SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2000


FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2001

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 64, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. (Rapport n° 67 [2000-2001] et avis n° 68 [2000-2001.])
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue un temps fort de l'action du Gouvernement et de la discussion parlementaire, parce qu'il touche à la vie quotidienne des Français et qu'évidemment il représente des enjeux sociaux, économiques et financiers de premier plan.
Son passage au Sénat en première lecture, après son examen à l'Assemblée nationale, va nous permettre, j'en suis sûre, des échanges approfondis sur les principales mesures qu'il contient, et je sais à quel point la contribution des sénateurs est importante pour le travail parlementaire.
Jusqu'à une période récente, les problèmes de sécurité sociale, vous en conviendrez, ont été traités dans l'urgence financière. La situation du régime général - le trop célèbre « trou » de la sécurité sociale - a conduit, au fil des années, les responsables publics à élaborer de nombreux plans de redressement. Les déficits furent importants, trouvant avant tout leur origine dans le recul de la croissance enregistré au cours de la première moitié des années quatre-vingt-dix.
Des décisions macro-économiques inadaptées intervenues entre 1993 et 1997 n'ont fait qu'approfondir la crise en croyant y porter remède : je veux parler des hausses massives et successives de prélèvements qui ont frappé les ménages, y compris les plus modestes, et qui ont handicapé le pouvoir d'achat, freiné la consommation et accru le chômage.
Ce gouvernement a, dès 1997, voulu inverser cette tendance ; même si la réussite n'est pas encore totale, la spirale est en tout cas inversée, ce dont nous sommes fiers. L'un des succès de ce gouvernement est en effet d'avoir redonné confiance aux Français.
Depuis 1997, l'économie française est sur un rythme de croissance moyen de 3 %, et les prévisions économiques du Gouvernement pour 2001 tablent, vous le savez, sur une croissance de 3,3 %. Depuis 1997, le chômage a reculé d'une façon qui n'avait jamais été observée jusqu'à présent, et 870 000 personnes ont donc retrouvé un emploi.
Ce résultat essentiel pour nos concitoyens a été obtenu par le redémarrage de la croissance mais aussi par des politiques spécifiques, et notamment - je veux le souligner à nouveau - par la réduction négociée du temps de travail ainsi que par les emplois-jeunes.
Nous sommes donc sortis de l'urgence financière. Après les lourds déficits de 1996 - 54 milliards de francs - et de 1997 - 33 milliards de francs - nous avons renoué avec l'équilibre des comptes de la sécurité sociale dès 1999. Ce bon résultat, nous le consolidons cette année et nous entendons le consolider encore davantage l'an prochain.
Notre sécurité sociale sera en excédent de 16,2 milliards de francs en 2000 et de 18,9 milliards de francs en 2001, selon les prévisions du projet de loi qui vous est soumis. Pour l'ensemble des administrations sociales, l'excédent atteindra 0,5 % de la richesse nationale en 2001. Les comptes sociaux contribuent désormais à la maîtrise des déficits et au désendettement du pays.
Mais l'assainissement des comptes n'est bien évidemment pas une fin en soi. C'est un moyen qui permet d'améliorer notre système de protection sociale au bénéfice de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle le projet de loi qui vous est proposé comporte des mesures favorables aux familles et aux retraités. Il améliore également sur plusieurs points la couverture maladie.
Il approfondit aussi la réforme du financement de la sécurité sociale que nous avons conduite à travers la diversification de ses ressources et la réforme de la contribution sociale généralisée, la CSG.
Enfin, plusieurs dispositions du présent projet de loi amplifient la politique de réforme structurelle qui a été engagée et qui commence à porter ses fruits.
Les choix que nous avons opérés seront discutés, ce qui est bien normal, car il en va ainsi du jeu démocratique. Mais je pense et j'espère que nous pourrons nous accorder sur les grandes priorités.
Nous ne pourrons pas aborder, lors des prochains jours, l'ensemble des questions qui nous intéressent et, à cet égard, je pense notamment à la politique de la santé. Le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale est en effet enserré dans un cadre constitutionnel et organique qui a été déterminé, je le rappelle, en 1996. Nous pouvons en souligner les insuffisances ; le Gouvernement s'attache à corriger les plus évidentes.
C'est ainsi que nous prévoyons d'organiser un débat annuel au Parlement sur la politique de santé,...
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Cela a déjà été dit l'année dernière !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... disposition que nous vous présenterons dans le cadre du projet de loi de modernisation du système de santé.
Mais, cette année encore, nous devons nous plier à l'exercice tel qu'il a été conçu par nos prédécesseurs.
Mieux répondre aux aspirations des Français, améliorer notre protection sociale, renforcer la qualité de notre système de santé, amplifier les réformes structurelles tout en préservant l'équilibre, tels sont les principaux axes de la politique que je compte conduire à travers ce projet de loi et au-delà, bien entendu, et que je vais maintenant brièvement évoquer.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, que j'ai l'honneur de vous présenter, comporte de nouvelles avancées sociales au profit des familles, des retraités et des accidentés du travail, qui bénéficieront ainsi, grâce à la solidarité nationale, des fruits de la croissance retrouvée.
Nous vous proposons d'abord de mieux aider les familles en renforçant l'aide à la petite enfance et l'aide au logement.
Les marges de manoeuvre retrouvées du fait de l'excédent de la branche famille nous permettent en effet de mener une politique familiale de grande ampleur. Cette politique repose sur trois principes : la concertation, l'identification des priorités et leur financement.
Le Gouvernement entend bien, en effet, faire porter l'effort sur des priorités fortes et dégager des financements appropriés, ce qui n'a pas toujours été le cas.
Sans revenir sur les principales mesures prises par le Gouvernement ces dernières années, je voudrais souligner que les actions décidées en faveur des familles lors de la Conférence de la famille du 15 juin dernier montrent la volonté du Gouvernement d'accélérer la rénovation de la politique familiale et de mieux prendre en compte les préoccupations des familles.
C'est en effet à cette occasion qu'a été annoncé par le Premier ministre un effort financier de grande ampleur - 10 milliards de francs - en faveur des familles ; ce plan sera évidemment réalisé en cherchant à apporter des réponses aux problèmes concrets que se posent les familles.
Nous ne dispersons pas l'effort public, nous le concentrons là où sont les vrais besoins. C'est ainsi que nous avons voulu privilégier deux axes principaux : les mesures en faveur de la petite enfance et les aides au logement. Le projet de loi qui vous est soumis comporte ainsi plusieurs avancées importantes en ce sens. Je citerai notamment, à cet égard, la création d'une allocation parentale permettant aux parents d'enfants atteints de graves maladies de demeurer aux côtés de ces derniers ; je citerai également la création d'un fonds d'investissement pour les crèches, doté de 1,5 milliard de francs, qui viendra soutenir les initiatives prises dans ce domaine, notamment par les collectivités locales. Je mentionnerai aussi la réforme de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, qui améliore, dans un souci de justice sociale, l'aide apportée aux familles les plus modestes.
Enfin, les aides au logement, qui sont financées à la fois par l'Etat et par la sécurité sociale, seront réformées, simplifiées et améliorées, permettant de donner une portée pratique à ce droit au logement qui est l'une des priorités du Gouvernement et l'un des objectifs principaux des associations de lutte contre l'exclusion.
Par ailleurs - c'est le deuxième axe de ce projet de loi -, le Gouvernement souhaite associer les retraités aux fruits de la croissance et mieux préparer l'avenir des régimes de retraite.
Parmi les mesures proposées dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 pour associer les retraités aux fruits de la croissance, je citerai la proposition du Gouvernement de revaloriser les pensions de 2,2 %, alors que l'inflation prévisionnelle s'élève à 1,2 %. Nous donnons ainsi un coup de pouce qui porte à 1,3 % le gain de pouvoir d'achat des retraités par rapport à 1997.
M. Claude Domeizel. Voilà une bonne mesure !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai annoncé, au cours de la première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, que le minimum vieillesse serait revalorisé dans les mêmes proportions, c'est-à-dire de 2,2 %.
Par ailleurs, pour les retraités les plus modestes qui ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu, le Gouvernement propose d'accorder un gain de pouvoir d'achat supplémentaire et, à cette fin, de supprimer pour eux la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, qui s'élève à 0,5 % ; cette mesure devrait concerner près de 5 millions de retraités.
M. Claude Domeizel. Voilà une deuxième bonne mesure !
M. Charles Descours, rapporteur. Il nous cherche !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais j'apprécie beaucoup ce genre de remarques et j'en remercie Claude Domeizel ! (Sourires.)
Le Gouvernement souhaite non seulement associer les retraités - c'est approuvé dans la partie gauche de l'hémicycle - aux résultats des fruits de la croissance, mais également préparer l'avenir de nos systèmes de retraite. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. C'est moins évident, cela !
M. Charles Descours, rapporteur. C'est dommage que la CNAV ait voté contre !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ecoutez-moi, messieurs ! Vous allez voir, puisque je vous sens impatients sur ce sujet !
Le Premier ministre a annoncé, en mars dernier,...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il annonce beaucoup de choses !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... les orientations et le calendrier de travail que nous nous étions fixés.
Le présent projet de loi comporte plusieurs dispositions destinées à accroître les ressources du fonds de réserve des retraites pour mieux faire face aux conséquences des évolutions démographiques de long terme et pour répondre à notre principal objectif, qui est la consolidation des régimes de retraite par répartition, système permettant le mieux d'assurer la solidarité entre les générations.
Le fonds de réserve, créé en 1998, s'est vu affecter des ressources nouvelles dès 1999 avec les excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, et du fonds de solidarité vieillesse, la moitié du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine, les contributions des caisses d'épargne et de la Caisse des dépôts et consignations,...
M. Jean-Louis Carrère. Ah oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... auxquels s'ajoute la majeure partie des produits de la vente des licences de téléphonie mobile de troisième génération.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Pas encore !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si vous adoptez ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mesdames, messieurs les sénateurs, le fonds de réserve disposera ainsi de plus de 50 milliards de francs à la fin de l'année prochaine.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Placés en bons du Trésor !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les ressources du fonds s'accroissent donc, conformément aux engagements pris par le Gouvernement.
Avec les sources de financement actuelles, le fonds de réserve devrait disposer de 1 000 milliards de francs en 2020, dont 300 milliards de francs proviendront des intérêts financiers. Cette somme correspond à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040. Il importe, en effet, de réfléchir collectivement aux règles d'organisation et de placement du fonds de réserve, et j'ai entendu à l'instant les remarques formulées à cet égard par M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le fonds est appelé à gérer l'argent de nos concitoyens. Il devra le faire dans la transparence, en ayant le souci de la bonne utilisation des deniers publics. Des dispositions en ce sens figureront dans le projet de loi de modernisation sociale.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Nous les attendons !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sur ces questions essentielles, vos réflexions me seront évidemment très précieuses.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Nous ne manquerons pas de vous les faire connaître !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais aussi souligner la qualité et l'intérêt des travaux que le conseil d'orientation des retraites, installé par le Premier ministre, a engagés. Ce conseil mène, vous le savez, une concertation active avec les élus et les partenaires sociaux et explore avec eux différents scénarios, différentes perspectives financières, compte tenu de l'évolution - heureusement positive - de la croissance et de l'emploi.
Le conseil d'orientation des retraites fera des propositions sur la base des consultations qu'il mène pour tous les régimes et le Gouvernement prendra, sur ces bases, ses décisions.
Notre volonté, je le redis, est de défendre les retraites des Français et, pour cela, de garantir les régimes par répartition, gage de la solidarité entre les générations.
Comme preuve de cette volonté, le Gouvernement a accepté que l'abrogation de la loi Thomas soit incluse dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et l'Assemblée nationale y a procédé en première lecture. Je me réjouis d'ailleurs de voir que l'opposition se rallie, dans ses propositions, à la consolidation des régimes de retraite par répartition...
M. Charles Descours, rapporteur. Elle l'a toujours dit !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Elle n'a jamais été contre !
M. Jean-Pierre Fourcade. Elle s'y est toujours ralliée !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais c'est vous qui avez fait voter la loi Thomas en 1996 !
J'espère que nous allons nous retrouver sur cet objectif, évidemment essentiel pour la majorité.
Préparer l'avenir, c'est aussi proposer une réforme de la prestation dépendance.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ah oui !
M. Guy Fischer. Cette réforme est attendue !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous devriez être attentifs sur ce point, parce que cela concerne plusieurs d'entre vous qui sont président de conseil général en même temps que sénateur.
Le Gouvernement s'est prononcé pour la création d'une prestation autonomie qui corrige les défauts de l'actuelle prestation dépendance. Cela permettra d'aborder dans de meilleures conditions cette autre question qui est posée aujourd'hui par le vieillissement et qui fait qu'un nombre toujours plus grand de personnes âgées a besoin d'assistance dans la vie quotidienne.
Nous travaillons ainsi sur tous les aspects de la question posée par le vieillissement de la population : mieux prendre en charge les personnes âgées dépendantes, consolider les retraites par répartition et faire de la retraite un âge heureux de la vie.
Le troisième axe de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est la mise en place d'une meilleure indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Ce gouvernement a conduit un important travail pour améliorer la reconnaissance et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Je pense au raccourcissement des délais de réponse des caisses, à la réforme du tableau des maladies professionnelles, ou encore aux garanties sur les délais de réponse aux victimes. Nous connaissons tous, en effet, les souffrances qu'endurent les victimes de l'amiante et le drame que vivent ceux qui leur sont proches.
Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures particulières en faveur de ces victimes, comme le dispositif de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante.
Cette année, le Gouvernement vous propose d'aller plus loin en adoptant une réforme décisive : au nom de la solidarité nationale, il nous paraît en effet fondamental que la collectivité accorde aux victimes de l'amiante une juste réparation.
Le Gouvernement a donc décidé - et vous propose - de créer un fonds d'indemnisation financé par les employeurs, via la branche des accidents de travail, et par le budget de l'Etat. Ce fonds sera doté de 2 milliards de francs dès 2001.
Mais il est vrai que le drame de l'amiante a aussi montré les limites de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en matière d'indemnisation, ainsi que la lourdeur des procédures.
C'est pourquoi le Gouvernement a demandé au président de la commission spécialisée du conseil supérieur de prévention des risques professionnels, en charge des maladies professionnelles, de lancer dans les plus brefs délais une réflexion large sur la réparation des risques professionnels, en concertation étroite avec l'ensemble des partenaires concernés.
Le quatrième axe de ce projet est l'amélioration de la qualité de notre système de santé, tout en maîtrisant correctement l'évolution des dépenses.
L'objectif qui vous est proposé pour 2001 a été fixé en ayant pour but de renforcer l'efficacité de notre système de santé en tenant compte, à la fois, du cadre économique et financier de la nation et de l'impact des politiques structurelles que nous avons lancées.
Le Gouvernement a retenu un objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2001 de 693,3 milliards de francs, en progression de 3,5 % par rapport à 2000. Cette progression, plus rapide que celle qui vous avait été proposée pour cette année, est cohérente avec la situation économique et financière générale de notre pays et permet de financer de nouvelles avancées dans la qualité de notre système de santé et de la couverture maladie.
Quels sont, sur cette base, les principaux objectifs que nous vous proposons ?
D'abord, il s'agit de répondre aux priorités de santé publique. Je pense, notamment, au plan « cancer » et au plan « greffes ». Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé, reviendra plus longuement sur ces politiques. Je souhaite, en particulier, que l'effort en faveur du dépistage systématique de certains cancers à risques soit amplifié.
Nous souhaitons également répondre efficacement aux progrès de la connaissance médicale, notamment en matière de réduction des risques sanitaires : je pense, en particulier, à la maladie de Creutzfeldt-Jakob et à son nouveau variant.
Un effort particulier sera fait, commes les années précédentes, en faveur des établissements médico-sociaux pour accompagner le développement du nombre de places pour les personnes handicapées et la médicalisation des établissements pour personnes âgées dépendantes. Ce secteur verra ses crédits progresser de 5,8 %.
Quant aux budgets hospitaliers, ils augmenteront de 3,3 %, au lieu de 2,5 % cette année. C'est ce même taux qui est retenu pour les cliniques privées, marquant en cela le souci du Gouvernement de répondre aux questions qui se posent aujourd'hui dans l'hospitalisation privée.
S'agissant des soins de ville, ils pourront progresser de 3 %, au lieu de 2 %, cette année. Les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé devront gérer cet objectif de façon responsable, avec le souci d'infléchir durablement les tendances en matière de dépenses de ville. Les outils structurels de maîtrise des dépenses et d'amélioration de la qualité des soins existent ; il faut qu'ils s'en saisissent !
Nous avons également fixé l'objectif pour 2001 en tenant compte de l'évolution des dépenses observées cette année.
Cette année, le dépassement de l'ONDAM devrait atteindre 1,6 % par rapport à l'objectif fixé de 658,3 milliards de francs l'an dernier, en prenant en compte les reports de dépenses de la fin de 1999. Le dépassement pour 2000 s'élèvera donc à 11 milliards de francs.
Au total, les dépenses d'assurance maladie devraient évoluer, cette année, à un rythme un peu supérieur à 4 %.
Quelles sont les causes de ce dépassement ?
Cette année encore, les soins délivrés en ville sont responsables de ce phénomène : le médicament à hauteur de 6,2 milliards de francs, les honoraires de certaines professions de ville pour 3,8 milliards de francs, les indemnités journalières pour 1,7 milliard de francs, et les divers produits médicaux inscrits au tarif interministériel des prestations sanitaires, le TIPS, pour 1,6 milliard de francs.
Pour autant, je voudrais souligner que la part de nos dépenses de santé dans la richesse nationale est restée stable puisque, depuis 1997, elle se situe autour de 10 % du produit intérieur brut, alors qu'elle continuait d'augmenter chez certains de nos partenaires, qu'il s'agisse des Etats-Unis, de l'Allemagne ou du Royaume-Uni.
Je suis très attachée à ce que notre système de santé soit préservé tout en se réformant dans la concertation, parce qu'il conjugue une grande liberté au profit de ses acteurs, une grande exigence de solidarité et une recherche permanente de la qualité des soins. C'est, sans doute, l'un des meilleurs systèmes au monde !
A la lueur des expériences étrangères, nous savons d'ailleurs qu'il n'existe pas de système idéal permettant d'assurer une maîtrise parfaite des dépenses avec un niveau optimal de qualité des soins. Seul le système anglais paraît assurer une telle maîtrise des dépenses, mais à quel prix : la maîtrise systématique des dépenses a conduit, ces dernières années, à de tels rationnements des soins dans ce pays que le gouvernement travailliste de Tony Blair s'efforce, à l'heure actuelle, de moderniser ce système en profondeur !
Pour autant, je tiens à le souligner, la maîtrise des dépenses de santé est une nécessité, et elle suppose la responsabilité de chacun des acteurs, qu'il s'agisse de l'Etat, au premier chef, mais aussi des caisses d'assurance maladie, des praticiens libéraux et des malades eux-mêmes.
Il me paraît plus que jamais nécessaire, à cet égard, que les objectifs votés par le Parlement soient respectés, car je pense que c'est en maîtrisant mieux les dépenses que nous trouverons les marges de manoeuvre permettant de couvrir de nouveaux besoins et d'améliorer le niveau de protection de nos concitoyens. Chaque franc dépensé doit l'être à bon escient. Les dépenses qui ne répondent pas aux besoins réels, ce sont des cotisations en trop ou des dépenses justifiées en moins ! Il nous faut donc poursuivre l'effort de longue haleine entrepris en matière de réformes structurelles.
C'est d'abord le cas à l'hôpital. Nous menons une politique active de recomposition du tissu hospitalier autour de trois priorités : la réduction des inégalités dans l'accès aux soins, l'adaptation de l'offre de soins aux besoins de la population, la promotion de la qualité et la sécurité des soins.
En particulier, la réflexion pour fonder la tarification des établissements de santé sur les pathologies traitées est engagée, à la suite des dispositions que vous avez votées l'an dernier.
Nous devons disposer de données d'activité hospitalière fiables et rapidement disponibles. A cette fin, nous vous proposons de créer une agence technique de l'information sur l'hospitalisation.
En matière de sécurité sanitaire, des mesures importantes seront prises en 2001 pour améliorer la qualité des procédures de désinfection et de stérilisation et développer l'utilisation de dispositifs médicaux à usage unique, mesures très importantes auxquelles nous allons donner une ampleur sans précédent.
Le Gouvernement accompagne de manière significative ce mouvement de recomposition de l'offre hospitalière par le fonds de modernisation sociale des établissements de santé, le FMES, dont la création est proposée dans le présent projet de loi.
Les réformes structurelles doivent également s'appliquer aux dépenses de médicaments.
Ces dépenses progressent de 6 % à 7 % cette année, soit une évolution très proche de celle de l'année précédente. Il est vrai que la France ne constitue pas, dans ce domaine, une exception, puisque la plupart des pays occidentaux connaissent une évolution encore plus rapide des dépenses de médicaments. Il faut dire cependant que, si nous ne nous distinguons pas sur le plan des flux, le niveau de notre consommation médicale est beaucoup plus élevé que dans nombre de pays voisins.
Plusieurs réformes engagées porteront leurs fruits dès 2001, et plus encore les années suivantes.
Le développement des génériques s'amorce. Nous ferons dans les prochains jours avec les pharmaciens un bilan précis de la progression des médicaments génériques et des économies dont la sécurité sociale a bénéficié.
L'année 2000 marque une nouvelle étape avec l'achèvement de la procédure de réévaluation des médicaments. La commission de la transparence a examiné l'efficacité médicale de près de 2 663 spécialités, ce qui représente plus des deux tiers des spécialités pharmaceutiques françaises.
Nous avons, sans tarder, tiré les conséquences de ces travaux en ajustant le taux de remboursement de certaines spécialités. Parallèlement, le comité économique a conduit avec les laboratoires concernés des négociations pour faire baisser les prix des spécialités dont le SMR, le service médical rendu, a été jugé insuffisant.
Les spécialités dont le SMR a été jugé insuffisant ne seront, à terme, plus remboursées. Cela ne doit cependant pas se faire dans la précipitation. Il importe de donner aux patients, aux prescripteurs, mais aussi aux laboratoires, le temps de s'adapter aux changements qui s'annoncent. A l'issue d'une période transitoire 2000, 2001, 2002, les médicaments à SMR insuffisant sortiront du remboursement.
Certains articles du projet de loi qui vous est soumis accompagnent cette évolution, notamment - et c'est très important - en facilitant le recours à la publicité pour les médicaments qui ne seront plus pris en charge par l'assurance maladie, et surtout en apportant aux médecins une autre information que celle dont ils disposent aujourd'hui et qui, nous le savons tous, est essentiellement diffusée par l'industrie pharmaceutique, avec des moyens considérables. Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler que les dépenses de promotion pharmaceutique des laboratoires dépassent 12 milliards de francs. Que ne pourrait-on faire avec ces 12 milliards de francs ?
Aujourd'hui, nous souhaitons apporter non pas une information d'Etat mais une information neutre, validée scientifiquement, sur le bon usage du médicament. Ainsi, un groupe confraternel d'information des prescripteurs sera prochainement mis en place par le Gouvernement. Dès cette année, nous lui donnerons les moyens de fonctionner. A cette fin, nous vous proposons de créer un fonds de promotion de l'information médicale, alimenté par une fraction de la taxe sur la promotion pharmaceutique.
Enfin, nous vous proposons de modifier la contribution de l'industrie pharmaceutique que l'on appelle la « clause de sauvegarde ». Son mode de calcul a aujourd'hui besoin d'être revu, car il comporte des effets de seuil peu lisibles. L'Assemblée nationale a contribué à améliorer encore la lisibilité et l'efficacité de cette clause.
Comme les gestionnaires de la CNAM l'ont souhaité, la régulation des dépenses des professionnels exerçant en ville repose, depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, sur une large délégation de gestion aux caisses d'assurance maladie. Elles doivent ainsi gérer, de façon concertée et négociée, les dépenses d'honoraires, de biologie et de transport sanitaire. Dans ces secteurs aussi, la maîtrise structurelle doit s'appliquer.
Un amendement adopté par l'Assemblée nationale est venu améliorer la rédaction de la loi ; je ne peux que m'en féliciter. Il est normal que ce dispositif se rôde et que les modifications que souhaite le Parlement puissent y être apportées, lorsqu'elles se révèlent utiles.
Les professionnels demandaient la possibilité de s'engager avec les caisses sur des actions permettant de sortir d'une régulation qui serait purement financière. Nous leur avons donné de nombreux outils pour ce faire. Il faut maintenant que ces mécanismes fonctionnent pleinement.
Il en va ainsi des réseaux et, plus largement, des actions améliorant la qualité des soins. Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, créé à cet effet, commence heureusement à fonctionner.
Parallèlement à la concrétisation des réformes structurelles, nous voulons poursuivre une politique déterminée d'amélioration de la couverture maladie de nos concitoyens.
Ce sont là les mesures qui concernent la couverture maladie universelle. D'ores et déjà, 4 700 000 personnes ont pu avoir accès à ce nouveau droit, soit beaucoup plus que les 2 800 000 bénéficiaires de l'ancienne aide médicale. Je me félicite, à ce propos, de la mobilisation de l'ensemble des acteurs : professionnels de santé, caisses d'assurance maladie, collectivités locales, organismes de couverture complémentaire et associations humanitaires.
A l'Assemblée nationale, j'ai annoncé le relèvement du seuil de 3 500 à 3 600 francs et le prolongement des droits des anciens bénéficiaires de l'aide médicale jusqu'à la fin juin, au lieu du 31 octobre. Cette disposition nous permettra d'étendre la CMU à 300 000 personnes suppplémentaires et également de mieux traiter les cas des personnes qui risqueraient d'être exclues du dispositif. Je suis convaincue que nous pourrons trouver, avec les conseils généraux qui sont concernés, les mesures indispensables à cette fin.
Nous avons également dégagé 10 milliards de francs pour l'hôpital sur trois ans, dont 2 milliards de francs dès cette année pour faire face aux remplacements. Nous améliorons l'équipement sanitaire de la France en appareils d'imagerie à résonance magnétique.
Nous favorisons la vaccination des personnes âgées contre la grippe, nous facilitons l'accès des femmes à la contraception, nous développons la prise en charge des prothèses auditives pour les sourds et des lunettes, notamment pour les seize à dix-huit ans. Cela résulte, là encore, d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale.
Nous mettons en oeuvre un ambitieux programme de lutte contre le cancer, qui propose pour la première fois une approche intégrée organisant la mobilisation de tous les acteurs, de la recherche à la prise en charge des personnes malades et de leurs familles. Ce plan représente un engagement de 1,8 milliard de francs.
Nous améliorons, par ailleurs, la nomenclature des actes des professionnels exerçant en ville : mieux adaptée aux évolutions de la pratique, elle autorise le remboursement de nouveaux actes. C'est ainsi que nous avons travaillé avec les infirmières, dont la nomenclature a été revue à trois reprises.
L'introduction du projet de soins infirmiers, voulue par les caisses et certains syndicats - à vrai dire tous, comme j'ai pu m'en rendre compte, sous réserve de discussions sur les modalités - constitue un progrès pour les personnes dépendantes, en renforçant l'autonomie des professionnels.
De même, pour les masseurs-kinésithérapeutes, un grand pas a été franchi avec la publication de la nouvelle nomenclature, très attendue par la profession.
Sur les soins dentaires, dans l'attente des conclusions de M. Michel Yahiel, deux nouveaux actes vont être admis au remboursement, anticipant sur la refonte complète de la prise en charge.
Enfin, les non-salariés non agricoles bénéficient d'une amélioration de la couverture maladie. Il y aura donc désormais un socle commun entre le régime général, les régimes des exploitants agricoles et des salariés agricoles et ceux des professions indépendantes.
Enfin, dernier axe de ce projet de loi, nous entendons franchir une nouvelle étape en matière de réforme du financement de la sécurité sociale.
C'est ainsi que le projet de loi qui vous est soumis comporte une mesure importante d'allégement de la CSG et de la CRDS pour les ménages modestes.
Le Gouvernement vous propose en effet d'instituer une ristourne dégressive de CSG et de CRDS, comprise entre 1 et 1,3 fois le SMIC, ce dernier seuil ayant été porté à 1,4 fois par amendement à l'Assemblée nationale.
Cette mesure se déploiera au cours des trois prochaines années et représentera, au terme de ces trois ans, l'équivalent d'un treizième mois pour les smicards.
A travers cette mesure, le Gouvernement vise trois objectifs.
Tout d'abord, réduire l'écart entre salaire brut et salaire net. C'est, je le sais, une préoccupation que partagent nombre d'entre vous, et pas seulement, semble-t-il, dans la majorité. En 2003, le SMIC net sera relevé de 540 francs par mois.
Ensuite, accroître le pouvoir d'achat. Beaucoup d'inexactitudes ont été entendues sur ce sujet. Au total, depuis 1997, le pouvoir d'achat par tête s'est accru de 1,1 % par an en moyenne. En particulier, la suppression des 4,8 points de cotisations maladies, auxquels se sont substitués 4,1 points de CSG, a permis de distribuer du pouvoir d'achat aux salariés. Au total, depuis 1997, le SMIC net s'est déjà accru de l'équivalent d'un treizième mois. Avec la mesure que nous vous proposons ici, c'est donc un avantage du même ordre, en termes de gain de pouvoir d'achat, qui sera consenti aux smicards d'ici à 2003.
Enfin, troisième objectif, il convient de lutter contre les « trappes à inactivité ». Cette mesure renforce en effet l'attrait du revenu d'activité par rapport aux minima sociaux et complète ainsi une série de dispositions déjà prises par le Gouvernement pour rendre financièrment moins pénalisant le retour à l'emploi, qu'il s'agisse de la réforme des dégrèvements de la taxe d'habitation, de la réforme des aides au logement ou de la mise en place de l'intéressement des RMistes, qui permet le cumul d'un revenu d'activité et de l'allocation pendant un an. Vous l'avez compris, cette mesure de ristourne dégressive de la CSG et de la CRDS a un seul but : l'emploi.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que nous pouvons nous réjouir de la poursuite de l'assainissement financier de la sécurité sociale.
Le redressement des comptes est, d'abord, le fruit des réformes structurelles que nous avons patiemment engagées. C'est ce qui nous permet de faire progresser les acquis sociaux, aussi bien en matière de santé qu'en matière de mesures en faveur des familles, des retraités ou des victimes d'accidents du travail, et je ne doute pas que les précisions que je viens d'apporter conduiront M. Descours à modifier le jugement qu'il a cru devoir porter devant la presse voilà quelques jours.
J'attends naturellement avec intérêt son discours, dans lequel il ne manquera certainement pas de souligner l'évolution des politiques par rapport à celles qui ont été menées, dans une période antérieure, par une majorité qu'il soutenait. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Charles Descours, rapporteur. Vous ne serez pas déçue, madame le ministre !
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme la ministre vient de le dire, l'équilibre des comptes de la sécurité sociale a été atteint. Cet objectif était délibérément visé, et nos concitoyens souhaitaient qu'on l'atteigne, car ils savent que, sans cet équilibre, il n'y a ni d'égalité, ni qualité, ni justice dans l'accès aux soins.
Nous n'ignorons pas le mécontentement qu'expriment certains professionnels de santé, pas plus que les efforts réalisés par nombre d'entre eux pour nous aider à atteindre cet objectif d'équilibre.
Mais parce que cet équilibre est encore fragile - la branche maladie continue à être déséquilibrée - nous veillerons à ce qu'aucun dérapage ne vienne le compromettre. Le fait qu'il soit retrouvé nous permet en tout cas de parler aujourd'hui avec sérénité de la santé publique.
Longtemps sous-estimée, la définition claire d'une politique de santé publique est devenue en quelques années une exigence des élus, des professionnels et, de façon encore plus large, des usagers et des citoyens.
Même si, cette année, l'exercice nous conduit encore à parler surtout des comptes de la sécurité sociale, je vais, puisque vous m'y encouragez, développer rapidement les grands axes de cette politique de santé publique que poursuit le Gouvernement et qui sont les suivants : rendre égal l'accès aux soins, renforcer la sécurité, développer la transparence et le droit des malades, développer la prévention et l'éducation pour la santé, continuer d'améliorer la prise en charge des malades.
Premier axe, donc, rendre égal l'accès aux soins.
Désormais, l'ensemble de nos concitoyens bénéficient d'un accès aux soins de santé grâce à la mise en oeuvre de la CMU et grâce aussi à la prolongation du dispositif d'aide médicale gratuite, ce qui permettra d'adapter les dispositifs les uns par rapport aux autres.
Par ailleurs, l'élaboration des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, les PRAPS, a dynamisé la mobilisation de l'ensemble des intervenants dans le domaine de l'accès aux soins.
Les hôpitaux, quant à eux, ont mis en place des permanences d'accès aux soins de santé, les PASS, qui permettent l'accès à des consultations à tout moment. Près de 300 permanences d'accès aux soins ont été financées en 1999, et nous renforcerons les moyens de ces permanences l'année prochaine.
J'en viens au deuxième axe, à savoir le renforcement de la sécurité.
Vous le savez, le besoin de sécurité sanitaire est une exigence forte de nos concitoyens. Le 1er janvier dernier, la mise en place, prévue par la loi, de l'établissement français du sang est venue renforcer le dispositif de prévention sanitaire prévu par le législateur en juillet 1998. Ce dispositif sera prochainement complété par la création de l'agence de sécurité sanitaire environnementale, chargée d'expertiser et d'évaluer l'impact potentiel des perturbations de l'environnement sur la santé humaine.
En trois ans, la France se sera dotée d'un dispositif permettant l'évaluation scientifique, la gestion des risques et la transparence des décisions. Ce dispositif permet à la France d'impulser, grâce à un savoir-faire et à une expérience reconnus, une politique européenne de sécurité sanitaire.
Nous poursuivons, par ailleurs, les programmes de lutte contre les infections nosocomiales et les accidents iatrogènes. Les techniques de fonctionnement de la sécurité anesthésique, de l'accueil et du traitement des urgences sont progressivement encadrées.
Le troisième axe consiste à développer la transparence et les droits des malades.
Nos concitoyens souhaitent un système de soins plus transparent et plus ouvert à leur propre participation, nous le savons tous.
Le développement de l'accréditation contribue à cet effort. L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, a rendu publics, en juin 2000, les premiers comptes rendus d'accréditation : en juillet, quelque 186 établissements de santé étaient engagés dans la procédure d'accréditation.
A la suite des états généraux de la santé, qui ont montré la forte attente de la population, nous proposerons, dans les semaines qui viennent, à travers le projet de loi de modernisation du système de santé, une réponse aux attentes exprimées, en suivant les conclusions du Premier ministre lors de la clôture de ces états généraux.
Alors que la science, la médecine ont beaucoup progressé et ont permis un accroissement important de la longévité, la prévention doit maintenant être au centre de notre système de santé.
Il convient, tout d'abord, de lutter contre les maladies infectieuses, en poursuivant le programme national de lutte contre l'hépatite C. En 2001, ce programme de dépistage et de prévention sera renforcé, en particulier en direction des usagers de drogues, des personnes détenues et des professionnels réalisant des tatouages et du piercing.
Nous continuerons avec détermination la lutte contre le sida. En 2001, nous allons renforcer les actions à destination des publics les plus vulnérables, à savoir les femmes, les populations migrantes et les jeunes.
Pour améliorer la prise en charge des personnes malades en situation de précarité, nous proposons le transfert du dispositif expérimental d'appartement de coordination thérapeutique destiné aux personnes atteintes du sida dans le cadre commun de la loi de 1975 relative aux institutions médico-sociales.
Ensuite, nous prenons en charge et nous prévenons les pratiques addictives. Il s'agit, avant tout, du tabagisme et de l'abus d'alcool. Si nous ne réussissons pas à inverser la tendance, il s'agira probablement dans les prochaines années des causes empêchant la progression de l'espérance de vie.
En ce qui concerne la lutte contre le tabagisme, nous poursuivons les actions annoncées en mai 1999 selon trois axes : le renforcement de l'information de la population, l'aide au sevrage tabagique et la protection des non-fumeurs.
Le délistage des produits de substitution nicotiniques a ainsi permis de doubler le nombre de tentatives de sevrage. Quand on sait qu'un fumeur sur deux déclare avoir envie d'arrêter de fumer, nous devons nous appuyer sur cette détermination pour protéger la santé de nos concitoyens.
Pour consolider les consultations de prévention individuelle de l'alcoolisme réalisées dans les structures d'hébergement, nous proposons une prise en charge par l'assurance maladie des organismes locaux chargés de ces consultations.
Ces efforts s'inscrivent dans la poursuite des objectifs fixés par le plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances adopté en juin 1999.
D'autres programmes de prévention tout aussi importants sont mis en oeuvre. Sans entrer dans le détail, je citerai ceux qui concernent la prévention du suicide, que j'ai présenté à Nantes à la fin du mois de septembre, l'application de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé chez les sportifs et à la lutte contre le dopage, enfin, la nutrition, qui est le thème prioritaire de santé publique porté par la France pendant sa présidence européenne et qui sera le thème d'un colloque européen en décembre prochain.
Nous allons continuer d'améliorer la prise en charge des malades, et tout d'abord des malades atteints d'un cancer. C'est une priorité essentielle de santé publique car chaque année 250 000 nouveaux malades sont diagnostiqués.
Le dispositif français dans ce domaine n'est pas suffisamment organisé. La Cour des comptes l'a relevé dans le rapport qu'elle nous a remis au début de cet automne. En février dernier, Martine Aubry et moi-même avons annoncé un ambitieux programme national qui s'articule autour de cinq axes, que Mme Guigou vous a rappelés tout à l'heure.
L'un des axes attendu de ce programme concerne le dépistage généralisé des cancers du sein, du col de l'utérus et colorectal. En juillet dernier, la circulaire précisant les modalités du dépistage du cancer du sein a été publiée ; celle concernant le cancer colorectal le sera dans les semaines qui viennent. Les discussions tarifaires sont en cours. Ces programmes vont donc pouvoir se généraliser comme prévu, progressivement, en garantissant l'égalité d'accès à toutes les personnes.
Pour compléter ce dispositif de lutte contre le cancer, une ambitieuse politique de santé publique du prélèvement et de la greffe a été engagée parallèlement. La greffe ne peut réussir que s'il y a prélèvement et disponibilité du greffon. En ce domaine, nous devons faire un gros effort pour sensibiliser nos concitoyens à cet acte de solidarité majeur.
Nous poursuivons par ailleurs les programmes que nous avions annoncés : lutte contre la douleur, développement des soins palliatifs, organisation de l'hospitalisation à domicile.
En ce qui concerne la santé des femmes, vous connaissez l'engagement du Gouvernement dans ce domaine. Je rappellerai simplement notre volonté de garantir l'accès à l'IVG et à la contraception et les projets de loi visant à revoir et à moderniser les lois Neuwirth et les lois Veil.
En matière de santé mentale, au-delà du programme d'actions concernant la prévention du suicide que j'ai évoqué, nous avons entamé une large réflexion nationale dans le domaine de la santé mentale.
L'attente de nos concitoyens évolue en ce domaine alors que l'image traditionnelle de la psychiatrie accuse un décalage grandissant, qui se manifeste désormais aussi par une désaffection des professionnels de santé pour la psychiatrie publique du secteur, qu'il s'agisse des médecins ou des infirmières.
Nous souhaitons donc travailler avec tous les professionnels à une intégration renforcée du dispositif de prise en charge des maladies mentales dans le dispositif général de l'offre de soins.
Avant de conclure, j'aimerais rappeler deux autres programmes qui me tiennent à coeur.
Il s'agit, en premier lieu, de la prise en charge des enfants dysphasiques et dyslexiques - vous savez que 4 % à 5 % des enfants sont concernés. Avec le ministre de l'éducation nationale, nous avons mis en place un plan d'actions qui permettra une prévention de ces troubles du langage, un diagnostic plus rapide, plus sûr, et une meilleure prise en charge.
Il s'agit, en second lieu, de la santé des personnes détenues. Depuis trois ans, nous avons renforcé l'accès aux soins, développé la prévention des pratiques addictives et amélioré le dépistage du VIH et des hépatites. Avec Elisabeth Guigou, nous souhaitons renforcer ces actions en permettant, en particulier, que les personnes détenues qui en ont besoin puissent être hospitalisées dans de bonnes conditions, dans des conditions dignes de la personne humaine. A cette fin, l'installation d'unités sécurisées interrégionales a été décrétée dans huit centres hospitalo-universitaires.
Par ailleurs, nous avons engagé la définition de guides de bonnes pratiques pour la prise en charge, l'accompagnement et le suivi de patients atteints de maladies rares et pourtant très graves, ainsi que de leur famille.
Telles sont, en quelques mots, les grandes lignes de la politique de santé publique que nous menons. Je suis convaincue que cette politique va dans le sens des aspirations et des besoins de nos concitoyens. Elle participe à l'amélioration des conditions de santé de tous. Je suis également convaincue que nous devons aujourd'hui nous engager résolument dans la modernisation de notre système de santé, une modernisation voulue et comprise par tous les professionnels de santé et qui doit se traduire par une plus large place faite aux usagers et aux malades.
Aujourd'hui, par la politique que nous menons, et notamment par la loi de lutte contre les exclusions, nous avons contribué à faire reculer les inégalités de santé. Demain, pour aller plus loin, nous devons introduire plus de démocratie au coeur du système de santé. Je sais que cet idéal rencontre l'adhésion de beaucoup d'entre vous et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Madame le ministre, je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue au Sénat dans vos nouvelles fonctions, mais vous dire que le texte que vous avez à défendre pour la première fois dans cet hémicycle souffre de beaucoup de critiques partagées par de nombreuses personnes. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer. C'est exagéré !
M. Charles Descours, rapporteur. Il est dommage - et je m'adresse également à l'opposition sénatoriale - que les conseils d'administration des caisses et les professionnels de santé n'aient pas lu avec les mêmes lunettes que vous, si j'ose dire, le projet de loi que vous nous proposez. (Sourires).
Je rappelle en effet, au cas où quelqu'un dans cet hémicycle l'aurait oublié, que les quatre conseils d'administration des caisses ont tous, à l'unanimité - j'insiste - voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Quant aux professionnels de santé, il faut croire que tous les efforts que vous nous avez déclaré vouloir faire, madame le ministre, en faveur des kinésithérapeutes, des infirmiers et des médecins ne sont pas arrivés jusqu'à eux puisqu'ils ont fait une journée « santé morte » le 26 octobre, jour où vous inauguriez vos nouvelles fonctions à l'Assemblée nationale. Et les spécialistes fermeront leur cabinet à partir du 15 novembre.
Votre discours introductif ne m'a pas, pour ma part, convaincu, mais peut-être convaincra-t-il les professionnels de santé...
La sécurité sociale est en excédent - c'est vrai - pour la première fois depuis dix ans.
Au-delà de cette bonne nouvelle, que personne ne conteste, pouvons-nous dire que la France dispose d'une sécurité sociale en meilleure santé ? Je ne le pense pas et je souhaiterais, à cet égard, faire deux observations sur les années 1999 et 2000.
Première observation, le redressement des comptes a été fragile. Il s'explique par une forte augmentation de la masse salariale grâce au dynamisme de la création d'emplois et malgré la modération salariale,...
M. Claude Domeizel. C'est bien de le reconnaître !
M. Charles Descours, rapporteur. ... ce qui s'explique, selon le Gouvernement lui-même, par la mise en place des trente-cinq heures.
Le Gouvernement rappelle que le redressement de la sécurité sociale est à porter à l'actif non seulement de la croissance, mais également des « mesures structurelles » ; madame la ministre, vous venez de nous le redire. Toutefois, ces « mesures stucturelles » ne sont pas des mesures d'économie, mais correspondent à l'affectation de nouveaux prélèvements à la sécurité sociale.
Il faut souligner que pour ces deux raisons - mesures structurelles et forte augmentation de la masse salariale - la sécurité sociale bénéficie de ce que nous appelons, probablement abusivement, une « cagnotte sociale ». De prélèvement obligatoire en prélèvement obligatoire, cette « cagnotte sociale » se serait élevée à 7 milliards de francs en 1999 et à 12,5 milliards de francs en 2000.
Même limitée - surtout en comparaison de la « cagnotte fiscale » ! - force est de constater que cette « cagnotte sociale » a été utilisée intégraleme nt pour financer le dérapage des dépenses maladie, sur lesquelles je reviendrai dans un instant.
Le régime général, je l'ai dit, est équilibré en 1999. Mais le contenu de cet équilibre a été profondément modifié : alors que la loi de financement prévoyait un équilibre de la branche maladie, celle-ci a connu un déficit de 9 milliards de francs. L'excédent des branches vieillesse, famille et accidents du travail vient masquer ce déficit, mais il est clair qu'en additionnant des choux et des navets - au mépris d'ailleurs de la loi de 1994, qui instaurait l'indépendance des branches - nous arrivons à l'équilibre de la sécurité sociale que Mme Aubry a présenté à la commission des comptes. Mais personne ne doit perdre de vue que l'assurance maladie est, en réalité, en déficit de 9 milliards de francs.
En 2000, le régime général disposerait d'un excédent global de 3,4 milliards de francs : la branche maladie resterait déficitaire mais les autres branches seraient excédentaires. Encore faut-il préciser, et la Caisse nationale des allocations familiales l'a déjà fait, que le Gouvernement modifie les règles du jeu, en transférant à la branche famille, sur l'exercice 2000, 2 milliards de francs de dépenses supplémentaires au titre de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
En réalité, seul l'écart de progression entre ces prélèvements et ces dépenses explique le rétablissement des comptes. Tout retournement de conjoncture reposerait le problème du « trou » de la sécurité sociale, « trou » dont la disparition, comme vous, me réjouit.
Deuxième observation, le Gouvernement a dénaturé considérablement l'outil que devaient constituer les lois de financement de la sécurité sociale. Il a notamment refusé, contre toute attente, de déposer un projet de loi de financement rectificatif, un « collectif social ».
Un « collectif social » était en effet nécessaire en raison de l'annulation par le Conseil constitutionnel d'une des recettes du fonds de financement des trente-cinq heures - le fameux FOREC - la taxe sur les heures supplémentaires. Ce fonds n'était plus équilibré. La preuve en est, et nous y reviendrons dans un instant, que c'est en définitive au projet de loi de financement 2001 qu'il revient de lui affecter de nouvelles recettes.
Un « collectif social » était également nécessaire en raison du « plan hôpital » du Gouvernement, présenté par Mme Aubry au mois de mars dernier. Nous ne sommes pas opposés à ce plan, mais il est pour moitié financé par la sécurité sociale, raison supplémentaire de présenter un projet de loi de financement rectificatif !
Un « collectif social » était enfin nécessaire en raison des charges nouvelles que doit supporter la branche famille, à travers l'accélération de la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la CNAF.
L'absence de loi de financement rectificative n'est cependant pas tout.
Le Gouvernement dénature l'outil des lois de financement de la sécurité sociale en faisant adopter, dans le cadre d'une procédure d'urgence de droit, des dispositions dont les textes d'application tardent systématiquement à paraître. Le meilleur exemple, pour la loi de financement de la sécurité sociale de 2000, c'est le FOREC, qui n'existe pour l'instant que sur le papier. Or si le projet de loi est adopté, le FOREC aura un budget de 85 milliards de francs en 2001.
Le Gouvernement dénature aussi l'outil des lois de financement en multipliant les mesures du type « diverses mesures d'ordre social ». Or le législateur de la loi organique de 1996 avait voulu que la loi de financement de la sécurité sociale soit un « texte court », centré sur les enjeux du financement de la protection sociale.
Le Gouvernement dénature encore l'outil des lois de financement de la sécurité sociale en multipliant les fonds, ce qui parcellise le financement de la protection sociale.
Un appel exhaustif de cette quinzaine à vingtaine de fonds figure dans mon rapport écrit. Je serais incapable de les citer tous. Je suppose d'ailleurs que personne n'en serait capable.
Enfin, et tel est le plus gros défaut de ce projet de loi, depuis quelques années, si, grâce à l'effort de tous, notamment des caisses, les comptes sociaux ont incontestablement gagné en fiabilité, compte tenu de la « tuyauterie » dissimulée dans ce texte - je m'excuse de répéter ce terme qui connaît quelque succès -, ils ont perdu en lisibilité. Or, on ne peut pas avoir l'échange démocratique que vous appelez de vos voeux, d'abord avec le Parlement, puis avec la population, si nous ne connaissons pas la teneur des comptes sociaux.
Je vous mets d'ailleurs au défi, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, d'expliquer simplement le financement du FOREC et de répondre à une interrogation écrite sur la base de ces documents. (Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
Les conditions de fonctionnement de la commission des comptes de la sécurité sociale suscitent également des questions.
La presse parle du rapport de la commission des comptes ; en fait, les comptes sont établis par la direction de la sécurité sociale - je déplore d'ailleurs que son directeur soit parti - dont les hypothèses tendancielles sont de plus en plus discutables.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous laisser mettre en cause un haut fonctionnaire, en l'occurrence le directeur de la sécurité sociale.
M. Bras a besoin, pour son travail, de sortir de temps en temps de l'hémicycle ; de toute façon, il n'est pas tenu, contrairement aux représentants du Gouvernement, d'être présent en permanence pour écouter les débats.
M. Guy Vissac. Il n'a pas été mis en cause.
M. Alain Gournac. Du calme !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, j'entretiens les meilleures relations avec M. le directeur de la sécurité sociale, comme avec ses prédécesseurs, et je ne le mets absolument pas en cause.
Je voulais dire que c'est lui et ses prédécesseurs qui rédigent le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Or M. Monier nous a présenté un texte tenant compte de décisions qui n'étaient ni votées ni même présentées au Parlement. C'est cela qui est choquant. D'ailleurs, je déposerai quelques amendements tendant à améliorer le fonctionnement de la commission des comptes de la sécurité sociale, dans laquelle je siège depuis une douzaine d'années.
Par ailleurs, le dernier rapport de septembre 2000 ne mentionne même pas les comptes du FOREC. Mme Gillot peut témoigner que je l'ai signalé immédiatement.
Enfin, le Gouvernement modifie constamment l'affectation des prélèvements sociaux. La répartition des droits sur les tabacs entre l'Etat, la CNAMTS et maintenant le FOREC a été modifiée par toutes les lois de financement de la sécurité sociale, sauf celle de 1999. Le prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine a fait l'objet de quatre modifications en trois ans.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 franchit, du point de vue des « tuyauteries », un palier considérable : on peut parler désormais de « bricolage financier permanent », et nous allons voir pourquoi.
Une conjoncture économique toujours très favorable explique l'excédent prévu pour 2001. La prévision de croissance de la masse salariale est de 5,9 %, ce qui représente un « pari » d'une croissance historique reposant sur une progression élevée du salaire moyen par tête, qui reste bien évidemment à confirmer. (M. Fischer s'exclame.)
Voyons ! Il y a quatre ans que vous êtes au pouvoir. Encore que vous, sur la sécurité sociale !... (M. Fischer s'exclame de nouveau.)
Pour le régime général, le Gouvernement indique un excédent tendanciel de 15,3 milliards de francs, la branche maladie parvenant presque à l'équilibre.
Hélas ! la loi de financement de la sécurité sociale - les partenaires sociaux l'ont déploré - est devenue la loi de financement des trente-cinq heures, et cette « loi » est impitoyable...
En effet, l'année dernière déjà, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 avait détourné au profit du FOREC 5,6 milliards de francs de droits sur les alcools dont bénéficiait auparavant le fonds de solidarité vieillesse, la compensation de cette perte étant assurée par les trois branches du régime général, qui ont ainsi effectivement contribué au financement des 35 heures.
Pour équilibrer les comptes du FOREC en 2000 - 67 milliards de dépenses prévues - le projet de loi de financement prévoit de lui affecter rétroactivement, notamment en raison de la décision du Conseil constitutionnel, 5,4 milliards de francs de droits sur les alcools, aujourd'hui encore versés au fonds de solidarité vieillesse, tandis que le collectif budgétaire de fin d'année, que nous voterons au mois de décembre, devrait lui affecter 3,1 milliards de francs de droits sur les tabacs.
En 2001, face à l'explosion des dépenses de ce fonds, qui sont estimées à 85 milliards de francs, « la réforme des cotisations patronales » connaît de nouveaux avatars, puisque son assiette est étendue aux vignettes des véhicules des sociétés et aux conventions d'assurance.
Par ailleurs, le champ de compétences du FOREC est élargi aux exonérations de la loi Robien et à certaines exonérations de cotisations d'allocations familiales.
Je vais essayer de vous apporter des éclaircissements sur le financement du FOREC sans recourir à des transparents. Nous avons pourtant demandé à M. le président du Sénat de pouvoir projeter des images dans l'hémicycle.
M. le président. Monsieur Descours, la possibilité de visionner des transparents existe d'ores et déjà au Sénat, dans les salles de commission notamment. Cette possibilité est à l'étude pour l'hémicycle et j'espère que MM. les questeurs accepteront l'enveloppe financière qui serait nécessaire.
Comme vous le voyez, l'idée n'est pas abandonnée.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je dirai donc quelques mots, sans images, sur ces « tuyauteries » du financement du FOREC en 2001.
Le Gouvernement prévoit de lui affecter 7,1 milliards de francs de droits sur les tabacs qui sont aujourd'hui affectés à la CNAMTS. Cette diminution de recettes est compensée au sein de la caisse par une augmentation du taux de la CSG maladie. Dans le même temps, le taux de la CSG affecté au fonds de solidarité vieillesse baisse à due concurrence. En revanche, la branche famille « allège » les charges du FSV, en reprenant une fraction des majorations pour enfants. On voit bien quel est le circuit entre tous ces organismes.
Toutes ces « tuyauteries » affreusement compliquées ont un objectif très simple : financer les trente-cinq heures.
Le FOREC disposera donc en 2001 de plus de 18 milliards de francs autrefois affectés à la sécurité sociale, à savoir des excédents de la branche famille et du FSV.
Il reste que j'ai encore des doutes sur l'équilibre du FOREC en 2001.
En 2003, alors que son budget devrait atteindre 110 milliards de francs de dépenses, son financement apparaîtra encore plus problématique. On ne voit pourtant pas quelles taxes supplémentaires pourraient encore lui être affectées, tant la collection présentée aujourd'hui par le Gouvernement est complète.
Lorsque l'on examine plus précisément les différents flux financiers organisés par le projet de loi entre l'Etat et la sécurité sociale, force est de constater que l'Etat sort « gagnant » : il ne finance plus en rien le passage aux trente-cinq heures, comme je le décris en détail dans mon rapport écrit.
Ces différentes réaffectations de recettes montrent également que le Gouvernement n'a pas respecté le « plan de financement » de la couverture de base de la couverture maladie universelle, qui prévoyait d'affecter 28 % du prélèvement social de 2 % à la CNAMTS. Il ne reste désormais plus rien des 28 % du prélèvement social, ce qui représente plus de 3 milliards de francs en 2001.
Madame le ministre, j'ai bien écouté ce que vous avez dit sur l'augmentation du plafond pour bénéficier de la CMU. Nous n'aurons pas l'occasion d'en discuter au cours de ce débat qui porte très précisément sur le financement de la sécurité sociale.
Je rappellerai simplement du haut de cette tribune que, malgré l'augmentation que vous avez annoncée, l'allocation versée aux adultes handicapés restera au-dessous du plafond de la CMU.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Charles Descours, rapporteur. Je veux maintenant insister sur les reproches que j'adresse au Gouvernement : dans ce projet de loi, il porte atteinte à trois grands principes.
Le premier principe, c'est l'universalité de la CSG et de la CRDS sur les revenus d'activité.
La réduction dégressive de CSG proposée à l'article 2 du projet de loi souffre de plusieurs défauts majeurs.
Tout d'abord, elle remet en cause l'universalité du financement de la protection sociale alors que six gouvernements successifs, de droite comme de gauche, pendant dix ans, ont essayé de consolider ce prélèvement qui a été qualifié de « citoyen ». Introduire des dispositifs d'exonération revient à reproduire l'erreur qui a été commise avec l'impôt sur le revenu : la base et l'assiette de l'imposition sont appelées à se réduire petit à petit.
C'est d'ailleurs l'une des raisons essentielles pour lesquelles les conseils d'administration des caisses ont voté contre.
Par ailleurs, ce mécanisme est inéquitable.
Ainsi, un couple disposant de deux salaires au niveau du SMIC - l'exemple a été cité à l'Assemblée nationale - bénéficiera de deux réductions à taux plein, alors qu'un couple percevant un seul salaire à 1,4 fois le SMIC ne bénéficiera d'aucune réduction et qu'un célibataire titulaire d'un revenu égal au SMIC bénéficiera de la même ristourne qu'un smicard père de trois enfants.
La réduction dégressive de la CSG est compensée, nous dit-on, et c'est vrai, à la CNAMTS, à la CNAF et au FSV. Mais elle l'est d'une manière qui nous paraît incertaine car elle s'opère à travers des fractions de la taxe sur les conventions d'assurance, dont l'assiette est bien évidemment différente de celle de la CSG.
Ce dispositif sera difficile à mettre en oeuvre par les entreprises et probablement par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, et les organismes de recouvrement. Permettez au président du conseil de surveillance de le souligner.
Enfin, sa constitutionnalité - mais nous verrons bien - m'apparaît douteuse, notamment en raison des « pluriactifs » qui pourraient maximiser l'avantage de réduction de CSG, alors que leurs revenus seraient supérieurs à 1,4 SMIC.
Le deuxième principe auquel le Gouvernement porte atteinte est le financement de la dette sociale.
Vous l'avez dit, voilà un instant, madame le ministre, l'exonération de CRDS pour les retraités modestes et les chômeurs non imposables, et la ristourne de CRDS sur les revenus d'activité représentent une diminution de recettes qui n'est pas nulle puisqu'elle atteint 2,8 milliards de francs en 2001 et sera de 4,1 milliards de francs dès 2003. Or, la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, est financée quasi exclusivement par la CRDS, afin de rembourser la dette sociale, jusqu'au 31 janvier 2014.
De plus, l'article 3 apparaît étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale : l'annulation du dispositif par le Conseil constitutionnel est donc possible.
Enfin, le Gouvernement porte atteinte au champ de la loi de financement, par l'extension de la solidarité nationale aux régimes complémentaire vieillesse.
Je me suis réjoui - je le dis sincèrement car nous avons suffisamment débattu de cette question au cours des années précédentes - qu'une issue ait été trouvée après seize ans de conflit entre l'AGIRC, l'ARRCO et l'Etat. Mais le Gouvernement propose de confier au FSV, à cet organisme chargé de financer les avantages non contributifs des régimes de base, le soin de financer une dette de l'Etat à l'égard de ces régimes complémentaires vieillesse. La disposition, là aussi, apparaît étrangère au « champ » de la loi de financement, qui est limité aux régimes de base.
Je ne parlerai pas des autres mesures du projet de loi, qui constituent un catalogue souvent hétéroclite, ni des réformes structurelles auxquelles nous aspirons et qui sont reportées, nous semble-t-il, aux calendes grecques.
Au total, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 présente des équilibres incertains et un dispositif « parasité » par le financement des 35 heures et les dispositions fiscales introduites par le ministère des finances.
Madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais maintenant évoquer l'assurance maladie.
Le passage de Mme Martine Aubry au ministère de l'emploi et de la solidarité se solde par un bilan qu'il est difficile de qualifier de positif.
M. Jean Chérioux. Il est catastrophique ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours, rapporteur. Voyez comme ils sont méchants !
M. Alain Gournac. Disons calamiteux !
M. Jean Chérioux. Heureusement que l'on a un gentil rapporteur !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre l'orateur !
M. Charles Descours, rapporteur. Je crois qu'à son départ Mme Aubry a laissé un véritable champ de ruines (Mme Dieulangard proteste.)
La dérive des dépenses s'est poursuivie, l'ONDAM n'a pas été respecté à trois reprises, les professionnels de la santé sont exaspérés et dans la rue, les hôpitaux s'agitent et les cliniques privées s'enfoncent dans la crise.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Quel bilan !
M. Charles Descours, rapporteur. Je crois que l'on peut tirer trois enseignements de l'analyse de l'évolution de l'assurance maladie.
Premier enseignement : l'ONDAM est bafoué et la volonté du Parlement superbement ignorée. Je l'avais également dit à la commission des comptes.
La dérive inquiétante des dépenses d'assurance maladie se poursuit inexorablement : l'ONDAM a ainsi été dépassé de 11,3 milliards de francs en 1999 et devrait l'être encore, malgré son « rebasage », d'au moins 13,2 milliards de francs en 2000.
Pour 2001, l'article 44 du projet de loi prévoit que l'ONDAM est fixé à 693,3 milliards de francs soit, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « une progression de 3,5 % par rapport aux dépenses attendues de 2000 ».
Pour la deuxième année consécutive, le taux de progression de l'ONDAM de l'année n + 1 est donc calculé à partir de l'ONDAM réalisé et non par rapport à celui qui est voté.
En 2001, l'opération de rebasage est cependant plus complexe. L'ONDAM réalisé en 2000 serait de 671,5 milliards de francs. Le Gouvernement n'a cependant pas choisi ce chiffre pour son ONDAM rebasé. Il a souhaité le corriger de l'effet des reports de liquidation, évalué à 2,4 milliards de francs, et de la marge de manoeuvre pour 2000, estimée à 600 millions de francs.
Le taux de progression de l'ONDAM 2001 n'est donc que de 3,25 %, si on le calcule par rapport au chiffre prévisionnel des dépenses 2000 ; mais il est évident qu'il est mieux d'afficher une progression de 3,5 % pour les professionnels de santé !
Toutefois, si l'on compare l'ONDAM 2001 à l'ONDAM voté par le Parlement en 2000, la progression est non plus de 3,25 %, mais de 5,3 %. On constate donc - vous l'avez dit tout à l'heure, madame - une forte dérive des dépenses d'assurance maladie.
Autant dire que le taux de 3,5 % a un caractère très virtuel et qu'il vise surtout à frapper l'opinion publique et les professionnels de santé. L'expérience des quatre premières lois de financement montre, en effet, que le débat porte surtout sur le taux de progression affiché par le Gouvernement, alors même que le seul chiffre ayant une existence juridique est celui de l'ONDAM voté, en l'occurrence 693,3 milliards de francs cette année.
Au terme de ces quatre premières lois de financement de la sécurité sociale, quel bilan peut-il être tiré ?
Seul le premier ONDAM de l'histoire parlementaire, celui de 1997, a été respecté. Sur quatre années, de 1997 à 2000, l'écart entre l'objectif voté et l'ONDAM réalisé s'accroît d'année en année, pour atteindre plus de 13 milliards de francs en 2000. Il faut savoir que le dérapage cumulé de ces quatre années s'élève à plus de 33 milliards de francs entre ce que nous avons voté et ce qui a été réalisé.
Le vote de l'ONDAM, s'il ne correspondait pas à l'ouverture d'un volume limitatif de crédits, n'en avait pas moins, à notre sens, une portée normative. En cas de dépassement prévisionnel de l'ONDAM, le constituant et le législateur organique avaient prévu que des lois de financement rectificatives devaient acter ce dépassement et proposer des mesures correctrices.
Or, depuis l'entrée en fonction de ce gouvernement, aucun projet de loi de financement rectificatif n'a été déposé devant le Parlement. Le Gouvernement propose seulement chaque année au Parlement d'adopter un nouvel ONDAM, en faisant comme s'il ne s'était rien passé, comme si les déficits ne devenaient pas des dettes. Le vote du Parlement perd ainsi, année après année, un peu plus de signification.
Aucune analyse n'a pu confirmer la pertinence et l'utilité de ces dépenses supplémentaires. Personne n'est en mesure de dire quel bénéfice la population en a tiré, faute de choix explicites de priorités sanitaires.
Certes, le déficit de la branche maladie du régime général se réduit, mais cette amélioration tient plus à la forte progression des recettes qu'à la modération des dépenses.
Ce déficit a été de 9 milliards de francs en 1999 ; il devrait atteindre 6 milliards de francs en 2000. Selon les chiffres du projet de loi, qui reposent sur des hypothèses fragiles, le régime général resterait déficitaire pour l'assurance maladie de près de 1,4 milliard de francs en 2001. Un simple dérapage des dépenses ou une moindre progression des recettes suffirait cependant à revenir au niveau de déficit des années précédentes.
Deuxième enseignement : le système conventionnel est désormais moribond.
La forte progression des dépenses d'assurance maladie intervient dans un contexte de dégradation très sensible des relations entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé.
Au lieu de tenter de favoriser le dialogue conventionnel, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a défini, dans son article 24, un mode de régulation qui est exclusivement comptable et dans lequel plus rien n'est à négocier : l'ajustement se fait automatiquement, par des lettres clés flottantes.
Cet article a donné délégation aux caisses nationales d'assurance maladie, au sein de l'enveloppe soins de ville, pour la gestion d'un objectif de dépenses déléguées, c'est-à-dire d'une enveloppe correspondant aux honoraires des différents professionnels conventionnés - ou, à défaut sous règlement conventionnel minimum - avec l'assurance maladie.
La première application concrète de ces dispositions s'est traduite par une baisse du tarif des lettres clés décidée au mois de juillet par Mme Aubry et touchant essentiellement les radiologues, les cardiologues et les kinésithérapeutes.
Ces mesures ont suscité une très vive émotion chez les professionnels de santé, qui a abouti à la journée « santé morte » du 26 octobre dernier.
L'application pratique des lettres clés flottantes - qui signifie des sanctions collectives - s'est donc révélée, comme l'avait prévu le Sénat, tant inefficace que très néfaste à la qualité et au contenu des relations entre l'assurance maladie et les professionnels de santé.
Ce mécanisme, qui consiste à baisser les tarifs au fur et à mesure de l'augmentation des dépenses, est pernicieux, car il aboutit à diviser les professionnels de santé et à affaiblir les syndicats qui, n'ayant plus rien à négocier, ne peuvent plus « maîtriser » leur base. Comme l'a souligné l'une des personnes que j'ai auditionnées : « qui signe la convention perd les élections ».
Ce mécanisme est aussi absurde, car il incite les professionnels à « prendre de l'avance » sur les volumes pour anticiper les baisses de tarifs qui peuvent intervenir en cours d'année malgré la signature d'une convention.
Ce mécanisme est enfin injuste, car il sanctionne de manière collective sans tenir compte des comportements individuels.
Les ordonnances Juppé prévoyaient aussi des sanctions collectives, j'en suis conscient ; cela m'évitera de vous l'entendre dire ! Mais, je l'affirme solennellement, cinq ans après les ordonnances de 1996, il est clair que l'on ne peut bâtir un dialogue avec les professionnels de santé que sur la base de sanctions individuelles,...
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Charles Descours, rapporteur. ... et en aucun cas de sanctions collectives !
Ce qui était vrai en 1996 et qui nous a été reproché l'est encore plus cinq ans plus tard ! Il n'y aura donc pas de dialogue conventionnel avec des sanctions collectives ; c'est clair et net. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Charles Descours, rapporteur. Comme l'année dernière, je vous proposerai donc un mécanisme alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.
Mme Martine Aubry avait affirmé son intention, dès son entrée en fonction, de rénover le dialogue avec les professionnels de santé.
Force est de constater que, trois ans et demi après, les relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé libéraux sont dans une situation de blocage qui semble durable.
M. Claude Evin, qui est rapporteur de l'Assemblée nationale et avec qui nous avons l'habitude de travailler, souligne dans son rapport la nécessité d'un nouvel élan en matière de politique conventionnelle. Je souscris à ce souhait, mais, je le répète, ce n'est pas en maintenant le dispositif de régulation actuel, fondé sur les lettres clés flottantes et des sanctions collectives, qu'on relancera le dialogue !
De même, en matière de médicament, la politique du Gouvernement s'avère essentiellement répressive. L'adoption par le Parlement, en 1999, d'un mécanisme permanent de taxation des entreprises pharmaceutiques a, comme prévu, fortement incité ces dernières à conclure un accord global de régulation avec le Comité économique des produits de santé.
Ce dispositif a été si efficace que le Gouvernement propose cette année de l'accroître encore pour en faire un système de prélèvement à caractère quasi confiscatoire : les entreprises devraient reverser 70 % du dépassement si le chiffre d'affaires des médicaments dépasse 3 % en 2001.
Un amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit en outre une forte augmentation de la taxe sur les grossistes-répartiteurs, laquelle portera également sur les ventes directes de génériques aux officines.
Troisième enseignement : les réformes sont enterrées.
Les orientations de santé publique sont ainsi toujours absentes des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Madame Gillot, je vous ai écoutée avec attention, vous les avez pourtant affirmées. L'année dernière, on nous avait aussi parlé d'un projet de loi d'orientation sanitaire, que nous n'avons jamais examiné. Or nous ne pouvons pas discuter de ces orientations à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Il importe absolument que la loi de financement ne soit pas une simple juxtaposition de chiffres. Il revient en effet à cette loi, à travers l'ONDAM, de traduire, dans son domaine, les priorités de santé publique arrêtées. Actuellement, ce n'est pas le cas. Il s'agit encore aujourd'hui, cinq ans après la première loi de financement, d'un agrégat comptable qui a dérivé, que le Gouvernement a « rebasé » et auquel il a appliqué mécaniquement des pourcentages de progression.
Dépourvu de tout contenu en santé publique, de tout lien avec les besoins des malades, avec les progrès de la médecine et, a fortiori, avec les priorités de l'action publique, l'ONDAM constitue aujourd'hui un arbitrage nécessairement contesté entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins.
La situation est encore aggravée par l'accumulation des retards dans la mise en place des outils de la maîtrise médicalisée des dépenses.
Je ne prendrai que deux exemples : la tarification à la pathologie et les réseaux de soins.
La loi du 27 juillet 1999 a prolongé, pour une période de cinq ans que je considère comme beaucoup trop longue, les expérimentations en matière de tarification à la pathologie. Depuis, on ne voit rien venir : un cahier des charges définissant les modalités de cette expérimentation devrait être établi, nous dit-on, pour la fin de l'année 2000. Ce sera peut-être un petit cadeau de Noël !
L'expérimentation des réseaux et filières de soins ne progresse pas davantage. Je tiens d'ailleurs à souligner les difficultés que nous rencontrons depuis trois ans, puisque ni la commission des finances ni la commission des affaires sociales n'ont pu auditionner le président du conseil d'orientation des filières et des réseaux. Nul doute qu'il soit extrêmement occupé. Toutefois, nous envisageons de le faire auditionner l'année prochaine par la commission des affaires sociales et d'en tirer les conséquences s'il ne répond pas à notre invitation, voire de nous rendre sur place vérifier ses travaux.
Sept réseaux ont, en tout et pour tout, été agréés depuis quatre ans. Espérons que la possibilité de régionaliser ces expérimentations, offerte par un amendement de M. Claude Evin - encore lui ! - adopté par l'Assemblée nationale, et que nous soutiendrons d'ailleurs, redonnera un peu plus de tonus à ce processus.
Parallèlement, la réforme de l'hôpital semble au point mort.
Nous croyons beaucoup à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, et la procédure d'accréditation par cette Agence nous semble bonne. Mais elle avance beaucoup trop lentement : 200 établissements s'étaient engagés dans la procédure à la fin du mois de septembre, dix comptes rendus d'accréditation ont été transmis aux établissements concernés ; il reste plus de 3 700 établissements à accréditer.
Le Gouvernement a injecté 12 milliards de francs sur trois ans dans l'hôpital. C'était sans doute nécessaire, nous ne le contestons pas. Mais nous ne savons toujours pas - nous serions très intéressés de vous entendre sur ce point, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat - comment et avec quel financement les hôpitaux passeront aux 35 heures au 1er janvier 2002...
Enfin, les cliniques privées traversent une crise sociale sans précédent, qui résulte à la fois de la création d'emplois consécutive à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et des retombées des différentes mesures prises en faveur des personnels de l'hospitalisation publique, à travers les protocoles de mars.
Aujourd'hui, il s'agit de la survie d'un grand nombre de ces cliniques, et je voudrais les assurer de notre soutien en cette période extrêmement difficile qu'elles traversent.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Charles Descours, rapporteur. Je voudrais maintenant, en quelques mots, évoquer nos propositions.
Face à un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui constitue désormais un appendice de la politique fiscale - et je suis sûr que l'on est d'accord avec moi sur ce point, y compris sur la gauche de l'hémicycle, puisque c'est bien ce qu'ont dit vos collègues du groupe communiste à l'Assemblée nationale (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen) - ou un appendice de la politique fiscale ou de la politique de l'emploi, mais qui opère à ce titre, non sans brouiller les pistes, des transferts financiers massifs, je voudrais insister sur trois principes.
Premier principe : réaffirmer l'universalité du financement de la sécurité sociale - et, sur ce point, je vous l'assure, tous les partenaires sociaux sont d'accord avec nous.
Nous sommes favorables à toute mesure permettant de lutter contre « la trappe à inactivité » - c'est-à-dire l'absence de toute stimulation financière à prendre ou à reprendre un emploi - et, de façon générale, permettent le retour à l'emploi, y compris les mesures proposées par les partenaires sociaux eux-mêmes.
Nous nous inquiétons également des conséquences sur l'évolution des salaires d'une politique générale et autoritaire de réduction du temps de travail.
Mais nous constatons que le choix fait par le Gouvernement d'une ristourne de CSG et de CRDS non seulement est complexe et inéquitable, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais bouleverse les fondements mêmes du financement de la protection sociale. Je ne suis pas seul à le penser, les partenaires sociaux le disent aussi !
L'instrument d'une politique fiscale et, a fortiori, budgétaire reste le projet de loi de finances. Je me suis rapproché de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, pour étudier un mécanisme alternatif : un crédit d'impôt progressif s'adressant à tous les foyers fiscaux dont les revenus vont jusqu'à 1,8 fois le SMIC et prenant en compte les charges familiales. Ce mécanisme sera proposé par la commission des finances lors de la discussion du projet de loi de finances.
Second principe : améliorer la lisibilité du financement de la sécurité sociale.
A cette fin, la commission des affaires sociales vous proposera - ce n'est pas nouveau puisqu'elle le fait depuis 1994 - de réaffirmer le principe de séparation des branches afin de mettre un terme aux multiples détournements de recettes que comporte le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au-delà de la réaffirmation d'un principe, nous entendons ainsi préserver le fonds de solidarité vieillesse, dont les excédents doivent contribuer au financement des retraites de demain - qui peut être contre ? - et permettre à la branche famille de conserver les moyens nécessaires à une politique ambitieuse - encore plus ambitieuse, madame le ministre, que celle que vous avez définie il y a un instant.
La commission des affaires sociales vous proposera, par ailleurs, d'adopter un dispositif de sincérité comptable à travers deux articles additionnels visant à renforcer le rôle et à améliorer le fonctionnement de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Deux autres articles additionnels tendront à assurer une plus grande transparence des circuits financiers des prélèvements sociaux, afin de les rendre plus compréhensibles par les assurés et les contribuables.
La commission des affaires sociales proposera également de compenser à la CADES les exonérations de CRDS. Il est en effet inadmissible de continuer à transmettre aux générations futures nos dettes. Nous touchons déjà à l'exercice 2014. Si nous continuons dans cette voie, nos enfants et petits-enfants seront encore confrontés, au milieu du XXIe siècle, aux dettes que nous aurons accumulées.
L'ensemble du dispositif de remboursement de la dette sociale est ébranlé, alors même que ce dispositif repose pour partie sur la signature de la CADES sur les marchés de capitaux. Il appartient à l'Etat d'assumer ses responsabilités et de compenser cette exonération, donc cette perte, par une imputation sur le prélèvement de 12,5 milliards de francs que lui verse chaque année la CADES.
Troisième principe : définir les objectifs pour notre protection sociale.
La commission propose tout d'abord de sanctionner le Gouvernement sur sa gestion de l'assurance maladie.
L'année 2000 est à cet égard exemplaire : l'ONDAM, pourtant rebasé, a été dépassé.
Dans un contexte à la fois d'échec dans la maîtrise des dépenses, de confusion des responsabilités entre les acteurs, de rupture avec les professionnels de santé, de mépris enfin pour le Parlement, la commission des affaires sociales propose d'opposer à l'ONDAM une sorte de « question préalable », c'est-à-dire un rejet solennel.
J'ai conscience que, sans ONDAM, une loi de financement est amputée d'un élément central. Notre décision est donc d'une exceptionnelle gravité. Il s'agit d'un geste politique, que nous vous proposons de faire en connaissance de cause, tant la dérive observée depuis quatre ans nous semble grave et devoir être sanctionnée clairement : ce n'est pas en effet seulement l'ONDAM qui dérive mais, avec lui, notre système de soins et le débat démocratique autour de la sécurité sociale.
En contrepartie, nous vous proposons d'instituer un système de maîtrise médicalisée des dépenses, fondé sur la régionalisation et la responsabilisation des professionnels de santé. Il se substituerait au dispositif - que je continue de considérer comme absurde - des « lettres clefs flottantes » et des « rapports » de la CNAMTS.
Notre deuxième objectif, qui vous sera présenté par Jean-Louis Lorrain, est d'aider les familles en créant un « compte de réserve » pour « mettre à l'abri » les excédents de la branche famille.
Troisième objectif de protection sociale : engager une véritable réforme des retraites, sujet sur lequel reviendra M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse.
Au total, les comptes de la sécurité sociale tels qu'ils résultent des propositions de la commission laissent au régime général un excédent de près de 10 milliards de francs. Ce n'est pas excessif par rapport à l'exédent présenté par le Gouvernement : 4,3 milliards de francs. Il suffirait d'un point de masse salariale en moins par rapport à la prévision retenue par le Gouvernement pour annuler un tel excédent.
Le compte du fonds de solidarité vieillesse dégagerait ainsi un excédent cumulé de 19 milliards de francs, susceptible d'être affecté au fonds de réserve.
En conclusion, je dénoncerai le poids excessif que représente le FOREC dans les comptes de la sécurité sociale. En réalité, aujourd'hui, plus qu'une loi de financement de la sécurité sociale, c'est une loi de financement des 35 heures que nous examinons, ce que nous avons essayé de corriger.
Telles sont les analyses et les propositions que je souhaitais présenter, au nom de la commission des affaires sociales. J'essaierai, au cours de la discussion des articles, de montrer pourquoi nous avons pris cette position. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-FAURE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'état, mes chers collègues, lieu privilégié de l'ouverture à l'autre, de l'éducation des enfants, de la solidarité entre les générations, la famille est l'une des valeurs essentielles sur lesquelles repose notre société.
Cet attachement, notre pays l'a toujours affirmé. A la Libération, c'est dans la Constitution que furent gravées la fidélité et l'attention que porte la France à la famille. Mais cette famille n'est pas seulement une affaire privée, elle a besoin d'être soutenue.
C'est là la raison d'être de notre politique familiale : renforcer le maillon central de la chaîne par laquelle la République peut transmettre ses valeurs.
Le retour à la croissance économique a procuré des moyens considérables qui ont fait naître, dans toutes les familles, l'espoir qu'elles seraient davantage écoutées et davantage aidées.
Mais le Gouvernement ne répond pas, semble-t-il, à leurs attentes.
Les années précédentes, c'était précisément le manque de moyens qui avait justifié des mesures qui ont durement frappé les familles.
Et pourtant, aujourd'hui, les excédents importants que connaît la branche ne serviront pas à doter notre pays d'une politique familiale à la mesure de ses besoins.
En ce qui concerne les excédents ponctionnés, que je l'on retrouvera tout au long de mon propos, je serai bref sur les comptes de la branche famille en 1999-2000. Je me contenterai de quelques rappels.
Après quatre années difficiles, de 1994 à 1998, la branche affiche pour 1999 un excédent confortable de près de 5 milliards de francs. Pour 2000, la dernière commission des comptes de la sécurité sociale a annoncé un excédent de près de 7 milliards de francs. Toutefois, cette annonce ne repose pas sur une image fidèle des comptes.
Pour cet exercice, le Gouvernement a en effet décidé, au mépris de l'objectif de dépenses voté par le Parlement l'an dernier et sans concertation avec ses interlocuteurs familiaux, la prise en charge par la branche famille, à concurrence de 4,5 milliards de francs, de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Sans ce transfert, l'excédent de la branche pour 2000 serait supérieur à 10 milliards de francs, net de la reprise par l'Etat du fonds d'action sociale en faveur des travailleurs immigrés et de leurs familles.
Pour 2001, le Gouvernement va beaucoup plus loin. Le projet de loi de financement comporte ainsi la gamme à peu près complète des techniques de prélèvement sur la branche famille.
Tout d'abord, il ampute ses recettes, en la privant notamment du produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital qui lui revenaient.
Il est vrai qu'il compense sa politique de ristourne dégressive de CSG par une part de la taxe sur les conventions d'assurance, mais il s'agit d'une recette peu dynamique et à l'avenir incertain.
Ensuite, il met à la charge de cette branche des dépenses qui relèvent d'autres branches. Cette année, le Gouvernement a décidé le transfert de la majoration de pension pour enfant depuis le fonds de solidarité vieillesse.
Qu'importe que cette majoration, qui a été transférée au FSV en raison des difficultés du régime général en 1993, soit, par essence, une dépense de l'assurance vieillesse ; l'objet du transfert est simplement de prélever 3 milliards de francs sur les familles pour cette années et, il faut le dire, 20 milliards de francs à terme.
Enfin, et pour faire bonne mesure, le Gouvernement achève, dès 2001, la débudgétisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire qui pèse désormais, pour près de 7 milliards de francs, sur la branche famille.
Ainsi, l'excédent de la branche famille, qui aurait dû être normalement de plus de 14 milliards de francs en 2001, ne sera, en définitive, que de 7 milliards de francs, les 8 autres milliards de francs étant détournés au profit du budget ou du FOREC, c'est-à-dire, ainsi que l'a dit Charles Descours, du financement des 35 heures.
Il est vrai que nos attentes sont déçues !
Pourtant, l'année 2000 avait bien débuté, sous le signe des promesses. Un ministère délégué à la famille et à l'enfance avait été créé. Lors de la conférence sur la famille du 15 juin dernier, un plan de 10 milliards de francs de dépenses nouvelles avait été annoncé.
Mais rien dans le projet de loi de financement ne semble à la hauteur de ces engagements.
L'accueil des tout petits devrait être un axe fort de la politique familiale.
Une somme de 1,5 milliard de francs est prévue en faveur des crèches sous la forme d'un fonds d'investissement alimenté par les excédents de la branche famille en 1999.
Cet effort est bienvenu, mais il ne faut pas fonder sur lui des espoirs qu'il ne peut exaucer. Lors du vote de la loi famille de 1994, c'est-à-dire pour la période 1995-1999, l'accueil des jeunes enfants avait été l'objet de toutes les attentions. Mais, comme le souligne la CNAF, seulement 2 milliards sur les 3 milliards de francs prévus pour les dispositifs en faveur de la petite enfance ont été dépensés. A la fin de l'exercice 1999, il restait donc un peu moins de 1 milliard de francs.
Les élus locaux, les acteurs familiaux savent bien que la création de nouvelles places de crèches engendrent des dépenses considérables, d'entretien, de fonctionnement et de personnel. Je soulignerai à ce propos que ce partenariat avec les collectivités et les associations mérite d'être mis en valeur, car ce sont elles les véritables créatrices.
D'ailleurs, le Gouvernement lui-même propose d'augmenter de 1,7 milliard de francs le budget du fonds d'action sociale de la CNAF, fonds qui subventionne massivement les crèches.
Ce fonds d'investissement permettra-t-il de déclencher la création de 40 000 places nouvelles comme l'annonce le Gouvernement ? Rien n'est moins sûr, mais nous pouvons toujours espérer...
Mais si la volonté de résoudre les problèmes de l'accueil des jeunes enfants va dans le bon sens, elle ne va pas au bout de sa logique : le Gouvernement a en fait concentré l'essentiel de son action sur l'accueil collectif.
La réforme du barème de l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle ne touchera que les familles les plus modestes et pour un montant de 500 millions de francs en 2001. Dans son rapport, la Cour des comptes a consacré un développement à la forte baisse du dispositif de l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile. Il ne semble pas que le nouveau dispositif proposé pour les assistantes maternelles puisse compenser cette baisse.
Les crèches ne répondent ni au besoin de flexibilité des mères en matière d'horaire ni aux contraintes qui se posent en milieu rural.
Une bonne politique en matière d'accueil de la petite enfance doit être une « politique qui marche sur ses deux jambes », c'est-à-dire qui favorise à la fois l'accueil collectif et l'accueil individuel.
Le Gouvernement a par ailleurs annoncé une simplification des barèmes des aides au logement.
Cette réforme devait se faire par le haut puisque tous les allocataires et, parmi eux, des familles, devaient voir leur situation s'améliorer.
Mais ces dernières ne sont pas les premiers destinataires de la réforme car, comme le rappelle le Gouvernement « l'objectif est de corriger les phénomènes des "trappes à inactivité" et de contribuer à la politique du Gouvernement en matière de retour à l'emploi ».
La politique familiale ne saurait être confondue avec une politique de lutte contre l'exclusion pas plus qu'avec une politique de l'emploi. La politique familiale doit s'adresser à tous.
En déboursant 700 millions de francs, c'est un peu la branche famille qui paye le prix de la politique - par ailleurs justifiée - de lutte contre la pauvreté. Mais le Gouvernement souhaite faire de sa politique familiale une politique ciblée. Pour ma part, je préférerais qu'il la cible sur l'ensemble des familles !
S'agissant de la réforme des aides au logement, nous sommes favorables à la mise en place d'une harmonisation. Si cette réforme était menée au nom de la politique familiale, elle devrait instaurer une plus forte progressivité des aides en fonction du nombre d'enfants. Or force est de constater qu'il n'en est rien.
Nous nous proposerons, dans le courant de cette année, de mener une enquête sur les implications quantitatives des propositions de réforme de l'aide au logement, qui semblent déboucher sur une régression.
On pourrait démonter le mécanisme. Avec la croissance, de nombreux allocataires dont les revenus ont augmenté voient leurs aides diminuer, voire supprimées s'ils sortent des conditions d'attribution du dispositif. Les économies ainsi réalisées par la diminution des dépenses d'aides au logement viennent minorer la contribution réelle de l'Etat aux organismes chargés de la gestion des aides à la personne.
Les deux tiers du financement de l'Etat sont donc assurés par des mesures d'économie, ce qui n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes, notamment une insuffisante prise en compte du fait familial, le montant de l'aide étant fonction soit des ressources du ménage, soit du nombre de personnes au foyer. Or ce dernier critère n'est pas prépondérant : un RMistes - nous avons eu l'occasion de le constater - pourra percevoir la même aide qu'une famille de quatre personnes disposant d'un revenu mensuel de 7 500 francs.
La politique familiale ne saurait donc être confondue avec la politique de lutte contre l'exclusion, que, par ailleurs, nous pouvons soutenir.
Le Gouvernement propose enfin de mettre en oeuvre, conformément à l'annonce faite lors de la dernière Conférence de la famille, une allocation de présence parentale.
Je ne peux à cet égard que regretter que le Gouvernement ait laissé de côté la moitié de la proposition que le Sénat avait faite en juin dernier par la voix de notre collègue Lucien Neuwirth.
Je rappelle que nous avions proposé, avant la Conférence de la famille de 1999, que soit pris en compte le temps voué aux proches en fin de vie, aux jeunes enfants gravement malades, mais aussi les souffrances psychosociales importantes de façon que les membres des familles touchées ne soient pas obligés de se rendre chez le médecin pour se faire délivrer d'éventuels arrêts de travail. Bien sûr, nous n'avons pas été suivis, et l'article 40 a été invoqué.
La famille, c'est le lieu des solidarités les plus essentielles.
Par ailleurs, un consensus s'était dessiné lors du vote de la loi sur les soins palliatifs pour humaniser les derniers moments de ceux qui souffrent. Or que peut apporter de mieux à ces hommes et à ces femmes la solidarité nationale sinon la présence de leurs proches pour les accompagner dans leurs deniers instants ?
Permettre la présence d'un parent auprès de son enfant gravement malade est, certes, un progrès, mais c'est aussi une mesure de faible ampleur, qui ne touchera que 10 000 familles et coûtera 500 millions de francs.
Cela est d'autant plus regrettable que la branche famille disposait de moyens considérables, qui auraient pu permettre de mener une politique familiale beaucoup plus ambitieuse, et dabord une revalorisation de la base mensuelle de calcul des allocations familiales qui ne soit pas essentiellement symbolique.
Cette base mensuelle est en fait le curseur de la politique familiale de notre pays. C'est l'indicateur de la croissance du pouvoir d'achat apporté aux familles par la politique familiale.
Elle n'augmentera cette année que de 1,8 % pour une évolution des prix hors tabac attendue de 1,3 %. En dix ans, elle a augmenté moins vite que les prix. Je vous laisse juge des raisons qui conduisent à revaloriser les retraites de 2,2 % et les prestations familiales de seulement 1,8 %.
Les excédents de la branche auraient pu également répondre à une attente pressante des familles, en particulier la prise en charge des jeunes adultes. Or, rien n'est fait dans ce domaine.
L'année 1999 avait été celle d'un immense recul. En contrepartie de l'indispensable rétablissement de l'universalité des allocations familiales, le Gouvernement avait abaissé le plafond du quotient familial.
Le quotient familial n'est pas un avantage donné aux familles ; c'est un instrument de justice fiscale qui permet qu'un célibataire disposant des mêmes ressources paie plus d'impôt sur le revenu qu'une famille nombreuse.
MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse, et Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Au-delà de ces aspects, c'est d'une politique familiale à l'ambition nouvelle qu'il faut maintenant doter la France. Les conditions sont réunies. En dehors des éléments financiers que vous constatez, notre pays connaît une situation démographique favorable en 1999 et en 2000. Mais, à 1,8 % enfant par femme, il n'atteint pas le seuil de 2,1 enfants qui assure le renouvellement des générations.
Or le désir d'enfants des parents demeure important. C'est ainsi qu'apparaît un décalage entre le souhait des familles et les contraintes qui sont les leurs. La croissance retrouvée ne peut pas tout : c'est le devoir de notre politique familiale d'aider les familles à réaliser ce désir du second ou du troisième enfant.
Le 6 avril dernier, le Président de la République a rappelé les principes qui doivent conduire ce nouvel élan de notre politique familiale.
La poursuite d'une politique familiale digne des attentes des Français ne peut reposer que sur des moyens importants. Le principe de séparation des branches de la sécurité sociale est inscrit dans la loi. Cette prescription voulue par le législateur doit être scrupuleusement respectée.
La politique familiale ne se résume pas à la lutte contre les exclusions. Elle doit s'adresser à toutes les familles : même si une attention particulière peut et doit être apportée aux plus fragiles, à celles dont les moyens sont les moins importants, à celles qui sont désemparées, qui souffrent, elle ne peut pas se résumer à cette seule direction.
La politique familiale doit être neutre vis-à-vis des choix des familles. Il n'y a pas de place pour l'idéologie dans le soutien qui leur est apporté.
Parce qu'aucune politique ne saurait être mise en place sans ou contre l'avis des intéressés, la prise des décisions doit se faire dans la concertation. Comment le Gouvernement peut-il présenter devant nous un projet de loi que le conseil d'administration de la CNAF a presque unanimement condamné ?
M. Charles Descours a résumé tout à l'heure les propositions de notre commission au sujet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Pour ma part, je me réjouis qu'au terme d'une concertation étroite avec le rapporteur général de la commission des finances nous soyons tombés d'accord pour retourner aux familles les économies réalisées dans le budget général au détriment de la branche famille et proposer un rétablissement du quotient familial à son niveau originel actualisé.
Je vous proposerai, en outre, la création d'un « compte de réserve spécifique » des excédents de la branche famille. Il s'agit d'un compte dans lequel la politique familiale trouvera les moyens d'une action ambitieuse. Il s'agit aussi d'un compte de sanctuarisation des excédents qui offre une lisibilité accrue des ressources disponibles pour les familles.
Par ces mesures, nous montrerions que les familles ne doivent pas craindre un effet cliquet des prestations familiales, qui les pénaliserait constamment.
Si le Président de la République a rappelé, à l'occasion de la remise de la Médaille de la famille française, que, « au milieu des transformations que connaît notre société, s'il est une institution qui tient bon tout en s'adaptant, c'est la famille », il a aussi affirmé avec force que celle-ci « a besoin d'être aidée et soutenue car elle ne trouve pas les conditions les plus favorables à son épanouissement dans l'organisation actuelle de la société et de l'économie ».
C'est donc dans ce souci d'apporter un soutien accru à la famille que je vous demanderai d'appuyer les propositions que nous présentons en sa faveur. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année, « tout va très bien, madame la marquise ». (Sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin. Il y en a encore !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les régimes de retraite connaissent une embellie. C'est donc un rapport résolument optimiste qui devrait pouvoir être présenté aujourd'hui. Cela ne peut être que de nature à donner le sourire à Mme Guigou, qui vient de prendre ses fonctions au ministère de l'emploi et de la solidarité. Hélas ! comme l'a rappelé tout à l'heure Charles Descours, il ne faut pas se fier aux apparences : derrière l'arbre de ces chiffres positifs, il y a la forêt des difficultés, du moins pour ce qui concerne la branche vieillesse.
En vérité, c'est un sentiment de vive inquiétude qui l'emporte. En effet, l'année 2000 est marquée par la décision du Premier ministre de refermer le dossier de la réforme des retraites jusqu'en 2002 : chacun d'entre nous l'a compris en écoutant sa déclaration du 21 mars dernier.
Aussi, avant d'aborder le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, je voudrais dire quelques mots du contexte dans lequel il intervient.
J'évoquerai, en premier lieu, les excédents fragiles de 1999-2000, puis, en second lieu, le dossier de l'avenir des retraites.
Nous le savons tous, la conjoncture économique française est aujourd'hui exceptionnellement favorable. Les régimes qui étaient précédemment équilibrés ou en léger déficit renouent avec les excédents ; ceux dont l'équilibre n'est acquis qu'au moyen de transferts améliorent leur autofinancement.
Cette bonne santé résulte avant tout d'un surcroît de recettes. Mais elle est aussi le fruit d'une moindre augmentation des dépenses. En effet, partent aujourd'hui en retraite des hommes et des femmes qui sont nés durant la Seconde Guerre mondiale. Ils et elles font partie de ces classes démographiques creuses de 1939 à 1945 freinant ainsi la progression du nombre total de retraités et permettant aux régimes de réaliser des économies.
La CNAV annonce un excédent de 3,5 milliards de francs pour 2000 et de 3,3 milliards de francs pour 2001.
J'observe, au demeurant, que jamais ce résultat n'aurait pu être affiché s'il n'avait été procédé à la réforme de 1993, ce que je me suis plu à rappeler à Mme Aubry à chaque débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et que je me plais désormais à vous rappeler, madame le ministre. C'est en effet M. Balladur qui a pris cette initiative en sa qualité de Premier ministre, Mme Veil étant alors en charge des affaires sociales.
Cette réforme a consisté à allonger la durée de la vie active et à modifier la base de liquidation des pensions. On en a peu parlé : elle est entrée en application en douceur, elle n'a pas provoqué de déplacements de foules, elle a été parfaitement intégrée par l'opinion publique. Elle n'en a pas moins été la première pierre des réformes structurelles engagées en France dans ce domaine, et on la doit à un gouvernement qui a été fort décrié par le gouvernement actuel.
J'ai encore en tête les paroles de Mme Aubry faisant référence à la tentative de réforme engagée par M. Juppé sur les régimes spéciaux, qui a, certes, été une source majeure de difficulté pour son gouvernement, en 1995. Mais elle n'était pas pour autant fondée à dire que les gouvernements précédents n'avaient rien fait, alors que le gouvernement de M. Jospin, lui, agissait ! J'aimerais donc bien entendre de votre bouche, madame le ministre, ou de la bouche d'un autre membre du Gouvernement, que M. Balladur avait pris une initiative très importante.
M. Guy Fischer. Ne rêvez pas ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je sais bien, monsieur Fischer, qu'il ne faut pas rêver, mais peut-être, vous, auriez-vous l'honnêteté intellectuelle de reconnaître cette vérité que je viens d'énoncer.
Quoi qu'il en soit, l'excédent aujourd'hui constaté est fragile parce que, nous le savons, les perspectives des retraites demeurent inquiétantes.
Le Gouvernement, après les nombreuses études réalisées depuis 1991, a voulu disposer d'un nouveau diagnostic.
Le rapport commandé par M. Jospin à M. Charpin est explicite. Les faits sont têtus : dans l'hypothèse d'un taux de chômage de 6 %, le besoin de financement de nos régimes sera de 290 milliards de francs par an en 2020 et de 700 milliards en 2040 !
Et puis il y a eu la diversion du rapport Teulade, qui a tenté de relativiser les difficultés à venir.
En février dernier, notre commission a souhaité entendre M. Teulade et M. Charpin.
M. Alain Gournac. J'y étais !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous avons constaté que le rapport Teulade reposait sur une erreur méthodologique majeure. Il a donc bien fallu revenir au diagnostic du commissariat du Plan, qui reste intégralement fondé.
Je souligne au passage que le conseil d'orientation des retraites, qui a été mis en place sur l'initiative de l'actuel gouvernement, ayant examiné certaines conclusions du rapport Teulade, arrive à la même conclusion que les membres de la commission des affaires sociales dans leur majorité.
Si l'on assiste donc à la victoire du rapport Charpin, c'est le rapport Teulade qui triomphe en définitive puisque, fort des perspectives rassurantes que lui permettait de faire apparaître un oubli de taille dans l'évolution des pensions, M. Teulade proposait la méthode douce de l'expectative. Or c'est bien cette méthode qu'a retenue le Gouvernement.
A ce titre, le rapport Teulade a rempli son office, l'objectif politique a été atteint : il s'agissait de faire croire aux Français qu'il n'y avait pas urgence à réformer, qu'il y avait tout lieu d'attendre, que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu'on pouvait patienter jusqu'à 2010 ou 2020 pour engager quelque réforme que ce soit.
Le 21 mars dernier, au moment d'annoncer une réforme longtemps différée, le Premier ministre a ainsi choisi de créer une instance de concertation permanente, le Conseil d'orientation des retraites, qui a pour mission de déposer un rapport en 2002 ; je pense que la date n'a pas été choisie d'une manière innocente...
M. Jean-Claude Gaudin. Sûrement pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Après le Livre blanc de 1991, les perspectives des retraites en 1995, le rapport Charpin de 1999, ne pensez-vous pas, mes chers collègues, que ce rapport conclura également qu'il est urgent d'agir ? (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin. D'attendre !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Au total, l'année 2000 n'est, en matière de retraites, qu'une nouvelle année de perdue. Au temps des rapports succède celui des reports ! Or, devant les ajustements importants à réaliser, le facteur temps est déterminant.
Dans ce contexte, que penser du projet de loi de financement pour 2001 sinon qu'il repose sur l'incohérence et l'illusion ?
Comme la loi de financement pour 2000, il comporte essentiellement un arbitrage, opéré sans perspectives, entre le souci de faire participer les retraités dès aujourd'hui aux fruits de la croissance - ce qui paraît légitime et compréhensible - et la nécessité d'afficher un abondement du fonds de réserve des retraites.
Mais cet arbitrage est en quelque sorte bouleversé par la nécessité de boucler le financement des 35 heures, au sujet duquel M. Descours a montré avec beaucoup de pertinence et de talent à quelle usine à gaz il avait donné lieu.
Au-delà de la complexité des circuits financiers, qui porte atteinte à l'intelligibilité du projet de loi, ce sont les contradictions et les incohérences politiques du Gouvernement qui apparaissent clairement.
La revalorisation des pensions retenue dans l'article 19 du projet de loi est de 2,2 %, ce qui représente un « coup de pouce » de 0,5 % pour les retraites.
Mes chers collègues, j'ai auditionné des retraités qui se disaient représentatifs des associations de retraités à l'échelon national et ils m'ont fait valoir que les comptes n'y étaient pas.
M. Alain Gournac. Pas du tout !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En fait, les 2,2 % concernent le premier étage des pensions de retraite !
M. Alain Gournac. Et voilà !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En ce qui concerne le deuxième étage, ils n'ont aucune information qui puisse leur donner des perspectives quant au maintien ou à l'évolution du pouvoir d'achat.
M. Alain Gournac. C'est exact !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si le deuxième étage n'évolue pas dans les mêmes proportions, ce n'est plus de 2,2 % dont ils bénéficieront (M. Claude Domeizel s'exclame), mais de 1,1 %, alors que l'inflation s'élèvera à 1,8 %. Par conséquent, ils subiront une perte de pouvoir d'achat.
Il serait intéressant, madame le ministre, que vous puissiez rassurer les retraités sur ce point et leur faire valoir que, en définitive, le partage de la croissance sera effectif au travers de l'évolution du deuxième étage, encore que, sur ce point, la décision appartienne aux responsables concernés.
Cette revalorisation est sans nul doute économiquement possible aujourd'hui, dans un contexte caractérisé par une croissance forte des recettes et un rapport démographique favorable. D'aucuns la trouveront d'ailleurs insuffisante.
Cet arbitrage est-il fondé ? En l'absence de toute perspective de réforme, de toute indication sur l'ampleur de l'effort nécessaire et sur sa nature même, le Gouvernement ne peut répondre.
Aussi, cette revalorisation parfaitement acceptable, voire insuffisante, aujourd'hui, souffre pourtant d'un grief majeur : elle ne s'inscrit dans aucune politique permettant de garantir les pensions qui seront versées demain.
En outre, cette année, le fonds de solidarité vieillesse est à nouveau précarisé. Dans la lignée des lois de financement précédentes, il perd la totalité des droits sur les alcools qui lui étaient affectés. Il perd également, comme l'a rappelé Charles Descours, 0,15 point de CSG.
De surcroît, et nous y reviendrons lors de l'examen des articles, deux mesures du projet de loi tendent à modifier le champ d'intervention du fonds de solidarité vieillesse.
Ces mesures étendent, d'une part, le périmètre d'intervention du FSV dans le domaine de la protection sociale complémentaire en mettant à sa charge le règlement d'un engagement pluriannuel contracté par l'Etat auprès des organismes ARRCO et AGIRC. Or il s'agit d'une dette de l'Etat envers ces régimes complémentaires et elle ne devrait en aucun cas trouver sa place dans le FSV. Il n'a pas été créé pour cela ! Il a été créé en 1993, sur l'initiative de M. Balladur, alors Premier ministre, et de Mme Veil, alors ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, uniquement pour prendre en charge toutes les dépenses dites de solidarité, c'est-à-dire tout ce qui concerne le non-contributif.
D'autre part, ces mesures transfèrent à la CNAF, comme l'a justement rappelé Jean-Louis Lorrain, le paiement des majorations de pension pour enfant, qui s'élèvera, à terme, à plus de 20 milliards de francs.
Le FSV est devenu un système complexe, avec des mécanismes qui s'inscrivent dans un circuit financier où chacun a du mal à s'y retrouver ! Mes chers collègues, j'ai ici deux tableaux. (M. Alain Vasselle, rapporteur, montre un premier tableau.) Voilà ce qu'était le FSV à sa création, en 1993 : relativement simple dans sa conception et dans son fonctionnement. (M. Alain Vasselle, rapporteur, montre un second tableau.) Voilà ce qu'il est devenu en 2001 ! Vous voyez la complexité du dispositif : les entrées, les sorties ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Claude Domeizel. On ne voit rien !
M. Alain Gournac. Au contraire, c'est très net !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Lisez le rapport !
M. Jean-Claude Gaudin. C'est effectivement compliqué !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Et le FOREC, ce n'est pas mieux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Evidemment, quand on présente ces tableaux, cela gêne notre ami Claude Domeizel et d'autres, mais ils montrent bien que l'on crée une certaine obscurité dans l'ensemble du dispositif, si bien que personne ne s'y retrouve. Tout à l'heure, Charles Descours aurait pu nous montrer le tableau qui illustre les « tuyaux » qui partent du FSVet qui vont à la CNAM, à la CNAF et à la branche vieillesse. Nous sommes loin du dispositif législatif qui a été adopté en son temps et tendant à instaurer l'étanchéité de chacune des branches. Cela a complètement explosé !
M. Charles Descours, rapporteur. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'ardoise d'une quinzaine de milliards de francs, ainsi laissée au fonds de solidarité vieillesse en 2000-2001, n'a pour finalité que le financement direct ou indirect du FOREC, c'est-à-dire des 35 heures. Que viennent faire les 35 heures dans le fonds de solidarité vieillesse et comment allez-vous l'expliquer aux Français ? Bien d'autres choses ne sont sans doute pas plus brillantes.
M. Guy Fischer. Il y a la ristourne dégressive Juppé, pour une part importante !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Effectivement !
Or les excédents du fonds de solidarité vieillesse comme les excédents de la branche vieillesse doivent, dans la logique même développée par le Gouvernement, alimenter le fonds de réserve pour les retraites. Il s'agit non plus d'un arbitrage entre les retraites d'aujourd'hui et celles de demain, mais d'un choix entre la réduction du temps de travail d'aujourd'hui et les retraites de demain.
Mes chers collègues, avec le disposoitif imaginé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le FSV perd, cette année - c'est l'ancien président du comité de surveillance du FSV qui vous parle - 11 milliards de francs, non compensés par l'Etat.
Cette perte précarise, je le répète, la situation du fonds de solidarité vieillesse. Comme nous le savons, celui-ci dépend très largement de la conjoncture : lorsque la conjoncture est favorable, ce qui est le cas, elle dégage des excédents, mais on est en train de les pomper pour financer les 35 heures ; lorsque la conjoncture est défavorable, le fonds de solidarité vieillesse se trouve dans une situation difficile, qui peut devenir catastrophique. Il faut espérer que nous n'aurons jamais à rencontrer ce type de situation, car je plains ceux qui auraient à la gérer si un renversement de conjoncture se produisait dans quelques années.
Au-delà de ces arbitrages « au jour le jour » et sous la pression d'un diagnostic - celui du rapport Charpin - qui confirmait ceux qui étaient déjà formulés en 1991 et 1995, le Gouvernement se devait de prendre des initiatives, sauf à faire apparaître clairement qu'il avait définitivement renoncé à ouvrir le dossier des retraites. La création d'un fonds de réserve constitue donc, dans l'immédiat, la seule mesure concrète prise par le Gouvernement. Mais elle relève d'un plan de marche grevé d'incertitudes !
M. Claude Domeizel. Enfin, vous le reconnaissez !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Hormis le cas orphelin, monsieur Domeizel, de la fraction du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... les ressources du fonds sont soit hypothétiques, soit exceptionnelles.
Hypothétique, telle est bien la nature de la moitié des recettes devant abonder le fonds en 2020 : les excédents de la CNAVTS, les excédents du fonds de solidarité vieillesse et des produits de la C3S. Or, à titre d'exemple, le fonds de solidarité vieillesse, également appelé à abonder le fonds de réserve, est dépouillé de ses ressources au profit du FOREC au point d'ôter toute crédibilité à l'idée d'excédents.
Les ressources exceptionnelles sont au nombre de trois : la contribution spontanée de la Caisse des dépôts et consignations en 2000, qui est restée d'ailleurs sans lendemain, le versement des caisses d'épargne et le produit de la vente des licences UMTS.
Ces recettes exceptionnelles présentent l'inestimable avantage, pour le Gouvernement, d'être indolores, car elles n'apparaissent ni sur les feuilles d'impôts ni sur les fiches de salaires : rien, en quelque sorte, qui puisse s'apparenter à un « surcotisation ». (Exclamations sur les travées socialistes.) En réalité il s'agit de gagner du temps : le fonds de réserve, dont la création a été annoncée à la va-vite lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, n'est toujours pas l'objet d'un projet abouti et sa gestion à long terme n'offre aucune visibilité.
M. Alain Gournac. C'est le brouillard !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le montant de ce fonds - 1 000 milliards de francs en 2020 - a-t-il un sens ? Le Gouvernement déclare que cette somme correspond à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040. Cette affirmation est-elle fondée ? Je rappelle que, dans l'hypothèse la plus extrêmement favorable retenue par le rapport Charpin, à savoir celle d'un taux de chômage de 3 % en 2020, les besoins de financement de nos régimes de retraite atteindraient 220 milliards de francs par an en 2002 et 600 milliards de francs par an en 2040,...
M. Alain Gournac. Ils ne seront plus au pouvoir !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... soit une augmentation d'environ 20 milliards de francs par an à partir de cette période. Ainsi, dans le scénario le plus favorable, le fonds de réserve ne permettrait le paiement des retraites que pendant quatre ans et serait épuisé en 2024. A cette date, le problème de la dette accumulée entre 2010 et 2020, qui, pour le seul régime général, s'établira à 600 milliards de francs, restera entier.
Autrement dit, en 2024, non seulement on aura épuisé la totalité des 1 000 milliards de francs qui auront été placés dans le fonds de réserve, mais il restera encore la dette de 600 milliards de francs de la CNAVTS, pour laquelle on n'aura trouvé aucune source de financement. Il serait souhaitable, madame le ministre, que vous nous disiez quelles sont les intentions du Gouvernement dans ce domaine. Je vous rappelle qu'en commission des affaires sociales je vous ai posé la question de savoir ce que ferait le Gouvernement entre 2010 et 2020 pour permettre à la CNAVTS de financer ces 600 milliards de francs. Peut-être s'agit-il d'une omission de votre part, mais je n'ai pas eu de réponse à cette question. J'espère avoir plus de chance aujourd'hui.
M. Claude Domeizel. L'avez-vous vous-même ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas moi qui suis au Gouvernement, monsieur Domeizel ! Laissons à chacun la responsabilité de ses actes !
C'est donc sur cette somme de 1 000 milliards de francs que le Gouvernement est solennellement interpellé aujourd'hui. Ainsi sommes-nous quelques-uns à nous interroger sur le choix par le Gouvernement de ce chiffre de 1 000 milliards de francs. S'agit-il d'un chiffre symbolique signifiant, en quelque sorte, « beaucoup », mais qui reste en réalité dérisoire au regard des besoins, ou bien s'agit-il d'autre chose ?
Lors des auditions auxquelles j'ai procédé en qualité de rapporteur pour l'assurance vieillesse, un éclairage nouveau m'a été apporté. Ce montant de 1 000 milliards de francs aurait une cohérence, mais dans le cadre d'une réforme de grande ampleur visant à porter la durée d'activité à 42 ans et demi pour tous les salariés, du secteur privé comme du secteur public.
Le Gouvernement confirme-t-il ou infirme-t-il que ce fonds de 1 000 milliards de francs ne serait que la partie visible d'une réforme d'ampleur qu'il ne se résout pas à annoncer et qui consisterait à repousser de 3 à 5 ans, selon les cas, l'âge de la retraite ?
Mes chers collègues, avec Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales, nous revenons d'une mission d'étude sur les retraites en Suède et en Italie. Plusieurs de nos collègues étaient présents, notamment Alain Gournac, Jean-Louis Lorrain et Marie-Madeleine Dieulangard. J'ai encore le souvenir des informations qui nous ont été données dans ces deux pays. Ils sont beaucoup plus en avance que nous en ce qui concerne la réforme de leurs régimes de retraite.
M. Claude Domeizel. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ils ont engagé des réformes structurelles que notre Gouvernement n'a toujours pas entamées, à l'exception de ce qui a pu être fait par M. Balladur précédemment. La prise de conscience est tout à fait récente. Je vous renvoie à un communiqué des Quinze du 7 novembre dernier : ils ont reconnu qu'une réforme des régimes de retraite était inéluctable. Un rapport établi au profit des quinze pays dresse le constat suivant : « sans entrer dans le détail sur les moyens de redresser la situation, l'une des mesures à laquelle ne pourront échapper les pays membres de l'Union européenne sera de revoir à la hausse l'âge du départ de la retraite ». Ce n'est pas moi qui le dit !
M. Guy Fischer. Quel programme ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fabius lui-même, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, déclare ceci : « Il y a un problème partagé par presque tous les Etats, c'est l'alourdissement des dépenses publiques de retraite. » Nous nous en étions aperçu ! « Le deuxième constat, c'est la nécessité de réforme de fond de ces régimes, car une simple amélioration ne suffirait pas à régler les problèmes. Il y aura donc des décisions délicates à prendre dans chacun de nos pays. »
On assiste donc à une prise de conscience, au moins chez certains membres du Gouvernement, quant à la nécessité d'engager des réformes de fond. Mais, pour le moment, nous ne voyons pas du tout poindre à l'horizon un soupçon de réforme structurelle en ce qui concerne les retraites. Seul le fonds de réserve a été constitué et il est loin de correspondre aux besoins des retraites de demain. Il devrait disposer de 1 000 milliards de francs en 2020, dont 300 milliards de francs proviendraient des intérêts financiers. Ces 300 milliards de francs correspondent à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040.
La confiance que place le Gouvernement dans les marchés financiers censés procurer 300 milliards de francs d'intérêts est étonnante, alors même qu'il refuse aux salariés du secteur privé la mise en place de plans d'épargne retraite.
M. Alain Gournac. C'est contradictoire !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est dommage ! Les intérêts peuvent représenter 30 % des sommes versées pendant vingt ans.
En outre, le Gouvernement passe complètement sous silence les besoins de financement des régimes de retraite entre 2006 et 2020. Or, je le répète, le déficit cumulé de la seule branche vieillesse s'élèvera à 600 milliards de francs.
Par ailleurs, les déficits prévisionnels cumulés des régimes des années 2020-2040 représenteraient, selon l'hypothèse d'un taux de chômage à 6 %, 10 000 milliards de francs et non pas 2 000 milliards de francs. Il s'agit donc non pas de la moitié, mais du dixième des déficits prévisionnels entre 2020 et 2040.
Dans le même temps, mes chers collègues, demeure une interrogation : celle de la coexistence problématique des dettes et des réserves.
En partageant les produits des licences UMTS entre les fonds de réserve pour les retraites et la caisse d'amortissement de la dette publique, le présent projet de loi, combiné avec l'article 23 du projet de loi de finances, prend le risque d'un rapprochement révélateur : celui de la constitution de « réserves » parallèlement à la persistance de dettes considérables.
Ces 14 milliards de francs affectés à la caisse d'amortissement de la dette de l'Etat sont à comparer au stock de dettes de l'Etat de 5 000 milliards de francs à la fin 2000 et au déficit budgétaire prévu pour 2001, soit 186 milliards de francs, qui viendra accroître cette dette.
Cette comparaison est également l'occasion de rappeler qu'au sein même des finances sociales le fonds de réserve, quand bien même il atteindrait effectivement 1 000 milliards de francs, coexisterait, dès 2020, avec un déficit cumulé de la seule branche vieillesse du régime général de 600 milliards de francs.
La démarche reste ainsi essentiellement optique, qui consiste à prétendre faire des réserves tout en laissant les dettes s'accumuler ou, en termes plus imagés, comme le dit Charles Descours en parlant de « comportement de sapeur Camember », à faire des « tas » à côté des « trous », et à demander au Parlement de voter solennellement un léger grossissement des « tas », de préférence à un léger comblement des « trous » !
L'an dernier, le rapport sur l'assurance vieillesse pour le projet de loi de financement s'achevait sur cet avertissement du commissaire au Plan, M. Charpin : « Le principal danger serait de ne pas affronter le problème en temps utile. On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les arbitrages seraient extrêmement douloureux à prendre. Faute de les avoir anticipés, on risquerait de faire porter tout le poids du rééquilibrage des retraites sur un nombre relativement faible de générations qui pourraient alors refuser un effort supplémentaire. »
Le 21 mars dernier, la déclaration solennelle de M. Lionel Jospin « sur l'avenir des retraites » a confirmé, au-delà des craintes formulées l'année dernière, que le Gouvernement avait résolument choisi d'attendre.
Nous avons voté, en 1998, la création du fonds de réserve, en considérant toutefois qu'une telle création n'avait de sens que si elle s'accompagnait d'une réforme des retraites.
En rétablissant, comme Charles Descours l'a indiqué, les excédents du fonds de solidarité vieillesse, nous contribuons même à l'alimenter. Le Gouvernement s'est en effet « calé » sur les excédents du fonds de solidarité vieillesse pour alimenter le fonds de réserve, alors que, dans le même temps, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il vient le dépouiller complètement des excédents dont il dispose pour financer les 35 heures. C'est la fuite en avant !
En revanche, il est indispensable, mes chers collègues, que, sous le contrôle étroit du Parlement, soient garanties l'efficacité financière et la transparence juridique des sommes qu'il collecte. Ce sera l'objet d'un des amendements présentés par vos rapporteurs.
Concernant le fonds de réserve dont il faut assurer la dynamique de gestion et la complète transparence, n'est-ce pas le rôle du Parlement, mes chers collègues, de pousser le Gouvernement à agir lorsqu'il se complaît, concernant les retraites, dans une position attentiste, ô combien confortable à la veille des échéances électorales qui se profilent à l'horizon ?
Il était, à mon sens, de notre devoir de dénoncer, à cette tribune, devant les Français, l'inaction du Gouvernement : elle tranche nettement avec l'action du gouvernement Balladur, qui a été le seul à engager les premières réformes structurelles dont vous profitez des effets et sur lesquelles vous vous appuyez pour reporter à demain les initiatives nécessaires ! (Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ; vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Or, dois-je vous rappeler ce vieux proverbe, mes chers collègues : il ne faut jamais remettre au lendemain ce qui peut être fait le jour même ? (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
C'est l'avenir des futurs retraités des nouvelles générations d'actifs qui est en jeu. Vous seule, madame le ministre, et votre gouvernement, avec la majorité qui vous soutient, porterez la responsabilité de l'avenir sombre que vous avez décidé de réserver aux futurs retraités et aux futurs actifs, parce que vous restez dans l'incapacité d'agir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Guy Fischer. Quel catastrophisme !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le ministre, mes premiers mots seront d'abord pour vous saluer et vous souhaiter la bienvenue dans vos nouvelles fonctions, pour la présentation, au Sénat, de ce cinquième projet de loi de financement de la sécurité sociale, ensuite, pour vous souhaiter bon courage dans votre nouvelle tâche, qui sera d'autant plus rude que le tableau qui s'offre à nous - vous avez entendu mes collègues rapporteurs - est presque désespérant.
Je vais analyser devant vous quelques aspects de ce bilan, mais ma liste sera loin d'être exhaustive, tant les sujets de satisfaction sont rares.
Pour commencer, je vous exprimerai notre indignation sur la façon dont votre ministère a répondu aux questionnaires de la commission des finances. Le 4 juillet 2000, le président de la commission des finances adressait à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité deux questionnaires, l'un sur le projet de loi de finances, l'autre sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comportant le premier trente-cinq, le second trente-huit questions. Au 8 novembre, et rien n'a changé depuis, vos services n'avaient pas répondu à six questions sur dix, s'agissant de la loi de financement.
Ces questions restées sans réponse, vous les trouverez à la page 239 de mon rapport : aucune réponse sur la CADES, sur l'individualisation de la trésorerie des branches, sur la rationalisation du réseau des caisses, sur les comptes de la santé, sur l'informatisation du système de soins, sur le médicament, sur le redéploiement des capacités hospitalières, sur la politique d'équipement hospitalier, sur les dépenses d'hospitalisation, sur l'évolution des transferts de compensation vieillesse.
Cela fait beaucoup, et je n'ai pas tout cité.
Ce mépris de la représentation nationale méritait d'être dénoncé à cette tribune.
Mais, m'exprimant au nom de la commission des finances, je vais maintenant me cantonner au sujet qui est le mien : les chiffres.
Je traiterai de cinq points : les comptes, la CSG et la CRDS, l'assurance maladie, les retraites et, enfin, l'outil que représente la loi de financement.
En ce qui concerne les comptes, qu'il s'agisse de leur élaboration ou de leur contenu, les progrès constatés ne peuvent cacher les insuffisances accumulées.
Sur l'élaboration, si nous pouvons nous féliciter de voir s'achever la réforme comptable des droits constatés que j'avais demandée ici même, en 1994, je crois, en revanche quelle n'est pas notre déception, pour ne pas dire notre colère, devant l'ensemble des manipulations - je dis bien : « manipulations » - qui brouillent la transparence et la fiabilité de ce texte.
Où est la clarté des comptes, avec ces transferts incessants entre la loi de finances et la loi de financement ? A cet égard, les tableaux présentés tout à l'heure par M. Vasselle étaient très significatifs, même si nous ne pouvions pas toujours les lire parfaitement depuis l'hémicycle.
Où est la clarté des comptes, quand les dépenses du FOREC ne sont votées nulle part ?
Où est la clarté des comptes, quand les conventions librement consenties par votre prédécesseur intègrent, dans le compte tendanciel du régime général, le coût de mesures qui ne sont encore ni discutées ni, bien entendu, votées ?
Vous avez devant vous un colossal travail pour acquérir une certaine crédibilité en matière de chiffres et de comptes. Vous savez comme moi que l'excédent annoncé pour la sécurité sociale est purement factice et qu'il peut varier de un à quatre selon les méthodes de calcul adoptées. Cela me fait d'ailleurs penser à l'excédent de la SNCF. Bien que l'ensemble du système ferroviaire ait besoin de 65 milliards de francs pour équilibrer ses comptes, la SNCF présente un compte en équilibre et même en excédent !
Qui a écrit que « les diverses mesures de transfert font perdre une grande partie de leur signification aux soldes des branches du régime général » ? C'est le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Tout cela pour souligner que l'ensemble des chiffres que vous nous présentez sera sujet à caution, comme mes prédécesseurs à cette tribune l'ont souligné avant moi.
Nous espérons vraiment, connaissant votre souci de rigueur, que l'année prochaine, sous votre impulsion, certaines de ces pratiques auront changé.
Venons-en à ces chiffres. Vous nous avez indiqué, tout en en félicitant le Gouvernement, que la sécurité sociale est revenue à l'équilibre. Nous vous répondons : « heureusement ! »
Avec la formidable croissance économique que notre pays a connue depuis deux ans, avec les centaines de milliards de francs de recettes supplémentaires que vous avez obtenus, un déficit aurait été inconcevable. La question n'est donc pas celle de l'excédent, mais bien celle de son contenu.
Alors que vous prenez tout juste vos fonctions, je tiens à vous dire que, sur ce point également, les choses vont plutôt mal.
Cet excédent est le fruit d'une conjonction historique, puisque les recettes progressent plus vite que les dépenses. Nous avons rarement connu cette situation. Nous la connaissons, c'est heureux, mais nous pouvons penser qu'elle ne durera pas toujours.
Je reconnais que votre prédécesseur a fortement contribué à cette situation, mais elle l'a fait en augmentant les prélèvements et non pas en maîtrisant les dépenses, ce qui aurait été, en fait, la seule voie acceptable.
L'année dernière, j'énumérais à cette tribune la liste des douze prélèvements créés ou augmentés depuis 1997. Cette année, je pourrais en ajouter deux nouveaux : la taxe sur les conventions d'assurance et la taxe sur les véhicules de société. Mais je me contenterai de citer deux chiffres : les prélèvements sociaux représentaient, en 1997, 20,4 % du PIB ; quatre ans plus tard, ils atteindront 21,4 %, soit un point de plus de PIB, et ce alors même que l'ensemble des prélèvements obligatoires devraient diminuer, si l'on en croit les discours du Premier ministre. Le contraste est saisissant.
La méthode de votre prédécesseur était sans faille et sans gloire : augmenter les prélèvements et faire croire que le retour à l'équilibre relevait d'une action volontariste. La seule volonté qu'elle a démontrée pendant son passage rue de Grenelle aura été celle de la hausse de la pression fiscale sociale, et certainement pas celle de la réforme.
Nous espérons que vous vous engagerez sur une autre voie, plus saine, celle des vraies réformes, qui ne peuvent passer que par la maîtrise de la dépense.
Le deuxième constat porte sur la CSG et sur la CRDS.
Les mesures proposées dans ce projet de loi de financement préparé par votre prédécesseur sont particulièrement critiquables.
Sur la CSG, d'abord. Nous vous expliquerons, dans le cours des débats, que votre ristourne dégressive est complexe et qu'elle est loin de simplifier les relations entre l'Etat et la sécurité sociale. Nous soulignerons également toutes les injustices qu'elle entraîne entre familles, entre ménages ayant un ou deux actifs, entre actifs et pluriactifs ; le débat nous permettra de revenir sur ces différents aspects.
A mes yeux, la critique la plus grave porte sur la remise en cause même du contrat social que constitue cette mesure. Je ne suis pas certain que vos amis, madame le ministre, aient parfaitement perçu toutes les implications de ce que vous nous proposez.
Depuis sa substitution aux cotisations salariales maladie, la CSG, Charles Descours l'a parfaitement montré, symbolise le lien entre l'assuré et les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Ces régimes continuent d'ailleurs à s'appeler « régimes d'assurance » ; ils supposent donc l'existence d'un rapport financier direct entre l'assuré et l'organisme versant les prestations. Les cotisations, puis la CSG ont symbolisé ce lien.
En revanche, exonérer de CSG des millions de salariés actifs et substituer à leurs versements des recettes de l'Etat revient tout simplement à rompre cette liaison et donc à ouvrir la voie à l'étatisation de l'assurance maladie. Un tel mécanisme, une telle évolution sont contraires aux principes fondateurs de notre sécurité sociale.
En agissant ainsi, vous donnez des arguments supplémentaires à ceux qui s'interrogent sur la nécessité de maintenir le mode actuel de gestion paritaire des caisses. En voulant modifier en profondeur le mécanisme de la CSG, vous risquez d'altérer de façon irréversible notre sécurité sociale, cette institution à laquelle nous sommes tant attachés et qui est au coeur de notre contrat social.
Agir ainsi est désolant, alors que d'autres mécanismes existaient pour atteindre les mêmes objectifs de garantie du pouvoir d'achat. Nous vous le démontrerons le moment venu, au cours de ce débat.
De même, s'agissant de la CADES, vous agissez avec ce que je pourrais appeler une légèreté critiquable. En privant la caisse de deux années de recettes, vous en allongez le terme d'autant. Vous remettez ainsi en cause la force de cette institution, qui réside dans sa crédibilité financière internationale.
Vous n'avez pas le droit de parler de baisse des prélèvements. Les exonérations de CRDS ne sont que des reports de prélèvements de ceux que vous exonérez aujourd'hui sur ceux qui paieront la CRDS deux ans de plus.
Vous avez tort d'arguer des bons résultats de la CADES pour les gaspiller aussitôt. Là aussi, d'autres moyens existaient. Notre excellent collègue Philippe Adnot évoquera tout à l'heure différents aspects de la gestion de la CADES.
Le troisième point que je souhaiterais aborder ce soir a trait à l'assurance maladie.
Dans ce domaine, vous avez repris, madame le ministre, un chantier en friche.
Ma première inquiétude concerne la disparition de tous les modes de régulation en matière de dépenses de santé. La situation est telle que je ne suis pas loin de partager l'opinion du député Claude Evin - avec lequel nous avons eu tant de débats, pourtant - quand ce dernier parle de la « mort du système conventionnel ».
Dans la situation actuelle, tout est à reconstruire, semble-t-il.
Il faudra le faire sur la base d'un dialogue à rétablir avec l'ensemble des professionnels de santé, tant on a pu constater que leur sentiment de délaissement, voire de persécution pouvait bloquer toutes les vélléités de réformes.
Pour restaurer ce dialogue, et je partage ici l'analyse de M. Descours, il faut abandonner les mécanismes de responsabilité collective et opter résolument pour la responsabilité individuelle.
Le deuxième domaine de l'assurance maladie que j'évoquerai est celui de l'hospitalisation. Votre prédécesseur a réussi en la matière un exploit. Elle est parvenue à briser ce qui fonctionnait de manière satisfaisante, c'est-à-dire les cliniques, pour subventionner fortement ce qu'il fallait à tout prix réformer, à savoir l'hôpital public.
Je ne remets pas en cause, bien entendu, l'existence de problèmes majeurs dans les hôpitaux. Cependant, comment taire la situation dramatique des cliniques ?
Dans les cliniques, toutes corrections faites - je dis bien « toutes corrections faites » -, un même acte coûte de 30 % à 50 % moins cher que dans un hôpital.
Or, vous êtes en train de les asphyxier par des décisions que l'on peut qualifier d'irréfléchies. Dans ce secteur, l'absence d'infirmières devient dramatique. Elle est le fruit de la réduction du nombre de places initiée par votre prédécesseur à son arrivée et de la mise en oeuvre inconsidérée des 35 heures.
Le quatrième point de ce rapide exposé concerne bien évidemment les retraites, mais j'ai des scrupules à aborder de nouveau ce sujet, après l'excellente intervention de M. Alain Vasselle voilà quelques instants.
En matière de retraites, la politique du Gouvernement relève presque de l'irresponsabilité, compte tenu du vieillissement de notre population, et les dernières analyses de l'INSEE sont très significatives à cet égard.
Je ne dirai rien de la suppression, sans solution de remplacement, du mode de revalorisation des pensions mis en place en 1993.
Je me concentrerai sur les deux axes de l'inaction gouvernementale que sont la politique des rapports et la virtualité du fonds de réserve.
Sur ce sujet, le Gouvernement a mis au point une méthode infaillible : il consulte, il demande un rapport, il engage un contre-rapport, puis met en place une instance de concertation chargée de faire des études et, dans le présent projet de loi de financement, propose même de doter notre administration de nouveaux moyens statistiques - c'est bien, peut-être - probablement pour lancer de futures études. A n'en pas douter, si nous continuons dans cette voie, nous aurons bientôt la plus belle collection au monde d'études sur les retraites.
La logique de cette politique des rapports est évidente : il s'agit de repousser toute décision après les échéances électorales majeures. Or nous savons bien qu'alors il sera presque trop tard.
Cela apparaît avec plus de force encore pour le fonds de réserve. Vous héritez en la matière d'une situation scandaleuse. Deux ans après la création de ce fonds, nous n'en connaissons toujours ni l'objectif, ni les modes pérennes de financement, ni les méthodes de gestion, ni les organismes de surveillance, ni le terme, ni la structure juridique. Cela fait beaucoup !
Vous pensez calmer les impatiences et les inquiétudes en alimentant ce fonds au coup par coup. Mais ce que, visiblement, votre prédécesseur n'a pas compris, et ce que tous les exemples étrangers nous montrent, c'est que seules la transparence, la visibilité et la prévisibilité à long terme permettent de minorer le coût de l'ajustement inéluctable. La citation du rapport Charpin faite tout à l'heure par M. Vasselle était, à cet égard, excellente. En effet, il y a un moment où le coût sera tel que les générations présentes refuseront peut-être d'en supporter la charge.
Quant à la promotion d'une épargne retraite individuelle, le Gouvernement laisse - et c'est bien - les fonctionnaires bénéficier de la Préfon, les professions libérales des dispositifs Madelin - c'est bien aussi - et les agriculteurs de mécanismes propres, mais il laisse les salariés du secteur privé dépourvus de tout système sérieux.
Face au silence du Gouvernement, le Sénat a adopté, la semaine dernière, sur l'initiative de la commission des finances et de notre collègue Joseph Ostermann, un mécanisme d'épargne retraite volontaire, construit sur une base collective, facultative et respectueuse de l'équilibre des régimes par répartition, auxquels nous sommes tous attachés. Simultanément, l'opposition républicaine vient de publier ses propositions, propositions dont la lecture pourrait, je le crois, utilement vous inspirer.
Ecoutons d'ailleurs ce que nous disent les institutions internationales.
La Commission européenne propose - et je serais heureux de connaître la position du Gouvernement à cet égard - une directive sur les fonds de retraite par capitalisation, en soulignant l'intérêt et l'urgence de leur développement.
La semaine dernière, l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, publiait, quant à elle, une étude montrant les effets positifs de l'élévation de l'âge de la retraite dans les pays ayant adopté cette mesure, et on nous a présenté, voilà quelque instants, les exemples de la Suède et de l'Italie.
Malgré cela, malgré le coup de vent annoncé, en dépit des premières avaries et des avertissements venant de l'étranger, le paquebot du Gouvernement français maintient obstinément le cap, et il le maintiendra jusqu'à ce qu'il rencontre sur sa route, peut-être, un iceberg fatal... Quant aux victimes, elles sont connues d'avance.
Le dernier point que je souhaite aborder a trait à l'outil même que représente la loi de financement de la sécurité sociale.
La réforme constitutionnelle que nous avons adoptée voilà quelques années a permis à notre pays de rattraper un retard démocratique majeur. J'ai été l'un des initiateurs de cette loi constitutionnelle, refusée d'abord en 1992, puis en 1994 et acceptée en 1995.
Cependant, cinq ans après, il est temps de faire un premier bilan et de réfléchir aux évolutions futures.
Qu'avons-nous fait de l'outil ? Comment l'améliorer ?
Des objectifs qui semblaient impossibles en 1995 deviennent possibles. Il s'agit, par exemple - et nous en avons parlé - de la mise en oeuvre d'un article d'équilibre, qui serait une bonne initiative.
D'autres qui semblaient des avancées majeures atteignent leurs limites : après Charles Descours, je veux parler de l'ONDAM. Chacun a conscience que les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont loin d'être satisfaisantes et qu'il n'est plus possible d'avoir un tel éclatement des prélèvements obligatoires.
Nous ne pouvons que dénoncer le caractère scandaleux et antidémocratique de pratiques qui aboutissent à ce que des dizaines de milliards de francs de dépenses, comme celles du FOREC, échappent à tout contrôle et à tout vote parlementaires. Puisque M. Charles Descours parlait tout à l'heure des fonds, j'ai consulté son rapport et, en dehors de la CADES, j'en ai listé vingt et un, ce qui est tout de même tout à fait étonnant !
Nous savons qu'il est malsain de ne pas embrasser par des comptes consolidés l'ensemble du champ des finances publiques et des finances sociales alors que les institutions internationales nous jugent fortement sur ces comptes agrégés. Cette remarque est, je crois, importante.
Votre prédécesseur, madame le ministre, et le Gouvernement portent une responsabilité majeure parce qu'ils ont sacrifié l'outil des lois de financement de la sécurité sociale à des convenances d'affichage politique. J'ai déjà évoqué le FOREC. J'ai déjà dit tout le mal que j'en pensais, ainsi que des méthodes utilisées pour l'ONDAM. A quoi celui-ci sert-il quand le Gouvernement le rebase à deux reprises, passant ainsi l'éponge sur une trentaine de milliards de francs de dépassements ?
De même, où est la réflexion sur la santé publique et le contenu des 100 milliards de francs de dépenses supplémentaires consacrées à la santé en cinq ans ? Cet argent a-t-il apporté un bien-être, financé des innovations, réduit des inégalités, ou bien s'est-il fondu dans la masse de la dérive des dépenses ? C'est une question sur laquelle nous n'avons pas complètement les réponses que nous souhaiterions.
Il faut donc revoir le schéma des lois de financement de la sécurité sociale pour leur donner une autre ampleur et davantage de crédibilité.
Espérons que la réforme annoncée, attendue et espérée de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances donnera enfin l'occasion de lancer un débat approfondi et constructif. Encore faut-il, bien entendu, madame le ministre, que le Gouvernement le veuille.
Comme vous le constatez, les sujets d'inquiétude ne manquent pas. Nous connaissons vos qualités de rigueur et d'objectivité. J'espère que la description sévère mais juste que je viens de faire, au nom de la commission des finances, et qui rejoint celle de la commission des affaires sociales, vous permettra d'avoir une autre vision sur une réalité qui est encore très sombre.
La conjoncture économique vous a donné et vous donne toujours une occasion unique de redresser le cap. Ne la manquez pas. Il en va de votre responsabilité face à un peuple qui a toujours marqué son profond attachement à son système de protection sociale.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que la commission des finances ait émis un avis négatif sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, je vous accueillais mardi dernier à la commission des affaires sociales et je vous disais que la majorité des membres de celle-ci n'était pas malveillante mais serait sans doute sévère, surtout lorsqu'il s'agit de discuter d'un budget désormais plus important que celui qui est présenté par le projet de loi de finances. Je regrette d'ailleurs - mais je sais quelles étaient ce jour-là vos obligations - que nous n'ayons pu en discuter que pendant une heure.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et quart !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Cependant, je ne doute pas que ces critiques sévères, qui pour l'instant ne s'adressent pas directement à vous, vous allez malgré tout les assumer, les combattre crânement. En effet, nous connaissons votre tempérament.
Après les exposés très complets des trois rapporteurs de la commission des affaires sociales et du rapporteur pour avis de la commission des finances, mon intervention sera brève.
Je voudrais simplement, au moment où nous abordons le cinquième projet de loi de financement de la sécurité sociale, exprimer un motif d'inquiétude et vous faire part d'un motif de satisfaction.
S'agissant, tout d'abord, du motif d'inquiétude, M. Charles Descours vient de souligner combien, depuis quatre ans, le Gouvernement avait dénaturé cette nouvelle catégorie de loi et, ajouterai-je, trahi non seulement l'esprit, mais encore la lettre de la réforme constitutionnelle de 1996.
Or notre commission est fondamentalement attachée à ces lois de financement qui doivent permettre chaque année au Parlement de débattre des enjeux financiers de notre protection sociale.
Certes, la matière en elle-même est complexe. Notre protection sociale se caractérise par une grande diversité des intervenants et par la multiplication des affectations de recettes qui résulte de la séparation des risques, séparation que vous essayez d'ailleurs de contourner.
Les lois de financement elles-mêmes relèvent d'une logique particulière puisque les objectifs votés par le Parlement ne sont pas des plafonds de crédits qui entraîneraient, s'ils étaient dépassés, l'interruption des prestations ou des remboursements. Mais j'ai bien noté, et nous saurons vous le rappeler, l'engagement que vous avez pris, dans votre propos liminaire, de faire respecter les objectifs votés par le Parlement.
La matière est donc complexe, mais, après tout, le Parlement et ses commissions permanentes en ont l'habitude et le rôle essentiel qui est le leur est bien de rendre intelligibles les textes compliqués.
Je voudrais, à ce titre, rendre hommage à Charles Descours, Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle pour l'intensité et la qualité du travail effectué, ainsi qu'à Jacques Oudin qui vient de nous présenter les conclusions de la commission des finances. Je sais, puisqu'il vient de nous le faire dire à l'instant, que le président de la commission des finances serait présent parmi nous s'il n'était retenu par des problèmes importants au sein de sa commission.
Mais encore faut-il que la complexité soit sinon nécessaire, du moins qu'elle ne puisse être évitée.
Or, j'ai la conviction que le Gouvernement organise cette complexité pour procéder, dans une opacité volontaire, à des transferts financiers illégitimes. Je pense en particulier à ces ponctions répétées et, de surcroît, rétroactives qui sont opérées sur la branche famille et le fonds de solidarité vieillesse. MM. Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle l'ont parfaitement démontré tout à l'heure.
De cette confusion organisée par le Gouvernement, je citerai seulement deux exemples.
Le Gouvernement a créé, l'an dernier, un fonds « de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale », le fameux FOREC, dont tout le monde a parlé. De fait, le débat sur la réforme de l'assiette des cotisations patronales est ancien et tourne autour de la question suivante : faut-il ou non introduire, à côté de la masse salariale, d'autres éléments de la valeur ajoutée ?
Mais que fait le Gouvernement ? Il affecte à la compensation des exonérations de cotisations sociales pas moins de six impôts et taxes. Il s'agit, et c'est un peu un inventaire à la Prévert, des droits sur les tabacs, des droits sur les alcools, de la taxe sur les véhicules de société, de la taxe sur les conventions d'assurances, de la contribution sur les bénéfices des sociétés, de la taxe sur les activités polluantes, qui, aujourd'hui mardi 14 novembre 2000, alors que le Premier ministre va devoir chercher un certain nombre de milliards de francs pour résoudre le problème des farines animales, pourrait avoir une utilisation plus judicieuse.
M. Alain Gournac et M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Dans tout cela, où est la réforme des cotisations patronales ? Nulle part, sauf à prétendre que les tabacs et les alcools, dont les droits sont payés par les consommateurs, entreraient par exemple dans l'assiette des cotisations patronales, ce qui serait à l'évidence absurde.
A quel objectif répond alors la création du FOREC ?
Est-ce un objectif de clarification ? Ce serait un paradoxe, tant le mécanisme rend désormais incompréhensible non seulement la loi de financement mais aussi la loi de finances.
Est-ce l'objectif d'un meilleur contrôle ? Ce serait une plaisanterie, dès lors que ce fonds échappe à tout contrôle puisqu'il n'a pas été encore juridiquement mis en place.
De quoi s'agit-il alors ? La réponse est simple. Il s'agit de dégonfler optiquement la masse des dépenses budgétaires et de faire en sorte qu'en définitive le budget de l'Etat se retire totalement du financement d'une politique de l'emploi fort aventureuse - nous le constatons chaque jour davantage -, à savoir les trente-cinq heures.
C'est la première confusion, qui frise l'impudence, organisée par le Gouvernement : présenter comme une réforme des cotisations patronales la non-compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges décidées par l'Etat.
Le second exemple, je le tire du transfert de majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Depuis 1993, le Gouvernement décidait chaque année d'une telle majoration, qui était prise en charge par le budget général.
Lors de la Conférence sur la famille de juin 1999, il annonce la pérennisation de cette majoration.
A dire vrai, cette annonce semblait relever de l'effet de manche. En effet, les familles étaient habituées à cette majoration, régulièrement reconduite chaque année, et on ne voit donc pas ce qu'il y avait de bien nouveau dans cette décision.
En réalité, de quoi s'agissait-il ? Dès lors que le Gouvernement annonçait sa pérennisation, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire était élevée au rang de prestation familiale, et il était normal, concluait le Gouvernement, que les 7 milliards de francs correspondants soient pris en charge par la branche famille.
On se demande véritablement pourquoi le Gouvernement - l'actuel ou le précédent, d'ailleurs - n'a pas pris plus tôt une telle décision : il est rare, en effet, qu'une bonne nouvelle se traduise par une économie budgétaire de 7 milliards de francs !
C'est la seconde confusion que je tenais à souligner : celle qui consiste à transférer une charge nouvelle à la branche famille sous couvert de pérennisation d'une prestation.
A travers les mécanismes qu'il met en place, sciemment illisibles, à travers le discours dont il les accompagne, sciemment confus voire inexact, le Gouvernement ne dupe certes pas les spécialistes des finances sociales, mais il réduit à néant les espoirs de pédagogie, de clarté et de démocratie qui étaient attachés à la réforme constitutionnelle de 1996.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il prend ce faisant une lourde responsabilité,...
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. ... car, sans cette pédagogie, sans cette clarté, sans cette démocratie, il n'y aura pas de redressement durable des comptes sociaux, il n'y aura pas de garantie quant à l'avenir de notre modèle de protection sociale.
J'exposerai un motif de satisfaction ensuite ; il n'est pas mince mais il ne s'adresse pas au Gouvernement.
Face, en effet, à la multiplication des jeux de miroirs entre la loi de financement et la loi de finances, qui résulte des tuyauteries mises en place par le Gouvernement, le débat parlementaire sur ces deux textes financiers courait un risque de confusion et d'incohérence.
Aussi, je me félicite du travail fait en commun par les deux commissions compétentes : la commission des finances et la commission des affaires sociales.
Non seulement leurs analyses sont proches, voire identiques, mais encore leurs propositions sont coordonnées, qu'il s'agisse du mécanisme du crédit d'impôt que la commission des finances proposera de substituer à l'improvisation que représente la ristourne dégressive de la CSG, qu'il s'agisse de l'amélioration du quotient familial ou encore de l'affectation du produit des licences de la téléphonie mobile.
Je tiens à en donner acte à mon collègue M. Alain Lambert, président de la commission des finances, et à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui a bien voulu se joindre à nous lors de la conférence de presse organisée voilà quelques jours.
A l'évidence, nous sommes prêts à aborder chaque année, au printemps, un débat d'orientation consolidé sur les finances publiques, c'est-à-dire sur le projet de loi de finances ainsi que sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je déplore que, face à une telle demande, appuyée par M. le président du Sénat, le Gouvernement se dérobe.
Ces dérobades, nous en avons cité beaucoup, en particulier s'agissant des retraites. C'était la tactique de Fabius, non pas celui auquel vous pensez peut-être, mais Fabius Cunctator , c'est-à-dire « le Temporisateur », tactique qui parut un temps réussir, mais qui finit dans l'échec.
Je ne souhaite pas, pas plus que vous, sans doute, madame la ministre, ni que vous, mes chers collègues, un tel résultat pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je tâcherai de répondre brièvement, puisque la discussion générale va se poursuivre et que j'aurai d'autres occasions de m'exprimer. Mais je voudrais quand même à ce stade, après les interventions des différents rapporteurs et du président de la commission des affaires sociales, vous faire part, mesdames, messieurs les sénateurs, de quelques remarques.
Monsieur Descours, si « le trou de la sécu » a disparu, nous y sommes pour quelque chose ! Il faut quand même vous y faire ! Nous avons changé de politique économique en 1997,...
M. Charles Descours, rapporteur. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... nous avons relancé la croissance, nous avons diminué le chômage, et voilà le résultat !
M. Alain Gournac. Et en Allemagne ? Et en Grande-Bretagne ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'avais pas cité, dans mon propos introductif, les montants des déficits successifs du régime général, entre 1993 et 1997, mais, puisque vous m'y poussez, je vais le faire ! Ce déficit s'élevait, en 1993, à 56,4 milliards de francs, en 1994 à 54,8 milliards de francs, en 1995 à 57,3 milliards de francs, en 1996 à 51,4 milliards de francs, en 1997 à 33,8 milliards de francs, le total se montant à 253 milliards de francs.
En 1998, le déficit a baissé à 16,9 milliards de francs, et nous avons renoué avec les excédents à partir de 1999. Mais cette amélioration n'est pas venue toute seule ! Elle est due, je le répète, à la politique économique que nous avons menée, politique qui a rompu radicalement avec celle qui avait été menée par M. Balladur, puis par M. Juppé, et qui aurait certainement été encore aggravée si la dissolution décidée par le Président de la République avait donné un résultat différent ; mais les Français nous ont élus justement pour mener une politique différente !
M. Claude Domeizel. Heureusement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Toutes les conditions étaient rassemblées pour que la croissance soit rétablie !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. La réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière sera effective au 1er janvier 2002. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Mon cabinet a rencontré les grands syndicats. Les négociations s'ouvriront prochainement pour aboutir, je l'espère, à un accord national. Puis sera élaborée la réglementation sur l'organisation et le temps de travail, avec, ensuite, une mise en application à l'échelon local.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Quel sera le financement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai bon espoir que la réduction du temps de travail soit l'occasion de réexaminer l'organisation du travail au sein des hôpitaux afin d'améliorer à la fois le service rendu à la population et les conditions de travail des agents. Quant au financement, monsieur le président de la commission des affaires sociales, la question ne se posera qu'en 2002.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr ! Beaucoup de personnes sont inquiètes à ce sujet !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Chaque chose en son temps !
M. Charles Descours, rapporteur. Cunctator !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant de la CSG, M. Descours a tenu des propos très argumentés auxquels je vais m'efforcer de répondre brièvement.
Le Gouvernement a voulu réduire les prélèvements afin d'alléger les charges sur le travail, et, en premier lieu, sur le travail peu qualifié. La CSG avait d'ailleurs été mise en place pour rééquilibrer les prélèvements sociaux en baissant les charges sur les revenus du travail et en mettant à contribution, en compensation, les revenus financiers.
La mise en oeuvre de la CSG a été faite aussi bien par le gouvernement de Michel Rocard, en 1990, que par celui de Lionel Jospin, en 1998, sur l'initiative de Martine Aubry, dont je veux ici saluer l'action, car j'estime qu'elle a été injustement attaquée par tous les rapporteurs,...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... dans l'espoir, évidemment vain et fallacieux, que j'allais, ne fût-ce que d'un battement de cil - mais je ne vous ferai pas ce cadeau ! - me démarquer de la politique menée par ma « prédécesseure ». (Exclamations sur les travées du RPR.) Je tiens donc à saluer ici les réformes menées par Martine Aubry, au nom du Gouvernement tout entier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Pas nous !
M. Hilaire Flandre. Attendez de payer la note !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. La mise en oeuvre de la CSG a été faite par Michel Rocard en 1990 et par Martine Aubry en 1998, conformément à la logique précitée et contrairement à la mesure d'augmentation de la CSG décidée en 1993 par le gouvernement de M. Balladur, qui a été réalisée sans baisse de cotisations salariales en compensation. Il faut quand même rappeler certaines choses !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous en profitez bien !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il faudrait faire le bilan du gouvernement Bérégovoy !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les mesures prises par les divers gouvernements en matière de charges patronales ont aussi visé à alléger les charges en priorité sur les bas salaires. C'est dans cet esprit qu'ont été conçus les allégements liés à la mise en place des 35 heures qui permettent de réduire le niveau des charges de sécurité sociale à 5 % du SMIC brut, contre 31 % voilà dix ans.
Nous voulons - et c'est peut-être ce qui nous distingue, monsieur Descours - continuer les efforts pour améliorer le statut social du travail, et que cela ne s'arrête pas aux charges patronales. Nous souhaitons que le smicard bénéficie sur sa feuille de paie de l'allégement des charges sociales. C'est notre politique ; c'est le sens des mesures qui ont été prises et c'est ce que permet le projet de loi de financement de la sécurité sociale à travers cette mesure simple, extrêmement attendue par les ménages concernés et applicable dès janvier 2001. D'ailleurs, le Gouvernement a veillé à ce que cette mesure ne prive pas la sécurité sociale de la moindre ressource puisque le projet de loi, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, prévoit une compensation intégrale des régimes de sécurité sociale.
M. Charles Descours, rapporteur. Pas pour la CRDS !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si ! C'est pourquoi les critiques que vous avez exposées ne me semblent pas fondées.
Par ailleurs, monsieur Descours, vous avez émis une crainte quant à une inconstitutionnalité de la réduction dégressive de la CSG, avançant à cet égard trois motifs possibles.
Vous avez tout d'abord prétendu que les pluriactifs seraient avantagés. Je dirai qu'ils ne seront pas mieux traités que les monoactifs puisque la pluriactivité salariée est prise en compte à travers la proratisation de la réduction en fonction du temps de travail. De ce fait, un salarié qui perçoit le SMIC en occupant deux emplois à mi-temps bénéficiera de la même réduction que s'il occupait un emploi à temps plein rémunéré au SMIC. Par conséquent, le pluriactif salarié ne sera pas avantagé.
Et je répète, après vous avoir déjà répondu à cet égard lors de mon audition par la commission des affaires sociales - que la pluriactivité non salariée sera également prise en compte lors de la régularisation sur les revenus de l'année. Il sera alors demandé aux salariés de déclarer leurs revenus salariés pour que l'URSSAF ou la mutualité sociale agricole puisse vérifier que la somme de leurs revenus leur permet de bénéficier de la mesure. Je ne pense donc pas que le premier motif d'inconstitutionnalité puisse être fondé.
Vous avez ensuite prétendu qu'un couple dont un seul conjoint travaille et qui perçoit un salaire d'1,4 SMIC sera moins bien traité qu'un couple où chacun des conjoints perçoit le SMIC.
Pour ma part, je ne vois pas là de rupture d'égalité ! Ces deux ménages ne sont pas dans une situation semblable, puisque, dans un cas, deux personnes travaillent et, dans l'autre cas, une seule personne occupe un emploi.
M. Hilaire Flandre. C'est scandaleux !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quand on veut statuer sur l'égalité devant les charges publiques, il faut tenir compte de cette différence de situation. J'ajoute que ce dispositif, que nous voulons et assumons, aboutit à prendre en compte le second salaire, c'est-à-dire le travail féminin, car nous sommes pour l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est donc là un résultat que nous souhaitons, je dirai même que nous revendiquons.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Parfaitement !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Hilaire Flandre. Les gosses dans la rue et les femmes à l'usine !
M. Guy Fischer. On vous reconnaît bien là !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Par ailleurs, je rappelle que l'un des objectifs visés au travers de cette mesure est de favoriser le retour à l'emploi pour les personnes à revenus modestes, et pour atteindre cet objectif, il faut, bien évidemment, considérer séparément chaque salaire.
Enfin, dites-vous, la CSG et la CRDS ne seront plus proportionnelles. Mais je ne vois pas là non plus de motif d'inconstitutionnalité. C'est au législateur, et à lui seul, d'apprécier la manière dont doivent être prises en compte les facultés contributives.
Vous soulignez que la CSG restera proportionnelle sur d'autres types de revenus. La réponse se trouve à la page 87 de votre rapport, monsieur Descours : « A force de "propos" autorisés de certains économistes et de différents penseurs dans la presse, certains ont pu croire que la CSG était un deuxième impôt sur le revenu.
« Or, la CSG est au moins triple : il existe une CSG sur les revenus d'activité, une CSG sur les revenus de remplacement, une CSG sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. »
On ne peut pas mieux dire ! Vous faites donc une bonne analyse, mais vous en tirez des conséquences que je crois erronées.
Vous faites des propositions. Il est très intéressant que la majorité sénatoriale fasse des propositions. Je salue cet effort méritoire. C'est bien là, me semble-t-il, le rôle de toute opposition. J'allais dire « enfin ! » (Sourires sur les travées socialistes.)
Vous proposez de retenir la technique de l'impôt négatif. En fait, vous parlez de crédit d'impôt, mais il est plus juste de parler d'impôt négatif, car la plupart des bénéficiaires d'un tel crédit d'impôt n'auraient jamais été amenés à acquitter l'impôt puisqu'ils ne paient pas l'impôt sur le revenu. Donc, cela ne pourrait pas les concerner. Aussi, parlons, si vous le voulez bien, d'impôt négatif plutôt que de crédit d'impôt.
M. Charles Descours, rapporteur. C'est l'expression retenue par le ministère des finances.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Lui, c'est lui ; moi, c'est moi !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas comme avec Martine Aubry !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pourquoi ne pas avoir retenu la technique de l'impôt négatif ? Nous avons, naturellement, réfléchi à cette intéressante question qu'encore une fois vous avez le mérite de soulever dans notre débat.
D'abord, parce qu'elle aurait été trop lourde à gérer. La réduction dégressive, que nous avons choisie, sera gérée par les employeurs pour les salariés et par les organismes de recouvrement, URSSAF ou caisse de MSA. Entreprises et organismes ont depuis longtemps l'habitude d'appliquer des dispositifs d'allégement de charges sociales. Ils ont une longue expérience liée à la réduction des cotisations patronales, qui sont très diversifiées et très développées.
En revanche, la mise en place d'un impôt négatif aurait été beaucoup plus lourde et beaucoup plus coûteuse. Elle aurait nécessité, de notre point de vue, la mise en place de procédures et de moyens administratifs nouveaux.
Surtout, la mise en place de l'impôt négatif aurait été très longue à produire ses effets, alors que la réduction dégressive peut être mise en oeuvre dès le 1er janvier prochain, s'agissant des salariés, et lors de la première échéance de cotisations de l'année prochaine, soit le 15 mai, s'agissant des non-salariés.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Electoralement, c'est préférable !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour mettre en place l'impôt négatif, il aurait fallu un délai très long, environ quinze mois pour les salariés, et même plus pour les non-salariés, en raison du temps nécessaire pour connaître définitivement les revenus des intéressés.
Un tel délai était incompatible avec l'objectif de la mesure, qui, je le rappelle, est avant tout de favoriser la reprise d'activité, le retour à l'emploi, en augmentant le revenu d'activité net. C'est aujourd'hui, je crois, qu'il faut le plus utilement agir sur ce terrain.
Vous avez également plaidé, monsieur Descours, pour une loi de financement rectificative de la sécurité sociale. On vient de me passer à l'instant un extrait très intéressant du rapport sénatorial de 1996, donc écrit par l'un de vos amis de la majorité sénatoriale de l'époque et d'aujourd'hui, si ce n'est par vous-même !
J'en donne lecture : « Il semble que l'intervention d'une loi de financement rectificative ne se justifierait que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple un bouleversement très important en cours d'année des conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale ou, le cas échéant, un changement de majorité parlementaire suivi de la formation d'un nouveau gouvernement. » Nous n'en sommes pas là. Nous pouvons donc faire l'économie d'un tel projet de loi de financement rectificative.
Monsieur Lorrain, nous n'avons pas, c'est vrai, la même conception de la politique familiale.
M. Alain Gournac. On s'en était rendu compte !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Votre exposé et ce que nous proposons le montrent à l'évidence.
M. Lucien Neuwirth. Il y a longtemps qu'on le sait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je tiens tout de même, sur le même ton extrêmement courtois que celui que vous avez employé, à vous dire un certain nombre de choses.
D'abord, je ne crois pas que l'on puisse dire que, de 1993 à 1997, la politique en faveur de la famille ait été exemplaire.
C'est tout de même pendant cette période que l'on a mis sous condition de ressources l'allocation parentale pour jeunes enfants,...
Mme Gisèle Printz. Oui !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... que l'on a gelé la base mensuelle des allocations familiales, à partir de laquelle sont calculées les allocations familiales,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela a été condamné par le Conseil d'Etat !
M. Guy Fischer. Ils l'ont reversée !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En effet ! ... et, enfin, que l'on a fiscalisé les indemnités journalières maternité.
Alors, c'est vrai qu'en 1994 a été produite une grande loi sur la famille. Mais malheureusement, aucun financement n'était prévu ! Nous, nous ne voulons pas faire d'effets d'annonce qui ne soient pas suivis de financements.
Enfin, je souligne que l'héritage, en 1997, pour la branche famille, se soldait par un déficit de 15 milliards de francs, sans parler des prélèvements fiscaux auxquels avaient été soumises les familles : 120 milliards de francs de relèvements d'impôts entre 1995 et 1997.
Depuis 1997, en revanche, les familles ont bénéficié d'un certain nombre de mesures que je crois favorables.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pas les familles nombreuses !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'abord, l'extension à vingt ans de l'âge jusqu'auquel on perçoit des allocations familiales, ce qui n'est pas rien.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. On a retardé d'un an l'attribution de la première allocation. Cela ne change rien !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ensuite, le bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire dès le premier enfant.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et le quotient familial ? (Sourires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je citerai encore l'extension à vingt et un ans du complément familial et des aides au logement, à quoi s'ajoutent le coût de pouce sur la base mensuelle des allocations familiales en 2000 et 2001, l'alignement des loyers plafonds pour le calcul de l'allocation au logement familial sur l'APL, ce qui augmente le montant des aides au logement pour les familles, et le relèvement de 11 000 à 13 000 francs du plafond du quotient familial en 2001.
Il est vrai que nous avions abaissé ce plafond - vous avez eu raison de le rappeler - de 16 000 francs à 11 000 francs en 1998. Là encore, nous assumons. C'était une mesure d'orientation des aides à l'égard des familles qui en ont le plus besoin, tout cela avec un retour à l'excédent de la branche au lieu d'un déficit de 15 milliards de francs et des allégements d'impôts, là encore très importants, qui profitent aux familles.
Monsieur Vasselle, vous avez concentré votre analyse sur les mesures concernant les retraites. Je vous répondrai, là encore, le plus brièvement possible.
D'abord, vous avez dit que nous avions des excédents « fragiles » Mais, à structure constante, nous approchons les 20 milliards de francs en 2000, ce qui n'est tout de même pas négligeable. En plus, nous avons le fonds de réserve.
La réduction des déficits provient de recettes supplémentaires tirées d'une croissance exceptionnelle dont nous nous félicitons tous, j'en suis sûre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je l'ai dit !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vrai !
En outre, les dépenses maîtrisées évoluent moins vite que le produit intérieur brut, grâce aux mesures structurelles que nous mettons en oeuvre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Comme M. Balladur !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Balladur a été l'auteur d'une réforme relative aux retraites en 1993 ; et il est vrai qu'une loi de juillet 1993 a pris un certain nombre de mesures, assorties, il faut le dire, d'un relèvement de 1,3 point de la CSG.
M. Hilaire Flandre. On est loin de 10 % !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Balladur a également redressé la CNRACL, grâce à une hausse massive de 3,8 points des cotisations à la charge des collectivités locales.
En fait, les mesures que M. Balladur a prises concernant les retraites, notamment sur la durée de cotisation, en juillet 1993 avaient fait l'objet de larges concertations sous les gouvernements précédents, notamment le gouvernement Rocard. Et, pour le reste, il a accru les prélèvements obligatoires.
Je suis sûre que vous discuterez cette interprétation. Je voulais tout de même vous la livrer parce qu'il m'a semblé que vous aviez donné au Sénat une interprétation très unilatérale de la politique menée par M. Balladur. (Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il faudrait parler de celle qu'a menée M. Bérégovoy avant de parler de celle de M. Balladur !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ajoute que, quand la droite s'est attaquée aux régimes spéciaux, elle l'a fait, hélas ! d'autorité, ce qui a provoqué les résultats que nous avons vus en 1995 et qui n'ont en rien, de toute façon, fait avancer les choses.
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'en ai parlé également !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant de l'évolution des retraites, vous avez fait état de votre préoccupation concernant les retraites complémentaires, monsieur Vasselle.
Je vous répondrai que le Gouvernement, lui, prend des décisions sur ce qui relève de sa compétence et de ses responsabilités, c'est-à-dire les retraites de base. Or, de ce point de vue, les faits sont là : nous avons augmenté les retraites de base de 2,2 %. Cela s'est traduit par un gain de pouvoir d'achat de 1,3 % depuis 1997, alors que le pouvoir d'achat des retraites avait baissé de 4,2 % de 1993 à 1997, du fait des prélèvements - CSG, CRDS, etc. - que je viens de rappeler, ainsi, d'ailleurs, que du relèvement des cotisations d'assurance maladie.
Les retraites complémentaires, ce sont les partenaires sociaux - vous le savez, bien sûr ! - qui en discutent. Je veux souligner, à cet égard, que le Gouvernement a réglé dans la concertation le vieux contentieux - il durait, je crois, depuis seize ans - entre l'AGIRC, l'association générale des institutions de retraite des cadres et l'ARRCO, l'association des régimes de retraites complémentaires.
En apportant chaque année plus de trois milliards de francs à ces régimes, le Gouvernement permet un mode de calcul plus favorable des retraites complémentaires.
S'agissant du fonds de réserve, vous avez exprimé votre scepticisme. Vous avez rappelé - mais je l'avais fait avant vous - que les mille milliards de francs du fonds de réserve qui seront constitués d'ici à 2020, et auxquels on ne touchera pas, ne correspondent qu'à une partie - la moitié - des besoins des régimes par répartition pour la période 2020-2040.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le dixième !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. La moitié, selon mon estimation, mais ce peut être une discussion sans fin, évidemment !
Je crois que c'est parce que vous minorez l'incidence de la politique économique que nous menons (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) , qui a conduit à la croissance, au recul du chômage, et qui fait tout de même que la question des retraites se pose, que vous le vouliez ou non, dans un contexte différent de celui de 1997.
Et comme nous avons l'intention d'être là longtemps et de poursuivre cette politique (Sourires), nous continuerons sans doute à avoir, dans les années qui viennent, une bonne croissance et une diminution du chômage.
Il est vrai, néanmoins, que le fonds de réserve ne peut pas suffire à traiter le problème, en tout cas dans la durée, et, sur ce point, je veux vous rassurer.
D'abord, le Gouvernement a créé, vous le savez, un conseil d'orientation des retraites, qui a pour mission de mener la concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux, d'élaborer des scénarios, de balayer toutes les pistes possibles pour tous les régimes - je dis bien « tous les régimes » - de faire rapport au Gouvernement, vraisemblablement à la fin de l'année prochaine, rapport sur la base duquel le Gouvernement annoncera, bien entendu, sa politque, c'est-à-dire les mesures qu'il faudra prendre, assorties d'un calendrier.
J'enchaîne avec vos remarques, monsieur Oudin, puisque vous avez beaucoup parlé des retraites, pour vous dire, comme à M. Vasselle, que le temps passé par le conseil d'orientation des retraites à faire de la concertation, à faire de la pédagogie, à chercher toute une palette de solutions, n'est pas du temps perdu, au contraire ! Nous ne sommes pas à six mois près ! S'il est vrai qu'il est important de ne pas perdre de temps, mieux vaut procéder de la sorte qu'agir par autorité et aboutir, inévitablement, à des blocages, comme cela a, hélas ! été le cas en 1995.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Lisez le rapport Charpin !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous l'avons lu !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Oudin, je reconnais votre esprit d'équilibre - il sied à votre rôle, puisque vous êtes membre de la commission des finances - et je voudrais vous dire que le retour à l'équilibre signifie, pour le Gouvernement, des recettes supplémentaires. Je vous « remercie » à cet égard d'avoir qualifié la croissance d'« exceptionnelle » alors que, je le répète, nous y sommes pour quelque chose ! (Sourires.)
Le retour à l'équilibre signifie également, pour le Gouvernement, des dépenses maîtrisées. Ces dernières sont en effet inférieures à l'évolution du produit intérieur brut, ce qui n'est pas le cas chez tous nos voisins européens.
Je voudrais également souligner, monsieur le rapporteur pour avis, qu'il n'y a pas de prélèvement nouveau dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme vous le savez, la taxe sur les conventions d'assurance, que vous avez citée comme exemple de prélèvement nouveau, existe déjà. (M. Oudin s'exclame.) Elle est seulement affectée en partie à la sécurité sociale.
Je rappelle aussi que la politique du Gouvernement en matière de prélèvements, c'est une baisse des impôts de 90 milliards de francs cette année et de 120 milliards de francs sur les trois ans à venir.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Les impôts baissent, les prélèvements obligatoires augmentent !
M. Hilaire Flandre. Regardez les masses !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les prélèvements obligatoires sont stabilisés, ils le resteront et nous avons l'espoir de pouvoir les réduire !
En ce qui concerne les quotas infirmiers, nous augmentons cette année de 8 000 le nombre de places dans les instituts de formation de soins infirmiers. Cette mesure ne provoquera évidemment pas d'amélioration immédiate, mais elle est significative après une augmentation des quotas de 1 200 en 1999, de 1 000 en 1998 et, hélas !, une baisse de 2 000 en 1997.
Pour ce qui est des cliniques, je veux aussi vous donner des éléments de réponse.
Je considère que les établissements privés de soins sont une composante essentielle de notre système de santé et qu'à ce titre ils jouent un rôle tout à fait complémentaire de celui de l'hôpital public.
Nous avons reconnu ce rôle puisque, dès cette année, nous avons pris des mesures en leur faveur. C'est ainsi que nous avons instauré un véritable partenariat en application du protocole du 1er mars 2000, avec les trois fédérations de l'hospitalisation privée pour mettre en oeuvre une politique de réduction des disparités tarifaires à l'échelon régional.
Nous avons également doté le fonds de modernisation des cliniques privées de 100 millions de francs pour l'année 2000, et, pour 2001, nous prévoyons une dotation de 150 millions de francs. C'est une augmentation de 50 %. Reconnaissez que ce n'est pas rien.
En outre, l'application de l'arrêté intéressant les établissements aux économies réalisées sur les achats de dispositifs médicaux provoquera une recette supplémentaire.
Par ailleurs, nous avons demandé aux caisses nationales de ne pas procéder au recouvrement des ressources allouées en 1999 au titre du fonds d'aide aux contrats, qui a été annulé, comme vous le savez, par le Conseil d'Etat. Ce sont ainsi 130 millions de francs supplémentaires qui sont laissés à la disposition des établissements.
Telles sont les dispositions que nous avons prises cette année en faveur des établissements privés.
En 2001, nous accentuerons encore ces mesures favorables, puisque nous prévoyons la possibilité de rémunérer l'activité d'urgence assurée par les cliniques privées qui en ont reçu l'autorisation, en application des nouveaux schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS.
Nous avons également l'intention de fixer, pour 2001, un objectif des dépenses des cliniques privées en progression de 3,3 %, contre 2,2 % en 2000, soit la même progression que pour l'hôpital public. Je rappelle à ce propos à M. Descours que la fixation de l'objectif des dépenses des cliniques n'était que de 1,3 % en 1997, ce qui avait d'ailleurs entraîné, il s'en souvient j'en suis sûre, une forte pression dans ce secteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Les résultats des cliniques étaient meilleurs en 1997 !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes oui, mais nous en tenons compte.
S'agissant des difficultés de recrutement du personnel soignant, qui sont tout à fait réelles pour les cliniques privées, nous le savons, ces dernières vont bénéficier de l'augmentation des quotas infirmiers, ce qui n'aura évidemment pas d'effet immédiat.
Par ailleurs, pour répondre à ces problèmes de recrutement, nous avons, par un arrêté, aménagé l'accès aux écoles d'infirmières pour les aides-soignantes de façon à augmenter les recrutements.
Nous voulons enfin permettre aux cliniques d'employer, comme le font les hôpitaux, des étudiants en quatrième année de médecine faisant fonction d'infirmiers.
Voilà les sujets sur lesquels nous avons pris des décisions, en concertation avec les fédérations et les syndicats. Vous voyez que nous ne sommes pas restés inactifs.
Je terminerai mon exposé en présentant quelques remarques à propos de l'intervention de M. Delaneau.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez exprimé une inquiétude : on aurait touché la lettre de la Constitution avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je ne crois pas que l'on puisse dire cela, d'abord, parce qu'il y a un juge constitutionnel et que, si une mesure était inconstitutionnelle, le juge l'aurait constaté.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est ce qu'il a fait l'année dernière !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ensuite, je ne pense pas que transférer des recettes de l'Etat à la sécurité sociale soit contraire à la Constitution. C'est notre orientation politique et nous l'assumons : il s'agit, pour nous, d'alléger les charges qui pèsent sur l'emploi. D'ailleurs, cela fonctionne bien, puisque cette politique n'est pas totalement étrangère aux 870 000 chômeurs de moins que nous enregistrons, heureusement, depuis 1997.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je n'ai jamais dit cela !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Après d'autres intervenants, vous avez déploré la complexité du financement de la sécurité sociale. Vous avez raison, mais je crois qu'il ne faut pas confondre complexité et opacité. Le financement de la sécurité sociale a toujours été complexe, ce n'est pas une nouveauté, mais il n'est pas opaque.
M. Charles Descours, rapporteur. Cela ne s'améliore pas !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous dirai donc, monsieur Delaneau, comme à M. Descours, que, concernant le FOREC, le Parlement a une vision très précise de l'ensemble des exonérations de charges et de la façon dont elles sont financées.
L'affectation d'une recette budgétaire à un fonds n'est d'ailleurs pas une nouveauté, puisque M. Balladur l'a fait avec le fonds spécial veillesse. (M. Descours, rapporteur, s'exclame.)
Je voudrais vous dire encore, monsieur le président de la commission des affaires sociales, que le budget de l'Etat ne se désengage pas du financement du passage aux 35 heures, bien au contraire. Quand le budget de l'Etat se prive d'une recette pour financer cette charge, ce n'est pas un signe de désengagement, c'est le signe que nous voulons des recettes fiscales pérennes et stables et que nous les préférons à des concours budgétaires révisés chaque année.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, j'ai été très intéressée par vos propos et par vos rapports, qui montrent que vous avez voulu faire des propositions. Ces propositions, vous l'avez compris, ne m'ont pas convaincue.
D'abord, elles me paraissent fondées sur une analyse erronée de la situation, parce que vous ne voulez pas admettre que, la politique économique ayant changé, la situation est différente, ce qui nous permet d'améliorer les résultats. Cette politique, nous l'avons voulue, et elle est en rupture avec ce qui se pratiquait sous les gouvernements de MM. Balladur et Juppé.
Je ne peux pas être convaincue par vos propositions, ensuite, parce qu'elles reflètent une politique autre que celle que nous menons et pour laquelle nous avons été élus.
Vous n'aimez pas les 35 heures, c'est votre droit. Quant à nous, nous considérons qu'elles ont puissamment contribué à l'amélioration de la situation de l'emploi et au regain de la confiance dans notre pays. Sur la famille, nous privilégions - c'est vrai - l'égalité professionnelle, le travail des femmes. Nous avons, là aussi, une conception différente de la vôtre.
Enfin, nous voulons consolider le régime des retraites par répartition. L'Assemblée nationale a d'ailleurs voté l'abrogation de la loi Thomas. Nous continuerons dans ce sens, mais nous prendrons nos responsabilités et nous ferons en sorte que les régimes de retraite par répartition soient financés.
En un mot, nous avons d'autres conceptions que les vôtres, mais le débat démocratique a eu le mérite de les avoir fait apparaître à nouveau ce soir. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivant :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 23 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps qui m'est imparti et partageant les analyses de nos excellents collègues, je me contenterai d'évoquer le problème de la CADES.
Lorsque la décision a été prise d'allonger la durée de remboursement de la caisse d'amortissement de la dette sociale, je m'y suis opposé car c'était une très mauvaise décision de gestion.
Régler par un emprunt les déficits cumulés de la sécurité sociale, puis en reculer l'échéance, c'est un risque qu'aucune entreprise, aucune collectivité ou encore aucun particulier ne serait autorisé à courir.
L'an dernier, madame la ministre, j'ai interrogé en vain votre ministère sur le rythme de remboursement du capital emprunté par la CADES en émettant des doutes sur la capacité de cet organisme à tenir ses engagements.
Aujourd'hui, je n'ai plus de doutes, j'ai une certitude : la CADES n'aura pas fini, en 2014, de rembourser.
L'équation est simple : l'endettement actuel est de 209 milliards de francs, auquel il faut ajouter un remboursement annuel à l'Etat de 12,5 milliards de francs jusqu'en 2008.
La ressource, pour 2001, est de 28 milliards de francs permettant de couvrir 11 milliards de francs de frais financiers et 12,5 milliards de francs de remboursement à l'Etat. Il reste donc 4,5 milliards de francs pour rembourser les 209 milliards de francs que j'ai évoqués. Chacun est à même de comprendre l'impossibilité de la tâche.
Même si l'on considère que, durant les cinq dernières années, la CADES n'aura plus à supporter le poids de 12,5 milliards de francs de remboursement à l'Etat, soit 62,5 milliards de francs, et qu'elle aura réussi, au rythme de 4,5 milliards de francs pendant quatorze ans, à rembourser 63 milliards de francs, il restera encore 84 milliards de francs.
Bien sûr, on m'objectera qu'une progression de la ressource est prévue, à hauteur de 3,5 %. Mais, je ne m'en tiens pas aux hypothèses, d'autant que, cette année, on constate une diminution de la ressource de 700 millions de francs.
Une augmentation de 3,5 % permet de dégager 1 milliard de francs supplémentaire sur 28 milliards de francs, mais le coût de la ressource et les frais financiers actuels peuvent facilement atteindre 2 milliards de francs. C'est d'ailleurs ce qui se produira cette année et l'année prochaine.
En conséquence, je mets en doute la capacité de la CADES à honorer ses engagements. Il faut donc s'attendre, soit à un nouvel allongement de la durée de remboursement, soit à une augmentation des cotisations, ce qui serait insupportable.
En fait, il existe deux dettes, l'une vis-à-vis de l'Etat et l'autre vis-à-vis des personnes auxquelles elle a emprunté. Actuellement, elle rembourse l'Etat et dit aux autres : nous disposons de 4,5 milliards de francs par an pour rembourser 209 milliards de francs, les remboursements iront au rythme où ils iront.
Je demande donc au Gouvernement de ne pas se servir en premier. Je propose que l'Etat commence par rembourser l'endettement contracté par ailleurs et se serve les cinq dernières années. Cela diminuerait les frais financiers tout en couvrant l'opération. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis trois ans, nous assistons à une dérive progressive des lois de financement de la sécurité sociale. Cette version pour 2001 vient malheureusement confirmer cette dégradation.
La fixation des évolutions de dépenses par le Parlement perd peu à peu toute signification. La loi de financement elle-même est instrumentalisée au service de politiques étrangères à son objet. Le rapport annexé, censé fixer les actions à venir, se réduit à un catalogue de voeux pieux.
Au total, les dépenses filent, mais les problèmes demeurent ; les recettes croissent, mais les manipulations continuent.
L'excédent attendu est insuffisant en raison du dérapage persistant des dépenses.
En effet, l'amélioration des comptes en 2000 doit tout à la croissance. Les comptes du régime général de la sécurité sociale devraient être excédentaires d'à peine plus de 3 milliards de francs.
Cet excédent, qui doit tout à la croissance, cache un dérapage persistant et structurel des dépenses d'assurance maladie, dont le déficit devrait dépasser les 6 milliards de francs en 2000. Leur progression, cette année, a été deux fois supérieure à l'objectif voté par le Parlement.
Le dérapage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie devrait dépasser 13 milliards de francs en 2000, après plus de 11 milliards en 1999 et près de 10 milliards en 1998.
Malgré ces dérives préoccupantes, le projet de loi programme d'importantes hausses de dépenses en 2001 et réduit l'excédent du régime général comme une peau de chagrin.
A quoi bon d'ailleurs voter un objectif national de dépenses d'assurance maladie ? Cet ONDAM a-t-il encore un sens ? Le Parlement était censé fixer l'objectif d'évolution des dépenses maladie. Or le Gouvernement calcule l'ONDAM non plus par rapport à l'objectif de l'année précédente mais par rapport aux dépenses effectives constatées. La fixation de cet objectif en loi de financement est donc purement factice.
Le Parlement est dépossédé de son rôle. Nous opposerons, comme le propose la commission des affaires sociales, un rejet solennel à l'ONDAM 2001.
Nous ne nous opposons pas aux hausses de dépenses en tant que telles ; nous constatons qu'elles ne résolvent pas les problèmes. Elles modèrent le mal sans le traiter : les professions de santé sont mécontentes, les hôpitaux connaissent des files d'attente et de fortes disparités régionales subsistent.
Nous pouvons d'ores et déjà prévoir que l'ONDAM sera à nouveau dépassé. Le dispositif de maîtrise des dépenses de santé que vous avez instauré n'y changera pas grand-chose. Votre système de sanction collective est injustifiable et inefficace. Si certains, dans une profession, se comportent moins vertueusement que d'autres, pourquoi sanctionner aussi ces derniers ?
Le dérapage de la dépense peut d'ailleurs être dû à d'autres facteurs, comme le vieillissement de la population ou les progrès thérapeutiques.
Le cas récent des masseurs-kinésithérapeutes est éclairant : ils n'ont aucune initiative en matière de dépenses, puisque leurs actes dépendent des prescriptions des médecins et de l'accord préalable de l'assurance maladie. Comment pourraient-ils accepter une baisse de leurs tarifs, alors que leur pouvoir d'achat n'a cessé de diminuer ces dernières années ? On comprend la vigueur de leurs protestations.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra l'amendement proposé par la commission des affaires sociales et visant à substituer au système des lettres clés flottantes un mécanisme alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales.
Tandis que le Gouvernement accroît les dépenses sans procéder aux réformes nécessaires, il détourne ou réduit les recettes de la sécurité sociale.
J'en viens aux recettes détournées et diminuées.
Le budget social est une nouvelle fois réquisitionné pour financer les 35 heures.
L'essentiel des ressources nouvelles affectées au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale - fonds qui a déjà été largement évoqué - est prélevé directement ou indirectement sur la branche famille et le fonds de solidarité vieillesse.
Là encore, le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra les amendements proposés par la commission des affaires sociales et rétablissant les excédents de la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse.
Le Gouvernement utilise également le budget social à des fins de politique fiscale.
L'instauration d'une réduction dégressive de la CSG est particulièrement injuste. Elle est nuisible au financement de la sécurité sociale et contraire à son esprit.
Dans un ménage où les deux conjoints sont payés au SMIC, on n'acquittera plus la CSG, mais dans un ménage où un seul des conjoints travaille en gagnant deux fois le SMIC, on la paiera complètement. Où est la justice ?
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Louis Boyer. Il est particulièrement inéquitable de faire bénéficier les contribuables d'allégements en fonction des seuls salaires et non de leurs capacités contributives ou de leurs charges familiales. Les arguments que vous venez de nous donner dans votre réponse ne m'ont pas convaincu car, dans un foyer, ce qui compte, c'est la somme qui entre et qui permet de faire vivre ses occupants. Avec cette mesure, vous allez créer des situations différentes dans des foyers semblables.
Par ailleurs, cela fragilise le financement de la sécurité sociale. Les 30 milliards de francs de pertes de recettes sont compensés par l'affectation des taxes sur les conventions d'assurances. Or cette ressource est beaucoup moins dynamique que ne l'est la CSG, assise sur l'ensemble des revenus. Si la compensation est à peu près assurée pour cette année, elle ne le sera pas pour l'année prochaine.
Enfin, cette réforme met fin au principe d'universalité de la CSG, qui répondait au caractère universel de la sécurité sociale et qui marquait l'appartenance de chaque citoyen à un grand système de solidarité.
La solidarité n'est pas mieux assurée pour les retraites.
Le Gouvernement abonde insuffisamment le fonds de réserve, qui bénéficiera en 2001 et en 2002 de moins de 20 milliards de francs par an, issus de la cession des licences de téléphonie mobile de troisième génération. On est loin des 1 000 milliards de francs nécessaires à la sauvegarde des retraites par répartition !
Ce fonds n'aura jamais la dimension suffisante pour faire face à l'arrivée massive de retraités après 2005. L'intervention du Premier ministre, le 21 mars dernier, a sonné le glas de la réforme des retraites.
Quant à la dépendance, le projet de loi que l'on nous promettait n'a toujours pas vu le jour.
Les insuffisances notoires de ce projet de loi, ses défauts comme ses lacunes, ont été relevées par les rapporteurs, à qui je tiens à rendre hommage pour le travail qu'ils ont déjà accompli. Le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra les amendements proposés par la commission des affaires sociales.
Nous allons bientôt entrer dans une longue période électorale, que nous savons peu propice aux réformes de fond. Il ne faut donc guère s'attendre, de la part du Gouvernement, à une inflexion du cours des choses. Nous sommes inquiets pour l'avenir de notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Madame le ministre, mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)