'archipel du nord de la Guadeloupe.
Tels sont donc les deux motifs pour lesquels, loin de tout esprit polémique, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
M. le Président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 51.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous excuse parce que vous connaissez mal le fonctionnement des collectivités de l'outre-mer.
Le président du conseil régional que je suis fixe la taxe qu'on appelle l'octroi de mer, qui a été prorogée par la loi de 1992 et qui a reçu l'aval des instances communautaires.
A Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, l'octroi de mer ne s'applique pas parce que ces communes n'en veulent pas !
Quant au droit de quai, cher rapporteur, c'est une taxe qui est perçue à l'arrivée des marchandises sur le port. Elle est toute différente de l'octroi de mer, qui touche toutes les marchandises entrant dans les départements d'outre-mer.
Pour des raisons historiques, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, on ne payait ni pour l'octroi de mer ni pour le fonds routier. Monsieur le sécrétaire d'Etat, vous venez de demander que Saint-Martin et Saint-Barthélemy se voient appliquer une taxe sur l'essence achetée en zone hollandaise, que nous payons, que vous payez, et qui profite à la zone hollandaise.
Je ne fais que demander la même chose pour l'octroi de mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comment pouvez-vous admettre que, sur l'île de Marie-Galante, où la population est très pauvre, on paye l'octroi de mer sur le lait, sur le beurre, sur le pain, sur les livres, mais que, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, on en soit exonéré ?
Permettez-moi de vous préciser, mes chers collègues, combien nous versons chaque année, au titre de l'octroi de mer, à Saint-Martin, où cette taxe ne s'applique pas : 80 millions de francs ! S'agissant de Saint-Barthélemy, le « cadeau » est de 20 millions de francs ! Je signale que la ville de Pointe-à-Pitre ne touche, elle, au titre de l'octroi de mer, que 23 millions de francs !
L'exécutif régional que je suis demande donc que soit prévue une dérogation à la loi de 1992 qui a fixé les compétences exclusives de la région en matière d'octroi de mer, afin que ces îles se voient appliquer l'octroi de mer. Et ce n'est pas parce qu'elles sont confrontées à la zone hollandaise qu'elles doivent bénéficier d'un régime particulier !
De toute façon, monsieur le secrétaire d'Etat, la collectivité régionale a le droit d'intervenir, ce que je ne manquerai pas de faire même si ce sont mes amis politiques.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Madame Michaux-Chevry, s'il s'agissait simplement de procéder à une sorte d'harmonisation fiscale concernant Saint-Martin et Saint-Barthélemy, je serais tenté de vous suivre.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Mais c'est cela !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Malheureusement, je vous le répète, les décisions européennes s'y opposent de la façon la plus catégorique.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 36.

Article 36 bis



M. le président.
« Art. 36 bis . - Dans le chapitre III du titre III du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 4433-4-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 4433-4-8 . - Le contrat de plan conclu entre l'Etat et la région de la Guadeloupe est complété par un chapitre spécifique à la commune de Saint-Barthélemy et un chapitre spécifique à la commune de Saint-Martin. »
Par amendement n° 52, Mme Michaux-Chevry et les membres du groupe du rassemblement pour la République et apparentés proposent de supprimer cet article.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. L'article 36 bis prévoit un dispositif spécifique pour les îles du Nord, que vous aimez beaucoup. Or le contrat de plan comporte une mesure dérogatoire intitulée « développement des îles » ; cette mesure concerne l'ensemble des îles de l'archipel guadeloupéen, c'est-à-dire Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Marie-Galante, Grande-Terre, Basse-Terre, La Désirade. Par conséquent, toutes les îles bénéficient d'une disposition spéciale depuis le XIe Plan 1994-1999.
Or l'article 36 bis prévoit, je le répète, un dispositif spécifique. Cet article est inopérant ! Toutes les îles, notamment Saint-Martin, sont reconnues par les instances communautaires par décision du conseil régional de la Guadeloupe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je suis à nouveau conduit à émettre un avis défavorable.
L'article 36 bis avait été introduit en première lecture au Sénat par un amendement de la commission des lois et M. Jacques Larché, président de la commission des lois, s'était personnellement investi. Le Gouvernement avait donné un avis favorable sur cet amendement dans la mesure où la rédaction permettait de mettre en évidence les besoins spécifiques de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Un débat très riche a eu lieu à l'Assemblée nationale à ce sujet. Pour autant, le Gouvernement n'a pas accédé à toutes les demandes qui émanaient de ces îles.
Sur ce point précis, j'avoue, madame Michaux-Chevry, que je comprends mal les raisons de votre position, mais peut-être allez-vous me donner davantage d'explications.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 52.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. A la page 67 du document qui a été signé entre la région de Guadeloupe et l'Etat figure ceci : « Développement des îles - mesures spécifiques pour Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Marie-Galante, La Désirade. »
Dès lors, pourquoi créer un dispositif spécifique à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy ? Mais le Gouvernement n'a peut-être pas lu le document que nous avons signé ensemble !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 36 bis est supprimé.

Article 37



M. le président.
« Art. 37. - I. - L'article L. 2561-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 2561-1 . - Ne sont pas applicables aux communes des départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion les dispositions des chapitres III et IV du titre Ier du livre Ier de la présente partie ainsi que celles de l'article L. 2123-21. »
« II. - L'article L. 2562-1 du même code est abrogé.
« III. - L'article L. 1424-24 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans les départements d'outre-mer, les adjoints au maire peuvent être élus. » ;
« 2° Dans le huitième alinéa, après les mots : "chaque maire", sont insérés les mots : "ou, dans les départements d'outre-mer, chaque adjoint au maire". » - (Adopté.)

Article 37 ter



M. le président.
« Art. 37 ter . - Dans le chapitre III du titre III du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 4433-4-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 4433-4-9 . - Dans chacune des régions de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, il est créé une commission de suivi de l'utilisation des fonds structurels européens.
« Coprésidée par le préfet, le président du conseil régional et le président du conseil général, cette commission est en outre composée des parlementaires de la région, d'un représentant du conseil économique et social régional, d'un représentant du conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, d'un représentant de l'association des maires, de représentants des chambres consulaires et de représentants des services techniques de l'Etat.
« Cette commission établit un rapport semestriel sur la consommation des crédits. »
Par amendement n° 53, Mme Michaux-Chevry et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés proposent de supprimer cet article.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 37 ter, lequel tend à créer une commission que je qualifierai « de bavardage ». En effet, coprésidée par le préfet, le président du conseil régional et le président du conseil général, elle sera composée d'une multitude de représentants, dont ceux de l'association des maires.
Cette commission est chargée du suivi de l'utilisation des fonds structurels européens. Or, dans le DOCUP que nous avons signé, est prévu un comité national de suivi des évaluations, qui se réunit au moins deux fois par an. Ce dernier permet de jouer avec la consommation des crédits du contrat de plan, d'un côté ou de l'autre.
Un comité de suivi existe. Il est donc inutile de créer une commission !
Au dire de certains, les fonds européens qui ne sont pas consommés seraient remboursés ! C'est une erreur ! Les fonds européens ne sont remboursés qu'après que toutes les pièces justificatives ont été présentés au comité national de suivi des fonds européens.
L'article 37 ter est inopérant et nous ne pouvons pas accepter que des textes de cette nature figurent dans un projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Madame Michaux-Chevry, je comprends très bien votre position : vous êtes présidente du conseil régional de la Guadeloupe dont font partie Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
En métropole, nous nous sommes aperçus à différentes reprises, dans nombre de régions et de départements, que l'on n'arrivait pas à consommer les fonds structurels européens, ce pour des raisons bien précises : les collectivités locales ne parvenaient pas à réaliser leur part - la part communale ou départementale - à telle enseigne que, à l'heure actuelle, toujours sur l' Interreg II, les fonds structurels européens restent partiellement inutilisés.
Il faut savoir que, sur la période 2000-2006, les départements d'outre-mer vont percevoir 23 milliards de francs de fonds structurels européens. Il s'agit de sommes très importantes. Si, en amont, des projets ne sont pas mis au point et acceptés par Bruxelles, il est certain que les fonds structurels européens ne seront pas utilisés en totalité dans les DOM.
C'est la raison pour laquelle nous avons demandé la mise en place d'une commission de suivi. Cela n'enlève rien, madame Michaux-Chevry, à votre autorité de présidente du conseil général. Cela vous rendra simplement service, car vous parviendrez difficilement à monter des dossiers (Mme Michaux-Chevry s'esclaffe) qui soient acceptables par Bruxelles en vue de l'utilisation de tous ces fonds structurels européens.
Le Sénat a donc fait preuve de sagesse en introduisant cette disposition en première lecture. Certes, l'Assemblée nationale a ajouté quelques représentants - comme ceux du conseil, de la culture, de l'éducation et de l'environnement - que le Sénat n'avait pas prévus. Cela étant, la commission persiste à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 53.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement avait émis un avis favorable sur l'amendement qui avait été initialement présenté par M. le rapporteur. Je ne vois pas de raison de supprimer cet article. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 53.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je suis très contente que le rapporteur ait envie de me soutenir, mais je tiens à lui dire que je suis grande, majeure et que je me défends bien.
Actuellement, en Guadeloupe, nous avons utilisé 257 millions de francs de fonds structurels européens et les crédits prévus au contrat de plan 1994-1999 ont été consommés à hauteur de 90 %. Pourquoi les fonds européens ne sont-ils pas consommés ? Est-ce la commission des lois du Sénat qui va se réunir à la préfecture et décider ceci ou cela qui permettra de mettre en place les dossiers éligibles ? Pour que les dossiers soient éligibles, il faut d'abord que le Gouvernement nous laisse mettre en place un fonds de préfinancement des fonds européens, puisque la région de Guadeloupe a les moyens de le faire. Croyez-vous qu'un agriculteur ruiné par un cyclone, qui a fait l'avance des fonds s'agissant de dossiers européens, peut attendre pendant deux ans que ces sommes transitent par le budget du ministère des finances ?
Savez-vous, mes chers collègues, que, à l'heure où je vous parle - et M. le secrétaire d'Etat ne me démentira pas - sur les années 1998-1999, on doit à la région de Guadeloupe 257 millions de francs, que l'Europe a déjà payés et qui ne lui ont pas été reversés ?
Qu'allons-nous faire ? Nous allons créer de petites structures locales pour aider les entreprises, les socioprofessionnels, la chambre des métiers, à monter leurs dossiers.
Croyez-vous que c'est une commission réunissant l'association des maires, la chambre de commerce, le conseil économique et social qui, en bavardant pendant deux heures à la préfecture, va régler le problème de financement des fonds européens ? Le comité national de suivi de l'utilisation des fonds européens existe. Il fonctionne parfaitement ; il nous contrôle.
Mes chers collègues, je tiens à vous dire que, connaissant bien mon contrat de plan, je sais que, durant les trois premières années, si je veux obtenir un « bonus », il faut que je consomme beaucoup, et je consommerai beaucoup. Par conséquent, je n'ai pas besoin d'une grand-messe solennelle pour m'empêcher de travailler. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Je ferai simplement deux remarques à Mme Michaux-Chevry.
Premièrement, il n'y a pas que la Guadeloupe parmi les départements d'outre-mer.
Deuxièmement, le dernier alinéa du texte de l'amendement sénatorial adopté en première lecture prévoit les dispositions suivantes : « Cette commission établit un rapport semestriel sur la consommation des crédits ». La solution consiste peut-être à faire figurer dans ce rapport les propositions de préfinancement des parts communales, départementales et régionales, propositions qui ne sont jamais faites, ce qui est à l'origine - Mme Michaux-Chevry vient de le dire - de la sous-consommation des crédits européens.
Comme les crédits européens sont multipliés par x dans la période 2000-2006, si vous n'avez pas consommé la totalité des crédits européens - vous l'avez dit vous-même, madame Michaux-Chevry : vous n'en avez consommé que 90 % - avec la multiplication de ces crédits d'importance salutaire pour les départements d'outre-mer, vous n'arriverez pas davantage à les consommer. Raison de plus pour que la commission de suivi vous donne brièvement, dans un rapport, les causes de cette sous-consommation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 37 ter est supprimé.

Chapitre IV

De la création de deux départements à la Réunion

M. le président. Par amendement n° 33, M. Balarello, au nom de la commission, propose de supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. La commission demande la réserve de cet amendement jusqu'après l'examen de l'article 38 bis , monsieur le président. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.

Article 38



M. le président.
« Art. 38. - Il est créé au 1er janvier 2001 sur le territoire de la Réunion deux départements qui prennent respectivement les noms de département de la Réunion du Nord et de département de la Réunion du Sud.
« Le département de la Réunion du Nord comprend les communes suivantes : La Possession, Le Port, Saint-Denis, Sainte-Rose, Sainte-Marie, Sainte-Suzanne, Saint-André, Bras-Panon, Saint-Benoît, La Plaine-des-Palmistes et Salazie. Le chef-lieu du département du Nord est Saint-Denis.
« Le département de la Réunion du Sud comprend les communes suivantes : Les Trois-Bassins, Saint-Paul, L'Etang-Salé, Saint-Leu, Les Avirons, Saint-Louis, Cilaos, Entre-Deux, Le Tampon, Saint-Pierre, Petite-Ile, Saint-Joseph et Saint-Philippe. Le chef-lieu du département de la Réunion du Sud est Saint-Pierre.
« Le département de la Réunion est supprimé à la date de création des nouveaux départements. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 34 est présenté par M. Balarello, au nom de la commission.
L'amendement n° 54 est déposé par M. Lauret et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 48 M. Vergès propose, à la fin du premier alinéa de cet article, de remplacer les mots : « département de la Réunion du Nord et de département de la Réunion du Sud », par les mots : « département de la Réunion Au-Vent et de département de la Réunion Sous-le-Vent. ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 34.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement a pour objet, je le rappelle, de supprimer l'article 38, qui prévoit la bidépartementalisation de la Réunion. Selon le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, cette mesure devrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2001.
Une telle réforme, qui aurait pu être justifiée par des considérations relatives à l'évolution démographique ou à l'aménagement du territoire, ne devrait être envisagée que si elle rencontrait l'accord unanime des élus réunionnais. Or tel n'est pas le cas.
Si une majorité des parlementaires de l'île s'est prononcée en faveur de la création d'un second département, en revanche, le conseil régional et le conseil général ont émis un avis défavorable sur l'avant-projet de loi soumis à concertation par le Gouvernement.
Cette réforme - vous l'avez laissé entendre, monsieur le secrétaire d'Etat - ne devrait pas non plus être envisagée sans l'adhésion de la population. Or la population réunionnaise, consultée par sondage, a montré sa vive hostilité à ce projet. Selon un sondage récent, 63 % des Réunionnais sont opposés à la création d'un second département. La presse locale s'est fait l'écho de différentes manifestations contre les deux départements.
En outre, il serait plus opportun de s'attacher à lutter contre le chômage des jeunes, problème majeur à la Réunion, plutôt que de créer un second département entraînant des dépenses publiques supplémentaires.
Enfin, permettez-moi de faire remarquer au Gouvernement que, tant sur le plan des principes que sur le plan pratique, il apparaît inhabituel et déraisonnable de modifier de façon aussi substantielle les règles du jeu à moins de six mois des élections cantonales. Il est à craindre que cette réforme, déjà peu souhaitée sur place, soit d'autant moins bien acceptée que sa mise en oeuvre apparaîtra brusquée. Il pourrait en effet s'écouler moins d'un mois entre la promulgation de la loi et la création du second département !
Telle est la raison pour laquelle la commission des lois demande la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Lauret, pour défendre l'amendement n° 54.
M. Edmond Lauret. Une très forte opposition s'exprime contre le projet de bidépartementalisation de l'île de la Réunion. Elle vient des assemblées locales, conseil général et conseil régional, qui non seulement ont refusé le projet de découpage, mais également se sont prononcées contre le principe même de la bidépartementalisation.
Se sont aussi prononcés contre ce projet le patronat et les syndicats locaux, les associations de chômeurs, les chambres de commerce et d'industrie ; bref, toutes les forces vives du département.
Le Président de la République, M. Jacques Chirac, à l'occasion d'un discours prononcé à la Martinique, le 11 mars 2000, avait conditionné l'aboutissement du dosseir à l'accord préalable des élus. Cet accord préalable n'est pas intervenu à ce jour.
Par ailleurs, la population consultée par sondage a clairement montré son hostilité.
Comme l'indiquait M. le rapporteur, 63 % des habitants de la Réunion s'opposent à ce projet de découpage, l'estimant cher, inutile et dangereux. Dans le chef-lieu, Saint-Denis, dont M. Tamaya, auteur du rapport contesté, est le député, 13 % seulement de la population sont favorables à cette proposition.
Enfin, l'article 38 est contraire à l'article 40 de la Constitution. En effet, issu d'un amendement parlementaire adopté par l'Assemblée nationale, cet article a pour effet d'aggraver les charges publiques. Il ne me semble donc pas recevable.
M. le président. La parole est à M. Vergès, pour défendre l'amendement n° 48.
M. Paul Vergès. Cet amendement est de pure logique. Permettez-moi un rappel historique.
Dès le début de son histoire, l'île de la Réunion a été partagée en deux régions bien distinctes, dont les contours correspondent aux deux départements.
La dénomination de ces deux régions découlait d'un décret de la Constituante du 17 décembre 1790 divisant l'île en deux districts : celui de la Réunion-du-Vent et celui de la Réunion-sous-le-Vent, chacun d'eux ayant à sa tête une assemblée administrative, j'allais dire un conseil général. Ces dénominations sont confirmées, sous l'influence des sociétés populaires, le 10 Brumaire an III.
Je pense qu'il y a là une continuité historique à respecter. Nous proposons donc qu'au lieu de parler du département du Nord, qui oublie l'Est, et du département du Sud, qui oublie l'Ouest, nous reprenions les dénominations historiques.
Mais, s'agissant de l'article 38 et d'un certain nombre d'amendements qui l'affectent, je voudrais appeler l'attention de mes collègues sur une interprétation que je considère très large de la Constitution.
Nous discutons des départements d'outre-mer. Or je lis, à l'article 72 de la Constitution, que les collectivités territoriales de la République « sont les communes, les départements et les territoires d'outre-mer ». Il n'est pas question des « départements » d'outre-mer. Et l'article 72 précise que « toute autre collectivité territoriale est créée par la loi ». Quant à l'article 73, il prévoit que « le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par la situation particulière ».
Or j'entends ici des collègues formuler toutes sortes de demandes concernant la création d'un deuxième département. Il faudrait, nous dit-on, consulter la population. Autant alors dire clairement qu'il s'agit ici de se prononcer pour ou contre l'exercice du droit à l'autodétermination, c'est-à-dire du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
M. Pierre Hérisson. Et la République ?
M. Paul Vergès. L'article 72 - « Les collectivités de la République sont les communes, les départements et les territoires d'outre-mer » - implique que ces départements font partie de la République, ce qui interdit, en cas de changement de statut, que l'on consulte la population concernée. Car un changement de statut exige la consultation de l'ensemble du peuple français,...
M. Paul Masson. C'est valable pour la Corse !
M. Paul Vergès. ... de l'ensemble de la République.
Vous avez eu l'exemple du changement de statut de la Nouvelle-Calédonie, et vous serez consultés pour la modification de celui de la Polynésie, soit par un référendum, comme pour la Nouvelle-Calédonie, soit par la réunion du Parlement en Congrès.
Si vous introduisez, dans l'organisation interne des collectivités de la République, la consultation de la population de la collectivité concernée, à ce moment-là, vous créez, parmi les collectivités de la République, des collectivités particulières. Notre collègue va jusqu'à dire que, si l'on touche au périmètre du département de la Réunion, toute la population sera consultée. C'est contraire à l'esprit de tout le droit public. Prenez le cas d'une commune qui fait l'objet d'un détachement. C'est le conseil municipal tout entier qui décide de ce détachement, et la population de la zone détachée, elle, va élire des représentants pour appliquer la décision du conseil municipal.
On peut donc être pour ou contre la bidépartementalisation, mais, en l'espèce, prévoir la consultation des populations, c'est contraire à l'esprit de la Constitution. Ou bien alors il s'agit de l'exercice du droit à l'autodétermination, mais autant être clair et le dire.
Encore une fois, mes chers collègues, les articles 72 et 73 de la Constitution, qui concernent l'organisation interne de la République, imposent, pour tout changement de statut, la consultation de l'ensemble de la République.
J'ai entendu parler ce soir encore de « sondages ». Mais c'est abdiquer les droits du Parlement, c'est abdiquer le droit du Parlement de légiférer sur tout changement de statut. Les sondages, comme disait l'autre, ça va, ça vient ! (Sourires.)
Le seul sondage grandeur nature que nous aurons, c'est dans quatre mois. Et là, j'aurais tendance à être d'accord - une fois n'est pas coutume - avec le secrétaire de la fédération du RPR de la Réunion (Sourires sur les travées du RPR), quelqu'un de très bien, d'ailleurs - qui, il y a quarante-huit heures encore, à la télévision, demandait que la bidépartementalisation ne soit pas placée au centre des élections municipales, au risque que cela se retourne contre nous et que cela nous divise.
Entendez son appel plutôt que celui des sirènes d'ici.
M. le Président de la République a dit, en Martinique, qu'il était favorable à la création de deux départements, à condition qu'on consulte les élus. Mais ils ont été consultés ! C'est l'unanimité des députés et deux sénateurs sur trois ! Et j'entends répéter ici que les deux assemblées se sont prononcées contre : ce n'est plus vrai ! La majorité dans les deux assemblées, et je parle sous le contrôle de notre collègue M. Edmond Lauret,...
M. Edmond Lauret. Nous avons quatre délibérations !
M. Paul Vergès. Certes, mais la majorité très courte - deux ou trois voix - a été acquise en fonction, et vous le savez,...
M. Edmond Lauret. Elle a été acquise, oui ou non ?
M. Paul Vergès. Oui, mais parce qu'un périmètre n'avait pas été accepté.
M. Edmond Lauret. C'est faux !
M. Paul Vergès. Ce périmètre ayant été changé, ceux qui avaient voté contre ont voté pour.
M. Edmond Lauret. C'est faux !
M. Paul Vergès. Mais n'interprétez pas les déclarations de nos collègues socialistes : chacun son domaine ! (Sourires sur les travées du RPR.)
Cette parenthèse étant fermée, j'attire l'attention de nos collègues sur le fait que les procédures que je vois suggérées ici, de sondage ou de consultation de la population, sont contraires à la Constitution de la République, sauf exception, et cette exception, c'est de prononcer le droit à l'autodétermination des habitants des quatre régions d'outre-mer. A ce moment-là, vous aurez la voix calédonienne. Lorsque l'on a créé les départements de la région parisienne, lorsque l'on a créé l'assemblée de Corse et que d'un département on en a fait deux, jamais vous n'avez eu cette consultation interne : s'agissant de territoires de la République, c'est le Parlement qui a statué.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 48 ?
M. José Balarello, rapporteur. La commission a émis un avis bien évidemment défavorable sur l'amendement n° 48.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 34, 54 et 48 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. J'ai eu l'occasion, lors de la discussion générale, d'avancer un certain nombre d'arguments qui, à mon sens, plaidaient fermement pour la bidépartementalisation. Je ne voudrais pas renouveler cette démonstration, mais je souhaite relever un des termes employés par M. Payet, qui a évoqué la « diabolisation » de la bidépartementalisation à laquelle il est de bon ton de se livrer ce soir.
En effet, un certain nombre des arguments mis en avant ce soir me paraissent tout à fait erronés. Il est vrai que les assemblées locales ont pris leur position sur la base d'un partage entre les deux départements qui n'est pas celui que propose aujourd'hui au Parlement le Gouvernement.
M. Edmond Lauret. Non, c'est faux !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Il est vrai également que, si un certain nombre d'élus locaux, au conseil général comme au conseil régional, se sont sans doute prononcés contre la bidépartementalisation par principe et pour des raisons de fond qui leur appartiennent, d'autres, en revanche - permettez-moi, monsieur Lauret, de le dire, d'autant plus qu'il s'agit d'élus locaux appartenant, pour plusieurs d'entre eux, au parti socialiste - ont fondé leur position pour l'essentiel sur le partage initialement opéré par le projet soumis à ces assemblées.
M. Edmond Lauret. C'est faux !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Donc, cela conduit, sinon à contredire, du moins à relativiser ces décisions.
Vous avez également indiqué, monsieur le rapporteur, que, par ce dispositif, on allait modifier les règles du jeu électoral six mois avant les élections cantonales. Or, dans la proposition du Gouvernement, rien n'est changé. Il n'y a ni création de canton ni nouveaux conseillers généraux à la Réunion, malgré la bidépartementalisation ni modification de la durée des mandats - on n'abroge pas les mandats existants - ni modification des séries qui doivent être renouvelées. Donc, il n'y a pas, à proprement parler, modification des règles du jeu électoral. Il était de mon devoir de le dire.
Enfin, vous n'entendrez jamais le Gouvernement faire de la bidépartementalisation la seule priorité de la politique qui est menée en faveur de l'île de la Réunion. La bidépartementalisation est, certes, l'un des éléments importants du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer. Pour autant, nous sommes ici très majoritairement d'accord pour considérer que le combat principal, l'enjeu majeur, c'est bien la lutte contre le chômage.
Et nous avons, en effet, dans ce texte, des réponses concrètes à ce problème. Il suffit de voir d'ailleurs, au-delà même du projet de loi d'orientation, l'accueil presque unanime réservé par tous les milieux professionnels de la Réunion au nouveau texte de soutien fiscal à l'investissement outre-mer pour bien comprendre que nous avons engagé avec l'ensemble des acteurs socioprofessionnels de cette île un dialogue que je crois tout à fait fructueux, et qui permettra effectivement de s'attaquer à ce qui est aujourd'hui l'enjeu majeur, c'est-à-dire le chômage.
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, en affirmant que vous ne modifiez pas les règles du jeu, vous allez un peu loin. En effet, à l'Assemblée nationale, vous avez ajouté : « Il est créé au 1er janvier 2001...
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Les députés l'ont souhaité !
M. José Balarello, rapporteur. Certes, les députés l'ont souhaité, mais vous l'avez accepté ! Vous avez ajouté, disais-je, « Il est créé au 1er janvier 2001 sur le territoire de la Réunion deux départements... » Vous n'allez pas nous dire que cela n'interfère pas avec les élections cantonales qui auront lieu en mars 2001, c'est-à-dire deux mois et demi ou trois mois plus tard. (Eh oui ! sur plusieurs travées du RPR.) Puisque vous changez la structure même du département, ne venez pas nous dire que les séries ne sont pas modifiées.
M. Hilaire Flandre. C'est du charcutage !
M. José Balarello, rapporteur. En effet, vous avez d'ores et déjà prévu la date, ce qui est assez exceptionnel. Je vois vos collaborateurs sourire.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Ils sont fatigués !
M. José Balarello, rapporteur. Peut-être en savent-ils plus que moi à ce sujet. (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Permettez-moi également de vous dire que vous avez « charcuté » le département. En effet, vous avez d'ores et déjà prévu les communes et les cantons qui composeront les futurs conseils généraux. (Marques d'approbation sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
MM. Pierre Hérisson et Jean-Jacques Hyest. Et les sénateurs !
M. José Balarello, rapporteur. Personnellement, je n'ai jamais vu faire cela à quelques mois des élections ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Louis de Broissia. Ils sont pris la main dans le sac !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 34 et n° 54.
M. Edmond Lauret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. En ce qui concerne les votes des assemblées locales, je voudrais « tordre le cou » à ce qui est dit ce soir sur les travées de la gauche de cet hémicycle.
Dans chaque assemblée, conseil général et conseil régional, deux votes ont eu lieu. Le premier concernait le projet du Gouvernement, avec un premier découpage. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous autorise à m'interrompre si ce que je dis n'est pas la vérité. Le conseil général et le conseil régional ont refusé ce projet. Certains conseillers généraux et conseillers régionaux socialistes ont alors présenté une motion sur le principe de la bidépartementalisation avec un autre découpage éventuel. Le conseil général et le conseil régional ont voté contre. Bref, on a voté contre le projet du Gouvernement et contre le principe même de la bidépartementalisation.
Mme Nelly Olin. C'est clair !
M. Edmond Lauret. Par ailleurs, je fais remarquer à M. le secrétaire d'Etat qu'en ce qui concerne, notamment, les élections sénatoriales, on modifie les règles du jeu, puisque nous allons passer du scrutin proportionnel au scrutin majoritaire.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est plutôt un bien !
M. Edmond Lauret. Notre problème à la Réunion, c'est l'emploi. Avec la bidépartementalisation, nous aurons quelques emplois de hauts fonctionnaires, un préfet, un trésorier-payeur général, un directeur des impôts. Moi, je préfère des emplois d'ouvrier dans l'industrie, des emplois d'agriculteur et des emplois dans le tourisme. (Applaudissements sur les travées du RPR et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. J'ai été le rapporteur du statut des régions d'outre-mer, voilà bien des années. Cela m'a amené à aller à la Réunion et à connaître cette île superbe.
J'avoue que je suis un peu désarçonné par le débat qui a lieu en ce moment. En effet, si j'ai bien compris, les élus locaux ont, par des votes successifs, émis au minimum des réserves sur la réforme qui est proposée.
Nous sommes à quatre mois et demi des élections cantonales. On nous explique qu'il est urgent de changer totalement la configuration administrative et, soyons clairs, politique de l'île, et que le point d'appui du Gouvernement est le changement d'opinion d'un groupe politique à l'intérieur des deux assemblées qui régissent actuellement la vie de cette île. Pour ma part, dès que j'entends dire qu'un groupe politique vient de changer d'opinion à lui seul, j'ai tout de suite quelque scrupule à suivre le raisonnement qu'on tente de m'instiller.
Mais il y a beaucoup plus grave. En définitive, on va s'appuyer sur une opinion plus ou moins bien formulée par des assemblées en fin de mandat. Il serait si simple de reporter une réforme éventuelle après les élections qui vont venir, en sachant que, bien évidemment, la campagne électorale se déroulera sur ce thème-là.
M. Jean-Claude Carle. Bien sûr !
M. Paul Girod. On saura qui est mandaté par la population pour dire qu'il est d'accord pour une départementalisation et qui est mandaté pour dire le contraire. Nous examinerons, tout à l'heure, un amendement qui tend à prévoir une consultation de la population. Je ne suis pas absolument certain qu'il soit totalement constitutionnel, même si j'indique d'avance à M. Lauret que je le soutiendrai. Dans la réalité, nous allons avoir une consultation du peuple normalement organisée,...
M. Hilaire Flandre. Grandeur nature ! M. Paul Girod. ... et la campagne électorale qui la précédera sera effectivement faite sur ce thème. Par conséquent, la réponse de la population sera connue par le résultat des élections si l'on ne change rien avant ; dans le cas contraire, on aura une réponse qui sera d'avance biaisée par rapport à une population qui a son sentiment sur l'affaire et dont on nous dit que seuls les élus nationaux sont responsables de la réponse.
Pour ma part, je crois que l'on se trompe totalement de débat et qu'il faut revenir à ce qui est l'essentiel de notre vie démocratique.
M. Jacques Peyrat. C'est vrai !
M. Paul Girod. Quand il y a une question posée et que l'on a en plus à quelque trois mois près l'occasion d'avoir la réponse de la population, on attend la réponse de la population. C'est pourquoi je voterai les amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 34 et 54, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 38 est supprimé et l'amendement n° 48 n'a plus d'objet.

Article 38 bis



M. le président.
« Art. 38 bis. - 1. Dès leur création, les départements de la Réunion du Nord et de la Réunion du Sud sont, pour l'application des textes de nature législative ou réglementaire applicables au département de la Réunion, substitués à ce département.
« Dès leur création, les nouveaux départements sont substitués de plein droit au département de la Réunion dans toutes ses délibérations et tous ses actes.
« Les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance, sauf accord contraire des parties. La substitution des nouveaux départements au département de la Réunion dans les contrats conclus par celui-ci n'entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour le cocontractant. Ce dernier est informé de cette substitution par le nouveau département.
« 2. Le mandat des représentants du département de la Réunion dans les organismes extérieurs prend fin à la date de la désignation des représentants des nouveaux départements. Lorsque les attributions d'un de ces organismes s'exercent sur le territoire des deux nouveaux départements, chacun de ceux-ci dispose d'au moins un représentant dans cet organisme. Lorsque le nombre de représentants du département de la Réunion est supérieur à deux, les sièges sont répartis entre les deux nouveaux départements en proportion de leur population.
« Le mandat des administrateurs des organismes chargés de la gestion d'un service public dans le département de la Réunion prend fin à compter de l'installation des administrateurs des organismes chargés de la gestion de ce service dans les limites des nouveaux départements.
« 3. Sauf exceptions prévues par la présente loi, les nouveaux conseils généraux procèdent à la création des établissements publics départementaux prévus par les dispositions législatives en vigueur. Les établissements nouvellement créés se substituent aux anciens établissements dans les conditions fixées aux 1 à 14, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'Etat.
« 4. Les emplois afférents aux personnels de l'ancien département de la Réunion sont répartis entre les nouveaux départements dans un délai de six mois à compter de leur création. Cette répartition est constatée par un procès verbal établi contradictoirement entre les présidents des conseils généraux des nouveaux départements.
« A défaut d'accord, les emplois sont répartis par un décret en Conseil d'Etat pris dans les six mois suivant l'expiration du délai prévu à l'alinéa ci-dessus.
« 5. Lorsque la répartition des emplois prévue au 4 est effectuée, chaque agent de l'ancien département est invité à formuler ses voeux pour être affecté sur l'un de ces emplois. Ces voeux sont satisfaits dans la limite des emplois disponibles.
« Les emplois non pourvus à l'issue de la procédure prévue au premier alinéa sont proposés aux agents non encore affectés par accord conjoint des deux présidents des conseils généraux.
« 6. En cas de refus par un fonctionnaire de l'affectation qui lui est proposée dans le cadre de la procédure prévue au deuxième alinéa du 5, il est fait application des dispositions des articles 97 et 97 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Toutefois, pour l'application de ces dispositions :
« - la période de maintien en surnombre prévue au premier alinéa du I de l'article 97 est portée à trois ans ;
« - la contribution prévue au premier alinéa de l'article 97 bis est versée par le département de la Réunion du Nord.
« En cas de refus par un agent contractuel de l'affectation qui lui est proposée, l'agent conserve son emploi, le cas échéant en surnombre, jusqu'au terme normal de son contrat, lorsque celui ci est à durée déterminée.
« 7. Pendant une période de trois ans à compter de la création des nouveaux départements, il ne peut être fait appel à des personnes extérieures pour pourvoir les emplois de ceux ci qu'à défaut de candidats parmi les personnels de l'ancien département possédant les qualifications requises.
« Les personnels de l'ancien département de la Réunion conservent dans les nouveaux départements leurs droits acquis et l'ensemble des avantages dont ils bénéficiaient.
« 8. A compter de la création des nouveaux départements, les personnels du département de la Réunion sont provisoirement affectés au département de la Réunion du Nord.
« A compter de la même date et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après la répartition des emplois prévue au 4, le président du conseil général de la Réunion du Sud dispose, en tant que de besoin, des services du département de la Réunion du Nord pour la préparation et l'exécution des délibérations du conseil général. Il adresse directement aux chefs de service toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qu'il leur confie et dont il contrôle l'exécution. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature aux chefs de service pour l'exécution des missions qu'il leur confie.
« 9. Il est rétabli, après l'article 18 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, un article 18 bis ainsi rédigé :
« Art. 18 bis. - Les communes des départements de la Réunion du Nord et de la Réunion du Sud et leurs établissements publics remplissant les conditions d'affiliation obligatoires définies à l'article 15 sont affiliés obligatoirement à un centre interdépartemental unique qui assure les missions normalement dévolues aux centres de gestion.
« Les départements de la Réunion du Nord et de la Réunion du Sud, les communes situées dans ces départements, leurs établissements publics ainsi que la région de la Réunion et les établissements publics à vocation régionale ou interdépartementale dont le siège est situé dans la région peuvent s'affilier volontairement à ce centre interdépartemental unique dans les conditions prévues à l'article 15.
« Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2001. »
« 10. Un décret déterminera les modalités d'une compensation financière entre les deux nouveaux départements, destinée à compenser les surcroîts de dépenses supportés par le département de la Réunion du Nord, dus notamment à l'affectation dans cette collectivité des personnels non répartis entre les deux départements.
« 11. Dès la création des nouveaux départements, les biens meubles et immeubles du département de la Réunion, à l'exclusion de ceux mentionnés au 13, ainsi que les droits et obligations qui leur sont attachés sont transférés de plein droit dans le patrimoine du nouveau département sur le territoire duquel ils sont situés.
« Les nouveaux départements peuvent s'accorder pour modifier la répartition résultant des transferts prévus au premier alinéa.
« 12. Lorsque les biens mentionnés au 11 sont situés hors du territoire de la Réunion, ces biens, ainsi que les droits et obligations qui s'y attachent, sont transférés par accord entre les nouvelles collectivités à l'une d'entre elles ou à une institution interdépartementale. Si aucun accord n'est intervenu dans les six mois suivant la création des nouveaux départements, le transfert est effectué par un décret en Conseil d'Etat.
« 13. Les disponibilités déposées au Trésor, les engagements financiers donnés ou reçus, les capitaux et les immobilisations incorporelles du département de la Réunion sont répartis entre les nouveaux départements proportionnellement à leur population.
« Dans un délai de six mois à compter de la création des nouveaux départements, le transfert définitif des biens mentionnés au premier alinéa est constaté par un procès verbal établi contradictoirement entre les présidents des conseils généraux des nouveaux départements et précisant la nature, la situation juridique et l'état des biens transférés. A défaut d'accord, les nouveaux départements peuvent recourir, deux mois au moins avant l'expiration du délai mentionné précédemment, à l'arbitrage du président de la chambre régionale des comptes.
« Toutefois, sur la demande conjointe des deux nouveaux départements ou si aucun accord ou arbitrage n'est intervenu dans le délai prévu à l'alinéa précédent, la répartition des biens mentionnés au premier alinéa est effectuée par un décret en Conseil d'Etat pris dans les six mois suivant l'expiration de ce délai.
« Jusqu'à leur répartition, les biens mentionnés au premier alinéa sont provisoirement affectés au département de la Réunion du Nord.
« 14. Les transferts de biens, droits et obligations prévus à la présente section ne donnent lieu à aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire.
« 15. L'article L. 1424-49 du code général des collectivités territoriales est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. - Les dispositions du présent chapitre s'appliquent à la Réunion dans les conditions suivantes :
« 1° Le service d'incendie et de secours de la Réunion est un service interdépartemental.
« Le service interdépartemental d'incendie et de secours se substitue au service départemental dans tous ses biens, droits et obligations ;
« 2° Le règlement opérationnel est arrêté conjointement par les deux préfets dans les conditions prévues à l'article L. 1424-4 ;
« 3° Le schéma interdépartemental d'analyse et de couverture des risques est élaboré, arrêté et révisé sous l'autorité conjointe des deux préfets dans les conditions prévues à l'article L. 1424-7 ;
« 4° En 2001, la contribution prévue à l'article L. 1424-35 est répartie entre les deux départements au prorata de leur population ;
« 5° Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire des actes du service interdépartemental d'incendie et de secours sont exercés par le préfet du département de la Réunion du Nord ;
« 6° Pour l'application à la Réunion des dispositions du présent code, il y a lieu de lire : "service interdépartemental d'incendie et de secours" au lieu de : "service départemental d'incendie et de secours" ;
« 7° Pour l'application à la Réunion des dispositions du présent chapitre, il y a lieu de lire :
« - "préfet de région" au lieu de : "autorité compétente de l'Etat" et de : "préfet", sauf pour l'application des articles L. 1424-3, L. 1424-4, L. 1424-7 et L. 1424-33 ;
« - "conseils généraux" au lieu de : "conseil général" ;
« - "présidents des conseils généraux" au lieu de : "président du conseil général" ;
« - "départements" au lieu de : "département" ;
« - "schéma interdépartemental d'analyse et de couverture des risques" au lieu de : "schéma départemental d'analyse et de couverture des risques" ;
« - "corps interdépartemental" au lieu de : "corps départemental" ;
« - "commission consultative interdépartementale" au lieu de : "commission consultative départementale" ;
« - "directeur interdépartemental" au lieu de : "directeur départemental" ;
« - "centre opérationnel interdépartemental" au lieu de : "centre opérationnel départemental".
« 16. a) Par dérogation à l'article 30 de la présente loi, il est créé à la Réunion un office de l'eau interdépartemental.
« Les modalités d'organisation de cet office sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
« b) Par dérogation à l'article L. 213-4 du code de l'environnement, il est créé à la Réunion un comité de bassin. Ce comité de bassin, outre les compétences qui lui sont conférées par l'article L. 213-2 du même code, est associé, s'il y a lieu, à l'élaboration des adaptations facilitant l'application des dispositions des chapitres Ier à IV, VI et VII du titre Ier du livre II dudit code.
« 17. L'arrêté des comptes du dernier exercice du département de la Réunion est constitué par le vote du conseil général de chacun des nouveaux départements sur le compte administratif présenté conjointement par les présidents des conseils généraux des nouveaux départements après transmission du compte de gestion établi par le comptable du département de la Réunion. Le compte administratif est arrêté si une majorité des voix ne s'est pas dégagée contre son adoption dans une au moins des deux assemblées. Le vote intervient dans un délai de trois mois à compter de l'installation des conseils généraux.
« Si les comptes du département de la Réunion n'ont pas été arrêtés dans les délais prévus au premier alinéa, l'arrêté des comptes est effectué conjointement par les préfets des départements de la Réunion du Nord et de la Réunion du Sud, après avis de la chambre régionale des comptes. Les préfets transmettent alors le premier budget primitif des nouveaux départements à la chambre régionale des comptes.
« Les nouveaux départements procèdent par délibération budgétaire à la reprise de l'actif, du passif et des résultats de fonctionnement et d'investissement du département de la Réunion, conformément à la répartition résultant de l'application des dispositions des 11 à 13. Le détail des opérations non budgétaires justifiant cette reprise est joint en annexe au document budgétaire procédant à la reprise des résultats.
« 18. Dès la création des nouveaux départements et jusqu'à l'adoption de leur budget, les présidents des conseils généraux peuvent mettre en recouvrement les recettes et engager, liquider et mandater les dépenses de la section de fonctionnement, dans la limite de celles inscrites au dernier budget du département de la Réunion et réparties au prorata de la population de leur département.
« Les présidents des conseils généraux peuvent également mandater les dépenses afférentes au remboursement en capital des annuités de la dette venant à échéance avant le vote du budget, dans la limite des engagements financiers transférés conformément aux dispositions du 13.
« 19. Jusqu'à l'adoption du budget des nouveaux départements, ou jusqu'au 31 mars en l'absence d'adoption du budget avant cette date, les présidents des conseils généraux peuvent engager, liquider et mandater les dépenses d'investissement, dans la limite du quart des crédits ouverts du dernier budget du département de la Réunion et répartis au prorata de la population de leur département, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette. Les dépenses à caractère pluriannuel incluses dans une autorisation de programme peuvent être liquidées et mandatées par les présidents des conseils généraux, dans la limite des crédits de paiement prévus au titre de l'exercice par la délibération d'ouverture d'autorisation de programme et, lorsque l'autorisation de programme concerne des travaux intéressant les deux nouveaux départements, répartis au prorata de la population de leur département.
« Les actes des présidents des conseils généraux prévus au premier alinéa ne peuvent être effectués que sur autorisation du conseil général précisant le montant et l'affectation des crédits. Les crédits correspondants sont inscrits au budget du département lors de son adoption. Le comptable est en droit de payer les mandats et de recouvrer les titres de recettes émis dans les conditions ci-dessus.
« 20. Pour l'application en 2001 aux nouveaux départements des dispositions du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts, les taux de référence sont ceux votés en 2000 par le département de la Réunion.
« 21. A compter de 2001, les nouveaux départements perçoivent les compensations versées en contrepartie des pertes de recettes résultant d'exonérations ou d'abattements institués au titre de la taxe d'habitation, des taxes foncières et de la taxe professionnelle qui étaient antérieurement perçues par le département de la Réunion.
« Pour le calcul de ces compensations, il est fait application des taux appliqués pour le calcul des mêmes compensations versées au département de la Réunion et des bases constatées sur le territoire de chacun des nouveaux départements.
« Toutefois, pour l'application en 2001 du présent article :
« - la compensation prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986) est calculée dans les mêmes conditions que lorsqu'elle était perçue par le département de la Réunion et versée au prorata des bases de taxe professionnelle notifiées au nouveau département ;
« - le montant des bases d'imposition exonérées mentionné au deuxième alinéa du II de l'article 21 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 31 décembre 1991) est égal au montant des bases exonérées l'année précédente sur la partie du territoire du département de la Réunion correspondant au nouveau département ;
« - le produit des taxes mentionnées au troisième alinéa du III de l'article 9 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) est celui constaté l'année précédente sur la partie du territoire du département de la Réunion correspondant au nouveau département ;
« - la perte de base mentionnée au II du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) est celle constatée sur les seuls établissements existants au 1er janvier 1999 sur la partie du territoire du département de la Réunion correspondant au nouveau département.
« 22. En 2001, jusqu'au vote du budget primitif de chacun des nouveaux départements, les attributions mensuelles de taxes et impositions perçues par voie de rôle sont calculées dans la limite du douzième du montant des impositions et taxes prévues l'année précédente au budget du département de la Réunion et constatées pour la même année sur la partie du territoire du département de la Réunion correspondant au nouveau département.
« 23. a) Le B de l'article L. 4434-3 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A la Réunion, les sommes prévues au 1° sont affectées à chaque département au prorata de sa population. Celles prévues au 2° sont affectées à chaque département au prorata de sa population et de la longueur de sa voirie classée dans le domaine public départemental. Ces deux critères sont affectés d'un même coefficient.
« b) L'article L. 4434-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé ;
« Pour l'application du premier alinéa à la Réunion, la référence à la dotation globale de fonctionnement du département est remplacée par la référence à la somme des dotations globales de fonctionnement des deux départements. En 2001, la progression s'apprécie par rapport à la dotation globale de fonctionnement du département de la Réunion en 2000. »
« 24. Pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement attribuée en 2001 aux départements de la Réunion du Nord et de la Réunion du Sud, la référence aux dotations perçues l'année précédente est remplacée par la référence aux dotations perçues l'année précédente par le département de la Réunion et réparties entre les nouveaux départements au prorata de leur population telle qu'elle est définie à l'article L. 3334-2 du code général des collectivités territoriales.
« Jusqu'à la notification de la dotation globale de fonctionnement attribuée en 2001 aux nouveaux départements, les versements mensuels leur revenant au titre de cette dotation sont calculés dans les mêmes conditions qu'à l'alinéa précédent.
« 25. En 2001, pour l'application aux nouveaux départements de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3334-11 du code général des collectivités territoriales relatif à la dotation globale d'équipement, la référence au montant des crédits reçus l'année précédente est remplacée par la référence au montant des crédits reçus l'année précédente par le département de la Réunion et réparti entre les nouveaux départements au prorata :
« - des dépenses réelles d'investissement du département de la Réunion réalisées sur le territoire de chacun d'entre eux au cours de l'année précédente ;
« - de la longueur de la voirie classée dans le domaine public départemental dévolue à chacun des deux départements.
« 26. Les attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée dues en application des articles L. 1615-1 à L. 1615-10 du code général des collectivités territoriales sont réparties entre les nouveaux départements en prenant en compte, pour chacun d'entre eux, les dépenses réelles d'investissement éligibles réalisées par le département de la Réunion et afférentes à des biens dont la propriété leur a été définitivement dévolue.
« 27. A titre provisoire, la dotation générale de décentralisation attribuée en 2001 et 2002 aux nouveaux départements en application des articles L. 1614-1 à L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales est égale à celle qu'aurait perçue le département de la Réunion pour la même période, répartie au prorata de la population de chacun des deux départements.
« Le droit à compensation relatif à chacune des compétences transférées est réparti entre les nouveaux départements :
« - au prorata de leur population pour l'action sociale, le fonctionnement des bibliothèques et les partages de services effectués en application de la loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 relative à la prise en charge par l'Etat, les départements et les régions des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services placés sous leur autorité ;
« - au prorata de la population scolarisée dans les collèges pour le fonctionnement des collèges et les transports scolaires.
« Le produit théorique de la fiscalité transférée à l'ancien département de la Réunion en compensation des transferts de compétence est réparti entre les nouveaux départements au prorata de la fiscalité réelle perçue par chacun d'entre eux en 2001.
« 28. Les conseillers généraux représentant les cantons compris dans les limites des départements de la Réunion du Nord et de la Réunion du Sud forment de plein droit les conseils généraux de ces départements jusqu'à l'expiration normale de leur mandat.
« Le conseil général de la Réunion du Nord et le conseil général de la Réunion du Sud se réunissent de plein droit le deuxième vendredi du mois de janvier 2001.
« Ils élisent le président, la commission permanente et le bureau du conseil général dans les conditions fixées par le chapitre II du titre II du livre Ier de la troisième partie du code général des collectivités territoriales.
« 29. a) Les dispositions figurant au tableau n° 5 annexé au code électoral dans la colonne "Série B" et relatives à l'élection des sénateurs de la Réunion sont remplacées par les dispositions suivantes :




Réunion du Nord
1
Réunion du Sud 2

« b) Les dispositions figurant au tableau n° 6 annexé au même code sont remplacées par les dispositions suivantes :



Réunion du Nord
1
Réunion du Sud 2

« c) Les dispositions du présent 29 entrent en vigueur au prochain renouvellement de la série à laquelle appartiennent les départements de la Réunion.
« 30. a) Les dispositions figurant au tableau n° 7 annexé au code électoral et relatives à la répartition des conseillers régionaux de la Réunion entre les collèges chargés de l'élection des sénateurs de la Réunion sont remplacées par les dispositions suivantes :

RÉGION

EFFECTIF GLOBAL

du conseil régional


DÉPARTEMENT

CONSEILLERS
faisant partie
du collège

électoral sénatorial

Réunion 45 Réunion du Nord 22
. . Réunion du Sud 23


« b) Dans le mois qui suit la création des nouveaux départements, le conseil régional procède à la répartition de ses membres entre les collèges électoraux chargés de l'élection des sénateurs dans les conditions prévues aux articles L. 293-1 à L. 293-3 du code électoral.
« 31. Les dispositions relatives à la délimitation des circonscriptions législatives dans les départements de la Réunion du Nord et de la Réunion du Sud feront l'objet d'une loi ultérieure.
« 32. Pendant la durée nécessaire à la mise en place effective des institutions et services départementaux, le préfet de la Réunion du Sud aura à sa disposition les services de l'Etat placés auprès du préfet de région, préfet de la Réunion du Nord.
« 33. Des décrets en Conseil d'Etat fixent, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 35 est présenté par M. Balarello, au nom de la commission.
L'amendement n° 55 est proposé par M. Lauret et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 35.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement précédent, puisqu'il tend à supprimer l'article 38 bis introduit par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, lequel précise les modalités de la création au 1er janvier 2001 d'un second département à la Réunion.
M. le président. La parole est à M. Lauret, pour défendre l'amendement n° 55.
M. Edmond Lauret. L'article 38 bis concerne de nombreuses et capitales dispositions qui sont caractéristiques du projet de loi - suppression d'un département, répartition des emplois et du patrimoine entre les deux nouveaux départements, répartition des moyens financiers, représentation des collectivités locales départementale et régionale au Sénat, conséquence sur la poursuite des mandats des conseillers généraux - et qui, de ce fait, devraient, à mon sens, faire l'objet d'un véritable projet de loi et respecter les dispositions de l'article 39, notamment la délibération du conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, ce qui n'a pas été le cas.
Par ailleurs, cet amendement tire les conséquences du rejet de l'article 38 par la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. L'Assemblée nationale a voté en nouvelle lecture un amendement qui avait été déposé, je le rappelle de nouveau, par les cinq députés de l'île de la Réunion. Cet amendement avance la création du second département de la Réunion au 1er janvier 2001. En conséquence le Gouvernement a souhaité prévoir dans le projet de loi les modalités concrètes de mise en oeuvre de cette création. Vous l'avez compris, il n'y a là, au fond, qu'une recherche de cohérence. Je souligne donc qu'il s'agissait et qu'il s'agit toujours, avant peut-être que le Sénat ne le supprime, d'un amendement de cohérence indispensable pour que le législateur exerce dans cette matière toute sa compétence. En cela, cet amendement est recevable, puisqu'il constitue le complément indispensable au fonctionnement régulier et continu des institutions départementales dans l'île de la Réunion.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements de suppression.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 35 et 55, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 38 bis est supprimé.

Article additionnel après l'article 38 bis



M. le président.
Par amendement n° 56, M. Lauret propose d'insérer, après l'article 38 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le statut monodépartemental de la Réunion est confirmé. Toute modification du périmètre de ce département devra être précédée d'une consultation pour avis de sa population. »
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. La possibilité d'organiser la consultation des populations des départements d'outre-mer constitue une mesure d'adaptation qui semble entrer dans le champ de l'article 73 de la Constitution.
En effet, les départements d'outre-mer étant les seules régions françaises monodépartementales, cette situation singulière justifie qu'une procédure spécifique de consultation de leur population sur les évolutions institutionnelles soit mise en place.
La possibilité d'organiser une telle consultation à l'échelle d'une collectivité territoriale d'outre-mer supracommunale a d'ailleurs été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 mai 2000 relative à la loi organisant la consultation de la population de Mayotte sur l'évolution institutionnelle de ce territoire.
Le projet de bidépartementalisation de la Réunion voulu par le Gouvernement suscite une très forte opposition de la population et des élus locaux du conseil régional et du conseil général, ainsi que de l'ensemble des forces vives de l'île.
Trois sondages réalisés en l'espace d'un an ont confirmé cette hostilité, le dernier faisant apparaître que 63 % des habitants s'opposent à ce découpage de l'île.
Une consultation pour avis s'impose donc ; elle aura le mérite de permettre au Gouvernement de prendre sa décision en connaissance de cause.
Dans une démocratie qui se respecte, on ne peut pas refuser que la population dise son sentiment ou admettre que la population soit bâillonnée par un amendement tel l'amendement n° 211 déposé à l'Assemblée nationale par M. Elie Hoarau, M. Claude Hoarau et par Mme Bello, qui visait à ne pas faire appel à la consultation de la population.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. La commission a longuement discuté du problème qui nous est soumis par M. Lauret.
J'indique d'emblée que notre commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat. Certes, il faudra en arriver tôt ou tard, et le plus tôt sera le mieux, à la consultation des populations, non seulement dans les départements d'outre-mer mais peut-être aussi ailleurs, dans d'autres secteurs que je ne nommerai pas ce soir.
M. Jean-Jacques Hyest. Ah !
M. José Balarello, rapporteur. Cela étant, nous nous sommes demandé si cet amendement n'était pas contraire à la Constitution. Certes, nous avons le précédent de la consultation de Mayotte.
M. Lucien Lanier. Oui !
M. José Balarello, rapporteur. J'avais été le rapporteur du texte. Nous avons examiné la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2000 concernant Mayotte. Je vous donne lecture du considérant relatif à la consultation :
« Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa du préambule de la Constitution de 1958, en vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique ;
« Que pour la mise en oeuvre de ces dispositions, les autorités compétentes de la République sont, dans le cadre de la Constitution, habilitées à consulter les populations d'outre-mer intéressées, non seulement sur la volonté de se maintenir au sein de la République française ou d'accéder à l'indépendance, mais également sur l'évolution statutaire de leurs collectivités territoriales à l'intérieur de la République ;
« Que toutefois, dans cette dernière éventualité, lesdites autorités ne sauraient être liées en vertu de l'article 72 de la Constitution par le résultat de cette consultation. »
Le problème provient du fait que le deuxième alinéa du préambule de la Constitution stipule que : « En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique. »
C'est la raison pour laquelle la commission des lois s'est interrogée sur la constitutionnalité de la consultation envisagée et a recherché des éléments susceptibles d'apporter une réponse, notamment la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2000 concernant Mayotte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. J'ai le sentiment que, derrière la sagesse du Sénat qu'invoquait à l'instant M. le rapporteur, se cache sans doute quelque embarras devant plusieurs arguments juridiques que M. Balarello aurait certainement souhaité évoquer et qui plaident contre la constitutionnalité de cet amendement.
Je voudrais dire simplement, pour ma part, qu'est affirmé à l'article 1er du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer le droit à la consultation des populations en cas d'« évolutions statutaires ». Or, une réforme administrative, une modification des limites des départements constituent non pas une évolution statutaire mais une décision relevant très clairement de la responsabilité du Parlement. J'ai envie de dire, à ce stade de la discussion, mesdames, messieurs les sénateurs, que les parlementaires prennent dans ce domaine leurs responsabilités, avec la possibilité de fixer dans la loi les nouvelles limites des départements.
Je n'ai d'ailleurs pas entendu M. le Président de la République, qui s'est exprimé au moins à deux reprises sur le principe de la bidépartementalisation, poser en préalable comme condition nécessaire la consultation des populations. Il s'agit bien là, je le répète, d'une réforme d'ordre administratif, à la différence, bien sûr, d'autres épisodes récents pour lesquels il a été nécessaire d'opérer une consultation locale ou une consultation nationale : je pense, à cet égard, à la Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 56.
M. Edmond Lauret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Je dois avouer que je ne comprends plus, monsieur le secrétaire d'Etat ! J'ai cité, dans l'exposé des motifs de mon amendement, un paragraphe entier du rapport de M. Jérôme Lambert, qui n'appartient pas à nos rangs. Alors, vérité à l'Assemblée nationale, erreur au Sénat ? M. Jérôme Lambert dit que c'est possible. Je ne comprends plus ! En tout cas, je maintiens mon amendement.
M. Georges Othily. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons adopté, dans le corps de l'article 1er du projet de loi d'orientation, voilà quelques instants, une phrase aux termes de laquelle, dans le cadre de la République, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion ont la possibilité d'évoluer, à l'avenir, vers une organisation institutionnelle qui leur soit propre.
Je suis favorable à toute évolution institutionnelle des départements d'outre-mer, parce que le département et la loi ne doivent pas être figés. Je considère que la consultation est souhaitable, valable et possible.
La consultation des Français est un élément essentiel de la démocratie, principalement de sa forme directe. Elle a été considérablement renforcée sous la Ve République, qui l'a placée sur le même plan que la démocratie représentative au sein de l'article 3 de la Constitution de 1958. Le premier alinéa de ce dernier dispose en effet ceci : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
Le deuxième alinéa de ce même article précise cependant ceci : « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. » La consultation d'une fraction du corps électoral est entourée de règles constitutionnelles qui sont d'autant plus solennelles qu'elles ne bénéficient pas de définition incontestée.
L'actualité du droit de l'outre-mer a donné l'occasion au Conseil constitutionnel de préciser certains éléments de la consultation des populations d'une partie du territoire français, dans sa décision 2000-428 DC du 4 mai 2000, à propos de la loi organisant une consultation à Mayotte.
Les précisions apportées par le juge constitutionnel ne résolvent pas toutes les difficultés relatives à une telle consultation, mais il est possible de classer celles-ci autour de quatre questions : quelle est la population ou quelles sont les populations qui peuvent être consultées ? Quel est l'objet de la question qui peut être posée ? Quelle peut être la portée d'une telle consultation ? Quelles sont les conditions formelles qui doivent entourer la consultation ?
Dans sa décision du 4 mai 2000, le Conseil constitutionnel considère que la consultation et la loi qui l'organise trouvent leur fondement dans l'alinéa 2 du préambule de la Constitution de 1958. Notre excellent rapporteur ayant cité in extenso le sixième considérant de cette décision, je n'y reviendrai pas.
Cette argumentation du Conseil constitutionnel appelle plusieurs observations, mais je n'en citerai qu'une : le Conseil a une conception assez peu précise de la notion de « peuples » ou de « populations d'outre-mer ». Si le premier terme renvoie expressément à des peuples distincts du peuple français, ceux des territoires d'outre-mer existant en 1958 et qui devaient se prononcer sur l'acceptation des nouvelles institutions, la notion de « population d'outre-mer » est beaucoup plus neutre et ne paraît désigner qu'un groupe de personnes géographiquement déterminées, par leur situation « ultra-marine », sans qu'elles forment pour autant un véritable « peuple ». La référence aux populations d'outre-mer est renouvelée au douzième considérant de la décision de mai 2000.
Il n'est pas indifférent de constater que, si des populations d'outre-mer peuvent être consultées, et non des peuples, celles des départements d'outre-mer peuvent l'être aussi. La seule limite posée par le Conseil constitutionnel concerne l'outre-mer, ce qui interdit d'organiser une consultation en métropole, sous réserve de la question de la Corse dont la situation ultra-marine est désormais évoquée de manière expresse par certains commentateurs ou analystes.
Le Conseil constitutionnel semble alors assimiler tout « territoire d'outre-mer » au sens géographique du mot aux « territoires d'outre-mer » au sens juridique du même mot. Dans ce cas, on ne voit pas ce qui interdirait non plus la consultation dans les départements d'outre-mer, sauf à estimer que ce qui est possible à Mayotte ne l'est pas dans les départements d'outre-mer au motif que Mayotte fut, autrefois, dans le cadre des Comores, un véritable territoire d'outre-mer. Mayotte n'est cependant pas non plus un département d'outre-mer, ni à l'heure actuelle ni même dans le cadre du futur statut, même si l'île sera une « collectivité départementale ».
Le Conseil constitutionnel considère d'ailleurs que les populations concernées peuvent également être consultées sur des évolutions statutaires, ce qui, à mon avis, élargit considérablement le champ de ces consultations.
Je terminerai cet exposé par quatre remarques.
Les populations d'outre-mer, mais elles seules, peuvent être consultées. Cela vise aussi bien les populations des départements d'outre-mer que des territoires d'outre-mer. La seule incertitude concerne les limites de l'outre-mer, et, à cet égard, je pense à la Corse.
La question posée peut concerner un autre objet que celui du maintien ou non du territoire dans le sein de la République française. Ainsi, une question sur l'avenir, sur l'évolution du statut de la collectivité territoriale ou un autre objet, peut être posée. Il n'y a pas de limite matérielle à la question posée.
Il y a, en revanche, une limite dans la formulation : la consultation ne peut être qu'une demande d'avis et certainement pas une obligation qui viendrait lier les législateurs que nous sommes.
La consultation, par conséquent, doit correspondre à des critères de clarté et de loyauté, et ne doit pas tromper la population sur le sens caché de la question. Parmi ces exigences figure notamment et principalement celle selon laquelle la consultation ne doit pas être un référendum déguisé.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. L'amendement n° 56 soulève beaucoup plus de problèmes qu'il n'y paraît. Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois d'ailleurs que vous n'avez pas assez bien répondu à la question posée par cet amendement.
En effet, nous avons une carence de réflexion en ce qui concerne - et notre collègue Georges Othily l'a très bien dit à l'instant même - la différence entre territoire et département d'outre-mer.
Voilà bien longtemps que le droit d'outre-mer n'est plus enseigné dans les universités de droit - c'est d'ailleurs bien dommage ! -, la dernière édition d'un manuel de droit d'outre-mer datant, si mes souvenirs sont exacts, de 1962, son auteur étant François Luchaire, ancien membre du Conseil constitutionnel.
Il est temps, monsieur le secrétaire d'Etat, que vos services lancent une étude, une recherche sur ces concepts juridiques que nous n'étudions plus depuis longtemps et qui mériteraient pourtant de l'être. En effet, nous nous trouvons ici au coeur même de problèmes de droit, de droit constitutionnel et administratif en particulier.
A l'heure actuelle, nous ne savons pas, avec les outils juridiques dont nous disposons, régler le problème posé. On l'a bien vu, la notion de consultation soulève nombre de problèmes : la consultation est-elle permise ou pas par la Constitution ? Est-elle un référendum ? Est-elle un simple avis ? Qui doit-on consulter ? Comment doit-on consulter ? Comment doit-on poser les questions ? La consultation engage-t-elle l'ensemble du peuple français de la République une et indivisible ? Le département d'outre-mer a-t-il une autre vocation que de faire partie de la République une et indivisible ? Voilà toute une série de questions que nous devons soulever et que nous ne sommes pas en mesure de régler aujourd'hui.
Je regrette, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'ayez pas fait preuve d'esprit révolutionnaire dans ce domaine en reconnaissant que des problèmes existent et qu'ils doivent donc être traités, qu'il est normal que le département engage un grand débat sur ces questions de consultation de population. A terme, cela concerne non pas seulement l'outre-mer, mais aussi la métropole, nos régions, le problème des minorités nationales, la question des langues, autant de sujets qu'il faut pouvoir traiter avec des outils juridiques nouveaux que nous n'avons pas.
J'étais prêt à demander à M. Lauret de retirer son amendement si le Gouvernement manifestait un début d'esprit d'ouverture dans cette nécessaire réflexion que nous devons entamer. Je n'ai pas noté ce début d'ouverture. C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je tiens à dire à M. Gélard que je suis tout à fait ouvert à un tel débat, y compris dans cet hémicycle, bien évidemment. Encore faudrait-il qu'il ait lieu au bon moment de la discussion. Or, le bon moment, ce n'est certainement pas l'article 38 de ce projet de loi, qui concerne la bidépartementalisation, c'est-à-dire, je le répète, une réforme administrative, laquelle n'est en rien une évolution statutaire et ne relève en rien de la consultation des populations !
De grâce, par conséquent, considérons que nous ferions fausse route, les uns et les autres, en évoquant, à l'occasion de la bidépartementalisation, ces questions absolument fondatrices pour la République dans sa relation avec l'outre-mer !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38 bis.

Intitulé du chapitre IV du titre VI (suite)



M. le président.
Nous en revenons à l'amendement n° 33, qui a été précédemment réservé, et qui tend à supprimer la division du chapitre IV du titre VI et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec la suppression des articles 38 et 38 bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 33.
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. J'entends bien le raisonnement de M. le rapporteur, mais, comme nous avons voté l'amendement n° 56 de notre collègue M. Lauret, je ne suis pas sûr que la suppression de cette division et de son intitulé soit parfaitement « calée ». Mais je reconnais qu'il s'agit presque là d'un détail...
Je veux toutefois faire remarquer à M. le secrétaire d'Etat, s'il me permet un instant d'humour - ce qui n'est pas facile dans un débat aussi grave - qu'il y a actuellement, en France, un grand débat entre la région et le département et qu'il est de bon ton, ici ou là, de dire que le département est dépassé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne serait-il pas plus simple de dire que le nombre de départements par région est proportionnel à la distance qui sépare la région de Paris : au-delà de 10 000 kilomètres, le nombre de départements pourrait aller jusqu'à deux ; en dessous de 10 000 kilomètres, il n'y aurait qu'un seul département par région ? Voilà qui règlerait le problème institutionnel sur lequel on glose tant depuis longtemps et de théoriser l'ensemble de l'action du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, la division du chapitre IV du titre VI et son l'intitulé sont supprimés.

TITRE VII

DE LA DÉMOCRATIE LOCALE
ET DE L'ÉVOLUTION
DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

M. le président. Par amendement n° 36, M. Balarello, au nom de la commission, propose de supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. S'agissant d'un amendement de coordination avec la suppression de l'article 39, relatif au congrès et qui constitue l'article unique du titre VII du présent projet de loi, j'en demande la réserve jusqu'après l'examen dudit article 39.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.

Article 39



M. le président.
« Art. 39. - La cinquième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un livre IX ainsi rédigé :

« LIVRE IX

« MESURES D'ADAPTATIONS
PARTICULIÈRES AUX DÉPARTEMENTS
ET AUX RÉGIONS D'OUTRE-MER

« TITRE UNIOUE

« LE CONGRÈS DES ÉLUS DÉPARTEMENTAUX
ET RÉGIONAUX

« Chapitre Ier

« Composition

« Art. L. 5911-1 . - Dans les régions d'outre-mer qui comprennent un seul département, il est créé un congrès des élus départementaux et régionaux composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux.
« Les députés et les sénateurs élus dans le département qui ne sont membres ni du conseil général ni du conseil régional siègent au congrès des élus départementaux et régionaux avec voix consultative.
« A peine de sanctionner un élu du suffrage universel, le vote des conseillers appartenant aux deux assemblées sera deux fois recueilli.

« Chapitre II

« Fonctionnement

« Section 1

« Réunions

« Art. L. 5912-1 . - Le congrès des élus départementaux et régionaux se réunit à la demande du conseil général ou du conseil régional, sur un ordre du jour déterminé par délibération prise à la majorité des suffrages exprimés des membres de l'assemblée.
« La convocation est adressée aux membres du congrès des élus départementaux et régionaux au moins dix jours francs avant celui de la réunion. Elle est accompagnée d'un rapport sur chacun des points inscrits à l'ordre du jour.
« Le congrès des élus départementaux et régionaux ne peut se réunir lorsque le conseil général ou le conseil régional tient séance.

« Section 2

« Organisation et séances

« Art. L. 5912-2 . - Les séances du congrès des élus départementaux et régionaux sont publiques.
« Néanmoins, sur la demande de cinq membres ou du président, le congrès des élus départementaux et régionaux peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu'il se réunit à huis clos.
« Sans préjudice des pouvoirs que le président du congrès des élus départementaux et régionaux tient de l'article L. 5912-3, ces séances peuvent être retransmises par les moyens de communication audiovisuelle.
« Art. L. 5912-3 . - Le président a seul la police du congrès des élus départementaux et régionaux.
« Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre.
« En cas de crime ou de délit, il en dresse procès verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi.
« Art. L. 5912-4 . - Le procès verbal de chaque séance, rédigé par un des secrétaires, est approuvé au commencement de la séance suivante et signé par le président et le secrétaire.
« Il contient les rapports, les noms des membres qui ont pris part à la discussion et l'analyse de leurs opinions.
« Les procès-verbaux des séances du congrès des élus départementaux et régionaux sont publiés. Ils sont transmis au conseil général et au conseil régional par le président du congrès des élus départementaux et régionaux.
« Tout électeur ou contribuable du département ou de la région a le droit de demander la communication sans déplacement et de prendre copie des procès verbaux des séances du congrès des élus départementaux et régionaux et de les reproduire par voie de presse.

« Chapitre III

« Le président

« Art. L. 5913-1 . - Lorsque les conditions de sa réunion sont remplies conformément aux dispositions de l'article L. 5912-1, le congrès des élus départementaux et régionaux est convoqué et présidé, le premier semestre de chaque année, par le président du conseil général, et, le deuxième semestre, par le président du conseil régional.
« En cas d'empêchement, le président du conseil général ou le président du conseil régional est remplacé, respectivement dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3122-2 et de l'article L. 4133-2.
« Art. L. 5913-2 . - L'assemblée dont le président est issu met à la disposition du congrès des élus départementaux et régionaux les moyens nécessaires à son fonctionnement : ces moyens doivent notamment permettre d'assurer le secrétariat des séances.

« Chapitre IV


« Garanties conférées aux conseillers généraux et aux conseillers régionaux participant au congrès des élus départementaux et régionaux
« Art. L. 5914-1 . - Lorsque le congrès des élus départementaux et régionaux se réunit, les articles L. 3123-1 à L. 3123-6 et L. 4135-1 à L. 4135-6 sont applicables respectivement aux conseillers généraux et aux conseillers régionaux.

« Chapitre V

« Rôle du congrès des élus départementaux
et régionaux

« Art. L. 5915-1 . - Le congrès des élus départementaux et régionaux délibère de toute proposition d'évolution institutionnelle, de toute proposition relative à de nouveaux transferts de compétences de l'Etat vers le département et la région concernés, ainsi que de toute modification de la répartition des compétences entre ces collectivités locales.
« Art. L. 5915-2 . - Les propositions mentionnées à l'article L. 5915-1 sont transmises dans un délai de quinze jours francs au conseil général et au conseil régional, qui, avant de délibérer, consultent obligatoirement le conseil économique et social du département et le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement. Elles sont également transmises au Premier ministre.
« Art. L. 5915-3 . - Le conseil général et le conseil régional délibèrent sur les propositions du congrès des élus départementaux et régionaux.
« Les délibérations adoptées par le conseil général et le conseil régional sont transmises au Premier ministre par le président de l'assemblée concernée.
« Le Premier ministre en accuse réception dans les quinze jours et fixe le délai dans lequel il apportera une réponse.

« Chapitre VI

« Consultation des populations

« Art. L. 5916-1 . - Le Gouvernement peut, notamment au vu des propositions mentionnées à l'article L. 5915-1 et des délibérations adoptées dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 5915-3, déposer un projet de loi organisant une consultation pour recueillir l'avis de la population du département concerné sur les matières mentionnées à l'article L. 5915-1. »
Par amendement n° 37, M. Balarello, au nom de la commission, propose de supprimer l'article 39.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l'article 39, qui prévoit la création, dans les régions d'outre-mer monodépartementales, d'un congrès des élus départementaux et régionaux réunissant le conseil régional et le conseil général et ayant vocation à faire des propositions en matière d'évolution institutionnelle.
Comme j'ai déjà eu l'honneur de l'indiquer dans mon intervention liminaire, le projet de création d'un tel congrès est loin de faire l'unanimité parmi les élus des départements d'outre-mer. Il a notamment suscité l'avis défavorable de six des huit assemblées locales concernées.
La procédure envisagée serait particulièrement lourde : réunion solennelle en congrès du conseil régional et du conseil génénral, puis délibération de ces deux assemblées sur les propositions du congrès, et enfin transmission au Premier ministre, en vue d'une éventuelle consultation de la population locale.
La commission des lois a considéré que cette procédure risquait d'être difficile à mettre en oeuvre et d'aboutir, de fait, à la création d'une troisième assemblée locale dont le rôle serait ambigu.
J'enregistre cependant que la commission des lois a obtenu quelques satisfactions puisque, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a pris en compte les observations formulées par le Sénat et par son rapporteur quant aux risques de confusion résultant de l'emploi du mot « congrès » et a retenu une nouvelle appellation, à savoir le « congrès des élus départementaux et régionaux »
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En créant le congrès des élus départementaux et régionaux, l'article 39 fonde en effet la reconnaissance du droit à l'évolution des départements d'outre-mer qui le souhaitent, et en fixe les modalités démocratiques. N'a-t-il pas été beaucoup question de démocratie ce soir ? Or je suis au regret de constater que cette démarche démocratique, progressive, sereine, évitant les conflits - du moins ceux qui ne se déroulent pas dans le cadre des assemblées démocratiques - ne trouve pas grâce aux yeux de votre assemblée.
Sur le fond, je crois que, grâce à cette création du congrès - si le Parlement la retient finalement - les élus des conseils généraux et des conseils régionaux des départements d'outre-mer concernés pourront se saisir de la question de l'évolution statutaire et proposer des réformes allant au-delà de la simple adaptation des droits et des règlements prévue à l'article 73 de la Constitution : les propositions qui auront émergé localement et qui auront été retenues par les forces politiques locales pourront être soumises à l'avis des populations locales.
On a beaucoup parlé de consultation des populations. Je note, là encore avec regret, que, lorsqu'il s'agit d'en ouvrir clairement la possibilité par la loi, votre assemblée décide de ne pas le faire.
Voilà pourquoi, monsieur le président, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Claude Lise. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, je ne vais pas reprendre tous les arguments de mon intervention dans la discussion générale : j'ai assez longuement exposé ma position et souligné les contradictions dans lesquelles le Sénat, ou du moins sa majorité, se complaît chaque fois qu'il est question d'aborder l'aspect institutionnel de ce projet de loi d'orientation.
Nos collègues de la majorité sont toujours pour le principe du droit à l'évolution des différents peuples des départements d'outre-mer, pour l'accès au droit à l'évolution, mais ils sont systématiquement contre les moyens qui permettent cette évolution.
L'article 39 ne se réduit absolument pas à la mise en place de ce que l'on appelle « congrès » et qui n'est que la réunion périodique du conseil général et du conseil régional pour discuter d'un projet d'évolution institutionnelle ou statutaire ! Cela n'a, bien entendu, rien à voir - sauf à se placer sur le plan de la polémique - avec une troisième assemblée !
L'article 39 fixe également les modalités de prise en compte par tout gouvernement d'un éventuel projet issu des travaux d'un congrès qui se serait mis en place dans l'un ou l'autre département.
Surtout, il prévoit ce dont nous avons parlé longuement tout à l'heure, à savoir la nécessité d'une consultation des populations concernées.
Sans entrer dans le débat juridique, permettez-moi de vous dire que je suis de ceux qui pensent que, si la possibilité de consulter les populations localement, comme cela a été fait à Mayotte, ne passe pas la barrière constitutionnelle, alors il faudra modifier la Constitution, car nous ne nous en sortirons pas autrement.
Les populations n'entendent pas que qui que ce soit s'arroge le droit de les placer d'office dans une évolution sans avoir au préalable recueilli leur adhésion !
Pour moi, l'intérêt de la procédure prévue par l'article 39 est d'organiser tout un processus d'évolution institutionnelle selon une méthode démocratique parfaitement transparente, selon une méthode qui assure la maîtrise locale de l'initiative et qui confie cette maîtrise locale aux élus locaux - c'est-à-dire aux représentants des populations concernés, qui ont une légitimité pour faire des propositions - et non à tel ou tel groupe de personnalités ou à tel ou tel groupe de pression.
L'article 39 prévoit la maîtrise locale de la décision finale à l'issue d'une consultation locale et je demeure persuadé qu'en arrière-plan du débat entre partisans et adversaires de cet article 39, il faut bien percevoir l'existence d'une divergence fondamentale entre ceux qui tiennent à une voie démocratique d'évolution institutionnelle pour les départements d'outre-mer et ceux qui considèrent que toute évolution doit être l'affaire de minorités agissantes qui s'arrogent le droit de parler au nom des populations, de négocier en leur nom.
Par conséquent, pour ma part, je ne peux que voter contre cet amendement de suppression de l'article 39.
M. Guy Allouche. Très bien !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je comprends très bien l'attitude de la Haute Assemblée. C'est une attitude de sagesse, car le Sénat démontre qu'il connaît bien le fonctionnement de nos collectivités.
Comment le sénateur Lise nous fera-t-il admettre que les élus des deux assemblées de la Guadeloupe et de la Martinique pourraient se réunir, puis retourner dans leur assemblée respective pour délibérer ? Or c'est bien ce que prévoit l'article L. 5915-3 ! Chaque assemblée fait ses propositions, puis, à la réunion suivante, alors que l'on a déjà délibéré, on établit un procès-verbal et l'on vote ce qu'on a délibéré séparément.
Compte tenu du mode de fonctionnement de nos assemblées, cette procédure ne « tient pas la route » ! Le plus sage est que le Gouvernement ait la possibilité de demander à chaque assemblée de se prononcer sur l'avenir institutionnel de sa région et de son département.
Par ailleurs, les décisions des assemblées vont être notifiées au Premier ministre. Si celui-ci reçoit un avis du conseil régional de la Guadeloupe et un autre avis contraire du conseil général, il devra alors choisir pour nous !
C'est un faux débat, selon moi, et si, de façon pernicieuse, notre collègue Claude Lise prétend que certaines personnes s'octroient le droit de parler au nom des collectivités...
M. Claude Lise. C'est le cas en ce moment !
Mme Lucette Michaux-Chevry. ...c'est qu'il pense plus particulièrement à une personne qui s'appelle le sénateur Michaux-Chevry !
Soyons très clairs : j'ai eu le courage, mon cher collègue - ce que vous ne savez pas faire - de demander un débat public, pour que l'on arrête de se couper en morceaux entre nationalistes inintéressants et départementalistes intéressants. En effet, tout cela ne peut que provoquer la pose de bombes et susciter la haine et la violence, engendrant la déstabilisation dans nos familles.
J'ai eu le courage, moi - publiquement, non pas la nuit, non pas en cachette, comme vos amis -, de dire au président du conseil régional de la Martinique : « Arrêtons de parler d'indépendance. Essayons, dans le cadre des institutions de le République française et dans le cadre de l'Europe, d'ouvrir un débat. » Et il m'a approuvée !
M. Claude Lise. C'est un chiffon de papier qui n'engage à rien !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Que vous soyez jaloux de n'avoir pas pu obtenir ce résultat, je peux le comprendre, mais soyons sérieux ! Le congrès ne nous apportera rien du tout et nous parviendrons, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à faire avancer, sans vous et sans le congrès, mais dans la sagesse, l'évolution des institutions de nos régions.
Sachez qu'est née, dans nos régions - et nos collègues doivent le comprendre - une volonté non de rejeter la France ou l'Europe, mais d'obtenir davantage de responsabilités, une meilleure prise en compte de nos identités respectives dans notre développement. Il existe de plus en plus une volonté de participation, chez les jeunes en particulier.
Quant aux sondages qui sont actuellement réalisés, mon cher collègue, sachez que ceux qui visent la grand-mère que je suis sont très, très élevés, parce qu'ils reconnaissent que j'ai raison ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Lise. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Je ne peux pas laisser passer l'idée selon laquelle les élus des conseils généraux et des conseils régionaux seraient incapables de se réunir ! Au demeurant, ils le font déjà au sein de diverses commissions, malgré les antagonismes politiques.
Au moment où nous demandons plus de responsabilités, il serait tout de même curieux de nous faire passer pour des irresponsables !
Il est vrai que certains ont des intérêts politiques à refuser une réunion en congrès des élus locaux, la majorité pouvant éventuellement leur échapper au moment du vote sur tel ou tel projet. Mais on ne se réunit pas uniquement pour décider d'un projet ! On se réunit aussi pour élaborer un projet.
L'intérêt du congrès est, précisement, de se doter d'un lieu apaisé de débat sur les problèmes institutionnels, afin que ce débat n'ait pas lieu dans la rue, que n'importe qui ne siège pas dans n'importe quelle commission, comme cela se fait en ce moment, selon la plus pure tradition populiste. Ainsi, les partisans de Basse-Terre, en Martinique, réunissent des commissions où n'importe qui peut venir siéger. Est-ce là une conception démocratique permettant d'élaborer un statut pour nos pays ?
Non ! le congrès est une instance où un débat apaisé peut avoir lieu, dans laquelle sont réunis des élus qui représentent le peuple. Ils ont reçu mandat pour représenter ce peuple et ils ne font que des propositions au Gouvernement.
La question qui se pose est de savoir quel sens nous donnons à nos institutions démocratiques !
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi ne pas mettre une usine à gaz quand le fil à couper le beurre suffit ? (Sourires sur les travées du RPR.) Voilà exactement le débat dans lequel nous sommes ! On ne sait pas quoi inventer pour faire plus compliqué !
Mais l'idée qui fonde cette proposition est de prétendre que le conseil général et le conseil régional ont mal travaillé : on va donc créer un organe qui les coiffera. Cela s'appelle le soviétisme : on rajoute soviet après soviet, pour, en fin de compte, aboutir à un résultat que tout le monde connaît, qui est l'inefficacité totale et la paralysie totale de ces institutions.
En fait, cela ne va pas, et vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat ; vous savez bien que cette invention du congrès ne rime à rien et ne s'appuie sur rien. En effet, comme l'ont dit très justement M. Lise et Mme Michaux-Chevry, les conseillers généraux et les conseillers régionaux se rencontrent tout le temps ; ce ne sont pas deux mondes à part. Il n'y a pas une commission départementale ou régionale qui ne se réunisse sans les représentants des deux. On ne signe pas un contrat de plan Etat-région sans la participation des uns et des autres.
Alors, à quoi sert cette institution supplémentaire ? A mon avis, c'est de la pure démagogie, et vous le savez tous aussi bien que moi. C'est pour créer une structure de plus. On en meurt des structures que l'on crée les unes au-dessus des autres et qui n'ont aucune signification.
Etre contre ce congrès, ce n'est pas de la ringardise ; au contraire, c'est vous qui êtes ringards en proposant ce genre d'institution. C'est un peu comme si on dégageait en touche : il y a un problème, on crée une commission comme ci, une commission comme ça, uniquement pour faire face à une difficulté que l'on ne sait pas résoudre.
En vérité, le fond de l'affaire, avec ce congrès, c'est que ce texte de loi que nous discutons aujourd'hui n'a pas été assez réfléchi et ne va pas assez loin dans ce qu'il fallait faire. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan. Et ce n'est pas constitutionnel !
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je tiens à dire, à titre personnel, et à mon grand regret, à l'égard des derniers intervenants, que, selon moi, l'idée de ce congrès était, en réalité, tout à fait raisonnable.
Cette procédure mérite, à tout le moins, d'être tentée. Je suis surpris de voir l'opposition qu'elle semble susciter. Nous sommes dans une situation qui rappelle un peu celle de 1789 lorsqu'on a invité les Etats généraux à siéger en assemblée particulière et non tous ensemble.
Il nous est, en effet, proposé un mécanisme dans lequel les deux assemblées se réuniraient pour délibérer ensemble des questions concernant leur avenir. Leurs conclusions, si elles aboutissent, ce qui n'est pas certain - mais pourquoi et au nom de quoi les en empêcher ? - seraient ensuite soumises séparément à chaque assemblée. Enfin, le Gouvernement français déciderait, comme il le souhaiterait, en fonction des résultats de ces différentes consultations. Pourquoi s'opposer à celles-ci ?
Il s'agit de problèmes nouveaux qui ne figurent pas dans les programmes habituels de ces assemblées, qui se situent dans des perspectives à beaucoup plus long terme et qui sont fondamentaux. Il serait assez normal de réunir tous les élus concernés, afin qu'ils délibèrent en commun sur une problématique commune qui dépasse les problématiques particulières de chacune des assemblées.
Nous aurions tort, me semble-t-il, de refuser ce congrès dont on ne peut préjuger le résultat, car ce refus serait nécessairement interprété comme une intention de maintenir envers et contre tout le statu quo, ce qui ne répond pas aux problèmes que connaissent aujourd'hui ces départements. (Applaudissements sur certaines travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans cette discussion, mais le propos de notre excellent collègue Pierre Fauchon, qui permet au débat de rebondir, m'y incite.
En réalité, il faut choisir : ou bien on choisit une structure départementale ou bien on choisit une structure régionale.
On aurait pu également imaginer une structure semblable à celle qui existe à Paris, où une même assemblée peut à la fois être un conseil municipal et un conseil général. C'était envisageable, mais cela n'a pas été fait.
Ainsi, on vient plaquer une troisième structure au-dessus des deux autres en prétendant qu'elle n'est pas une structure, qu'elle ne sera qu'une réunion plus ou moins occasionnelle d'élus et qu'elle n'aura pas d'injonction à donner à ces deux assemblées. Dans ce cas, si telle est vraiment l'intention du législateur, il ne sert strictement à rien d'instaurer ce congrès.
Un congrès, une fois créé, voudra se donner de l'épaisseur, exister en tant que tel, et il viendra se surajouter aux deux autres structures. Et alors, là, nous allons vers la polysynodie, c'est-à-dire vers la confusion la plus totale !
En réalité, vous n'avez pas voulu choisir entre un statut départemental aménagé et un statut territorial tel que celui que préconisait Mme le président du conseil régional de la Guadeloupe, elle n'était pas toute seule, et cela a beaucoup ému certains. Je ne suis pas sûr d'ailleurs qu'un jour on n'aboutira pas à la situation qu'elle souhaite. Mais, en tout cas, une chose est certaine, à ne pas choisir ou à proposer des organismes hybrides comme ceux que vous nous présentez, et dont la constitutionnalité d'ailleurs est douteuse, je ne crois pas que vous fassiez avancer le débat ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je souhaite dire au Sénat, avant qu'il ne se prononce sur l'un des articles essentiels de ce projet de loi, l'article 39, devant quelle insoutenable contradiction il se trouve en cet instant.
En effet, vous semblez, depuis le début de ce débat, accréditer avec sincérité le désir d'évolution statutaire des départements d'outre-mer pour des raisons qui relèvent de leur identité, de leur histoire, de leur géographie, de leurs choix de projets collectifs également. Mais lorsque nous évoquons enfin, au terme de l'examen de ce texte, les moyens qu'il convient de se donner - et M. Lise, je crois, a mis le doigt sur cette insoutenable contradiction - les modalités, la méthode à suivre pour y parvenir, vous ne proposez aucune alternative aux propositions qui sont faites par le Gouvernement dans le prolongement du rapport de MM. Lise et Tamaya, c'est-à-dire la création de ce congrès - qui n'est pas, monsieur de Rohan, une troisième assemblée - qui est en effet une réunion solennelle des assemblées existantes sur un sujet essentiel : l'évolution statutaire.
Quelle alternative proposez-vous ? Est-ce dans la rue, madame Michaux-Chevry, qu'il faut décider de ces choses ?
Mme Lucette Michaux-Chevry. Non, au sein de chaque assemblée !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Quand on fait de grandes déclarations à Basse-Terre, encore faut-il, lorsque l'on en vient à des propositions concrètes, être au rendez-vous de cette histoire là. Or je crains que vous n'y soyez pas ce soir, madame le sénateur !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je vous répondrai !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Les Etats généraux ont été évoqués tout à l'heure, et c'est un précédent tout à fait illustre. Pour autant, monsieur Gélard, les Etats généraux étaient-ils « ringards » au regard de l'histoire de France ? Vous êtes un trop bon spécialiste des institutions de l'ex-Union soviétique pour ne pas savoir distinguer les institutions démocratiques et celles qui ne le sont pas.
Je crois que, dans la proposition aujourd'hui contenue dans ce texte, transparaît la volonté sincère de créer le cadre démocratique nécessaire à l'évolution statutaire des départements d'outre-mer. Peut-on adhérer à cet objectif ? Peut-on adhérer à cette fin sans en prévoir les moyens ?
Madame Lucette Michaux-Chevry, vous pouviez proposer d'amender la procédure du congrès si vous la trouviez trop complexe, trop longue, trop redondante peut-être dans son déroulement, mais non pas demander de la supprimer purement et simplement, ce qui me paraît - et je le redis encore une fois - une insoutenable contradiction dans le sens même politique de l'expression que vous avez ce soir réservée au Sénat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 39 est supprimé.

Intitulé du titre VII (suite)



M. le président.
Nous en revenons à l'amendement n° 36, qui a été précédemment réservé, et qui tend à supprimer la division du titre VII et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence de la suppression de l'article 39.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, la division du titre VII et son intitulé sont supprimés.

Article 40



M. le président.
« Art. 40. - Les dispositions des articles 4, 7, 7 quinquies , 8, 9, 9 bis A, 10, 13 et 20 sont applicables dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
« Les dispositions prévues aux articles 2, 3, 5, 6, 16, 21 et 33 sont rendues applicables à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon sous réserve des adaptations nécessaires.
« Les exonérations totales ou partielles de cotisations sociales prévues par l'article 3 s'appliquent de façon identique à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans la limite du plafond de sécurité sociale en vigueur dans la collectivité territoriale.
Par amendement n° 57, M. Reux propose, dans le premier alinéa de cet article, de remplacer les références :« , 7, 7 quinquies , 8, 9, 9 bis A, 10, » par les références : « , 7 à 10, 12 ter , ».
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Il s'agit de faire bénéficier la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon des mesures concernant le revenu de solidarité dont peuvent bénéficier les personnes qui perçoivent depuis au moins deux ans le RMI, ainsi que le précise l'article 12 ter .
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, sous réserve d'une modification rédactionnelle, consistant à ajouter après la référence « 10, » la référence « 12 ter ».
M. le président. Monsieur Reux, acceptez-vous de modifier votre amendement ainsi que vous le suggère la commission.
M. Victor Reux. Bien volontiers, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 57 rectifié, présenté par M. Reux, et tendant, dans le premier alinéa de l'article 40, à compléter les références : « , 7, 7 quinquies , 8, 9, 9 bis A, 10, » par la référence : « 12 ter , ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 45, le Gouvernement propose, dans le deuxième alinéa de l'article 40, après les mots : « aux articles 2, 3, 5, 6, », d'insérer les mots : « 9 quater , ».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'énumérer dans l'article 40 l'ensemble des mesures du projet de loi qui s'appliquent à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, et ce afin d'éviter toute confusion. Nous l'avons vu à un stade plus en avant de nos débats.
Cet amendement fait suite à l'amendement déposé à l'article 9 quater .
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 40, modifié.

(L'article 40 est adopté.)

Article 40 ter A



M. le président.
« Art. 40 ter A. - I. - Au second alinéa du III de l'article 119 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les références : "L. 417-8, L. 417-9" sont supprimées.
« II. - Le dernier alinéa de l'article 80 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est supprimé. » - (Adopté.)

Article 40 ter



M. le président.
« Art. 40 ter . - I. - La loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées est complétée par un article 63 ainsi rédigé :
« Art. 63 . - Les articles 1er, 2, 6, 7 (premier alinéa du I et II), 8, 32 à 34, 39, 43, 46 et 47, 52 à 54, 56 et 57 de la présente loi sont applicables à la collectivité territoriale de Saint Pierre et Miquelon sous réserve des adaptations suivantes :
« 1° A l'article 6 :
« a) Au premier alinéa, les mots : "chaque département" sont remplacés par les mots : "la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon" et les mots : "le tribunal de grande instance" par les mots : "le tribunal d'instance" ;
« b) Aux I bis, IV et VI, les mots : "commission départementale de l'éducation spéciale" sont remplacés par les mots : "commission de l'éducation spéciale" ;
« c) Au V, les mots : "la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale" sont remplacés par les mots : "les juridictions de droit commun" » ;
« 2° A l'article 7, les mots : "les régimes d'assurance maladie" sont remplacés par les mots : "la caisse de prévoyance sociale" ;
« 3° A l'article 57, les mots : "des commissions départementales de l'éducation spéciale" sont remplacés par les mots : "de la commission de l'éducation spéciale". »
« II à IV. - Non modifiés »
« V. - L'article L. 251 1 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aux articles L. 112 1 et L. 351 2, les mots : "commission départementale d'éducation spéciale" sont remplacés par les mots : "commission territoriale d'éducation spéciale". »
Par amendement n° 38, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le quatrième alinéa (1° b ) et le dernier alinéa du texte présenté par le I de l'article 40 ter pour l'article 63 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, de remplacer les mots : « commission de l'éducation spéciale » par les mots : « commission territoriale de l'éducation spéciale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 40 ter, ainsi modifié.

(L'article 40 ter est adopté.)

Articles 40 quater et 40 sexies



M. le président.
« Art. 40 quater . - I. - Après le chapitre II du titre II de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d'assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, il est inséré un chapitre II bis intitulé : "Allocation spéciale", comprenant les articles 32 bis à 32 quater ainsi rédigés :
« Art. 32 bis. - Toute personne résidant sur le territoire de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et y ayant résidé ou ayant résidé sur le territoire métropolitain, dans un département ou un territoire d'outre-mer ou à Mayotte pendant une durée et dans des conditions déterminées et ayant atteint au premier jour d'un trimestre civil un âge minimum abaissé en cas d'inaptitude au travail peut prétendre au bénéfice d'une allocation spéciale vieillesse si elle ne relève ni d'une organisation autonome d'allocation de vieillesse ni d'un régime vieillesse de sécurité sociale.
« En outre, le total des ressources personnelles de l'intéressé ou des époux et de l'allocation ne doit pas excéder des plafonds de ressources déterminés différents pour une personne seule ou un ménage.
« Lorsque le total de l'allocation spéciale et des ressources personnelles du requérant ou des époux dépasse respectivement ces maxima, l'allocation est réduite en conséquence.
« Un décret précise les conditions d'application du présent article.
« Art. 32 ter. - L'allocation spéciale est accordée sur demande expresse des intéressés.
« Il est statué sur cette demande par la caisse de prévoyance sociale.
« L'allocation spéciale est liquidée et servie par ladite caisse.
« Art. 32 quater. - Les charges de la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon afférentes au service de l'allocation spéciale sont couvertes au moyen d'une subvention spécifique de l'Etat dont les modalités de versement seront fixées par décret. »
« II à IV. - Non modifiés. - (Adopté.)
« Art. 40 sexies . - Après l'article 42-10 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre précitée, il est inséré un article 42-15 ainsi rédigé :
« Art. 42-15 . - A Saint-Pierre-et-Miquelon, une commission territoriale d'insertion se substitue au conseil départemental d'insertion visé à l'article 35 et à la commission locale d'insertion visée à l'article 42-1, et se voit confier les missions qui leur sont dévolues.
« La commission territoriale d'insertion élabore et adopte un programme territorial d'insertion selon les modalités qui sont prévues à l'article 36 pour le programme départemental d'insertion.
« Coprésidée par le préfet et le président du conseil général, la commission territoriale d'insertion est composée de représentants de l'Etat, de la collectivité territoriale, des communes et d'organismes ou associations intervenant dans le domaine de l'insertion. Le préfet et le président du conseil général en arrêtent la liste des membres.
« Un comité technique est désigné en son sein pour assurer la continuité de la commission territoriale, et notamment pour l'examen des contrats d'insertion. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 41 quater



M. le président.
Par amendement n° 49, MM. Reux et Lauret proposent d'insérer, après l'article 41 quater, un article additionnel ainsi rédigé :
« Ceux des agents des corps de l'Etat pour l'administration de Saint-Pierre-et-Miquelon qui auraient postulé après la départementalisation intervenue en 1976 pour la fonction publique locale ou pour la fonction publique hospitalière se voient maintenir le bénéfice des dispositions prévues par le décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952 portant attribution d'une indemnité temporaire aux personnels retraités tributaires du code des pensions civiles et militaires et de la caisse des retraites de la France d'outre-mer en résidence dans les territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer ou dans le département de la Réunion. »
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Cet amendement concerne les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers de Saint-Pierre-et-Miquelon.
En juin 1975, après la publication de la loi n° 74-640 du 12 juillet 1974 et du décret n° 75-479 du 4 juin 1975, les fonctionnaires locaux en service à Saint-Pierre-et-Miquelon ont été intégrés dans des « corps de l'Etat pour l'administration de Saint-Pierre-et-Miquelon ». Ces corps étaient gérés par le secrétariat d'Etat aux départements et territoires d'outre-mer dans le cadre d'un budget spécifique.
Ces corps ont été maintenus lors de la départementalisation qui est intervenue en 1976. Ce changement de statut a conduit à une prise en charge directe des ministères techniques, qui ont été amenés à créer les postes budgétaires correspondants. Les auxiliaires locaux devenus auxiliaires d'Etat ont eu vocation à être titularisés dans ces corps.
C'est ainsi que les agents des collectivités locales, environ 200, ont été plus ou moins contraints à demander leur intégration dans les corps régis par le code de la santé et le code des communes étendus par l'ordonnance du 26 septembre 1977, le Gouvernement leur ayant garanti une parité de situation.
Si la réglementation en matière d'évolution de carrières et de rémunérations est parfaitement identique que l'on soit agent des collectivités locales ou agent de l'Etat, la réglementation en matière de retraite est apparue différente lors de la première demande de mise à la retraite du fait du différentiel de 40 %.
En effet, la retraite servie par la CNRACL n'a pas été abondée de l'indemnité compensatrice de 40 %, contrairement à celle dont bénéficient les pensionnés de l'Etat qui résident à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il convient de tenir les engagements pris, en assurant une parité de situation en matière de retraite entre les agents des collectivités locales et les agents de l'Etat en service dans cet archipel qui, depuis juin 1985, est devenu « une collectivité territoriale de la République ».
L'incidence financière de cette mesure serait faible, je tiens à le souligner, eu égard au nombre des personnes en service dans ces administrations : vingt-deux seulement perçoivent actuellement une retraite des collectivités locales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. Cet amendement tend à faire bénéficier certains fonctionnaires retraités de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une indemnité permettant d'aligner leur situation sur celle des agents retraités de l'Etat.
S'il ne concernait que Saint-Pierre-et-Miquelon, le problème serait effectivement de faible ampleur. C'est la raison pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse du Sénat et souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
Je pourrais, bien sûr, invoquer l'article 40 de la Constitution - je ne manquerai d'ailleurs pas de le faire - en raison du coût budgétaire de cette mesure. En effet, au-delà de son application à Saint-Pierre-et-Miquelon qui concernerait, ainsi que cela a été indiqué, vingt-deux agents en retraite plus quelques dizaines de personnels supplémentaires ayant demandé leur intégration dans la fonction publique locale ou hospitalière, il est clair que cette disposition serait très certainement examinée de très près dans les autres départements d'outre-mer, s'agissant non seulement des agents des collectivités territoriales, mais aussi de ceux de l'Etat.
Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. José Balarello, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Comme je l'ai laissé entendre, monsieur le président, il faudrait peut-être connaître très exactement le nombre des agents qui seraient fondés, dans les autres départements d'outre-mer, à réclamer l'application d'une telle mesure. A Saint-Pierre-et-Miquelon, il s'agirait d'une vingtaine de personnes seulement, mais, monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais savoir à combien vous évaluez le nombre de ces agents dans l'ensemble des départements d'outre-mer.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. A plusieurs milliers, monsieur le rapporteur !
M. José Balarello, rapporteur. Au bénéfice de ces observations, j'émets un avis défavorable.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, cet argument du nombre des agents concernés ne m'exonère pas d'invoquer l'article 40.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 49 n'est pas recevable.

Article 41

(Pour coordination)

M. le président. « Art. 41. - La loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est ainsi modifiée :
« 1° Non modifié ;
« 2° Supprimé ;
« 3° Dans le premier alinéa de l'article 28, les mots : "trois mois" sont remplacés par les mots : "un mois". » - (Adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la nouvelle lecture.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Vergès pour explication de vote.
M. Paul Vergès. Mes chers collègues, vous connaissez le contenu des dispositions économiques, sociales et culturelles de cette loi d'orientation. Nous pouvons dire que, depuis 1946, jamais nous n'avons eu autant de mesures et autant de moyens. Cela signifie que ce qui est réclamé depuis des années et des années pour un développement durable de la Réunion est désormais possible si nous allons vers ce partenariat entre les institutions sociales, le Gouvernement et la majorité du Parlement.
Je veux également dire que la suppression de la création d'un deuxième département réclamé, je le répète, par l'ensemble des élus de la Réunion...
M. Edmond Lauret. C'est faux !
M. Paul Vergès. ... revient à remettre en cause l'aménagement équilibré du territoire. Mais peu importe ! L'important, ce soir, comme un certain nombre d'orateurs l'ont souligné, c'est que toute modification soit du régime administratif, soit du régime institutionnel d'une collectivité peut partir de la revendication des forces politiques locales.
Ce raisonnement est d'une logique parfaite, il n'y a là aucun jugement de valeur. Les dispositions votées par le Sénat vont dans ce sens : toute modification devra être précédée d'une consultation pour avis de la population. Entre l'initiative du Parlement et le contenu de la revendication locale, c'est la revendication locale qui l'emportera.
C'est un choix d'évolution pour l'outre-mer. Je comprends parfaitement cette logique. Elle exige toutefois que les populations de ces pays soient éclairées sur le choix du Parlement afin qu'elles sachent quelles procédures devront être engagées.
Le vote de ce soir de la majorité sénatoriale donnera un élan considérable aux forces qui, sur place, veulent très vite changer de statut. C'est la leçon que je voulais tirer avec vous. L'avenir le dira. Nous verrons ce qu'il adviendra.
Le plus important, et je conclurai sur ce point, est que les conditions matérielles existent pour que chacun prenne ses responsabilités. On ne pourra plus dire à Paris : à la Réunion ou aux Antilles, ils n'utilisent pas les moyens qu'on leur donne. Sur place, on ne pourra pas dire : nous ne pouvons pas avancer, parce que Paris ne suit pas.
Chacun est aujourd'hui au pied du mur pour engager le développement durable de son département ou de sa région.
En raison de cet arsenal de mesures, le président du conseil général de la Réunion disait qu'il souhaitait que le Parlement vote le plus vite possible ce projet de loi d'orientation qui a le soutien de « tous les élus locaux et de tous les acteurs économiques ». C'est du jamais vu dans le cadre de la politique pour l'outre-mer.
Voilà pourquoi j'espère qu'en dernière lecture l'Assemblée nationale rétablira un deuxième département et qu'avec cet arsenal de mesures et cette réforme administrative nous irons vers le développement.
M. le président. La parole est à M. Lise pour explication de vote.
M. Claude Lise. Nous voici parvenus à la conclusion de nos travaux sur le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer. Sa mise en application est très attendue dans nos départements, notamment toutes les mesures économiques et sociales qui ont été évoquées à plusieurs reprises par les acteurs économiques et les jeunes en attente d'un emploi.
Le Sénat a incontestablement contribué à enrichir le projet de loi sur certains points, notamment en première lecture.
Il convient de se féliciter également de l'apport du Sénat au cours de cette nouvelle lecture, puisqu'il a rétabli notamment les prérogatives des conseils généraux dans le cadre de la coopération régionale.
S'agissant du volet économique et social du projet de loi d'orientation, les propositions qui ont été faites par la majorité tendent malheureusement, le plus souvent, à dépasser l'enveloppe budgétaire qui nous était allouée. Chacun sait donc très bien qu'il s'agit de mesures sans suite. Il est regrettable que certains se soient obstinés simplement dans des effets d'annonce.
Cette loi traduira pourtant un effort sans précédent de l'Etat en direction de nos départements, un effort budgétaire quatre fois plus important que celui que représentait la loi Perben de 1994. On comprend mal, par conséquent, que certains, encore aujourd'hui, aient parlé de « mesurettes » à propos des dispositions très importantes que contient ce texte.
Il importe que cet effort demeure ciblé sur l'objectif premier du texte, qui est la création d'emplois pérennes. Il n'est pas sûr que l'esprit de surenchère qui a parfois prévalu dans certaines propositions corresponde vraiment à cet objectif.
Mais ce qu'il faut vraiment déplorer avec force, c'est le manque de cohérence de la majorité sénatoriale concernant le volet institutionnel de ce projet de loi. En supprimant les articles 38 et 39, la majorité sénatoriale a une fois de plus dénaturé le texte, comme elle l'avait fait en première lecture. Elle s'est enfermée encore dans une contradiction.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez parlé d'insoutenable contradiction. J'espère qu'il n'y a pas eu en tout cas une insoutenable légèreté. L'histoire jugera (Protestations sur certaines travées du RPR), comme elle l'a fait à propos de l'attitude du Sénat lors des débats sur l'assemblée unique.
A l'époque, il y avait eu la même obstination. Et ceux qui aujourd'hui nous disent que l'on aurait dû mettre en place une assemblée unique sont précisément ceux-là mêmes qui étaient contre une assemblée unique en 1982. J'ai parfaitement le souvenir de ce qui s'est alors passé au Parlement. Je crois que l'on regrettera de la même manière d'avoir refusé aujourd'hui l'instance de délibération de l'article 39.
On ne peut pas à la fois affirmer son adhésion à l'idée de permettre une évolution institutionnelle différenciée de chacun des départements d'outre-mer et refuser les moyens démocratiques qui permettent de parvenir à cette évolution différenciée.
Compte tenu de ces observations et conformément à ce qui a été annoncé dans la discussion générale, le groupe socialiste et apparentés va donc voter contre le texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'heure où nous terminons l'examen du projet de loi d'orientation relatif à l'outre-mer, chacun d'entre nous, en tant que représentant de la nation, doit se poser plusieurs questions.
Que restera-t-il du texte que nous venons d'adopter, après son passage devant l'Assemblée nationale, avec l'application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution ?
Alors que le Gouvernement a déclaré l'urgence sur ce texte - comme sur bien d'autres, d'ailleurs -, en tant que parlementaires, nous ne pouvons, parallèlement, que regretter l'utilisation généralisée de ce procédé, entraînant, avec la « procédure » du dernier mot, le mépris de la position sénatoriale.
Que conservera le Conseil constitutionnel de l'ensemble du dispositif lorsqu'il sera amené à contrôler la constitutionnalité du texte ?
Le renvoi au pouvoir réglementaire dans nombre de dispositions paraît tout autant critiquable. J'ai relevé autant de décrets à prendre ou de consultations à mener avec les assemblées départementales ou régionales qu'il y a d'articles dans la loi ! Le législateur doit-il laisser autant de latitude à l'exécutif pour appliquer la loi ? Quel sera, en fait, le véritable visage du dispositif que le Parlement examine actuellement ? Personne ne peut, aujourd'hui, le dire avec exactitude.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez de vous embarquer dans le grand bateau de l'outre-mer et, en tant que représentant de la plus grande région de France et d'outre-mer, je vous souhaite la bienvenue.
Ce texte, qui a tout de même le mérite d'exister, montre l'intérêt que le Gouvernement porte à l'outre-mer, en donnant à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Réunion et à la Guyane la possibilité de disposer à l'avenir d'une organisation institutionnelle propre. C'est déjà une avancée notable.
Mais, sans remettre en cause l'oeuvre du constituant de 1958, qui a été utile en son temps, je considère que le statut de département d'outre-mer est aujourd'hui trop strict pour certains des départements auxquels il s'applique.
Les Guyanais, dans leur très grande majorité, se situent dans une autre logique. Nous avons d'ailleurs déjà entamé avec votre prédécesseur des discussions en vue d'une évolution institutionnelle de la Guyane.
Je compte donc sur l'écoute attentive du Gouvernement à l'égard des requêtes formulées par les régions d'outre-mer et, notamment, par la région Guyane.
Nous ne souhaitons pas, en tout cas en Guyane, que la rue décide de l'avenir de notre pays. Cette région désire prendre son destin en main, quitter son statut d'assisté, tout en demeurant, j'insiste sur ce point, dans le sein de la République.
Le Sénat a rétabli un certain nombre de dispositions qui avaient été rejetées par l'Assemblée nationale. Au nom des peuples d'outre-mer, monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous demandons de ne pas dépouiller le texte que le Sénat va voter ce soir. Vous aurez peut-être accompli avec nous l'oeuvre la plus belle, en tant que représentant d'un gouvernement qui semble n'avoir pas encore bien compris le sens dans lequel le Sénat veut s'engager avec les peuples d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'aurais pas pris la parole si vous n'aviez pas eu, tout à l'heure, un mot qui m'a surpris.
Vous avez indiqué dans votre intervention que cette loi n'était pas une loi d'étape. J'en déduis donc que vous la considérez comme définitive. C'est dommage ! En effet, cette loi, pendant trois ans, nous l'avons attendue avec impatience. Au terme de ces trois ans, nous pouvions espérer qu'on nous présenterait une loi de programme, et nous aurions mis tout notre coeur à améliorer et à voter une loi qui aurait vraiment changé les choses, qui aurait été véritablement porteuse d'avenir.
Au lieu de quoi nous avons eu une loi d'orientation qui n'est guère qu'une série de mesures portant sur l'outre-mer par lesquelles on tente de colmater des brèches en train de s'ouvrir, c'est-à-dire des mesures prises sous l'empire de la nécessité et de l'urgence.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne venez pas nous dire que c'est le Sénat qui est immobiliste, qui est « ringard », comme cela fut dit jadis. Le Sénat voulait une loi vivante, qui soit digne des années et peut-être même des décennies à venir, susceptible de porter l'outre-mer vers son destin. Or on nous propose simplement de confirmer l'outre-mer dans des institutions qui sont maintenant bien anciennes. Nous aurions pu nous entendre sur le volet économique et social de votre texte. J'en veux pour preuve les nombreux amendements qui ont été proposés pour améliorer cette partie du texte. En revanche, il nous était impossible d'accepter le volet institutionnel eu égard aux deux éléments sur lesquels il reposait : la bidépartementalisation de la Réunion - qui ne s'explique que pour des raisons politiques - et le congrès, qui dissimulait manifestement la création d'une troisième assemblée dans les trois autres départements d'outre-mer.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne sommes pas ringards. Mais nous sommes déçus par un texte qui, en définitive, ne modifiera pas grand-chose, et que vous avez voulu, comme votre prédécesseur, faire passer en force : un texte à prendre ou à laisser ! En première lecture, j'avais « laissé », en m'abstenant. Aujourd'hui, je voterai le texte tel qu'il a été modifié par nos excellents rapporteurs.
Nous verrons ce que vous aurez bien voulu en laisser substituer à l'issue de l'ultime lecture à l'Assemblée nationale. En effet, jusqu'à présent, vous avez refusé tout ce qui était proposé, vous en tenant à cette tactique du passage en force, sans doute fidèle à cette devise : « Nous finirons par triompher parce que nous sommes les plus forts. » (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Je souhaite tout d'abord remercier les commissions, leurs rapporteurs et la majorité du Sénat du travail accompli au cours des deux lectures de ce projet. En 1997, deux textes soutenaient l'économie des départements d'outre-mer : la loi Pons et la loi Perben. La loi Pons a été décapitée. La loi Perben est aujourd'hui restaurée, voire améliorée. C'est bien, mais il n'y a pas de quoi pavoiser !
Sur le plan institutionnel, le Sénat a rendu justice et parole aux collectivités locales et aux populations, en particulier à la population de la Réunion. Je m'en félicite.
Je remercie mes collègues d'avoir fait échec aux députés communistes qui, par un amendement scélérat, entendaient baîllonner les Réunionnais en leur refusant d'être consultés sur leur devenir.
Nous mettons au défi les députés socialistes et communistes, en particulier ceux de la Réunion, de revenir sur ce qui a été voté ce soir par la majorité sénatoriale.
M. Marcel Charmant. Ils vont se gêner ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Edmond Lauret. Sinon, le sondage grandeur nature qui aura lieu les 11 et 18 mars prochains saura les rappeler à la réalité !
M. Guy Allouche. Ils tremblent déjà ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Edmond Lauret. Quant à l'avenir social et économique des départements d'outre-mer, je crois qu'il devra faire l'objet d'une autre loi, d'une vraie loi de programme. C'est une telle loi que nous nous attacherons à mettre au point, je l'espère, à partir de 2002. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est M. Lylian Payet.
M. Lylian Payet. Au cours de la discussion générale, j'ai dit que ce projet de loi était un bon projet pour l'outre-mer, notamment pour la Réunion. Force est de constater qu'après les supressions votées par la majorité sénatoriale il est devenu un projet sans âme, sans force. Je ne serai donc pas complice du vote qui aura lieu dans quelques instants parce que les Réunionnais attendent autre chose.
Je ne dirai pas que le Sénat est « ringard », mais je dirai qu'il est tout de même très frileux quand il s'agit de prendre des décisions essentielles pour l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Certes, le débat a été un peu houleux - jusqu'à M. le secrétaire d'Etat, qui m'a prise à partie, mais je lui répondrai sur mon terrain, le moment venu (sourires) - mais cette passion qui s'est manifestée témoigne à la fois de la gravité de la situation de l'outre-mer et, il faut le dire, de l'intérêt que tous ici, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, vous portez à ces morceaux de la France qui sont loin mais qui partagent avec vous des valeurs extrêmement profondes.
En tout cas, je ne peux pas laisser dire devant la Haute Assemblée que, depuis 1946, rien n'a été fait pour l'outre-mer.
En 1986, toute une série de mesures rétablissant l'égalité sociale dans nos départements ont été prises par le gouvernement de Jacques Chirac. (Très bien ! sur les travées du RPR.) N'en avez-vous pas été satisfait, monsieur Vergès, vous qui étiez alors député ?
En juin 1987, ce fut le mémorandum, qui a permis aux départements d'outre-mer d'obtenir le doublement des fonds structurels. Et je n'aurai garde d'oublier la loi Perben, la création des zones franches.
Comment, dès lors, prétendre que rien n'a été fait depuis 1946 ? (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Au demeurant, si cela était avéré, c'est aussi bien la droite que la gauche qui se trouveraient mises en accusation. Cela signifierait que la France, quel que soit son gouvernement, ignore nos régions. Or ce n'est pas le cas.
J'ajouterai, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'avez pas fait preuve de suffisamment de souplesse et que vous connaissez mal nos régions. Oser me faire la leçon, à moi, en me disant que ce n'est pas dans la rue que je vais régler les problèmes ! Souffrez que je vous rappelle que, alors qu'il était Premier ministre, M. Rocard, par des propos qu'il avait prononcés en Guadeloupe, a mis en danger ma vie, ainsi que celle des membres de ma famille.
Non, ce n'est pas par la rue que je souhaite voir régler les problèmes de l'outre-mer. C'est par le dialogue, par la concertation. Et je ne me laisse pas impressionner par les attaques de certains sbires qui, à la radio et à la télévision, se plaisent à faire croire que j'ai changé de bord, que je suis devenue indépendantiste !
Je suis sereine, je ne traite pas les dossiers d'avenir de nos régions avec légèreté, mais j'ai conscience que monte une revendication très forte de tous nos jeunes, que nous avons formés, qui ont accédé aux grandes écoles et qui, revenus chez nous, ne peuvent qu'attendre un contrat emploi-solidarité ou un emploi-jeune. Ce n'est pas suffisant !
Ce projet de loi, bien amendé par le Sénat, n'est encore, pour moi, qu'une étape. Il faut avoir le courage de traiter autrement l'outre-mer. Il faut que les fonctionnaires respectent vraiment les populations de l'outre-mer. Il faut que les problèmes de l'outre-mer soient appréhendés d'une manière autre que superficielle.
Quand je constate le soin que met le Premier ministre à recevoir des indépendantistes - peut-être des assassins - pour essayer de régler les problèmes de la Corse, je me sens confortée dans mon choix de la sérénité ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans mon propos introductif, je formulais le voeu de pouvoir convaincre la majorité sénatoriale que le projet de loi d'orientation, préparé par le Gouvernement en étroite concertation avec tous les acteurs locaux - est-il besoin de rappeler les plus de mille consultations auxquelles se sont livrés Claude Lise et Michel Tamaya ? - et adopté par l'Assemblée nationale à une large majorité, exprimait pour l'outre-mer une ambition à la hauteur des enjeux qui s'y posent et surtout de la place qui doit être la sienne dans la République. Sur ces enjeux, nous établissons, au fond, le même diagnostic, ainsi que je le disais tout à l'heure à M. le rapporteur.
Je ne suis pas sûr d'avoir totalement réussi cette mission. J'ai souhaité, en tout cas, comme l'avait fait Jean-Jack Queyranne avant moi, en première lecture, vous faire partager notre conviction que ce texte, cinquante-quatre ans après la loi du 19 mars 1946, exprimait une nouvelle vision politique sur l'outre-mer, vision dans laquelle chacun, quelle que soit la famille de pensée qui est la sienne, pouvait se reconnaître, sans renoncer pour autant à ses propres engagements. Les positions exprimées publiquement par le Président de la République, dont chacun a bien vu qu'elles rejoignaient, sur tous les points importants, les orientations du Gouvernement, pouvaient, en effet, vous y inciter.
Au travers de ce débat, j'ai compris - surtout, chacun aura compris - que le Sénat, comme avant lui l'Assemblée nationale, donnait acte au Gouvernement - vous l'avez fait ce soir, parfois avec quelques restrictions - qu'il avait élaboré, en faveur des départements d'outre-mer, un véritable plan de développement économique et social, réaffirmant tout à la fois une solidarité accrue de la nation et le refus du mal développement.
Je n'ai pas eu beaucoup de difficulté à vous en convaincre, car les chiffres parlaient d'eux-mêmes, notamment cet effort sans précédent d'exonération des charges sociales et, quelles que soient les précautions de langage, je crois que vous étiez déjà convaincus sur ce point. De cette conviction partagée est né ce soir un dialogue entre le Gouvernement et la Haute Assemblée. Je souhaite, bien sûr, vous en remercier.
Mes regrets sont d'autant plus vifs de constater qu'à l'inverse la majorité sénatoriale n'a pas voulu, à l'exception de quelques-uns de ses membres, saisir la chance qui lui était offerte de faire la preuve qu'elle était sincèrement et complètement acquise à la perspective d'une évolution institutionnelle pour les départements d'outre-mer qui le souhaitent.
Il y a dans cette position, je le redis solennellement, une insoutenable contradiction : peut-on, encore une fois, refuser les moyens quand on accepte la fin ?
J'ai bien noté, sur ce point, l'affirmation qui a été celle de M. Fauchon. D'ailleurs, elle aurait été celle de M. Jacques Larché s'il avait été présent ce soir ; ses positions en première lecture en témoignent et, pour m'en être entretenu récemment avec lui, je connais son sentiment à ce sujet.
Convenez cependant, eu égard aux positions qui ont été si longtemps celles des familles politiques dont vous vous réclamez, que la question devait vous être posée de manière solennelle et c'est ce que je fais.
Pour ma part, en constatant que la majorité sénatoriale a, une nouvelle fois, rejeté l'article 39 du projet de loi, qui est véritablement la clé de voûte de ce volet institutionnel, mes regrets se doublent d'un constat. Derrière l'affichage d'une convergence dans les principes, derrière les critiques de détail concernant telle ou telle modalité jugée trop complexe, je n'ai discerné aucune alternative politique aux orientations du Gouvernement.
Peut-on, je le répète, s'affirmer favorable à l'évolution institutionnelle, rejeter les voies et moyens retenus par le Gouvernement et ne proposer aucune alternative ?
En fait, je suis contraint de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que la démonstration a été faite ce soir que, dans ce pays, l'opposition n'a pas souhaité présenter un vrai projet pour l'outre-mer. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Delaneau. C'est une caricature !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Pour sa part, et je le dis avec autant de sérénité que Mme Michaux-Chevry tout à l'heure, le Gouvernement n'a pas de doute sur le fait que la rénovation du pacte républicain dans notre pays passe aussi par l'outre-mer - il s'agit d'un chantier difficile, douloureux parfois - dont la diversité sera pleinement reconnue, un outre-mer dont chacune des collectivités pourra, dans l'avenir, trouver la place qui correspond le mieux à son identité et à ses aspirations. C'est bien là notre ambition et c'est bien là notre projet.
Pour l'outre-mer, mais aussi pour l'idée que nous nous faisons de ce que doit être une république - sûre de ses valeurs, mais tolérante, ouverte et moderne - soyez convaincus, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous mettrons en oeuvre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques instants.
M. le président. Il va être fait droit, bien sûr, à votre demande, monsieur de Rohan.
Avant de suspendre la séance, je rappelle au Sénat que deux textes sont encore inscrits à l'ordre du jour de cette séance nocturne : tout d'abord, le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et, ensuite, une demande de discussion immédiate d'une proposition de loi.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 8 novembre 2000 à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

7

TRANSPOSITIONS PAR ORDONNANCES
DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 473, 1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire. [Rapport n° 30 (2000-2001) et avis n°s 32, 31, 35 et 36 (2000-2001).]
Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à l'article 4.

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Outre les mesures législatives nécessaires à la transposition de la directive 1999/62/CE du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures mentionnée à l'article 1er, et afin de faciliter, notamment, la mise en oeuvre des dispositions du droit communautaire relatives aux marchés publics de travaux, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnances, les mesures législatives requises pour :
« 1° Supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, prolonger les durées actuelles des concessions et prévoir les conditions dans lesquelles ces modifications seront appliquées dans les comptes des sociétés, au titre de l'exercice ouvert au 1er janvier 2000 ;
« 2° Redéfinir les règles, notamment en les unifiant et les simplifiant, relatives à l'institution de péages pour l'usage d'infrastructures routières et de certains ouvrages d'art compris dans la voirie nationale, départementale et communale, y compris lorsque la gestion de ces ouvrages d'art est assurée par un établissement public de coopération intercommunale. »
Sur l'article, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici de nouveau réunis pour la suite de l'examen d'un texte qui est particulièrement important et urgent pour la politique d'infrastructures de notre pays. A ce point de la discussion, je ne reviendrai pas en détail sur ce que j'ai déclaré ici même, le 25 octobre dernier.
Je vous dirai simplement que je suis dans le même état d'esprit de dialogue.
Il n'a jamais été dans mon intention, ni dans celle du Gouvernement, d'escamoter le débat sur la réforme des autoroutes et de priver ainsi la représentation nationale du droit de dire son mot et d'amender au fond cet article 4.
Je vous renouvelle d'ailleurs l'engagement pris devant vous, voilà deux semaines, de débattre au fond de la réforme des autoroutes avant de saisir du projet d'ordonnance le Conseil d'Etat, à l'occasion d'une question orale avec débat, par exemple.
Comme il l'a montré à maintes reprises et encore dernièrement, avec la discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, le Sénat sait se faire force de proposition. Il serait dommage qu'il n'en aille pas aujourd'hui ainsi.
Vous le savez, la technique financière de l'adossement, qui a contribué de manière efficace et décisive pendant des années à la construction du réseau autoroutier dont notre pays bénéficie, n'est plus compatible avec la législation communautaire. Nous le savons précisément depuis l'arrêt du Conseil d'Etat sur la concession de l'A 86-ouest. Pourtant, je le rappelle, cette autoroute avait été validée par la section des travaux publics du Conseil d'Etat - je ne mets donc pas en cause mes prédécesseurs signataires - mais la section du contentieux nous a obligés à recommencer la procédure.
A partir de là, pendant plus de deux ans, le Gouvernement a discuté avec la Commission européenne pour élaborer un nouveau dispositif juridique permettant de réaliser de nouvelles sections nécessaires à désenclaver et à parfaire le maillage autoroutier. Et nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sont très demandeurs ! La Commission ne nous a transmis son accord qu'au début du mois d'octobre. Dans ces conditions, comment aurions-nous pu aller plus vite ?
Les dispositions de l'ordonnance découlant de l'article 4 devraient d'abord servir, puisqu'on ne peut plus recourir à l'adossement, au financement des subventions publiques d'équilibre pour les autoroutes A 28, en Normandie, A 19, dans le Loiret, et A 41, en Haute-Savoie, notamment.
Nous savons tous que les élus locaux attendent souvent avec impatience la construction de ces nouvelles sections d'autoroute. Il faut être clair : actuellement, le budget de l'Etat n'est pas doté de crédits suffisants pour financer les dépenses nouvelles correspondant à ces subventions d'équilibre.
M. Alain Lambert. L'Etat n'a pas les moyens, parce qu'il gaspille l'argent !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Dans ces conditions, comment faire ?
M. Alain Lambert. Et les trente-cinq heures, alors ? M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il existe plusieurs possibilités. On peut décider - telle est peut-être votre position, monsieur Lambert, mais cela m'étonnerait un peu - une fiscalité supplémentaire. (M. Lambert fait des signes de dénégation.) Vous n'êtes pas d'accord ? Moi non plus ! On peut aussi décider un redéploiement des crédits réservés aux contrats de plan... Ce n'est pas votre position ? Ce n'est pas la mienne non plus ! Ou bien encore, on peut décider la mise en place urgente d'un nouveau mode de financement compatible avec le droit communautaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est précisément cette troisième solution, sage, raisonnable et conforme à l'intérêt général que le Gouvernement a choisie et que je vous propose.
C'est aussi parce que nous ne pouvons pas attendre dix-huit mois à deux ans la réalisation d'un parcours législatif complet que nous avons pris le parti d'utiliser le véhicule législatif que représente ce projet de loi d'habilitation. Le calendrier législatif, qui est largement conditionné par les textes déjà en discussion et les vacances parlementaires dues aux élections municipales et cantonales, ne nous permet pas de faire autrement.
Par ailleurs, je confirme, notamment au groupe qui siège le plus à gauche dans cet hémicycle, car il avait posé fortement le problème lors de la dernière discussion, qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'instituer des péages sur les autoroutes à construire, et encore moins de rendre payantes celles qui existent déjà et qui sont gratuites.
Avec ce nouveau système et après satisfaction des besoins de subventions d'équilibre aux autoroutes concédées, nous comptons à terme, grâce aux moyens dont disposeront alors les SEMCA, financer ces infrastructures nouvelles, y compris les infrastructures de l'intermodalité, et donner ainsi une nouvelle impulsion à la politique multimodale que nous nous efforçons de conduire depuis plus de trois ans.
Je crois que, sur des sujets comme celui qui nous occupe ce soir, il faut savoir ne pas ouvrir de vaines polémiques. J'en appelle donc au sens des responsabilités de chacune et de chacun et je souhaite que les amendements de suppression puissent être retirés.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je voulais faire avant la discussion de cet article 4. M. le président. La parole est à M. Poniatowski, rapporteur pour avis.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le ministre, de votre intervention du 25 octobre dernier, voilà presque quinze jours, et de ce que vous venez de confirmer à l'instant, j'ai retenu essentiellement trois points, qui constituent au demeurant autant de promesses de votre part.
Sur le fond tout d'abord, vous avez déclaré que l'ordonnance prévue à l'article 4 aurait essentiellement pour objet de supprimer les avantages dont bénéficient les SEMCA, les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes - la garantie de reprise du passif - et, en contrepartie, d'allonger la durée de leur concession de douze ans à quinze ans.
Vous avez insisté sur le fait que les aménagements auxquels le Gouvernement souhaite pouvoir procéder rapidement sont autant de conditions nécessaires pour que les SEMCA puissent, compte tenu de leur savoir-faire, continuer à jouer un rôle dans l'attribution des futures concessions, notamment celles que vous venez de rappeler : l'A 19 et l'A 41.
Vous avez même laissé entendre que l'attribution de ces nouvelles concessions serait conditionnée par les modifications comptables envisagées dans le projet d'ordonnance, puisque vous avez lié la question de l'attribution de ces concessions avec celle de la ressource fiscale sur laquelle compte le Gouvernement dès 2001 en application des nouvelles dispositions comptables énoncées dans la première partie de votre projet d'ordonnance, au chapitre Ier.
Si je comprends bien, c'est toute la gestion 2000 des sociétés d'autoroutes qui pourrait alors faire l'objet d'une nouvelle lecture comptable permettant de faire apparaître un bénéfice qui sera soumis l'année prochaine à l'impôt sur les sociétés. Le pari peut paraître audacieux, mais tel est l'engagement que vous avez pris le 25 octobre dernier, monsieur le ministre.
Vous avez, par ailleurs, souhaité nous faire parvenir un certain nombre de signes d'apaisement. Parmi ceux-là, je relèverai une deuxième promesse : le Gouvernement s'engage à déposer le projet de loi de ratification avant la fin de l'actuelle session, c'est-à-dire avant la fin du mois de juin 2001, et à l'inscrire à l'ordre du jour du Parlement avant la fin de la législature.
Sans attendre cette échéance - et c'est là votre troisième promesse - vous avez pris l'engagement que serait organisé au Sénat avant la fin du mois de janvier prochain un débat, soit sous la forme d'une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat, soit par l'inscription à l'ordre du jour prioritaire du Sénat d'une question orale avec débat au cours de la deuxième quinzaine du mois de janvier 2001.
Sur tous ces engagements, monsieur le ministre, je vous dis : chiche. Je dois pourtant vous dire que nous sommes quelque peu échaudés...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Pourtant vous me connaissez !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Justement, je vous connais !
Nous avons été quelque peu échaudés, disais-je, car de promesses vous n'en avez point été avare depuis votre entrée en fonctions.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Elles ont toutes été tenues !
M. Alain Lambert. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Sur le sujet qui nous occupe, il y a notamment celle que vous nous avez faite à plusieurs reprises, notamment devant la commission des finances et devant la commission des affaires économiques, en novembre 1999, à propos de l'inscription rapide d'un projet de loi sur la réforme du système autoroutier, afin qu'un grand débat parlementaire puisse s'engager dès que les négociations que vous conduisez à Bruxelles seraient achevées.
Sur le fond, vous savez que la plupart des dispositions contenues dans le projet d'ordonnance ne soulèveront pas d'objections majeures de notre part.
En ce qui me concerne, je crois avoir dit et répété - je ne suis pas le seul car nous avons été plusieurs dans cet hémicycle, dont MM. François, Poncet, Jacques Oudin et Gérard Larcher - que j'étais tout à fait partisan de moderniser le statut de nos sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes afin qu'elles soient placées sur un pied d'égalité totale avec les sociétés privées, qu'elles soient nationales ou européennes.
L'idée de compenser la suppression d'un avantage dérogatoire au droit commun - la garantie de reprise du passif en fin de concession - par l'allongement de la durée des concessions me paraît astucieuse. Cet allongement permettra en effet d'amortir les charges financières des sociétés sur une plus longue période et, partant, de dégager un bénéfice comptable. Vous nous annoncez que l'application immédiate des nouvelles règles comptables dans le projet d'ordonnance pourra faire apparaître ce bénéfice dès 2000. Je vous en donne acte.
Je pense donc possible d'opérer une distinction entre ce que vous avez vous-même qualifié de partie essentielle du projet d'ordonnance, c'est-à-dire la modernisation des statuts des SEMCA, et la question des nouvelles normes en matière de péage pour l'usage des infrastructures routières.
Je rappelle, au passage, que si les dispositions relatives aux SEMCA peuvent être considérées comme s'insérant dans la mise en oeuvre de la directive communautaire sur les marchés publics de travaux, ce que vous annoncez dans le domaine des péages va bien au-delà de la transposition de la directive du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, puisque vous voulez l'étendre notamment aux véhicules légers ; on en a parlé voilà quinze jours, monsieur le ministre.
Je pense m'exprimer au nom de la plupart d'entre nous en vous disant qu'un débat parlementaire nous paraît essentiel sur la réforme des péages. Je souligne que cette discussion ne retardera en rien l'attribution des concessions en cours de négociation ou en préparation.
Je voudrais, enfin, insister sur deux points, monsieur le ministre.
En décidant de procéder à la réforme des autoroutes par voie d'ordonnance, vous privez le pays d'un débat démocratique autour d'un texte législatif majeur et vous comprendrez notre déception, ici, dans cet hémicycle.
Je souhaiterais, ensuite, souligner que votre insistance à lier l'adoption de l'article 4 et l'attribution des nouvelles concessions autoroutières dans des délais raisonnables est apparue à beaucoup d'entre nous comme une pression choquante. Accepter de séparer dans l'article 4 ce qui relève de la modernisation des SEMCA et le volet consacré aux péages revient à céder, tout au moins en partie, à cette pression.
Consciente des intérêts supérieurs du pays, la commission des affaires économiques a néanmoins décidé de vous prendre au mot et de modifier sa proposition. Afin de n'entraver en rien le bon déroulement des procédures d'attribution des nouvelles concessions, elle a accepté l'idée que la partie du projet concernant la modernisation des SEMCA soit prise par ordonnance.
Il va sans dire que c'est avec une extrême vigilance qu'elle attend les suites qui seront données aux promesses que j'ai évoquées voilà quelques instants.
C'est pourquoi nous proposons, au nom de la commission des affaires économiques, l'amendement n° 14 rectifié, qui prévoit une nouvelle rédaction de l'article 4 supprimant les dispositions relatives aux péages du champ de la future ordonnance.
M. le président. Sur cet article, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par M. Badré, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 47 est déposé par M. Lefebvre, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Tous deux tendent à supprimer l'article 4.
Par amendement n° 4, M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, propose, dans le premier alinéa de l'article 4, après les mots : « par ordonnances, », d'insérer les mots : « dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, ».
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 49, présenté par M. Masson, et tendant :
A. - A compléter in fine l'amendement n° 4 par trois alinéas ainsi rédigés :
« II. - Après le premier alinéa, rédiger comme suit la fin de cet article :
« 1° Supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes ;
« 2° Prolonger les durées actuelles des concessions et prévoir les conditions dans lesquelles ces modifications seront appliquées dans les comptes des sociétés, au titre de l'exercice ouvert au 1er janvier 2000. »
B. - En conséquence, à faire précéder cet amendement de la mention : « I. - ».
Par amendement n° 14 rectifié, M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, propose de remplacer les deux derniers alinéas (1° et 2°) de l'article 4 par trois alinéas ainsi rédigés :
« - supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes ;
« - prolonger les durées actuelles des concessions desdites sociétés ;
« - prévoir les conditions dans lesquelles ces modifications seront appliquées dans les comptes des sociétés au titre de l'exercice ouvert au 1er janvier 2000. »
La parole est à M. Badré, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 19.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission des finances, en adoptant l'amendement n° 19, s'est prononcée pour la supression de l'article 4 du projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre. J'essaierai d'éviter les redites par rapport aux excellents propos que vient de tenir notre collègue, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, en revenant néanmoins sur les principales raisons qui ont amené la commission des finances à prendre cette position.
Réformer le système autoroutier mérite largement, à notre sens, le dépôt d'un projet de loi et la tenue d'un débat parlementaire, ce à quoi vous vous étiez engagé à plusieurs reprises devant notre commission, monsieur le ministre, notamment en décembre 1999 - j'en ai un souvenir personnel très précis.
En constituant une commission d'enquête sur les transports, en 1998, le Sénat a préparé ce débat. Il a, depuis, poursuivi ses investigations par l'intermédiaire d'un groupe de travail sur les infrastructures de transport - c'est dire si nous sommes en plein dans le sujet - mis en place au sein de notre commission des finances, présidé par notre collègue M. Jacques Oudin dont vous savez combien il s'est donné à cette réflexion. Ce groupe de travail rendait - c'est une coïncidence intéressante - ses conclusions en commission des finances le jour où je présentais moi-même mon rapport sur ce projet de loi d'habilitation.
Le rapport présenté par M. Jacques Oudin est apparu répondre parfaitement aux ambitions de notre commission des finances. Il est apparu comme apportant des propositions nombreuses, concrètes et donc, à l'évidence, de nature à enrichir un débat parlementaire sur ce sujet.
Alors, monsieur le ministre, pourquoi nous priver d'un débat qui ne pourrait qu'être riche et fécond ? Le Sénat est ici prêt en temps et en heure. Nous regrettons que ce soit le Gouvernement qui se dérobe devant un rendez-vous nécessaire, utile et possible.
Le deuxième argument retenu par la commission des finances est le suivant : les dispositions que vous proposez de retenir par ordonnance ne résultent pas, à notre sens, de la transposition de directives communautaires, du moins dans l'esprit dans lequel l'ensemble du projet de loi a été conçu.
La première partie de l'article 4 du projet de loi, que M. Ladislas Poniatowski évoquait voilà un instant, qui traite de l'adossement, transcrit le résultat d'une négociation que vous avez menée, monsieur le ministre, avec la Commission en échangeant la suppression de la garantie de reprise du passif des SEMCA par l'Etat contre un allongement des concessions. Vous souhaitiez d'ailleurs un allongement portant cette durée à vingt ans. Vous avez obtenu un allongement de douze à quinze ans, ce qui est un peu moins ; mais c'est le jeu des négociations, et nous devons l'accepter. Cependant, il n'y a pas là de directive en jeu.
S'agissant du reste de l'article, M. Ladislas Poniatowski a indiqué en quoi il pourrait se raccrocher à des directives. Néanmoins, cette manière de les accrocher reste assez ténue et il n'y a pas de résultat de négociations particulières à faire ratifier.
Il y a donc plutôt un projet franco-français, au demeurant assez flou. Nous ne voyons pas pourquoi ce texte aurait sa place dans un projet de loi vous habilitant à transcrire des directives par ordonnance. Or, s'il n'y a pas de directive, il n'y a donc a fortiori pas d'urgence à transcrire des directives, et même pas d'urgence du tout, sinon celle, que nous ressentons tous très fortement, de relancer l'investissement autoroutier ; mais ce n'est justement pas l'objet de votre projet.
En fait, vous avez d'ailleurs très pratiquement pu procéder sans nouvelles dispositions législatives à une mise en concurrence pour engager la réalisation d'un tronçon de l'autoroute A 86 que je connais bien et dont nous avons parlé dans votre bureau même. Vous n'avez pas eu besoin de dispositions législatives pour mettre en concurrence les entreprises susceptibles de réaliser cette autoroute A 86 à l'ouest de Paris, pas plus d'ailleurs, à ma connaissance, que vous n'avez eu besoin de dispositions législatives nouvelles pour lancer l'autoroute A 28.
Restons cependant sur un argument lié au rythme des réalisations autoroutières, argument que vous avez largement utilisé pour tenter de nous convaincre d'adopter votre projet et la procédure des ordonnances qu'il comporte. Nous ne voyons pas en quoi un refus d'habilitation entraînerait un ralentissement des investissements autoroutiers. Ce ralentissement n'a pas vraiment besoin d'un tel refus de notre part ; il est malheureusement déjà engagé, et nous le déplorons. Il résulte déjà des choix du Gouvernement ou plutôt de la difficulté que vous avez à choisir entre différentes politiques, de la difficulté que vous avez à trouver une synthèse entre les nécessités de la protection de l'environnement et la nécessaire relance d'un programme autoroutier qui est en panne.
En fait, monsieur le ministre, il semble bien que, après une simple réforme financière et comptable des SEMCA, vous voulez mettre en place une nouvelle forme de financement de nos autoroutes, mais aussi de nos infrastructures routières.
Et c'est là que nous entrons dans le flou ; et c'est là que s'impose, de l'avis de la commission des finances, un débat parlemantaire. L'enjeu est trop important et l'urgence insuffisamment avérée pour que nous acceptions la procédure que vous nous proposez. La commission des finances invite donc le Sénat à supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Pierre Lefebvre. Notre amendement de suppression porte tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, je ne répéterai pas en détail ce qui a été indiqué plusieurs fois au cours de ce débat par mes amis du groupe communiste républicain et citoyen : la pratique des ordonnances en elle-même est préjudiciable au fonctionnement démocratique de nos institutions. Les droits du Parlement sont en effet bafoués dans ce cadre.
Nous dénonçons l'article 38 avec d'autant plus de force que le récent référendum a montré le décalage croissant entre les citoyens et la politique.
Cette pratique est particulièrement regrettable s'agissant de la transposition de normes européennes. Ces normes sont élaborées dans la plupart des cas sans débat réel et en dehors d'un contrôle citoyen, du fait de la complexité et de la multiplicité des sujets. Comment espérer rapprocher l'Europe des citoyens en écartant le Parlement national lui-même d'une discussion approfondie et sereine de la transposition de ces normes ? Voilà pour la forme.
Sur le fond, je souhaite avant toute chose, puisque je viens d'aborder la question européenne, approuver avec force l'attitude de fermeté du ministre des transports, de l'équipement et du logement, sur le problème dit du « paquet ferroviaire », c'est-à-dire sur le devenir du service public des chemins de fer en Europe. Monsieur le ministre, vous vous opposez à l'offensive libérale dans ce domaine ; sachez que nous vous soutenons fermement.
Sur le fond, je souhaite vous interroger sur quelques points, conscient, comme l'a rappelé mon ami Robert Bret dans son intervention au cours de la discussion générale, de l'urgence d'une prise de décision en matière de financement du transport ferroviaire.
Renoncer au principe de gratuité, faciliter la généralisation des péages, en instaurer de nouveaux sur des ouvrages urbains réalisés par les collectivités locales ou territoriales, cela sera-t-il la conséquence de cet article 4 qui va, selon nous, au-delà de la transposition européenne ? Quelle organisation, quel programme pour le plan autoroutier ?
Selon vous, monsieur le ministre, les ressources nouvelles dégagées par cette réforme permettront-elles réellement de s'opposer à la déferlante du transport routier ? N'est-il pas temps d'engager un débat de grande ampleur permettant une prise de décision historique en faveur du rail ?
Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre, pour exiger un débat en ce sens ! Pourquoi ne pas réfléchir aussi, pour financer les grands travaux, au lancement d'un emprunt d'Etat, que les Français, si soucieux de la sécurité sur les routes et de la lutte pour l'environnement, ne pourront qu'approuver vivement ?
Le financement nouveau qui sous-tend cet article 4 ne nous semble pas à la hauteur de l'enjeu, même s'il pourrait constituer un pas en avant.
L'importance des questions que nous posons nous conduit - vous le comprendrez certainement, monsieur le ministre - à souhaiter un débat approfondi, source d'échanges.
Nous souhaitons par conséquent la suppression de l'article 4 du projet de loi, mais sans aucun doute pour des raisons tout à fait différentes de celles qui ont été invoquées par la commission des affaires économiques et son rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est un simple amendement de précision : les mesures autorisées par l'article 4 du projet de loi devront respecter les conditions définies par l'article 38 de la Constitution. Ce n'est pas de là que surgiront les difficultés les plus importantes au cours de ce débat !
MM. Denis Badré et Ladislas Poniatowski, rapporteurs pour avis. C'est vrai !
M. le président. La parole est à M. Masson, pour défendre le sous-amendement n° 49.
M. Paul Masson. Ce sous-amendement, qui avait bien entendu été rédigé avant le dépôt de l'amendement n° 14 rectifié de la commission des affaires économiques, a pour objet de limiter le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement.
En effet, je rejoins tout à fait les deux rapporteurs pour avis quand ils considèrent qu'il faut aborder cet article 4 avec la plus grande circonspection. Nous savons que le rapport avec les directives est extrêmement ténu. Nous savons par ailleurs que M. le ministre ne cache pas ses intentions lointaines, l'exposé des motifs du projet de loi étant parfaitement explicite sur la finalité de la prospective.
Je ne veux pas ici, à cette heure, encombrer le débat de ces considérations assez avancées, mais je dois reconnaître que donner au Gouvernement, par le jeu de l'ordonnance, un dispositif lui permettant de « redéfinir les règles, notamment en les unifiant et les simplifiant, relatives à l'institution de péages », c'est lui accorder un outil considérable qui le rendrait à même de décider des péages sur la voirie nationale, départementale et communale, y compris lorsque la gestion de ces ouvrages d'art est assumée par un établissement public.
M. Alain Lambert. Eh oui !
M. Paul Masson. Voilà qui nous rend un peu soupçonneux.
En revanche, monsieur le ministre, le rapport de M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, que j'ai lu attentivement, me remplit d'aise.
Voici ce qui figure à la page 118 de ce rapport : « Les observations de votre commission (...) seront pour l'essentiel de deux ordres.
« Tout d'abord, les orientations de la réforme proposée par le Gouvernement vont, pour l'essentiel, dans le sens préconisé par le Sénat depuis un certain nombre d'années. » Je rejoins là le combat mené par M. Oudin de façon à la fois dynamique et pertinente pour faire déboucher ces propositions sénatoriales.
« Il est remarquable de constater que le "discours" gouvernemental qui accompagne les nouvelles mesures est bien différent de celui qui était tenu en 1997 quand le Sénat décidait de créer une commission d'enquête sur le sujet ». En effet, une commission d'enquête a été créée sur cette question, et elle a déposé des conclusions.
« Le Gouvernement semble s'être rallié à ces positions et recommandations de bon sens.
« Il convient de s'en féliciter. »
Par conséquent, le Sénat ayant eu raison par anticipation et le Gouvernement s'étant rallié en quelque sorte à la position du Sénat - ce n'est pas moi qui le dis, c'est le rapport - nous serions assez malvenus aujourd'hui de rejeter toutes ces propositions en vrac.
Je remercie M. le rapporteur pour avis d'avoir rectifié son amendement n° 14 et d'avoir repris quasiment le sous-amendement que j'avais déposé.
Bien évidemment, si la commission des finances retirait son amendement n° 19 tendant à la suppression de l'article 4, qui doit être mis aux voix avant l'amendement n° 14 rectifié, je me rallierai alors à ce dernier, et je retirerai le sous-amendement n° 49.
J'ajouterai un dernier mot : j'attire l'attention de la majorité de la Haute assemblée qui veut que l'on reprenne le système de la procédure autoroutière ; nous sommes en effet un certain nombre à savoir très exactement où en sont les cahiers des charges des sociétés publiques autoroutières.
Or si l'on veut reprendre ce système, il ne faut pas commencer par retirer de la loi d'habilitation toute possibilité de débat. En effet, si nous supprimons ce soir l'article 4, ce dernier ne fera pas l'objet d'une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, sauf volonté gouvernementale de présenter un nouveau dispositif. Nous nous en remettrons donc totalement à la bonne volonté du Gouvernement et de sa majorité.
Pour ma part, je suis plus prudent et, plutôt que de jeter le bébé avec l'eau du bain, je préfère considérer que l'eau du bain, qui est un peu trouble, doit être vidée, mais que le bébé doit être conservé ! (Sourires.)
Voilà pourquoi, si l'amendement n° 14 rectifié était appelé par priorité, je me rallierais alors volontiers à la position de M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Poniatowski, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 14 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Etant longuement intervenu au début du débat sur l'article 4, je serai bref dans la présentation de cet amendement.
Contrairement aux deux premiers amendements n°s 19 et 47, l'amendement n° 14 rectifié tend à conserver la moitié de la rédaction de cet article 4, à savoir le volet concernant le statut des sociétés d'économie mixte, que vient d'évoquer excellemment notre collègue M. Masson. Il vise en outre à retirer le volet concernant les péages avec une très légère modification dans la présentation.
Bien que l'amendement n° 14 rectifié et le sous-amendement n° 49 aillent tout à fait dans le même sens, j'avoue avoir une petite préférence pour le premier, ce dont je demande à M. Masson de bien vouloir m'excuser.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 19, 47 et 14 rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 49 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La commission des lois, saisie au fond, demande que l'amendement n° 14 rectifié soit mis aux voix par priorité. (Sourires sur les travées des Républicains et Indépendants.)
L'affaire est sérieuse, mes chers collègues !
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'arbitrer entre deux considérations aussi fondamentales l'une que l'autre : d'une part, les droits du Parlement ; d'autre part, et sans que cela soit contradictoire, l'intérêt du pays.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Les rapporteurs pour avis, MM. Poniatowski et Badré, ainsi que tous les intervenants qui ont défendu les autres amendements, ont rappelé à juste titre une fois de plus - et nous l'avions fait voilà dix jours - la procédure inadmissible qui consiste à priver le Parlement d'un débat parlementaire de fond sur des problèmes aussi fondamentaux pour l'avenir du pays.
MM. Jean-Claude Gaudin et Henri de Raincourt. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cela étant, quel est, à ce point du débat, l'intérêt fondamental du pays ?
L'idéal, bien sûr, eût été, monsieur le ministre, que le Parlement n'ait pas été privé de ses droits,...
M. Josselin de Rohan. Exactement !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. ... qu'il ait pu être saisi à temps des projets de loi, s'agissant de son avenir, sur des sujets aussi essentiels que les infrastructures de transports.
Prise entre ces deux considérations, la commission des lois estime devoir rechercher une solution de conciliation.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Bien sûr, elle n'a pas pu se réunir pour examiner l'amendement n° 14 rectifié de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Claude Gaudin. Qu'elle le fasse !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Mais il est des circonstances dans lesquelles une commission - et peut-être son rapporteur - doit pouvoir prendre un risque et faire une proposition. En soumettant au vote l'amendement n° 14 rectifié, nous pouvons concilier les exigences légitimes du Parlement et les nécessités impératives de l'intérêt du pays. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Je souhaite donc que ce débat sur l'article 4 puisse être clarifié par un vote du Sénat sur l'amendement n° 14 rectifié,...
M. Hubert Falco. Il le sera !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. ... même si la commission saisie au fond n'a pas pu respecter toutes les formes en la matière. Mais chacun comprendra qu'à cette heure d'autres impératifs exigent des prises de position rapides ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement l'accepte.
M. le président. La priorité est ordonnée.
La parole est à M. le ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements 19, 47, 4 et 14 rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 49.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai bien écoutés.
Vous avez rappelé qu'en novembre 1999 je m'étais engagé devant la commission des affaires économiques et devant la commission des finances du Sénat à déposer un projet de loi destiné à réformer le financement des autoroutes.
Il est vrai que je vous avais dit cela, mais je vous avais dit aussi que j'attendais, pour le faire, la fin de la discussion avec la Commission de Bruxelles. En effet, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, notre système actuel de financement n'étant plus juridiquement valable, il convenait d'en trouver un autre.
C'est la raison pour laquelle - et cela aussi je vous l'avais dit en novembre 1999 - le Gouvernement a engagé des discussions avec la Commission européenne dès l'été 1998, pour s'assurer que la solution qu'il envisageait était en tout état de cause compatible avec la réglementation communautaire en matière de concurrence et d'aide des Etats.
Mais Bruxelles ne nous a rendu son avis - positif - sur les dispositions envisagées, notamment en ce qui concerne l'allongement de la durée des concessions - qui diffère d'ailleurs d'une SEMCA à l'autre - qu'au début du mois d'octobre 2000, ce qui est donc tout à fait récent.
Nous ne pouvions aller plus vite, car le Conseil d'Etat n'aurait pas accepté de rendre un avis sur un projet de loi sans connaître la position de la Commission européenne.
En réalité, la situation est simple : pardonnez-moi de le formuler ainsi, mais l'Etat est aujourd'hui dans l'incapacité de concéder la réalisation des projets d'autoroutes actuellement envisagés et réclamés par nos concitoyens dans plusieurs endroits. En effet, compte tenu de l'abandon de l'adossement, comment l'Etat pourrait-il financer les subventions d'équilibre de ces nouveaux projets lorsqu'elles sont nécessaires ? Faudrait-il remettre en cause ces projets, même provisoirement ? Ce n'est pas l'avis du Gouvernement, ni le vôtre, j'en suis convaincu.
Par ailleurs, et contrairement à ce qui a pu être dit, il est absolument indispensable que le régime d'exploitation des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes soit adapté si nous voulons - et, personnellement, je le souhaite vivement - qu'elles puissent répondre aux appels à candidature qui doivent ou qui devront être lancés. Dans le cas contraire, nous nous exposerions à des risques de nouveaux contentieux pour non-respect des règles relatives à la concurrence.
Vous comprenez donc le souci qui a guidé le Gouvernement - j'y insiste - dans sa décision de recourir à la procédure des ordonnances pour réformer le système autoroutier. Il ne s'agissait pas, bien au contraire, d'empêcher un débat que vous réclamez, ce qui est tout à fait compréhensible, mais de mettre en oeuvre rapidement cette réforme.
C'est ce même souci qui me conduit ce soir à prendre en considération l'amendement n° 14 rectifié de la commission des affaires sociales ainsi que le sous-amendement de M. Masson, dont l'objectif est identique, même si M. Masson a, en quelque sorte, montré la voie.
Je préférerais, bien entendu, que l'article 4 soit voté en l'état, car il participe de cette réforme d'ensemble autoroutière que je vous avais présentée et dont j'ai donné connaissance à vos commissions dans le détail. Tout cela forme un tout cohérent mes yeux, et j'ai noté, en outre, que la plupart de ses dispositions avaient été accueillies plutôt favorablement.
A cet égard, je veux rappeler à nouveau que cette réforme indispensable n'a pas pour objet d'instaurer systématiquement des péages, je veux le dire à M. Lefebvre avec toute la force nécessaire : il ne s'agit pas d'instaurer des péages sur les autoroutes construites et déjà gratuites (Mme Beaudeau proteste),...
M. Jean-Claude Gaudin. On ne vous croit pas !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... ainsi que je m'y suis engagé lors du dernier débat, pas plus qu'il ne s'agit de mettre des péages sur les routes départementales ou sur les routes nationales. C'est hors de question !
M. Alain Lambert. La loi le permet !
M. Hubert Falco. Donnez-nous des sous pour faire un deuxième tunnel à Toulon !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous auriez pu le souligner, monsieur Masson, puisque je me suis engagé, et, si M. Oudin était là, il pourrait le confirmer.
L'objectif unique, je le répète, est de définir un nouveau système de financement, l'adossement n'étant plus possible aujourd'hui.
Cela étant, compte tenu de l'importance que présente la première partie de l'habilitation - celle qui est retenue par l'amendement de M. Poniatowski et par le sous-amendement de M. Masson, et que M. Hoeffel, que je remercie, a pris en considération dans son intervention -, pour une réforme que je compte mettre en oeuvre sans perdre de temps, je ne souhaite pas de blocage de la discussion. Je suis donc favorable à cet amendement et à ce sous-amendement,...
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... comme je suis favorable à la discussion au sujet de l'ordonnance, je l'ai dit tout à l'heure et je n'y reviens pas.
Je précise donc que, en ce qui concerne la modification du code de la voirie routière qu'il nous est proposé ce soir de disjoindre, celle-ci fera l'objet d'une discussion par la suite, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi ordinaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix, par priorité, l'amendement n° 14 rectifié.
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le ministre, j'ai le regret de vous dire que notre groupe n'est pas entièrement convaincu (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste) par les explications que vous avez bien voulu nous donner,...
M. Jean-Claude Gaudin. Encore un effort, monsieur le ministre !
M. Pierre Lefebvre. ... tant dans votre intervention liminaire que dans les propos que vous venez de tenir.
M. Alain Lambert. Il n'a pas confiance dans le Gouvernement. Il a raison !
M. Pierre Lefebvre. Nos inquiétudes demeurent particulièrement vives, tant en ce qui concerne la gratuité des autoroutes, à propos de laquelle vous venez de prendre des engagements, qu'en ce qui concerne les péages urbains qui pourraient être institués dès lors que seront créés des ouvrages par les collectivités locales ou territoriales.
Après avoir entendu l'ensemble de l'argumentation de la majorité sénatoriale, nous voulons cependant, parce qu'il s'agit d'une question importante pour l'avenir du pays et de sa population, réagir dans un esprit de responsabilité.
Nous voulons surtout, monsieur le ministre, vous soutenir dans votre volonté de rééquilibrer la politique des transports en faveur du rail.
M. Pierre Hérisson. Ce n'est pas le sujet !
M. Pierre Lefebvre. Pour toutes ces raisons et parce que nous n'avons pas les mêmes motivations que ceux qui viennent de s'exprimer pour soutenir leur amendement, nous allons retirer le nôtre.
Pour autant, nous ne voterons pas les amendements soutenus par la droite sénatoriale...
M. Dominique Braye. C'est le grand écart !
M. Pierre Lefebvre. ... car ils sont loin, mes chers collègues, de clarifier la situation, et ils sous-tendent des motifs bien éloignés des nôtres et de l'intérêt public.
M. Henri de Raincourt. Toujours le grand capital !
M. Hubert Falco. Il n'y a que la gauche qui s'occupe de l'intérêt public !
M. le président. L'amendement n° 47 est retiré.
Monsieur Masson, j'ai cru comprendre que vous retireriez votre sous-amendement si l'amendement n° 14 rectifié était adopté ?
M. Paul Masson. Je le retire, en effet, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 49 est retiré.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je veux remercier M. Lefebvre, qui a posé les questions essentielles.
M. Alain Lambert. Elles étaient pertinentes ! Mais la conclusion était moins bonne...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'apprécie l'attitude de son groupe. (Exclamations ironiques sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Henri de Raincourt. C'est bien le moins !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui, mais c'est parce qu'il avait un doute sur vos propres intentions, vous l'avez compris !
Je veux que ce soit clair : en ce qui concerne les péages urbains, je précise que rien dans le code de la voirie routière ne les autorise. Rien ! Je suis donc à l'aise pour vous dire ce que je vous ai dit tout à l'heure à propos des intentions du Gouvernement : le discours ne sera pas contredit par la suite.
M. Dominique Braye. C'est de l'acrobatie !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Par ailleurs, en ce qui concerne l'effort en faveur du transport ferroviaire, je puis vous dire que la démarche du Gouvernement, que ce soit en tant que président du conseil des ministres européen des transports ou au plan national, s'inscrit tout à fait dans cette volonté de donner un élan et des moyens nouveaux à ce mode de transport dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la grande vitesse, des lignes classiques, des TER ou du transport des marchandises. Si nous maintenions le rythme actuel, ce n'est pas en dix ans mais en six ans que nous doublerions le transport des marchandises par le fer, contribuant ainsi au désengorgement de nos routes et autouroutes.
Je souhaitais apporter ces réponses aux questions que vous avez soulevées, monsieur le sénateur.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Depuis le début de cette discussion, j'ai un peu l'impression d'être au spectacle : je vois se dérouler une pièce bien organisée. J'ai peut-être tort, mais cela me rappelle un vieux roman de Georges Duhamel, Le Club des Lyonnais . J'ai fort envie de dire que je me retrouve dans le personnage du vieux libraire qui se voulait spectacteur pur.
Cela étant, nous appartenons à une majorité et nous savons ce que cela signifie. Monsieur le ministre, puisque vous acceptez cet amendement, nous le voterons !
M. Henri de Raincourt. Toutes mes condoléances !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Tout à l'heure, le rapporteur de la commission des lois, M. Daniel Hoeffel, a cherché la conciliation. Cette conciliation, c'est le Sénat qui la trouve dans sa sagesse.
La commission des finances souhaite donc vous donner son avis en laissant naturellement le Sénat, dans son immense sagesse, prendre la bonne décision.
M. Jean-Claude Gaudin. Il vous suivra !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je n'en suis pas sûr, monsieur Gaudin. (Sourires.) Je vais m'efforcer de mériter votre confiance, trop spontanée, exprimée en cet instant.
Mes chers collègues, nous n'avons pas confiance dans le Gouvernement.
M. Henri de Raincourt. Vous n'avez pas tort !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Merci de cet acte qui nous est donné !
Nous n'avons pas confiance dans le Gouvernement, parce qu'il peut lui arriver de ne pas nous dire tout à fait la vérité...
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... et, ce soir, il ne nous a pas dit la vérité.
En tout cas, monsieur le ministre, et je lis mon texte parce que vous pourrez me démentir et nous pourrons, le cas échéant, opposer, devant la commission des finances, les autorités européennes et les autorités françaises, pour trancher le débat que j'ouvre en cet instant.
J'affirme devant le Sénat que la Commission européenne n'a jamais dit que notre système autoroutier était contraire au droit européen. Je l'affirme, et donc cela n'est pas parce que notre droit français n'est pas conforme au droit autoroutier européen que les propositions qui nous sont faites ce soir nous sont présentées.
Mes chers collègues, cela devait être dit. Il ne vous a pas échappé que je n'ai pas encore été démenti...
Le Gouvernement cherche des moyens. D'ailleurs, M. le ministre ne me cherchait-il pas tout à l'heure dans les travées, lorsque je lui ai fait remarquer que le Gouvernement auquel il appartenait n'utilisait pas bien les moyens dont il disposait ?
En effet, dois-je vous rappeler que, cette année, le Gouvernement auquel appartient M. Gayssot consacrera autant d'argent pour financer les 35 heures dans le privé que pour l'investissement de l'Etat dans sa totalité ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les 35 heures, c'est notre fierté !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je me réjouis que vous en soyez fier, car cela me donne des raisons, tout en ayant de la considération pour votre personne, de vous combattre. En effet, je ne suis pas content, je ne soutiens pas et je combats, politiquement bien sûr, un gouvernement qui consacre plus d'argent public au financement des 35 heures dans le privé qu'à tout l'investissement public de la France.
Monsieur le ministre, vous cherchez des moyens. Je voudrais rappeler que le budget des routes va chuter de plus de 17 % pour 2001. Moi, je n'ai pas confiance et la commission des finances n'a pas confiance dans vos méthodes, car elle craint que vous ne vous serviez précisément des ressources qui sont celles des autoroutes pour financer d'autres desseins.
Mes chers collègues, à chacun son rôle. Le mien est ingrat ce soir. Je ne cherche pas à vous détourner de votre volonté de conciliation. Voilà ce que j'avais à vous dire ce soir, au nom de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. Josselin de Rohan. Quel talent !
M. Paul Masson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Bien sûr, je suivrai le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et je voterai son amendement. Mais je saisirai l'occasion de cette explication de vote pour poser une question à M. le ministre et tirer ensuite de ce débat une considération.
Monsieur le ministre, ce soir, il y a ici une majorité relativement confortable qui soutient une proposition issue de la majorité du Sénat. Cette proposition, vous l'avez approuvée. La question que je vous pose est donc la suivante : défendrez-vous, au nom du Gouvernement, cette solution devant l'Assemblée nationale et devant votre majorité ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis. Très bonne question !
M. Paul Masson. J'ai compris que oui, puisque vous avez accepté l'amendement, que le groupe socialiste a déclaré qu'il allait le voter et que le groupe communiste républicain et citoyen a retiré son amendement de suppression. Mais j'aimerais que vous nous le confirmiez ce soir.
Quant à ma considération, elle est brève, monsieur le ministre : je dois constater que cette anomalie démocratique sénatoriale, à laquelle, parfois, on s'est référé dans le passé, présente quelquefois l'avantage de générer des solutions de compromis qui conduisent le Gouvernement à s'y rallier. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je répondrai tout d'abord à votre question précise.
Si je n'avais pas l'intention de défendre la même position à l'Assemblée nationale, je n'aurais pas donné un avis favorable. S'il s'était agi d'une manoeuvre, d'un compromis ou d'une compromission, peut-être, à la limite, je m'en serais remis à la sagesse du Sénat. Mais je ne suis pas comme cela.
Le texte qui vous est proposé comprend deux parties. L'une est directement liée à des éléments d'urgence par rapport à la réforme puisqu'il n'est plus possible de faire un adossement. Vous pourrez toujours, monsieur le président de la commission des finances, prétendre le contraire mais c'est le Conseil d'Etat lui-même qui l'a dit. Je veux bien tout ce que vous voulez. Peut-être ne considérez-vous pas les avis du Conseil d'Etat comme suffisamment explicites. Mais il l'a dit, c'est ainsi !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous auriez pu m'interrompre, tout à l'heure !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. On peut évoquer les 35 heures, le PACS, et tout ce que voulez pour parler de la réforme autoroutière. Là, il y a urgence. La preuve en est que les conditions n'étaient pas réunies et que le Conseil d'Etat a invalidé, en quelque sorte, une partie de la déclaration d'utilité publique de l'A 86 en faisant référence au droit communautaire et aux traités au nom de la concurrence.
Je n'ai jamais dit que le système qui a été mis en place dans le passé n'était pas bon. Je dis simplement qu'à l'avenir il n'est plus possible de procéder ainsi. Il ne faut pas se crisper. D'ailleurs, vous ne vous crispez pas, monsieur Lambert... (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Non !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Nous sommes rassurés.
Ensuite, vous ajoutez un élément. Là aussi c'est pour l'information. Vous êtes au fait de ces questions. Le budget qui va nous être présenté, dites-vous, baisse de 17 % l'an prochain. Je vais vous dire la vérité.
Les autorisations de programme - vous le savez, monsieur Gaudin - permettent de commencer les travaux. Et on les paie ensuite avec les crédits de paiement. Pour faire les travaux et être dans les normes compatibles avec la durée du contrat de plan, comme l'an dernier nous n'avons pas réalisé le septième du contrat de plan, cette année nous allons plus loin en autorisations de programme pour respecter les engagements passés dans le contrat de plan, à l'inverse de vous, monsieur Lambert, qui n'aviez pu réaliser qu'à peine 80 % des objectifs prévus dans le XIe Plan.
Vous n'avez pas confiance dans ce Gouvernement ? Vous l'avez dit et c'est pour cela d'ailleurs que vous faites partie de la majorité sénatoriale et que vous êtes dans l'opposition nationale, c'est votre droit le plus absolu. Mais ce Gouvernement il dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 19 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste votre contre.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Les ordonnances prévues aux articles précédents devront être prises dans les délais suivants :
« a) Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi pour celles :
« 1° transposant les directives mentionnées au I de l'article 1er ;
« 2° mettant en oeuvre le droit communautaire dans les domaines mentionnés au I de l'article 2 ;
« 3° prenant les mesures prévues à l'article 3 et à l'article 4 ;
« b) Dans les dix mois suivant la promulgation de la présente loi pour celles :
« 1° transposant les directives mentionnées au II de l'article 1er ;
« 2° mettant en oeuvre le droit communautaire dans les domaines mentionnés au II de l'article 2. »
« Des projets de lois de ratification des ordonnances devront être déposés devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de l'expiration des délais mentionnés aux alinéas précédents. »
Par amendement n° 5, M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, propose, dans le premier alinéa de cet article, de remplacer les mots : « aux articles précédents », par les mots : « par la présente loi ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'une simple amélioration rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 17, M. Jourdain, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - Après le premier alinéa de l'article 5, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... Dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi pour celle prenant les mesures prévues à l'article 3 ».
B. - En conséquence, dans le cinquième alinéa (3° du a) de cet article, de supprimer les mots : « à l'article 3 et ».
La parole est à M. Jourdain, rapporteur pour avis.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Fidèle à sa logique de faire prévaloir l'urgence, la commission des affaires sociales propose d'adopter un amendement ramenant de six à trois mois le délai laissé au Gouvernement pour prendre l'ordonnance relative à la refonte du code de la mutualité.
Cet amendement n'est pas incompatible avec l'amendement adopté par la commission des lois réduisant de six à quatre mois le délai laissé au Gouvernement pour prendre l'ensemble des ordonnances. Il a été adopté par la commission des affaires sociales alors que la commission des lois avait déjà arrêté sa position.
Pourquoi un traitement différencié ? Tout d'abord seule l'urgence, comme l'a expliqué le Gouvernement, justifie la transposition des directives d'assurance aux mutuelles ainsi que la réforme du code de la mutualité par voie d'ordonnance. Ensuite, de nombreux éléments laissent penser que le projet d'ordonnance a fait l'objet d'une concertation étroite. Il suffirait de reprendre le projet de loi mort-né qui devait être adopté par le conseil des ministres le 1er août dernier et de le présenter aux différentes instances : Conseil supérieur de la mutualité, Conseil national des assurances, Conseil d'Etat, etc.
La publication de l'ordonnance dans un délai de trois mois, puis le dépôt du projet de ratification, également dans un délai de trois mois - la commission des lois demande deux mois - devrait permettre que le débat de ratification s'ouvre avant la fin de la présente session parlementaire.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. Nous aurions ainsi le débat souhaité par l'ensemble de nos commissions, en particulier par la commission des finances.
J'ai noté d'ailleurs que la lettre d'ordre du jour du Gouvernement prévoyait un dernier mot à l'Assemblée nationale au cours de la deuxième quinzaine de décembre. Mais si l'Assemblée nationale, dans sa sagesse, suit le Sénat, le projet de loi d'habilitation pourrait être adopté définitivement dès la deuxième quinzaine du mois de novembre.
Telles sont les raisons qui ont conduit la commission des affaires sociales à vous proposer d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Sagesse positive.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je m'en explique : le Gouvernement a examiné précisément cette question des délais au regard des consultations pour avis qui sont nécessaires, les différents organismes concernés étant les quatre caisses nationales de la sécurité sociale, les trois conseils supérieurs de la fonction publique, le Conseil supérieur de la mutualité, le Conseil national des assurances et le Conseil d'Etat.
Si le Gouvernement est défavorable à cet amendement n° 17, ce n'est pas par principe, c'est parce qu'il serait impossible de procéder à ces consultations dans ce délai de trois mois. Prendre cet engagement sans pouvoir le tenir, ce serait négatif.
Mais j'indique d'emblée que je serai favorable à l'amendement n° 6, qui prévoit un délai de quatre mois. Peut-être pourriez-vous dans ces conditions, monsieur le rapporteur pour avis, vous rallier à cette proposition qui réduit le délai de six à quatre mois.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, acceptez-vous cette suggestion ?
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je regrette quelque peu l'absence de votre collègue, M. Guy Hascoët, qui avait pris certains engagements non fermes, mais qui semblait favorable au raccourcissement des délais. Cependant, si vous confirmez que vous acceptez le délai de quatre mois, je retirerai l'amendement n° 17.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous le confirme.
M. André Jourdain, rapporteur pour avis. Dans ces conditions, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.
Par amendement n° 6, M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, propose, dans le deuxième alinéa de l'article 5, de remplacer les mots : « six mois », par les mots : « quatre mois ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement a précisément pour objet de ramener de six mois à quatre mois le délai d'habilitation pour les projets d'ordonnances. Or ces projets d'ordonnances sont apparemment pour l'essentiel dejà prêts. Rien ne devrait donc s'opposer à fixer le délai à quatre mois.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'ailleurs d'avoir d'ores et déjà donné un avis favorable à cette solution.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable, en effet.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7, M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, propose, dans le troisième alinéa de l'article 5, après le mot : « transposant », d'insérer les mots : « en tout ou en partie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, propose, dans le sixième alinéa (b) de l'article 5, de remplacer les mots : « dix mois », par les mots : « huit mois ».
La parole est à M. le rapporteur. M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'une proposition de réduction de dix mois à huit mois pour le délai nécessaire afin de prendre certaines ordonnances, qui s'ajoute au délai de trois mois prévu pour le dépôt des projets de loi de ratification.
Je pense que, là encore, rien ne devrait fondamentalement s'opposer à ce « coup d'accélérateur », d'autant que l'urgence a été considérée comme un facteur important par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. L'examen de la chronologie que vous proposez montre que le délai de huit mois aboutit au mois d'août.
En réalité, vous proposez un délai de sept mois, cela risque d'être vécu ainsi. Peut-être n'aviez-vous pas fait le calcul. Il faut cependant en tenir compte.
Je m'en remets cependant à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 9, M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, propose, dans le septième alinéa (1°) de l'article 5, après le mot : « transposant », d'insérer les mots : « en tout ou en partie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est un simple amendement de précision, par coordination avec la rédaction qui a été retenue à l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 10, M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le dernier alinéa de l'article 5 :
« Des projets de loi de ratification des ordonnances devront être déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du deuxième mois à compter de l'expiration des délais mentionnés aux alinéas précédents. »
Par amendement n° 48, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent, dans le dernier alinéa de l'article 5, après les mots : "trois mois", d'insérer les mots : "et débattus dans un délai d'un an". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. L'amendement n° 10 a un double objet. D'une part, il tend à réduire à deux mois le délai de dépôt des projets de lois de ratification à compter de l'expiration des délais d'habilitation. D'autre part, il vise à fixer une date limite pour ce dépôt par référence à la solution retenue pour l'habilitationcodification.
Là encore, il s'agit d'une coordination avec les réductions de délai que nous avons préalablement proposées.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 48.
Mme Nicole Borvo. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 48 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 10 ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement émet un avis défavorable, parce que la contrainte est telle que réduire le délai d'un mois ne paraît pas réalisable. En effet, il faut également tenir compte des contraintes de procédure, qu'il s'agisse de la saisine du Conseil d'Etat ou du passage en conseil des ministres.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Sutour pour explication de vote.
M. Simon Sutour. Comme nous l'avons indiqué dans la discussion générale, le groupe socialiste s'est opposé aux différents amendements visant au retrait de directives, à l'exception de celui concernant Natura 2000, pour lequel il s'est abstenu.
Le Gouvernement nous demande de transposer par ordonnances des directives communautaires et de mettre en oeuvre certaines dispositions de droit communautaire, il ne demande pas au Parlement de légiférer, comme ce fut le cas par le passé sur des sujets d'importance, tels que la sécurité sociale.
Je rappelle que, au 30 septembre 2000, 176 directives européennes n'avaient pas été transposées en droit national. Cette situation représente un handicap certain alors que la France assure la présidence de l'Union européenne. Il convient de rattraper ce retard.
C'est pourquoi le groupe socialiste, conscient du caractère exceptionnel de la prodécure employée, conscient, comme Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, l'a indiqué devant la commission des lois, de la nécessité que le Parlement et le Gouvernement mènent conjointement une réflexion pour apporter une réponse définitive à ce problème, conscient de l'urgence de la situation, regrette le retrait d'un certain nombre de directives du projet de loi et votera donc contre le texte amendé par la majorité sénatoriale.
M. Jacques Bellanger. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Mes chers collègues, comme vous avez eu l'occasion de l'entendre, nous défendons une position de principe à plus d'un titre, nous l'avons dit dans la discussion générale, et nous l'avons manifesté en déposant une question préalable.
Nous défendons une position de principe, d'abord par rapport aux droits et aux pouvoirs du Parlement. Nous avons eu l'occasion de développer cette thèse au moment de la discussion sur le quinquennat, mais le débat ne s'est malheureusement pas engagé sur ce thème, ce que nous avons d'ailleurs regretté.
Selon nous, les droits et les pouvoirs du Parlement doivent être respectés et revalorisés. Or la procédure qui consiste à faire adopter par ordonnance un train de dispositions considérables ne va pas dans ce sens, bien au contraire, quels que soient les motifs invoqués. La procédure des ordonnances bafoue les droits élémentaires du Parlement, et nous tenons à le dire encore une fois.
Nous défendons une position de principe, ensuite, quant aux rapports entre le droit communautaire et le droit national.
Notre démarche ne traduit évidemment pas un refus systématique du droit communautaire. Nous avons dit clairement que nous voulions nous inscrire dans une « évolution institutionnelle » et nous avons fait des propositions dans ce sens. Il y va de l'intérêt de la construction européenne et de notre pays. Nous souhaitons donc que des engagements soient pris dans le sens de la démocratisation du droit communautaire et du droit des parlements nationaux.
Par ailleurs, nous mesurons que nombre de dispositions qui nous ont été soumises - personne ne dit le contraire - concernent des pans entiers de la vie de nos concitoyens et vont conditionner des évolutions très importantes. Elles méritent donc d'être débattues, comme nous avons eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises.
Personne ici ne pourra me dire le contraire. On le voit déjà avec les directives relatives aux télécommunications, au gaz, à l'électricité, à La Poste..., et il serait temps de faire un bilan avant d'aller plus loin dans la déréglementation prônée depuis des années par la Commission européenne.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que confirmer notre opposition à ce texte.
Nos craintes n'ont pas été dissipées. Notre position, contrairement aux propos de la majorité sénatoriale, est loin des querelles politiciennes ; nous entendons faire entendre notre singularité et contribuer à ce que le Gouvernement réponde aux attentes de démocratisation de la vie politique. Nous voterons donc contre ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

8

RECONNAISSANCE
DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

Demande de discussion immédiate
d'une proposition de loi
( suite )

M. le président. Je rappelle au Sénat que, en application de l'article 30, alinéas 1 et 4 du règlement du Sénat, M. Jacques Pelletier et cinquante-neuf de ses collègues ont demandé la discussion immédiate de la proposition de loi de MM. Jacques Pelletier, Robert Bret, Jean-Claude Gaudin, Bernard Piras, Michel Mercier et Jacques Oudin relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.
Le délai prévu par l'article 30, alinéa 2, du règlement est expiré et le Sénat a terminé l'examen de l'ordre du jour prioritaire.
En conséquence, je vais appeler le Sénat à statuer sur la demande de discussion immédiate.
Je rappelle que, en application de l'alinéa 6 de l'article 30 du règlement, le débat engagé sur cette demande ne peut jamais porter sur le fond.
Ont seuls droit à la parole l'auteur de la demande, un orateur « contre », le président ou le rapporteur de la commission et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Pelletier, auteur de la demande de discussion immédiate (Applaudissements.)
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a reconnu à l'unanimité, le 29 mai 1998, le génocide arménien de 1915.
Depuis, aucune inscription à l'ordre du jour de notre assemblée n'a été possible. Certains ont avancé qu'il n'appartenait pas au Parlement de qualifier l'Histoire, tâche dévolue à l'exécutif en sa qualité de responsable de la politique étrangère de la France.
Que les parlementaires ne soient pas des historiens, je veux bien le croire. Mais je suis persuadé que ce que nous faisons s'apparente à l'interprétation de travaux de recherche.
Que faut-il faire lorsque la communauté scientifique est unanime pour qualifier tel événement de génocide ? Il me semble qu'il est de notre devoir, parce que nous sommes les représentants du peuple français, de reconnaître ce qui a été démontré scientifiquement.
Plus d'un an et demi après le vote de l'Assemblée nationale, le Sénat peut enfin se prononcer sur cette question, et je tiens à féliciter ceux qui n'ont jamais baissé les bras ; je me suis d'ailleurs associé à leurs démarches pour que cette proposition de loi soit exminée au Sénat. La détermination finit toujours par payer !
La reconnaissance du génocide arménien est un acte symbolique qui n'a d'autre prétention que d'affirmer : « Oui, selon l'avis des chercheurs, au vu de nombreux témoignages et du travail minutieux de vérification des faits, les événements dont ont été victimes les populations arméniennes d'Asie mineure en 1915 ont bel et bien constitué le premier génocide du xxe siècle. »
Le terme de « génocide » a été défini pour la première fois en 1943 par Lemkin. Il désigne un plan coordonné et méthodique visant à détruire les fondations de la vie de groupes nationaux, dans le dessein final d'annihiler ces groupes eux-mêmes.
Le génocide est dirigé contre le groupe national en tant que tel, et les actions qu'il implique sont dirigées contre les individus, non pas en fonction de leurs qualités individuelles, mais en tant que membres du groupe national en question.
A partir de ce concept initial a été élaborée la définition de l'assemblée générale des Nations unies du 9 décembre 1948. Cette définition comporte cinq éléments essentiels : le meurtre, l'atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale, la soumission intentionnelle à des conditions d'existence devant entraîner la destruction physique totale ou partielle, les mesures visant à entraver les naissances, le transfert forcé des enfants.
Le génocide se caractérise par l'intention de détruire un groupe de personnes, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.
Les événements de 1915 répondent en tous points à l'acception tant conceptuelle que juridique du génocide.
Le génocide arménien trouve ses fondements dans le déclin de l'Empire ottoman, qui exerce alors une forte répression contre l'ensemble de ses minorités et qui, en 1895-1896, lance les premiers pogroms contre les Arméniens.
En 1909, la doctrine de « turquisation intransigeante », mise en application de façon systématique par les « Jeunes Turcs » arrivés au pouvoir l'année précédente, causera déjà la mort de 20 000 Arméniens.
Lors de la Première Guerre mondiale, l'Etat turc de l'époque rendit la minorité arménienne responsable de la défaite et s'engagea dans la voie du massacre collectif : les notables, puis les soldats arméniens de l'armée turque furent massacrés.
La loi provisoire de déportation du 30 mai 1915, qui sera déclarée inconstitutionnelle par le Parlement turc en 1918, puis la loi du 10 juin 1915 définissant la manière d'enregistrer les biens des déportés sont les seuls actes législatifs turcs signifiant le génocide.
Il reste que, en moins d'un an, entre 800 000 et 1 500 000 Arméniens périront. Les survivants seront islamisés systématiquement.
Les responsables « Jeunes Turcs » du génocide seront, du reste, jugés et condamnés à mort par contumace en 1919 par le gouvernement turc.
Aucun doute ne persiste sur la réalité historique du génocide.
Le Parlement français, en reconnaissant la réalité du génocide arménien de 1915, souhaite se faire entendre autant des descendants des victimes du génocide que de l'Etat qui l'a perpétré, celui-là même qui souhaite aujourd'hui rejoindre notre grand projet européen.
Mes chers collègues, l'Allemagne a commis, voilà plus de cinquante ans, ce que l'on a qualifié à l'époque d' « irréparable ». Et pourtant, par la volonté d'un peuple tout entier et par une foi inébranlable en un idéal de paix, nos voisins et amis allemands ont montré au monde que, aussi terrible soit-elle, l'histoire reste l'histoire, qu'elle ne sert qu'à guider le présent pour mieux construire l'avenir.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Jacques Pelletier. Reconnaître le génocide arménien de 1915 ne revient pas à affirmer que la Turquie d'aujourd'hui est une nation barbare. Aucune nation du monde ne peut se prévaloir d'avoir été un modèle d'humanité à travers son histoire. Nous savons tous qu'à un moment ou à un autre notre peuple, le peuple dont nous sommes les descendants, celui dont nous assumons l'héritage a, lui aussi, commis l'irréparable.
Nous ne sommes pas pour autant, aujourd'hui, des barbares. Il ne nous appartient pas de juger les faits passés. En revanche, nous devons les analyser pour mieux les comprendre et pour que plus jamais ce dont nous avons honte aujourd'hui ne puisse se répéter.
M. Louis Boyer. Il faut y croire !
M. Jacques Pelletier. La Turquie souhaite intégrer l'Union européenne. Il me semble que, dès lors, les représentants des citoyens français que nous sommes ont le devoir de demander au pays au nom duquel un massacre a été commis qu'il prenne conscience de ses actes et qu'il en perpétue le souvenir.
Cette démarche s'inscrit tout naturellement dans le respect du droit à la mémoire : pourrions-nous accepter un Etat qui n'a pas reconnu son passé ? Non, cela va de soi.
La Turquie a intérêt à reconnaître ce génocide et à montrer aux populations arméniennes de Turquie ou de la diaspora que l'heure est au pardon et à la réconciliation.
Certes, des générations d'Arméniens auront été marquées par ces événements terribles, mais l'heure ne doit plus être aux rancoeurs. L'heure est à la construction d'un avenir meilleur, dans lequel la paix et l'harmonie triompheront des maux du passé.
Il ne subsiste pas, aujourd'hui, de culpabilité collective allemande par rapport au génocide juif. Mais c'est uniquement parce que les dirigeants allemands de l'après-guerre ont accepté l'idée de responsabilité.
Qu'on me permettre de reprendre un propos de Paul Ricoeur : « Le pardon, s'il a un sens et s'il existe, constitue l'horizon commun de la mémoire. »
Quelle est donc la portée profonde de la reconnaissance, par le Parlement français, d'événements qui se sont déroulés il y a quatre-vingt-cinq ans, dans un pays étranger ? Cette portée n'est que symbolique puisqu'il ne s'agit en aucun cas de condamner la Turquie actuelle. Il s'agit, au contraire, de lui tracer la voie vers l'ouverture.
Cet acte nourrira l'espoir de participer à une paix durable entre les Turcs et les Arméniens, à la consolidation de leurs démocraties respectives et au renforcement des droits de l'homme.
Je souhaite ardemment que la Turquie reconnaisse, elle aussi, le génocide de 1915. Par là, elle s'acquitterait d'une partie de la dette contractée à l'encontre des Arméniens du monde entier.
L'immunité se mérite : elle implique la reconnaissance publique de ses crimes et l'acceptation des nouvelles règles démocratiques.
Les Arméniens, si le devoir de mémoire est affirmé, pourront ainsi explorer la nouvelle voie du pardon accordé à ceux qui admettent leurs offenses.
Le Parlement français souhaite tendre une perche à la Turquie. Il appartiendra désormais à celle-ci de la saisir, sans jamais croire que nous souhaitons la noyer sous des flots de condamnations.
Mais dire du passé qu'il n'a jamais existé est bien pis que la torture ou la mort. Nier ce génocide, c'est vouloir faire une nouvelle fois disparaître ce peuple, sa mémoire et le patrimoine que les Arméniens représentent pour l'humanité.
Les faits sont les faits, et il n'appartient à personne de les modifier ou de les faire oublier.
Aujourd'hui, la repentance est à l'honneur : l'Eglise pour ses positions envers les juifs, la France pour la torture en Algérie, le Président de la République, en 1995, pour la rafle du Vel-d'Hiv...
Une nation se grandit en regardant son passé en face, et c'est tout ce que nous souhaitons à la Turquie.
Personne n'entend mettre en cause une quelconque responsabilité du peuple turc ou de ses dirigeants actuels : le génocide a eu lieu il y a quatre-vingt-cinq ans et le système politique de la Turquie d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui de l'Empire ottoman.
Le problème n'est pas tant de convaincre les Turcs, ou d'autres, car quiconque s'est penché sur ce douloureux problème sait qu'il y a bien eu génocide. Il s'agit d'amener la Turquie à comprendre que la persistance dans le négationnisme présente pour elle plus d'inconvénients qu'elle ne lui procure d'avantages.
En d'autres termes, le contexte international doit être tel que la pression dépasse le seuil critique. Les ambitions européennes d'Ankara créent précisément un tel contexte. Nous souhaitons que les esprits mûrissent.
Le Parlement français, défenseur des libertés et des droits de l'homme, doit aujourd'hui reconnaître les événements de 1915 en Asie mineure comme le premier génocide du siècle qui s'achève.
Puisqu'il est question du devoir de mémoire, il faut agir pour que ce crime s'inscrive dans notre conscience collective et serve d'enseignement pour en empêcher le renouvellement. Nous savons tous que nous ne sommes jamais complètement à l'abri de tels débordements ; récemment, le Cambodge, le Rwanda, le Kosovo et quelques autres furent là, hélàs ! pour nous le rappeler.
Je souhaiterais, pour conclure, citer encore une phrase du philosophe Paul Ricoeur qui illustre cet impératif de qualification du passé comme élément fondateur de la construction du futur : « Sous l'histoire, la mémoire et l'oubli. Sous la mémoire, l'oubli et la vie. Mais écrire la vie est une autre histoire. » (Applaudissements.)
M. Jean-Claude Gaudin. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Delong, contre la demande de discussion immédiate.
M. Jacques-Richard Delong. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, se prononcer contre la discussion de cette proposition de loi, c'est faire preuve non pas de dureté, mais de rigueur.
Se prononcer contre la discussion de cette proposition de loi, c'est non pas nier l'existence du génocide de plusieurs centaines de milliers d'Arméniens pendant une période troublée de la fin de l'Empire ottoman et de la Première Guerre mondiale, mais affirmer l'incompétence du Parlement et l'inopportunité de légiférer en cette matière.
Se prononcer contre la discussion de cette proposition de loi, c'est refuser non pas de faire mémoire, mais la manipulation du devoir de mémoire au service des intérêts du présent.
Se prononcer contre la discussion de cette proposition de loi, c'est non pas faire oeuvre d'injustice, mais servir la paix.
On peut douter très fortement de la constitutionnalité de cette proposition de loi.
Il est inapproprié d'utiliser la loi pour reconnaître des faits. Le professeur Guy Carcassonne écrivait dans Le Point daté du 30 avril 1999, après que notre conférence des présidents eut décidé de ne pas inscrire à l'ordre du jour du Sénat la proposition de loi ayant le même objet, adoptée par l'Assemblée nationale : « Cette proposition consiste à introduire dans notre droit une catégorie à vrai dire stupéfiante, celle de la vérité par détermination de la loi. Le Parlement se verra sommé, au lieu de définir le légal de l'illégal, de dire le vrai. Le genre législatif est menacé de dénaturation. »
La loi doit avoir des effets d'ordre interne. La proposition de loi se borne à constater des faits extérieurs à la compétence territoriale du Parlement français. Elle n'en tire aucune conséquence dans l'ordre juridique interne.
Si l'on pouvait reconnaître un effet à cette proposition de loi, dès lors qu'elle serait adoptée, ce serait la force d'une injonction au Gouvernement de la République d'agir, notamment dans les instances internationales, en conformité avec les principes énoncés par les auteurs de la proposition. Or j'affirme que le Parlement n'a pas, aux termes de la Constitution, la possibilité d'adresser des injonctions au Gouvernement, y compris et surtout dans le domaine diplomatique. La Constitution définit les compétences de chaque organe. Dans le domaine diplomatique, elle confère au Parlement le pouvoir de ratifier les traités internationaux, non celui de les négocier ni celui de fixer des limites à l'exécutif pour la négociation de ceux-ci.
Je m'étonne que le Premier ministre n'ait pas, dès le passage à l'Assemblée nationale, soulevé l'irrecevabilité constitutionnelle de ce texte. Ayons garde de ne pas créer un précédent, qui, en d'autres temps et sur d'autres sujets, conduirait à paralyser l'action diplomatique du Président de la République et du Gouvernement.
Le Parlement devrait veiller à ne pas se substituer aux historiens ou aux juges. Le constat des faits et leur qualification, s'il s'agit de crimes, n'appartient pas au Parlement. Le Parlement, statuant dans l'ordre interne, se borne, et c'est tant mieux, à définir la nature des crimes et à fixer les modalités de leur répression. Jamais il ne se substitue aux juridictions. Lorsque les auteurs des crimes sont encore vivants, ils peuvent être poursuivis devant des juridictions nationales ou internationales. En matière de crimes contre l'humanité, il n'y a pas de prescription.
Lorque les faits sont plus anciens, ils appartiennent à l'histoire et au travail des historiens. Le Parlement n'a pas à orienter ce travail de mémoire. Il doit l'encourager, non le guider. Sinon, toutes les manipulations sont possibles. Imaginons notre assemblée condamnant, dans un bel élan, en 1946, l'Allemagne pour le massacre de Katyn et obligée de se déjuger trente ans plus tard après maints débats où le politique n'aurait cédé que difficilement devant la vérité historique. Ne rentrons pas dans un engrenage où le risque est certain et à l'horizon duquel se profile Big Brother, du 1984 de George Orwell : « Qui commande le passé commande l'avenir, qui commande le présent commande le passé. » En commandant le présent, il s'agit bien de commander tout à la fois le passé et l'avenir.
Quel est, au fond, l'objet du texte qui nous est soumis ?
Constater ? C'est le domaine des historiens. Juger ? C'est le domaine des juges. Calmer une douleur ? Mais celle-ci ne se calmera que lorsque le travail de mémoire aura été mené conjointement par les Arméniens et les Turcs dans un esprit de pardon et de réconciliation, comme certains, au sein des deux communautés, ont déjà commencé à le faire.
Non, la vraie raison, celle qui n'est pas affichée, c'est de renforcer le poids d'une partie contre une autre partie, dans un autre débat, dans un autre conflit sous-jacent. Ce conflit, c'est celui du Caucase, de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie, qui s'est soldé par une guerre ouverte et par l'occupation d'une portion importante du territoire azéri, dépassant les secteurs à population arménienne dominante, et, derrière ce conflit, la rivalité entre la Turquie et la Russie, pour l'accès maritime hier, pour le débouché occidental des ressources pétrolières d'Asie centrale aujourd'hui.
D'ailleurs, il suffit d'analyser, selon les Etats dans lesquels de telles propositions sont introduites, par qui elles sont introduites et sur quel ressort de l'opinion publique elles s'appuient. En France et aux Etats-Unis, qui sont caractérisés par de nombreuses communautés d'ascendance arménienne, c'est le devoir de mémoire qui est mis en avant et la puissance du groupe de pression dans les élections locales des villes où sont implantées ces communautés. En Italie, en Belgique, en Allemagne, c'est la peur de l'immigration turque et le risque encouru par l'Europe en cas d'adhésion de la Turquie, et on ne s'étonnera plus de voir une proposition identique introduite par M. Bossi et la Ligue du Nord ; les seuls textes votés à ce jour l'ont été par la Russie et la Grèce !
Dans ces rivalités, la France doit-elle prendre parti ? Si oui, quel parti ? En discutant cette proposition de loi, elle prendra nécessairement parti. En la votant, elle prendra le parti de l'Arménie. En la rejetant, elle prendra le parti de l'Azerbaïdjan et de la Turquie et encourra le risque d'une qualification perverse de négationnisme parce qu'elle niera des faits que nombre d'historiens ont déjà qualifiés.
D'ailleurs, en ne reconnaissant que ces seuls faits, ne courrons-nous pas le risque de nier ou de sous-estimer les autres génocides que, hélas ! l'humanité a produits au cours de son histoire et qu'elle continue à produire ? Quels arguments opposerons-nous aux défenseurs des autres causes ? Et demain - aujourd'hui déjà, peut-être - nombreux seront ceux, et pourquoi s'en priveraient-ils dès lors que le Rubicon est franchi, qui déposeront des propositions de loi ou des amendements pour reconnaître le génocide des Tibétains depuis 1959, des Rwandais, des musulmans de Bosnie et des Albanais du Kosovo, des Cambodgiens sous Pol Pot, des Indiens d'Amérique au siècle dernier, des aborigènes d'Australie, sans compter les massacres perpétrés par les Soviets dans les ex-territoires de l'URSS ou l'utilisation excessive de la force en Palestine.
Devrons-nous attendre que le Sénat des Etats-Unis, le Bundestag, la Douma, ou la Grande Assemblée nationale de Turquie reconnaissent les massacres perpétrés dans les colonies de l'Empire français ou sur notre propre territoire du côté de Nantes et de la Vendée entre 1793 et 1795 (Exclamations sur les travées socialistes.) - je sais que cela ne vous fait pas plaisir, mais vous l'entendrez quand même ! - et aux heures sombres de notre histoire récente sous le régime de Vichy, pour balayer devant notre propre et immaculée porte républicaine ? Il ne faudrait pas, en effet, comme l'écrivait récemment Henri Amouroux dans une communication aux Académies, « qu'au devoir de mémoire des crimes des uns corresponde obligatoirement le devoir d'oubli des crimes des autres ».
Il n'est ni dans l'intérêt de la France ni dans l'intérêt de la paix de discuter un tel texte.
L'intérêt de la France, c'est le rétablissement de la paix au Caucase. Elle déploie ses efforts dans le cadre du groupe de Minsk. Le président du Sénat lui-même participe à ces efforts en organisant des contacts entre les présidents des parlements du Caucase du Sud.
M. René-Pierre Signé. Cela n'a rien à voir !
M. Jacques-Richard Delong. Même si ces efforts n'ont pas encore débouché sur un traité de paix, au moins ont-ils permis d'arrêter la guerre ouverte. En se prononçant sur cette proposition de loi, la France perdra la confiance de l'une ou l'autre partie et ne sera plus un arbitre crédible.
L'intérêt de la France, c'est le développement de bonnes relations avec la Turquie. Que l'on s'en offusque ou que l'on s'en moque, peu importe, mais nul ne peut nier que le vote aura une influence sur les relations avec la Turquie. Je passe rapidement sur l'importance du commerce extérieur entre la France et la Turquie.
Ayons aussi le souci de comprendre l'effet de telles décisions sur la situation politique intérieure de la Turquie. Pendant plus de soixante ans, ces événements qui se sont déroulés sur son territoire, mais sous l'ancien régime, ont été occultés de la mémoire des Turcs. La révélation de la blessure persistante dans la relation avec les Arméniens a été catapultée dans l'opinion publique turque par les attentats meurtriers commis par l'ASALA dans les années soixante-dix, notamment en France.
La réflexion sur le devoir de mémoire n'en est qu'à ses balbutiements dans les sphères intellectuelles. Elle n'est pas encore soutenue par les hommes politiques, car la division et l'instabilité des partis condamnent immanquablement celui qui se lancera seul sur ce terrain risqué.
J'en parle en connaissance de cause pour avoir abordé moi-même le problème avec le président turc, avec le Premier ministre, M. Bulent Ecevit, et avec le ministre des affaires étrangères de Turquie, voilà moins de trois mois.
M. René-Pierre Signé. Il a déjà pris parti !
M. Jacques-Richard Delong. N'oublions pas qu'il a fallu plus de cinquante ans à la France pour reconnaître les crimes de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. Ayons garde de ne pas tuer dans l'oeuf les premières avancées du devoir de mémoire et de trop exciter dans ce pays le démon nationaliste qui sommeille.
L'intérêt de la paix, c'est l'évolution de la Turquie, son ancrage dans la sphère européenne. Si la France a soutenu le processus de candidature de la Turquie à l'adhésion à l'Union européenne, ce n'est pas seulement dans la perspective d'un élargissement des marchés commerciaux. C'est aussi pour qu'aux portes du Moyen-Orient, en proie à de fréquentes convulsions, qu'aux portes de l'Asie centrale, l'Europe, à travers un pays stable, puisse bénéficier d'une capacité d'influence. C'est aussi pour permettre aux Turcs de progresser sur la voie de la démocratie et des droits de l'homme (Murmures sur les travées socialistes), pour leur permettre d'effectuer l'évolution culturelle nécessaire pour s'intégrer dans le processus de mondialisation. Si les Turcs ont fait le choix de l'Europe, s'ils sont prêts à se lancer - ils en mesurent le risque - dans cette aventure culturelle, c'est bien pour cette raison.
L'intérêt de la paix, c'est le rapprochement entre la Turquie et l'Arménie. Ce n'est pas d'exaspérer les tensions nationalistes entre ces deux pays. N'oublions pas la présence d'une communauté de quatre-vingt mille Turcs d'origine arménienne, très bien intégrés, mais qui aujourd'hui s'inquiètent des poussées de fièvre suscitées par nos initiatives.
Je citerai simplement, en date du 8 octobre dernier, la voix du patriarche d'Istanbul Mesrob II pour lequel « il n'est pas positif que le Parlement d'un pays tiers s'occupe de cette question », ainsi que celle de Hrant Dink, directeur de la publicatioin de l'hebdomadaire bilingue Agos , principal organe de la communauté arménienne : « Je sais comment sont morts mes grands-parents, alors peu m'importe qu'ils appellent cela génocide, pogrom ou déportation. » N'oublions pas non plus ceux qui vivent du commerce transfrontalier et les nombreux Arméniens d'Arménie qui vivent en Turquie, le plus souvent sans papier, car « c'est le seul pays de la région où l'on puisse gagner son pain quoditien ». (Murmures sur les travées socialistes.) N'oublions pas l'Arménie, pays enclavé, dont le développement dépend de l'ouverture de la frontière avec la Turquie.
Créons au contraire, en développant nos lien d'amitié avec ces deux pays, en favorisant toutes les initiatives qui, sur place ou en France, peuvent contribuer à une meilleure compréhension de cette tragédie, un climat propice à ce travail de mémoire qui doit être un travail commun, un travail fondé, comme l'écrit Paul Ricoeur, sur une volonté de pardon, et surtout pas sur une volonté de revanche.
Mme Nicole Borvo. Vous ne citez pas Paul Ricoeur à bon escient !
M. René-Pierre Signé. Il ne l'a pas compris !
M. Jacques-Richard Delong. En conclusion, m'appuyant sur les mêmes motivations, exprimées ou non, tant par le gouvernement français à trois reprises, par son ministre des affaires étrangères et par son ministre des affaires européennes, que par notre conférence des présidents, qui a toujours refusé d'inscrire ce texte à l'ordre du jour réservé du Sénat, que par l'exécutif américain ; je pense ici à la lettre adressée par le président Clinton à la Chambre des représentants - les Américains sont disciplinés - (Exclamations indignées sur les travées socialistes)...
Mme Hélène Luc. Vous manquez vraiment d'arguments !
M. Jacques-Richard Delong. ... qui en a suivi les recommandations, le 19 octobre dernier, j'en appelle une fois encore à la sagesse et à la constance que les Français attendent du Sénat et je vous invite, mes chers collègues, à rejeter, comme vous l'avez fait le 21 mars dernier, et pour les mêmes motifs, la demande de discussion immédiate de cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade de la procédure qui vient d'être engagée, je m'en remettrai, en tant que président de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées, à la sagesse de la Haute Assemblée.
Dans l'hypothèse où le vote qui va intervenir aboutirait à l'organisation d'un débat sur le fond du texte qui nous est soumis, je me proposerais alors d'exposer mon opinion sur le sujet, opinion que la plupart d'entre vous connaissent d'ailleurs déjà. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les massacres d'Arméniens commis en 1915 dans l'ancien empire ottoman ont douloureusement marqué l'histoire du xxe siècle.
La France a toujours veillé à perpétuer le souvenir des victimes de cette barbarie programmée, qui a laissé dans la mémoire collective une blessure ineffaçable.
Notre pays, fidèle à sa tradition d'asile, s'honore d'avoir été l'une des grandes terres d'accueil des rescapés de ces atrocités, échappés dans des conditions effroyables de leur terre natale.
Ces rescapés sont arrivés dans le plus grand dénuement. Mais ils ont su, par leur travail, par le sens de la famille et des valeurs communes, s'installer dans notre pays et y construire leur avenir. Leurs descendants sont aujourd'hui pleinement intégrés dans notre communauté nationale, qu'ils ont enrichie de leurs talents. Ils restent fidèles aux sacrifices de leurs parents et à une culture qu'ils ont su faire vivre loin de ses terres d'origine.
Ce qu'ils expriment aujourd'hui n'est pas un désir de vengeance ou de revanche, mais c'est une reconnaissance et un hommage à leur anciens. Ces enfants et ces petits-enfants de déracinés et de sacrifiés ne peuvent oublier.
En témoignage de leur contribution à notre identité nationale, ils vous demandent aujourd'hui de vous prononcer sur une déclaration de principe.
Nous ne pouvons, quant à nous, oublier que, au cours des deux guerres mondiales, les Français d'origine arménienne ont payé le prix du sang pour défendre la liberté de leur patrie d'adoption. Le sacrifice de ces filles et de ces fils de la République dans le combat pour la dignité humaine mérite l'hommage de notre pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le 28 mai 1998 l'Assemblée nationale a adopté, à l'unanimité des présents, une proposition de loi rédigée sous la forme d'un article unique disposant : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. »
Le Gouvernement en a pris acte. Votre assemblée a souhaité se prononcer à son tour sur une proposition identique. A travers votre initiative, le Gouvernement mesure la profondeur des sentiments qui animent l'ensemble de la représentation nationale sur cette question.
Dans le respect de ces sentiments et en gardant à l'esprit l'horreur de la tragédie qui les inspire, la question peut se poser, au regard de la Constitution, de savoir s'il est du ressort de la loi de qualifier l'histoire.
Le ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, s'est exprimé à ce sujet le 17 mars 1999, devant votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Interrogé de nouveau par cette même commission le 4 octobre dernier, il a confirmé la position qu'il avait précédemment exposée quant à l'opportunité d'une démarche législative et à ses incidences sur la diplomatie française.
Cette position, vous le savez, est partagée par l'ensemble des autorités françaises.
Sur les massacres de 1915, le Gouvernement s'associe - je le dis de nouveau avec force et émotion - à la peine et au souvenir. Le devoir de mémoire envers les victimes de la barbarie est sacré.
Vous savez aussi que la conduite de la politique extérieure a ses propres exigences. Elle doit être menée au regard de l'histoire, de ses tragédies, mais aussi en tenant compte de la réalité du monde d'aujourd'hui.
Je veux réaffirmer ici que la politique étrangère de la France est une politique de paix. Dans la conduite de cette politique, le Gouvernement oeuvre à la stabilité entre les Etats, il encourage la réconciliation entre les peuples, sans jamais transiger sur les valeurs qui sont les nôtres.
C'est ce qu'il fait dans cette région du monde comprise entre la Méditerranée et la mer Caspienne, région au destin tourmenté où affleurent en permanence les conflits entre nations. Par la recherche du dialogue avec tous, la France vise à éradiquer les causes des conflits, à surmonter les antagonismes, à faire progresser la coexistence et la coopération entre tous les peuples concernés.
La France souhaite la réconciliation entre la Turquie et l'Arménie. Elle souhaite aussi la réconciliation entre l'Arménie et ses autres voisins. Si l'on veut favoriser ce processus, on doit veiller à éviter le risque de crispations et de malentendus.
La France est l'amie de l'Arménie. Elle est aussi l'amie de la Turquie moderne, qui ne peut être tenue pour responsable des faits survenus dans les convulsions de la fin de l'Empire ottoman.
Ces relations d'amitié avec l'ensemble des pays de la région fondent le rôle que la France a été invitée à jouer dans le règlement des crises qui affectent cet espace géographique travaillé par les démons du nationalisme.
La France - je veux le rappeler - est l'un des premiers pays à avoir reconnu la République d'Arménie. Nous entretenons avec ce nouvel Etat souverain des rapports d'une grande densité humaine. Nous avons concouru de toutes nos forces à la stabilité de cette jeune république.
Les intérêts à long terme de l'Arménie résident dans l'instauration de liens de coopération et de compréhension mutuelle avec ses voisins. Ces liens doivent favoriser le rapprochement des peuples et le développement de l'économie et de la démocratie.
Avec la Turquie, la France entretient depuis longtemps des relations fortes et suivies dans de nombreux domaines. Il appartient à ce grand pays, que nous respectons, d'assumer les zones d'ombre et les épisodes douloureux du passé. C'est une tâche difficile, nous le savons. Un regard lucide sur le passé peut y concourir.
Il est de l'intérêt de la France et de l'Europe que la Turquie consolide son évolution dans le sens de la modernité. La France continuera à oeuvrer pour le rapprochement de la Turquie avec l'Union européenne dans le cadre défini par le Conseil européen d'Helsinki, à la fin de l'année dernière.
Cette décision prise par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union est un geste vers la Turquie pour qu'elle s'engage avec détermination et sincérité sur la voie de la consolidation de la démocratie et du respect des droits de l'homme.
Pour être entendue, la France doit veiller à préserver son image de compréhension et d'ouverture, jusqu'ici reconnue par toutes les parties. C'est ce crédit diplomatique qui lui a permis de jouer un rôle utile, dans le cadre du groupe dit « de Minsk », chargé d'une mission de médiation sur le Haut-Karabakh, dans le cadre de l'Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le vote qui interviendra aujourd'hui concerne un passé douloureux. Il ne vaut ni pour le présent, ni pour l'avenir.
Mais soyez conscients, en prenant votre décision, que la voix de la France doit continuer à être écoutée dans toute cette région et que, loin de stigmatiser, elle doit chercher à apaiser. Le travail patient et attentif de notre pays en faveur de la paix et de la sécurité doit se poursuivre.
Notre amitié avec le peuple arménien comme avec le peuple turc doit rester entière. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. Je mets aux voix la demande de discussion immédiate, pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(La demande de discussion immédiate est adoptée.)

(Applaudissements sur les travées socialistes, sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

Discussion immédiate
et adoption de la proposition de loi



M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion immédiate de la proposition de loi de MM. Jacques Pelletier, Robert Bret, Jean-Claude Gaudin, Bernard Piras, Michel Mercier et Jacques Oudin relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 (n° 60, 2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi sur laquelle nous sommes appelés à débattre est identique à celle que l'Assemblée nationale a adoptée le 29 mai 1998, que ni le Gouvernement ni la conférence des présidents n'ont souhaité inscrire à l'ordre du jour, tant prioritaire que complémentaire, de notre Haute Assemblée et, par conséquent, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat n'a pas été conduite, formellement, à l'examiner. J'ai cependant toujours veillé à la tenir informée de ma proposition personnelle sur ce texte.
Le Sénat vient, à l'instant, de décider l'inscription immédiate de la proposition sénatoriale et, dans ce débat qui s'ouvre, je souhaite expliquer les raisons qui, à titre personnel, me conduiront à voter contre l'adoption du texte qui nous est soumis.
Avant toute chose, je crois qu'il importe de définir clairement ce qui est en débat à cet instant. S'agit-il de la réalité historique des massacres, ou encore de leur qualification juridique ? Non. Je ne pense pas que quiconque, dans notre assemblée, porte une appréciation fondamentalement différente de celle de nos collègues députés sur ce moment tragique de l'histoire et sur les massacres perpétrés, en 1915, contre la communauté arménienne sur le territoire de l'Empire ottoman en guerre.
Mme Hélène Luc. Alors, il faut le reconnaître !
M. Xavier de Villepin, président de la commission. Ce préalable me semble essentiel. Et c'est pourquoi, à mes yeux, le texte voté par l'Assemblée nationale le 29 mai 1998 constitue en lui-même un geste politique fort, consacré par l'ensemble des groupes politiques qui la composent et qui, en ce sens, a répondu à une préoccupation morale, légitime et respectable, de nos compatriotes d'origine arménienne.
Mais pourquoi, dès lors, tant d'insistance à vouloir franchir une étape supplémentaire en demandant au Parlement de légiférer sur cette question, alors même que le vote d'un tel texte par les deux assemblées, en transformant un message politique en loi de la République, lui donnera une tout autre portée, sur les deux plans juridique et diplomatique ?
L'argument juridique, en premier lieu, est essentiel et pourrait, à lui seul, expliquer la démarche sénatoriale.
L'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 délimite le domaine de la loi et précise le caractère normatif de tout texte législatif dans le cadre de ce domaine : la loi fixe des règles et détermine des principes fondamentaux ; elle crée des droits et des obligations ; elle définit des normes dans les matières énumérées par la Constitution. Or, cette proposition de loi n'a pas d'ambition normative, et chacun, parmi ses promoteurs mêmes, s'accorde à ne lui reconnaître qu'une valeur de symbole. La forme législative utilisée soulève donc une question essentielle quant à sa conformité à la définition constitutionnelle de la loi.
Le texte qui nous est soumis s'apparente davantage, en fait, à la procédure de résolution que notre Constitution, à l'exception d'un domaine communautaire précisément délimité par son article 88-4, a délibérément écarté - on peut le regretter - des moyens d'action parlementaires. Comme le disait M. Jack Lang, alors président de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la proposition de loi en commission : « L'adoption de ce texte constituera un précédent intéressant pour l'institution parlementaire qui s'est vue privée du droit de voter des résolutions. » Convient-il cependant que des élus, les élus que nous sommes, contreviennent aux règles qui régissent et délimitent leurs compétences, fût-ce pour un sujet aussi grave ? Je ne le crois pas.
Le vote d'une telle loi entraînerait également, par-delà les difficultés juridiques qui viennent d'être soulignées, des incidences diplomatiques, je dirais même humaines, considérables.
Le vote de cette proposition, sa transformation, tôt ou tard, en loi de la République, aurait une première incidence diplomatique négative, dans la mesure où le travail conduit depuis des années, avec persévérance, par tous les gouvernements français qui se sont succédé a été de rapprocher la Turquie de l'Europe nouvelle qui se construit. Chacun attend de ce pays des évolutions significatives dans le domaine des droits de l'homme, du respect des minorités, de l'Etat de droit. C'est aussi ce patient travail de rapprochement progressif qui, en faisant tomber les crispations présentes, pourra un jour conduire le peuple turc et ses responsables à considérer cette partie de leur passé avec toute la sérénité nécessaire. L'adoption d'un tel texte aurait, je le crains, un effet contraire à celui que nous recherchons.
Un incidence diplomatique dangereuse, ensuite, lorsque nous portons notre attention vers le Sud-Caucase, où le grave conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan traverse depuis des années une phase diplomatique critique, et où, dans le cadre du groupe de Minsk, la France, avec la Russie et les Etats-Unis, s'efforce de promouvoir une solution pacifique durable. Cette responsabilité suppose, évidemment, que notre pays conserve la neutralité nécessaire vis-à-vis des parties en présence, comme dans tous les conflits où il s'efforce d'être médiateur de paix. L'écho négatif de ce vote ne manquerait évidemment pas de se propager, par-delà la Turquie elle-même, dans les pays turcophones de l'Asie centrale ex-soviétique.
Est-il par ailleurs bien responsable, est-il, je le souligne, de l'intérêt de la France, de contribuer à ajouter, dans une vaste zone proche-orientale déjà bien éprouvée, une source supplémentaire de rancoeur ?
Enfin, le vote de ce texte aurait une incidence diplomatique plus qu'inopportune, au moment où les responsables turcs et arméniens eux-mêmes, se tournant vers l'avenir, ont ébauché une démarche d'ouverture réciproque, certes timide et fragile, mais qui autorise de vrais espoirs. Mais voilà que la Turquie, à tort ou à raison, considère aujourd'hui l'Arménie comme l'origine de tous les mouvements tendant, de par le monde, à obtenir, de la part de parlements de pays tiers, la reconnaissance légale du génocide. Gardons-nous d'inscrire le Sénat dans cette logique de tensions bilatérales par parlement étranger interposé !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en évitant de faire d'un message politique légitime une loi de la République, nous pourrions préserver la portée profondément symbolique du texte adopté par l'Assemblée nationale. Comme un écho à l'accueil que voilà quelque quatre-vingt-cinq ans, notre pays, pour son honneur, sut réserver aux survivants de cette épouvantable tragédie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les raisons qui, comme je l'ai indiqué au début de cette intervention, me conduiront à voter contre le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur de nombreuses travées du RPR).
M. le président. La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis, une nouvelle fois, pour débattre solennellement de la reconnaissance du génocide arménien.
Les faits, personne ne peut les contester : en 1915, au milieu des dernières convulsions de l'Empire ottoman, le peuple arménien est déporté, massacré, dans des conditions d'horreur qui en font la première grande tragédie du xxe siècle.
Une bonne partie des rescapés ont choisi la France. Souvent, ils sont installés dans des villes comme Marseille, Valence, Nice, et beaucoup d'autres encore que je ne connais pas aussi intimement que les trois villes que je viens de citer. La France s'est enrichie de la vitalité d'une population qui, tout en conservant son identité, a su, souvent, donner son sang pour notre nation aux heures les plus sombres de son histoire.
Aujourd'hui, la communauté française issue de ce peuple martyrisé, privée de ses racines par un silence qui, pour certains, pourrait apparaître complice, nous réclame justice. Et ce cri, cet appel nous ne pouvons pas ne pas l'entendre, en dépit des scrupules juridiques qu'ont pu avoir et qu'auront encore peut-être après moi les uns et les autres lorsqu'ils se demandent s'il appartient bien au Parlement de qualifier l'histoire et si l'on peut adopter un texte à la portée plus symbolique que normative.
Mais j'observe que ce génocide a été reconnu par les instances internationales, l'ONU - Organisation des Nations unies - par le Parlement européen, par notre Assemblée nationale, où, voilà deux ans, en tant que député, je votais déjà pour la reconnaissance du génocide arménien et, plus modestement, par le conseil municipal de la ville de Nice qui a voté unanimement pour que ce génocide soit reconnu, comme l'a fait d'ailleurs l'Assemblée nationale.
Comment ne pas comprendre ce qu'attend de nous une génération de jeunes Français d'origine arménienne qui ont vu leurs pères, sinon refouler, du moins enfouir au plus profond d'eux-mêmes des souvenirs trop douloureux pour être dits. Il est légitime que la tragédie d'un peuple et le drame de plusieurs générations de Français d'origine arménienne soient enfin reconnus par la France.
Ce qui me semble indéniable, c'est que le peuple arménien a été la victime de massacres organisés, prémédités, ce qui répond d'ailleurs à la définition de nos dictionnaires, qui assurent et développent notre langue en même temps qu'ils enrichissent notre culture : le génocide est une « extermination systématique d'un groupe humain, national, ethnique, religieux ».
C'est le crime le plus odieux, dans sa conception comme dans ses conséquences ; c'est d'ailleurs pourquoi il est imprescriptible. Le génocide, ce n'est pas simplement des morts ou une immense souffrance physique ; c'est également un crime culturel, dès lors que le massacre des hommes s'accompagne aussi de l'élimination d'une culture et manifeste une volonté d'effacer toute trace d'une histoire.
Le génocide arménien a aussi été cela : des villes, des noms ont été rayés de la carte, des monuments ont perdu leur véritable identité. Au-delà de la destruction physique matérielle, il y a une destruction mentale, l'éradication d'un mode de vie, d'une culture, d'une civilisation - que l'on se doit de condamner.
La France, la France éternelle, la patrie des droits de l'homme, a des valeurs qui nous empêchent de nous dérober longtemps à ce devoir sacré de mémoire. Nous nous devons de ne pas taire la vérité quand certains tentent de la nier, quitte à admettre, chez nous aussi, à côté des heures glorieuses contées dans les Quarante jours du Moussa Dagh , des jours plus sombres, comme l'abandon de la Cilicie en 1921, rappelé à l'Assemblée nationale par Patrick Devedjian.
On ne peut pas laisser indéfiniment étouffer sous une chape de silence un génocide exemplaire par les méthodes. C'est une affaire de dignité. Tenir un langage de vérité est une nécessité, alors que nous ne sommes malheureusement pas à l'abri d'une résurgence toujours possible de la barbarie.
Reconnaître publiquement le génocide arménien est un acte fondamental qui, à la réflexion, va au-delà de la politique étrangère, pour relever de la politique tout court : l'universalisme qui sous-tend la Déclaration des droits de l'homme nous invite à faire de cette reconnaissance une façon de prévenir de nouveaux crimes contre l'humanité. La France est l'amie de l'Arménie ; elle est aussi l'amie de la Turquie et des autres pays de la région, auxquels elle adresse une parole de vérité et de paix.
La Turquie est un grand pays, plein de promesses, aux confins - cela a été rappelé - d'arcs de crises : Balkans, Proche-Orient, Caucase. Elle a peut-être vocation à s'ancrer à l'Europe, mais elle ne pourra le faire que si elle a le courage de regarder son passé.
La lettre de l'ambassadeur de Turquie que j'ai reçue comme nombre d'entre nous m'a laissé perplexe, sachant que les actes des procès des unionistes, procès qui eurent lieu à Constantinople en 1919 et qui se conclurent par la condamnation à mort des principaux responsables, attestent de ces massacres.
Il ne s'agit pas de fermer les portes de l'Union européenne à la Turquie. Nous pouvons espérer des candidats qu'ils satisfassent non seulement à certains critères de développement économique mais encore à certaines conditions politiques, comme le respect des valeurs démocratiques.
Toutefois, cette prise de position ne doit pas affecter le rôle que la France doit jouer dans le processus de paix dans la région. Celui-ci doit être encouragé. La France doit intensifier ses efforts pour qu'un dialogue direct se noue un jour entre la Turquie et l'Arménie et, en particulier, pour que cesse le blocus que subit cette dernière.
Le temps pour moi est venu de reconnaître au regard de l'Histoire comme du droit la réalité du premier génocide du xxe siècle. Un mouvement général de repentance est lancé. La France elle-même a accepté de se pencher sur son passé.
Que l'exemple de notre pays soit suivi, et la politique pourra retrouver ses fondements ethniques tels qu'ils résultent de la Déclaration des droits de l'homme. Le Sénat, qui a montré la voie au xixe siècle quand il s'est agi de la reconnaissance de l'esclavage, sait placer la morale au coeur du politique.
Pour moi, ce vote est nécessaire ; il y va, me semble-t-il, de l'honneur de la France et de la fidélité à ses idées comme à son histoire.
Je comprends bien, monsieur le président de la commission, les problèmes de forme, les problèmes de fond, les intérêts politiques, économiques ou de tout autre nature. Mais, à la lumière de ce que nous savons s'être passé, il est bon de libérer enfin son coeur et, après avoir reçu une partie des rescapés, de savoir aussi donner à leurs morts une sépulture. (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, du RDSE, du groupe communiste républicain et citoyen, et sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet législatif qui nous rassemble nombreux cette nuit n'est pas habituel ; il n'est pas léger ; il n'est pas sans conséquences ni pour notre nation ni pour la façon dont elle est perçue dans le monde.
Ce sujet mérite donc d'être traité avec une gravité inhabituelle, exceptionnelle, à la mesure d'un sujet terrible qui nous mobilise puisque le Sénat est appelé cette nuit à reconnaître, après l'Assemblée nationale, la réalité du génocide arménien perpétré en 1915.
Je voterai ce texte parce qu'il est fondé sur une vérité indubitable et parce que nous avons des égards légitimes vis-à-vis d'un peuple fier, noble, digne du plus grand respect dans le concert des nations.
Toutefois, mes chers collègues, - permettez-moi de vous le dire avec gravité, avant M. Huriet - je juge ce texte désespérément et tragiquement insuffisant.
L'Asssemblée nationale s'est donc prononcée avec une unanimité qui n'est pas toujours un bon signe législatif. Elle n'a pas sombré dans le débat ou la querelle droite-gauche, majorité-opposition, ce qui est à son honneur ; néanmoins, elle a expédié, comme pour s'en débarrasser, le débat d'opportunité législative.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Louis de Broissia. La Haute Assemblée a le mérite et l'honneur de ne pas écarter ce débat, et des orateurs talentueux se succèdent pour dire s'il faut délibérer ou non sur un sujet inhabituel, puisque la France n'est en rien concernée par ce qui s'est passé en 1915 en Arménie, et pas même par la repentance si à la mode et dont nous faisons, monsieur le ministre, un trop grand abus. Je siégeais encore à l'Assemblée nationale lorsque je fus traité par le Premier ministre de descendant d'esclavagistes, ce dont je garde un souvenir cruel.
Mais en conscience, mes chers collègues, si la démonstration est faite, cette nuit, de l'opportunité nationale et internationale de ce texte, j'ai la certitude, avec mon ami Claude Huriet et beaucoup d'autres, que la seule reconnaissance d'un génocide commis à l'encontre du peuple arménien voilà quatre-vingt-cinq ans serait - et je pèse mes mots - un acte de dédouanement moral, un acte de facilité législative et un acte d'oubli volontaire de génocides contemporains. J'ai entendu mon prédécesseur parler du premier génocide du xxe siècle. Il y en a eu beaucoup d'autres.
J'écarte bien sûr de ma pensée le fait que certains pourraient voter un texte par commodité morale ou électorale, en pensant qu'ils ont dans leur ville, dans leur département, des représentants organisés tout à fait respectables de ces Français d'origine arménienne. Mais quid des Français d'origine kurde, cambodgienne, tibétaine, tutsie - je pourrais vous en citer bien d'autres - qui maintiennent très légitimement la flamme du souvenir ?
Mais mes chers collègues, notre droit, nos lois - et, au Sénat, nous y sommes sensibles - ne sont pas communautaires. Lorsque je consulte sur Internet l'affreux annuaire des génocides, publié en langue anglaise, je lis qu'un génocide a frappé l'Arménie - je ne le conteste pas -, mais aussi le malheureux Kurdistan - cela continue d'ailleurs -,les populations du Tibet toutes entières - cela continue également ! - le Cambodge - nous en sortons tout juste - les Tutsis du Rwanda - cela continue aussi. Y a-t-il un doute quelconque sur chacun de ces génocides ? Il n'y en a pas ! Et le Parlement a déjà légiféré naguère sur la Shoah, en particulier en condamnant l'imbécillité du révisionnisme.
Notre pays a également adopté la Charte des Nations unies. L'assemblée générale de l'ONU du 9 décembre 1948, déjà citée par notre collègue M. Pelletier, a qualifié le génocide.
Peut-on, mes chers collègues, contourner la comptabilité atroce des génocides du xxe siècle dont ont été victimes 1,5 million d'Arméniens, 6 millions de Juifs d'Europe, 800 000 Tziganes, 1,2 million de Tibétains, 1,7 million de Khmers et 1,5 million de Tutsis ?
Comment pourrait-on, mes chers collègues, en retenant ce soir légitimement le génocide arménien, dire au peuple tibétain, au peuple kurde, au peuple juif, au peuple tzigane et au peuple tutsi que nous n'avons pas eu une pensée pour eux ?
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Louis de Broissia. C'est la raison d'être de notre amendement, que nous avons déposé en notre âme et conscience au nom de tous ces peuples qui, aujourd'hui, souffrent encore.
M. Dominique Braye. Bravo !
M. Louis de Broissia. Voulez-vous attendre, mes chers collègues, qu'ils aient définitivement disparu de la surface du globe pour vous prononcer ? Voulez-vous que ce soient leurs enfants, les enfants de leurs enfants qui viennent, au xxiie siècle, réclamer aux portes de nos palais nationaux ?
Pensez-vous que, ce soir, au Sénat, nous n'assumerons qu'une partie de nos responsabilités que nous venons de décider d'exercer au nom du peuple français ? Que dirions-nous alors, demain matin, aux jeunes Tibétains, aux jeunes Tutsis et aux jeunes Kurdes : revenez nous voir dans cinquante ans, dans quatre-vingt-cinq ans ? Alors nous réclamerons-ils un peu plus tard, comme l'écrivait Victor Hugo, de la poudre et des balles ?
Mes chers collègues, je vous en conjure : je sais que cette enceinte a toujours été marquée par l'honneur et par l'engagement de chacune et chacun d'entre nous. Je voterai en conscience la reconnaissance du premier génocide du xxe siècle, celui perpétré sur l'Arménie. Mais je n'oublierai pas tous les autres. Par ce vote complet, non tronqué, le Sénat déclarera que la France entend tourner la page d'un siècle, hélas ! appelé « le siècle des génocides ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel est l'objet de texte qui nous est soumis ce soir ?
On nous propose de nous prononcer sur la réalité des massacres de 1915 ou sur leur qualification juridique. Or je ne crois pas que l'appréciation portée par chacun d'entre nous ici sur la tragédie vécue par la communauté arménienne en 1915, dans ce qui était alors l'Empire ottoman, soit différente de celle qui a été portée par nos collègues députés, comme l'a très bien M. le président de la commission des affaires étrangères : nous sommes tous d'accord pour convenir qu'il s'agit de crimes abominables, d'un génocide.
Ce qui est en débat ce soir, c'est essentiellement la forme législative ainsi utilisée pour qualifier l'Histoire et qui ne correspond ni à l'esprit ni à la lettre de notre constitution. Les législateurs que nous sommes ne doivent-ils pas être les premiers à respecter les textes supérieurs qui régissent leurs compétences ?
A cet égard, la forme législative de ce texte soulève une première interrogation d'ordre juridique : le dispositif relève-t-il du domaine de la loi ?
En effet, comme cela à également été rappelé, l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 délimite le domaine de la loi et précise le caractère normatif de tout texte législatif dans le cadre de ce domaine : la loi crée des droits et des obligations et définit des normes dans les matières énumérées par la Constitution.
Or cette proposition de loi n'a pas de portée normative : elle s'apparente à une procédure de résolution, dont l'objet serait de signifier au Gouvernement une position prise par la majorité d'une assemblée sur un problème donné. Mais, à l'exception d'un domaine communautaire précisément encadré par l'article 88-4, notre Constitution a explicitement écarté cette procédure des moyens d'action parlementaires à l'égard de l'exécutif.
C'est pourquoi le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, juriste éminent, a dit, au moment de l'examen en commission d'une proposition de loi semblable à celle qui nous est présentée ce soir : « L'adoption de ce texte [constituerait] un précédent intéressant pour l'institution parlementaire qui s'est vue privée du droit de voter des résolutions ».
Néanmoins, au-delà de la seule valeur symbolique dont pourrait être revêtu ce texte, je rappellerai simplement que, au regard de notre Constitution, il n'est pas du ressort de la loi de qualifier l'Histoire.
D'ailleurs, les diverses instances parlementaires - que ce soit le Conseil de l'Europe, le Parlement européen ou tel ou tel parlement national - qui ont pris une décision sur le sujet du génocide arménien de 1915 l'ont fait non pas par le vote d'une loi, mais par des procédures de motions ou de résolutions qui, tout en permettant d'exprimer solennellement une conviction, sont dépourvues de toute valeur normative. Cela a été dit par de précédents orateurs, mais je le répète car c'est une vérité qu'il faut examiner comme telle.
Tel ne serait pas, en revanche, le cas du texte soumis ce soir à l'examen du Sénat car, une fois voté par le Parlement, il deviendrait loi de la République.
De ce fait, monsieur le ministre, il engagerait solennellement la France dans une démarche dont le volet diplomatique et géostratégique ne peut pas être méconnu.
J'en arrive ainsi à la seconde objection d'ordre institutionnel qui peut, dès lors, être soulevée à l'encontre de la procédure suivie : revient-il au Parlement d'effectuer, au nom de la France et en dehors de toute initiative gouvernementale - ce que, au demeurant, on peut regretter, monsieur le ministre, permettez-moi de le dire -, d'effectuer un geste qui, par-delà son incontestable contenu moral, constitue, par ricochet, une prise de position diplomatique ou qui, à tout le moins, sera inévitablement interprété comme tel ?
Chacun s'accorde à reconnaître que la Constitution a, là encore, clairement et explicitement confié au Président de la République et au Gouvernement la responsabilité de la conduite de la politique étrangère de la France, suivant en cela une pratique et une tradition institutionnelle bien ancrée.
Le Parlement dispose bien d'un pouvoir de contrôle et de celui d'autoriser la ratification des traités internationaux, mais la négociation de ces derniers, et plus généralement toute l'action diplomatique du pays, relève du seul pouvoir exécutif, très absent dans le débat de ce soir. (M. le ministre marque son étonnement.)
Redoutant une dénaturation du pouvoir législatif, le professeur Guy Carcassonne, éminent spécialiste du droit constitutionnel, a, dans un article de presse du 30 avril 1999, qui a déjà été cité mais que je cite à nouveau,...
M. Jean-Claude Gaudin. Il a beaucoup écrit !
M. Michel Pelchat. ... déploré « l'introduction dans notre droit de la vérité historique par détermination de la loi ».
Je pense que, avant de nous engouffrer dans une telle évolution juridique, il est de notre devoir de législateurs d'y regarder à deux fois.
Au surplus, et de façon superfétatoire, je demanderai pourquoi le Parlement français devrait qualifier particulièrement les massacres dont furent victimes des centaines de milliers d'Arméniens en 1915 plutôt, ainsi que le disait notre collègue M. de Broissia, que ceux dont furent victimes les républicains sous Franco, sans oublier l'exécution sauvage de plusieurs milliers de soldats polonais dans la forêt de Katyn, alors que ceux-ci venaient rejoindre ceux qu'ils croyaient être des alliés dans le combat contre le nazisme, ou le massacre de 150 000 harkis au lendemain du retrait de la France d'Algérie.
Faut-il avoir des préférences en matière de crime ? Ces massacres n'ont-ils pas tous été également abominables ?
Pourquoi notre Parlement ne se prononcerait-il pas non plus sur les conditions inhumaines d'emprisonnement de 200 000 officiers vietnamiens, en 1975, par l'armée nord-vietnamienne, dans des conditions de totale violation de la convention de Genève sur les prisonniers de guerre, à tel point que plus du quart d'entre eux n'en sont jamais revenus ?
Au lieu de cela, la France a reçu officiellement M. Lê Kha Phieu, secrétaire général du parti communiste vietnamien, qui fut l'artisan de nombreux massacres pendant la guerre du Vietnam et qui continue à opprimer le peuple vietnamien.
A l'époque du franquisme, j'aurais été sans aucun doute du côté des républicains. Ce n'est pas pour cela que, aujourd'hui, il me viendrait à l'esprit de demander la condamnation de l'Espagne pour les crimes abominables de Franco, car j'estime qu'une telle condamnation n'aurait que des effets dévastateurs pour ce pays et pour les relations franco-espagnoles. Laissons donc aux Espagnols le soin d'assumer leur histoire, comme le font du reste très bien aujourd'hui les Chiliens avec Pinochet, sans aucune ingérence extérieure. (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Alors qu'aujourd'hui même la communauté internationale tente péniblement d'éteindre les conflits entre Palestiniens et Israéliens, dans cette partie du monde où la haine ne cesse de repousser la paix, ne prenons pas la responsabilité de réveiller les haines qui ont existé - sans aucun doute - entre Turcs et Arméniens dans l'Empire ottoman.
En pleine campagne présidentielle, les Américains eux-mêmes, incités par l'intervention personnelle du président Clinton, n'ont pas voulu prendre ce risque !
Je crois que le véritable humanisme ne consiste pas à agir contre la paix et l'amité entre les peuples.
Laissons donc aux Turcs et aux Arméniens le soin d'assumer leur passé, leur histoire, et ne jouons pas aux apprentis sorciers !
Telles sont les raisons qui me conduisent, par-delà la gravité de cette tragédie, que chacun d'entre nous a présente à l'esprit, à ne pas voter une telle proposition de loi (Applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord vous faire part de ma surprise et de ma désapprobation au sujet de l'organisation de notre débat. Je me demande même si le règlement de notre Haute Assemblée a bien été respecté en la circonstance.
M. le président. Monsieur Bret, pardonnez-moi de vous interrompre, mais je tiens à vous dire que le règlement a été rigoureusement respecté ! En quoi ne l'aurait-il pas été ?
M. Robert Bret. Dans la mesure où l'on ne savait pas si la demande de discussion immédiate du présent texte allait être adoptée, il me semble que l'on aurait dû demander qui souhaitait intervenir dans le débat ! Or nous assistons à un débat organisé. Comment la liste des intervenants a-t-elle été établie ?
M. le président. Votre demande d'intervention, monsieur Bret, a été enregistrée par le service de la séance !
M. Robert Bret. Est-on sûr qu'il n'y aura pas d'autres intervenants ?
M. le président. J'ai noté le nom de ceux qui ont souhaité intervenir sans en référer auparavant au service de la séance ! C'est ainsi que MM. Claude Huriet, Bernard Piras et Gérard Collomb se sont inscrits, et cette liste n'est pas limitative : si M. Fischer veut s'inscrire, il sera inscrit également !
Vous mettez en doute la régularité de la procédure...
M. Robert Bret. Je m'interroge !
M. le président. Oui, mais vous vous interrogez en condamnant !
M. Henri de Raincourt. C'est désagréable !
M. Dominique Braye. C'est scandaleux !
M. le président. Nous avons respecté rigoureusement le règlement du Sénat !
M. Robert Bret. Dont acte !
M. Dominique Braye. C'est scandaleux ! Qu'est-ce que c'est que ces procédés ?
M. Jacques-Richard Delong. C'est le règlement du KGB !
M. le président. Un texte a été déposé, monsieur Bret, et, dès lors, chaque sénateur peut s'inscrire dans le débat : encore une fois, trois intervenants - quatre à l'instant - se sont inscrits au-delà de ceux qu'avait enregistrés le service de la séance. Et je suis prêt à inscrire tous ceux qui ont l'intention d'intervenir, je n'entends décourager aucune bonne volonté. Nous avons le temps !
M. Dominique Braye. C'est décourageant !
M. Patrick Lassourd. Et les morts dus au communisme ?
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bret, je vous en prie.
M. Robert Bret. Monsieur le président, c'est avec solennité, mais aussi avec une grande émotion, que j'interviens aujourd'hui,...
M. Dominique Braye. Il ne fallait pas commencer comme cela !
M. Robert Bret. ... en pensant aux Arméniens, à tous les Arméniens qui sont venus en France, patrie des droits de l'homme, ainsi qu'à leurs descendants.
Pourquoi ont-ils quitté leur terre natale ? Pourquoi ont-ils abandonné leurs biens ? Pourquoi ont-ils débarqué à Marseille voilà quatre-vingt-cinq ans, délaissant à tout jamais des siècles de souvenirs ?
M. Dominique Braye. Et c'est lui qui dit cela ?
M. Patrick Lassourd. Et les morts de Staline ? (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Allons, un peu de dignité, s'il vous plaît !
M. le président. Mes chers collègues, j'admire votre enthousiasme et votre dynamisme à cette heure avancée du matin ! Mais laissez l'orateur s'exprimer.
M. Dominique Braye. Ce que dit M. Bret est scandaleux !
M. Robert Bret. Est-ce là le résultat d'un choix librement consenti ?
La réponse se présente, toute simple : s'ils ont débarqué à Marseille, c'est parce qu'ils avaient pu, contrairement à beaucoup de leurs amis et de leurs proches, échapper au génocide. Contraints, ils quittaient leur terre ancestrale pour échapper aux persécutions et à une mort certaine.
Oui, il faut bien le dire, l'extermination des populations arméniennes constitue, au sens de la Convention de 1948 de l'ONU, un crime imprescriptible de génocide.
Ce génocide, la commission des droits de l'homme de l'ONU l'a reconnu en 1985.
En 1987, ce fut l'adoption par le Parlement européen d'une résolution qui conditionnait l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne à la reconnaissance du génocide, reconnaissance qu'elle continue, soit dit en passant, de refuser aujourd'hui.
Les récents courriers que nous avons tous reçus l'attestent clairement, le dernier en date émanant d'ailleurs de l'ambassadeur de Turquie.
Et, le 29 mai 1998, les députés, unanimes, debout dans l'hémicycle, adoptèrent cet article unique : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. »
Il n'était pas concevable de laisser cette tragédie aux portes du Sénat !
Enfin, le Sénat va se prononcer sur la tragédie du peuple arménien, pour la mémoire des victimes et de leurs proches.
Il aura fallu deux années pour que nous puissions enfin en débattre. Deux ans de discussions et de blocages : le Gouvernement, comme la conférence des présidents de notre Haute Assemblée, se refusait à inscrire à l'ordre du jour cette loi votée par l'Assemblée nationale.
M. Dominique Braye. Le Gouvernement aurait dû l'inscrire !
M. Bernard Piras. Allons, un peu de dignité !
M. Robert Bret. En février 1999, avec Bernard Piras, Gilbert Chabroux, Guy Fischer, Marie-Claude Beaudeau et, bien entendu, Hélène Luc - qui, à maintes reprises, lors de la conférence des présidents, a posé la question de l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi - mais aussi avec de nombreux autres collègues socialistes et communistes, nous avons déposé une proposition de loi identique à celle qu'avait adoptée l'Assemblée nationale.
Le 21 mars dernier, lors de la demande de discussion immédiate de cette proposition, dont j'étais le premier signataire, nous n'avions pu débattre du fond, car l'orateur qui était contre, le président de la commission des affaires étrangères et le Gouvernement nous avaient alors affirmé que « la reconnaissance du génocide est un fait étranger au domaine de la loi, qu'il n'appartenait pas à une assemblée parlementaire de qualifier des faits historiques survenus il y a plus de quatre-vingts ans dans un autre pays ».
M. Hilaire Flandre. Cela n'a pas changé !
M. Robert Bret. Les mêmes arguments ont été repris une nouvelle fois aujourd'hui.
Malgré le soutien de plusieurs collègues de la majorité sénatoriale, notre demande de discussion immédiate avait alors été rejetée.
Convaincus que la représentation nationale doit pouvoir, dans des moments forts, adresser des messages à l'opinion publique nationale et internationale, nous ne pouvions en rester là.
Dans la mesure où notre Constitution ne prévoit pas que le Parlement ait le pouvoir de voter des résolutions, le seul moyen de s'exprimer au niveau nécessaire n'est autre que le vote d'une loi. Il n'y a pas d'autre moyen !
M. Dominique Braye. C'est faux !
M. Robert Bret. Les droits humains ne sont pas une notion théorique, et on ne peut effacer un fait historique.
Le génocide arménien n'est pas un souvenir inscrit dans les annales de l'Histoire et simplement relégué dans les livres ; il est profondément enraciné dans la mémoire collective de la communauté arménienne comme réalité concrète et vivante.
La France, pays des droits de l'homme, son Parlement, n'ont-ils pas pour rôle premier de transmettre la mémoire à l'égard des jeunes générations ?
Contrairement à ce que certains ont prétendu, la reconnaissance du génocide arménien permettra - j'en suis convaincu -, un grand pas vers un dialogue sincère et effectif entre les nouvelles générations arméniennes et turques.
On ne peut pas construire l'avenir si le passé est nié ou falsifié.
Comment nier, en effet, le caractère de génocide au massacre d'un million cinq cents mille Arméniens assassinés de 1894 jusqu'à la nuit tragique de 1915 qui demeure inscrite à jamais dans la mémoire de l'humanité ?
M. Dominique Braye. Et les quatre-vingts millions en Russie ? M. Robert Bret. Le peuple turc a la capacité de faire face à cette histoire tragique. Il a les moyens d'analyser et d'assumer ces événements terribles.
Je considère que notre action d'aujourd'hui est non pas un défi à l'égard de ce peuple, mais, au contraire, un appui pour affronter le passé et regarder l'avenir.
Oui, il faut croire au dialogue. La reconnaissance du génocide arménien ouvre la voie à la réconciliation des deux peuples.
Pour toutes ces raisons, avec Jacques Pelletier, Jean-Claude Gaudin, Bernard Piras, Michel Mercier et Jacques Oudin, représentant chacun l'éventail des groupes de la Haute Assemblée, j'ai cosigné cette proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise.
Je remercie Jacques Pelletier d'avoir accepté ma proposition d'en être le premier signataire.
Soucieux d'obtenir l'adoption dès aujourd'hui de cette proposition de loi et dépassant les clivages politiques traditionnels qui nous opposent, nous vous appelons solennellement, mes chers collègues, à la voter et à repousser les amendements qui nous serons présentés lors de la discussion de l'article unique.
Sachez que les familles de ces un million cinq cent mille personnes qui ont été massacrées en 1915 sont à votre écoute aujourd'hui.
M. Dominique Braye. Et les quatre-vingts millions en ex-URSS ?
M. Robert Bret. En votant cette proposition de loi, nous sommes et nous serons à leur côté pour que jamais le silence ne retombe sur les fosses communes. En votant cette proposition de loi, la Haute Assemblée en ressortira grandie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois que nous vivons un moment important qui justifie l'existence même d'un Parlement. Nous avons à nous interroger sur des faits historiques qui sont dans la mémoire de chacun et que personne ne songe à nier. Il est vrai, le citoyen que je suis le dit et le reconnaît : il y a eu un génocide en Arménie en 1915.
Pour autant, est-ce le rôle du Parlement français de l'inscrire ce soir dans une loi normative ? La reconnaissance des citoyens est une chose, l'inscription dans la loi par un Parlement, autre chose.
Nous avons le devoir d'être de ceux qui expliquent à nos concitoyens la réalité de ce qui fut une épreuve terrible pour un peuple dont nous avons recueilli les survivants après le drame. Nous avons à aider nos concitoyens à prendre conscience du premier génocide du xxe siècle qui, hélas ! certains l'ont dit, en a connu beaucoup d'autres. Pourtant, je suis persuadé que nous n'avons pas à l'inscrire dans une loi normative de la République.
Nous l'avons fait, on l'a dit tout à l'heure, indirectement pour la Shoah dans la mesure où certains de nos concitoyens se sont permis de prendre des positions qui la niaient, voire qui insultaient ceux qui en ont été les victimes, mais c'est de nos concitoyens qu'il s'agissait. Et force est de reconnaître aussi que la France, en tant que collectivité, n'a pas été absente, hélas, de la réalisation de ce qui a été un des plus grands drames et des plus systèmatiques de notre époque.
Mais nous ne sommes pas dans la même situation s'agissant du génocide arménien. Je pense que la lecture stricte de notre Constitution ne nous permet pas les résolutions et ne nous autorise pas à les inscrire dans la loi. Je suis d'ailleurs persuadé que, si une loi était votée et déférée au Conseil constitutionnel, celui-ci ne manquerait pas de constater que le Parlement est sorti de son domaine en arrêtant une loi de la République sur un sujet de cet ordre.
C'est la première raison pour laquelle, tout à l'heure, je voterai la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité et, si elle était repoussée, je m'abstiendrai ensuite de continuer à participer aux débats, considérant que l'on me ferait sortir de mon rôle de législateur.
Une seconde raison m'amène à être très circonspect sur cette affaire. Une des plus belles phrases qui existent en matière humanitaire est la suivante : « Je ne te demande ni quel est ton pays, ni quelle est ta race, je te demande quelle est ta souffrance ». C'est ce que nous avons fait, collectivement en France quand les Arméniens sont venus se réfugier chez nous. Nous ne leur avons pas demandé qui ils étaient. Nous avons simplement considéré leurs souffrances et nous avons fait ce que nous avons pu collectivement pour y faire face.
Est-il dans les traditions de notre République de voir se développer des opérations, j'allais dire à caractère communautariste ?
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Paul Girod. Est-il dans les traditions de notre pays de voir s'ouvrir au sein de notre société des catégories ? Je n'en suis pas persuadé non plus. C'est la seconde raison pour laquelle je pense que, autant notre devoir de parlementaire est de proclamer à l'extérieur de cet hémicycle, auprès de tous nos concitoyens, la compassion, la solidarité que nous devons à nos compatriotes d'origine arménienne, autant je ne suis pas certain que nous rendions à ces mêmes compatriotes et à l'ensemble de notre pays un service distingué en les distinguant justement en tant que communauté.
Je le dis avec beaucoup de gravité et beaucoup d'émotion car j'appartiens à une génération qui, comme nombre d'entre nous, a subi, dans sa population civile, un certain nombre de catastrophes entre 1939 et 1945. Et à cette époque, l'ouverture des mains des uns vers les autres était un devoir de solidarité que nous avions les uns envers les autres, comme nous l'avions fait après 1915.
Je ne crois pas que nous ayons intérêt, en tant que législateurs, à consacrer des fissures de cet ordre.
Alors, à nos compatriotes d'origine arménienne, je dis : votre souffrance, je la comprends ; je ne vous demande ni d'où vous venez, ni qui vous êtes. Cette souffrance-là, je lui tends la main, je le fais en tant que citoyen, mais je ne crois pas que nous ayons le devoir, moins encore le droit, de transformer les institutions internes à notre République et l'entente solide de notre peuple dans une opération de ce genre.
Je le dis avec beaucoup d'émotion. Aucune espèce de considération de politique étrangère n'est présente dans mon esprit en cet instant. C'est à la solidité et à l'unité de notre peuple que je pense en premier. (Bravo et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout génocide - au sens de la convention 260-A pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée par l'assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948 - heurte profondément la conscience universelle.
Nul ne peut rester insensible aux drames qui, tout au long de l'histoire, ont atteint des populations entières, hommes, femmes, enfants, dont l'anéantissement était programmé pour leur appartenance à une race, à un groupe ethnique ou religieux.
Pour cette raison, nous devons compatir à la tragédie qu'ont vécue les Arméniens voilà quatre-vingt-cinq ans.
Mais la reconnaissance par la France de ce génocide, dans lequel - cela a été dit - notre pays n'était nullement impliqué, pose trois graves interrogations.
Est-il de la compétence d'un parlement national de reconnaître par la loi des événements dramatiques survenus dans un autre pays ? Une telle démarche est à l'évidence de nature différente de la « repentance » évoquée par plusieurs d'entre vous et proclamée par les hautes autorités de l'Etat pour des périodes tragiques qui ont marqué notre propre histoire.
Quelles sont les raisons profondes qui ont incité les auteurs de la proposition de loi à recourir à une procédure exceptionnelle pour que la Haute Assemblée décide d'en débattre ? Et pourquoi maintenant ?
Enfin, pourquoi proposent-ils une reconnaissance publique du seul génocide arménien ?
Toutes ces questions troublantes, à vrai dire, méritent des réponses claires. Si notre assemblée, rejetant la motion d'irrecevabilité présentée par plusieurs de nos collègues, apporte une réponse positive à la première question, notre vote dépendra alors des explications que nous sommes en droit d'attendre, concernant la dernière : pourquoi la France devrait-elle reconnaître le seul génocide arménien ? Une telle démarche signifie-t-elle que les auteurs de la proposition établissent des degrés dans l'horreur d'un génocide ?
Pour notre part, au plus profond de notre conscience, nous ne pouvons l'accepter pas plus que nous ne pouvons accepter de clouer au pilori un pays qui, certes, doit assumer son passé, en exonérant de leurs responsabilités - non moins lourdes - d'autres pays dont les crimes sont aussi abominables.
Trop nombreux ont été les génocides qui se sont succédé durant le siècle écoulé, faisant des millions de victimes que la mémoire collective ne doit pas oublier.
C'est la raison pour laquelle, avec certains de mes collègues, nous avons décidé de déposer un amendement par lequel, sans remonter à travers les siècles, la France reconnaît d'autres génocides commis depuis 1915 dans différents pays du monde.
Mes chers collègues, si la France, à travers le vote du Parlement, reconnaissait le seul génocide arménien, elle se singulariserait et beaucoup s'interrogeraient sur les raisons cachées d'une telle attitude « sélective ». Si, au contraire, la France, patrie des Droits de l'homme, reconnaissait les tragédies intervenues au cours du xxe siècle, qualifié parfois de « siècle des génocides », elle s'honorerait et la prise de conscience collective à laquelle elle aurait ainsi contribué serait susceptible d'en prévenir la résurgence. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai longtemps espéré ce moment, et c'est donc avec une certaine émotion que j'interviens aujourd'hui, au nom de mes collègues du groupe socialiste. Avec eux et avec ceux du groupe communiste républicain et citoyen et quelques individualités membres d'autres groupes, nous avons depuis des mois beaucoup oeuvré pour permettre l'adoption définitive de cette proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.
J'associe à mon intervention tous les signataires de la proposition de loi n° 238 ainsi que tous les sénateurs qui ont voté pour la discussion immédiate.
En effet, comme vous le savez, cette proposition de loi n° 238 avait déjà fait l'objet d'une procédure de demande de discussion immédiate, rejetée le 21 mars dernier. Cette précédente initiative, par la prise de conscience qu'elle a engendrée, est indiscutablement à l'origine de la réussite de celle que nous sommes amenés à examiner aujourd'hui.
La possibilité qui m'est donnée de m'exprimer à cette tribune signifie que la première phase de cette seconde procédure s'est déroulée favorablement. Je ne doute pas qu'elle ira cette fois à son terme.
Je ne m'attarderai pas sur le long et difficile cheminement de ce texte, me contentant de constater que la raison, mais aussi le coeur, l'ont finalement emporté. La cause que nous défendons est bonne. Reconnaissons qu'il eût été fort regrettable que cette initiative parlementaire tombe dans l'oubli, comme ce fut trop longtemps le cas pour les événements de 1915, sans avoir pu aboutir définitivement.
Quelles sont les raisons qui nous conduisent à débattre de cette proposition de loi, laquelle ne comporte qu'un article : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 » ? En effet, voilà quatre-vingt-cinq ans de cela, le peuple arménien vivant dans l'Empire ottoman a connu une période tragique, laquelle s'est traduite par la disparition des deux tiers de sa population - soit 1,5 million d'Arméniens exterminés - tandis que la majorité des survivants, à savoir 800 000 Arméniens, se sont exilés à travers le monde, notamment en France.
Cependant, le constat de ces événements ne suffit pas à expliquer que nous ayons ce débat aujourd'hui. Nous sommes ici car ces massacres sont passés quasiment inaperçus. Ils n'ont pas fait l'objet de la reconnaissance internationale légitime qu'ils méritent, laquelle aurait pu conduire à qualifier et à condamner ces actes de barbarie, et, peut-être - qui sait ? - contribuer à nous préserver des atrocités qui se sont succédé au cours de ce xxe siècle.
Par cet article, nous qualifions ces événements de génocide, et cela conformément à la définition qui est donnée de ce terme par les Nations unies. Personne ne pourra objectivement contester une telle qualification d'actes ayant abouti, selon un plan prémédité, organisé et planifié, à vider l'Anatolie orientale des Arméniens. Nous sommes donc amenés à nous prononcer sur ces événements, car le premier génocide du xxe siècle a fait l'objet d'un oubli pour certains et, pire, d'une négation pour d'autres. Notre démarche est donc autant juridique qu'historique.
Mais quel sens devons-nous donner à cette reconnaissance publique ? Pour ma part, et j'espère que nombre d'entre vous partageront cette opinion, j'estime que cette démarche parlementaire est porteuse de plusieurs symboles forts qu'il convient d'expliciter.
En premier lieu, cette initiative est l'occasion pour la France de rappeler et de démontrer qu'elle demeure la patrie des droits de l'homme.
L'adoption définitive de cette reconnaissance est la preuve que le peuple français, à travers ses représentants légitimes, a su privilégier le respect des grands principes universels, sans donner la priorité à de supposés intérêts économiques et diplomatiques.
Si la France n'est pas la première nation à reconnaître et à qualifier cette tragédie, ce que l'on peut peut-être regretter, elle demeure malgré tout la première grande puissance d'Europe occidentale à le faire. La France a d'ailleurs prouvé qu'elle portait également ce regard intransigeant sur son histoire lointaine ou récente. Cela a été le cas pour l'esclavage, la rafle du Vél d'Hiv et, plus récemment, pour la guerre d'Algérie.
Si la vérité historique est parfois difficile à entendre, elle demeure indispensable pour la construction d'un avenir meilleur. La reconnaissance des erreurs du passé est la seule voie pour progresser, qu'il s'agisse des civilisations ou de l'humanité tout entière.
En deuxième lieu, contrairement aux arguments souvent avancés par les opposants de cette initiative, une telle reconnaissance ne représente pas un obstacle à l'établissement d'une paix durable entre l'Arménie et la Turquie. C'est au contraire un élément favorisant.
Cette reconnaissance ne constitue pas absolument la condamnation de la Turquie actuelle, elle modifie le regard porté sur son histoire. Celui-ci est nécessairement appelé à évoluer, notamment dans le cadre de l'entrée de ce pays au sein de l'Union européenne.
Un nouvel éclairage sur ces faits historiques, un éclairage conforme à la vérité ne peut qu'apaiser les rancoeurs et non les exacerber car, si rancoeur il y a, elle ne peut venir que du peuple victime, à savoir le peuple arménien. Le seul sentiment que les Turcs peuvent nourrir est celui d'une « fierté blessée », comme cela a pu être le cas pour nous Français au regard des faits qui se sont déroulés sous le gouvernement de Vichy.
En troisième lieu, la reconnaissance de ce génocide est l'occasion, pour les représentants du peuple français que nous sommes, de témoigner de notre amitié et de notre attachement à l'Arménie, plus particulièrement à la très importante communauté vivant chez nous.
Depuis trois générations, cette communauté, en s'installant dans notre pays, nous a fait confiance, elle a démontré sa faculté et sa volonté d'intégration, elle a participé de manière très active à nos côtés lors de la Première, puis de la Seconde Guerre mondiale et nombre de ses enfants se sont sacrifiés pour notre patrie, pour notre République.
Mes chers collègues, souvenez-vous de « l'Affiche rouge », de cette chanson merveilleuse et émouvante, sur un texte de Louis Aragon et interprétée par Léo Ferré, qui relate l'action des résistants appartenant au groupe Missak-Manouchian. Cette communauté a également contribué à l'essor économique et culturel de notre pays par l'esprit dynamique qui la caractérise.
Prétendre, comme certains l'ont fait, que cette initiative parlementaire serait purement électoraliste, c'est mettre en cause notre conscience politique. Cela me semble, de plus, constituer une absurdité, puisque cette proposition de loi a fait l'objet d'un large consensus de la part des parlementaires. L'origine diverse, très représentative des divers groupes politiques, des signataires de cette proposition de loi n° 60, devrait mettre un terme à une telle polémique.
L'adoption définitive de cette proposition de loi marquera la force d'idées majeures : la France demeure la patrie des droits de l'homme ; la paix durable ne peut être fondée sur le rejet ou sur la négation de la vérité historique ; la France manifeste son attachement à la communauté arménienne.
Les événements de 1915 ne peuvent se confiner à l'histoire bilatérale de deux pays, ils doivent à tout prix entrer dans la conscience collective afin de la faire progresser. C'est à cette oeuvre-là que nous participons aujourd'hui. Nous pouvons légitimement en être fiers. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Adnot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Collomb.
M. Gérard Collomb. Il n'est plus de peuple, il n'est plus de dirigeant qui, aujourd'hui, n'ait à faire face devant la conscience universelle à la réalité de son histoire.
La seule vraie question qui devrait donc nous préoccuper ce soir devrait être celle de savoir si nous avons la conviction profonde, intime, totale qu'il y a bien eu génocide du peuple arménien en 1915. Mes chers collègues, si nous ne nous posions que cette question - la seule vraie question, - ce soir, nous voterions à l'unanimité la reconnaissance du génocide du peuple arménien.
Comme l'attestent les témoignages bouleversants des survivants de l'époque, les travaux de tous les historiens qui ont travaillé sur cette période : oui ! 1915 vit bien se dérouler le premier génocide du xxe siècle.
M. Patrick Lassourd. Personne ne le conteste !
M. Gérard Collomb. Dès lors, quelles raisons pourraient nous amener à passer sous silence ce génocide du peuple arménien ?
Des raisons juridiques ? Nous savons trop que l'invocation du droit peut recouvrir les plus profondes injustices. Nous connaissons l'adage : Summum jus, summa injuria !
Au nom de la Constitution, au nom du fait que le législateur prendrait des prérogatives par rapport au pouvoir exécutif, nous accepterions de passer sous silence le premier génocide du xxe siècle ?
Comment ne pas voir que nous ne pouvons guère nous réfugier derrière des raisons juridiques ?
M. Hilaire Flandre. Cela sent les urnes !
M. Gérard Collomb. Quant à la volonté de préserver de bonnes relations avec la Turquie, la plupart des collègues qui vont voter pour la reconnaissance du génocide arménien, ce soir, ne se reconnaissent pas comme des ennemis de la Turquie, bien au contraire.
Nous pensons que c'est en aidant la Turquie à reconnaître le génocide arménien et à faire face aux pages les plus sombres de son histoire que nous l'aiderons à progresser dans la voie démocratique. Et, ce soir, nous avons conscience, en accomplissant cet acte, d'aider en Turquie les forces qui luttent pour l'approfondissement de la démocratie dans ce pays.
Comment ne pas voir que c'est parce que l'Allemagne, après guerre, par la voix de ses dirigeants les plus éminents, a su reconnaître les crimes d'un passé pourtant récent qu'elle a pu rejoindre la communauté des pays démocratiques et nouer des liens d'amitié avec notre pays ?
Il est donc faux de dire que c'est en oubliant le passé que l'on pourrait permettre l'établissement de relations nouvelles entre l'Arménie et la Turquie. C'est au contraire en aidant la Turquie à reconnaître le passé que l'on pourra permettre que s'établissent, dans cette région du monde, des relations nouvelles fondées sur la paix et sur la coopération.
Alors, on nous dit qu'il y aurait d'autres génocides dans l'histoire contemporaine.
Plusieurs sénateurs du RPR. Qu'il y aurait !
M. Gérard Collomb. C'est vrai, il y en a eu d'autres. Mais comment ne pas voir que, les unes après les autres, les pages noires de l'humanité font toutes l'objet d'enquêtes et de réexamens ?
Je crois, au contraire, que c'est un progrès de la conscience universelle contemporaine de ne plus accepter que tel ou tel sujet soit occulté pour des raisons qui sont le plus souvent des raisons d'Etat ou des raisons d'ordre idéologique.
Il n'y a plus, aujourd'hui - c'est un énorme progrès - de sujet tabou. Tous les crimes de l'histoire contemporaine deviennent objets de débat, avant de devenir objets de réprobation et de condamnation. C'est ainsi, peut-être, qu'une nouvelle conception des relations humaines est en train de naître, fondée sur le droit, et non plus sur la force et la violence la plus extrême.
Mes chers collègues qui citez les crimes de l'histoire contemporaine, vous pouvez être rassurés : le passage au crible de notre histoire n'épargnera rien ni personne. Il me semble que, désormais, ils seront de moins de en moins nombreux, ceux qui accepteront de couvrir, par solidarité idéologique, les crimes qui ont pu être commis, quels que soient ceux qui les ont commis.
Mes chers collègues, la reconnaissance du génocide arménien, ce soir, constitue un pas déterminant dans ce progrès de la conscience humaine.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Gérard Collomb. C'est pourquoi nous devrions, comme nos collègues de l'Assemblée nationale, voter à l'unanimité la reconnaissance du génocide arménien. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Le génocide arménien de 1915 est une vérité historique qui n'est sûrement pas suffisamment connue ni reconnue, mais, le débat soulevé dans l'opinion depuis plusieurs mois à propos d'une reconnaissance publique officielle de ce drame humain a déjà en partie combattu l'ignorance qui pouvait l'entourer.
On comprend toutefois que les descendants des victimes massacrés en 1915 ne se satisfassent pas d'une simple médiatisation de l'évocation historique. Ils souhaitent un acte solennel de la République française : celui qui est attaché à la loi.
Mais la loi est-elle appropriée à son objet en une telle circonstance ? Je ne le crois pas pour trois raisons.
J'écarterai rapidement la première catégorie de raisons, celles qui sont les plus discutables, celles qui sont évoquées au titre de l'opportunité ou des intérêts économiques et qui inciteraient à rester silencieux pour ne pas heurter, froisser ou contrarier tel ou tel d'entre eux. Selon moi, les intérêts matériels doivent, par principe, s'incliner devant les impératifs de la justice. Ce n'est donc pas, à mon avis, pour ménager ces intérêts qu'on pourrait écarter la voie législative quant à la reconnaissance du génocide arménien.
Vient ensuite l'argument constitutionnel : il a du poids dans un Etat de droit, car le respect du droit est le seul moyen à notre portée pour établir la justice humaine, tandis que son mépris conduit irrémédiablement et promptement à l'injustice ; on descend en effet plus vite sur ce chemin qu'on ne le gravit. Or notre constitution ne confie pas à la loi la fonction pour laquelle elle est ici sollicitée. La proposition de loi que nous examinons risquerait vraisemblablement la censure du Conseil constitutionnel.
Mais je n'insisterai pas sur ce point pour ne pas me limiter à ce que certains pourraient considérer comme un formalisme excessif face à l'ampleur d'un drame humain devant lequel je m'incline avec émotion.
En vérité, l'interrogation la plus grave me paraît fondée sur l'ambiguïté qui résulte inévitablement de l'affirmation d'une vérité historique par une loi établie historiquement selon une procédure majoritaire.
Le fondement d'une loi est, en effet, moins assuré que la vérité qu'elle prétendrait valider.
La vérité historique du génocide arménien est intangible et incontestable. En revanche, la vérité d'une loi n'est formellement liée qu'à l'existence historique de la majorité qui l'a votée. Elle est réformable par une autre majorité et n'a pas plus de poids qu'une loi opposée votée par une majorité différente.
C'est pourquoi on s'est jusqu'ici abstenu, en France, à ma connaissance, de faire écrire l'histoire par la loi.
Les vérités officielles, même quand elles coïncident avec mes sentiments, ne recueillent pas mon adhésion précisément parce que le coeur fait pour la fraternité laisse la raison établir et protéger la liberté et l'égalité.
Mes sentiments d'amitié à l'égard du peuple arménien, y compris dans mes convictions les plus profondes, sont très puissants. Cela n'est pourtant pas suffisant pour faire taire mon attachement à une vérité d'ordre supérieur, celle de l'intelligence et de la raison, sans laquelle aucune autre vérité ne peut être fondée, aucune justice ne peut être espérée.
C'est la raison pour laquelle, dans l'intérêt même du peuple arménien - qui, en cette affaire, recherche la réparation d'une injustice abominable par une voie qui n'est pas la bonne - et pour défendre la pérennité des institutions de la République française, je m'oppose à cette proposition de loi.
Les Arméniens retireraient d'une telle loi une satisfaction psychologique incontestable mais sans aucune portée juridique, sans aucune réparation effective et concrète. En revanche, mesurons bien l'atteinte portée à notre pratique institutionnelle par une telle loi. L'esprit républicain n'est pas établi sur les bons sentiments. Je regrette que ceux qui sont les gardiens de notre République n'aient pas su le dire clairement avant que l'Assemblée nationale se précipite dans une impasse juridique. C'est pour cela que le Sénat est confronté, cette nuit, à ce dilemme majeur. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous débattons cette nuit est d'une grande importance. A l'évidence, il y a conflit entre des intérêts locaux, nationaux, certes légitimes, et les enjeux internationaux, d'une tout autre ampleur.
Le Gouvernement a défini nettement sa position dès le vote de l'Assemblée nationale par la voix du ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, position que celui-ci il a d'ailleurs réitérée récemment devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à savoir que, le Parlement étant un organisme législatif, il n'a pas à décider d'un point d'histoire. M. le ministre des relations avec le Parlement vient, du reste, de le rappeler.
Sur ce même problème, le président Clinton a obtenu, le 19 octobre dernier, le retrait de la résolution présentée à l'ordre du jour de la Chambre des représentants visant à reconnaître le génocide arménien en faisant part à son président de ses « fortes inquiétudes quant à l'opportunité de cette résolution au regard des intérêts américains au Moyen-Orient ». C'est également, comme cela a déjà été indiqué, la position du patriarche des Arméniens de Turquie qui a affirmé : «Ce »problème ne devrait pas être exploité par des politiciens pour leurs propres intérêts. »
La France, qui a soutenu la demande d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, et qui entretient par ailleurs d'excellentes relations avec l'Arménie, n'a pas à intervenir par voie législative sur cet événement, si terrible soit-il, qui date de quatre-vingt-cinq ans et appartient à l'histoire.
J'ajoute, pour terminer, que l'adoption de cette proposition de loi soulèverait sans doute plus de difficultés qu'elle n'en résoudrait.
Pour toutes ces raisons, il convient de voter contre le texte qui nous est présenté. (Applaudissements sur certaines travées du RRR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Affiche rouge , le très célèbre poème de Louis Aragon, évoque, dans une strophe moins connue que les premiers vers, l'espoir du peuple arménien en la vie retrouvée, en son indéfectible amitié envers la nation française. Ce sont ces quelques
vers qui s'imposent ce soir à moi. Voici les paroles que l'auteur prête à l'un des condamnés du groupe Manouchian, en fait à Missek Manouchian lui-même :
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant.

C'était le pardon, la continuité, l'espoir, la mort atroce rendue plus légère par la confiance en la justice des hommes, des Français.
Comment imaginer que, l'esprit ainsi apaisé avant la mort, ces hommes, nos frères arméniens, ne se seraient toujours pas vu rendre justice du plus ancien de leurs tourments quatre-vingt-cinq ans plus tard ?
Aujourd'hui, alors que notre assemblée, réunie autour d'une proposition de loi signée par l'ensemble de ses familles politiques, est peut-être à quelques pas de reconnaître - enfin ! - le génocide arménien de 1915, je veux croire que l'intelligence, dépassant tous les clivages, permettra à chacun de prendre position en son âme et conscience en faveur de la justice.
Aussi, mes chers collègues, c'est avec émotion que je pense ce soir au bonheur qui sera celui de la communauté arménienne - particulièrement celle de la région Rhône-Alpes - si notre assemblée vote cette proposition de loi.
Je suis né à Décines, dans le Rhône, cité de la soie où j'ai passé vingt ans de ma vie auprès de la communauté arménienne. Tout enfant, j'en ai partagé les malheurs, les valeurs. Ses espoirs, je les ai fait miens.
Je me souviens particulièrement d'un jour de 1975 où, au pied de la sculpture dédiée aux victimes du génocide, Arsène Margossian, adjoint au maire de Décines, s'exprimait ainsi devant une foule recueillie : « Ô morts de 1915, chers morts sans sépulture dont on entrevoit à travers ce monument les corps suppliciés, dormez en paix ! »
De mon histoire personnelle, je tiens pour sûr que la reconnaissance du génocide arménien est bien plus qu'un simple rétablissement de la vérité historique. Parce qu'un peuple martyr ne peut se désintéresser du sort de ses frères humains, comme en témoigne, en France, l'engagement des Arméniens dans la guerre, contre le fascisme. Parce qu'un peuple qui a connu la torture, le génocide, l'oubli ne pouvait pas se contenter de panser ses plaies mais se devait au contraire d'être de tous les combats qui eurent pour enjeu l'avenir de l'humanité.
M. Jean-Claude Gaudin. Le nôtre en particulier !
M. Guy Fischer. Je regretterai simplement ce soir que nous ayons dû recourir à la procédure de discussion immédiate.
Mais nous connaissons d'avance la réponse !
Mes chers collègues, notre vote de ce soir sera un acte de paix, de réconciliation. Reconnaître officiellement la torture, les massacres, est toujours un pas vers la stabilité des démocraties. L'impunité, en revanche, est toujours négative et susceptible de mettre en péril la voie démocratique des peuples, quels qu'ils soient. Ainsi, la reconnaissance du génocide d'un peuple sert la reconnaissance de la souffrance et des aspirations de l'humanité tout entière.
C'est pourquoi je veux vous dire mon immense espoir à l'idée qu'une grave erreur historique est sur le point d'être enfin corrigée, qu'un peuple va se voir rétabli dans son droit et pouvoir continuer son chemin libéré de deux grands poids : l'erreur et la méconnaissance. Car, comme le disait Elie Wiesel, prix Nobel de la paix « oublier les victimes du génocide, c'est les assassiner une seconde fois ». (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité



M. le président.
Je suis saisi par MM. Jacques-Richard Delong et Michel Pelchat d'une motion n° 3 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 (n° 60, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole est à M. Delong, auteur de la motion.
M. Jacques-Richard Delong. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais faire en sorte que mes propos dépassionnent la discussion.
M. Marcel Charmant. Ça va être dur !
M. Jacques-Richard Delong. Nous avons choisi de débattre de la proposition de loi relative au génocide arménien, et je peux comprendre qu'une majorité d'entre nous aient eu le désir d'exprimer leur position sur cette tragédie.
Le débat a eu lieu, les différentes positions ont été exprimées.
Faut-il, dès lors, se prononcer sur le fond de cette proposition de loi, en voter le dispositif, le faire entrer dans notre droit positif et utiliser une procédure douteuse sur le plan constitutionnel ?
La loi doit avoir des effets d'ordre interne. La proposition de loi se borne à constater des faits extérieurs à la compétence territoriale du Parlement français. Elle n'en tire aucune conséquence dans l'ordre juridique interne. M. de Villepin a développé les arguments fondés sur l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 et cité le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale lors de l'examen en commission d'une proposition visant le même objet : « Ce texte aura surtout une valeur symbolique. »
Le secrétaire d'Etat aux anciens combattants s'est lui-même interrogé en ces termes à l'occasion du débat du 28 mai 1998 à l'Assemblée nationale : « la question se pose, au regard de la Constitution, de savoir s'il est du ressort de la loi de qualifier l'histoire ». Les mêmes réserves ont été exprimées par le ministre des affaires étrangères, le 17 mars 1999, devant la commission des affaires étrangères du Sénat. La question se pose encore aujourd'hui.
Les relations avec l'étranger n'entrent pas dans les compétences législatives du Parlement. Aucune des dispositions de l'article 34 de la Constitution ou d'autres articles de celle-ci ne donnent compétence au législateur pour intervenir dans le domaine diplomatique. L'article 37 de la Constitution indique que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». Nous nous trouvons donc bien là dans le domaine des compétences de l'exécutif, et non dans celui du pouvoir législatif. Il n'est pas de la compétence du Parlement d'intervenir dans ce domaine par la voie législative. Le Parlement français est donc incompétent ratione materiae et ratione locci.
Le texte s'apparente davantage, en fait, M. de Villepin l'a rappelé, à la procédure des résolutions tendant à exprimer, à l'intention du Gouvernement, une position prise par une majorité d'une assemblée sur tel ou tel sujet, procédure que notre Constitution, à l'exception du domaine communautaire précisément encadré par l'article 88-4, a explicitement écarté des moyens d'action parlementaires, comme l'avait confirmé le Conseil constitutionnel par ses décisions des 17, 18 et 24 juin 1959 relatives au projet de règlement de l'Assemblée nationale.
Cette intention de recourir à une proposition de loi du fait de l'impossibilité constitutionnelle d'utiliser la procédure des résolutions a d'ailleurs été exprimée par le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale lui-même. Il était donc bien conscient du détournement de procédure qu'il cautionnait et, en fin politique, il affirmait les souhaits de sa commission tout en tendant au Gouvernement le moyen de sortir de cet imbroglio.
Si l'on peut reconnaître, en revanche, un effet à cette proposition de loi, dès lors qu'elle serait adoptée, ce serait la force d'une injonction au Gouvernement de la République d'agir, notamment dans les instances internationales, en conformité avec les principes énoncés par les auteurs de la proposition de loi. Or j'affirme que le Parlement n'a pas, aux termes de la Constitution, la possibilité d'adresser des injonctions au Gouvernement, y compris et surtout dans le domaine diplomatique.
La Constitution définit les compétences de chaque organe. Dans le domaine diplomatique, elle confère au Parlement le pouvoir d'autoriser la ratification des traités internationaux, non celui de les négocier ni celui de fixer des limites à l'exécutif pour la négociation de ceux-ci. Il s'agit d'une prérogative exclusive du Président de la République.
Quand le Parlement a souhaité intervenir a priori, il l'a fait en modifiant la Constitution et en y introduisant une dérogation explicite au principe, comme avec l'article 88-4 dans le domaine des compétences de l'Union européenne. Encore cet article précise-t-il qu'il s'agit des « propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative » et encore se contente-t-il d'accorder aux assemblées parlementaires un pouvoir de donner des avis, sous forme de résolutions et non sous forme législative.
Cette incompétence du Parlement pour agir a priori a un sens comme prérogative conférée à l'exécutif en matière diplomatique. La polysynodie n'est pas adaptée à l'action diplomatique. Le Parlement est saisi a posteriori , il ratifie les traités, et le Gouvernement est responsable devant l'Assemblée nationale. Il contrôle, mais n'agit pas directement. Il ne délivre pas de mandat au Gouvernement.
Ayons garde, au détour du vote de cette proposition de loi, de ne pas créer un précédent, la source d'une coutume constitutionnelle, qui, en d'autres temps et sur d'autres sujets, conduirait à paralyser l'action diplomatique du Président de la République et du Gouvernement. Il s'agit ici d'une question de principe.
J'affirme donc, en l'absence de dispositions constitutionnelles explicites, l'incompétence du Parlement à statuer par voie législative en cette matière.
Monsieur le ministre, je m'étonne que le Premier ministre n'ait pas, dès le passage à l'Assemblée nationale, soulevé l'irrecevabilité constitutionnelle de ce texte. Je rappelle qu'en application de l'article 41 de la Constitution « s'il apparaît au cours de la procédure législative » - l'article ne dit pas au moment de son inscription à l'ordre du jour, il signifie à tout moment de la procédure - « qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi (...), le Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité ». Il n'est pas trop tard pour le faire ! (M. Marcel Charmant s'exclame.) Je suis persuadé, d'ailleurs, que le Conseil constitutionnel pourrait utilement apprécier ce différend.
Je vous propose, mes chers collègues, de faire preuve de rigueur, de respecter les compétences de chaque organe telles qu'elles ont été définies par la Constitution, et de voter la présente motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. C'est le moins que je puisse vous demander. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gaudin, contre la motion.
M. Jean-Claude Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous venez d'entendre les arguments avancés par notre collègue Jacques-Richard Delong, qui a souhaité défendre devant vous une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. C'est son droit !
Si je souhaite prendre la parole ce matin contre cette motion de procédure, c'est que je ne suis pas convaincu par les arguments qu'il vient de vous présenter. Je les combats et je ne me contente pas de vous le dire, je vais essayer de vous le démontrer.
Une proposition de loi vous a été présentée par notre éminent collègue Jacques Pelletier qui, en sa qualité d'ancien médiateur de la République, est un homme qui a profondément le sens du consensus et il saura, je l'espère, nous le faire partager.
Cette proposition de loi est consensuelle dans la mesure où des sénateurs de chaque groupe politique de notre assemblée ont accepté de la cosigner. Ce cas est suffisamment rare pour que je me permette de le souligner solennellement à cette tribune. (Marques d'approbation sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ce texte ne vise en aucune manière, j'insiste sur ce point, à rendre le gouvernement turc actuel responsable des atrocités perpétrées en 1915. Loin de nous cette idée, et je tiens à le dire à notre collègue M. Delong.
Il ne s'agit nullement pour nous de nous substituer à la Turquie dans la gestion de son histoire. Il s'agit d'un acte du Parlement français, qui s'honorerait de cettre reconnaissance pour et devant l'histoire. En effet, même si cette proposition de loi commune n'est juridiquement pas la même que celle qui a été votée en mai 1998 à l'Assemblée nationale, elle l'est sur le fond : les termes en sont rigoureusement les mêmes, l'article unique étant rédigé de façon strictement identique.
Si le Sénat reconnaît officiellement aujourd'hui le génocide arménien de 1915, comme l'ont fait les députés au Palais-Bourbon, voilà deux ans, le Parlement français aura, dans son ensemble et sur le fond, reconnu ce premier génocide du xxe siècle.
Cependant, je le répète, cette démarche n'a nullement pour objet d'opposer notre pays à la Turquie.
Certains nous diront que le moment est mal choisi. Depuis plusieurs années, le discours est toujours le même.
La situation au Proche-Orient est explosive. Effectivement, elle l'est, parfois même très gravement, mais, hélas ! elle l'est très souvent. Pouvons-nous vraiment en prendre prétexte pour refuser la reconnaissance légitime d'un massacre dont la vérité historique est avérée ?
D'autres nous diront que les intérêts économiques de notre pays passent par des marchés très importants avec la Turquie. Mais n'est-il pas quelque peu immoral d'avancer cet argument lorsqu'on traite d'un sujet aussi grave que la reconnaissance d'un génocide et de centaines de milliers de morts ?
D'autres encore diront - on l'a entendu à cette tribune - que la loi n'a pas à qualifier l'histoire. Cela a été un argument supplémentaire lorque j'avais demandé, lors de la précédente session, l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi portant reconnaissance du génocide arménien de 1915. Pourtant, mes chers collègues, le Sénat a eu l'occasion, et plusieurs fois dans cet hémicycle, de qualifier l'histoire, en nommant les Justes de l'Etat d'Israël notamment, il n'y a pas si longtemps, ou au sujet de la guerre d'Algérie. Alors, est-ce encore un nouveau prétexte ? Il me semble bien que oui, malheureusement.
D'autres enfin diront, comme certains orateurs l'ont souligné, que la Chambre des représentants du Congrès des Etats-Unis s'apprêtait, voilà peu de temps, à voter le reconnaissance du génocide arménien et que, sous l'influence du président Bill Clinton, elle y a, provisoirement je l'espère, renoncé. Est-ce un exemple à suivre ? Permettez-moi, mes chers collègues, d'en douter fortement. L'indépendance nationale compte pour nous aussi, même si nous ne sommes pas issus du gaullisme. (Sourires.)
De multiples raisons et de nombreux arguments seront toujours avancés pour nous demander de renoncer, de nous taire, de taire la voix des représentants du peuple. Mais elle ne se taira jamais tant qu'elle n'aura pas donné satisfaction aux représentants des communautés arméniennes.
L'accumulation de l'ensemble de ces arguments, chaque fois différents au demeurant, que ce soit la situation au Kosovo ou encore dans le sud du Caucase, montre d'ailleurs qu'aucun d'entre eux n'est réellement valable ni vraiment justifiable au regard de ce qui s'est passé en 1915.
Peut-être ai-je fait preuve d'un peu de naïveté en demandant déjà, voilà vingt-deux ans, alors que j'étais jeune député, la reconnaissance du génocide arménien. Mais je suis de ceux qui ne mettront jamais en balance les intérêts économiques ou diplomatiques de notre pays avec la reconnaissance de tous ces morts. Bien sûr, nous savons - certains de mes collègues l'ont souligné avec beaucoup d'émotion - que d'autres génocides ont été perpétrés à travers l'histoire. Celui de la Shoah me revient immédiatement en mémoire, mais d'autres ont également été commis à travers le monde, dans plusieurs pays, parfois même beaucoup plus récemment qu'en 1915.
M. Louis de Broissia. Il y en a encore aujourd'hui !
M. Jean-Claude Gaudin. Sans doute faudra-t-il les reconnaître aussi pour rétablir la vérité face à l'histoire...,
M. Louis de Broissia. Quand ?
M. Jean-Claude Gaudin. .. pour sensibiliser les générations futures aux désastres qui ont eu lieu dans le passé, afin que les mêmes événements ne puissent jamais se reproduire. Mais, aujourd'hui, monsieur de Broissia, nous parlons du génocide arménien. Ne mélangeons pas des événements aussi dramatiques et qui, me semble-t-il, méritent un traitement à part. (M. Dominique Braye s'exclame.)
J'ai entendu que certains souhaitaient élargir notre débat de ce soir à des atrocités qui ont été perpétrées en d'autres lieux, en d'autres temps. Cela est tout à fait respectable et nous partageons tous cette analyse. Mais il ne faut pas aujourd'hui entrer dans ce débat. Consacrons-nous ce matin au peuple arménien et à lui seul. Il le mérite !
Je tiens à rappeler ici, d'ailleurs après plusieurs d'entre vous, mes chers collègues, que les communautés arméniennes de France se sont parfaitement intégrées à notre population. Beaucoup d'Arméniens sont des éléments moteurs, en politique, par exemple, après tout - c'est à nous d'en parler - ou encore dans l'économie ou la culture, où ils se sont particulièrement illustrés.
Vous avez bien voulu en citer plusieurs, notamment le célèbre et talentueux metteur en scène de cinéma, Henri Verneuil. Tous demandent, avec insistance et depuis toujours, la reconnaissance par la France du drame dont leurs ancêtres ont été victimes.
Je vous le dis sincèrement, mes chers collègues, et je vous le dis peut-être aussi un peu solennellement : le moment est venu.
Le moment est venu pour notre assemblée de reconnaître officiellement ce génocide, après avoir affiché de nombreuses réticences, infondées à mes yeux, car la Turquie elle-même s'honorerait d'accepter le principe de notre démarche.
Si la Turquie veut, à terme, intégrer l'Union européenne, et nous savons tous qu'elle souhaite nous rejoindre, elle doit être en mesure d'assumer pleinement son passé. Elle doit prendre exemple sur l'Allemagne, qui a immédiatement reconnu sa responsabilité dans l'Holocauste.
Ce n'est nullement une honte ni une humiliation pour une nation que de reconnaître une telle responsabilité : c'est un devoir de mémoire envers l'histoire.
Par respect pour le peuple arménien, je crois foncièrement que la Turquie doit, une fois pour toutes, abandonner les thèses négationnistes.
Si elle veut jouer pleinement son rôle à l'avenir au sein de l'Europe, il faut qu'elle accepte sa propre histoire, même une histoire cruelle et douloureuse à assumer.
La Haute Assemblée est attachée à la Déclaration des droits de l'homme, elle l'a montré à de nombreuses reprises. Elle est attachée aux valeurs de liberté et a condamné de tout temps les thèses idéologiques, d'où qu'elles viennent, qui ont abouti à ces drames sanglants pour l'humanité que vous avez rappelés précédemment, chers collègues de Broissia et Huriet.
Aujourd'hui, elle doit poursuivre dans cette voie et accepter de discuter sur le fond la proposition de loi qui a été signée par un membre de chaque groupe politique du Sénat.
Les Nations unies, à travers le rapport Whitaker et par le biais de la commission des droits de l'homme, ont reconnu ce génocide en 1985. Le Parlement européen, sous la forme d'une résolution conditionnelle, a, lui aussi, deux ans après, reconnu ce génocide.
En 1998, ce fut le tour de l'Assemblée nationale, où tous nos amis, les nôtres, puis nos adversaires ont, à l'unanimité, exprimé le même vote.
Aujourd'hui, à nous de compléter cette reconnaissance par un vote favorable du Sénat qui, même si notre proposition de loi, cher président Girod, ne devient pas, juridiquement parlant, une loi de la République ce matin, permettrait de dire que les deux chambres du Parlement français ont, chacune, reconnu le génocide arménien de 1915.
Faire en sorte que la date du 8 novembre 2000 soit une date historique pour la communauté arménienne : voilà notre objectif.
C'est pour toutes ces raisons que je pense non pas qu'il faille adopter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité que notre éminent collègue, M. Delong, nous a proposée, mais au contraire qu'il faut la repousser.
Pour ma part, je m'inspirerai largement de la déclaration très modérée de notre collègue M. Pelletier par laquelle il a exprimé, en fait, le sentiment de la quasi-totalité d'entre nous, reconnaissons-le, en faveur de la reconnaissance de ce génocide prouvé historiquement. C'est l'histoire ! Et il faudrait aussi que le Parlement le dise, que le Sénat le dise.
Je suis convaincu que le Sénat de la République va s'honorer ce matin en votant justement la proposition de notre collègue M. Pelletier. (Applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, la parole peut être accordée pour explication de vote pour une durée n'excédant pas cinq minutes à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel étonnement et quelle stupeur d'entendre ce matin s'opposer à la demande de discussion immédiate, puis défendre une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité pour éviter la reconnaissance du génocide perpétré en 1915 contre le peuple arménien.
M. Alain Dufaut. Elle n'a rien compris !
M. Jacques-Richard Delong. Vous n'avez rien compris et vous mentez, madame !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette motion apparaît en totale contradiction avec l'unanimité qui s'est exprimée à l'Assemblée nationale, où tous les groupes, sans exception, ont voté la proposition de loi. Votre motion apparaît en négation de l'histoire qui a vu 1,5 million d'Arméniens assassinés parce que précisément Arméniens. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. C'est faux ! Arrêtez de mentir !
M. Jacques-Richard Delong. Mensonge !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Etonnante oui, parce que j'étais présente lorsque, le 27 avril dernier, ici, au Sénat, au cours d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement, M. Adrien Gouteyron, s'exprimant au nom de son groupe, déclarait : « Les manifestations de la communauté arménienne de France doivent susciter sur l'ensemble de nos travées non seulement la compréhension mais également le respect. Ces 450 000 de nos compatriotes ont un vrai devoir de mémoire à remplir, devoir que nous devons assumer avec eux pour que ne sombre pas dans l'oubli le souvenir de ces événements tragiques. » Le Journal officiel précise même : « Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE ».
M. René-Pierre Signé. Intéressant !
M. Henri de Raincourt. Et la gauche ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Votre motion, monsieur Delong, est moralement condamnable, d'autres que moi l'ont dit tout à l'heure. Elle se fonde sur le refus de reconnaissance d'un fait historique ayant conduit au massacre - faut-il le répéter ? - de 1,5 million de personnes, laissant 600 000 survivants dont nombre d'entre eux ont rejoint notre pays et dont les descendants sont français.
M. Dominique Braye. Ils ne sont pas allés à Moscou, c'est sûr !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette motion est faite d'illusion et de perversité politique. Comment pourrait-on admettre que le refus de la reconnaissance du génocide arménien puisse valoriser l'Etat turc et lui permettre de rejoindre dans sa conception démocratique la Communauté européenne ? C'est la reconnaissance du génocide, liée à son devoir de mémoire, qui pourrait donner à l'Etat turc une autorité fondée sur des valeurs démocratiques.
M. Jacques-Richard Delong. Madame, ne parlez pas de démocratie, vous ne savez pas ce que c'est !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Si votre motion était adoptée, vous porteriez la responsabilité d'isoler la France dans le contexte international.
Faut-il rappeler que de nombreux Etats ont également reconnu ce génocide ?
M. Hilaire Flandre. La Russie ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je ne citerai que l'Italie et l'Uruguay dans la dernière période, rappelant que d'autres s'apprêtent à le faire.
M. Jacques-Richard Delong. Et le KGB ? (Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Si vous n'êtes pas contents, c'est pareil !
M. Hilaire Flandre. Et la Chine ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Si votre motion était votée, vous ne créeriez que des complications nouvelles contraires à un règlement du processus de réconciliation à l'oeuvre dans le Caucase du Sud.
Par votre motion, vous voulez accréditer l'idée que notre Constitution n'autoriserait pas le Parlement à qualifier l'histoire.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Hilaire Flandre. C'est un fait.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Dois-je vous le rappeler, si, effectivement, la vérité historique ne peut pas être déterminée par la loi, le Conseil constitutionnel a admis que les parlementaires s'étaient vu accorder une compétence de reconnaissance de l'histoire. L'argument d'irrecevabilité se fondant sur l'inconstitutionnalité apparaît sans fondement, d'autant plus que la Constitution de 1958 enrichie du préambule de celle de 1946 et de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, le permet.
L'article 34 de la Constitution habilite le Parlement à déterminer les principes fondamentaux de son intervention. Ce ne serait en tout cas pas la première fois, d'autres collègues l'ont dit avant moi, que le Sénat, comme l'Assemblée nationale, adopterait ce type de disposition législative à caractère historique. C'est le cas, par exemple, de la loi du 10 juillet 2000, instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France.
Fallait-il, au nom du principe que les auteurs de la motion tentent d'édicter, refuser une telle proposition de loi ? Peu ici, vous le savez, en sont persuadés.
Nous avons eu également un important débat sur l'abolition de l'esclavage, à l'occasion de son 150e anniversaire dans notre pays. Fallait-il également refuser une telle discussion ?
La reconnaissance d'un génocide exprime la primauté du principe de protection de la dignité humaine. Vous ne pouvez pas vous appuyer sur des obstacles juridiques. Votre motion est bien l'expression de considérations politiques.
Je crois pouvoir affirmer que le chef de l'Etat, même s'il ne juge pas souhaitable l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat, ne rejette cependant pas la possibilité d'une intervention législative en la matière. L'exécutif n'a nullement usé de ses moyens institutionnels pour sanctionner ou prévenir une immixtion législative dans sa « chasse gardée », M. le ministre nous l'a redit ce soir.
L'Assemblée nationale a estimé, dans un jugement pacifiste, que la reconnaissance du génocide était condition de paix dans cette région du monde. Votre motion ne vise-t-elle pas, en fait, objectivement, à calmer les menaces économiques proférées par l'Etat turc ?
Vous l'avez compris, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, et souhaite que le Sénat la rejette, répondant ainsi à l'attente des 400 000 Français d'origine arménienne qui espèrent en la vérité de l'histoire et en appellent au respect des valeurs de leur pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. M'exprimant au nom de mes collègues socialistes, je voudrais expliquer notre opposition à la motion d'irrecevabilité présentée par M. Jacques-Richard Delong, pour pouvoir, ensuite, voter la reconnaissance du génocide arménien.
Le 21 mars dernier, en présentant la demande de discussion immédiate de cette proposition de loi, j'exprimais l'émotion que je ressentais, l'émotion que nous étions nombreux à ressentir en pensant à nos compatriotes d'origine arménienne qui avaient l'espoir que nous allions enfin reconnaître le génocide de 1915.
Ce soir, j'exprime la même émotion. Nous avons franchi un pas en acceptant de discuter de cette proposition de loi. Il y a eu une réelle évolution. Des obstacles paraissent levés. L'espoir est plus grand. Nous devrions enfin aboutir et adopter ensemble ce texte.
Pourquoi la Haute Assemblée ne pourrait-elle pas faire ce qu'a fait l'Assemblée nationale, à l'unanimité ?
Sur une telle question, les clivages politiques n'ont pas de sens. Il s'agit d'un problème de conscience, et chacun d'entre nous connaît la vérité, la réalité historique. Nous avons tous été sensibles à l'action qui a été menée par nos compatriotes d'origine arménienne par leurs associations, par tous leurs amis et par les militants des droits de l'homme.
Sans haine, mais avec la force qui est celle de la vérité irrépressible, ils ont mené, ils mènent encore un très beau combat, celui de l'honneur et de la justice. Il fallait ce combat pour honorer le devoir de mémoire à l'égard des victimes du génocide.
Les deux arguments principaux qui ont été avancés pour ne pas reconnaître le génocide arménien paraissent bien faibles au regard de la responsabilité morale qui est la nôtre. D'abord, il n'appartiendrait pas à la loi de « qualifier » l'histoire. Mais le texte de la Constitution ne contient pas une telle interdiction. Et le 23 mars, le Sénat a adopté à l'unanimité une loi reconnaissant à l'esclavage et à la traite négrière la qualification de crime contre l'humanité. Il faudrait citer aussi la loi Gayssot, qui permet de lutter contre la négation des crimes commis par la barbarie nazie. On peut regretter que cette loi ne soit pas étendue au cas arménien, comme aux autres génocides,...
Un sénateur du RPR. Au cas soviétique !
M. Gilbert Chabroux. ... comme aux autres crimes contre l'humanité. En tout cas, la reconnaissance d'un génocide constitue une réponse au phénomène négationniste.
Quant à l'argument selon lequel débattre du génocide arménien ne servirait qu'à raviver les haines et à contrarier le processus de réconciliation dans les Etats du Caucase du Sud, nous savons tous que c'est le contraire qui est vrai. C'est la reconnaissance du génocide qui permettra de mettre en oeuvre un véritable processus de paix.
Je voudrais reprendre les propos que tenait, ici, à cette tribune, M. Jean-Jack Queyranne, à l'occasion de l'adoption de la loi sur l'esclavage : « il n'y a pas de possibilité de construire un avenir avec les peuples qui ont été opprimés, détruits dans leur chair et dans leur culture si on ne se résout pas à assumer l'histoire. Il n'y a pas de justice ni de paix sans vérité. »
Il est très vraisemblable que nous n'aurions pas à voter le texte qui nous est soumis et à reconnaître l'histoire si les responsables du génocide arménien ou leurs descendants avaient fait oeuvre de reconnaissance au lieu de s'enfermer dans le silence ou la négation.
La reconnaissance du génocide arménien doit s'accompagner de la dénonciation du gouvernement turc de l'époque, comme nous le faisons pour la responsabilité de l'Allemagne nazie dans la Shoah. Ce n'est pas faire preuve d'ostracisme envers le peuple turc, dont il convient, au contraire, d'aider le cheminement vers un Etat pleinement démocratique. La démocratie ne peut s'accommoder de la négation du passé. Et puisque la France assure la présidence de l'Union européenne, nous devons dire à la Turquie que l'Europe est avant tout un système de valeurs qui l'emporte sur les rapports de forces et que, pour en faire partie, il faut assumer son histoire.
Mes chers collègues, le XXe siècle s'achève. Nous allons en dresser le bilan. Il est, pour une large part, horrible : deux guerres mondiales, les abominations auxquelles ont conduit le racisme et le fascisme,...
M. Henri de Raincourt. Et le communisme !
M. Dominique Braye. Le communisme, ce sont plus de 80 millions de morts !
M. Gilbert Chabroux. ... des génocides, le premier d'entre eux ayant été le génocide arménien qui précédait de vingt-cinq ans celui du peuple juif, la Shoah, et combien d'autres ensuite, vous l'avez dit. Il est juste temps, avant d'aborder un nouveau siècle, de savoir reconnaître ces atrocités pour ce qu'elles ont été. La reconnaissance du génocide des Arméniens a valeur de prévention. Le chemin sera encore long pour construire un monde qui devrait être celui de la paix, de la solidarité et de la fraternité.
Mais, cette date du 8 novembre 2000, au Sénat, restera, ainsi que l'a dit M. Jean-Claude Gaudin une étape importante. D'abord, il nous faut rejeter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. Ensuite, c'est avec une grande émotion et beaucoup d'espoir que mes collègues du groupe socialiste et moi-même voterons la proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 14:

Nombre de votants 234
Nombre de suffrages exprimés 229
Majorité absolue des suffrages 115
Pour l'adoption 58
Contre 171

Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur quelques travées de l'Union centriste. - Mme Nelly Olin applaudit également.)
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. »

Par amendement n° 1 rectifié ter , MM. Huriet, de Broissia, Autain, Badré, Darcos, Esneu, Haenel, Herment, Lauret, Lanier, Mathieu, Poirier et Vasselle proposent de compléter in fine cet article par les mots : « ainsi que les génocides intervenus depuis lors ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 4, présenté par MM. Braye, Vial, Martin, César, Gélard, Flandre et Lassourd, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 1 rectifié ter pour compléter cet article, après les mots : « ainsi que », à insérer les mots : « tous ».
La parole est à M. Huriet, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié ter .
M. Claude Huriet. Je souligne la diversité des cosignataires de cet amendement : elle reflète le souci de consensus qui s'est exprimé à travers les cosignatures de la proposition de loi de notre collègue M. Jacques Pelletier.
Je souligne aussi la simplicité de la rédaction et la clarté de l'objet. Finalement, mes chers collègues, cet amendement vise à mettre en conformité le texte que nous allons adopter dans un instant avec la plupart des déclarations que nous avons entendues au cours de cette nuit.
En effet, plusieurs d'entre vous ont fait référence au premier génocide du xxe siècle, que nous avons à reconnaître à travers cette proposition de loi, mais la plupart d'entre vous ont assorti cette constatation d'une remarque selon laquelle le premier des génocides du xxe siècle a été, hélas ! suivi d'autres génocides, que personne, à l'heure actuelle, ne peut contester. Aussi nous paraît-il légitime d'assortir les considérations concernant le génocide du peuple arménien de l'hommage et de la reconnaissance que nous devons aux victimes d'autres génocides qui se sont perpétrés au cours du xxe siècle.
Tel est l'objet de cet amendement que nous espérons voir adopté. Monsieur Gaudin, votre argument selon lequel on pourrait traiter ultérieurement des autres génocides n'est pas valable. Vous avez dit - et cette formulation m'a fait un peu de peine - qu'il fallait nous concentrer aujourd'hui sur le drame subi voilà quatre-vingt-cinq ans par le peuple arménien car celui-ci le mérite. Permettez-moi de vous dire, mon cher collègue, que les autres peuples qui ont été victimes au cours des dernières années de génocides aussi affreux méritent aussi notre attention et notre respect. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'Union centriste et du groupe du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Braye, pour défendre le sous-amendement n° 4.
M. Dominique Braye. La nuit que nous vivons aujourd'hui est particulièrement importante et solennelle et en appelle à la conscience de chacun d'entre nous. Notre présence d'ailleurs, aussi nombreuse dans l'hémicycle à une heure aussi tardive, le prouve à l'évidence. Le sous-amendement que je vous présente a simplement pour objet d'ajouter le mot « tous » afin que l'amendement n° 1 rectifié ter vise bien à la reconnaissance de tous les génocides perpétrés depuis le génocide arménien au cours du xxe siècle.
Pourquoi cette précision ? Parce qu'il me semble impossible de choisir de reconnaître, et donc, implicitement, de condamner spécifiquement, un génocide plutôt que d'autres. L'horreur ne se divise pas, pas plus qu'elle ne se hiérarchise.
Notre indignation et notre réprobation, mes chers collègues, ne sauraient donc en aucun cas être sélectives.
Je fais partie de ceux de mes collègues, très nombreux, qui n'étaient pas favorables à l'inscription à l'ordre du jour de nos travaux de cette proposition de loi. Il est évident que la reconnaissance du génocide arménien de 1915 ne relève pas de notre compétence. Ce n'est pas le rôle du Parlement français que de voter des lois visant à commenter des drames historiques survenus dans des pays étrangers (Exclamations sur les travées socialistes.) ...
M. René-Pierre Signé. Déjà dit !
M. Dominique Braye. ... et n'impliquant en aucune façon la responsabilité de la France. De même, nous savons que ce texte est anticonstitutionnel. C'est bien pourquoi j'ai voté la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, présentée par notre collègue M. Jacques-Richard Delong. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Cela ne veut évidemment pas dire, mes chers collègues, et ce serait malhonnête de le prétendre, que je nie la réalité des souffrances endurées par le peuple arménien lors du génocide de 1915.
Mme Hélène Luc. Alors, votez la proposition de loi !
M. Dominique Braye. Dans notre assemblée, personne ne conteste les faits, plusieurs orateurs l'ont dit aujourd'hui à la tribune. La vague d'immigration arménienne que nous avons connue en France à cette époque, comme d'autres pays, est évidemment consécutive à l'exode massif des Arméniens qui ont fui les persécutions dont ils faisaient l'objet sur leur terre natale.
M. René-Pierre Signé. On l'a déjà dit !
M. Dominique Braye. Mais je persiste à penser que c'est le rôle des Arméniens eux-mêmes d'entretenir la mémoire de ce génocide, que c'est aussi le rôle des historiens de relater cette sombre page de l'histoire et que c'est également le rôle des Nations unies de condamner ce type de crime.
En effet, une fois encore, pourquoi le Parlement français devrait-il légiférer pour reconnaître les génocides de l'histoire du monde entier ?
Cela étant, le processus étant engagé, nous devons maintenant adopter une position pragmatique et de bon sens. Puisque cette proposition de loi est désormais en discussion et puisqu'elle a des chances d'être adoptée, alors que notre position soit équitable, cohérente, raisonnable et, surtout, respectueuse de la condition humaine !
Après la reconnaissance du génocide arménien, allons-nous ensuite reconnaître successivement un par un - comme nous le proposait d'ailleurs notre collègue M. Gaudin - chacun des terribles génocides du xxe siècle commis sur tous les continents, sous chacun des types de dictature possible et imaginable, à l'encontre de tous les groupes humains persécutés, qu'ils soient des nations, des peuples, des ethnies, des minorités raciales ou religieuses ? Ce serait bien évidemment impossible et utopique.
Puisque la Haute Assemblée souhaite reconnaître le génocide arménien, il est impossible de ne pas reconnaître alors tous les génocides perpétrés depuis 1915.
Je n'imagine d'ailleurs pas qu'un seul Arménien puisse nous reprocher de nous préoccuper de tous les génocides du xxe siècle. (Exclamations sur les travées socialistes.) Comme je le disais précédemment, l'horreur ne se divise pas mes chers collègues (M. Signé s'exclame), et toutes les victimes de ces crimes ont subi des actes de barbarie similaires.
En effet, si l'extermination des Juifs et des Tziganes par les nazis, des Tibétains par les Chinois, des Cambodgiens par les Khmers rouges ou des Tutsis par les Hutus sont des cas ô combien dramatiques et horribles, nous ne devons pas oublier que d'autres génocides monstrueux ont été commis contre d'autres groupes humains, au nom de différentes idéologies dévoyées ou de fanatismes aveugles.
Comment oublier, par exemple, qu'au nom de l'idéologie, 80 millions d'êtres humains ont péri en Union soviétique...
M. René-Pierre Signé. Cela fait bien cinq minutes qu'il parle !
Mme Hélène Luc. Effectivement !
M. Dominique Braye. ... et 40 millions en Chine ?
M. le président. Monsieur Braye, je vous prie de bien vouloir conclure !
M. Marcel Charmant. Cela fait plus de cinq minutes qu'il parle !
M. Dominique Braye. Je conclus, monsieur le président.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter mon sous-amendement afin que nous stigmatisions tous les génocides de ce siècle ô combien chargé d'horreurs et d'exterminations.
Je sais que ceux d'entre nous qui ont souhaité voir la Haute Assemblée reconnaître le génocide arménien de 1915 sont animés par une grande générosité et une grande compassion envers les survivants et les enfants des survivants de ce drame terrible, et je les comprends parfaitement.
Mais, je vous le demande solennellement, mes chers collègues : en toute conscience, devons-nous reconnaître officiellement ce génocide (M. Signé s'exclame) tout en passant sous silence tous les autres ?
M. Robert Bret. Il recommence son discours !
M. Dominique Braye. Si nous agissons de la sorte, nous insulterons la mémoire des centaines de millions de victimes des autres génocides et la souffrance de leur descendance. (Vives protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Braye !
M. Dominique Braye. Si nous reconnaissons tant le génocide arménien que tous les autres génocides, mes chers collègues, nous grandirons l'image de notre assemblée ; mais si nous ne reconnaissons que le génocide arménien, nous la ternirons de façon durable. Voilà pourquoi je vous demande de voter mon sous-amendement. (Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 1 rectifié ter et sur le sous-amendement n° 4 ?
M. Xavier de Villepin, président de la commission. Le sous-amendement n° 4 comme l'amendement n° 1 rectifié ter , auquel il se rapporte, obéissent, c'est vrai, à la même logique que celle qui anime les auteurs de la proposition de loi en discussion.
Cela étant, et quelle que soit l'importance, que nul ne nie ici, des tragédies humaines évoquées par l'amendement, je crois que l'on doit leur appliquer le même raisonnement juridique que celui que j'ai tenu tout à l'heure sur la proposition de loi elle-même : cela ne relève en aucun cas de la définition de la loi, telle que l'exprime la Constitution.
Je demande donc à mes collègues et amis signataires de l'amendement et du sous-amendement de bien vouloir m'en excuser, mais, en ce qui me concerne et en toute logique avec ce que j'ai exposé précédemment, je ne pourrai voter ni l'amendement ni le sous-amendement.
M. René-Pierre Signé. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement et sur le sous-amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 4.
M. Gérard Collomb. Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Collomb.
M. Gérard Collomb. Notre collègue M. Braye a bien fait de prendre la parole sur son sous-amendement, car cela montre ce qui risquerait de se produire si nous votions l'amendement.
En effet, M. Braye a eu l'honnêteté de nous expliquer sa position : il est contre la reconnaissance du génocide arménien. Etant donné qu'il a été battu, il propose un amendement de diversion pour que, cette nuit, nous ne votions pas la reconnaissance du génocide arménien mais que nous diluions notre vote dans une espèce de non-dit.
M. Dominique Braye. C'est un raisonnement fallacieux et malhonnête !
M. Hilaire Flandre. C'est honteux !
M. Gérard Collomb. En fait, il n'y aurait plus aucun sens au vote de cette nuit. C'est pourquoi je me prononcerai contre le sous-amendement et contre l'amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes.) M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je pense que nous sommes à un moment tout à fait décisif. (Murmures sur les travées socialistes.)
Un certain nombre d'entre nous ont été sensibles aux arguments juridiques, lesquels me paraissent encore tout à fait fondés. Mais l'affaire est maintenant close puisque le Sénat ne nous a pas suivis à cet égard. Nous sommes donc sur le terrain non plus du droit - je m'en excuse auprès de M. le président de la commission des affaires étrangères - mais de la morale et de l'histoire ! Le Sénat a désiré s'inscrire dans l'histoire et, à partir du moment où il a pris cette décision, il n'y pas de raison de se limiter à un génocide et de ne pas parler des autres.
Je ne comprends vraiment pas qu'on parle de diversion quand il s'agit de reconnaître des événements considérables qui ont souillé l'humanité pendant ce siècle. C'est la même chose ! Pour ma part, je suis tout à fait prêt maintenant à voter la reconnaissance du génocide arménien à condition que les autres génocides, tels qu'ils ont été énumérés dans l'amendement de M. de Broissia, soient également reconnus, et je ne comprendrais pas que tous nos collègues qui ont avancé des arguments aussi émouvants pendant toute cette soirée renoncent tout d'un coup à leur mission civilisatrice et historique pour ne plus parler que d'une seule question. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo. C'est inacceptable !
M. Yann Gaillard. Je vous assure que je suis franchement indigné par cette affaire !
Puisque le Sénat considère que les arguments juridiques ne sont pas fondés et que nous avons été battus, je suis prêt à voter maintenant la reconnaissance du génocide arménien ; mais pas seulement celui-là, les autres aussi ! C'est pourquoi je voterai l'amendement n° 1 rectifié ter et le sous-amendement n° 4.
Un sénateur du RPR. Très bien !
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. J'ai entendu avec beaucoup d'intérêt les propos de notre collègue M. Collomb. Il ne me fera pas le reproche qu'il adressait au sous-amendement, car j'ai dit clairement dans mon intervention - et j'ai l'habitude d'aller au bout de ma logique - que je soutenais la reconnaissance du génocide arménien, de son horreur, et que je pensais que nous commettrions un oubli dramatique qui entacherait, à mon sens, la solidité de l'argumentation du Sénat en ne profitant pas de l'occasion pour reconnaître que, derrière le génocide arménien, un grand nombre d'autres génocides se sont déroulés au cours du xxe siècle. Cela a été reconnu par les Nations unies et l'annuaire du génocide existe.
L'occasion nous est donnée de le reconnaître à notre tour, au travers d'un amendement dont nous avons mesuré, avec Claude Huriet, le caractère diplomatique. Ne voulant pas engager la France dans des conflits internationaux - car nous avons aussi le sentiment de notre responsabilité dans le monde -, nous avons écarté volontairement, dans le texte de notre amendement, les génocides perpétrés pourtant aujourd'hui - nous le savons, c'est patent, c'est prouvé - à l'encontre des Tibétains, des Tutsis, préférant, sans les mentionner, dire que d'autres génocides ont eu lieu au cours du xxe siècle.
Cet amendement constitue simplement la confirmation du vote que le Sénat vient d'émettre. Il ne faut pas dire que l'on a été pour ou contre : le Sénat a voté la reconnaissance du génocide arménien, et c'est une bonne chose. Je m'en réjouis, et je pense que, si nous voulons aujourd'hui, nous, sénateurs, par rapport à une discussion qui a pris beaucoup de temps comparativement à l'Assemblée nationale et que nous avons donc eu vocation à enrichir, tenir compte de la fin de ce siècle au cours duquel nous allons nous prononcer, nous avons l'occasion historique de reconnaître, avec beaucoup d'humilité, que le xxe siècle a été un siècle de génocides.
Mme Nicole Borvo. Il ne s'agit pas de cela !
M. Louis de Broissia. Derrière le génocide arménien, il y a eu beaucoup d'autres génocides. Nous sous-entendons que nous nous battrons, au cours du xxie siècle, pour qu'il n'y en ait plus.
Mme Nicole Borvo. Il ne s'agit pas de cela !
M. Louis de Broissia. Je pense que l'amendement n° 1 rectifié ter que j'ai déposé avec Claude Huriet répond à cette mission du Sénat.
Mme Nicole Borvo. Il ne s'agit pas de cela !
M. Louis de Broissia. L'occasion nous est présentée.
M. René-Pierre Signé. C'est complètement défiguré !
M. Louis de Broissia. Je peux vous dire que je le voterai, et je souhaite que ceux qui ne le voteront pas n'aient pas honte, un jour, d'avoir agi ainsi.
M. René-Pierre Signé. C'est complètement défiguré !
M. Philippe Adnot. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Etant favorable à la reconnaissance du génocide arménien, je voterai l'amendement et le sous-amendement.
M. René-Pierre Signé. Il n'a pas compris !
Mme Nicole Borvo. Cela n'a rien à voir !
M. Philippe Adnot. En effet, je souhaite que nous soyons à la fois pour cette reconnaissance du génocide arménien et contre tous les génocides passés, présents et, malheureusement, peut-être, à venir. Je pense que, pour terminer cette nuit, nous devrions nous prononcer unanimement contre tous les génocides. (Applaudissements sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. Nous sommes contre les génocides ! Il ne s'agit pas de cela ! Cela n'a rien à voir !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 4, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié ter , repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 2 rectifié bis , MM. Huriet, de Broissia, Autain, Badré, Darcos, Esneu, Haenel, Herment, Lauret, Lanier, Mathieu, Poirier et Vasselle proposent de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi :
« Proposition de loi relative à la reconnaissance de génocides, survenus au xxe siècle. ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 5, présenté par MM. Braye, Vial, Martin, César, Gélard, Flandre et Lassourd, tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 2 pour l'intitulé de la proposition de loi, après les mots : « reconnaissance de », à insérer les mots : « tous les ».
Cet amendement et ce sous-amendement n'ont plus d'objet.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Luc pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la vie d'un Parlement, il est des décisions qui s'inscrivent à jamais dans l'histoire des sociétés.
M. Dominique Braye. Oui ! Il faut condamner tous les génocides !
Mme Hélène Luc. Aujourd'hui, le Sénat, deux ans et demi après l'Assemblée nationale,...
M. Dominique Braye. Vous faites de la morale, mais il y a eu 80 millions de morts en URSS !
M. Hilaire Flandre. C'est une honte !
M. le président. Laissez parler Mme Luc !
Mme Hélène Luc. ... le Sénat, disais-je, va donc à son tour consacrer par son vote un acte majeur de mémoire et de vérité.
M. Dominique Braye. Allons donc !
Mme Hélène Luc. Nous avons en effet le pouvoir, au nom des citoyens français que nous représentons, de faire de notre pays l'un de ceux qui met solennellement et institutionnellement un terme à plus de 85 années d'occultation...
M. Patrick Lassourd. Il y a eu 80 millions de morts en URSS !
Mme Hélène Luc. ... et de négation d'un événement parmi les plus tragiques de l'histoire du xxe siècle.
La nuit du 24 avril 1915 a marqué le début d'une vaste opération d'extermination du peuple arménien.
M. Dominique Braye. Et l'extermination rouge ?
Mme Hélène Luc. Quatre-vingt-cinq ans ont taraudé les générations successives et taraudent toujours et toujours les membres des familles de la communauté arménienne meurtrie et entravée dans son travail d'élucidation, de reconnaissance, de deuil et de justice, meurtrie et entravée dans la nécessaire construction de son histoire et de son identité personnelle, familiale et nationale.
Nous sommes nombreux, j'en suis convaincue, au-delà des contradictions et des blocages qui ont jalonné ces deux dernières années d'organisation du débat au Sénat, à avoir été impressionnés par l'intensité de la souffrance qui perdure dans l'intimité de la mémoire de chacun des citoyens arméniens vivant sur notre sol.
Ce sol où, ne l'oublions pas, des Français d'origine arménienne à qui nous devons tant, célèbres comme Missak Manouchian, l'un des héros de L'Affiche rouge , ou d'autres moins connus que lui, versèrent leur sang pour faire vivre la France et les valeurs d'universalité, d'humanisme et de liberté, ce sol où les Arméniens sont nombreux à contribuer aux richesses de la France dans les domaines artistique, médical, artisanal ou parmi les ouvriers qualifiés.
A travers le mouvement puissant et acharné de leurs associations représentatives, à travers les témoignages émouvants et empreints d'une grande dignité qu'ils nous ont adressés, les membres de la communauté arménienne ont su porter la juste cause et l'indispensable revendication de la reconnaissance officielle du génocide de 1915.
Ils ont su nous rappeler que le devoir de mémoire et de vérité, pour un grand pays comme le nôtre, loin d'affaiblir celui-ci, au contraire, le confortera dans la fidélité à ses valeurs, le renforcera dans son combat permanent pour la défense des droits de l'homme.
M. Hubert Falco. Allez ! C'est terminé !
Mme Hélène Luc. La France, dès lors qu'elle aura honoré l'histoire en initiant cet acte fort, n'en sera que mieux à même de jouer par la suite un rôle moteur dans la recherche de relations pacifiées et durables entre les peuples turc et arméniens.
M. Hubert Falco. Arrêtez-la !
Mme Hélène Luc. La communauté internationale saura alors, j'en suis persuadée, nous accorder toute sa considération pour l'attitude constructive que notre pays aura prise à l'égard de la tragédie de 1915.
Le débat de ce jour, à travers les interventions prononcées, à l'instar de celles de mes amis Robert Bret et Guy Fischer, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, a rappelé des faits historiques incontestables et le bien-fondé de la proposition de loi que nous allons voter.
Je ne veux retenir ce soir que les propos forts que nous avons entendus et qui ont pour moi, pour tous les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, une résonance particulière, comme c'est le cas, je n'en doute pas, pour ceux qui, sur plusieurs travées de cette assemblée, n'ont ménagé ni leurs efforts ni leur volonté d'aboutir pour convaincre, rassembler et rechercher un assentiment majoritaire.
M. le président. Madame la présidente, veuillez conclure. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole.
Mme Hélène Luc. Relayant le travail inlassable de Guy Ducoloné, député des Hauts-de-Seine, qui a déposé une proposition de loi en 1965, je me suis, en tant que présidente du groupe communiste républicain et citoyen et avec tous les sénateurs qui le composent, engagée aux côtés des Arméniens, avec notamment le comité du 24 avril et son président, M. Govcyan, et avec toutes les associations qui ont conduit une action persévérante et remarquable.
M. Hubert Falco. Monsieur le président, arrêtez-la !
M. le président. Madame Luc, je vous prie de conclure !
Mme Hélène Luc. J'ai en particulier en mémoire les puissantes manifestations du 11 mars, la marche du 24 avril à Alfortville, ainsi que la marche de Matignon au Sénat, le 18 juin dernier, où nous étions présents.
L'engagement pris d'aller jusqu'au bout pour obtenir cette reconnaissance a été tenu, malgré les pressions, malgré les manoeuvres de dernière minute. (Protestations sur certaines travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Hubert Falco. Même vos collègues n'en peuvent plus, arrêtez-vous !
Mme Hélène Luc. Je me suis employée, à l'occasion de onze conférences des présidents...
M. le président. Madame Luc, c'est terminé !
Mme Hélène Luc. ... à faire inscrire ce texte à l'ordre du jour de notre assemblée.
M. Hubert Falco. Monsieur le président, coupez-lui la parole ! C'est insupportable !
Mme Hélène Luc. Quelques minutes encore !
M. Hubert Falco. Non !
Mme Hélène Luc. Concluons dans la dignité !
M. le président. C'est à vous de conclure, madame !
M. Hubert Falco. Vous êtes ridicule, avec vos papiers à la main !
Mme Hélène Luc. Je souhaite qu'un jour la Turquie reconnaisse aussi ce génocide, et je voudrais saluer les Arméniens et leurs représentants qui sont présents dans nos tribunes. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Madame Luc, je vous remercie. C'est terminé !
M. Hubert Falco. On ne vous écoute plus !
Mme Hélène Luc. Une dernière chose : je veux appeler solennellement aujourd'hui les sénatrices et les sénateurs à voter cette proposition de loi, cosignée par cinq groupes politiques.
M. Hubert Falco. Vous allez nous faire regretter de l'avoir votée. Arrêtez-vous !
Mme Hélène Luc. Cette prise de position honorera le Sénat et démontrera le respect que nous avons de la souffrance des Arméniens. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je tiens à exprimer les raisons pour lesquelles, avec regret, je voterai contre cette proposition de loi.
Au-delà de la déception que peut éprouver tout auteur d'un amendement qui n'a pas été adopté, les conditions dans lesquelles ce vote est intervenu montrent à l'évidence que la recherche de consensus n'était pas, mes chers collègues, votre préoccupation essentielle...
M. Hubert Falco. Très bien !
M. Claude Huriet. ... et qu'en refusant de reconnaître les autres génocides vous avez introduit une sorte de sélection qui vous amène à constater qu'il y a des génocides qui sont acceptables pour la conscience universelle et d'autres qui ne le sont pas.
C'est contre cette analyse tout à fait sommaire et politicienne que je veux émettre un vote négatif.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu).
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 15:

Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 204
Majorité absolue des suffrages 103
Pour l'adoption 164
Contre 40

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur certaines travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

9

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION-DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du
2 novembre 2000, l'informant de l'adoption définitive de treize textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
E 934. - Proposition de directive du Conseil relative aux véhicules hors d'usage, adoptée le 18 septembre 2000 ;

E 1158. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès à l'activité des institutions de monnaie électronique et son exercice, ainsi que la surveillance prudentielle de ces institutions. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 77/780/CEE visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédits et son exercice, adoptée le 18 septembre 2000 ;
E 1191. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la détermination du redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, adoptée le 17 octobre 2000 ;
E 1284. - Proposition de décicison du Conseil relative au système des ressources propres de l'Union européenne, adoptée le 29 septembre 2000 ;
E 1291. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'amendement au protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adoptée le 17 octobre 2000 ;
E 1453. - Initiative de la République portugaise en vue de l'adoption d'une décision du Conseil portant création d'un secrétariat pour les autorités de contrôle communes chargées de la protection des données, instituées par la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol), la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et la convention d'application de l'accord de Schengen relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes : actes législatifs et autres instruments, adoptée le 17 octobre 2000 ;
E 1463 : annexe 2. - Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 2/2000, section 1 : Parlement ; section III : Conseil, adopté suite à l'arrêt définitif signé par le président du Parlement européen le 6 juillet 2000 ;
E 1495. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 384/96 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne, adoptée le 9 octobre 2000 ;
E 1530. - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la République tchèque, adoptée le 17 octobre 2000 ;
E 1533. - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyants, l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la République slovaque, adoptée le 17 octobre 2000 ;
E 1534. - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la Lettonie, adoptée le 17 octobre 2000 ;
E 1535. - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la Roumanie, adoptée le 17 octobre 2000 ;
E 1536. - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la République de Bulgarie, adoptée le 9 octobre 2000.

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DÉPOT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Jacques Baudot, Louis de Broissia, Auguste Cazalet, Marcel-Pierre Cléach, Hubert Durand-Chastel, Francis Giraud, Rémi Herment, Bernard Joly, Lucien Neuwirth et Michel Pelchat une proposition de loi relative à la décristallisation de la retraite du combattant des anciens combattants de l'ex-Union française.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 66, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil portant organisation des marchés dans le secteur du sucre.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1585 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période du 1er juillet 2000 au 30 juin 2003.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1586 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats
de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1587 et distribué.

12

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 64, 2000-2001) dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

13

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Joseph Ostermann et Gérard Braun un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la situation, la gestion et les rémunérations des personnels du ministère de l'emploi.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 65 et distribué.

14

DÉPÔT RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 31 OCTOBRE 2000

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 64, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre rectificative numéro 2 à l'avant-projet de budget pour 2001 - partie III - Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1584 et distribué.

15

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 8 novembre 2000, à quinze heures et le soir :
Discussion du projet de loi n° 11 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale.
Rapport n° 63 (2000-2001) de M. Joseph Ostermann, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Avis n° 61 (2000-2001), de M. Jean Chérioux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 64, 2000-2001).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 novembre 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 8 novembre 2000, à cinq heures vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 7 novembre 2000
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 8 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001) .
(Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
La conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale est expiré.)

Jeudi 9 novembre 2000 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne salariale (n° 11, 2000-2001).

Mardi 14 novembre 2000 :

A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 892 de Mme Janine Bardou à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Régime fiscal des micro-entreprises) ;

- n° 898 de M. Daniel Eckenspieller à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (TVA applicable au bois-énergie) ;

- n° 900 de M. Jean Besson à M. le secrétaire d'Etat au logement (Réforme de l'aide personnalisée au logement) ;

- n° 904 de M. Robert Laufoaulu à M. le ministre de l'éducation nationale (Enseignement des langues wallisienne et futunienne et place de Wallis-et-Futuna dans la nouvelle organisation de l'enseignement supérieur dans le Pacifique) ;

- n° 905 de M. Jean-Claude Carle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Réforme des aides à l'embauche de jeunes en contrat de qualification) ;

- n° 906 de M. Bernard Cazeau transmise à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Reconstitution de carrière des médecins sous contrat dans les centres hospitaliers publics) ;

- n° 910 de M. Bernard Piras transmise à M. le ministre de l'intérieur (Financement des réseaux de distribution d'eau potable) ;

- n° 911 de M. Philippe de Gaulle à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants (Fiscalité applicable aux retraites mutualistes des anciens combattants) ;

- n° 913 de M. Joseph Ostermann à M. le ministre de l'intérieur (Financement des services d'incendie et de secours) ;

- n° 914 de Mme Nicole Borvo à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Ventes de terrains par l'Assistance publique de Paris) ;

- n° 915 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Reconstitution des forêts dévastées par la tempête de 1999) ;

- n° 917 de Mme Hélène Luc à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Seuils de revenus donnant accès à la CMU) ;

- n° 918 de M. Jean-Marie Poirier à M. le ministre de l'intérieur (Contenu des conventions de coordination policière) ;

- n° 921 de M. Jean Huchon à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Fonctionnement des centres anticancéreux) ;

- n° 925 de M. Paul Girod à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Création d'un troisième aéroport) ;

- n° 931 de M. Lucien Lanier à M. le ministre de l'intérieur (Petite délinquance à Vincennes et à Saint-Mandé) ;

- n° 932 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Transport du bois abattu par les tempêtes de fin 1999) ;

- n° 941 de M. Gérard César à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés (Situation du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande).

Ordre du jour prioritaire

A 16 heures et le soir :
2° Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 64, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé :
- à l'ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 13 novembre 2000.)

Mercredi 15 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 64, 2000-2001).

Jeudi 16 novembre 2000 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 64, 2000-2001).
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.

Mardi 21 novembre 2000 :

Ordre du jour réservé

A 10 h 30 :
1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Bizet et plusieurs de ses collègues tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales (n° 455, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 20 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A 16 heures :
2° Question orale avec débat n° 27 de M. Jean-Jacques Hyest à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la suite des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 20 novembre 2000.)
3° Question orale européenne avec débat n° QE 11 de M. Hubert Haenel à M. le ministre de la défense sur l'état de la mise en place des instruments politiques et militaires nécessaires à la gestion des crises.
(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement.)
Le soir :
4° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et plusieurs de ses collègues tendant à harmoniser l'article 626 du code de procédure pénale avec les nouveaux articles 149 et suivants du même code (n° 474, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 20 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
5° Conclusions de la commission des affaires culturelles (n° 387, 1999-2000) sur la proposition de loi de M. Louis de Broissia modifiant la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse (n° 368, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 20 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mercredi 22 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française (n° 439, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 21 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats (n° 483, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 21 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale (urgence déclarée) (n° 20, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer au mardi 21 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- de limiter à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 21 novembre 2000.)
Jeudi 23 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
A 11 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2001 (AN, n° 2585).
(Voir ci-après les règles et le calendrier de la discussion budgétaire du jeudi 23 novembre 2000 au mardi 12 décembre 2000.)

*
* *

En outre :
Jeudi 30 novembre 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A 16 heures :
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 29 novembre 2000, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Jeudi 7 décembre 2000 :
A 15 heures :
Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Règles et calendrier de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (du jeudi 23 novembre 2000, à 11 heures, au mardi 12 décembre 2000)

Les modalités de discussion et la répartition des temps de parole sont fixées comme suit :
1° Délais limites pour le dépôt des amendements :
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
- le jeudi 23 novembre 2000, à 11 heures, pour les amendements aux articles de la première partie du projet de loi ;

- la veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;

- le vendredi 8 décembre 2000, à 16 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.

2° La répartition des temps de parole sera établie en fonction de la durée de chaque discussion telle que celle-ci a été évaluée par la commission des finances (le temps de discussion des crédits, articles rattachés et amendements faisant, le cas échéant, l'objet d'une estimation et s'imputant sur le temps de parole à répartir).
Les temps de parole dont disposeront les rapporteurs des commissions et les groupes, ainsi que, le cas échéant, le président des commissions saisies pour avis ou des délégations parlementaires, pour chacune des discussions prévues, sont fixés comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
- quinze minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures ;

- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;

- cinq minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes.

b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
- dix minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures, ce temps étant réduit à cinq minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;

- cinq minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures.

c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes sera réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il sera attribué un temps forfaitaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible sera au moins égal à une heure trente, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;

- lorsque le temps global disponible est inférieur à une heure trente, la répartition s'effectuera uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution ne pourra être inférieure à cinq minutes.

Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, seront communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis ou des délégations parlementaires s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Dans le cadre du temps global imparti à chaque groupe, aucune intervention ne devra dépasser dix minutes.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie, il sera attribué un temps de dix minutes à chaque groupe et un temps de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe sera de dix minutes et celui attribué à la réunion administrative sera de cinq minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures. Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de cinq minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de cinq minutes.
3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance :
- pour la discussion générale, le mercredi 22 novembre 2000, avant 17 heures ;

- pour les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.

En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.

*
* *

L'expérimentation d'une nouvelle formule de discussion

pour deux fascicules budgétaires

Pour la discussion de deux fascicules, Transports terrestres et Environnement, sera expérimentée une nouvelle procédure fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Les orateurs des groupes interviendront pour chaque question pendant cinq minutes maximum ; cette durée est fixée à trois minutes pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe. La réponse du Gouvernement sera limitée à trois minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
Le nombre des questions sera réparti en fonction du principe de la répartition proportionnelle des groupes politiques.

A N N E X E I

CALENDRIER DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2001
ADOPTÉ PAR LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS DU 7 NOVEMBRE 2000




DATE


DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

DURÉE PRÉVUE

Jeudi 23 novembre 2000
A 11 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir. Discussion générale 6 heures

Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie à 11 heures.

Vendredi 24 novembre 2000

A 15 heures. Examen des articles de la première partie. 5 heures

Nota. - La commission des finances se réunira à 9 h 30 pour l'examen des amendements aux articles de la première partie.

Lundi 27 novembre 2000

A 10 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 9 h 30

Mardi 28 novembre 2000
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 4 h 30
. A 16 heures : débat sur les recettes des collectivités locales (examen des articles 5, 26 , 26 bis, 26 ter et 27) 3 heures
. Examen des articles de la première partie (suite) 3 h 30

Mercredi 29 novembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir. Nota. - L'examen des crédits relatifs au ministère des affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 28.


Examen de l'article 28 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes Examen des articles de la première partie (suite et fin)



3 heures 8 heures
.
Eventuellement, seconde délibération sur la première partie.
Explications de vote sur l'ensemble de la première partie.
Scrutin public ordinaire de droit.

Jeudi 30 novembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

A 9 h 30 et à 15 heures : Outre-mer


4 heures

.
A 16 heures : CMP ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

.
Le soir : Anciens combattants (+ articles 51 à 53)
2 h 30

Vendredi 1er décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Equipement, transports et logement :
V. - Tourisme
I. - Services communs II. - Urbanisme et logement



1 h 30 3 heures
.
III. - Transports et sécurité routière (*) :
1. Transports
2. Sécurité routière 3. Routes


3 h 30
.
4. Transport aérien et météorologie Budget annexe de l'aviation civile
1 h 30
.
IV. - Mer :
- marine marchande - ports maritimes

1 h 30

Samedi 2 décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Jeunesse et sports 2 heures
.

Emploi et solidarité : III. - Ville

2 heures
.
Communication (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre : article 46 et lignes 40 et 41 de l'état E annexé à l'article 42).
. Culture 3 heures

Lundi 4 décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Emploi et solidarité : I. - Emploi (+ articles 57 à 60)

3 heures
. II. - Santé et solidarité (+ articles 54 à 56) 4 heures
.
Services du Premier ministre : I. - Services généraux
0 h 30
. II. - Secrétariat général de la défense nationale 0 h 15
. III. - Conseil économique et social 0 h 15
. IV. - Plan 0 h 30
. Budget annexe des Journaux officiels 0 h 10
. Fonction publique et réforme de l'Etat 1 h 30

Mardi 5 décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Aménagement du territoire et environnement : I. - Aménagement du territoire

2 heures
. II. - Environnement (*) 3 heures
. Affaires étrangères (et aide au développement) 5 heures

Mercredi 6 décembre 2000

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie.


Intérieur et décentralisation : Sécurité
2 h 30
. Décentralisation 2 h 30
.
Education nationale : I. - Enseignement scolaire
3 h 30
. II. - Enseignement supérieur 2 h 30

Jeudi 7 décembre 2000

A 9 h 30, à 16 heures et le soir. Nota. - Questions d'actualité au Gouvernement de 15 heures à 16 heures.

Agriculture et pêche (+ articles 49 et 50) 5 heures
. Budget annexe des prestations sociales agricoles 1 heure
. Défense 4 h 30
.
Exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 34).
Dépenses ordinaires (article 33).

Vendredi 8 décembre 2000

A 10 heures, à 15 heures et le soir. Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie à 16 heures.


Charges communes Comptes spéciaux du Trésor (+ articles 37 à 41)
1 h 30
. Budget annexe des Monnaies et médailles 0 h 10
.
Economie, finances et industrie : Services financiers (et consommation)
1 heure
. Industrie (et Poste) 3 heures
. Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat 2 heures
. Commerce extérieur 1 heure
. Recherche 2 heures

Samedi 9 décembre 2000

A 10 heures et à 15 heures.

Eventuellement, discussions reportées.

Lundi 11 décembre 2000

A 9 h 30. Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération 0 h 20
. Justice (+ article 61) 3 heures
A 16 heures et le soir. Articles de la deuxième partie non joints aux crédits 6 h 30

Nota. - La commission des finances se réunira à 14 heures pour examiner les amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie.

Mardi 12 décembre 2000

A 10 heures, à 15 heures et le soir.

Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
Eventuellement, seconde délibération.
Explications de vote.
Scrutin public à la tribune de droit.



(*) Procédure expérimentale de questions et de réponses suivies d'un droit de réplique des auteurs de questions.

A N N E X E I I

DATES PRÉVISIONNELLES DES SÉANCES MENSUELLES RÉSERVÉES ET DES SÉANCES DE QUESTIONS DE NOVEMBRE 2000 À JUIN 2001

Novembre 2000

Jeudi 9 novembre, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Mardi 14 novembre, matin : questions orales.
Jeudi 16 novembre, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Mardi 21 novembre : séance mensuelle réservée.

Décembre 2000

Jeudi 7 décembre, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Jeudi 14 décembre : séance mensuelle réservée.
Jeudi 14 décembre, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Mardi 19 décembre, matin : questions orales.

Janvier 2001

Jeudi 11 janvier, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Mardi 16 janvier, matin : questions orales.
Jeudi 18 janvier : séance mensuelle réservée.
Jeudi 25 janvier, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Mardi 30 janvier, matin : questions orales.

Février 2001

Jeudi 1er février, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Mardi 6 février, à 9 h 30 : questions orales.
Jeudi 8 février : séance mensuelle réservée.

Mars 2001

Mardi 27 mars, matin : questions orales.
Jeudi 29 mars : séance mensuelle réservée.
Jeudi 29 mars, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.

Avril 2001

Mardi 3 avril, matin : questions orales.
Jeudi 5 avril, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Jeudi 19 avril, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Mardi 24 avril, matin : questions orales.
Jeudi 26 avril : séance mensuelle réservée.

Mai 2001

Jeudi 10 mai, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Mardi 15 mai, matin : questions orales.
Jeudi 17 mai : séance mensuelle réservée.
Mardi 29 mai, matin : questions orales.
Jeudi 31 mai, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.

Juin 2001

Jeudi 7 juin, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.
Mardi 12 juin, matin : questions orales.
Jeudi 14 juin : séance mensuelle réservée.
Mardi 26 juin, matin : questions orales.
Jeudi 28 juin, à 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.

A N N E X E I I I

Questions orales inscrites à l'ordre du jour
du mardi 14 novembre 2000

N° 892. - Mme Janine Bardou interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le problème soulevé par l'aménagement du régime des micro-entreprises, opéré par l'instruction fiscale du 20 juillet 1999, supprimant le régime de forfait et relevant les seuils d'application du régime micro-entreprises et de la franchise de la TVA.
S'il semblait, en effet, nécessaire de circonscrire l'application du régime de la franchise en base de TVA dans le secteur du bâtiment à un nombre restreint d'entreprises, il convenait de ne pas alourdir pour autant les charges financières et administratives des autres entreprises du bâtiment.
Or l'instruction fiscale précitée énonce que la notion d'activité mixte s'applique notamment aux entrepreneurs du bâtiment qui fournissent non seulement la main-d'oeuvre, mais aussi les matériaux ou matières premières entrant à titre principal dans l'ouvrage. Ce texte précise ensuite que, pour cette activité, le régime micro-entreprises n'est applicable que si le chiffre d'affaires global de l'entreprise n'excède pas 500 000 francs (hors taxes) et si le chiffre d'affaires annuel aux opérations autres que les ventes ou la fourniture de logement ne dépasse pas 175 000 francs (hors taxes).
Il est évident qu'une telle mesure entraînera de graves conséquences financières pour certaines catégories d'entreprises, car la notion d'activité mixte influe sur la détermination des seuils de régime d'imposition, d'exonération et de déduction de certains impôts et taxes, dissuadant par là même l'embauche.
De plus, l'alourdissement administratif résultant de l'obligation de différencier la part afférente aux matériaux et celle afférente à la main-d'oeuvre qui en découle paraît incompatible avec la volonté du Gouvernement de favoriser les démarches de simplifications administratives de la petite entreprise. En effet, la pratique des entreprises du bâtiment consiste le plus souvent en un établissement de leurs factures au mètre carré, au mètre linéaire ou encore au forfait (fourniture et pose).
En conséquence, elle lui demande de bien vouloir clarifier cette question qui ne manque pas d'inquiéter les entreprises artisanales du bâtiment favorables, quant à elles, au maintien de la doctrine administrative précédente, relative à la notion d'activité mixte et associée à l'ancien régime de forfait.
N° 898. - M. Daniel Eckenspieller attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le taux de TVA appliqué à l'usage du bois-énergie.
En effet, notre pays possède un patrimoine forestier considérable qui ne cesse, de surcroît, de s'étendre, notamment dans les fonds de vallée où la forêt prend possession des versants autrefois pâturés.
Aussi, un certain nombre de collectivités, d'associations ou d'entreprises se sont-elles orientées vers la production de chaleur à partir de cette source d'énergie. La distribution calorifique par des réseaux de chaleur se voit appliquer un taux de TVA de 19,6 %.
La tempête de décembre 1999 a conduit à créer des stocks considérables de bois chablis qui se trouvent ainsi disponibles.
Par ailleurs, l'augmentation vertigineuse du prix des produits pétroliers a induit une charge difficilement supportable tant pour les particuliers que pour les collectivités.
Dans ce contexte, la réduction de 19,6 % à 5,5 % du taux de TVA appliqué à la distribution de chaleur à partir de l'énergie-bois aurait le triple mérite de conforter les usagers ayant déjà fait ce choix, d'en inciter d'autres à suivre leur exemple, et de donner un signal fort dans le cadre du développement des énergies renouvelables.
Le Premier ministre a indiqué, le 29 mai dernier, que l'objectif du Gouvernement était de parvenir d'ici à 2006 à substituer par le bois-énergie quelque 500 000 tonnes équivalent pétrole supplémentaires, ce qui, outre une économie intéressante d'énergie fossile, réduirait chaque année de 2 millions de tonnes les émissions de CO2 et créerait 3 000 emplois nouveaux.
Il lui demande donc si la loi de finances pour 2001 ira en ce sens et si le taux réduit de TVA sera appliqué à l'utilisation de l'énergie-bois.
N° 900. - M. Jean Besson sollicite l'attention toute particulière de M. le secrétaire d'Etat au logement sur la réforme des aides personnalisées au logement.
Les décrets du 30 janvier 1997 et du 7 juillet 2000 relatifs aux ressources et à l'évaluation forfaitaire des revenus posent des difficultés importantes, par rapport au public concerné.
En effet, ces nouvelles dispositions qui sont mises en oeuvre à compter du 1er juillet 2000 s'appliquent notamment aux personnes au revenu précaire et faible, comme les apprentis et les contrats emplois-solidarité (CES). Cette catégorie bénéficiait précédemment de la prise en considération de certains abattements dans le calcul de leur APL, ce qui laissait à leur charge une part résiduelle supportable, au regard de leurs revenus.
Or, à l'application de ce dispositif, dont l'objectif est d'harmoniser les modalités de calcul, il apparaît que le montant de l'APL défini selon ces modifications législatives pénalise ce public dont les revenus sont déjà faibles.
Dès lors, ces apprentis, stagiaires ou CES renoncent, notamment dans les zones rurales, à se loger dans les foyers qui leur sont destinés et privilégient des solutions de « fortune », occasionnant des déplacements journaliers plus lointains, ce qui génère fatigue, accidents, donc mauvaises conditions de travail. De plus, ces dispositions déséquilibrent les recrutements des foyers de jeunes travailleurs, par exemple, dont le rôle économique, notamment en zone rurale, constitue un enjeu important.
Il souhaite que les dispositions des textes législatifs cités précédemment soient amendées afin qu'elles soient en cohérence avec l'objectif affirmé lors de la Conférence nationale sur la famille, ouverte le 15 juin 2000, qui prévoit notamment un barème unique pour l'APL et avec l'engagement qu'aucun ménage ne verrait son aide diminuée du fait de cette harmonisation.
N° 904. - M. Robert Laufoaulu appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, d'une part, sur l'enseignement des langues wallisienne et futunisienne dans les établissements scolaires et universitaires, d'autre part, sur la situation du territoire de Wallis-et-Futuna du point de vue de l'enseignement supérieur. Pour ce qui concerne le premier point, la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951, dite loi Deixonne, a mis en place un enseignement de langue et culture régionales couvrant l'ensemble de la scolarité. Les dispositions de cette loi, qui s'appliquaient initialement au basque, au breton, au catalan et à l'occitan, ont été successivement étendues à d'autres langues, notamment au tahitien (décret du 12 mai 1981) et aux langues mélanésiennes (arrêté du 20 octobre 1992). Il souhaiterait donc connaître sa position sur la possibilité d'étendre cette loi aux langues wallisienne et futunienne.
S'agissant du deuxième point, l'université française du Pacifique, dont la compétence s'exerçait sur les trois territoires français du Pacifique Sud, est désormais scindée en deux entités distinctes : l'université de Polynésie française et l'université de Nouvelle-Calédonie. En conséquence, il souhaiterait savoir quelle sera la place exacte de Wallis-et-Futuna dans cette nouvelle organisation de l'enseignement supérieur, et notamment, dans la logique de la première partie de cette question, quelle pourrait être la place de l'enseignement des langues wallisienne et futunienne dans l'enseignement supérieur.
N° 905. - M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le projet de décret visant à réformer les aides forfaitaires pour les contrats de qualification.
Ce mécanisme permet d'octroyer une aide de 5 000 ou 7 000 francs aux employeurs qui concluent des contrats de qualification avec des jeunes éligibles au dispositif. La suppression de cette aide à l'embauche ne manquerait pas d'avoir des conséquences particulièrement graves sur le fonctionnement des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ). Ces structures, dont l'instance nationale est conventionnée depuis de nombreuses années avec le ministère en charge du travail, embauchent notamment, et mettent à disposition des employeurs membres du GEIQ, des jeunes sans qualification. Le contrat de qualification est le contrat majoritairement mis en oeuvre au sein de ce réseau, fort de près de 90 entités. Grâce à la formation en alternance et à l'accompagnement socioprofessionnel réalisé par le GEIQ, les jeunes salariés du GEIQ se qualifient et s'insèrent, à l'issue de leur contrat, dans une proportion très satisfaisante au sein d'entreprises, membres ou pas du groupement. En tant qu'employeur, le GEIQ bénéficie de l'aide forfaitaire à l'embauche. C'est principalement grâce à cette aide que l'accompagnement socioprofessionnel est réalisé. En effet, alors même que les GEIQ participent pleinement à l'insertion par l'activité économique, ils ne bénéficient d'aucune aide publique pérenne. Dès lors, la suppression de l'aide forfaitaire à l'embauche limiterait la capacité des GEIQ à accompagner les publics en grande difficulté qu'ils accueillent.
C'est pourquoi il souhaiterait avoir l'assurance que sera maintenue pour les entreprises de 10 salariés et plus, à l'instar de ce qui est envisagé pour l'aide forfaitaire à l'apprentissage, la prime à l'embauche pour les jeunes en contrat de qualification.
N° 906. - M. Bernard Cazeau souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur le problème de reconstitution de carrière et de reconnaissance d'ancienneté de statut des médecins sous contrat dans les centres hospitaliers publics.
En effet, à l'issue du dernier concours national de praticien hospitalier, les médecins sous contrat dans les centres hospitaliers de Bergerac et Périgueux se sont inscrits sur les listes d'aptitude aux fonctions de praticien hospitalier parues au Journal officiel du 27 février 2000. Or, les textes réglementaires ne permettent pas de prendre en compte, au titre de l'ancienneté, l'ensemble des années passées au sein du service public hospitalier, leur situation étant trop atypique.
La situation est particulièrement préoccupante pour les médecins nommés ou dont le dossier est en cours d'instruction au ministère de la santé. Cette situation concernera, à terme, près de 23 médecins des services d'urgences, des services d'assistance médicale d'urgence (SAMU) et des services médicaux d'urgence et de réanimation (SMUR) des hôpitaux de Bergerac, Périgueux et Sarlat.
En conséquence, il souhaiterait connaître les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour résoudre ce problème.
N° 910. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la réglementation qui encadre le financement des réseaux de distribution d'eau potable.
Il apparaît que pour l'extension des réseaux publics nécessitée par des projets de constructions nouvelles, le code de l'urbanisme organise trois dispositifs permettant de financer tout ou partie des réseaux d'eau potable rendus directement nécessaires par des projets de construction ou de développement urbain.
Il s'agit des articles L. 332-6-1 (2°, d ) (coût des travaux), L. 332-9 (PAE, plan d'aménagement d'ensemble) et L. 311-4-1 (ZAC, zone d'aménagement concerté).
Excepté ces trois hypothèses, il semble que, faute de base légale, les collectivités publiques, communes ou groupements de communes, ne peuvent instituer de droits ou taxes de branchement.
Depuis toujours, le financement des collectivités publiques chargées de la distribution d'eau potable est assuré par différentes recettes dont « les droits de branchement ».
Il s'interroge pour l'avenir. A cet égard, il est clair que la disparition de ce revenu pour les collectivités, mais surtout pour les syndicats intercommunaux, risque de créer des difficultés financières importantes, susceptibles de compromettre leur équilibre budgétaire et d'alourdir fortement le prix de l'eau.
Il lui demande si une réforme est envisagée pour lever toute ambiguïté sur ces droits de branchement.
N° 911. - M. Philippe de Gaulle interroge M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants sur la modification par certains centres des impôts de la fiscalité applicable à la retraite mutualiste des anciens combattants. En effet, les versements supplémentaires qu'effectuent chaque année les anciens combattants pour suivre l'évolution du plafond majorable leur ouvrent droit à un nouveau montant de rente qui excède, pour beaucoup d'entre eux, le plafond défiscalisé.
En conséquence, la fraction de rente excédentaire est alors soumise à la fiscalité des rentes viagères à titre onéreux, ce que personne ne conteste, en tenant compte de la date d'entrée en jouissance de chaque nouveau titre de retraite correspondant au dernier versement.
Or, cette année, pour la première fois des adhérents se voient attribuer des redressements fiscaux basés sur une date d'entrée en jouissance à la date initiale de la première retraite à capital définitif, soit généralement lorsqu'ils ont atteint un âge entre 50 et 59 ans, et non pas d'après l'année de l'investissement concerné. Cette nouvelle position de certains centres d'impôts est sans fondement.
Il lui demande d'examiner ce problème de manière à ce que la question soit réglée avant le 31 décembre prochain, date limite des recours fiscaux des intéressés et l'établissement de leur déclaration d'impôt de l'année.
N° 913. - M. Joseph Ostermann attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le financement des services d'incendie et de secours (SDIS).
La réforme portant départementalisation des SDIS instituée en 1996 a prévu un large financement par les collectivités locales, l'Etat, quant à lui, réservant une part de la dotation globale d'équipement (DGE) (350 MF sur trois ans) à l'aide à l'équipement des SDIS.
Or, depuis 1996, on assiste à l'explosion des budgets des SDIS.
Ainsi, dans le département du Bas-Rhin, ce dernier a augmenté de 10 % par an depuis 1996. Pour 2001, une augmentation de plus de 20 % est prévue.
Cette forte croissance est due non seulement à une remise à niveau en matière de matériels, de structures et d'équipements mais aussi et surtout à la multiplication de mesures nouvelles en matière de régime de service, de régimes indemnitaires ainsi qu'au renforcement des services de santé.
Les collectivités locales sont par conséquent contraintes de financer des dépenses supplémentaires que leur impose l'Etat sans contrepartie. Or, celles-ci n'étaient pas préparées à faire face à ces dépenses nouvelles et ne peuvent, par conséquent, pas les assumer.
Dans le rapport qu'il vient de remettre au Gouvernement, le député de la Somme, Jacques Fleury, conclut lui-même que pour de nombreux élus l'incidence du coût des SDIS devient insupportable dans la fiscalité locale.
Les 350 MF de DGE attribués par l'Etat ne peuvent suffire, et ce d'autant plus que la suppression de la vignette automobile prive les départements de 12 MF de recettes fiscales.
Il lui demande par conséquent s'il ne conviendrait pas, avant de présenter tout nouveau projet de loi sur la sécurité civile qui impliquerait encore de nouvelles dépenses, de prévoir une contribution supplémentaire de la part de l'Etat.
Il rappelle que la sécurité demeure une des missions régaliennes de l'Etat.
N° 914. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le devenir des terrains libérés par les hôpitaux Laennec, Boucicaut et une partie de Broussais après la création de l'hôpital européen Georges-Pompidou.
Ces terrains appartiennent à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP). Leur emprise est d'environ 110 000 mètres carrés. Ils sont situés au coeur de Paris, respectivement dans les 7e, 15e et 14e arrondissements.
Les instructions des autorités de tutelle de l'AP-HP conduisent celle-ci à céder ces terrains afin d'autofinancer le nouvel hôpital Georges-Pompidou.
En ce qui concerne l'hôpial Laennec, la Cogedim pourrait acheter l'ensemble du site de Laennec, y compris la partie historique, sans condition suspensive, pour un montant de 500 millions de francs. Ce promoteur y prévoirait la création d'un hôtel quatre étoiles dans une partie des bâtiments classés monuments historiques, la réalisation d'une maison de retraite privée de luxe, la construction de 170 logements ultrarésidentiels, vendables entre 50 000 et 60 000 francs le mètre carré. Il y aurait seulement 50 logements prêt locatif intermédiaire (PLI) et 10 logements prêt locatif aidé (PLA) alors que le 7e arrondissement est parmi les arrondissements où le logement social est quasi absent.
Tous ces projets interviennent alors qu'il est important de préserver le domaine public et de contenir la spéculation immobilière.
Il y a, à Paris, de très importants besoins collectifs, de mixité sociale et d'équipements. C'est particulièrement vrai dans les 7e, 15e et 14e arrondissements où ces terrains se trouvent.
Faut-il rappeler que la récente convention Etat-ville de Paris sur le logement signée en mars 1999 par M. le secrétaire d'Etat au logement stipule que : « Lorsque les terrains appartiennent à des établissements publics, des protocoles tripartites seront recherchés afin de définir les objectifs de production de logements sociaux. » C'est pourquoi elle lui demande de contribuer à l'arrêt des procédures en cours et d'organiser une consultation entre l'Etat, la région, la ville de Paris et l'AP-HP en vue de se saisir d'une occasion pour satisfaire les besoins collectifs, de mixité sociale et d'équipements de la capitale.
N° 915. - M. Guy Vissac attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les difficultés rencontrées en Haute-Loire dans la reconstitution de la forêt après la tempête du mois de décembre. Il lui rappelle qu'une circulaire du ministère de l'agriculture du 31 août 2000, qui prévoit les modalités de ladite reconstitution, abaisse le seuil des aides à un hectare _ sans autre précision _ par projet. Il lui indique qu'un courrier ultérieur précise qu'il s'agit d'un hectare, et ce d'un seul tenant. Or, il tient à lui préciser, à ce sujet, qu'en Haute-Loire, comme dans d'autres zones de montagne, les propriétés forestières sont de petite taille _ de l'ordre de 1,5 hectare en plusieurs parcelles _ et que la tempête n'a pas automatiquement dévasté les peuplements forestiers sur un hectare d'un seul tenant. Il en résulte qu'un nombre important de petits propriétaires vont être écartés du dispositif d'aides de l'Etat, compte tenu du fait qu'ils ont à reconstituer une trouée de surface plus faible (0,4-0,5 ha) que celle prévue actuellement. Il lui demande donc de lui préciser comment il entend améliorer le dispositif afin que les petits producteurs de bois ne soient pas pénalisés, comme c'est hélas le cas en raison du seuil prévu par la présente circulaire.
N° 917. - Mme Hélène Luc attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences, préjudiciables à des ayants droit, de l'insuffisance du seuil de revenus donnant accès à la couverture maladie universelle (CMU).
Elle souligne le fait que plusieurs conseils généraux, dont le Val-de-Marne, avaient retenu jusqu'à maintenant le montant de 3 800 francs comme seuil de pauvreté pour l'attribution de l'aide médicale gratuite, et non 3 500 francs comme le prévoit actuellement la loi.
C'est pourquoi elle lui demande quelles dispositions elle compte prendre pour relever le plafond de la CMU et ainsi harmoniser les seuils départementaux et nationaux, afin d'empêcher que 11 000 bénéficiaires de l'aide médicale gratuite dans le Val-de-Marne, de même que dans sept autres départements, ne soient exclus de la CMU.
N° 918. - M. Jean-Marie Poirier souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés liées à la conclusion des conventions de coordination policière entre l'Etat et les communes prévues à l'article 2 de la loi n° 99-231 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales dont le cadre a été précisé par le décret n° 2000-275 du 24 mars 2000 déterminant les clauses de la convention type.
Dans la circulaire NOR : INTD9900095C du 16 avril 1999 relative à l'application de la loi du 15 avril 1999, l'attention des préfets des départements est appelée sur la nécessité de faire prévaloir le caractère concret et pratique des conventions de coordination conclues, et de s'adapter tant à la situation initiale qu'à l'évolution des circonstances locales (paragraphe 1.1.2.1). Or, on peut regretter l'interprétation trop rigide qui est faite de la loi dans certains départements lorsque celle-ci conduit à imposer un quasi-rapport de conformité de la convention de coordination conclue aux stipulations du décret du 24 mars 2000.
A titre d'exemple, il lui fait part des difficultés rencontrées par la commune de Sucy-en-Brie qui s'est vu refuser par le préfet l'insertion de deux alinéas de précision à la convention type qui avaient pour but d'améliorer l'information réciproque entre les services.
Le premier aménagement prévoyait une information périodique du maire par le commissaire de police nationale en ce qui concerne l'activité du commissariat sur le territoire communal et l'évolution des actes de délinquance.
Le second aménagement prévoyait d'étendre les mécanismes d'échange rapide et réciproque d'informations aux événements particulièrement importants, alors que la convention type ne mentionne que le cas des personnes signalées disparues et celui des véhicules volés.
Alors que la circulaire susvisée stipule que « le législateur n'a pas entendu imposer un rapport de conformité des conventions conclues au niveau local avec les clauses de la convention type », on peut s'interroger sur la marge de manoeuvre laissée à la procédure conventionnelle dans un cas tel que celui précédemment évoqué.
Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui préciser quelle est sa conception de la négociation des conventions de coordination policière entre l'Etat et les communes, et de lui indiquer les domaines identifiés sur lesquels peuvent porter les aménagements locaux à la convention type.
N° 921. - M. Jean Huchon appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation financière extrêmement préoccupante des centres anticancéreux.
Il lui indique, en effet, que les progrès évidents de la science ont permis la mise au point de traitements médicamenteux nouveaux, dont l'efficacité est incontestable, et qui doivent pouvoir profiter à l'ensemble des malades.
Or, il lui fait observer que ces nouveaux traitements sont générateurs de coûts beaucoup plus élevés pour les centres anticancéreux.
En conséquence, il lui demande si, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, les moyens nécessaires à une lutte moderne contre le cancer seront dégagés pour permettre aux centres anticancéreux de pouvoir exercer leur mission.
N° 925. - M. Paul Girod demande à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement _ se référant aux nombreuses déclarations relatives à l'absolue nécessité de mettre en oeuvre un troisième aéroport, en Ile-de-France, avec ceux de Roissy et d'Orly arrivés à saturation _ de lui préciser le parti qu'il a pris à cet égard puisqu'il avait annoncé le mercredi 26 juillet 2000 qu'une décision sur « l'opportunité de construire un troisième aéroport sera prise avant la fin de l'été », soit avant le 22 septembre ( Le Monde, 28 juillet 2000).
N° 931. - M. Lucien Lanier souligne à M. le ministre de l'intérieur que les villes de Saint-Mandé et Vincennes connaissent actuellement un accroissement inquiétant de la petite délinquance.
Le caractère résidentiel de ces communes semblait les garantir de la violence urbaine. La réalité est tout autre en raison du rassemblement d'éléments extérieurs se livrant à des actes de délinquance, de plus en plus du fait de mineurs.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2000, la police municipale de Saint-Mandé a procédé à 88 mises à la disposition de la police nationale dans le cadre des délits de flagrance contre 137 en 1999. Sur la circonscription, les vols avec violence sont en augmentation de 30 % par rapport à 1999. Quant à la délinquance générale, elle est en augmentation de 14 % alors que la hausse départementale, déjà forte, est de 10 %.
Au regard de cette dégradation, les moyens dont dispose la police nationale ne cessent de s'affaiblir.
Le poste de police de Saint-Mandé, faute d'effectif, n'est plus qu'un bureau d'accueil qui ne permet ni action de prévention ni intervention répressive.
Face à cette insécurité croissante, il lui demande d'examiner, avec une toute particulière attention, la possibilité d'autoriser la mise en place d'une police de proximité et l'affectation du personnel nécessaire à son efficacité. Tout en constituant une dissuasion réelle à l'encontre d'une délinquance caractérisée par sa mobilité, ce développement est d'une urgence justifiée, d'autant que ces communes totalisent 22 écoles, 6 collèges et 6 lycées.
N° 932. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences de la tempête du 27 décembre 1999, et plus particulièrement sur les deux points suivants :
- les nombreux embâcles restant sur les cours d'eau risquent, après les premières crues d'hiver, de s'accumuler en amont des ponts et causer des dommages importants ;

- le transport des chablis résultant de la tempête se fait principalement, voire uniquement, par route. La voirie, particulièrement la voirie communale, risque de ce fait de souffrir considérablement cet hiver, après les pluies et les gels.

Il lui demande donc quelles mesures peuvent être prises pour prévenir ces difficultés et au besoin y remédier.
N° 941. - M. Gérard César attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur la situation inadmissible du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande et les risques qu'elle implique en matière de santé publique.
Depuis plusieurs mois maintenant, tout semble fait pour transformer le centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande en simple « maison de convalescence ».
L'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande a fait preuve de son utilité et de son efficacité, mais les réductions de moyens, tant humains que financiers, subies peu à peu, mettent gravement en cause l'avenir de cet établissement.
Cette situation et les menaces qui pèsent sur les établissements de santé publics et privés du Bergeracois inquiètent à juste titre les populations de ces secteurs des départements de la Dordogne et de la Gironde.
L'instauration d'une chirurgie ambulatoire sans hospitalisation, l'abandon de la chirurgie vitale et de l'anesthésie-réanimation compromettent également l'avenir des services de médecine à Sainte-Foy-la-Grande.
L'absence d'un véritable service d'urgence sur ce centre hospitalier est, également, préoccupante. Les services d'urgence de Libourne et de Bordeaux sont surchargés et les difficultés de circulation entre ces trois villes ne font qu'accentuer les risques pour les personnes malades ou accidentées.
L'ensemble de ces décisions lourdes pour l'avenir de l'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande, très préjudiciables à la qualité du service public de santé en pays foyen, émanent exclusivement d'un rapport de mission ministériel d'expertise, à la fois « partiel et partial ».
Il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour permettre le maintien à Sainte-Foy-la-Grande d'un hôpital complet et polyvalent avec de véritables services de chirurgie et d'anesthésie-réanimation.

A N N E X E I V

Questions orales avec débat inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 21 novembre 2000

N° 27. - M. Jean-Jacques Hyest rappelle à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, dont le rapport a été déposé le 29 juin dernier.
De son côté, la commission présidée par M. Canivet a également préconisé certaines réformes concernant le fonctionnement des établissements pénitentiaires.
Un mouvement important du personnel pénitentiaire a amené le Gouvernement à promettre des mesures pour améliorer la situation de ces personnels.
Compte tenu de l'urgence des mesures à prendre, la commission d'enquête a privilégié des propositions concrètes susceptibles d'être mises en oeuvre rapidement.
Un débat sur la politique pénitentiaire serait très utile, mais un certain nombre de mesures concernant les conditions de détention ne sont pas de nature législative, le plus urgent étant l'amélioration des conditions de détention et le renforcement des contrôles, ainsi que la remotivation des personnels.
C'est pourquoi M. Jean-Jacques Hyest demande à Mme le garde des sceaux de préciser les intentions du Gouvernement sur ce sujet brûlant.
N° QE 11. - M. Hubert Haenel demande à M. le ministre de la défense quels ont été les progrès réalisés en matière de politique européenne de sécurité et de défense depuis que le Conseil européen d'Helsinki a décidé la constitution d'une force européenne terrestre de 60 000 hommes, opérationnelle et projetable sur des théâtres extérieurs, et que le Conseil européen de Feira s'est prononcé pour la formation d'une force de police européenne de 5 000 policiers.
Il souhaite notamment connaître l'état de la mise en place des instruments politiques et militaires nécessaires à la gestion des crises et recueillir le sentiment du Gouvernement sur les chances de voir progresser, d'ici à la fin de la présidence française, cette construction ambitieuse.

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA RÉSERVE MILITAIRE

En application du décret n° 2000-890 du 13 septembre 2000, M. le président du Sénat a désigné, le 3 novembre 2000, MM. Bertrand Auban et Serge Vinçon en qualité de membres titulaires et MM. Michel Caldaguès et André Rouvière en qualité de membres suppléants du Conseil supérieur de la réserve militaire.

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Charles Descours a été nommé rapporteur des équilibres financiers généraux et de l'assurance maladie, M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la famille, et M. Alain Vasselle, rapporteur de l'assurance vieillesse, du projet de loi n° 64 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2001.
M. Jacques Oudin a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 64 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2001, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Situation du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande

941. - 6 novembre 2000. - M. Gérard César attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur la situation inadmissible du centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande et les risques qu'elle implique en matière de santé publique. Depuis plusieurs mois maintenant tout semble fait pour transformer le centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande en simple « maison de convalescence ». L'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande a fait preuve de son utilité et de son efficacité, mais les réductions de moyens, tant humains que financiers, subies peu à peu, mettent gravement en cause l'avenir de cet établissement. Cette situation et les menaces qui pèsent sur les établissements de santé publics et privés du bergeracois inquiètent à juste titre les populations de ces secteurs des départements de la Dordogne et de la Gironde. L'instauration d'une chirurgie ambulatoire sans hospitalisation, l'abandon de la chirurgie vitale et de l'anesthésie-réanimation compromettent également l'avenir des services de médecine à Sainte-Foy-la-Grande. L'absence d'un véritable service d'urgence sur ce centre hospitalier est, également, préoccupante. Les services d'urgence de Libourne et de Bordeaux sont surchargés et les difficultés de circulation entre ces trois villes ne font qu'accentuer les risques pour les personnes malades ou accidentées. L'ensemble de ces décisions lourdes pour l'avenir de l'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande, très préjudiciables à la qualité du service public de santé en pays foyen, émanent exclusivement d'un rapport de mission ministériel d'expertise, à la fois « partiel et partial ». Il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour permettre le maintien à Sainte-Foy-la-Grande d'un hôpital complet et polyvalent avec de véritables services de chirurgie et d'anesthésie-réanimation.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 7 novembre 2000


SCRUTIN (n° 14)



sur la motion n° 3, présentée par MM. Jacques-Richard Delong et Michel Pelchat, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à la proposition de loi, présentée par M. Jacques Pelletier et plusieurs de ses collègues, relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.


Nombre de votants : 233
Nombre de suffrages exprimés : 228
Pour : 57
Contre : 171

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, Jean François-Poncet, Paul Girod, Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly et Georges Othily.

Contre : 12.
N'ont pas pris part au vote : 5. _ MM. Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Fernand Demilly, Pierre Jeambrun et Bernard Joly.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 10. _ M. Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jacques Delong, Michel Esneu, Hilaire Flandre, Yann Gaillard, Patrice Gélard, André Jourdain, Patrick Lassourd et Paul Masson.

Contre : 21. _ MM. Jean Bernard, Louis de Broissia, Charles Ceccaldi-Raynaud, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Charles Descours, Alain Dufaut, Bernard Fournier, Charles Ginésy, Francis Giraud, Adrien Gouteyron, Roger Karoutchi, Lucien Lanier, René-Georges Laurin, Philippe Marini, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Jacques Peyrat, Jean-Pierre Schosteck et Guy Vissac.

N'ont pas pris part au vote : 68, dont M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre : 77.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 24.
Contre : 20. _ MM. Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Denis Badré, Bernard Barraux, Jean Bernadaux, Daniel Bernardet, Gérard Deriot, André Diligent, Serge Franchis, Marcel Henry, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Claude Huriet, Pierre Jarlier, Marcel Lesbros, Michel Mercier, René Monory, Jean-Marie Poirier et Philippe Richert.

Abstention : 1. _ M. Jean-Louis Lorrain.

N'ont pas pris part au vote : 7. _ MM. Didier Borotra, Jean-Pierre Cantegrit, Jean Faure, Francis Grignon, Jean Huchon, René Marquès et Louis Mercier.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour : 15. _ MM. Joël Bourdin, Jean Boyer, Louis Boyer, Jean Delaneau, Ambroise Dupont, Jean-Léonce Dupont, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, Louis Grillot, Jean-François Humbert, Michel Pelchat, Bernard Plasait, Ladislas Poniatowski, Henri de Raincourt et Charles Revet.

Contre : 20.
Abstentions : 3. _ M. James Bordas, Mme Anne Heinis et M. Jean Pépin.

N'ont pas pris part au vote : 8. _ MM. Christian Bonnet, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Jean-Paul Emin, Guy Poirieux, André Pourny, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin et Henri Revol.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour : 2. _ MM. Hubert Durand-Chastel et Bernard Seillier.

Contre : 4.
Abstention : 1. _ M. Philippe Darniche.

Ont voté pour


Jean Arthuis
René Ballayer
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Claude Belot
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Jean Delaneau
Jacques Delong
Marcel Deneux
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
Patrice Gélard
Paul Girod
Louis Grillot
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
André Jourdain
Alain Lambert
Patrick Lassourd
Henri Le Breton
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Paul Masson
Louis Moinard
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Philippe Nogrix
Georges Othily
Michel Pelchat
Bernard Plasait
Ladislas Poniatowski
Henri de Raincourt
Charles Revet
Bernard Seillier
Michel Souplet
Albert Vecten
Xavier de Villepin

Ont voté contre


François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
Janine Bardou
Bernard Barraux
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Claire-Lise Campion
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Adrien Gouteyron
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Roland Huguet
Claude Huriet
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Alain Journet
Roger Karoutchi
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Roland du Luart
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Philippe Marini
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Michel Mercier
Gérard Miquel
René Monory
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Jean-Marie Poirier
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Philippe Richert
Roger Rinchet
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Guy Vissac
Henri Weber

Abstentions


James Bordas, Philippe Darniche, Anne Heinis, Jean-Louis Lorrain et Jean Pépin.

N'ont pas pris part au vote


Louis Althapé
Pierre André
Georges Berchet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Christian Bonnet
Didier Borotra
Gérard Braun
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Auguste Cazalet
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Michel Doublet
Paul Dubrule
Xavier Dugoin
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean Faure
Gaston Flosse
Philippe François
Philippe de Gaulle
Alain Gérard
François Gerbaud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Alain Hethener
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Gérard Larcher
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Simon Loueckhote
Max Marest
René Marquès
Pierre Martin
Louis Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Bernard Murat
Paul Natali
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Guy Poirieux
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Victor Reux
Henri Revol
Henri de Richemont
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
René Trégouët
Maurice Ulrich
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Serge Vinçon

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :


Nombre de votants : 234
Nombre des suffrages exprimés 229
Majorité absolue des suffrages exprimés 115
Pour : 58
Contre : 171

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 15)



sur l'ensemble de la proposition de loi, présentée par M. Jacques Pelletier et plusieurs de ses collègues, relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.


Nombre de votants : 208
Nombre de suffrages exprimés : 204
Pour : 164
Contre : 40

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 13.
N'ont pas pris part au vote : 10. _ MM. Jean-Michel Baylet, Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Fernand Demilly, Paul Girod, Pierre Jeambrun, Bernard Joly, Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly et Georges Othily.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour : 20. _ MM. Jean Bernard, Charles Ceccaldi-Raynaud, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Charles Descours, Alain Dufaut, Bernard Fournier, Charles Ginésy, Francis Giraud, Adrien Gouteyron, Roger Karoutchi, Lucien Lanier, René-Georges Laurin, Philippe Marini, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Jacques Peyrat, Jean-Pierre Schosteck et Guy Vissac.

Contre : 5. _ Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Del Picchia, Jacques Delong, André Jourdain et Paul Masson.

N'ont pas pris part au vote : 74, dont M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (77) :
Pour : 71.
N'ont pas pris part au vote : 6. _ M. Robert Badinter, Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Pierre Biarnès, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Michel Charasse et André Rouvière.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour : 19. _ MM. Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Denis Badré, Bernard Barraux, Jean Bernadaux, Daniel Bernardet, Gérard Deriot, André Diligent, Serge Franchis, Marcel Henry, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Marcel Lesbros, Michel Mercier, René Monory, Jean-Marie Poirier et Philippe Richert.

Contre : 25.
Abstention : 1. _ M. Jean-Louis Lorrain.

N'ont pas pris part au vote : 7. _ MM. Didier Borotra, Jean-Pierre Cantegrit, Jean Faure, Francis Grignon, Jean Huchon, René Marquès et Louis Mercier.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour : 24.
Contre : 9. _ MM. Joël Bourdin, Jean Boyer, Ambroise Dupont, André Ferrand, Jean-François Humbert, Michel Pelchat, Ladislas Poniatowski, Henri de Raincourt et Charles Revet.

Abstentions : 3. _ M. Jean-Paul Emorine, Mme Anne Heinis et M. Jean Pépin.

N'ont pas pris part au vote : 10. _ MM. Christian Bonnet, Louis Boyer, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Jean Delaneau, Jean-Paul Emin, Guy Poirieux, André Pourny, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin et Henri Revol.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Contre : 1. _ M. Hubert Durand-Chastel.

N'ont pas pris part au vote : 6.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Denis Badré
José Balarello
Janine Bardou
Bernard Barraux
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Jean Besson
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
James Bordas
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Guy-Pierre Cabanel
Claire-Lise Campion
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gilbert Chabroux
Marcel Charmant
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Jean-Léonce Dupont
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Jean François-Poncet
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Adrien Gouteyron
Louis Grillot
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Roland Huguet
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Alain Journet
Roger Karoutchi
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Roland du Luart
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Philippe Marini
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Michel Mercier
Gérard Miquel
René Monory
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Philippe Richert
Roger Rinchet
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Gérard Roujas
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Guy Vissac
Henri Weber

Ont voté contre


Jean Arthuis
René Ballayer
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Paulette Brisepierre
Robert Del Picchia
Jacques Delong
Marcel Deneux
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Pierre Fauchon
André Ferrand
Yves Fréville
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
André Jourdain
Alain Lambert
Henri Le Breton
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Paul Masson
Louis Moinard
Philippe Nogrix
Michel Pelchat
Ladislas Poniatowski
Henri de Raincourt
Charles Revet
Michel Souplet
Albert Vecten
Xavier de Villepin

Abstentions


Jean-Paul Emorine, Anne Heinis, Jean-Louis Lorrain et Jean Pépin.

N'ont pas pris part au vote


Philippe Adnot
Louis Althapé
Pierre André
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Roger Besse
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Christian Bonnet
Didier Borotra
Louis Boyer
Gérard Braun
Dominique Braye
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Auguste Cazalet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Michel Charasse
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Xavier Dugoin
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Michel Esneu
Jean Faure
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alfred Foy
Philippe François
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Alain Hethener
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Simon Loueckhote
Max Marest
René Marquès
Pierre Martin
Louis Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Paul Natali
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Guy Poirieux
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Victor Reux
Henri Revol
Henri de Richemont
Yves Rispat
Josselin de Rohan
André Rouvière
Michel Rufin
Bernard Seillier
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
René Trégouët
Alex Türk
Maurice Ulrich
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Serge Vinçon

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.