SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 28. - Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 2001 à 99,5 milliards de francs. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'article 28 du projet de loi de finances, nous abordons notre traditionnel débat sur les affaires européennes.
Je dirai d'abord quelques mots sur le contexte de ce débat, qui n'est pas vraiment enthousiasmant. La construction européenne semble en effet vivre l'une de ces périodes où elle reprend son souffle - je l'espère, en tout cas - et peut-être y sommes-nous un peu pour quelque chose. Mais j'aimerais être certain que c'est pour mieux repartir, parce qu'il n'y a jamais eu autant à faire, parce que l'on n'a jamais eu autant besoin de l'Europe.
La réforme institutionnelle bégaie, même si j'espère encore que Nice va pouvoir nous rassurer. Confirmez-nous, monsieur le ministre, que vous êtes confiant sur ce point et que vous vous êtes donné les moyens de réussir !
La monnaie s'érode, mais c'est sans doute faute d'un pouvoir, d'une cohésion et d'une volonté politiques. Là aussi, monsieur le ministre, dites-nous que nous allons réagir. Après tout, nous assurons toujours la présidence de l'Union européenne !
Sur trop d'autres grands dossiers, l'Europe désunie affiche divisions et impuissance.
L'harmonisation fiscale piétine, la sécurité alimentaire divise, l'environnement fâche, l'échec de la conférence de La Haye est navrant, et le spectacle d'une Europe hors d'état de s'unir pour s'exprimer fermement face à la puissante Amérique ne peut qu'engendrer l'amertume.
Les ministres européens, d'ailleurs, se rejettent mutuellement la responsabilité de l'échec de cette conférence, ce qui accroît notre inquiétude et le désarroi des Européens.
Tout cela n'est pas à la mesure des enjeux !
Je préfère, enfin, ne pas parler du tout de l'élargissement, sinon pour rappeler que nos partenaires de l'Union semblent avoir peut-être mieux que nous pris la mesure des défis à relever.
Monsieur le ministre, où est cette Europe proche des citoyens dont nous parlons dans tous nos discours ? Où est l'Europe solidaire et forte que la France, qui en assume actuellement la présidence, voulait - et veut toujours - promouvoir ?
J'espérais la voir apparaître à la lecture du projet de budget qui nous est présenté pour 2001. Mon optimisme naturel est malheureusement déçu.
Je rappelle que ce budget s'inscrit dans le cadre de la programmation financière adoptée à Berlin en mars 1999, laquelle présente tous les défauts des compromis ficelés pendant les « prolongations » pour conclure un débat qui a été un peu escamoté.
Ce budget s'inscrit aussi dans le cadre de l'accord inter-institutionnel de mai 1999, qui a débouché sur une crise majeure dès les premiers mois de son application. La procédure budgétaire européenne ne fonctionne pas !
Au plan national, nous pourrions tout de même essayer d'avoir un vrai débat, à condition de respecter quelques principes : lors du débat d'orientation budgétaire, nous devrions consacrer du temps à l'Europe, à condition, bien sûr, que le Gouvernement nous informe en temps utile des propositions de la Commission et nous fasse connaître ses propres intentions.
Cela dit, vous nous proposez aujourd'hui d'approuver le versement au budget européen de 99,5 milliards de francs, prélevés sur les recettes de notre budget pour 2001. C'est finalement assez peu : l'Europe nous coûtera à peine plus que les 35 heures. Mais cela représente tout de même le tiers de l'impôt sur le revenu !
Je précise d'emblée que nous devons examiner ce prélèvement alors que les exigences du Parlement européen, si elles devaient prévaloir, l'alourdiraient. Nous ne savons pas, toutefois, dans quelle mesure elles le feront.
Cette charge est également calculée sur des bases très incertaines. La parité euro-dollar, qui influence considérablement le poids des dépenses agricoles, et les effets des crises alimentaires que nous traversons nourrissent ces incertitudes.
Je rappelle que 10 % d'appréciation du dollar par rapport à l'euro représentent 450 millions d'euros d'économie. Je rappelle également que nous avons engagé plus de 3 milliards d'euros sur l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, et je crains que ce ne soit pas fini.
S'y ajoutent les inconnues sur la croissance européenne et sur l'exécution budgétaire qui, aux termes de mécanismes complexes, influent sur le niveau effectif de notre contribution. L'aléa n'est pas mince ! Je rappelle, pour l'illustrer, que nous avons approuvé l'an dernier une contribution de 98,5 milliards de francs qui a été finalement exécutée à hauteur de 94 milliards de francs, soit 5 % de moins.
Quoi qu'il en soit, il s'agit pour l'instant d'un prélèvement fixé, même s'il n'est qu'estimé, à 99,5 milliards de francs, ce qui représente un alourdissement considérable : 5,6 % par rapport à 2000. Et ce saut, déjà important, devrait l'être plus encore si la nouvelle décision sur les « ressources propres », adoptée au Conseil de Berlin, était déjà ratifiée.
Rappelons qu'il devra, en tout état de cause, s'appliquer de manière rétroactive.
Si le budget européen, sur lequel sont calculées les cotisations des Etats membres, était celui qu'adoptera le Parlement européen, alors ce prélèvement s'élèverait vraisemblablement à près de 102 milliards de francs, soit une progression de près de 8 %. Mais soyons honnêtes : il est vraisemblable qu'arrêté à 102 milliards de francs il ne devrait pas être exécuté à ce niveau.
En présentant cette analyse d'une manière volontairement complexe et floue, je veux simplement souligner les difficultés qui subsistent autour du calcul de ce prélèvement. Mais le budget ne peut pas se satisfaire de flou, et un flou de plusieurs milliards de francs ne peut pas passer inaperçu. Comparons-le, par exemple, à notre budget de l'environnement !
J'en profite pour regretter à nouveau qu'aucun progrès n'ait été réalisé en matière de recettes à Berlin. La correction britannique, qui était l'élément le plus discutable car le moins équitable du système, a même été, de fait et presque de droit, « consolidée ». Pis, la réforme de ce financement s'est inspirée directement de l'approche du « juste retour » que je n'arrête pas de dénoncer devant vous comme foncièrement anti-européenne. L'avons-nous assez dit ? Je n'en suis pas sûr, puisque le débat continue en servant les thèses des détracteurs de l'Union.
Me conformant maintenant à la nouvelle méthode préconisée par le président Lambert, j'en viens directement à mes questions, qui se rattachent à une double observation : les Européens ne peuvent se reconnaître dans un budget qui n'en est pas un, et les Français ne peuvent comprendre et adopter l'idée d'un prélèvement sur leur budget national qui ne sera certainement pas exécuté au niveau auquel il est voté.
L'Union ne nous propose donc pas encore un budget des Européens. Budgétairement, elle ne peut donc qu'être mal perçue par les citoyens des Etats membres.
Dans ces conditions, mes questions seront de trois ordres.
Tout d'abord, monsieur le ministre, le budget européen est loin d'être démocratique.
Que pensez-vous personnellement d'un budget dont les dépenses sont votées par le Parlement européen sans que celui-ci ait à porter la responsabilité de leur financement ? Que pensez-vous d'un budget dont les recettes sont votées par une autre autorité - les parlements nationaux - sans que ceux-ci aient le moindre droit de regard sur l'usage qui sera fait de leur contribution ? N'y a-t-il pas là matière à quelques rancoeurs européennes au sein de nos parlements nationaux, qui sont pourtant les mieux placés pour faire adhérer les citoyens des Etats membres à la construction européenne ?
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Tout à fait !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Un tel budget est-il démocratique ? Est-ce un budget pour une Europe des citoyens ?
Qu'envisagez-vous, monsieur le ministre, pour nous sortir de cette situation ? Nous vous avions suggéré d'inclure cette question dans le débat sur les institutions ; vous ne l'avez pas choisi, mais la présidence française n'est pas achevée, vous pouvez peut-être encore prendre une initiative, sinon parvenir à des conclusions, ne serait-ce que pour lancer une réflexion. Le ferez-vous, monsieur le ministre ?
Ensuite - et c'est une deuxième série de questions - le prélèvement que nous devons voter n'est pas sincère.
Que pensez-vous d'un prélèvement arrêté à 99,5 milliards de francs - c'est en tout cas le niveau auquel nous allons le voter - mais qui, en réalité, n'est pas arrêté du tout ? Il sera en effet réévalué lorsque la décision sur les nouvelles ressources propres de Berlin aura été ratifiée. Mais quand ? Quel sera son effet sur le budget pour 2001 ? Il sera aussi réévalué lorsque le budget du Conseil sera devenu le budget du Parlement européen : on a parlé de 3 milliards d'euros, ce qui représente pour nous une augmentation du prélèvement de l'ordre de 3 milliards de francs. Avez-vous des précisions à nous donner à ce sujet ?
Incidemment, monsieur le ministre, comment expliquer que le Conseil « budget » du 20 juillet, présidé par la France, soit allé au-devant de ce dérapage en incitant le Parlement européen à faire jouer ses facultés de mobilisation des marges des politiques internes ?
Enfin, j'en viens maintenant à ma troisième série de questions.
En l'état actuel de notre procédure, le prélèvement européen devrait pouvoir être consenti par les Etats membres comme l'impôt doit l'être, à l'échelon national et en bonne démocratie, par les citoyens. C'est en effet un autre principe démocratique que le consentement à l'impôt. Parlons donc du consentement au prélèvement pour les nations !
Monsieur le ministre, je pense que vous hésiteriez à présenter au Parlement français un budget préparé de manière aussi peu précise, où les plafonds tiennent généralement lieu de crédits, et exécuté dans des conditions aussi relâchées ; et vous auriez raison ! Eprouvez-vous quelque gêne à nous présenter ce prélèvement, ou êtes-vous complètement serein ?
Que pensez-vous, en effet, d'un budget qui prévoit 30 milliards de francs de nouveaux crédits d'engagement sur les politiques structurelles, alors qu'il subsiste 40 milliards de francs à liquider ? N'est-il pas temps de reconsidérer le principe de programmation en montants de dépenses qui est à la base des « perspectives budgétaires » européennes ? Cette situation est-elle encore tenable pour un budget nourri par des prélèvements sur des budgets nationaux, lesquels ne disposent pas de la moindre latitude ? Est-il satisfaisant que l'on se contente de dire, même si c'est vrai, que les dépenses agricoles pourront fluctuer dans de fortes proportions selon la parité entre le dollar et l'euro, et qu'elles pourront varier si la crise de la vache folle l'exige ?
Ces vérités doivent être traduites en inscriptions budgétaires, dès lors que l'on établit un budget et si l'on veut que celui-ci ne reste pas un simple discours.
Je pourrais aussi, bien sûr, parler des crédits destinés à financer l'élargissement de l'Union européenne ou à aider à la restructuration des Balkans. Un vrai budget, ce sont aussi des bases légales !
Je conclurai mon intervention en disant que, aujourd'hui, nous ne pouvons plus simplement crier « Gare ! ». Il faut prendre les mesures qui s'imposent tant qu'il est encore temps, car on ne poursuivra pas longtemps la construction de l'Union si de tels errements persistent. C'est parce je crois passionnément en la construction européenne que je demande que soit d'urgence lancée une réforme de fond de la procédure budgétaire européenne.
L'Europe a toujours progressé pragmatiquement. Aujourd'hui, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, elle ne peut plus se contenter d'ajustements au fil de l'eau. Je regrette à nouveau que la présidence française, qui a affiché sa volonté de réformer les institutions de l'Union, n'ait pas clairement posé ce problème clé pour l'avenir. Quand le sera-t-il, alors ?
Nous serons capables de poursuivre la construction de l'Union si nous définissons avec précision ses compétences - cela a été dit et je le répète - si nous dotons l'Union d'institutions lui permettant ensuite d'assumer celles-ci et si nous mettons à sa disposition une procédure budgétaire démocratique, sincère et contrôlable.
Certains appellent cela une Constitution. Je pense qu'ils ont raison, il n'y a plus qu'à aller dans cette voie.
C'est aussi parce que je crois passionnément en l'Europe que, malgré tous les défauts que je viens de dénoncer et sous réserve - je vis toujours d'espoir ! - que l'on s'emploie rapidement à les réduire, je vous demanderai, mes chers collègues, de voter l'article 28 du projet de loi de finances. C'est pour éviter aujourd'hui une crise européenne dont la France porterait la responsabilité que je le fais, mais c'est aussi pour éviter demain une crise autrement plus grave que je viens de dénoncer les défauts du système actuel. Il est en effet encore temps de les corriger, même s'il est déjà bien tard !
Monsieur le ministre, il vous faut demander que les réformes institutionnelles engagées concernent aussi le budget européen. Ce sera difficile, il y faudra une ferme volonté politique, mais c'est indispensable, et, comme pour l'élargissement, ce peut être une réelle occasion de revenir à l'essentiel et d'apporter des réponses solides aux vraies questions que se posent les Européens au regard de la construction européenne.
Monsieur le ministre, ces questions ne peuvent plus être éludées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous sommes appelés à autoriser la contribution de la France au budget des Communautés européennes. En dépit du caractère convenu de l'exercice, c'est un moment de notre vie parlementaire que je crois important.
Comme chaque année également, le budget communautaire, qui justifie le montant de la contribution française, est présenté en forte augmentation. Sa progression est même plus rapide que celle du budget national, qu'il est pourtant permis d'estimer déjà trop vive.
Certains se félicitent de ce décalage dans les rythmes de progression des deux budgets, considérant que c'est un effet logique des progrès constants de la construction européenne. D'autres, au contraire, le déplorent, estimant que c'est un signe de l'interventionnisme de la Commission européenne et des empiètements permanents de l'Union sur les compétences des Etats membres.
Pour ma part, je considère que l'existence même de ce débat, parfaitement légitime au demeurant, est surtout révélatrice de l'imbrication croissante de la construction communautaire et de la vie politique nationale, y compris, depuis le traité d'Amsterdam, dans des domaines qui relèvent traditionnellement de la compétence du pouvoir exécutif, comme la police ou la politique extérieure. Il faut toutefois reconnaître que, pour l'instant, ces nouveaux chantiers communautaires sont loin d'être ceux qui grèvent le plus lourdement le budget européen.
Avec un montant de presque cent milliards de francs, la contribution de la France devient tout à fait substantielle, et il faut se féliciter de ce que, en dépit de certaines interrogations bien compréhensibles, l'opinion publique française ne semble pas mettre en question le principe même de cette contribution. Encore faut-il s'assurer que le consentement des Français ne résulte pas d'une simple ignorance...
Tel est l'enjeu de notre débat d'aujourd'hui, et nous sommes pleinement dans notre rôle de parlementaires en cherchant à éclairer nos concitoyens sur l'usage que l'Union européenne fait des ressources qui lui sont apportées par la France.
En revanche, sur un plan non plus politique mais juridique, le Parlement français apparaît plutôt désarmé. Comme l'a relevé avec beaucoup de pertinence notre collègue Denis Badré, nous pourrions aujourd'hui refuser de voter l'article 28 du projet de loi de finances - rassurez-vous, monsieur le ministre, il ne s'agit que d'une hypothèse d'école - sans que cela autorise pour autant la France à se soustraire à son obligation de contribuer au financement du budget communautaire, car il s'agit pour elle d'un engagement international.
Cette situation n'est pas totalement satisfaisante. Sans compliquer encore la procédure budgétaire européenne, qui l'est déjà bien assez, nous pourrions quand même essayer de développer un dialogue plus direct avec les institutions communautaires.
Il nous faudra rapidement, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, formuler des propositions très concrètes visant à donner aux parlements nationaux toute leur place dans ce domaine. Cela nous permettrait de faire entendre notre point de vue à un moment où les choses ne sont pas encore décidées. M. Denis Badré le suggère dans l'introduction de son excellent rapport, et, en ce qui me concerne, je ne verrais que des avantages à ce qu'il puisse le faire sous sa double casquette de membre de la commission des finances et de membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. (M. le président de la commission des finances fait un signe d'assentiment.)
Au stade atteint aujourd'hui par la construction européenne, une association plus étroite des parlements nationaux au processus de décision communautaire apparaît désormais non seulement opportune, mais indispensable. Les modalités peuvent être discutées, mais non le principe. Bien sûr, l'objet d'une meilleure implication des parlements nationaux à Bruxelles doit être de dissiper les malentendus inutiles et de hâter la formation des consensus. Ne sommes-nous pas, nous les parlementaires nationaux, les relais nécessaires sur le terrain, les pédagogues de l'Europe ? Il ne s'agit certainement pas de compliquer le processus de décision communautaire, ni de créer des occasions de blocage supplémentaires.
Une telle évolution de l'équilibre institutionnel communautaire me semble particulièrement légitime en ce qui concerne les questions budgétaires. Ainsi que le souligne notre collègue Denis Badré dans son rapport, si le Parlement européen a compétence pour voter les dépenses du budget européen, ce sont les parlements nationaux qui ont compétence pour en voter les recettes.
Dans la discussion budgétaire à Bruxelles, qui s'étire du printemps à la fin de l'année, la distribution des rôles semble immuable : la Commission propose un avant-projet de budget d'un certain montant, que le Conseil trouve, bien sûr, trop élevé, tandis que le Parlement européen le juge, au contraire, trop modique. Peu importent les montants concernés et les raisons invoquées, qui varient à chaque fois. Mais, tous les ans, les trois branches de l'« autorité budgétaire communautaire » - selon l'expression consacrée - se positionnent respectivement de cette manière.
Heureusement, comme on ne trouve pas l'équivalent de l'article 40 de la Constitution française dans les textes de procédure budgétaire européens et comme les lignes directrices des perspectives financières s'imposent par ailleurs, il faut bien que tout le monde finisse par s'entendre !
Le nouvel accord inter-institutionnel n'a pas fait disparaître ces tensions inévitables, mais il permet quand même de mettre un peu d'huile dans les rouages, grâce à la nouvelle procédure informelle du « trilogue » entre les trois branches de l'autorité budgétaire communautaire.
Sur le fond, quels sont les principaux thèmes qui cristallisent le débat budgétaire européen cette année ?
Le débat est plus vif cette année que lors de la discussion du projet de budget pour 2000, car la Commission persiste dans sa volonté de réviser les perspectives financières et l'a manifesté, à la différence de l'an dernier, en déposant une proposition de révision en bonne et due forme. A mesure que nous allons progresser dans l'exercice des perspectives financières, qui s'étend de 2000 à 2006, cette pression va, bien sûr, s'accroître. En effet, les occasions de dépenses nouvelles ne peuvent qu'aller en se multipliant, l'adhésion de nouveaux Etats n'étant pas la moindre, sans que les occasions d'économies s'imposent d'elles-mêmes.
Pour cette année, je constate que le débat budgétaire européen se focalise sur trois points principaux.
Le premier point touche, bien sûr, à la politique agricole commune. Denis Badré, avec l'expertise qui lui est coutumière, a souligné les incertitudes qui affectent les prévisions dans ce domaine.
D'une part, la réforme de la PAC décidée au Conseil européen de Berlin, en mars 1999, est « calibrée » pour entraîner une hausse du montant total des dépenses agricoles les premières années, avant de permettre des économies sur le reste de la période. Mais le bon déroulement de cet enchaînement reste encore à prouver.
D'autre part, la propagation probable de la maladie de la « vache folle » dans un nombre de plus en plus grand d'Etats membres fait peser une hypothèque majeure sur le montant des crédits dévolus à la PAC. Cette crise pourrait en effet avoir un impact considérable sur les crédits d'intervention en faveur tant de la filière bovine que de la culture des oléagineux, appelés à se substituer aux farines animales.
Je m'en tiens à ces quelques considérations pour ce qui concerne le volet de la politique agricole commune.
Un deuxième point conflictuel est celui de la politique extérieure de l'Union européenne.
L'an dernier, le Parlement européen, avec le soutien de la Commission, voulait dégager davantage de crédits en faveur de la « reconstruction » des Balkans, notamment du Kosovo. Finalement, un accord à pu être trouvé en mobilisant ce que l'on appelle, dans le jargon, l'« instrument de flexibilité », qui est, en droit budgétaire européen, l'équivalent d'un chapitre « réservoir » en droit budgétaire national.
Cette année, de nouveau, la démocratisation inattendue de la Serbie motive une demande de crédits supplémentaires de la part de la Commission et du Parlement européen. Ce dernier refuse, par ailleurs, le rédéploiement des crédits au sein de la « rubrique 4 », relative aux interventions extérieures de l'Union, qui est proposé comme solution par le Conseil.
Sur le fond, la possibilité d'engager rapidement une action en faveur de la Serbie, au-delà de l'aide de première urgence, n'est pas si évidente. En effet, les problèmes pendants entre cet Etat, qui se prétend héritier de la Yougoslavie, et l'Union européenne ne seront pas réglés aussi facilement qu'on le dit.
De toute façon, à supposer que l'on décide quand même d'engager massivement des crédits en faveur de la Serbie, il est douteux que la « capacité d'absorption » de ce pays soit très importante. Alors que, déjà, ce n'était pas la république la plus développée de l'ancienne fédération yougoslave, son économie a été totalement ruinée par les dix années de guerre voulues par Milosevic.
En fait, ces demandes de crédits supplémentaires pour les Balkans semblent relever davantage d'une question de principe, de la part du Parlement européen et de la Commission, que d'une analyse réaliste des besoins de la région.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oui !
M. Hubert Haenel. Les Quinze ont pourtant clairement décidé, à Amsterdam, de traiter dans une optique intergouvernementale la politique extérieure commune de sécurité et de défense. Mais les deux autres branches de l'autorité budgétaire européenne semblent, par le biais de ces demandes de crédits supplémentaires, vouloir « faire du troisième pilier dans le cadre du deuxième pilier ». En effet, au titre du deuxième pilier, elles partagent le pouvoir de décision, que le Conseil exerce seul pour le troisième pilier.
Le troisième point de débat concerne les conséquences budgétaires du prochain élargissement de l'Union européenne.
Bien sûr, la question ne se pose pas dès cette année. Mais, à mesure que les négociations d'adhésion progressent, il devient possible de mieux évaluer les implications budgétaires probables de cette extension à l'Est de l'Union européenne.
Soyons clairs : si l'on considère les populations des pays candidats et leurs niveaux de vie par rapport à la moyenne communautaire, ce nouvel élargissement est un défi d'une tout autre ampleur que les précédents.
Lors de la dernière conférence des organes spécialisés des assemblées de la Communauté, la COSAC, en octobre, M. Hubert Védrine a tenu un langage de vérité en déclarant aux représentants des parlements des quinze Etats membres, mais surtout à ceux des parlements des douze pays candidats, réunis à Versailles, qu'il n'y aurait de retards, dans le calendrier des adhésions, qu'eu égard aux promesses démagogiques.
Ce langage ferme n'est légitime que si l'Union européenne assume pleinement ses responsabilités, en apportant aux pays candidats le soutien financier nécessaire au travers des fonds de préadhésion puis, après leur entrée dans l'Union, au travers des fonds structurels. Or, sur ce point, les perspectives financières semblent avoir été calculées de manière un peu optimiste. Je ne peux pas exclure qu'il soit nécessaire de les réviser avant la fin de la période 2000-2006 pour consentir un effort de solidarité supplémentaire en faveur des pays candidats.
Encore faut-il se donner la peine d'expliquer aux citoyens des Etats membres actuels de l'Union européenne - les Français, pour nous - en quoi il est justifié, d'un point de vue non seulement économique, mais aussi culturel, politique, historique, et j'allais presque dire moral, d'accueillir parmi nous les pays d'Europe centrale et orientale. A défaut de cet effort d'explication, nous nous exposons au risque d'une révolte des contribuables européens, lorsqu'il sera devenu opportun de faire appel à plus de solidarité budgétaire au sein de l'Union. En notre qualité de parlementaires, je crois que nous devons y songer dès à présent.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce sera l'honneur de l'Union européenne de faire face aux conséquences budgétaires de l'élargissement à l'Est. Mais, pour y parvenir, il me paraît essentiel que l'autorité budgétaire communautaire parvienne à maîtriser le rythme de progression des dépenses. Cet objectif suppose qu'elle cesse d'empiler les dépenses nouvelles et d'accumuler les restes à liquider, pour faire enfin de vrais choix politiques. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 27 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour 35 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 28, que nous examinons aujourd'hui, détermine la quote-part de la France pour sa participation à l'Union européenne, qui est évaluée à un peu moins de 100 milliards de francs en 2001.
La part française dans le financement du budget communautaire représentera ainsi 17 % ; par comparaison, ce pourcentage est de 25 % pour l'Allemagne, de 14 % pour le Royaume-Uni et de 13 % pour l'Italie. La contribution nette française, chiffrée à 13 milliards de francs en 1999 en tenant compte des retours de crédits, doit être considérée comme satisfaisante au regard de l'ambition et du rôle historique de notre pays dans la construction européenne depuis ses origines.
Le budget pour 2001 de l'Union européenne est le deuxième de l'Agenda 2000, décidé à Berlin en 1999 par le Conseil européen pour la période 2000-2006. Et bien que les dépenses augmentent plus que l'inflation, le plafond des ressources fixé à 1,27 % du produit national brut communautaire est largement respecté.
Ce budget, essentiellement redistributif, peut apparaître décevant face aux grandes ambitions affichées à l'issue de chacun des sommets européens. Ainsi, la politique agricole commune se taille toujours la part du lion, avec 43 milliards d'euros de dépenses sur un budget global de 94 milliards d'euros ; il en est de même pour les actions structurelles, qui représenteront 31 milliards d'euros, les politiques internes et externes se chiffrant à un niveau beaucoup plus modeste de 11 milliards d'euros.
On peut regretter que les politiques internes ne comportent aucune innovation. Ainsi, l'augmentation de 8,9 % des crédits de recherche en 2001 ne suffira pas à combler le décalage de l'Union européenne avec les Etats-Unis et le Japon en matière de recherche, d'innovation et de technologies de pointe. Par ailleurs, les politiques de l'emploi, les politiques sociales, culturelles et de l'environnement ne bénéficient toujours pas de crédits à la hauteur des attentes des citoyens de l'Union.
Parmi les orientations positives, l'augmentation de 10,9 % des aides à la préadhésion est de bon augure pour préparer un élargissement délicat de quinze à vingt ou vingt-cinq pays, sans préjuger de la question épineuse de la réforme institutionnelle qui, on l'espère, trouvera une issue favorable au sommet de Nice, sous la présidence française.
En matière d'interventions extérieures, il faut se réjouir du soutien de l'Union européenne à la stabilité et au développement des pays des Balkans. En particulier, l'engagement immédiat d'aides en faveur de la Serbie, dès l'élection présidentielle qui a permis sa démocratisation, contribue à renforcer le rôle de l'Union pour la paix dans l'ex-Yougoslavie, en Europe et dans le monde.
La mise en oeuvre progressive et irréversible d'une politique de défense et de sécurité commune en Europe, autour du partenariat franco-anglais né à Saint-Malo, semble rencontrer une adhésion au-delà des limites mêmes de l'Union. Tout récemment, quinze pays tiers européens - dont la Turquie, la Norvège, la Hongrie, la République tchèque, la Pologne et l'Islande, ainsi que des pays candidats - ont proposé d'apporter des contributions supplémentaires, représentant plusieurs milliers d'hommes qui s'ajouteraient aux 60 000 hommes composant la force de réaction rapide. Cette participation élargie renforcera la puissance de l'Europe vis-à-vis des autres puissances mondiales.
Car l'Europe a, en ce début du xxie siècle, de sérieux défis à relever : elle doit réussir la consolidation de l'euro, sa réforme institutionnelle et son élargissement. Les embûches sont nombreuses, et il faudra une volonté politique sans faille des chefs d'Etat et de gouvernement pour franchir ces étapes, qui feront changer d'échelle l'Union européenne.
Considérée à ses débuts comme une utopie, l'Europe a franchi avec succès les différentes étapes du marché commun, de la monnaie unique et de l'intégration de nombreux domaines vitaux pour les nations qu'elle représente. C'est que l'Europe possède une profonde identité, qui n'est pas née à Maastricht, qui correspond à une communauté de culture multimillénaire, fondement, d'ailleurs, de l'accord sur la charte européenne des droits fondamentaux.
Pour toutes ces raisons, je soutiendrai, malgré ses imperfections, le budget pour 2001 de l'Union européenne et approuverai l'article 28, fixant les crédits de la participation française. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote de la participation de la France au budget des Communautés européennes est un exercice formel, presque rituel.
Nous ne pouvons pas nous prononcer directement sur le budget de l'Europe pour 2001, mais uniquement sur la contribution française.
L'exercice est d'autant plus limité que nous débattons aujourd'hui sur la base d'un projet de budget européen qui est déjà périmé, puisqu'il ne prend pas en compte le compromis intervenu vendredi dernier entre le Conseil, la Commission et le Parlement de Strasbourg.
Mes chers collègues, ce constat est, lui aussi, rituel. Chaque année, les parlementaires français demandent à être mieux associés au processus de décision européenne. Monsieur le ministre, le temps est venu de trouver une solution.
Les sommes en jeu sont en effet considérables : le prélèvement sur recettes atteindra près de 100 milliards de francs en 2001.
Les enjeux européens sont surtout devenus majeurs pour notre pays, qu'il s'agisse de la croissance, de l'emploi, de l'euro, de la concurrence, de l'éducation, de la sécurité alimentaire ou de l'environnement.
Le groupe des Républicains et Indépendants souhaite mettre l'accent sur trois priorités : la défense, la justice et la fiscalité.
En matière de défense européenne, la France doit persévérer dans sa volonté de mettre rapidement en place des instruments opérationnels en termes de logistique, de commandement et de renseignement. Nous avons récemment eu un débat au Sénat sur ce sujet, et mon collègue Michel Pelchat s'est exprimé au nom de notre groupe.
Nos concitoyens jugeront l'Europe de la défense dans sa capacité à prévenir et à gérer concrètement les crises, notamment dans les Balkans. A ce sujet, je souhaite connaître le montant des crédits européens finalement affectés au plan de stabilité dans cette région. Il semble que des décisions aient été prises sur ce point, vendredi dernier.
Notre groupe considère également la mise en place d'un espace judiciaire européen comme une priorité. Son avenir se joue notamment dans la lutte quotidienne contre la criminalité organisée et le blanchiment d'argent. Il semble qu'une avancée importante ait été obtenue lundi. Là encore, je souhaite que M. le ministre nous apporte des précisions.
La troisième priorité est la fiscalité. L'accord sur la taxation des revenus de l'épargne ne doit pas dissimuler la compétition fiscale que se livrent les Etats membres. Certains pays ont récemment entrepris une profonde réforme de leur fiscalité. L'Allemagne a, en particulier, adopté un plan de baisse des impôts qui prévoit de ramener le taux de l'impôt sur les sociétés à 25 % dès 2001.
Nous en avons parlé lors de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances ; notre pays prend du retard. Le décalage fiscal entre la France et ses principaux partenaires risque d'avoir de très lourdes conséquences économiques et sociales.
Cela m'amène à formuler une remarque plus générale. Nous soulignons l'opacité, les gaspillages et les lacunes du budget des Communautés européennes. Mais sommes-nous les mieux placés pour critiquer ? La France peut-elle faire la leçon aux autres alors qu'elle ne respecte pas ses propres engagements ?
L'OCDE et la Commission européenne ont récemment rappelé notre pays à l'ordre. Notre déficit budgétaire est à peine réduit, quand il n'augmente pas ! Les prélèvements obligatoires ont atteint un record historique. La charge de la dette repart à la hausse. Les dépenses publiques continuent de déraper, malgré les assurances données à Bruxelles dans le cadre du pacte de stabilité. Enfin, la transparence n'est toujours pas de mise, comme l'a démontré un récent rapport de la commission des finances du Sénat.
Je peux également citer l'exemple de l'Union de l'Europe occidentale. En tant que membre de l'assemblée parlementaire de cette institution, je viens d'être informé que la France est une fois de plus en retard pour le versement de ses contributions au budget de cette institution. Vous conviendrez, monsieur le ministre, que cela fait mauvais effet : la France apparaît comme un mauvais élève qui prétend donner des leçons.
Mes chers collègues, je conclurai mon intervention par une interrogation.
L'Europe est à la veille d'une réforme institutionnelle et d'un élargissement qui ne manqueront pas d'avoir des conséquences budgétaires. Or, tout se passe comme si cela ne devait avoir qu'un effet limité sur les finances de l'Union. C'est l'impression que donnent la programmation budgétaire pour 2000-2006 et le budget pour 2001, même si des crédits sont prévus pour la préadhésion.
Je crains que le processus d'élargissement n'implique des aides considérables de la part des actuels Etats membres. Certains préfèrent peut-être ne pas en parler, de peur de renforcer le camp des eurosceptiques. Je suis, pour ma part, un partisan convaincu de la construction européenne mais, comme dans d'autres domaines, je préfère avancer les yeux ouverts, en parfaite connaissance de cause. L'Europe ne se construira pas en se voilant la face.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous disiez à combien vous estimez l'augmentation de la contribution française dans les prochaines années. Certains parlent de 15 % à 20 % d'ici à cinq ans. Votre réponse éclairera la représentation nationale et lui permettra d'anticiper ses choix futurs.
Au-delà de cette interrogation, et des remarques que je viens de faire, je tiens à souligner que le groupe des Républicains et Indépendants votera l'article 28 pour marquer son attachement à une construction européenne qu'il souhaite volontaire, mais aussi lucide. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin de présidence française de l'Union, l'examen de la participation de notre pays au budget communautaire revêt une importance sans doute plus grande que les années précédentes. Quelles inflexions la France aura-t-elle été capable d'imprimer au budget de l'Europe pour 2001 ? La contribution française, la deuxième après celle de l'Allemagne, permet-elle de peser réellement sur les choix budgétaires de l'Union ?
Le Parlement est délibérément ignoré, puisque le débat sur l'article 28 du projet de loi de finances pour 2001 est quasiment devenu inutile, et ce pour deux raisons : la mauvaise harmonisation entre les calendriers budgétaires français et communautaire et l'adoption d'un plan pluriannuel bloquant toute initiative déterminante. Quelle marge de manoeuvre budgétaire reste-t-il et pour quel nouveau projet ? Notre pays semble peser davantage sur les questions extérieures, ce qui est positif.
Je tiens à insister sur le calendrier et la procédure d'examen de la contribution française au budget communautaire.
Nous déplorons, une fois de plus, que le Parlement français soit saisi bien après les institutions communautaires, alors que, rappelons-le, le budget de l'Union est constitué par les contributions des Etats membres et non par de véritables recettes propres. Le débat d'aujourd'hui est donc purement formel et totalement surréaliste. Il montre le peu de considération dans laquelle est tenu le Parlement. Nous sommes invités à examiner la contribution française, alors que la procédure budgétaire communautaire est achevée, le Parlement européen ayant voté le budget, en deuxième lecture, le 23 novembre !
Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas profité de la présidence de l'Union pour que les Français, par l'intermédiaire de leurs représentants, puissent voir appliqué l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur le contrôle de la contribution publique ? La part française, qui est en progression, intéresse pourtant fortement nos concitoyens. Elle s'élève en effet à près de 100 milliards de francs, soit cinq fois le budget du ministère des affaires étrangères ou trois fois et demie celui du ministère de l'agriculture !
La France est-elle isolée ou bien les autres parlements de l'Union subissent-ils également ce camouflet budgétaire ?
Le Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mars 1999 avait arrêté la programmation pluriannuelle des dépenses communautaires pour 2000-2006. Structurellement, les marges de manoeuvre budgétaire sont donc réduites et le risque d'une approche simplement gestionnaire est élevé, alors que l'approche devrait être, bien sûr, aussi politique. Pour autant, cette gestion n'est pas irréprochable. Je rappelle à cet égard que, en 1999, 5 milliards d'euros ont été perdus en irrégularités, négligences et mauvais fonctionnements divers.
Si le budget, je le répète, est le reflet de choix politiques, l'innovation, on doit le regretter, n'est possible qu'à la marge, au sein des perspectives financières fixées. Le souffle manque au sein de l'Union, la stratégie du renforcement n'est pas lisible, l'ambition est absente. « L'Europe s'ennuie », monsieur le ministre, et nos concitoyens le ressentent.
L'Union n'entreprend-elle son approfondissement qu'en regardant à l'extérieur, lorsqu'il s'agit de mettre en place une défense commune, d'accompagner les pays candidats à l'adhésion et même de faciliter le retour à la normale dans les Balkans ? Ces trois dossiers sont, bien entendu, tout à fait importants.
La question des Balkans a connu une étape décisive avec la décision du Chef de l'Etat français de prévoir un sommet Union européenne - Balkans sous présidence française. Lors de ce sommet de Zagreb, qui s'est tenu le 24 novembre, et grâce à l'appui constant de notre pays, les Etats des Balkans se sont vu accorder, sur des crédits communautaires, 4,65 milliards d'euros pour la période 2000-2006.
Ce sommet a été une bouffée d'oxygène, car il nous a rappelé les fondements de la construction européenne : consolider la paix et la démocratie avec pragmatisme, par le développement des échanges économiques.
Avec cet appui budgétaire, conditionné, bien évidemment, l'intérêt de l'Union se manifeste concrètement. Plus encore, ces pays peuvent espérer une adhésion dans un futur prévisible. Le continent européen se retrouve en famille, et c'est à mettre à l'actif de notre pays.
Mais, au-delà de cette initiative financée par le budget des politiques extérieures de l'Union, notre pays a bien du mal à peser sur le budget communautaire, malgré la part de sa contribution, qui est proche de 17 %.
Enfin, à l'occasion du débat sur la contribution de la France, il me paraît essentiel que la rigueur budgétaire demandée à l'Union s'applique à notre pays.
Je ne fais pas référence au désendettement de l'Etat, qui aurait été un choix plus judicieux que le saupoudrage préélectoral, mais aux sanctions financières que la France risque de subir pour sa mauvaise application du droit communautaire dérivé. Agissez en sorte que notre pays ne soit pas l'objet de sanctions financières, hélas ! méritées, monsieur le ministre.
Aussi, pour le bien-être de nos finances publiques et l'image de notre pays, avec le groupe du RDSE et le soutien du président de la délégation, j'ai déposé une proposition de loi constitutionnelle qui permettrait à la France de transposer les directives en respectant enfin les délais impartis. Monsieur le ministre, vous êtes informé. Soutiendrez-vous cette initiative ?
Je serai, bien sûr, très attentif à vos réponses, espérant que vous saurez également nous rassurer sur l'état des relations franco-allemandes, qui sont essentielles au bon fonctionnement et au développement de l'Union, alors que la presse insiste sur l'insuffisante préparation des réunions par la présidence, l'agacement réciproque, fondé notamment sur la question des déchets nucléaires allemands - M. le ministre des affaires étrangères m'avait assuré il y a deux ans qu'elle serait résolue au sein d'un groupe de travail bilatéral - et la volonté allemande d'un décrochage symbolique du nombre de voix au Conseil.
Malgré les fortes réserves qu'ils expriment sur les conditions d'examen de l'article 28, soucieux que la France garde son rang au sein de l'Union, l'ensemble des membres du groupe du Rassemblement démocratique social et européen, qui sont des Européens convaincus, voteront la contribution française au budget communautaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation nette de la France au budget des Communautés européennes sera de près de 100 milliards de francs. Je dis « sera », car, cette année encore, les parlementaires représentant les peuples seront appelés à voter un budget européen prédéterminé, ce qui ne leur laisse aucune marge de manoeuvre.
Nous ne pouvons que déplorer ce manque de concertation. Il s'agit pourtant de s'exprimer sur un prélèvement qui représente aujourd'hui le sixième poste budgétaire de la nation, soit plus de 6 % des recettes fiscales nettes. L'augmentation de la participation de la France au budget européen, une fois de plus, dépasse celle des autres dépenses, ce qui justifierait également un débat parlementaire.
En outre, la participation de notre pays devra augmenter considérablement pour financer l'élargissement vers l'Est, et elle devrait atteindre très rapidement 120 milliards de francs.
Le vote que le Sénat s'apprête à émettre, d'une manière trop formelle, ne nous permettra pas de nous engager dans un véritable débat de fond. Cela nous paraît préjudiciable à la construction d'une Europe élargie transparente, démocratique et plus proche des citoyens.
Cette discussion sur la participation au budget européen, au terme de la présidence française de l'Union et après le sommet de Biarritz, ne dénote-t-elle pas un amoindrissement des aspirations légitimes de nos concitoyens à vivre une Europe qui les respecte et qui les valorise ?
Les parlements nationaux doivent être impliqués dans la discussion du budget de l'Union européenne. J'affirme, comme l'an dernier, que nous sommes favorables à une consultation des parlementaires français et à un débat d'orientation budgétaire permettant de mandater le Gouvernement pour négocier avec ses partenaires. Le budget ne peut rester sous la seule responsabilité de la Commission de Bruxelles.
Le projet de loi de finances pour 2001 montre que la contribution de la France a augmenté de 77 % depuis 1990. Cette contribution permet de financer les réformes nécessaires, comme celle de la politique agricole commune, ainsi que les actions extérieures. C'est le cas pour le vote des crédits en faveur des Balkans et des dépenses de préadhésion, qui témoignent de la priorité qu'accorde le Conseil au processus d'élargissement.
En fait, l'attention a été effectivement portée cette année sur le volet agricole et sur l'élargissement, face aux deux autres masses du budget communautaire, c'est-à-dire la politique de cohésion et les politiques internes.
Ces évolutions déséquilibrées ne peuvent-elles pas porter atteinte aux priorités annoncées par la Commission, à savoir, notamment, un soutien au développement rural, la création d'une société de connaissance et l'amélioration des conditions de vie des citoyens européens ?
Concernant le volet agricole et, plus encore depuis la crise qui secoue le secteur bovin, malgré les fortes augmentations des dépenses, aujourd'hui de près de 7,6 %, la vigilance alimentaire n'a pas été suffisante dans l'Europe entière.
S'il y a hausse du budget, force est de constater qu'à l'évidence les réformes de la politique agricole commune ne servent pas l'ensemble du monde agricole, et encore moins les petits exploitants.
Quand 80 % des aides profitent à seulement 20 % des exploitants, la modulation des aides directes aux agriculteurs semble n'être, en réalité, qu'une injustice de plus.
Quant à la poursuite de la baisse des prix, de 30 % sur trois ans pour la viande bovine, de 20 % sur deux ans pour les céréales et de 15 % sur trois ans pour le lait, elle pénalise avant tout les très petits agriculteurs, ceux qui ne disposent ni de la surface agricole ni de la surface financière pour faire face.
Ne nous leurrons pas, la politique agricole commune ne pourra prétendre à un développement important que si nous révisons les relations de l'Europe avec les Etats-Unis afin de faire cesser les nombreuses concessions que nous faisons.
L'autre volet qui enregistre une progression dans le budget européen, c'est la politique d'élargissement, que nous soutenons.
Après le Conseil européen de Berlin de mars 1999, le cadre des perspectives financières n'avait pas pris en compte les événements géopolitiques, notamment dans les Balkans, et leurs implications possibles sur le budget communautaire. L'ampleur du programme d'assistance pour les Balkans, par exemple, rend inévitable la révision des perspectives financières pour favoriser et construire une Europe ouverte et solidaire.
En mai dernier, la Commission avait proposé de financer en partie l'aide à la reconstruction du Kosovo en abaissant le plafond des dépenses consacrées aux marchés agricoles. Ce procédé de redéploiement ne sera finalement pas retenu, mais il dénote une réelle discordance entre les objectifs de la Communauté européenne en matière de processus d'élargissement et les moyens mis en oeuvre.
Cela pose le problème de la réévaluation des dépenses d'élargissement pour prendre en compte les aspirations légitimes des peuples qui souhaitent adhérer à l'Union. Proposer une Europe vivant au rythme du marché unique, de la monnaie unique et des droits a minima pourrait entraîner de graves désillusions, à la mesure des espoirs.
Si le Conseil européen veut réellement réaffirmer sa détermination à maintenir la dynamique du processus d'adhésion, comme le projet de loi de finances pour 2001 l'indique, il faudra qu'il s'interroge sur les décalages constatés entre, d'une part, sa volonté de contribuer au développement durable et de renforcer les démocraties émergentes et, d'autre part, la baisse des crédits du fonds de cohésion accordés pour 2001. Il nous faut rappeler que les actions structurelles sont destinées, par principe, à aider les régions européennes les plus défavorisées.
Il est clair que la répartition du budget communautaire, tel qu'on nous l'impose, ne peut nous satisfaire. On ne pourra pas tout à la fois envisager un élargissement à fonds constants, maintenir les aides aux nations pour assurer la transition des régions rurales ou les reconversions industrielles, aider les nouveaux adhérents à l'Union dans leur intégration et atteindre l'objectif de cohésion sociale et économique, surtout quand la lutte contre le chômage, qui touche plus de 18 millions d'Européens, n'est pas considérée comme une priorité incontournable.
De même, on ne peut que regretter la réduction des crédits pour l'aide alimentaire et l'aide humanitaire et des crédits affectés à la coopération avec les pays en développement d'Asie, d'Afrique et du Proche-Orient.
En effet, la politique de coopération de l'Union européenne semble élargir le fossé entre le Nord et le Sud, et plus encore depuis les accords qui généralisent des zones de libre-échange.
D'ailleurs, le dernier sommet euro-Méditerranée de Marseille nous paraît bien timide dans sa volonté de partenariats mutuellement avantageux avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.
Quant à nous, nous nous engageons en faveur d'une région Méditerranée démocratique, sociale et solidaire, fondée sur une véritable logique de coopération et permettant d'harmoniser vers le haut les conditions de vie et de travail de tous les peuples de la région.
Comment ne pas rester perplexe devant ces 60 milliards de francs budgétisés au Fonds européen de développement qui n'ont pas encore été redistribués ? La vérité est que, face à la complexité et à la lourdeur des procédures pour obtenir des fonds européens, des milliards de francs restent non consommés, ce qui se traduit par des excédents budgétaires. Ne serait-il pas temps de mener une réflexion de fond sur l'efficacité des dépenses de la politique communautaire ?
N'oublions pas de mentionner le problème des fraudes qui ne cessent d'être régulièrement constatées par la Cour européenne des comptes ! On parle de 20 % des recettes et de 1 % du PNB communautaire. Ce chiffre nous renvoie à la question fondamentale du contrôle permanent de l'utilisation et de la gestion des fonds publics, tant à l'échelon national qu'à l'échelon communautaire.
Concernant les nouvelles ressources nécessaires, il faut signaler que l'Assemblée parlementaire paritaire des pays ACP - d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique - ainsi que de nombreux parlementaires de l'Union européenne ont demandé aux principaux pays industrialisés d'instaurer une taxe sur les transferts de capitaux afin de financer l'aide au développement. L'adoption de la taxe Tobin permettrait, entre autres, de limiter les pratiques spéculatives et d'apporter des moyens supplémentaires pour la réalisation de projets communautaires.
L'Union européenne à laquelle aspirent les peuples de l'Europe doit servir l'emploi, la croissance et le développement, au lieu de favoriser le productivisme agricole, les restructurations brutales des secteurs industriels ou le marché unique !
Enfin, il est décevant de constater que la charte des droits fondamentaux a été conçue au point d'entraîner des distorsions avec la convention européenne des droits de l'homme et les législations nationales. Pour les droits sociaux, le droit des femmes, des étrangers non communautaires, nous sommes bien loin de compte !
Vous l'avez bien compris, loin d'être opposés à l'accroissement des moyens financiers pour l'Europe, nous désapprouvons, au-delà d'une gestion opaque et d'une répartition inégale, le fait que ce budget soit d'abord un instrument laissé aux marchés financiers.
Ne pouvant cautionner un tel budget, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra. C'est le seul moyen, pour nous, d'être cohérents avec les idées que nous défendons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les budgets communautaires de ces deux dernières années pouvaient être qualifiés de budgets de transition entre deux programmations financières. Cette année, nous sommes clairement entrés dans les perspectives financières 2000-2006.
L'enjeu de ce débat qui nous réunit aujourd'hui repose, me semble-t-il, sur le postulat selon lequel le projet de budget pour 2001 devrait désormais être apte à concrétiser les ambitions que les Etats membres ont investies dans la nouvelle programmation budgétaire, et les prochains exercices devraient être logiquement, dans leurs grandes lignes, à son image. Il nous revient d'évaluer si ce projet de budget traduit convenablement les objectifs que les Etats membres se sont fixés.
Je ne m'attarderai pas sur l'évaluation de la contribution française au budget européen. Les jeux sont déjà faits sur son montant, mais, surtout, la progression de la part française dans le budget, ainsi que la stabilité des « retours » pour la France ne nécessitent pas de remarques particulières tant elles ressembleraient à celles de l'année dernière.
Je souhaiterais essentiellement faire quelques remarques sur les caractéristiques qui me paraissent être la marque propre du budget européen pour l'année 2001.
Ce budget est toujours caractérisé par la maîtrise de la progression des dépenses à laquelle les Quinze se sont astreints.
Au terme de la seconde lecture du budget par le Conseil, l'exercice 2001 a été établi au niveau de 95,83 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 91,71 milliards d'euros en crédits de paiement, soit respectivement une augmentation de 2,7 % et de 2,5 % par rapport à l'année 2000, sachant que, pour les crédits de paiement, le Conseil et le Parlement européen ont convenu que ce dernier pourra prévoir une augmentation de 3,5 %, soit un point supplémentaire.
Félicitons-nous que la proposition de la Commission européenne de réviser les perspectives financières pour 2000-2006 ait été repoussée par le Conseil.
Néanmoins, remarquons que des sous-exécutions chroniques survivent à chaque budget, en particulier en ce qui concerne les fonds structurels et les actions extérieures de l'Union européenne.
Sous la rubrique 4 du budget, il semble que le Conseil ait souhaité, lors de la deuxième lecture, atténuer l'effet des sous-exécutions sur le moyen terme des crédits alloués au partenariat euro-méditerranéen en supprimant la réserve de performance.
Néanmoins, dans le cadre du programme MEDA II, 12,75 milliards d'euros seront affectés par l'Union européenne à la Méditerranée pour les sept ans à venir. Pour cette année, le Conseil a retenu un montant de 701 millions d'euros.
Nous espérons, toutefois, que l'attribution de l'aide sera, à l'avenir, plus efficace et plus rapide.
Réjouissons-nous que la nouvelle doctrine de la gestion de l'action extérieure traduise clairement la volonté des Etats membres de se donner les moyens de rendre l'aide européenne au développement plus efficace et plus cohérente et d'assurer une plus grande visibilité des efforts entrepris par la Communauté et par les Etats membres dans ce domaine.
Cette réforme devrait contribuer à mettre l'accent sur l'aspect qualitatif de la gestion des projets, à optimiser l'impact de l'aide, à la rendre plus visible et à réduire de manière notable le délai de mise en oeuvre des projets. Faut-il rappeler que ce délai n'a cessé de croître de deux à huit ans selon les régions du monde concernées ? Le volume des crédits engagés mais non décaissés atteignait, à la fin de 1999, près de 20 milliards d'euros.
Les procédures devraient, je l'espère, connaître une accélération grâce à la création de l'office de gestion des projets d'aide, dénommé « Europe-Aid », chargé d'assurer la mise en oeuvre des projets individuels dès janvier 2001, les comités de gestion recentrant, quant à eux, leur action sur les aspects stratégiques de la coopération.
En outre, la maîtrise stricte des dépenses a aussi pour conséquence d'engendrer un projet de budget atone, dont les maîtres mots sont stabilisation et redistribution.
S'agissant des politiques structurelles, on assiste à une reconduction pure et simple des crédits de paiement de 2000.
En ce qui concerne la rubrique 3, la plupart des politiques internes sont reconduites. On retrouve cependant les priorités définies lors du Conseil européen de Lisbonne : Europe de l'innovation, Europe de la connaissance, Europe de la culture, développement de la société de l'information, aide aux entreprises innovantes. A ces priorités sont étroitement liées celles du développement des réseaux transeuropéens, qui doivent contribuer à une plus grande mobilité et à une meilleure communication à tous les niveaux, ainsi que celles de la recherche et du développement technologique, qui participent directement à une plus grande compétitivité de l'Union européenne.
Des efforts notables ont toutefois été entrepris pour essayer d'éviter le saupoudrage, en particulier dans le sens d'une rationalisation des crédits, en donnant la priorité à des projets de taille plus importante et dont l'envergure prend une dimension nettement plus transnationale. En d'autres termes, les crédits sont plus clairement évalués à l'aune de la valeur ajoutée communautaire.
La question de savoir comment mettre en adéquation budget et priorités politiques est encore et toujours d'actualité ; il s'agit d'assurer, en termes budgétaires, la traduction des priorités politiques que s'est données l'Union européenne.
La préparation de l'élargissement est exemplaire, puisque les crédits de paiement en faveur de la préadhésion augmentent de 10,9 % tout en restant dans le cadre des contraintes budgétaires.
Le Conseil « culture » a permis de dégager un accord sur le programme « Média Plus » pour la période 2001-2006, avec un budget de 400 millions d'euros, comme l'avait proposé la Commission, 350 millions d'euros étant affectés au développement et 50 millions d'euros à la formation. Ce programme devrait, pour cette période, privilégier l'amélioration de la compétitivité du secteur audiovisuel européen en Europe et dans le monde, mais aussi promouvoir la diffusion de nouveaux types de contenus audiovisuels grâce aux nouvelles technologies.
A ce sujet, nous approuvons tout à fait la nouvelle résolution du dernier Conseil « culture » relative aux aides nationales au cinéma et à l'audiovisuel, qui rappelle la position prise par le Conseil « affaires générales » du 26 octobre 1999, à savoir : « L'Union veillera dans les négociations OMC à garantir la possibilité pour la Communauté européenne et ses Etats membres de préserver et de développer leur capacité à définir et mettre en oeuvre leurs politiques culturelles et audiovisuelles pour la préservation de leur diversité culturelle ».
Rappelons notre opposition à l'extension de la majorité qualifiée à la politique commerciale commune dans les domaines de la culture et de l'audiovisuel, afin de défendre et de préserver la diversité culturelle dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
Le fait marquant de ce budget 2001 est bien la priorité donnée à l'aide aux Balkans. Traduisant la volonté d'un engagement fort des Etats membres, le Conseil, en deuxième lecture, a proposé une enveloppe globale de 839 millions d'euros, 240 millions d'euros étant attribués à la Serbie.
Au demeurant, je m'interroge sur la pérennité du financement d'objectifs essentiels de l'Union européenne, au titre desquels figure en premier lieu la lutte pour l'emploi. Quel est le niveau d'ambition pour l'initiative « emploi » en termes budgétaires, et cela, surtout, en l'absence de prise en compte de l'ensemble des dimensions de la lutte contre le chômage ?
Nul doute que nous serons amenés à intensifier nos efforts dans ce domaine, comme en a clairement réitéré la demande le Conseil européen de Lisbonne, qui a appelé à la mise en place d'une véritable stratégie de développement économique et social pour assurer la modernisation du modèle social européen.
Certes, il est important que les objectifs sociaux que sont la lutte contre l'exclusion sociale, la lutte contre les discriminations au travail et la lutte pour l'emploi apparaissent comme un objectif transversal à toutes les politiques de l'Union européenne. Je suis néanmoins convaincu qu'il faut cesser de les traiter de manière marginale. Parce qu'elle a aussi ses propres objectifs et ses propres méthodes, la politique sociale européenne doit aujourd'hui être reconnue comme une politique de l'Union à part entière, au même titre que les autres politiques de l'Union.
La question reste bien de savoir comment traduire les priorités politiques de l'Union européenne en termes budgétaires. On peut se demander si, à l'avenir, il ne faudra pas songer à créer un budget propre à l'Union, notamment pour favoriser une plus grande lisibilité des financements et des actions communautaires.
Ce budget permet à l'Union de continuer à faire fonctionner ses politiques communes et de financer l'élargissement ; mais on peut se demander dans quelle mesure il est capable de dégager des marges de manoeuvre pour financer de nouvelles initiatives à valeur ajoutée communautaire.
L'Union européenne et ses Etats membres seront jugés, je pense, sur leur capacité à pouvoir ou à savoir dégager cette marge de manoeuvre du budget communautaire. Cela passera peut-être, lors des prochaines perspectives financières, par un relèvement du plafond du PNB communautaire.
Certaines des décisions qui ont été prises sous la présidence française, ou qui le seront dans les prochains jours, nécessiteront ce financement communautaire, que ce soit l'Unité Eurojust, l'Agence alimentaire, les aspects transnationaux des programmes de lutte contre l'exclusion ou contre les discriminations ou encore certaines formes d'intervention que préconise l'Agenda social européen, le développement de la dimension opérationnelle de la PESC - politique étrangère et de sécurité commune - ou bien une agence européenne de sécurité maritime. Loin de répondre à des défis ponctuels, ces exemples d'initiatives s'inscrivent directement dans le quotidien des citoyens européens. Leur mise en oeuvre sera l'occasion de réfléchir à cette question de la marge de manoeuvre potentielle, qui me paraît essentielle.
Il va sans dire que l'Union européenne mériterait un budget plus ambitieux. Il est tout à fait indispensable, même essentiel aujourd'hui, comme vous l'avez envisagé, monsieur le ministre, de démontrer aux citoyens européens que la dépense communautaire est plus efficace dans certains cas que la dépense nationale ; encore faut-il que les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres en soient eux-mêmes convaincus !
Une lourde tâche d'information, de conviction et d'éducation nous attend pour faire valoir la valeur ajoutée de la contribution communautaire aux politiques qui façonnent aujourd'hui notre quotidien.
Le groupe socialiste votera l'article 28 relatif à la participation de la France au budget communautaire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2001, la France consacrera 99,5 milliards de francs au budget communautaire.
Notre pays contribue en deuxième place au budget européen, derrière l'Allemagne, mais devant le Royaume-Uni et l'Italie.
Depuis 1990, la contribution française au budget de l'Union européenne a augmenté de 77 % ! Cela démontre combien le budget communautaire pèse sur les finances publiques nationales.
Or, depuis la conférence sur les capacités opérationnelles de l'Union européenne, une nouvelle politique apparaît, celle de la défense.
Nous savons que notre pays contribuera à hauteur de 20 % à la force de réaction rapide, soit une contribution terrestre de 12 000 hommes, avec des moyens aériens et navals appropriés, soit 75 avions de combat et 12 bâtiments, dont le porte-avions Charles-de-Gaulle.
Pour nous permettre de respecter un tel engagement, il est indispensable que nous nous donnions les moyens financiers d'organiser le déploiement de ces forces au service de l'Union européenne.
La question est de savoir comment.
J'ai cru comprendre que les forces nationales seraient appelées dès que le besoin s'en ferait ressentir avec une contribution financière des budgets nationaux de la défense.
Il n'en reste pas moins qu'au niveau européen se créeront les états-majors indispensables à la planification, au recensement des renseignements et à la programmation de l'engagement des forces.
Monsieur le ministre, ces états-majors seront-ils financés par le budget de l'Union européenne et cela peut-il signifier une augmentation de la contribution des Etats ? Quelle part la France y prendra-t-elle ?
Ce projet vital pour la défense européenne peut-il être remis en cause par l'exigence manifestée par l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche et la Suède de voir leurs contributions financières réduites ? La France pourra-t-elle suivre le rythme imposé au moment où elle s'isole, restant parmi les pays qui n'arrivent pas à se libérer de leur déficit budgétaire ?
Monsieur le ministre, le débat n'est pas tant budgétaire que politique puisqu'il s'agit de savoir si nous aurons, dans les années à venir, les moyens financiers de notre ambition politique européenne. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, comme chaque année, le Gouvernement, par la voix du ministre délégué chargé des affaires européennes, rend compte au Sénat du projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir et de ses conséquences sur le budget de l'Etat au travers du prélèvement européen. En ce qui me concerne, c'est la quatrième fois que je me livre à cet exercice devant vous.
Le projet de budget communautaire pour 2001 s'inscrit pleinement dans les perspectives financières 2000-2006, autrement dit l'Agenda 2000, arrêtées l'année dernière par le Conseil européen réuni à Berlin. A l'intérieur des plafonds de dépenses fixés à Berlin, des enveloppes de crédits ont été arrêtées pour 2001, qui permettent de financer l'ensemble des missions de l'Union européenne dans des conditions satisfaisantes.
Le budget de la PAC connaît une augmentation importante, de 6,3 %, qui est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la réforme décidée à Berlin.
Les crédits des actions structurelles sont stabilisés au niveau atteint en 2000, conformément à la programmation de Berlin.
Les crédits d'action extérieure augmentent de 8,8 % en crédits de paiement, ce qui traduit pleinement la volonté de l'Union européenne d'assumer ses responsabilités de puissance, notamment dans les zones géographiques où elle doit affirmer sa présence ; je pense principalement à la reconstruction des Balkans, un peu plus d'un an après la libération du Kosovo et quelques semaines seulement après la chute du régime de Milosevic. Bien sûr, l'Union européenne tout entière entend favoriser les espoirs de refondation politique en Serbie, après avoir accueilli chaleureusement à Biarritz le nouveau président, M. Vojislav Kostunica, dans la famille européenne.
Je reviendrai tout à l'heure sur ces questions de politique extérieure.
Ce budget, qui finance toutes les actions anciennes et nouvelles de l'Union, reste un budget maîtrisé, avec une croissance limitée à 3,5 % en valeur, soit une augmentation en volume de 1,6 %, compte tenu d'un taux d'inflation communautaire estimé à 1,8 % en 2001.
La contribution française, soumise à votre approbation, évolue à un rythme plus faible, de 1 % en valeur, ce qui s'explique notamment par un ajustement à la baisse destiné à tenir compte de l'existence d'un report de solde important au titre de l'exercice 2000.
Avant d'entrer plus avant dans la présentation des principales dotations budgétaires, puis de procéder à une rapide revue de la présidence française à une semaine du Conseil européen de Nice, je voudrais remercier tout particulièrement M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, ainsi que M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, qui exerce en permanence, en particulier en application de l'article 88-4 de la Constitution, le contrôle du Sénat sur les actes de l'Union européenne et leur traduction en droit interne.
Je tiens, en premier lieu, à vous livrer quelques éléments d'information sur la manière dont la procédure budgétaire communautaire s'est déroulée jusqu'à aujourd'hui.
La Commission a présenté en début d'année un avant-projet de budget pour 2001 en progression de 3,9 % en crédits d'engagement et de 5 % en crédits de paiement.
Lors du Conseil « budget » du 20 juillet dernier, les Quinze se sont attachés à montrer que l'Union était en mesure d'assumer l'ensemble de ses fonctions dans le cadre des perspectives financières fixées l'année dernière. Le Conseil a donc arrêté un projet de budget en augmentation de 2,7 % en crédits d'engagement et de 3,5 % en crédits de paiement.
Cet ajustement par rapport à la proposition initiale de la Commission a été obtenu essentiellement à travers une réduction globale de 330 millions d'euros sur les crédits de dépenses de marché de la PAC et de 192 millions d'euros sur les crédits d'action extérieure. Ces réductions se fondent sur l'estimation réelle des besoins.
La procédure de conciliation avec le Parlement européen a débouché sur l'acceptation par le Conseil, réuni en deuxième lecture vendredi dernier, d'une majoration de 25 millions d'euros pour la dotation « Balkans », ainsi que d'une prolongation de l'initiative « emploi » du Parlement européen pour la période 2001-2005, avec une enveloppe pluriannuelle de 450 millions d'euros.
Sur ce point, je peux rassurer MM. Lagauche et Durand-Chastel : 450 millions d'euros, c'est exactement le montant de la programmation précédente, décidée par le Parlement européen après Amsterdam.
Le Parlement européen statuera en deuxième lecture dans une dizaine de jours. Mon sentiment - mais le Parlement est souverain - est que ces deux gestes significatifs accomplis par le Conseil devraient amener le Parlement européen à valider le projet de budget tel qu'il a arrêté par le Conseil « budget » en deuxième lecture.
A cet égard, je veux rassurer M. Badré : la présidence française n'a pas incité le Parlement européen à être dépensier ; il l'est d'ailleurs naturellement, on le sait, sur les dépenses non obligatoires qui relèvent de la codécision. Nous avons seulement indiqué au Parlement européen qu'il n'était pas raisonnable de demander la révision des plafonds de Berlin, d'autant que ceux-ci font apparaître de très substantielles marges de crédits disponibles sous plafonds.
Quant à la réforme de la procédure budgétaire demandée par MM. Badré et de Montesquiou, elle est effectivement nécessaire. Il faut aussi mieux y associer le Parlement. Nous aurons sans aucun doute l'occasion d'en reparler lors du débat sur le projet de réforme de l'ordonnance organique de 1959, qui sera déposé sur le bureau des assemblées en 2001.
Il s'agit là d'un vrai sujet, la situation, tant sur le plan européen que sur le plan national, étant, j'en conviens bien volontiers, quelque peu baroque ! Cela dit, elle n'est pas nouvelle, et il n'était guère possible d'imposer une réforme dans le cadre de l'actuelle conférence intergouvernementale. C'est un problème d'équilibre des institutions et de nature du Parlement européen, lequel est un colégislateur, avec des dépenses qui relèvent strictement de sa compétence. Ne l'oublions pas, il s'agit d'une procédure budgétaire unique au monde.
Les crédits de la PAC s'établissent à 43,5 milliards d'euros, soit, je l'ai dit, une augmentation de 6,3 % par rapport à 2000.
Au sein de cette masse financière, les dépenses affectées aux organisations communes de marché augmentent de 6,5 %, notamment pour financer l'augmentation des aides directes compensatoires dans le secteur des céréales, ainsi que dans celui de la viande bovine.
Je dis ici à M. Haenel et à Mme Bidard-Reydet que nous appelons de nos voeux un traitement communautaire de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Il sera probablement pris en compte lors d'un conseil de l'agriculture supplémentaire qui se tiendra la semaine prochaine.
Les dépenses de développement rural poursuivent leur montée en puissance progressive. Avec un taux d'augmentation de 4,5 %, elles représentent désormais presque 10 % du montant total des dépenses de la rubrique agricole, ce qui constitue donc une étape très significative du renforcement de la multifonctionnalité de l'agriculture communautaire. Je peux donc rassurer Mme Bidart-Reydet : la réorientation du modèle communautaire de production agricole est enclenchée. Je donne rendez-vous en 2006 ; nous constaterons alors que la structure de la dépense agricole dans l'Union européenne aura été profondément modifiée par l'Agenda 2000.
La rubrique 2 du budget communautaire, consacrée aux aides régionales et à la politique structurelle, progresse globalement de 6,5 % dans le « paquet de Berlin », par rapport à la période couverte par la « paquet Delors-II ». Ce chiffre manifeste clairement la volonté du Conseil d'accroître l'effort de cohésion économique et sociale, qui est nécessaire. Conformément à la programmation pluriannuelle adoptée à Berlin, les crédits des fonds structurels feront l'objet d'une stricte reconduction en 2001 par rapport à 2000, pour s'établir à 32,7 milliards d'euros en engagements et à 31,8 milliards d'euros en paiements.
Les autres politiques internes, regroupées traditionnellement sous la rubrique 3 du budget communautaire, sont dotées de 6 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 5,7 milliards d'euros en crédits de paiement, enregistrant ainsi des progressions modérées.
Ces crédits viennent compléter les moyens mis en place par les Etats membres pour les actions présentant une plus-value communautaire indiscutable par rapport au simple résultat qui serait obtenu par la seule juxtaposition des actions menées par les Quinze séparément. Je pense notamment à l'Europe de la culture et de la connaissance, à la création d'un espace européen de la recherche et de l'innovation, au développement de la société de l'information, à l'aide aux entreprises innovantes.
C'est précisément parce que là est l'avenir que le Conseil européen de Lisbonne, en mars dernier, avait placé ces politiques internes, dites « de la rubrique 3 », au coeur de la stratégie de développement économique et social.
Cette volonté se manifeste par une forte augmentation des crédits de recherche, par une transcription budgétaire à la hauteur des enjeux de l'effort communautaire en faveur de l'éducation, de la recherche, de la formation et de la jeunesse en général.
J'en viens maintenant aux actions extérieures de l'Union européenne, financées au sein de la rubrique 4, qui sont dotées de 4,6 milliards d'euros en engagements et de 3,8 milliards d'euros en paiements.
Le Conseil a retenu une approche prudente, en laissant une marge de 160 millions d'euros sous le plafond, ce qui contraste avec une proposition initiale plus ambitieuse de la Commission, qui tendait au contraire à réviser le plafond de 280 millions d'euros à la hausse. C'est surtout une approche réaliste, qui tient compte des capacités d'absorption réelle envisageables dans les différentes zones géographiques bénéficiaires. Je pense tout particulièrement aux Balkans, qui bénéficient d'une priorité clairement attestée puisqu'il y a là un effort financier exceptionnel.
Concernant le programme MEDA, je tiens à indiquer que le projet de budget prévoit un montant de 701 millions d'euros, qui reste donc supérieur à la moyenne annuelle atteinte durant la période 1995-1999. Par ailleurs, l'amélioration de la gestion du programme MEDA demeure une priorité du Conseil, qui entend ainsi réduire le volume important de sous-exécution constaté sur ce programme.
A cet égard, je partage totalement le diagnostic de M. Serge Lagauche et je peux l'assurer que la Commission, plus précisément M. Patten, cherche des solutions permettant d'améliorer la gestion des crédits d'actions extérieures, qui se traduit actuellement par des retards considérables et donc tout à fait dommageables.
J'en termine avec cette présentation des différentes rubriques du budget communautaire pour 2001 en vous indiquant que la nouvelle rubrique 7, qui permet de regrouper les aides à la pré-adhésion, prévoit une forte augmentation, de 10,9 %, des crédits de paiement, qui s'établiront à 1,9 milliard d'euros.
Je crois pouvoir rassurer sur ce point M. Hubert Haenel : la préparation de l'élargissement est financée pour 2001, et je crois qu'elle l'est aussi pour l'Agenda 2000.
Cette augmentation tient compte de la création de deux nouveaux instruments juridiques destinés à accompagner les réformes dans les pays candidats à l'Union européenne : le règlement d'aide structurelle ISPA et le règlement d'aide agricole SAPARD.
Ces chiffres et ces innovations en termes de programmes montrent que l'Agenda 2000 permet, j'en suis convaincu, de financer la préparation de l'élargissement, sans qu'il soit besoin de revenir sur le réaménagement du système de ressources propres décidé à Berlin. Je réponds là aux inquiétudes de Mme Danielle Bidard-Reydet. M. Badré y a également fait allusion : bien sûr, monsieur le rapporteur spécial, Berlin n'a pas été parfait, et nous ne pouvons pas gagner sur tous les tableaux ; vous savez bien ce que représente la politique agricole commune !
Je réagis d'un mot à la proposition de loi constitutionnelle sur la transposition des directives déposée par M. de Montesquiou. C'est une proposition intéressante. Il est clair qu'il faut sortir de la situation actuelle.
En même temps, il y a là des questions qui seront soulevées, notamment, à l'occasion du débat sur le pouvoir du Gouvernement de fixer l'ordre du jour des assemblées ainsi que sur les délais d'examen parlementaire. Il ne faudrait pas que le remède n'apporte pas de vraie solution. En tout cas, le Gouvernement est prêt à réfléchir avec le Sénat et l'Assemblée nationale pour trouver au plus vite une issue satisfaisante, car cette situation ne saurait perdurer.
Je souhaiterais maintenant vous livrer mon appréciation quant à l'état des travaux communautaires sur la réforme des institutions, avant de clore mon propos par quelques éléments d'ensemble sur le bilan probable de la présidence française, à un mois seulement de la fin de notre présidence et à une semaine du Conseil européen de Nice.
Je répondrai, en premier lieu, à M. de Montesquiou sur le climat franco-allemand.
Nous sommes maintenant à huit jours de la fin d'une négociation difficile, qui fait bien apparaître de nettes oppositions d'intérêts et de conceptions. Tout naturellement, cela donne lieu à des bruissements divers, diplomatiques ou médiatiques, dont le ton est parfois regrettable, ainsi que j'ai moi-même pu le constater.
Mais je peux vous assurer, monsieur le sénateur, que nous veillons toujours à ce que le couple franco-allemand demeure le coeur de l'Europe. Nous l'avons fait à Vittel, et le chancelier Schröder a eu l'occasion de souligner hier la forte confiance qui nous liait.
C'est vrai que l'Allemagne a ses propres thèses, et qu'elle les défend ; nous pouvons avoir les nôtres, et personne ne nous en voudra ici, je pense, de les défendre également.
Mais ne prêtons pas trop d'attention à quelques outrances. Comme d'habitude, la France et l'Allemagne seront d'accord lors du prochain Conseil européen.
Monsieur le rapporteur spécial, votre optimisme naturel, comme d'ailleurs celui de certains de vos collègues, m'a semblé presque défaillant ce matin.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Peut-être y a-t-il un vrai problème !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je vise ici non pas le couple franco-allemand, mais l'Europe en général.
Monsieur le rapporteur spécial, je ne partage tout simplement pas votre appréciation sur la période, ni d'ailleurs sur la présidence française en général.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Rassurez-moi, monsieur le ministre !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je vais essayer de le faire, monsieur le rapporteur spécial.
Dans cette affaire, il ne faut pas crier au loup. L'Europe, nous le savons tous, n'est pas celle que nous appelons de nos voeux ; elle n'avance pas au rythme que nous souhaitons. D'ailleurs, on trouvera sur vos travées autant de conceptions différentes, autant d'idées particulières que de sénateurs, et c'est bien naturel. Mais si chacun ici a une conception différente de celle de son voisin, c'est vrai aussi de la Commission, qui a sa conception, et du Parlement, qui peut avoir la sienne, comme c'est vrai de telle ou telle autre nation.
Donc, personne ne peut définir pour les autres ce que doit être la marche de l'Europe.
Mais nous vivons, précisément pour cette raison, une période exceptionnelle. Vous avez évoqué l'euro, mais cette monnaie existe et c'est en soi une réalisation historique. Les uns et les autres, vous avez évoqué l'élargissement, mais, là aussi, c'est un mouvement historique.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Il faut le réussir !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Vous avez encore évoqué la réforme institutionnelle.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Il faut la réussir aussi !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Monsieur le rapporteur spécial, on ne réalise pas un traité politique tous les jours.
Je peux vous dire que cette présidence française s'est efforcée de travailler honnêtement, dans le meilleur esprit et, ce qui n'est pas forcément le cas sur tous les sujets, sous un exécutif uni, Président de la République et Gouvernement parlant d'une même voix.
J'ajoute que notre agenda - absolument inédit - était un véritable casse-tête, tant il était chargé, ce qui explique, d'ailleurs, que ce Conseil pourrait être l'un des plus longs de l'histoire de l'Union européenne.
On a pu, ici ou là, prétendre que l'homme qui réaliserait l'harmonisation fiscale en Europe n'était pas né. Dommage, mais, quelques jours plus tard, un accord sans précédent, recherché depuis onze ans, était obtenu !
Quant à l'accord d'hier sur l'agenda social, il traduit, là encore, quelques progrès.
Pour juger de cette présidence, je ne chausserai pas des lunettes roses, mais pas non plus des lunettes noires, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Nous non plus !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Le Conseil européen de Biarritz a marqué une étape importante de la conférence intergouvernementale. Il a donné une impulsion politique aux travaux. J'ai, pour ma part, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, effectué dès son lendemain des visites dans certaines capitales afin d'écouter les positions de nos partenaires et de commencer à rassembler les éléments qui nous permettront d'esquisser le compromis final, en amont de la traditionnelle tournée des capitales que le Président de la République, président en exercice du Conseil européen, a entamée la semaine dernière.
Quelle est notre volonté commune sur la CIG ? C'est de réussir un bon traité à Nice.
De quoi s'agit-il ? Tout d'abord, nous voulons généraliser, autant que faire se peut, la majorité qualifiée, qui constitue un sujet clé de cette CIG, même si nous savons que des difficultés demeurent dans le domaine fiscal - nous y travaillons - dans le domaine social, même si nous ne devons pas toucher aux principes fondamentaux de la sécurité sociale, ainsi que dans le domaine de la politique commerciale extérieure, qui est particulièrement sensible pour la France, puisqu'il s'agit précisément de l'audiovisuel et de la culture. Je tiens à dire au Sénat que nous serons extrêmement vigilants sur ce dossier lors des négociations de Nice.
Vient, enfin, le domaine de la justice et des affaires intérieures, notamment les questions délicates touchant à l'asile, aux visas et à l'immigration. Souvenez-vous du débat qui s'est instauré, ici même, sur la ratification du traité d'Amsterdam. Peut-être pourrons-nous aboutir à une déclaration politique qui nous éviterait de réviser notre Constitution dans un domaine extrêmement sensible.
J'en viens aux coopérations renforcées.
Ces coopérations seront un instrument de souplesse et de flexibilité indispensable dans une Europe élargie. J'ai bon espoir que nous parvenions à un bon compromis, et, sur ce point, monsieur Badré, vous ne serez pas déçu.
Restent deux sujets extrêmement délicats, car très politiques ; je veux parler de la réforme de la Commission et de la repondération des voix, ces deux sujets étant liés, d'ailleurs.
S'agissant de la Commission, tout le monde s'accorde sur la nécessité de lui redonner force et efficacité, mais, ayant dit cela, les uns souhaitent une Commission restreinte capable d'impulsion et porteuse de l'intérêt communautaire, les autres, un commissaire par Etat membre. Peut-être faudra-t-il commencer par élaborer un compromis sous la forme d'un plafonnement différé et d'un commissaire par Etat avant d'instaurer, après 2010, un système de rotation égalitaire dans une Commission plafonnée.
S'agissant de la pondération des voix au sein du Conseil, les deux options bien connues - pondération simple ou double majorité - restent sur la table, même si une légère majorité d'Etats se prononcent en faveur de la repondération simple.
Enfin, s'agissant de la charte des droits fondamentaux ainsi que de l'article 7 du traité concernant les entraves ou les menaces qui pèsent sur ces droits fondamentaux, nous avons là deux bons textes.
Au total, je crois qu'élaborer un bon traité à Nice n'est pas impossible à ce jour. Bien sûr, c'est la dynamique du sommet lui-même qui décidera.
L'ambition de la présidence française ne se limite naturellement pas au traitement de ces sujets institutionnels, car l'Europe avance. L'Union européenne ne peut pas être entièrement suspendue aux résultats de la conférence intergouvernementale. La présidence doit aussi assumer ses autres tâches.
C'est pourquoi, sans vouloir être exhaustif, je veux rappeler que vingt-huit conseils des ministres se sont réunis depuis le début de la présidence française ; par ailleurs, onze réunions informelles de ministres ont eu lieu. C'est cela aussi, une présidence !
La France a un bilan à faire valoir.
Ainsi, en ce qui concerne la sécurité maritime, les ministres des transports ont adopté un ensemble de mesures sous la forme d'une position commune, concernant, notamment, l'élimination des pétroliers à simple coque. Nous demanderons, à Nice, que ces dispositions soient applicables immédiatement.
En ce qui concerne la protection de l'environnement, une directive relative à la pollution par l'ozone a été adoptée. Je regrette, moi aussi, l'échec de la conférence de La Haye, mais il incombe principalement, il faut le dire, aux Etats-Unis, comme l'a d'ailleurs reconnu le Président de la République en saluant le travail de la délégation française qui conduisait l'Europe. Certes, quelques malentendus sont apparus. Il faut les dissiper.
La lutte contre la criminalité financière internationale a donné lieu à l'adoption d'une directive sur le blanchiment des capitaux. De façon plus générale, la mise en oeuvre de l'espace européen de sécurité, de liberté et de justice a fait l'objet d'une attention toute particulière de la présidence.
Dans un tout autre ordre d'idées, l'amélioration de la sécurité alimentaire, sujet extrêmement complexe, a fait l'objet de décisions importantes destinées à rétablir la confiance dans la chaîne alimentaire. J'espère que, demain, au Conseil « marché intérieur », nous jetterons les bases de la future autorité alimentaire européenne nécessaire pour coordonner l'action des différentes instances qui oeuvrent de concert.
Dans le domaine social, la présidence a obtenu, hier même, un accord sur un agenda social, programme de travail rassemblant objectifs et initiatives à l'horizon de cinq ans.
La présidence a, par ailleurs, engagé une réflexion active sur la place des services publics dans le modèle européen de société.
Et, n'en déplaise à M. Badré et à M. Bordas, la présidence vient d'obtenir, grâce à la ténacité du président du Conseil « ECOFIN », un accord très significatif sur l'harmonisation fiscale de l'épargne, puisqu'il officialise le principe de l'échange d'informations sur les conditions de taxation des non-résidents et fixe un taux de retenue à la source ainsi que les modalités de partage de la recette fiscale entre Etat taxateur et Etat de résidence.
Enfin, pour ce qui est de la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs, a été adopté un plan d'action pour les années qui viennent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce bilan n'épuise pas le champ des initiatives de la présidence française de l'Union européenne appelées encore à se concrétiser, notamment à l'occasion du Conseil européen de Nice, dont la préparation concentre toutes nos énergies.
Evidemment, comme toujours en ces matières où l'on esquisse des compromis, le verre est à moitié plein, selon les uns, à moitié vide, selon les autres. Nous avons revendiqué d'emblée une présidence studieuse, sérieuse, centrée sur des sujets pratiques, comme les avancées de l'Europe sociale, de l'espace judiciaire européen ou de l'Europe de la connaissance. Nous avons voulu aussi, M. Vinçon y a insisté, agir de façon forte dans le domaine de l'action extérieure.
Dans tous ces domaines, l'Union a été capable, ces dernières années, de donner une impulsion politique nouvelle, notamment à Luxembourg, pour l'emploi, à Tampere, pour l'espace judiciaire européen, et à Lisbonne, pour l'Europe de la connaissance. Nous avons eu aussi le souhait, à travers le sommet de Zagreb, de donner une nouvelle dimension à notre action dans les Balkans.
Bref, nous avons considéré que le travail de la présidence consistait plutôt à rechercher les voies d'une mise en oeuvre effective de tous ces chantiers essentiels pour le devenir du continent qu'à essayer à tout prix d'en ouvrir de nouveaux. Nous assumons et nous revendiquons pleinement cette ambition.
Pour le reste, nous savons, bien sûr, que notre présidence sera jugée, d'abord et surtout, sur notre capacité à relancer la construction politique de l'Europe, à partir d'un succès de la conférence intergouvernementale que nous appelons tous de nos voeux pour le Conseil européen de Nice. Cette réforme demeure en effet indispensable avant l'élargissement, le grand élargissement, qui constitue l'horizon de notre Union pour les années à venir.
Tout en étant conscient de l'étrangeté budgétaire de la démarche qui vous est proposée ce matin, j'ai tout à fait confiance, après avoir écouté les différents orateurs, dans le vote du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 28.
M. Serge Vinçon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le ministre, il me semble que le succès de la présidence française est encore renforcé par l'accord intervenu sur la défense. Ce sujet est suffisamment important et l'accord a été suffisamment difficile à obtenir pour que l'on doive porter cela au crédit de la présidence française.
Toutefois, monsieur le ministre, vous n'avez pas du tout répondu à ma question sur le financement de cette politique de la défense. J'ai bien compris qu'il y aurait des contributions françaises. Mais, comme je le disais lors de mon intervention précédente, il y aura nécessairement des états-majors à l'échelon européen, qui donc recevront un budget de fonctionnement. Qui financera ? Le budget de l'Europe ou exclusivement les Etats par des contributions nationales ?
La réponse est cruciale, me semble-t-il, pour bien comprendre l'architecture de cette défense européenne. Peut-être votre réponse pourrait-elle éclairer le débat sur le prochain projet de loi de programmation militaire qui nous sera soumis l'année prochaine.
Cela étant, nous approuvons, évidemment, la contribution française au budget européen.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Monsieur Vinçon, pardonnez-moi d'avoir semblé éluder cette question pourtant essentielle, en effet. Vous avez raison de souligner qu'un des principaux acquis de la présidence française est sans doute la progression vers l'Europe de la défense.
Se sont tenues, la semaine dernière, à Bruxelles, une réunion sans précédent entre les ministres des affaires étrangères et les ministres de la défense et, parallèlement, ce qu'on appelle la « conférence d'engagement de capacités ». Vous vous souvenez que nous nous étions fixé l'objectif de parvenir, d'ici à quelques années, à une force de 60 000 hommes. Or, les offres sont telles que, mises bout à bout, ce sont 100 000 hommes qui pourraient être déployés par l'Union européenne. Par conséquent, il y a là un très grand succès.
Quant à la question budgétaire, elle est plus que pertinente.
Pour l'heure, nous en sommes encore à des contributions bilatérales nationales. Mais il est certain que l'essor de cette politique exigera sans doute, à l'avenir, qu'on y réfléchisse, au moins partiellement, dans le cadre communautaire. Ce n'est pas le cas pour l'année qui vient, et c'est la raison pour laquelle je n'en ai pas parlé dans la présentation du budget pour 2001. Mais vous avez entièrement raison, il s'agit là d'un problème extrêmement important.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 28.

(L'article 28 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, afin de laisser le temps à Mme le secrétaire d'Etat au budget de nous rejoindre, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à douze heures cinq.)