SEANCE DU 27 MARS 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un sénateur (p. 1 ).

3. Décès d'anciens sénateurs (p. 2 ).

4. Démission d'un sénateur (p. 3 ).

5. Remplacement d'un sénateur décédé (p. 4 ).

6. Désignation d'un sénateur en mission (p. 5 ).

7. Dépôt de rapports du Gouvernement (p. 6 ).

8. Candidatures à une commission (p. 7 ).

9. Questions orales (p. 8 ).

statut des personnels de maison
de la france (p. 9 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

sort des instituts français en allemagne (p. 10 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Daniel Hoeffel.

instruction des permis de construire (p. 11 )

Question de M. Ambroise Dupont. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Ambroise Dupont.

conditions d'implantation des éoliennes (p. 12 )

Question de M. Jean-François Le Grand. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean-François Le Grand.

fret ferroviaire dans le bassin d'alès (p. 13 )

Question de M. André Rouvière. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; André Rouvière.

création de centres sportifs
de formation dans les zones rurales (p. 14 )

Question de M. Aymeri de Montesquiou. - Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports ; M. Aymeri de Montesquiou.

circulation des motos-neige à des fins de loisirs (p. 15 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports ; M. Jean-Claude Carle.

situation des demandeurs d'asile (p. 16 )

Question de M. André Vallet. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; André Vallet.

modalités de versement
de l'allocation de vétérance aux sapeurs-pompiers (p. 17 )

Question de M. Louis Souvet. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Louis Souvet.

gestion budgétaire dans le secteur médico-social (p. 18 )

Question de M. Philippe Richert. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Philippe Richert.

aide à domicile en milieu rural (p. 19 )

Question de M. Jean Boyer. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Jean Boyer.

prise en charge des personnes atteintes
de dégénérescence maculaire (p. 20 )

Question de M. Léon Fatous. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Léon Fatous.

10. Nomination de membres d'une commission (p. 21 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 22 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

11. Eloge funèbre de René Ballayer, sénateur de la Mayenne (p. 23 ).
M. le président, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

12. Conférence des présidents (p. 25 ).

13. Remplacement d'un sénateur démissionnaire (p. 26 ).

14. Communication du Gouvernement (p. 27 ).

15. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 28 ).

16. Interruption volontaire de grossesse et contraception. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 29 ).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

M. Francis Giraud, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Odette Terrade, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; MM. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Christian Bonnet, Bernard Joly, Guy Fischer, Mme Claire-Lise Campion, MM. Charles Descours, Philippe Darniche.

Suspension et reprise de la séance (p. 30 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

MM. Claude Huriet, Jean-Claude Carle, Mme Danièle Pourtaud, MM. Lucien Neuwirth, Jean-Louis Lorrain, Bernard Seillier, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean Chérioux, Philippe Nogrix, Serge Lagauche, Patrick Lassourd, Paul Blanc.
Mme le ministre, MM. le président de la commission, Claude Huriet, Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé.
Clôture de la discussion générale.
Renvoi de la suite de la discussion.

17. Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 31 ).

18. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 8 février 2001 (p. 32 ).

19. Ordre du jour (p. 33 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 8 février 2001 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'UN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le profond regret de vous rappeler le décès de notre collègue François Abadie, sénateur des Hautes-Pyrénées, survenu le 2 mars 2001.

3

DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS

M. le président. J'ai également le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues Georges Marie-Anne, qui fut sénateur de la Martinique de 1959 à 1977, Roger Marcellin, qui fut sénateur de Grande-Kabylie de 1959 à 1962, et Maurice Arreckx, qui fut sénateur du Var de 1986 à 1995.

4

DÉMISSION D'UN SÉNATEUR

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Bertrand Delanoë, sénateur de Paris, la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Comme vous le savez, je viens d'accéder aux fonctions de maire de Paris.
« Dès l'annonce de ma candidature, j'avais publiquement pris l'engagement de renoncer à mon mandat de parlementaire si les Parisiens décidaient de me confier la gestion de leur ville pendant six ans : je considère en effet que cette mission est exclusive de toute autre fonction élective.
« C'est pourquoi, monsieur le président, je tenais par la présente à vous faire part de ma décision de démissionner du poste de sénateur que j'occupe depuis 1995.
« Au cours de ces années passées au Palais du Luxembourg, j'ai tenté d'honorer aussi utilement que possible ce contrat démocratique confié par le suffrage universel.
« Je tenais à vous dire le plaisir que j'ai éprouvé à assumer ce mandat, dans un environnement politique et humain placé sous le signe de l'exigence, du respect mutuel et de la volonté de servir l'intérêt général.
« Conscient de la part que vous prenez personnellement dans cette réalité particulièrement honorable, je vous prie, monsieur le président, de croire en l'expression de ma haute considération.

« Signé : Bertrand Delanoë. »

Acte est donné de cette démission.
Le ministère de l'intérieur nous fera connaître dans la journée le nom de la personne qui sera appelée à remplacer M. Bertrand Delanoë comme sénateur de Paris.

5

REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR DÉCÉDÉ

M. le président. M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l'article L.O. 319 du code électoral, M. François Fortassin est appelé à remplacer, à compter du 3 mars 2001, en qualité de sénateur des Hautes-Pyrénées, François Abadie, décédé le 2 mars 2001.

6

DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 16 février 2001 par laquelle il fait part au Sénat de sa décision de placer Mme Dinah Derycke, sénateur du Nord, en mission temporaire auprès de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.

7

DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport annuel sur les transferts transfrontaliers de déchets pour 1998, établi en application de l'article 23-4 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée, relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux ;
- le rapport sur l'application du livre V du code des ports maritimes en application de la loi n° 92-496 du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.

8

CANDIDATURES À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du règlement.

9

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

STATUT DES PERSONNELS DE MAISON DE LA FRANCE

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 984, adressée à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord souligner les excellents résultats obtenus dans le secteur du tourisme en l'an 2000 : près de 75 millions de touristes sont venus visiter notre pays, laissant près de 100 milliards de francs de bénéfices pour notre balance commerciale.
Mme la secrétaire d'Etat au tourisme envisage d'améliorer ces résultats en 2001 grâce à un meilleur équilibre des flux touristiques entre les vingt-six régions françaises et à l'accroissement de la fréquentation en basse saison. Cet objectif, s'il est atteint, entraînera donc une augmentation des recettes et du nombre d'emplois.
Pour cela, le produit « France » doit être mieux connu, mieux valorisé ; il a besoin d'une action renforcée à l'étranger, que ce soit par la presse, par les salons, par les études diverses ou par les expositions.
Le rôle de Maison de la France, dont la mission est de mieux faire connaître à l'étranger notre pays, ses richesses et son patrimoine, est essentiel. Se pose alors, par voie de conséquence, la question de la situation des personnels travaillant au siège, à Paris, et dans les différentes agences à l'étranger : tous les rapports établis, dont celui de la Cour des comptes, font état d'une gestion qualifiée d'anarchique, faite d'injustices. Elle doit donc évoluer pour pouvoir être plus efficace.
Maison de la France a été créée le 20 mars 1987, par décision du secrétariat d'Etat au tourisme de l'époque, sous forme d'un groupement d'intérêt économique, un GIE. Il s'agit donc d'une décision gouvernementale visant à associer dans un partenariat l'Etat et les organismes professionnels ou d'entreprises liés au secteur du tourisme. Un GIE - vous le savez, monsieur le ministre - doit être géré selon les dispositions de l'ordonnance du 23 septembre 1967.
La commission des finances m'a confié une mission de contrôle, dont le rapport est en cours d'élaboration ; mais, sans attendre, que pouvons-nous dire aujourd'hui du personnel ?
En 1987, 279 personnes travaillaient à Maison de la France : 82 au siège, à Paris, et 197 à l'étranger. Ces chiffres ont peu évolué, si l'on excepte une légère diminution des effectifs au siège central.
Une première remarque s'impose : la qualité du travail des personnels s'avère exceptionnelle et se traduit par une amélioration sensible - tout le monde le reconnaît - de la productivité : le ratio chiffre d'affaires - nombre d'agents est passé de 0,67 en 1987 à 1,40 en 1997, et cette progression se poursuit.
Deuxième remarque : ces personnels relevant des services français du tourisme à l'étranger, ils dépendent des règles de la comptabilité publique. Le transfert au GIE, à partir de 1994, des charges de personnel ne s'est pas accompagné du basculement des crédits d'Etat nécessaires vers le GIE, dont la gestion financière n'était alors soumise à aucun contrôle reconnu et qui n'apportait pas de réponse aux véritables besoins.
Des personnels ont été recrutés localement. L'Etat n'acquittant pas toujours les cotisations sociales dues, des agents ont été recrutés au-dessous du prix du marché et moyennant une non-imposition partielle de leurs revenus. Les titulaires contractuels de l'Etat de droit français, soit 141 personnes en 1997, continuent d'être payés par l'Etat. Une telle situation, voire, je dois le dire, un tel désordre, nous obligent à constater qu'il n'existe aucune unité de gestion.
Enfin, troisième remarque, les statuts des personnels sont multiples, variés, avec parfois des différences de rémunérations étonnantes.
A la fin de l'année 1997, la répartition était la suivante : sur un total de 267 personnes, 89 agents de l'Etat étaient mis à disposition, dont 82 contractuels, 51 agents étaient sous contrat GIE de droit français et 126 agents sous contrat GIE de droit local ; enfin, un agent privé était mis à disposition.
Ma première question est simple : que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour aboutir à une unité de recrutement et de gestion du personnel, dont les statuts doivent être uniformisés ? Comme vous le voyez, il ne s'agit pas d'un mince problème !
Une enquête réalisée en 1998 faisait apparaître des différences entre les agents du siège et ceux de l'étranger, ainsi qu'entre les agents publics et les agents privés. Je citerai deux exemples : au siège, un agent public perçoit 220 000 francs, contre 160 000 francs pour un agent privé ; un agent public en poste à l'étranger perçoit 350 000 francs, un agent privé 170 000 francs. Le taux d'encadrement n'est pas non plus le même : au siège, on compte six cadres pour quinze agents du secteur public, alors que, sur cinquante et un agents du secteur privé, dix sont cadres. Enfin, suivant les pays et leur niveau de vie, les différences de rémunération vont du simple au double : à Copenhague, le salaire moyen brut est de 143 900 francs, contre 322 214 francs à Tokyo.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, la gestion du personnel, déjà confuse, s'est dégradée avec l'entrée en vigueur du décret de 1993 applicable aux fonctionnaires travaillant à l'étranger : afin de favoriser la mutation périodique de ces agents - ce que l'on appelle la « mobilité » - un abattement progressif sur l'indemnité de résidence est prévu. Ainsi, les salaires des personnes en poste à Londres n'ont pas évolué.
Ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, organiser une négociation générale sous la responsabilité de la direction centrale de Maison de la France ? A mes yeux, c'est la seule façon d'uniformiser la situation des personnels et d'assurer une gestion convenable de la fonction publique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir souligné l'efficacité du travail des personnels de Maison de la France au cours des années passées, et nous souhaitons tous que les années à venir voient la confirmation de la réussite de cette institution.
Maison de la France est un groupement d'intérêt économique créé en 1987, qui réunit l'Etat, les collectivités locales, les associations et des entreprises de tourisme pour assurer la promotion du tourisme en France et l'information y afférente. Ce GIE, qui comprend plus de 900 adhérents, dispose d'une quarantaine de représentations employant environ 200 personnes dans vingt-neuf pays.
En tant que GIE, personne morale de droit privé, Maison de la France peut embaucher, conformément au code du travail et aux conventions collectives qui lui sont applicables, les personnels nécessaires à l'exécution de ces missions.
A ces personnels de droit privé s'ajoutent des agents publics non titulaires de la direction du tourisme. Parmi ces derniers, il convient de distinguer la situation des agents contractuels de l'Etat en service à l'étranger de celle des agents recrutés localement et, de ce fait, soumis au droit local.
Ceux d'entre eux qui ont la qualité d'agent contractuel de l'Etat sont éligibles au dispositif de résorption de l'emploi précaire prévu au titre Ier de la loi du 3 janvier 2001 dès lors qu'ils sont en situation de précarité, c'est-à-dire recrutés pour une durée déterminée, et qu'ils assurent des fonctions correspondant aux missions dévolues à des agents titulaires.
De la même façon, ceux de ces agents qui étaient en fonction antérieurement au 14 juin 1983 ont vocation à être titularisés en application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984, ce dont certains ont d'ailleurs d'ores et déjà pu bénéficier.
Il en va autrement des recrutés locaux qui, comme je viens de le rappeler, sont régis par le droit local. Le Gouvernement a engagé une réflexion d'ensemble sur la situation des agents recrutés localement, conformément aux engagements pris dans le cadre de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Le rapport sur la situtation financière et sociale de ces personnels qui est actuellement élaboré par le ministère des affaires étrangères sera prochainement déposé sur le bureau des assemblées. Il faudra notamment rechercher pour ces personnels, qu'ils travaillent pour Maison de la France ou pour tout autre organisme administratif, une plus grande harmonisation des conditions de rémunération et de protection sociale.
S'agissant maintenant des conditions de recrutement et d'emploi des agents contractuels de l'Etat de la direction du tourisme, qu'ils exercent ou non leurs fonctions dans les services de Maison de la France, j'observe qu'ils sont placés dans une situation identique à celle des autres agents contractuels de l'Etat et relèvent des mêmes textes réglementaires, d'une part, lorsqu'ils exercent sur le territoire français et, d'autre part, lorsqu'ils sont en service à l'étranger.
Mon attention a d'ailleurs été particulièrement attirée sur certains aspects liés à la rémunération des agents en service à l'étranger.
Cette dernière, vous le savez, découle des dispositions d'un décret du 28 mars 1967, modifié en 1993. Les agents en service à l'étranger perçoivent une indemnité de résidence destinée à compenser les charges liées aux fonctions et aux contraintes attachées à l'expatriation. Ceux qui ont été recrutés sur place ne s'inscrivent pas, par définition, dans la catégorie des expatriés. C'est en ce sens que le décret de 1993 a introduit une distinction. Toutefois, afin de préserver la situation des personnels alors en place, une indemnité différentielle a été instaurée pour compenser la réduction de l'indemnité de résidence. Ce mécanisme protecteur est appelé, bien entendu, à se résorber progressivement au rythme des évolutions de carrière et des mobilités.
De la même façon, comme mon collègue des affaires étrangères l'a fait savoir à Mme la secrétaire d'Etat au tourisme, une réflexion est engagée en vue de réviser le décret du 18 juin 1969 qui fixe le statut des agents contractuels de l'Etat en service à l'étranger, et notamment leurs catégories de rémunération.
Plus généralement, je tiens à rappeler que, en application du protocole d'accord du 10 juillet dernier sur la résorption de l'emploi précaire et sur une meilleure gestion de l'emploi public, des groupes de travail associant les organisations syndicales ont été constitués pour procéder à un réexamen de la situation des agents non titulaires, notamment de leurs conditions de recrutement et d'emploi. J'attache une particulière attention, madame la sénatrice, à ce que les réflexions engagées dans ce cadre débouchent sur des décisions concrètes.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes les précisions que vous m'avez apportées.
Je me permettrai toutefois de vous faire remarquer que les négociations, lorsqu'elles existent, sont engagées soit avec la direction du personnel du siège, soit avec le directeur de l'agence à l'étranger. Or je persiste à penser qu'une négociation générale s'impose pour que les principes de justice sociale soient respectés sur divers points : adéquation entre les rémunérations offertes et les responsabilités exercées ; revalorisation générale des salaires avec inscription, en conséquence, des crédits au budget du GIE ; non-application du décret de 1993, les personnels ne pouvant pas être assimilés à des personnels d'ambassade puisqu'il n'y a pas de mobilité ; détermination d'une indemnité spécifique tenant compte du coût de la vie dans le pays d'accueil, la baisse du pouvoir d'achat de ces personnels étant criante dans certains pays ou dans certaines villes comme Londres ou New York.
Il faut obtenir une intégration réelle de ces personnels parmi les personnels de la fonction publique. Cela est d'autant plus logique que, depuis le 28 septembre 2000, le GIE est soumis par décret au contrôle économique et financier de l'Etat.

SORT DES INSTITUTS FRANÇAIS EN ALLEMAGNE

M. le président. La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 1006, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Daniel Hoeffel. Dans le contexte de la construction de l'Union européenne, les relations et la coopération franco-allemandes doivent aujourd'hui garder un caractère prioritaire, et elles ne sauraient se réduire aux aspects politiques et économiques.
La coopération franco-allemande sur les plans linguistique, culturel, scientifique et universitaire revêt en effet une importance accrue dans la mesure où ces domaines constituent les fondements de relations solides entre nos deux pays.
Or des rumeurs persistantes font état de projets de fermeture de centres et d'instituts culturels français en Allemagne, au moment même, d'ailleurs, où certains projets évoquent la fermeture des instituts Goethe en France, ce qui serait évidemment préjudiciable à la consolidation des relations culturelles.
Je comprends que des réorganisations des réseaux culturels soient nécessaires pour que ceux-ci puissent s'adapter aux besoins d'aujourd'hui. Cependant, la présence culturelle française en Allemagne et la présence allemande en France ainsi que leur renforcement sont de plus en plus essentiels si nous voulons donner au dialogue franco-allemand un contenu concret, vivant, stimulant.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous serions heureux que vous puissiez dissiper nos appréhensions et nous dire que la relation culturelle franco-allemande reste un élément majeur de la politique conduite par la France. Il faut que cette politique tienne compte du caractère fédéral de l'Allemagne et que la présence culturelle se manifeste dans chacun des Lander : chacun d'eux ayant sa spécificité, notre présence doit se manifester de manière adaptée à chacun d'eux.
Je voudrais, pour terminer, évoquer une autre préoccupation. La politique culturelle de la France à l'étranger est une compétence de l'Etat. Il ne faut pas que, sur ce plan comme sur d'autres, l'Etat se décharge de certaines de ses compétences naturelles sur les collectivités territoriales en leur demandant d'assumer tout ou partie d'une responsabilité qui continue de lui incomber.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Védrine, qui se trouve actuellement aux Etats-Unis pour rencontrer les membres du nouveau gouvernement américain.
En concertation avec les autorités allemandes, le Gouvernement a décidé de procéder à une reconfiguration du réseau culturel français en Allemagne.
La France entretient en Allemagne un réseau culturel qui représente, à lui seul, plus de 12 % du nombre des établissements culturels à autonomie financière placés sous la tutelle directe du ministère des affaires étrangères.
Il était composé, au 1er janvier 2000, de dix-neuf établissements - instituts français ou centres culturels français -, de trois antennes du service culturel et de deux établissements franco-allemands ayant le statut d'association de droit local.
Il est normal, dans un souci d'efficacité et de meilleure utilisation des compétences humaines comme des fonds publics, que ce réseau soit constamment modernisé et adapté à la nouvelle situation allemande ainsi qu'aux évolutions de la relation franco-allemande. La coopération entre nos deux pays demeure en effet une des priorités de la diplomatie culturelle de la France.

Au cours des dernières années, la France et l'Allemagne ont déjà engagé une première modernisation en profondeur de cette relation culturelle en se dotant de nouveaux instruments, auxquels elles consacrent des moyens importants. Il s'agit du centre Marc-Bloch à Berlin - centre de recherche en sciences sociales -, de la chaîne franco-allemande Arte, de l'université franco-allemande, de l'Académie franco-allemande du cinéma ou encore du Forum franco-allemand pour l'emploi.
Les crédits d'intervention alloués à notre poste en Allemagne ont par ailleurs été augmentés, alors que, vous le savez, le contexte budgétaire pour ce type d'actions est très contraint. La contribution française à l'Office franco-allemand pour la jeunesse est passé de 64 millions de francs à 70 millions de francs en trois ans, celle qui est consacrée à l'université franco-allemande, créée le 1er janvier 2000, se monte à 23,5 millions de francs et devrait atteindre, à terme, 25 millions de francs.
Dans ce nouvel environnement, les instituts français et centres culturels ne sont plus les seuls vecteurs de l'influence de la France en Allemagne : ils doivent s'intégrer dans un dispositif restructuré de coopération, de grande envergure, encore plus innovant et performant.
Je rappelle que les autorités britanniques ou allemandes se sont, elles aussi, engagées dans un programme de révision substantielle de leur dispositif culturel à l'étranger. S'agissant de la présence allemande en France, cela concerne, notamment, les instituts Goethe de Marseille, Toulouse et Lille, où l'implication des collectivités territoriales françaises et des milieux économiques est recherchée.
Pour ce qui est de la réforme de notre dispositif, elle aboutira, en 2002, à l'installation sur tout le territoire allemand d'une représentation française dans chaque Land, grâce, en particulier, à la création d'un nouveau type d'agents, à savoir des attachés de coopération culturelle ou de coopération universitaire, dotés d'un budget d'intervention, affectés auprès de chancelleries, de municipalités ou d'institutions universitaires. Ils seront chargés de monter en partenariat, dans un cadre à la fois bilatéral et multilatéral, des projets d'envergure dépassant le strict environnement local.
Nous développerons ainsi la capacité d'impulsion et d'action de nos agents, qui seront moins accaparés par les tâches de gestion et d'administration. Cette réforme ne conduira donc aucunement à réduire notre présence en Allemagne ou à en diminuer le coût. Elle vise en revanche à la rendre plus moderne, plus efficace, plus visible et mieux intégrée aux institutions allemandes.
Le dispositif sera notamment renforcé dans la partie orientale de l'Allemagne, là où la France ne disposait jusqu'à présent d'aucun relais. A cet effet, il est prévu de créer des postes d'attaché, notamment dans trois capitales de région : à Magdeburg, à Schwerin et à Postdam.
Les établissements culturels proprement dits seront au nombre de douze, demeurant localisés à Berlin, Brême, Cologne, Dresde, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Leipzig, Mayence, Munich, Sarrebruck et Stuttgart. Leurs moyens seront renforcés. Les établissements franco-allemands à Aix-la-Chapelle, Essen et Tübingen seront maintenus, à statut inchangé.
Le dispositif sera complété par des antennes culturelles du service culturel avec un poste d'attaché, localisées à Bonn, Erfurt, Hanovre, Heidelberg, Kiel et Rostock.
Au terme de la réforme, le dispositif comprendra donc vingt-sept sites travaillant en réseau, au lieu de vingt-quatre actuellement.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, la reconfiguration du réseau culturel français en Allemagne ne saurait en aucun cas être interprétée comme une volonté de la France de réduire sa présence dans ce pays qui demeure son premier partenaire en Europe. L'objectif est au contraire de renforcer l'efficacité de ce réseau en l'adaptant aux nouvelles formes d'échanges culturels et artistiques qui prévalent aujourd'hui entre les pays membres de l'Union européenne et en l'articulant mieux avec le dispositif institutionnel rénové de la coopération franco-allemande.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse très complète et précise. Permettez-moi simplement, en conclusion, d'exprimer le souhait que la reconfiguration que vous évoquiez, que la diversification de la présence culturelle française en Allemagne ne signifie en aucun cas ni désengagement ni allégement de notre présence, mais qu'elle se traduise par la recherche d'une meilleure efficacité et par l'expression d'une volonté forte consistant à faire de la culture un vecteur essentiel de notre présence en Allemagne. Je souhaite également que l'Allemagne assure, dans le même esprit, sa présence culturelle en France.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est bien le cas !

INSTRUCTION DES PERMIS DE CONSTRUIRE

M. le président. La parole est à M. Dupont, auteur de la question n° 998, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les insuffisances du fonctionnement des services de l'équipement chargés de l'instruction des autorisations liées aux droits des sols ainsi que de l'appel des taxes d'urbanisme liées aux permis de construire.
Il semble qu'il n'y ait plus assez de personnel pour instruire les permis de construire et pour appeler les taxes. Des retards importants dans l'instruction des permis sont constatés, des taxes ne sont pas appelées, et il est impossible d'obtenir des informations cohérentes sur les rendements de taxe à espérer.
A titre d'exemple, je mentionnerai la situation du Calvados. J'ai été alerté à la réception des chiffres de montants liquidés de taxes concernant la taxe départementale au profit des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE, pour le second semestre 1999 et le premier semestre 2000. Outre la communication très tardive de ces informations, j'ai été étonné de constater que les montants de taxe pour ces deux semestres variaient dans des proportions de un à trois. Cet écart, que ne justifie pas l'état de la construction, m'a amené à interroger la direction départementale de l'équipement.
Elle m'a confirmé les chiffres de montants de taxes liquidés. Or nous savons que les montants communiqués ne correspondent pas à ce qu'ils devraient être parce qu'il existe, dans différents secteurs du département, des retards de plusieurs mois dans l'instruction des permis de construire et dans l'appel des taxes. De plus, certaines taxes ne sont jamais mises en liquidation ; c'est ainsi que les services du Trésor sont saisis de demandes de particuliers surpris de n'avoir pas de taxe à verser, l'appel de taxe n'ayant jamais été produit.
Du fait de ces dysfonctionnements, les communes, les départements et les établissements - Rivages de France et CAUE - bénéficiaires des taxes ne sont pas en mesure de prévoir un budget et subissent des pertes de recettes considérables.
Ces problèmes récurrents, sur l'ensemble du territoire ont déjà fait l'objet de plusieurs rapports. Le rapport Vigouroux préconisait, en 1995, une mission d'inspection générale sur les circuits de la taxe départementale CAUE en rappelant que l'inspection générale des finances s'était déjà intéressée en 1992 aux fiscalités affectées à l'environnement. En novembre 1996, un rapport produit par Rivages de France et France Nature Environnement estimait que seulement 75 % des sommes liquidées au titre des taxes d'urbanisme étaient réellement recouvrés.
Les pertes annuelles de rendement étaient estimées, en 1996, à 170 millions de francs pour la taxe départementale espaces naturels sensibles, la TDENS, à 500 millions de francs pour la taxe locale d'équipement, la TLE, et à 30 millions de francs pour la taxe départementale CAUE. Cette dernière taxe ayant, en 1999, un rendement national de 180 millions de francs, on voit à quel point la perte est importante.
Monsieur le ministre, qu'entendez-vous faire pour remédier à cette situation ? Votre collègue Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ayant récemment déclaré qu'elle envisageait de demander aux préfets un contrôle du recouvrement et de la liquidation de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, ne pourriez-vous envisager d'étendre ce contrôle à l'ensemble des taxes d'urbanisme liées au permis de construire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est effectivement assez complexe et elle soulève un problème réel. Je vais m'efforcer d'y répondre le plus largement possible.
Parmi les seize mille communes qui disposent d'un plan d'occupation des sols et qui ont compétence pour délivrer plus de 80 % des autorisations d'urbanisme, un millier seulement assure l'instruction de ces autorisations, directement ou par le biais d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'une autre collectivité.
Les autres communes continuent à confier cette instruction aux services de l'Etat, qui assurent encore, de ce fait, l'instruction de 65 % des autorisations d'urbanisme.
Des efforts importants ont été fait pour améliorer les conditions de délivrance de ces autorisations et, en particulier, pour réduire - c'est un point que vous avez soulevé - les délais d'instruction et améliorer la sécurité juridique des actes délivrés. Aujourd'hui, d'après les éléments qui m'ont été transmis, les délais réglementaires sont respectés pour la grande majorité des actes concernés. Les quelques retards temporaires constatés sont souvent liés aux fluctuations parfois importantes des demandes d'autorisation, qui évoluent en fonction de l'activité économique.
S'agissant des taxes d'urbanisme exigibles des bénéficiaires de permis de construire, elles sont assises et liquidées par les directions départementales de l'équipement ou par les communes elles-mêmes. La taxe départementale pour le financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement est assise et recouvrée sur les principes définis pour le régime de la taxe locale d'équipement.
Les difficultés que vous avez évoquées étaient surtout liées à la mise en oeuvre de nouvelles procédures et de nouveaux matériels informatiques. Elles sont aujourd'hui largement dépassées et la quasi-totalité des redevables sont maintenant appelés à acquitter la taxe départementale dans le délai légal de dix-huit mois suivant la délivrance des permis de construire.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, les variations du rendement de cette taxe sont essentiellement liées aux fluctuations de l'activité économique. Je peux vous assurer que les services de l'Etat, pour leur part, poursuivront leurs efforts pour une plus grande régularité et une plus grande rigueur dans le recouvrement de ces taxes locales.
M. Ambroise Dupont. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, votre réponse fait état de la connaissance du problème, mais je ne suis pas sûr qu'elle le résout totalement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. On avance !
M. Ambroise Dupont. Il ne faudrait pas que de nouveaux retards perpétuent les dysfonctionnements que nous avons constatés dans le passé.
Dans le Calvados, les montants des taxes ne sont plus notifiés au prétexte des modifications engendrées par la nouvelle loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Selon les informations actuellement spécifiées dans les arrêtés de permis de construire, les montants dus ne seront notifiés qu'après la parution prochaine de circulaires d'application.
Que faut-il attendre, alors que la circulaire du 18 janvier 2001 a précisé que l'article 52 était d'application immédiate, donc à la date de promulgation de la loi du 13 décembre 2000, et que les montants forfaitaires mentionnés par la loi s'entendaient à valeur 1er juillet 2000 ?
Telles sont, monsieur le ministre, les questions qui se posent aujourd'hui au sujet du recouvrement de ces taxes liées à l'urbanisme.

CONDITIONS D'IMPLANTATION DES ÉOLIENNES

M. le président. La parole est à M. Le Grand, auteur de la question n° 1005, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-François Le Grand. Ma question concerne les problèmes posés par l'implantation des éoliennes.
Le programme Eole 2005 fait apparaître un certain nombre d'organismes qui lancent des démarches d'une manière intense sur des endroits où pourraient être implantées des éoliennes. Compte tenu de cette recherche un peu désordonnée mais rapide, des communes se laissent tenter par la perspective de taxe professionnelle, sans trop remarquer ce qui pourrait résulter en matière d'impact sur le paysage. De même, des particuliers se laissent allécher par des promesses d'ordre financier. Pour les convaincre, on leur fait notamment miroiter un retour sur investissement en quelques années. On voit donc se développer une pression tout à fait extrême sur les sites, les paysages et les départements qui pourraient accueillir des éoliennes.
Il n'existe pas de vide juridique. En effet, si les éoliennes de moins de douze mètres peuvent être implantées sans permis de construire, celles de plus de douze mètres nécessitent un permis de construire et une étude d'impact sous réserve que leur puissance soit inférieure à 1,5 mégawatt. Or les éoliennes, qui sont proposées ayant une puissance inférieure à 1,5 mégawatt, seul un permis de construire est demandé. On risque donc de voir se développer une quantité impressionnante d'éoliennes, qui ira à l'encontre du respect du paysage, préoccupation constante des collectivités locales ou territoriales.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que la réglementation actuelle soit modifiée, non pas pour la durcir mais pour éviter des implantations de manière un peu anarchique et excessive et qu'au moins une étude d'impact soit exigée pour des mâts de plus de douze mètres. Dans les années quatre-vingt-dix, j'ai été rapporteur de la loi « paysage ». Mme Royal, alors ministre de l'environnement, m'avait rappelé un proverbe chinois : « Le pignon de ma maison appartient à mon voisin. » Dites-vous bien une chose : s'agissant des éoliennes, même implantées sur un terrain privé, leur vue et le bruit qu'elles produisent appartiendront obligatoirement aux voisins. Une étude d'impact devrait donc au moins être exigée dès lors qu'est dépassée la limite de douze mètres que j'ai rappelée, et même si la puissance de ces éoliennes est inférieure à 1,5 mégawatt.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner qu'il n'existe pas de vide juridique à proprement parler en ce qui concerne l'implantation des éoliennes. Je ferai simplement quelques rappels.
Les éoliennes d'une hauteur inférieure ou égale à douze mètres au-dessus du sol sont exclues du champ d'application du permis de construire en application de l'article R. 421-1, 8°, du code de l'urbanisme. Celles dont la hauteur dépasse douze mètres au-dessus du sol sont soumises seulement à la procédure de la déclaration de travaux.
Etre exempté de permis de construire ne dispense pas du respect des dispositions législatives ou réglementaires applicables et énumérées à l'article L. 321-3. Cette méconnaissance des règles peut d'ailleurs être sanctionnée. En revanche, monsieur le sénateur, le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977, pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, prévoit que les constructions ou travaux exemptés du permis de construire sont dispensés d'étude d'impact.
De même, le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ne cite pas les éoliennes parmi les ouvrages qui sont soumis obligatoirement à enquête publique en application des articles L. 123-1 et suivants du code de l'environnement.
Le régime juridique relatif à l'implantation des éoliennes est donc effectivement relativement léger, mais on ne peut parler de vide juridique. J'ai bien entendu votre proposition. Proverbe chinois ou pas, si, après examen, le besoin de renforcer ces dispositions s'avérait indispensable, le Gouvernement mettrait bien sûr à l'étude les mesures à prendre.
M. Jean-François Le Grand. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Certes, les règles existent, mais - et je suis sûr que chacun aura compris l'intérêt de ma proposition - il faut les revoir car, en l'occurrence, il s'agit de quelque chose de neuf dans notre paysage, si je puis m'exprimer ainsi.
Si vous n'aviez pas précisé que le Gouvernement allait poursuivre l'examen de cette question, j'aurais déposé une proposition de loi pour compléter ce dispositif. Je vous remercie de faire en sorte que si, d'aventure, Don Quichotte venait à traverser nos paysages, il ne devienne pas complètement fou ! (Sourires.)

FRET FERROVIAIRE DANS LE BASSIN D'ALÈS

M. le président. La parole est à M. Rouvière, auteur de la question n° 1009, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je sais votre volonté de développer le fret ferroviaire. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à vous interroger sur un comportement plus que surprenant, voire scandaleux, de la SNCF en Languedoc-Roussillon, région que vous connaissez très bien.
Voici les faits : un industriel qui fabrique des palettes à Bessèges, dans le Gard, souhaite s'approvisionner par rail en bois de sciage auprès d'une société située dans les Landes ; or, la direction des chemins de fer propose un transport par fer depuis la gare de Labouheyre dans les Landes jusqu'à Alès dans le Gard, puis le transbordement du chargement de bois sur camion jusqu'à Bessèges, commune située à trente kilomètres d'Alès.
Cette proposition est surprenante puisque la ligne de chemin de fer entre Alès et Bessèges existe - elle fonctionne pour le transport des voyageurs - et que le fret arrive jusqu'à Saint-Ambroix, ville située entre Alès et Bessèges et seulement à dix kilomètres en aval de Bessèges. Le problème porte donc sur dix kilomètres.
Il est étonnant de constater que la Société nationale des chemins de fer français ne trouve pas de solution. Ce problème est important non seulement pour la société de palettes de Bessèges concernée, mais aussi pour d'autres industriels qui souhaiteraient s'implanter dans le bassin d'Alès. Il semblerait que la SNCF ne soit pas du tout intéressée pour trouver une solution plus rationnelle.
Ce comportement est d'autant plus choquant, monsieur le ministre, que le bassin d'Alès bénéficie d'aides financières exceptionnelles pour le maintien et pour la création d'emplois. D'ailleurs, voilà quelques années, la société des palettes de Bessèges a pu se développer grâce au Fonds européen de développement régional, le FEDER, grâce à l'Etat, grâce au conseil régional du Languedoc-Roussillon et grâce au conseil général du Gard.
Monsieur le ministre, le rail ne peut pas demeurer en marge de cette conjugaison des efforts. On ne parviendra pas à me convaincre que la SNCF ne peut pas trouver de solution pour que le fret parcoure dix kilomètres de plus : la voie ferrée existe et elle dessert une gare en activité.
Si aucune solution raisonnable n'est trouvée, il faudra bien en conclure que la SNCF ne vise que la rentabilité et que les notions d'intérêt général et d'aménagement du territoire ne font pas partie de ses préoccupations. Il s'agit d'un problème important. En effet, si le Gouvernement n'intervient pas, d'autres grands services peuvent adopter le même comportement et ne plus assumer leur mission d'aménagement du territoire.
Je ne peux m'empêcher de m'interroger sur l'intérêt qu'il y a à inciter des industriels à s'installer dans le bassin d'Alès si nous ne sommes pas capables, monsieur le ministre, de résoudre ensemble ce microproblème.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je ferai d'abord une remarque d'ordre plus général : le Gouvernement, qui s'est engagé dans une politique de rééquilibrage entre les différents modes de transport, a décidé - et c'est un engagement fort - de doubler en dix ans le trafic ferroviaire de marchandises. Nous y sommes d'ailleurs obligés car, sinon, nous allons droit à l'asphyxie, notamment du fait de l'hypertrophie du transport routier. Vous connaissez les propositions que nous avons faites et les dispositions que nous avons prises en ce qui concerne notamment le ferroutage.
Je ferai un bref rappel du passé. De 1984 à 1997, la SNCF a supprimé 86 000 emplois de cheminots, a fermé des milliers de gares et a réduit son activité. C'était la logique qui prévalait.
Depuis 1997, non seulement nous ne supprimons plus d'emplois de cheminots, mais nous en créons, l'embauche de 26 000 agents ayant été décidée, non seulement nous ne réduisons pas le trafic marchandises à une part secondaire de l'activité de la SNCF, mais nous voulons le développer et le renforcer. Cela nous oblige d'ailleurs - et il y a là un lien avec le « microproblème » que vous évoquez, qui n'est d'ailleurs pas un microproblème pour les personnes concernées -, pour faire face à la demande d'activité du trafic de marchandises, à acheter 600 locomotives. La situation actuelle donne lieu, en effet, à de nombreux compromis pour l'utilisation du matériel existant. L'achat de ces 600 locomotives représentent une dépense de l'ordre de 8 milliards de francs. Cela ne se trouve pas, comme l'on dit, sous le sabot d'un cheval !
Cela étant, la question que vous posez est importante. Il est vrai que la SNCF bénéficie d'une large autonomie de gestion, mais ses équilibres financiers, notamment, doivent être préservés. Il ne faut pas qu'elle se retrouve comme voilà trois ou quatre ans, avec un endettement de 200 milliards de francs, qui a failli la conduire à la faillite.
Je suis attaché au développement du fret ferroviaire, en particulier lorsqu'il peut jouer un rôle en matière d'aménagement du territoire. J'ai donc demandé à la SNCF d'étudier la situation que vous me soumettez avec la plus grande attention. Je vous livre les éléments de réponse qu'elle m'a transmis.
L'offre pour le transport de bois de sciage faite à l'expéditeur contre paiement des frais de transport, et qui constitue la solution jugée la plus compétitive, porte sur une prestation globale. Celle-ci comporte le transfert ferroviaire jusqu'en gare d'Alès, le transbordement sur camion et un cheminement routier terminal jusqu'au lieu de destination à Bessèges.
La raison de cette situation réside dans les conditions concrètes de l'exploitation ferroviaire sur le site. La ligne Alès - Bessèges existe en effet, monsieur le sénateur, mais c'est une ligne à voie unique sur laquelle les conditions de circulation connaissent de nombreuses contraintes. En l'état actuel de son exploitation, il n'est pas apparu possible, m'a indiqué la SNCF, de prolonger jusqu'à Bessèges le train fret desservant Saint-Ambroix.
La mise en place d'une desserte supplémentaire afin de desservir Bessèges présenterait à première vue, toujours selon la SNCF, un surcoût élevé par rapport à la desserte intermodale actuellement proposée, en immobilisant une équipe de desserte pour la journée et une locomotive, alors que, compte tenu de la croissance du trafic, la SNCF n'en a pas de disponibles pour le moment. Tout cela entre donc en ligne de compte.
Les coûts de travaux d'infrastructures nécessaires pour la réouverture de la gare de Bessèges au trafic fret ne sont pas non plus à négliger.
Telle est la réponse de la SNCF. Cependant, à la suite du dépôt de votre question, monsieur Rouvière, j'ai demandé à la SNCF d'approfondir encore les conditions permettant de prolonger la desserte actuellement limitée à Saint-Ambroix.
Dans cette attente, l'offre qui a été faite associe les avantages respectifs des différents modes de transport et s'inscrit dans le cadre d'une intermodalité bien comprise, à laquelle, vous le savez, je suis attaché. Elle doit cependant être, pour le moment, de nature à apporter des réponses crédibles à la demande de l'entreprise concernée.
M. André Rouvière. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je ne doute ni de votre volonté ni de celle du Gouvernement de développer le transport ferroviaire de fret, mais je constate, à la lumière de cet exemple, que cette volonté n'est pas partagée par les responsables du rail. En effet, j'ai longuement discuté avec les deux directeurs du rail à Montpellier. Je veux bien croire que l'on manque de locomotives ; mais lorsqu'une locomotive amène à Alès du bois des Landes et qu'elle peut continuer jusqu'à Saint-Ambroix, je n'arrive pas à comprendre, même si je fais des efforts, que cette même locomotive ne puisse pas parcourir les dix kilomètres qui restent !
M. Jean-François Le Grand. C'est trop simple !
M. André Rouvière. Quant à l'argument du transport sur une voie unique, il n'est pas plus pertinent. Je précise, en effet, que la gare de Bessèges est un terminus : on a vite fait de compter les trains qui passent dans la journée ; une seule main suffit !
Le seul problème, monsieur le ministre, c'est que l'on a là, à l'évidence, une volonté de ne pas trouver de solution, car, et je le comprends très bien, le transport d'une douzaine de wagons chargés de bois par mois n'intéresse pas la SNCF.
Reste le plus important, à savoir la solidarité dont on doit faire preuve pour aider un bassin industriel, le bassin d'Alès, qui est en grande difficulté. A quoi sert de mobiliser des crédits si l'on n'est pas capable de résoudre un tel problème ? Je sais, monsieur le ministre, que vous ferez tout ce que vous pourrez, mais il me paraît important d'ouvrir un dialogue avec les responsables du rail pour leur faire comprendre que leur propre intérêt n'est pas la seule finalité et que, certains moments, il faut considérer l'intérêt de l'ensemble des bassins industriels concernés.
Cela étant, je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

CRÉATION DE CENTRES SPORTIFS DE FORMATION
DANS LES ZONES RURALES

M. le président. La parole est à M. de Montesquiou, auteur de la question n° 999, adressée à Mme le ministre de la jeunesse et des sports.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de développer des centres sportifs de formation dans les zones rurales. Si notre pays a la chance de posséder actuellement de très grands sportifs qui constituent des exemples pour notre jeunesse, la relève se prépare néanmoins dès aujourd'hui en repérant de nouveaux talents sur l'ensemble du territoire, par exemple dans les sports collectifs comme le rugby, le basket, le football et le handball, qui développent à la fois l'esprit de compétition et de solidarité.
Or, dans les zones rurales, et malgré les compétences et le dévouement des dirigeants et des entraîneurs des petits clubs en faveur des écoles de sport, les jeunes talents issus de la ruralité ne bénéficient pas des mêmes chances que ceux qui sont issus des grands centres urbains. Afin qu'ils puissent mieux concilier entraînement intensif et scolarité et pour tendre à l'égalité des chances entre les jeunes des zones urbaines et ceux des zones rurales, il est donc indispensable de créer des centres sportifs de formation de niveau intermédiaire dans les zones rurales.
Madame la ministre, vous êtes certainement favorable à la création de tels centres. Quels sont les moyens que vous entendez dégager ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que, si nous avons de grandes championnes et de grands champions, c'est d'abord grâce aux clubs associatifs, aux bénévoles et aux éducateurs. Si nous obtenons de tels résultats en ce moment, c'est parce que le sport français est enraciné sur tout le territoire et il faut porter une attention particulière aux zones rurales.
D'ailleurs, le mois dernier, à Vichy, à la demande de très nombreux conseils départementaux de la jeunesse, nous avons tenu une réunion du Conseil national de la jeunesse uniquement consacrée à la place des jeunes dans la ruralité. A cette occasion, les questions du sport ont été évoquées : accessibilité, équipement, transport. Nous avons également tenu dans la foulée une réunion sur les emplois-jeunes dans les zones rurales, qui sont souvent, d'ailleurs, source de nouveaux services.
Aussi, je considère votre proposition de création de centres sportifs de formation de niveau intermédiaire en zone rurale comme tout à fait positive. Elle pourrait intégrer la réflexion du Conseil national de la jeunesse et, surtout, celle que nous avons engagée à la commission nationale du sport de haut niveau pour réviser des filières, notamment les pôles « espoirs ».
D'ores et déjà, nous travaillons à une meilleure implantation de ces pôles en veillant, bien entendu, à ce que l'entraînement s'accompagne d'un suivi rigoureux des études. En effet, nous le savons, de tous ces jeunes appelés dans les pôles « espoirs », peu, demain, deviendront des championnes et des champions. Il faut donc également les préparer à la vie active.
Notre démarche consiste surtout à ne pas trop éloigner le jeune de sa famille, de son milieu, de son club, d'où la nécessité d'avoir une vision nationale de l'implantation des centres de formation. Cette démarche rejoint donc la vôtre, monsieur le sénateur, et intègre complètement votre proposition.
En outre, le fait que nous ayons pu créer un neuvième schéma collectif consacré au sport nous permettra de mieux couvrir en équipements l'ensemble du territoire national. Nous veillerons également au maintien et au développement des conseillers techniques locaux, qui peuvent suivre les jeunes et les aider à s'orienter.
Enfin, vous le savez, j'ai multiplié par deux la part régionale du Fonds national pour le développement du sport, afin que tous les clubs, notamment ceux des zones rurales, puissent en bénéficier. Mais je prends en compte votre proposition, monsieur le sénateur, et je la soumettrai à la prochaine réunion de la Commission nationale du sport de haut niveau.
M. Aymeri de Montesquiou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, votre réponse me rassure, mais les élus des zones rurales ont néanmoins la conviction que, chez eux, les jeunes ne disposent pas des mêmes chances que dans les zones urbaines, que la notion d'égalité des chances n'est ainsi qu'un « voeu laïc ».
Ce sentiment a encore été accentué par une déclaration de Mme Voynet, voilà trois ans, qui disait que l'on devait mettre fin à une politique « ruralo-ruraliste ».
Si donc votre prise de conscience me rassure, j'aurais été heureux que vous étayiez vos propos par un chiffrage indicatif.

CIRCULATION DES MOTOS-NEIGE
À DES FINS DE LOISIRS

M. le président. La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 1012, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, j'interviens aujourd'hui pour vous faire part de mon inquiétude. Je serais effectivement peiné que le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement soit à l'origine d'une nouvelle saisine de la justice européenne.
Une fois de plus, il semblerait que la France risque de se faire montrer du doigt par la Cour européenne des droits de l'homme pour sa conception, somme toute personnelle, des libertés publiques. En effet, il apparaît que la liberté de circuler et le droit de propriété se voient, une fois encore, bafoués à la suite de la circulaire de décembre 2000 relative à la circulation des motos-neige à des fins de loisirs.
Prise à l'issue de la rencontre du 27 septembre dernier, à Chambéry, avec les principaux acteurs concernés, elle s'avère empêcher toute évolution nécessaire à la tenue des pratiques et aux besoins spécifiques des populations montagnardes.
Déjà, l'application de la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels avait créé des difficultés pour les maires des stations et des communes touristiques de montagne. Cette loi reposait sur un principe général d'interdiction de tous les véhicules à moteur dans les espaces naturels. Seul l'article 4 autorisait, à titre dérogatoire, l'utilisation des motos-neige à des fins de loisirs sur des terrains spécialement ouverts à cet effet, et ce conformément à l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme.
Certes, la rédaction de cette circulaire s'imposait pour des questions de sécurité et d'évolution récente de la jurisprudence en la matière. Toutefois, aucune des propositions formulées par les associations nationales d'élus, qu'il s'agisse de l'association nationale des élus de la montagne, l'ANEM, ou de l'association des maires des stations françaises de sports d'hiver et d'été, n'a été prise en considération.
Ainsi, notamment, le convoyage des clients vers les restaurants d'altitude, la desserte des chalets isolés, la circulation des motos-neige sur des voies fermées à la circulation publique restent soumis aux interdictions prévues par la loi.
La notion de « terrain » étant conçue de façon très restrictive, il est manifeste que l'idée sous-jacente de cette mesure n'était autre que la réduction à sa plus stricte expression des possibilités d'utilisation des motos-neige à des fins de loisirs.
C'est la raison pour laquelle je me permets de demander à Mme la ministre de l'environnement si le Gouvernement a l'intention de traduire dans les faits les évolutions qui permettraient, tout en respectant les contraintes liées à l'environnement et à la sécurité, de prendre en considération les propositions formulées par les élus et les professionnels de la montagne.
Par ailleurs, je désirerais savoir si elle a l'intention de porter à la connaissance des associations nationales les conclusions du rapport élaboré par l'inspection générale de son ministère au sujet de l'immatriculation des motos-neige.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, Mme Voynet, empêchée ce matin, m'a demandé d'apporter les éléments de réponse suivants à votre question.
La circulaire de septembre dernier, élaborée après une large concertation avec l'ensemble des acteurs de la montagne, respecte l'esprit de la loi de 1991, qui vise à la fois à la protection des espaces naturels et à la sécurité des personnes en montagne.
La loi, vous l'avez souligné, pose le principe de l'interdiction des véhicules à moteur. Cependant, toute une série de dérogations sont prévues. Sont ainsi visés les véhicules utilisés à des fins de service public, dans le cadre d'activités professionnelles, y compris pour assurer le ravitaillement des restaurants d'altitude lorsqu'il n'y a pas d'autre moyen de les atteindre, ou pour l'entretien et l'exploitation des espaces naturels.
En ce qui concerne les pratiques de loisirs, c'est la notion de terrain - d'une façon qui ne me paraît pas excessivement restrictive - qui a été retenue, avec deux seules conditions : le balisage complet du terrain et son affectation exclusive à cette activité, pour des raisons de sécurité.
Pour ce qui est du rapport de l'inspection générale, il est disponible à ce jour sur le site du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Enfin, Mme la ministre de l'environnement a demandé aux préfets coordinateurs des massifs de réunir un groupe de travail au niveau de chaque massif pour avoir une vision globale des terrains aménagés.
Vous permettrez au ministre de la jeunesse et des sports d'ajouter qu'au mois de juin prochain se mettra en place le conseil national des activités physiques et sportives, auquel participeront, bien sûr, tous les acteurs du mouvement sportif mais également des représentants des élus et des associations d'élus. Au sein de ce conseil national des activités physiques et sportives, la loi a permis la mise en place d'un comité national des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature. Dès qu'il sera constitué, ce comité national devrait pouvoir se saisir de la question qui vous préoccupe, monsieur le sénateur.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous m'avez apportées, mais j'aurais bien sûr préféré des réponses prenant davantage en compte les préoccupations des élus et des professionnels de la montagne.
Je l'ai dit, nous sommes tous attachés à la sécurité, à la protection de l'environnement et de la qualité de vie. Nous vivons tous dans des sites exceptionnels qu'il faut protéger.
Comme Mme la ministre de l'environnement, je suis très attaché à la protection de la faune et de la flore, à la protection du grand tétras, du petit tétras, des crapauds siffleurs à ventre jaune ou de je ne sais quelle variété d'ancolie ! (Sourires.) Mais, autant que de la flore et de la faune, c'est aussi des populations qui vivent sur ces territoires et qui les font vivre qu'il faut tenir compte, en leur permettant d'exister.
C'est, finalement, tout le problème de l'aménagement durable, celui qui tient compte de l'économie et de l'écologie, qu'il faut concilier, mais pas au détriment des acteurs économiques. J'espère que le bon sens l'emportera sur le dogmatisme.

SITUATION DES DEMANDEURS D'ASILE

M. le président. La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 859, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. André Vallet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite évoquer ici le sort des demandeurs d'asile durant la période qui précède la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA.
Vous n'ignorez pas la procédure : les demandeurs d'asile doivent se présenter à la préfecture, au bureau des étrangers ; leur requête est transmise à l'OFPRA, et le représentant de l'Etat leur délivre une convocation qui leur servira de titre de séjour provisoire.
Depuis le 1er octobre 1991, la délivrance de ce titre provisoire de séjour ne vaut plus autorisation de travail. Entre le moment où le demandeur d'asile reçoit sa convocation et le jour où il sera reçu, s'écoulent souvent entre trois et cinq mois.
A compter du jour du dépôt de la demande, la préfecture ne se préoccupe ni de connaître les moyens de subsistance du demandeur d'asile ni de l'assister dans les démarches nécessaires à la constitution de son dossier.
Il est vrai que la loi prévoit que l'inscription à la préfecture ouvre droit à une certaine prise en charge du demandeur d'asile. L'aide apportée par la collectivité prend la forme soit d'un hébergement, soit du versement d'indemnités qui sont censées lui permettre de subvenir à ses besoins jusqu'à la décision finale de l'OFPRA.
Le montant de l'allocation versée est d'environ 1 300 francs mensuels. Les aides publiques apportées aux demandeurs d'asile nous paraissent très insuffisantes. Pour tout ce qui concerne l'hébergement, la santé, les traductions, l'aide psychologique, voire matérielle, l'étranger est bien souvent contraint de faire appel aux associations ou aux bureaux d'aide sociale des municipalités. Un exemple récent a montré l'inadéquation du dispositif actuel face à certaines situations humaines d'une extrême gravité.
Il n'est pas admissible, de mon point de vue, qu'un demandeur d'asile qui a fui son pays, qui est traumatisé tant physiquement que psychologiquement, en soit réduit à vivre dans une précarité absolue, alors que le minimum consisterait à l'accueillir convenablement pendant l'étude de son cas.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, la situation, au regard du séjour, des étrangers demandeurs d'asile est soumise aux dispositions de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.
C'est le préfet qui est chargé d'examiner les demandes. Aussi les intéressés doivent-ils se faire remettre par les préfectures un dossier de reconnaissance de la qualité de réfugié. Ils reçoivent alors une autorisation provisoire de séjour d'une durée d'un mois.
Ce délai d'un mois est destiné à leur permettre de remplir le dossier et de le déposer à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, qui leur remet en contrepartie un certificat de dépôt.
Au vu de ce certificat de dépôt, la préfecture leur délivre un récépissé valant autorisation de séjour, pour une durée de trois mois, renouvelable autant que nécessaire jusqu'à ce que l'OFPRA et, le cas échéant, en appel, la commission des recours des réfugiés, aient statué.
Cette réglementation est donc simple et claire.
Je rappellerai, cependant, que la décision faisant qu'un titre de séjour ne valait plus autorisation de travail a été prise par le Gouvernement, en 1991, à la suite d'un afflux exceptionnel de demandeurs d'asile.
En contrepartie de l'impossibilité d'accéder à un emploi, les demandeurs bénéficient à titre gratuit d'un hébergement dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile ainsi que de différentes aides financières.
Au cours du premier mois, le demandeur d'asile peut - vous l'avez dit - bénéficier d'une allocation d'attente versée par le service social d'aide aux émigrants sur présentation de l'autorisation provisoire de séjour délivrée par la préfecture.
Puis, sur présentation du certificat de dépôt de demande du statut de réfugié, il peut soit bénéficier de l'allocation d'insertion pendant une durée de douze mois, soit, s'il est sans logement ou sans ressources suffisantes, être hébergé dans un centre d'accueil pour demandeur d'asile ou CADA. Par ailleurs, la personne hébergée dans un centre d'accueil reçoit un pécule dont le montant varie en fonction de sa situation familiale.
D'une manière générale, le Gouvernement entend réduire efficacement les délais d'instruction des dossiers d'asile et rendre plus efficientes les procédures administratives. Ainsi, des moyens exceptionnels ont été dégagés pour renforcer les effectifs de l'OFPRA et de la commission des recours des réfugiés, ce qui devait permettre de réduire de manière sensible les délais d'instruction des dossiers.
En outre, la capacité des CADA a été augmentée de manière significative puisque 1 500 places nouvelles ont été créées depuis l'année 2000 et que 500 autres seront créées d'ici à la fin de 2001. Nous disposons donc, à ce jour, d'un nombre total de 5 300 places.
D'autres initiatives vont pouvoir prochainement être prises dans ce domaine grâce à l'appui financier du fonds européen pour les réfugiés adopté par décision du Conseil Justice et Affaires intérieures de l'Union européenne en date du 28 septembre 2000.
Monsieur le sénateur, pour terminer votre intervention, vous avez justement fait état des conditions de vie des demandeurs d'asile, des traumatismes qui sont fréquemment les leurs à leur arrivée. Sachant tout l'intérêt que je porte à ces questions, vous pouvez compter sur moi pour me faire l'écho de votre intervention auprès du ministère de l'intérieur.
M. André Vallet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis bien sûr satisfait d'apprendre que les délais vont être réduits grâce à l'embauche de nouveaux fonctionnaires à l'OFPRA. Mais c'est surtout le délai qui s'écoule entre l'arrivée d'un demandeur d'asile et la décision d'autorisation ou de refus de rester sur le territoire qui me paraît bien trop long. Je souhaite donc que le Gouvernement s'emploie à le réduire au minimum, car, aujourd'hui, la situation est préoccupante.
J'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est sur le terrain que l'on se rend compte de la gravité de cette situation, car ce sont les maires qui accueillent ces personnes, ce sont eux qui leur apportent, au travers de leur bureau d'aide sociale, l'aide qu'ils n'obtiennent pas de l'Etat.

MODALITÉS DE VERSEMENT DE L'ALLOCATION
DE VÉTÉRANCE AUX SAPEURS-POMPIERS

M. le président. La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 1003, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Louis Souvet. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne l'ignorez pas, l'ensemble de la population plébiscite l'action des sapeurs-pompiers pour leur disponibilité, leur rapidité d'intervention et leur dévouement. Il est donc normal que la nation leur témoigne à tous sa reconnaissance, sans aucune discrimination. Il existe cependant une importante discrimination à l'égard des anciens sapeurs-pompiers quant au montant de l'allocation de vétérance.
Je rappelle très brièvement le principe de l'allocation nouvelle formule : à compter du 1er janvier 1998, une part dite « variable » a été instaurée. Après la quinzième année de service, une vacation horaire dans le grade de l'intéressé au moment de son départ est servie par année supplémentaire effectuée.
Cette disposition est loin de faire l'unanimité car les sapeurs-pompiers volontaires ayant cessé leur activité avant le 1er janvier 1998 ne peuvent pas en bénéficier et parce que certains départements versent cette allocation quelle que soit la date de cessation de l'activité de l'intéressé.
J'insisterai particulièrement sur deux points afin que le Gouvernement reconsidère les modalités de ce dispositif et le généralise à l'ensemble des ayants droit potentiels.
Tout d'abord, l'incidence budgétaire de l'élargissement du dispositif serait relativement faible, puisque peu de volontaires vont au-delà de quinze ans de service.
Ensuite, en laissant cette part dite « variable » à l'initiative des départements, un système à deux vitesses risquerait de se mettre en place.
Dans un souci d'équité tout autant que de reconnaissance des services accomplis au bénéfice de la population, il apparaît opportun d'instituer une obligation de payer tant la part fixe que la part « variable ». Ces soldats du feu ont risqué leur vie ; ne soyons pas mesquins en leur refusant cet élargissement !
Les intéressés, et c'est bien légitime, sont très mécontents de la discrimination actuelle. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que le ministère de l'intérieur que vous représentez saura entendre ce mécontentement et prendre les mesures qui s'imposent. Au nom des soldats du feu, je vous en remercie par avance.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, vous l'avez dit, le nouveau cadre juridique de l'allocation de vétérance versée au sapeur-pompier volontaire après cessation de son activité ainsi que les modalités de son financement ont été fixés par la loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers.
L'application de ce dispositif s'est heurté à trois difficultés essentielles : les conditions d'attribution de l'allocation sont apparues trop restrictives ; les modalités de calcul de la part variable se sont révélées délicates à mettre en oeuvre ; enfin, les modalités de son financement ont suscité une certaine réprobation de la part des sapeurs-pompiers volontaires.
Aussi la loi du 23 février 1999 est-elle venue corriger certaines dispositions.
Tout d'abord, elle a assoupli les conditions d'attribution de l'allocation de vétérance : le sapeur-pompier qui a effectué au moins vingt ans de service a droit, à compter de l'année où il atteint la limite d'âge de son grade ou de l'année de fin de la prolongation d'activité, à une allocation de vétérance. Ensuite, le montant annuel de la part variable de l'allocation de vétérance est modulé compte tenu des services accomplis par le sapeur-pompier volontaire. Enfin - et je crois que c'est là le coeur du débat - le financement de l'allocation de vétérance incombe en totalité aux autorités d'emploi, collectivités territoriales et établissements publics. Par ailleurs, toute participation des sapeurs-pompiers volontaires à ce financement est supprimée.
Ces différentes dispositions ont permis le versement de l'allocation de vétérance à un nombre beaucoup plus important de sapeurs-pompiers.
Elles ont pris effet au 1er janvier 1998, comme vous l'avez rappelé.
Ainsi, les sapeurs-pompiers volontaires qui ont cessé leur activité après le 1er janvier 1998 et qui remplissent les conditions de durée de service requises perçoivent, à compter de l'année où ils atteignent la limite d'âge de leur grade ou de l'année de fin de la prolongation d'activité, la part forfaitaire et la part variable de l'allocation de vétérance.
Les sapeurs-pompiers volontaires qui, ayant cessé leur activité avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 3 mai 1996, remplissent les conditions fixées perçoivent la part forfaitaire de l'allocation de vétérance. Ceux qui bénéficiaient, avant le 1er janvier 1998, d'un régime d'allocation de vétérance plus favorable pourront en conserver le bénéfice - c'est le grand débat sur la décentralisation - si les collectivités territoriales et les établissements publics concernés le décident.
Vous dites qu'il faudrait que la nation dans son ensemble prenne en charge un régime unique pour tout le territoire. Mais le Parlement a choisi de rapprocher l'intervention des hommes du feu de l'échelon local. Et, s'il existe des disparités entre les départements, si certains d'entre eux prennent moins en considération le courage des sapeurs-pompiers, je crois néanmoins que la loi est claire.
La loi autorise les employeurs que sont les collectivités locales ou des établissements publics à maintenir ces avantages. S'ils ne le font pas, chacun sera obligé de constater que les assemblées démocratiques, déconcentrées et décentralisées de notre pays ont légitimement adopté des attitudes différentes, dossier par dossier.
M. Louis Souvet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses que vous m'avez apportées, mais j'aurais aimé vous entendre exprimer votre volonté de faire un effort complémentaire dont l'incidence budgétaire, je le répète, serait faible puisque très peu de sapeurs-pompiers volontaires vont au-delà de quinze ans d'exercice.
On fait appel aux sapeurs-pompiers, y compris aux volontaires, lors des grandes catastrophes naturelles, et ils interviennent parfois au péril de leur vie. Dans ce cas, il ne me semble pas que l'on fasse de différence entre les pompiers selon qu'ils sont volontaires ou professionnels, selon le département dont ils viennent, selon qu'ils touchent ou non une allocation de vétérance.
Je crois que le service et l'exigence sont les mêmes pour tous et qu'il serait donc plus convenable que vous accédiez à cette demande. Cette question mécontente profondément les sapeurs-pompiers et risque de vous attirer des ennuis. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe dubitatif.) Si ! On en a vu des exemples tout récemment encore. Or, selon moi, il s'agit vraiment d'économies de bouts de chandelle !

GESTION BUDGÉTAIRE
DANS LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL

M. le président. La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 885, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Philippe Richert. J'ai souhaité attirer l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les problèmes budgétaires rencontrés par le secteur médico-social.
Depuis la loi de finances pour 1999, l'enveloppe médico-sociale a été intégrée dans l'ONDAM, l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie. Dès lors, les dépenses réelles de l'assurance maladie doivent respecter le montant des budgets alloués, ce qui est en soi, reconnaissons-le, une excellente chose, qui permettra le retour à une gestion saine.
La difficulté que je voudrais évoquer tient au fait que, jusqu'à aujourd'hui, beaucoup d'établissements présentent finalement des écarts de l'ordre de 10 % à 15 % entre budget alloué et dépenses réelles. Ils ne peuvent équilibrer leurs comptes qu'en faisant de la suractivité réelle, c'est-à-dire en accueillant plus de personnes que leur agrément ne le leur permet, ce qui n'est pas sans poser des problèmes de qualité et de sécurité, ou en faisant de la suractivité fictive, c'est-à-dire en négociant avec la DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, des prévisions de journées plus basses que celles qu'ils vont effectivement réaliser.
Il s'agit de pratiques fallacieuses et malsaines qui, dénoncées par les établissements ainsi que par les organisations professionnelles, justifient la réforme. Si personne ne conteste sur le fond les objectifs de rationalisation des dépenses de l'assurance maladie, il convient de reconnaître que certains établissements risquent d'être mis dans des situations financières inextricables du simple fait d'un décalage significatif entre leur prévision et leur réalisation de dépenses.
L'existence de ce problème a été reconnue dans la circulaire budgétaire du 18 février 2000, mais, pour l'instant, aucune proposition concrète n'est parvenue aux intéressés.
Ainsi, je souhaiterais connaître les initiatives du Gouvernement afin que les ambiguïtés pour les établissements soient levées, avec une mise à plat préalable des budgets fondée non pas sur les prévisions, mais sur les coûts réellement supportés antérieurement par ces mêmes établissements.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur les difficultés pratiques de gestion que rencontreraient un certain nombre d'associations gestionnaires d'établissements médico-sociaux du fait de dépenses réelles supérieures aux enveloppes fixées par la loi de financement de la sécurité sociale. Je vous en donne acte, mais nous partageons cet objectif, qui est d'essayer d'établir une prévision de dépenses qui soient maîtrisées.
Comme vous le savez, le Gouvernement attache une importance particulière au secteur médico-social. Au sein de l'ONDAM, il apparaît très clairement comme une priorité, puisqu'il enregistre le taux de progression le plus élevé. Je le rappelle, l'objectif est de 5,8 % pour 2001, contre 4,9 % pour 2000.
C'est ainsi que le Premier ministre a annoncé, depuis 1998, deux plans en faveur des personnes handicapées, à hauteur de 2,5 milliards de francs sur trois ans. Par ailleurs, pour les établissements pour personnes âgées, ce sont 6 milliards de francs sur cinq ans qui ont été dégagés.
Cette augmentation significative des moyens doit permettre progressivement la disparition des situations que vous avez évoquées.
Il est vrai que des difficultés ponctuelles ont pu être réglées dans certains établissements. Les causes en sont multiples. Elles peuvent tenir à l'histoire de ces établissements, à la particularité des publics pris en charge, qui est parfois mal appréhendée par le système de tarification, au coût particulièrement élevé de tel ou tel établissement au regard de la moyenne.
Quoi qu'il en soit, la préoccupation du Gouvernement est d'assurer la pérennité de la prise en charge des personnes accueillies et de la qualité de cette prise en charge. Ce que l'on appelle dans le vocabulaire technique la « reprise des déficits » permet le plus souvent d'y parvenir dans le cadre d'une négociation avec les autorités de tutelle.
La forte augmentation de l'enveloppe médico-sociale éteint également progressivement ce type de situations.
Par ailleurs, la rénovation prochaine de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales et ses textes d'application permettront de définir de nouveaux mécanismes qui conforteront la gestion des établissements.
Enfin, la très grande majorité des établissements bénéficient de financements à la hauteur des dépenses qui sont les leurs. Depuis 1997, le Gouvernement s'y emploie à chaque exercice budgétaire, et cet effort sera poursuivi pour garantir aux personnes hébergées la prise en charge de qualité à laquelle elles ont droit.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je remercie M. le secrétaire d'Etat de ces précisions qui confirment l'engagement du Gouvernement d'essayer d'apporter des solutions.
Mais le problème est grave parce que ces établissements sont confrontés au risque de voir leurs moyens coupés durant l'année et à l'inconvénient de ne pas pouvoir élaborer leurs budgets selon des procédures claires.
Mes chers collègues, jusqu'à présent, les établissements disposaient d'un budget annuel qui pouvait être dépassé en cas de suractivité. En réalité, pour faire face à ses besoins, l'établissement pouvait enregistrer des actes, des admissions fictifs. Il pouvait ainsi obtenir les moyens réels dont il avait besoin.
Aujourd'hui, on dit qu'il faut se débarrasser de ce système malsain. Soit ! Mais l'établissement doit continuer à fonctionner dans des conditions correctes et, pour ce faire, il a besoin de moyens supplémentaires.
Il est donc nécessaire, avant d'instaurer un nouveau système, de procéder à une mise à plat complète, non pas sur la base des prévisions budgétaires - on sait bien qu'elles étaient fausses - mais sur les réalités, c'est-à-dire sur les montants nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de l'établissement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la réponse qui consiste à dire : « Nous regardons au cas par cas et nous essayons de trouver des solutions », n'est pas satisfaisante. Je souhaite en effet que les établissements ne soient pas confrontés tous les ans à la question de savoir s'ils pourront boucler ou non leur année budgétaire.

AIDE À DOMICILE EN MILIEU RURAL

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 1010, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean Boyer. Ma question porte sur l'aide à domicile en milieu rural, l'ADMR.
Pour la première fois en cinquante années d'existence, les intervenants de l'aide à domicile sont descendus dans la rue ; c'était le 21 octobre dernier. Cette manifestation a réuni environ 8 000 personnes venues exprimer le mécontentement d'un secteur qui n'est pas reconnu et qui se caractérise par un manque criant de financements publics et des conditions d'emploi particulièrement précaires.
Le secteur de l'aide à domicile a pris une importance considérable dans notre pays. L'aide à domicile en milieu rural représente à elle seule 2 700 associations locales, 38 000 professionnels et 100 000 bénévoles. Chaque année, elle aide 250 000 personnes - des personnes âgées pour la plupart, mais aussi des familles - pour des difficultés passagères, une grossesse ou un veuvage, par exemple.
La demande est en pleine croissance, mais ce secteur de l'aide à domicile peine à recruter étant donné les mauvaises conditions de salaires et d'emploi.
Ce secteur essentiel n'est pas suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics.
En ce qui concerne les 35 heures, l'accord signé en juillet dernier dans la branche a fait l'objet d'un agrément tardif, le 1er mars dernier, par le ministère de l'emploi et de la solidarité. Etant donné que les gains de productivité potentiels dans le secteur de l'aide à domicile sont faibles, pouvez-vous nous indiquer comment vous allez financer l'augmentation des coûts due aux 35 heures ?
De plus, les rémunérations dans ce secteur sont faibles. La grille des salaires de la convention collective des organismes d'aide ou de maintien à domicile démarre très en dessous du SMIC. Lorsqu'une personne est recrutée, elle a la certitude de rester au SMIC pendant onze années.
Toute augmentation de la valeur du point nécessite l'accord du ministère. Or vous refusez de le donner. Allez-vous persister longtemps dans ce refus ?
Voilà probablement l'un des méfaits de l'absence de parité. La profession est essentiellement féminisée. Gageons que, s'il y avait 50 % d'hommes, la grille aurait été revalorisée depuis longtemps !
La profession souffre d'un manque de considération manifeste. Pour valoriser l'image de ce métier, des démarches qualité ont été entreprises. L'ADMR a lancé la sienne, il y a trois ans, et le secteur de l'aide à domicile vient de se doter d'une norme AFNOR officielle depuis le 19 septembre dernier.
Mais cet accent sur la qualité ne suffira pas à attirer des salariés si l'on ne propose pas de meilleurs salaires, un droit à la formation pour tous et des évolutions de carrière. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'allez-vous faire ?
Entre les deux tours des élections législatives de 1997, M. Lionel Jospin avait écrit à l'Union nationale des associations de soins et services d'aide à domicile, l'UNASSAD, qu'en effet l'aide à domicile devait procurer « de vrais emplois » et que les salariés devaient bénéficier de la « reconnaissance sociale » et de la « dignité ». Allez-vous enfin mettre en oeuvre ces convictions ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, les associations d'aide à domicile sont des acteurs essentiels de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Il faut les conforter dans leur mission ; c'est pourquoi le Gouvernement a pris, depuis maintenant quatre ans, des mesures importantes pour soutenir à la fois le développement des moyens et la qualité des services d'aide à domicile.
Le Gouvernement a exonéré totalement de charges sociales les associations d'aide ménagère en 1999, afin d'améliorer leurs conditions économiques et de les rendre plus attractives face à l'emploi direct : c'est une incitation au recours aux services de qualité.
Le nombre de places en services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD, a été considérablement accru avec 2 000 places supplémentaires par an depuis 1998 et l'engagement d'un plan sur cinq ans à partir de 2001 permettant de doubler le nombre de places créées chaque année.
L'augmentation de 1 850 à 5 000 du nombre de places d'auxiliaires de vie annoncée par le Premier ministre se met en place dès cette année.
Enfin, bien évidemment, l'allocation personnalisée à l'autonomie, l'APA, va être l'occasion d'intensifier cet effort pour développer les moyens et la qualité des services d'aide à domicile.
La solvabilisation permise par l'APA permettra aux personnes âgées de recourir plus facilement à des associations prestataires de qualité. Le nombre des personnes concernées passera de 150 000 à plus de 800 000. Ce progrès considérable, qui est imminent, va changer considérablement la réalité du secteur.
Le montant des plans d'aides sera modulé pour tenir compte de la différence de qualité entre les services d'aide à domicile et l'emploi direct, ce qui n'est pas le cas actuellement.
La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans ce secteur sera l'occasion de promouvoir la professionnalisation : augmentation de 10 % des rémunérations pour fidéliser, motiver, mieux recruter les salariés et faire régresser la précarité dans ce secteur, due, vous l'avez dit, à l'augmentation de la durée du travail des « petits » contrats, moins de dix heures par semaine. L'objectif est, grâce à ces mesures, de faire régresser ces petits contrats. Je vous informe d'ailleurs que Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a agréé l'accord de branche qui sera prochainement mis en oeuvre.
Enfin, le projet de loi sur l'APA institue un fonds de modernisation de l'aide à domicile qui permettra, en concertation avec les professionnels, d'améliorer la qualité des services : financement de formation, d'actions innovantes, aides à la création d'associations dans des zones mal équipées.
Au total, le projet du Gouvernement et les mesures qui l'accompagnent constituent une incitation forte à recourir aux services de professionnels de qualité qu'emploient les associations d'aide à domicile et permettra vraiment de structurer ce secteur.
Pour travailler sur les services de proximité et sur certains des aspects qui touchent à ce secteur, et pour avoir suivi cette politique sur tout un territoire régional, j'ai la conviction que ce secteur est voué à un grand développement, mais qu'il ne pourra se développer massivement que grâce à la qualité, celle du recrutement et celle des relations entre les prestataires et les bénéficiaires. Je fais confiance à la vie. Les mesures qui ont été prises permettront de définir un cadre complètement rénové. La demande sociale forte s'accompagnera, j'en suis persuadé, d'un recrutement qui ne peut se traduire demain que par le mot « qualité ».
M. Jean Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse positive. Nous en avions besoin, et je pense que la France rurale qui - disons-le très clairement - n'a pas été, jusqu'à présent, « la tasse de thé » du Gouvernement, s'en réjouira.
Sans une telle réponse, les personnels de l'ADMR auraient démissionné et il aurait alors fallu trouver un modus vivendi permettant aux 250 000 personnes aidées d'être accueillies dans des établissements adéquats. Votre réponse est une réponse d'espoir. Souhaitons qu'elle se concrétise. C'est mon souhait très personnel.
M. le président. C'est un souhait qui n'est pas seulement le vôtre...

PRISE EN CHARGE DES PERSONNES
ATTEINTES DE DÉGÉNÉRESCENCE MACULAIRE

M. le président. La parole est à M. Fatous, auteur de la question n° 972, adressée à M. le ministre délégué à la santé.
M. Léon Fatous. Monsieur le secrétaire d'Etat, le vieillissement de la population nécessite, comme vous le savez, une prise en charge de plus en plus importante des maladies liées à l'âge. Je sais également que, parmi les priorités dans le domaine de la santé publique, auxquelles j'adhère totalement, figure celle qui consiste à traiter d'une manière égalitaire l'ensemble des Françaises et des Français. Il ne serait en effet pas acceptable que, pour des raisons de coût thérapeutique, les inégalités sociales soient renforcées.
Toutefois, je suis alerté par de nombreuses personnes qui présentent une dégénérescence maculaire liée à l'âge, souvent compliquée de néovaisseaux sous-rétiniens. La lésion occupe alors une bonne partie de la macula, entraînant une forte diminution de la vision, voire une atrophie définitive. Diverses possibilités thérapeutiques existent, telles la photocoagulation ou la thermothérapie transpupillaire, mais dont l'efficacité est douteuse.
Il semble que le traitement le plus adapté soit la photothérapie dynamique avec la Visudyne. Ce médicament, dont l'autorisation de mise sur le marché est récente, est très coûteux - environ 9 000 francs le flacon - et n'est pas pris en charge par la sécurité sociale. Or il faut savoir que le traitement d'un patient nécessite de trois à quatre injections, soit un coût de 36 000 francs.
En France, actuellement, 200 000 personnes seraient directement touchées par cette forme de dégénérescence de la rétine particulièrement invalidante. Les pronostics, même à vingt-cinq ans, sont pour le moins alarmants, puisque trois millions de personnes pourraient être concernées par cette première cause de malvoyance.
Récemment, en janvier, me semble-t-il, un article de presse faisait état de la déclaration d'un laboratoire appartenant au groupe suisse Novartis, selon laquelle le traitement par la Visudyne serait pris en charge à 100 % en France. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous indiquer où en est la réflexion sur ce sujet, et si les espoirs que cette déclaration a fait naître chez de nombreuses personnes sont fondés ?
Je ne doute pas de l'intérêt que vous portez à ce problème, et je vous en remercie.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous répondre au nom de M. Bernard Kouchner.
Effectivement, comme vous l'avez rappelé, la Visudyne est une spécialité destinée au traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge.
La Visudyne a obtenu une autorisation de mise sur le marché centralisée le 27 juillet 2000.
En France, elle est soumise à une prescription restreinte aux médecins ophtalmologistes et à une surveillance particulière pendant le traitement.
La Visudyne est administrée en perfusion intraveineuse, puis activée pendant quinze minutes par de la lumière délivrée par un laser diode à l'aide d'une fibre optique, d'une lampe à fente et d'une lentille de contact appropriée.
Les patients ayant reçu de la Visudyne doivent être réévalués tous les trois mois. Le traitement peut être administré jusqu'à quatre fois par an. La population concernée par les indications est actuellement estimée à 20 000 personnes par an.
La Visudyne a bénéficié préalablement, avant son autorisation de mise sur le marché, de 600 autorisations temporaires d'utilisation nominatives.
Elle a été inscrite sur la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux par arrêté du 13 février 2001 - publié au Journal officiel du 22 février 2001 - au prix de 9 360,20 francs TTC et au taux de remboursement de 100 % - c'est l'information essentielle -, taux qui est justifié par le caractère coûteux et irremplaçable du médicament. Celui-ci est soumis à la procédure du médicament d'exception et doit, de ce fait, faire l'objet d'une prescription spécifique par laquelle le médecin prescripteur s'engage à respecter les indications de la fiche d'information thérapeutique élaborée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, et annexée à l'arrêté d'inscription de cette spécialité.
Monsieur le sénateur, vous avez donc satisfaction puisque la décision est maintenant officielle. Du point de vue du traitement thérapeutique, les personnes concernées par la dégénérescence maculaire trouveront, demain, une réponse de qualité.
M. Léon Fatous. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Je vous remercie de ces renseignements concrets ; les bénéficiaires apprécieront, j'en suis convaincu, la décision qui a été prise.

10

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté deux candidatures pour la commission des affaires culturelles.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame membres de la commission des affaires culturelles :
- M. Pierre Guichard en remplacement de Pierre Jeambrun, décédé ;
- M. François Fortassin en remplacement de François Abadie, décédé.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

11

ÉLOGE FUNÈBRE DE RENÉ BALLAYER,
SÉNATEUR DE LA MAYENNE

M. le président. Mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de René Ballayer. (Mme le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue René Ballayer est décédé le 26 janvier dernier des suites d'une longue maladie.
L'annonce de cette nouvelle nous a profondément attristés.
Récemment encore, René Ballayer prenait part à nos travaux, défendant devant notre assemblée son rapport spécial sur le budget des petites et moyennes entreprises.
La fatigue, que son visage trahissait alors, nous avait donné, si besoin en était, la mesure de sa force de caractère. Il m'a été donné de le vérifier lors des visites que je lui ai rendues au Val-de-Grâce. Jusqu'au bout, le courage et la ténacité auront été la marque de cet homme sincère, élu local actif et parlementaire assidu, de ce patriote engagé et européen convaincu qu'était René Ballayer.
René Ballayer est né à Andouillé le 2 mars 1915, dans le pays de l'Ernée, aux portes de la Bretagne, au coeur de la terre de Mayenne.
Orphelin à l'âge de onze ans, il rejoint à Ernée sa famille d'adoption. Il ne quittera plus cette ville, qui verra s'épanouir son engagement personnel et sa vocation politique.
Ancien élève de l'école normale d'instituteurs de Laval, René Ballayer était, ainsi qu'il se plaisait, à juste titre d'ailleurs, à le rappeler, un pur produit de l'école de la République.
Mais la guerre interrompra sa carrière débutante de professeur.
Combattant en 1939-1940 avec le grade de lieutenant, il participe, après l'éclipse de l'occupation, à la libération de son département en qualité de lieutenant des Forces françaises de l'intérieur. Sa guerre - en 1940 comme en 1944 - sera, à l'image de sa vie, empreinte de courage et de constant dévouement.
A la Libération, René Ballayer reprend son métier d'enseignant. Il sera professeur au collège d'Ernée jusqu'en 1948, date à laquelle il est amené à prendre la succession d'une affaire familiale de négoce en vins.
C'est avec rigueur et énergie qu'il se lance dans une activité toute nouvelle pour lui et à laquelle, à l'évidence, rien ne le préparait. Il en retire une connaissance précieuse du milieu de la petite entreprise, de ses servitudes et de ses richesses.
Très attaché à l'action associative, il s'investit tout particulièrement auprès des jeunes dans le développement des activités sportives et culturelles.
Ce fort degré d'engagement personnel, vite repéré et apprécié par ses concitoyens, le mène presque naturellement à l'action politique.
D'une grande modestie et ne recherchant pas les honneurs, il se trouve porté par l'estime, le respect et la confiance des électrices et des électeurs à la tête de sa commune. Elu maire d'Ernée en 1959, il exercera ce mandat pendant vingt-sept années. Sa disponibilité, son sens de la mesure et son esprit de conciliation créent très vite un climat d'union dans une municipalité à l'origine profondément divisée. Fort de son expérience de chef d'entreprise, René Ballayer s'emploie alors, avec efficacité, à la revitalisation et à la diversification des activités de l'économie locale.
Elu conseiller général du canton d'Ernée en 1961, il accède, en 1973, à la fonction de président du conseil général de la Mayenne, à laquelle il sera systématiquement reconduit jusqu'à ce qu'il décide, en 1992, d'y renoncer.
Président de l'association des maires et maires adjoints de la Mayenne, dont il sera un animateur aussi assidu qu'écouté, vice-président du conseil régional, président du comité d'expansion économique, vice-président du syndicat de communes, René Ballayer est un acteur essentiel, écouté et respecté de la vie de son département. Il l'est avec humilité, générosité et compétence. Aucune des réalités locales ne lui est étrangère.
Passionné par l'action locale, il déploie une énergie remarquable et s'emploie avec force à lutter contre un exode rural qui menace l'équilibre déjà très fragile de sa chère Mayenne. Honorant chacune de ses fonctions d'une grande assiduité, à la fois ouvert et ferme dans ses convictions, il suscite tout naturellement la fidélité de celles et de ceux qui l'élisent comme de celles et de ceux qui l'entourent.
Ses qualités humaines de bonté, de loyauté, de franchise et de fidélité font de lui un homme sans détour appréciant, sans sectarisme, les qualités de chacune et de chacun.
Aussi est-ce sans surprise, après une élection triomphale que laissait présager son élection à l'unanimité à la présidence du conseil général de la Mayenne, que René Ballayer entre au Sénat en 1974.
Au sein de la commission des lois, puis de la commission des finances, René Ballayer s'appuie sur sa riche expérience d'élu local pour proposer des solutions concrètes, notamment dans le domaine de la promotion des activités en zone rurale et du soutien aux petites et moyennes entreprises.
En 1977, il est nommé rapporteur spécial du budget du commerce et de l'artisanat, dont il se fait l'ardent et efficace défenseur.
En 1987, chargé d'une mission par le Gouvernement, il est l'auteur d'un rapport remarqué, parce que remarquable, qui fait toujours autorité, sur l'évolution de la taxe professionnelle.
Les sujets de prédilection de René Ballayer, qui se disait passionné de finances publiques, portent sur les collectivités territoriales et leurs ressources, sur l'aménagement du territoire et la nécessité d'une solidarité nationale forte pour que les zones rurales conservent leurs commerces et leurs services publics.
L'agriculture, le commerce et le renforcement de la formation professionnelle étaient pour lui des priorités, mais le champ éclectique de ses intérêts s'étendait jusqu'à la solidarité internationale et à l'aide au développement.
Fort de son enracinement local, René Ballayer était en outre un européen convaincu. Promoteur de l'idée européenne sur le plan national, il s'efforçait de la rendre concrète dans son département. C'est ainsi que la qualité des échanges qu'il a su initier, puis développer, entre la Mayenne et la Souabe lui valurent, en 1988, « les étoiles d'or de l'initiative européenne ».
Passionné de sport bien qu'ayant délaissé la pratique du tennis pour un sport cérébral, le bridge, René Ballayer était aussi un homme cultivé et curieux, épris de contact et de convivialité. Sa présence chaleureuse et son ton de voix caractéristique manqueront, c'est certain, à notre assemblée.
Au nom du Sénat tout entier, je voudrais dire à son épouse, à son fils Patrick, à sa famille, à ses amis, à tous ceux à qui René Ballayer était cher, notre profonde émotion et notre immense tristesse.
Que ses amis du groupe de l'Union centriste et ses collègues de la commission des finances soient assurés de notre sympathie attristée.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement s'associe à l'hommage solennel que le Sénat rend aujourd'hui à René Ballayer, sénateur de la Mayenne, décédé le 26 janvier des suites d'une longue maladie.
D'origine modeste, cruellement confronté dans son enfance aux vicissitudes de la vie, René Ballayer avait gagné la reconnaissance de ses concitoyens par son travail, sa disponibilité et son écoute des autres.
Homme de mesure, René Ballayer était aussi un homme de convictions, comme en témoigne son engagement, au sein des Forces françaises de l'intérieur, dans le combat pour la libération de la France.
Sa passion de la chose publique le conduit, après la guerre, à s'impliquer activement dans l'action politique. Elu d'un département rural, cet homme attentif aux questions concrètes sut rester proche des réalités locales.
A travers ses mandats renouvelés de maire de sa commune d'Ernée, puis de conseiller général, il avait acquis une connaissance approfondie des problèmes que rencontrent quotidiennement, dans leurs domaines de compétence, les collectivités territoriales.
Au sein tant de la Haute Assemblée, où il a siégé sans interruption à partir de 1974, que du conseil général de la Mayenne, qu'il a présidé jusqu'en 1992, René Ballayer fut un avocat convaincu de la nécessité d'une action soutenue en faveur des petites et moyennes entreprises dans les zones rurales.
Le dynamisme d'un tissu économique local diversifié était, à ses yeux, l'une des meilleures contributions à une politique bien comprise d'aménagement du territoire. Ses interventions fréquentes dans cet hémicycle sur ces questions témoignent de l'importance qu'il leur accordait.
Par la qualité des relations humaines qu'il entretenait avec chacun, par sa connaissance des réalités de notre pays et de l'Europe, René Ballayer s'était acquis une large estime et un respect qui débordait celui de sa seule famille politique.
Au nom du Premier ministre et des membres du Gouvernement, je voudrais exprimer à son épouse, à son fils, à ses proches, mes sentiments de tristesse.
A ses amis et collègues du groupe de l'Union centriste, je fais part de ma très sincère sympathie.
M. le président. Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous invite à observer une minute de silence à la mémoire de notre cher collègue, trop tôt disparu. (Mme le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
Mes chers collègues, selon la tradition, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants, en signe de deuil.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

12

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Mercredi 28 mars 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (n° 120, 2000-2001).

Jeudi 29 mars 2001 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente :
1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution européenne de M. Hubert Haenel (n° 53, 2000-2001), présentée au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du règlement, sur les propositions de la République fédérale d'Allemagne, d'une part, et du Portugal, de la France, de la Suède et de la Belgique, d'autre part, relatives à la création d'EUROJUST (n°s E 1479 et E 1509).
2° Question orale européenne avec débat (n° QE 12) de M. Pierre Lefebvre à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le doublement du fret ferroviaire d'ici à 2010.
3° Question orale européenne avec débat (n° QE 10) de M. Jacques Oudin à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les objectifs et moyens de la politique de l'Union européenne en matière de transports.
Le débat sur ces deux questions orales européennes sera organisé conformément à l'article 83 ter du règlement.
A quinze heures :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.
5° Question orale avec débat n° 28 de M. Jacques Valade à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la politique énergétique de la France.
Pourront intervenir dans le débat l'auteur de la question vingt minutes, un orateur par groupe dix minutes et un sénateur ne figurant sur la liste d'aucun groupe cinq minutes, ainsi que le Gouvernement. En outre, chacun des intervenants disposera d'un droit de réponse au Gouvernement cinq minutes.
L'ordre des interventions sera fixé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance avant le mercredi 28 mars 2001, à dix-sept heures.

Mardi 3 avril 2001 :

A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement :
- N° 982 de M. Bernard Fournier à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (droit du travail et activités des maîtrises de chant et de musique) ;
- N° 989 de M. Daniel Goulet à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (couverture du département de l'Orne par les réseaux de téléphonie mobile) ;
- N° 1004 de M. Louis Souvet à M. le ministre de l'éducation nationale (situation des titulaires d'un doctorat bénéficiant d'un emploi-jeune) ;
- N° 1011 de M. Alain Gournac à M. le ministre des affaires étrangères (conséquences de la professionnalisation de l'armée) ;
- N° 1015 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'intérieur (financement du réseau d'eau potable) ;

- N° 1016 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'intérieur (situation des locataires taxis) ;
- N° 1017 de M. Xavier Darcos à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (usage abusif du droit de réquisition des médecins généralistes de Dordogne) ;
- N° 1018 de M. Jean-Paul Hugot à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (accès forfaitaire à internet) ;
- N° 1019 de M. Kléber Malécot à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (obligations des collectivités territoriales en matière de prévoyance et d'assurance maladie complémentaire) ;
- N° 1020 de M. Jacques Oudin à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (recours excessif à la procédure de mise à disposition des agents publics) ;
- N° 1021 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (remise en circulation du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines) ;
- N° 1022 de M. Jacques Donnay à M. le ministre de l'intérieur (délinquance et dépénalisation du cannabis) ;
- N° 1025 de M. Fernand Demilly à M. le ministre délégué à la santé (effets de seuil de la couverture maladie universelle) ;
- N° 1026 de M. René-Pierre Signé à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (développement des nouvelles technologies en zone rurale) ;
- N° 1027 de M. Nicolas About à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (concession de terrain faite par la SNCF à une entreprise privée de concassage industriel sur la commune de Montigny-le-Bretonneux [Yvelines]) ;
- N° 1028 de M. Robert Bret à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (devenir de l'association Solidarité Enfants Sida) ;
- N° 1029 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (diminution des effectifs des perceptions des Pyrénées-Orientales) ;
- N° 1030 de M. Henri de Richemont à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (conséquences de la crise de la vache folle en Charente).
A seize heures et le soir :
2° Eloge funèbre de Pierre Jeambrun.

Ordre du jour prioritaire

3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant création d'une prime pour l'emploi (n° 217, 2000-2001).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 2 avril 2001, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures, la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 2 avril 2001.
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la forêt (n° 408, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 3 avril 2001, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures, la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 2 avril 2001.

Mercredi 4 avril 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A dix heures, à quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la forêt (n° 408, 1999-2000).

Jeudi 5 avril 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la forêt (n° 408, 1999-2000).
A quinze heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel au protocole de Sangatte entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni (n° 220, 2000-2001).
4° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part (ensemble sept annexes, quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un échange de lettres) (n° 484, 1999-2000).
5° Suite de l'ordre du jour du matin.
Le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance publique du dimanche 8 avril 2001 au lundi 16 avril 2001.

Mardi 17 avril 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A seize heures :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Le soir :
2° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale (n° 216, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de fixer au mardi 17 avril 2001, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
3° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (n° 208, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de fixer au mardi 17 avril 2001, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.

Mercredi 18 avril 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 201, 2000-2001).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 17 avril 2001, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 17 avril 2001.

Jeudi 19 avril 2001 :

A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 201, 2000-2001).
A quinze heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité (n° 314, 1999-2000).
5° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la répression des rejets polluants des navires (n° 207, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 18 avril 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes.

Mardi 24 avril 2001 :
A neuf heures trente :
1° Douze questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement :
- N° 993 de M. Philippe Richert à M. le Premier ministre (réparations en faveur des enfants de déportés non juifs) ;
- N° 1007 de M. Gérard Delfau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (statut des caisses d'épargne) ;
- N° 1024 de M. Ambroise Dupont à M. le ministre de l'intérieur (maintien du personnel de la police de l'air et des frontières du port d'Ouistreham) ;
- N° 1033 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l'éducation nationale (manque de personnel dans les établissements scolaires) ;
- N° 1035 de M. Roland Courteau à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (harcèlement moral au travail) ;
- N° 1036 de M. Bernard Dussaut à M. le ministre délégué à la santé (devenir de l'hôpital de La Réole) ;
- N° 1037 de Mme Gisèle Printz à Mme le ministre de la culture et de la communication (avenir des cinémas de proximité) ;
- N° 1038 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la communication (avenir de la production audiovisuelle publique) ;
- N° 1040 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (situation de l'association intercantonale d'aide à domicile pour personnes âgées à Tulle) ;
- N° 1042 de M. Roland du Luart à M. le ministre de l'éducation nationale (financement par les conseils généraux des travaux de sécurité des collèges de l'enseignement privé) ;
- N° 1043 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (état d'avancement de l'autoroute A 28) ;
- N° 1044 de M. Jean Besson à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (financement du service de l'enlèvement et de l'élimination des ordures ménagères).
A seize heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation sociale (n° 185, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé :
- de fixer à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- d'attribuer à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes un temps d'intervention de quinze minutes ;
- de limiter à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 23 avril 2001.

Mercredi 25 avril 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation sociale (n° 185, 2000-2001).
A dix-sept heures quinze :
Communication de M. Bernard Stasi, médiateur de la République, sur son rapport annuel, en application de la loi n° 2000-23 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Jeudi 26 avril 2001 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente :
1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons (n° 115, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 25 avril 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
A quinze heures :
2° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Claude Huriet relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale (n° 221, 2000-2001).
La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 25 avril 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l'ordre du jour réservé ?...
Ces propositions sont adoptées.

13

REMPLACEMENT
D'UN SÉNATEUR DÉMISSIONNAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que, conformément à l'article L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur m'a fait connaître que, en application de l'article L.O. 320 du code électoral, M. Jean-Yves Mano est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de Paris, à compter du 28 mars 2001, M. Bertrand Delanoë, démissionnaire de son mandat.
M. Emmanuel Hamel. C'est dommage !

14

COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 26 mars 2001, relative à la consultation de l'assemblée de la Polynésie française, du congrès de Nouvelle-Calédonie et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna sur le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Acte est donné de cette communication.
Ce document a été transmis à la commission compétente.

15

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport trisannuel sur l'occupation des logements d'habitation à loyer modéré et son évolution, établi en application de l'article L. 442-5 du code de la construction et de l'habitation.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

16

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
ET CONTRACEPTION

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 120, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. [Rapport n° 210 (2000-2001) et rapport d'information n° 200 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que, depuis 1997, ce gouvernement s'est engagé avec détermination dans une politique volontariste en matière de droits des femmes. Nicole Péry et moi-même avons dressé le bilan de cette action le 8 mars dernier. J'en rappellerai brièvement les grandes lignes.
D'abord, les femmes peuvent accéder davantage aux responsabilités politiques grâce à la loi du 6 juin 2000 sur la parité, qui vient de s'appliquer aux dernières élections municipales. De même, la loi sur l'égalité professionnelle propose un plan d'accès aux responsabilités dans la fonction publique.
En matière d'égalité d'accès au travail, nous nous sommes fixé pour objectif que 55 % des bénéficiaires du dispositif de lutte contre le chômage et l'exclusion soient des femmes. Nous savons que les femmes occupent une place importante dans le dispositif d'embauche des emplois-jeunes. Par ailleurs, elles ont bénéficié de nombre d'emplois qui ont été créés par la réduction de la durée du temps de travail et qui ont permis à beaucoup d'entre elles de passer du travail partiel subi à des postes de travail durable.
M. Patrick Lassourd. Et elles bénéficient du travail de nuit...
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons également amélioré les possibilités pour les femmes d'articuler la vie professionnelle et la vie familiale en créant plus de 40 000 places dans les crèches et en permettant que l'allocation d'aide à la reprise d'activité soit accordée aux femmes ayant un enfant de moins de six ans.
Avec le secrétaire d'Etat au logement, nous avons aussi facilité un meilleur accès aux droits de femmes, en favorisant, dans le cadre des plans départementaux d'accès au logement des personnes défavorisées, la prise en compte des demandes des femmes en grande difficulté, notamment des femmes victimes de violences. Dans le cadre du programme de lutte contre l'exclusion, je voudrais rappeler la possibilité de cumuler l'allocation de parent isolé avec un revenu d'activité.
Je voudrais encore citer les travaux qui ont été menés par Nicole Péry concernant la lutte contre les violences faites aux femmes : l'enquête nationale qu'elle a lancée - la première du genre - qui a donné lieu à des assises le 25 janvier dernier, le groupe de travail interministériel sur les violences au sein du couple qui devrait permettre une nette amélioration de l'information des femmes à l'égard des violences dans le couple et la prise en charge des femmes victimes.
S'agissant de la santé des femmes, je voudrais rappeler que le programme de lutte contre le cancer annoncé en février 2000 va aboutir, à partir de cette année, au dépistage généralisé du cancer du sein pour les femmes âgées de cinquante à soixante-quatorze ans, et que la création d'un diplôme d'études spécialisées de gynécologie obstétrique et médicale va restaurer l'enseignement spécifique de la gynécologie médicale.
M. Lucien Neuwirth. Enfin !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Voilà, brièvement résumées, les actions qui ont été menées ces dernières années en faveur des femmes.
J'ajouterai que le Gouvernement s'est attaché à deux autres priorités dans le domaine de l'accès aux droits qui font précisément l'objet du projet de loi qui vous est soumis : je veux parler du développement de la contraception et de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse.
La première priorité de la politique du Gouvernement dans ces domaines a été de permettre de prévenir les grossesses non désirées en assurant un meilleur accès à la contraception.
Personne, en effet, ne conteste le fait que la contraception ne soit pas parvenue à réduire le nombre de grossesses non désirées, bien que plus de deux Françaises sur trois, entre vingt et quarante-neuf ans, utilisent une méthode contraceptive.
Malheureusement, les chiffres sont là : plus de 200 000 interruptions volontaires de grossesse par an, 10 000 grossesses non désirées chez des adolescentes, dont 7 000 conduisent à une interruption volontaire, et près d'une femme sur trois confrontée à une telle décision au cours de son existence.
Les échecs contraceptifs restent encore trop fréquents. Ils ont de multiples causes, que nous avons cherché à analyser : les accidents de méthode - préservatifs défectueux, oublis de pilule -, l'infertilité supposée, la méthode inadéquate prescrite par le médecin, ou encore la contraception comme enjeu dans les rapports entre homme et femme. N'oublions pas surtout que, pour les mineurs, plus de 10 % des adolescentes ont leurs premiers rapports sexuels sans aucune contraception.
A partir de ces constats, nous nous sommes fixé comme objectifs d'améliorer l'information à la contraception et de faciliter l'accès de toutes les femmes à tous les contraceptifs disponibles.
Ainsi, nous avons lancé, le 12 janvier dernier, une campagne d'information, à laquelle nous avons consacré plus de 20 millions de francs. Je rappelle que la dernière campagne officielle portant spécifiquement sur la contraception remontait à 1982, et que l'initiative en revenait à Mme Yvette Roudy.
Cette campagne, lancée en janvier dernier, a trois cibles prioritaires, même si l'ensemble de la population est concerné : d'abord, les jeunes, pour les inciter à choisir la bonne contraception au bon moment ; ensuite, les célibataires, pour les amener à mieux gérer une sexualité qui est, pour certains d'entre eux, plus intermittente ; enfin, les couples, pour simplifier le choix d'une contraception concertée.
Non seulement cette campagne sera reconduite cette année, mais elle le sera régulièrement, ne serait-ce que pour que soit systématiquement touchée toute nouvelle génération d'adolescents concernée.
Pour cette année, avec une nouvelle dotation de 20 millions de francs, la campagne aura trois enjeux principaux. Il s'agit, d'abord, de favoriser une utilisation effective de la contraception par les femmes et par leur partenaire. Il s'agit, ensuite, de mobiliser les professionnels de santé et les principaux relais d'information. Il s'agit, enfin, de valoriser les actions menées en région l'année dernière et de les renforcer.
Nous avons pris également des dispositions pour faciliter l'accès de toutes les femmes à tous les contraceptifs disponibles sur le marché, pour tenir compte du coût de la contraception, de son remboursement et de l'évolution des méthodes.
C'est ainsi que nous avons obtenu une réduction du prix du stérilet, dont le remboursement est plus important depuis le 29 août 2000, avec une prise en charge à 100 % pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle.
De la même façon, actuellement, seules les pilules oestroprogestatives de première et de deuxième génération et les pilules progestatives sont remboursables à 65 %.
C'est la raison pour laquelle nous avons entamé les démarches nécessaires pour la mise sur le marché d'une pilule de troisième génération à un prix accessible et remboursable dans les prochains mois.
M. Charles Descours. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Enfin, nous avons mis sur le marché les premières pilules du lendemain : le Tétragynon en décembre 1998 et le NorLevo en juin 1999. Il s'agit d'efforts qui sont loin d'être négligeables et qui doivent être poursuivis. Vous avez été nombreux à nous interpeller pour que les efforts soient démultipliés en matière d'éducation à la sexualité et de facilité d'accès à la contraception. Certains d'entre vous estiment, et ils ont raison, que trop peu de temps est consacré à ce sujet dans les écoles, les collèges et les lycées. D'autres considèrent que les intervenants chargés de ces enseignements ne sont pas toujours les bons ou ne sont pas suffisamment formés. M. Neuwirth avait beaucoup insisté sur ce point, notamment en commission. C'est un sujet sur lequel nous reviendrons sans doute au cours de la discussion. Je rappelle que l'article 16 du projet de loi prévoit au moins trois séances obligatoires d'éducation dans les collèges et dans les lycées.
Il convient également de renforcer la formation des professionnels de santé afin que le dialogue qu'ils engagent avec les femmes soit mieux adapté à la demande et aux attentes d'aujourd'hui.
Il faut aussi mieux associer les professionnels de santé aux campagnes d'information - c'est l'un des objectifs de la campagne de cette année - pour qu'ils servent de relais auprès des jeunes. Voilà ce que je tenais à dire en ce qui concerne les efforts en faveur de l'accès à la contraception, de la diffusion de l'information et de l'éducation à la sexualité.
La seconde priorité du Gouvernement est d'améliorer, quand il n'y a pas d'autre choix, l'accès à l'interruption volontaire de grossesse.
Il ne faut pas que cette épreuve, car c'en est une, soit rendue encore plus difficile à vivre par les conditions qui permettent d'accéder à l'IVG, par les délais d'intervention et par les conditions d'accueil et d'information.
Pour parvenir à améliorer les conditions d'accès à l'interruption volontaire de grossesse, nous avons pris plusieurs mesures.
D'abord, nous avons amélioré l'information. Comme vous le savez, nous avons mis en place, depuis le 1er juillet 2000, des permanences téléphoniques dans chaque région destinées à accueillir les femmes, à les informer sur toutes les questions qu'elles se posent et à les orienter en direction du planning de permanence des hôpitaux en matière d'IVG. Ces permanences, grâce à des financements publics, seront désormais pérennisées. Les commissions régionales de la naissance sont chargées de veiller à leur bon fonctionnement et à leur bonne coordination avec le réseau de structures régionales, à la fois publiques et privées, qui prennent en charge les interruptions volontaires de grossesse.
Cette information n'est évidemment pas exclusive de l'information due à toute femme enceinte qui le souhaite sur les aides dont elle peut bénéficier si elle veut poursuivre sa grossesse. Beaucoup ont insisté sur ce point : je partage leur souci. Le souhait du Gouvernement n'est pas de favoriser l'information relative à l'IVG aux dépens de l'information destinée aux femmes qui veulent poursuivre leur grossesse. Nous avons bien entendu à mener les deux actions.
Ensuite, nous avons amélioré l'accessibilité des structures susceptibles de prendre en charge les interruptions volontaires de grossesse. Il s'agit, pour l'essentiel, de mesures de nature organisationnelle, qui ne relèvent pas du domaine de la loi mais que la loi viendra compléter.
En premier lieu, il fallait commencer par desserrer la pression s'exerçant sur les plateaux techniques capables de prendre en charge les IVG, en renforçant les moyens des équipes hospitalières et médicales. C'est ainsi que 12 millions de francs ont été consacrés à ces équipes dans le budget 2000 et que 15 millions de francs le seront dans le budget de cette année.
Des mesures ont été prises aussi pour faciliter l'accès de toutes les femmes à toutes les techniques d'interruption volontaire de grossesse, y compris médicamenteuses, quel que soit le centre d'interruption volontaire sollicité. Une circulaire en ce sens a été adressée le 17 novembre 1999 à tous les directeurs d'établissement.
Par ailleurs, il a été demandé à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé d'examiner les possibilités d'élargir les indications de la Mifegyne, dite RU 486. Celle-ci ne peut aujourd'hui s'utiliser que jusqu'au quarante-neuvième jour ; son extension jusqu'au soixante-troisième jour est à l'étude.
L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, a aussi été sollicitée pour élaborer, à l'intention des professionnels, des recommandations de bonnes pratiques en matière d'interruption volontaire de grossesse et pour intégrer aux critères d'accréditation des établissements le bon fonctionnement de leur activité d'interruption volontaire de grossesse.
Ces deux volets de l'action gouvernementale, que je viens de rappeler, seront évidemment poursuivis dans les prochains mois.
J'en viens au projet de loi qui vous est soumis.
Le texte initial du Gouvernement contient trois modifications principales apportées à la législation actuelle. Il s'agit, d'abord, de l'allongement du délai légal pour recourir à l'IVG : celui-ci passerait de dix semaines à douze semaines de grossesse. Il s'agit, ensuite, de l'aménagement de l'obligation d'autorisation parentale pour les mineurs qui souhaitent avoir recours à l'IVG. Il s'agit, enfin, de la suppression des sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité en faveur de l'IVG.
Ce projet de loi a déjà été examiné en première lecture à l'Assemblée nationale, où il a été l'occasion de débats de bonne tenue, même s'ils n'ont pas permis de réduire tous les clivages. Je vais donc revenir brièvement sur les dispositions du projet de loi initial.
J'examinerai, d'abord, l'allongement du délai légal de recours de dix à douze semaines de grossesse. L'objectif de cette disposition est d'éviter que des femmes qui ont pris la décision de recourir à une interruption volontaire de grossesse ne soient contraintes, parce qu'elles sont hors délai, de partir pour l'étranger ou d'avoir recours à une interruption médicale de grossesse. Il est évident que le seul allongement du délai de deux semaines ne réglera pas le problème de toutes les femmes, bien sûr. Il permettra cependant d'apporter une solution à environ 80 % d'entre elles, d'après l'estimation du rapport Nisand, sur les cinq mille qui, dans des conditions douloureuses et inacceptables, traversent chaque année nos frontières pour réaliser une interruption volontaire de grossesse. N'oublions pas non plus que cet allongement du délai n'est pas la seule solution proposée et qu'elle s'inscrit dans l'ensemble de la politique de prévention que je viens de rappeler.
S'agissant des obstacles en termes médicaux et de sécurité sanitaire qui ont été mis en avant par certains, l'avis de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé que nous avons sollicité - vous avez d'ailleurs auditionné son président, M. Michel Tournaire - est clair : ces obstacles n'existent pas. Le taux des risques de complication est actuellement de 1 % ; il serait de 1,5 %. Par ailleurs, en février dernier, un rapport de votre assemblée a fait une lecture comparée très instructive des dispositifs législatifs qui existent en Europe. Nous savons que la plupart des pays européens vont au-delà de dix semaines. Comme vous l'a dit, je crois, le docteur Danielle Gaudry, les médecins français ne sont pas moins compétents sur le plan technique que leurs confrères des Pays-Bas ou de Grande-Bretagne pour réaliser des interruptions de grossesse à douze semaines.
Evidemment, il faut être attentif et prendre toutes les précautions nécessaires pour prévenir les risques, aussi minimes soient-ils. Je pense notamment - et je suppose que nous reviendrons au cours du débat sur ce point qui a été abordé par l'Assemblée nationale - aux risques de dérives eugéniques.
Vous connaissez l'avis du Comité consultatif national d'éthique à cet égard. Son président a déclaré que c'est « effectivement faire injure aux femmes que de penser que la grossesse est vécue de façon si opportuniste que sa poursuite ou son arrêt ne tiendrait qu'à la seule connaissance ou du sexe ou des anomalies du foetus ». En tout cas, ce que nous n'avons pas voulu, c'est remettre en cause l'esprit de la loi Veil : jusqu'à douze semaines, c'est à la femme d'exercer librement le choix d'interrompre ou non sa grossesse.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'IVG est un droit jusqu'à douze semaines, et non plus jusqu'à dix semaines seulement. L'interruption volontaire de la grossesse dans ce cas découle de la seule volonté de la femme et elle répond à une situation de détresse liée au refus de la grossesse pour différentes causes, qu'il appartient évidemment à chaque femme d'apprécier. Personne ne peut ni juger ni décider à la place d'une femme qui se trouve dans une telle situation.
J'en viens aux dispositions relatives à l'aménagement de l'obligation d'autorisation parentale pour les mineures. Les mesures proposées affirment que l'autorisation parentale reste la règle, mais elles ouvrent une possibilité de dérogation à cette règle. On ne peut en effet ignorer certaines situations de détresse, liées à des incompréhensions familiales. Il y a des cas où la mineure ne peut pas envisager de parler d'une IVG à ses parents. Il y a des cas où les parents s'y opposent. Enfin, il y a des situations où les parents sont injoignables.
Par conséquent, avant toute chose, le médecin prendra le temps du dialogue. Il tentera de convaincre la jeune fille qu'il serait préférable pour elle que ses parents puissent l'accompagner dans cette période difficile de son existence. Si la jeune fille persiste dans son souhait de garder le secret ou si, malgré son souhait, elle ne peut obtenir le consentement de ses parents, son seul consentement, exprimé librement en tête-à-tête avec le médecin, emportera la décision. Cette décision vaut pour tous les actes qui sont liés à l'interruption de grossesse, par exemple pour l'anesthésie.
Afin que la jeune fille ne reste pas seule tout au long de cette période difficile, elle pourra choisir, après en avoir discuté au cours de l'entretien préalable, un adulte pour l'accompagner, cet adulte pouvant être soit l'un des professionnels du centre qu'elle a déterminé pour avoir recours à l'IVG, soit un adulte de son entourage proche.
S'agissant de la responsabilité du médecin en cas de dommages consécutifs à l'IVG, je tiens à préciser d'emblée que ce sont les règles générales de la responsabilité médicale qui s'appliquent.
Pour ce qui est de la responsabilité de l'accompagnant - ce point a également fait l'objet de débats à l'Assemblée nationale - j'ai saisi, comme je m'y étais engagée, la ministre de la justice. Je vous livre le sens de sa réponse, qui rejoint les propos que j'avais moi-même tenus devant l'Assemblée nationale : aucune responsabilité civile ou pénale de la personne désignée ne saurait être engagée par la mineure ou les titulaires de l'autorité parentale pour des faits se rattachant à la mission d'accompagnement. Le consentement à l'interruption volontaire de grossesse ne lui appartient pas ; elle n'intervient en rien dans l'organisation de l'IVG et dans sa réalisation. C'est un acte médical qui est donc soumis au régime normal de la responsabilité médicale.
Le troisième volet du projet de loi initial du Gouvernement concerne les sanctions pénales.
Le texte prévoit la suppression des sanctions liées à la propagande et à la publicité pour l'IVG, devenues obsolètes, ainsi que l'abrogation de la disposition du décret-loi de 1939 relatif à la famille et à la natalité française, qui prévoit une automaticité d'interdiction professionnelle pour les médecins ayant pratiqué des IVG.
Les députés ont par ailleurs transposé du code pénal au code de la santé publique, sans les modifier, les sanctions applicables au fait d'interrompre une grossesse en dehors des délais fixés par la loi, ou de pratiquer une IVG sans être médecin ou dans un lieu non habilité, ainsi qu'au délit de fourniture de moyens à une femme pour une IVG sur elle même, en précisant que la femme ne peut être considérée comme complice de ce délit. Il s'agit bien d'une simple transposition du code pénal au code de la santé publique et les sanctions sont évidemment maintenues.
Les députés ont également aménagé les éléments constitutifs du délit d'entrave à l'IVG dans un souci de meilleure protection des femmes et des personnes qui les aident et afin de voir réprimées les nouvelles formes de commandos anti-IVG.
Je souhaite maintenant appeler votre attention sur trois autres modifications retenues sur l'initiative des députés.
La première modification concerne la suppression de l'entretien obligatoire pour les femmes majeures. Le Gouvernement ne s'est pas opposé à cette proposition. Il a été sensible au fait que le maintien de l'obligation d'entretien pour les femmes majeures pouvait paraître remettre en cause leur légitimité à décider seules de leurs actes.
Les professionnels que la commission des affaires sociales a auditionnés ont, dans leur grande majorité, approuvé ce choix.
Martine Le Roy, présidente de la Confédération du mouvement français pour le planning familial, a indiqué, pour sa part, que l'obligation n'a pas de raison d'être et n'apporte qu'un caractère répressif à l'entretien.
C'est ce que vous a dit également Bernard Maria, président du collège national des gynécologues-obstétriciens français : « plus de 90 % des patientes qui viennent faire une IVG sont forcément décidées dès la première consultation ». Il est donc préférable, à son avis, que cet entretien soit « à la carte ». Le dialogue, pour exister, doit être spontané ; s'il est imposé, son contenu est différent.
Je veux encore citer le docteur Paul Cesbron, président de l'Association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception, ou le docteur Bernard Bourreau.
La deuxième modification retenue a trait à l'introduction d'une procédure collégiale pour toute décision d'interruption médicale de grossesse, l'IMG, en faisant intervenir une commission pluridisciplinaire.
Le dispositif proposé permet la mise en oeuvre d'une procédure collégiale d'expertise en ce qui concerne les deux situations permettant une IMG : la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ; il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité.
S'agissant des interruptions médicales de grossesse envisagées en raison d'une anomalie embryonnaire ou foetale, les nouvelles dispositions suggérées complètent le dispositif qui fonctionne actuellement dans le cadre des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, dont les modalités sont fixées par le décret n° 97-578 du 28 mai 1997. La commission créée disposera, pour valider l'indication d'une IMG, des avis diagnostiques émis dans le cadre de la concertation pluridisciplinaire menée au sein des structures précitées, qui rassemblent toutes les compétences cliniques et biologiques dans le domaine du diagnostic prénatal.
S'agissant des IMG envisagées lorsque la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, la mise en place d'une commission d'expertise pluridisciplinaire permet d'instaurer une concertation préalable nécessaire à une prise de décision difficile. Cette concertation permet d'éviter toute dérive et de préserver une appréciation des indications d'interruption de grossesse fondée sur des critères médicaux stricts. Cette instance d'expertise devra faire appel aux praticiens dont la qualification est requise par le grave problème de santé de la femme.
Ces dispositions font l'objet de plusieurs propositions d'amendements de la part de votre assemblée.
Les uns visent à préciser que lorsque la cause d'IMG est liée à un péril grave pour la santé de la mère, la santé comprend la santé physique et psychique. Cette précision nous apparaît inopportune : le terme « santé » couvre tous les problèmes de santé sans distinction.
Les autres amendements visent à élargir le cadre de l'interruption médicale de grossesse aux situations à caractère psychosocial. Je vous rappelle que nous n'avons pas souhaité revenir sur l'esprit de la loi de 1975. En effet, ce qui est déterminant pour l'interruption « volontaire » de grossesse, c'est la démarche d'une femme à qui il revient, et à elle seule, de juger des raisons personnelles affectives ou morales qui la conduisent à vouloir ne pas poursuivre sa grossesse.
L'interruption « médicale » de la grossesse est une autre démarche : elle concerne une grossesse qui ne peut être menée à son terme en raison des risques qui menacent la santé de la mère ou celle de l'enfant.
La troisième modification retenue a trait à l'encadrement de la stérilisation à visée contraceptive.
Ces dispositions tendent à encadrer le recours à la stérilisation volontaire masculine et féminine pour les personnes capables et pour les personnes incapables majeures.
Pour ce qui est des personnes majeures capables, la ligature des trompes ou des canaux déférents ne peut être pratiquée que si la personne intéressée a exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d'une information claire et complète sur ses conséquences.
Cet acte chirurgical ne peut être pratiqué que dans un établissement de santé et après une consultation auprès d'un médecin.
L'objectif est de mettre en évidence le seul fondement d'une telle intervention, à savoir un choix libre, éclairé et motivé de la personne intéressée, en prenant bien évidemment des garanties, c'est-à-dire un consentement écrit après un délai de réflexion.
La commission des affaires sociales envisage de limiter ce droit aux personnes âgées de plus de trente ans ou aux personnes qui ne peuvent bénéficier d'une contraception autre. Ce n'est pas le choix des députés, que nous avons soutenu.
Cependant, si le délai de réflexion de deux mois apparaît trop court, il pourrait être prolongé.
Pour les personnes protégées, des conditions sont posées par le texte : une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre ; l'autorisation du juge des tutelles, après audition des personnes utiles et avis d'un comité d'experts.
Plusieurs amendements visant à améliorer la rédaction de l'article 20 méritent d'être débattus. Ils concernent notamment la saisine du juge des tutelles, les personnes susceptibles d'être entendues et la composition de la commission.
Telles sont les quelques remarques que je souhaitais formuler devant la Haute Assemblée avant que nous n'engagions la discussion sur le texte tel qu'il est proposé par le Gouvernement et amendé par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
(M. Jacques Valade remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Vous applaudissez alors que vous ne savez pas encore ce qu'il va dire !
M. Paul Blanc. C'est par sympathie pour lui, parce qu'on le connaît bien !
M. Jean Chérioux. Parce qu'il a notre estime !
M. Francis Giraud, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un quart de siècle après le vote de la loi du 17 janvier 1975, le Parlement se trouve conduit à réexaminer le cadre juridique régissant l'interruption volontaire de grossesse.
Il s'agit d'un sujet de société difficile qui engage la conscience de chacun de nous. Il concerne des situations humaines douloureuses, des détresses qui imposent de nous garder de tout a priori idéologique ou moral.
A cet égard, la commission a analysé ce texte de manière sereine, avec essentiellement des préoccupations de santé, au sens le plus large du terme, pour toutes les femmes concernées.
La loi Veil du 17 janvier 1975 était nécessaire. Elle a permis de mettre fin à cette honte collective que constituaient les décès de femmes souvent jeunes, consécutifs à des avortements clandestins. Interne des hôpitaux, j'ai été témoin de ces drames : je ne peux l'oublier.
La loi Veil est une loi courageuse, équilibrée, réfléchie. Ce n'est que justice de rendre hommage à Simone Veil et à notre collègue Lucien Neuwirth qui, quelques années auparavant, avait ouvert la voie à une contraception maîtrisée. (Applaudissements.)
Le Gouvernement propose aujourd'hui un certain nombre de modifications de la loi Veil, consistant essentiellement à allonger de deux semaines le délai légal pour pratiquer une IVG, soit à passer de dix à douze semaines de grossesse.
Avant d'analyser cette disposition, qui constitue le point le plus important de ce projet de loi, quelques remarques s'imposent.
La commission des affaires sociales regrette la déclaration d'urgence dont le Gouvernement a assorti la discussion du projet de loi. Un tel sujet aurait nécessité réflexion et concertation entre les deux assemblées. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
MM. Jacques Machet et Jean Chérioux. Très bien !
M. Francis Giraud, rapporteur. Le problème moral soulevé par l'interruption de la grossesse a été abordé au fond et largement débattu lors du vote de la loi de 1975, puis lors de son réexamen en 1979. De ce point de vue, il n'y a, à l'évidence, aucune différence entre un avortement réalisé à huit, dix ou douze semaines de grossesse. Le projet de loi n'ouvre pas de nouveau le débat sur l'avortement.
Le constat du nombre d'IVG dans notre pays est accablant. Il est celui d'un échec collectif dont la responsabilité est partagée par toutes les majorités politiques qui se sont succédé depuis vingt-cinq ans. En 1976, il y avait 250 000 IVG par an en France ; en 1998, il y en avait encore 214 000 !
Le comité consultatif d'éthique est sévère à ce propos. Il qualifie ce nombre d'« inacceptable »...
M. Jacques Machet. Il a raison !
M. Francis Giraud, rapporteur ... et souligne : « Une société mieux éclairée dans son mode de contraception subirait dans une moindre mesure la violence de l'interruption de grossesse ».
La persistance d'un nombre élevé d'IVG témoigne, à l'évidence, d'une carence dramatique dans une éducation qui devrait rendre les adolescents et les adultes responsables de leur sexualité et de leur reproduction. L'exemple des Pays-Bas montre qu'une politique d'éducation sexuelle précoce permet de réduire significativement le nombre des IVG.
Elle témoigne aussi d'une carence dans l'enseignement médical concernant la contraception, malgré quelques améliorations dans les programmes.
J'en viens maintenant à l'allongement de deux semaines du délai légal pour pratiquer une IVG.
Cette modification de la loi Veil est jugée nécessaire pour répondre à la situation de femmes dont le nombre est estimé à 5 000 par an et qui, ayant dépassé le terme des dix semaines de grossesse, sont contraintes de se rendre à l'étranger pour obtenir une IVG dans des pays où le terme légal est plus éloigné.
Nul ne peut naturellement rester insensible à la détresse de ces femmes et chacun, je crois, s'accordera à considérer que cela est véritablement inacceptable.
On notera cependant que ces 5 000 femmes ne représentent que 2,3 % du nombre d'IVG pratiquées chaque année en France. Le législateur s'interroge nécessairement sur le bien-fondé de la modification d'une règle générale respectée par 98 % des femmes concernées, pour traiter des situations certes dramatiques, mais qui n'en concernent que 2 %.
On pourrait toutefois concevoir une modification des principes définis en 1975 si cet allongement du délai était de nature à résoudre les problèmes évoqués. Ce n'est malheureusement pas le cas.
En effet, en pratique, seule la moitié des femmes - 2 000 à 3 000 selon les estimations les plus fiables - seraient susceptibles de bénéficier de ces deux semaines supplémentaires. L'autre moitié dépasse, de toute façon, le délai de douze semaines de grossesse. Dans l'immédiat, qu'adviendra-t-il de ces femmes enceintes ? Le projet de loi reste muet sur ce point : pour elles, ce sera donc, comme aujourd'hui, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne ou l'Espagne ! Comment s'en satisfaire ?
De plus, un allongement du délai en conduira inévitablement un certain nombre, de manière bien compréhensible s'agissant d'une décision aussi douloureuse, à attendre davantage qu'elles ne font aujourd'hui.
Il y a fort à craindre que, demain, ce ne soient 5 000 femmes, et non plus 2 000 ou 3 000, qui se trouvent au-delà du délai légal de douze semaines de grossesse. Faudra-t-il alors changer encore la loi pour passer à quatorze semaines, puis à seize semaines de grossesse ?
Pourquoi un certain nombre de femmes sont-elles contraintes de partir à l'étranger ? Les raisons sont de trois ordres.
Il y a, tout d'abord, l'insuffisante formation de nos concitoyens sur les mécanismes de la transmission de la vie. Il n'est pas normal que des jeunes filles se retrouvent hors délai tout simplement parce que personne ne leur a expliqué qu'elles pouvaient être enceintes. La contraception est largement répandue dans notre pays mais trop souvent mal maîtrisée.
Il y a, ensuite, les fréquentes difficultés rencontrées par les femmes pour accéder à l'IVG dans les délais légaux. Les nombreuses auditions auxquelles notre commission a procédé ont montré les dysfonctionnements que connaissent les structures chargées d'accueillir les femmes et de pratiquer les IVG : manque de personnels médicaux et paramédicaux en raison des difficultés de recrutement, moyens insuffisants, accueil parfois inadapté des femmes, etc.
Il y a, enfin, des situations particulières de détresse extrême qui conduisent à un dépassement des délais. Il s'agit souvent de femmes isolées, en situation de précarité, parfois victimes de viols, voire d'incestes.
A toutes ces difficultés, le texte de loi répond par un allongement du délai légal, qui ne portera pas remède à l'ignorance de certains de nos concitoyens sur les mécanismes essentiels de la transmission de la vie, qui n'améliorera pas et risquera même de dégrader le fonctionnement quotidien du service public de l'IVG, qui, enfin, ne résoudra en rien les situations particulières de détresse évoquées à l'instant.
Outre qu'il n'apporte aucune solution au problème posé, l'allongement du délai comporte un certain nombre de risques qui sont loin d'être négligeables.
S'est-on sérieusement interrogé sur les raisons qui ont poussé le législateur de 1975 à choisir la période de dix semaines pour le délai légal au-delà duquel l'IVG n'était plus autorisée ?
Il ne s'agissait ni de philosophie ni de morale ; il s'agissait de considérations anatomiques et embryologiques liées aux développement de la vie et au passage de l'état d'embryon à celui de foetus.
A dix semaines, il y a un seuil qui modifie notoirement l'acte médical nécessaire à l'interruption de grossesse.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Francis Giraud, rapporteur. Si une aspiration simple peut être pratiquée avant dix semaines, car l'embryon a encore une consistance liquide ou gélatineuse, après ce délai, sa formation est avancée et le foetus a commencé à s'ossifier.
Dans ces conditions, on comprend la nécessité de l'intervention médico-chirurgicale, qui se traduit le plus souvent par une anesthésie générale et une fragmentation foetale pour permettre curetage et aspiration dans des conditions beaucoup plus difficiles.
La compétence et l'expérience requises sont alors différentes. Des complications plus graves peuvent survenir.
Sur ce problème strictement médical, lors des auditions, des points de vue variés ont été exposés.
Pour la commission, ce débat a été arbitré par le texte émanant conjointement de l'Académie nationale de médecine et de l'ordre national des médecins : « Ayant pour unique objectif la sécurité et la qualité des soins et après avoir pris l'avis du collège national des gynécologues obstétriciens français, l'Académie nationale de médecine de l'ordre national des médecins rappellent que plus on s'éloigne des premières semaines de grossesse, plus le risque de complications devient grand. »
M. Jacques Machet. Eh oui !
M. Francis Giraud, rapporteur. « Dans l'intérêt de la santé des femmes, ils demandent que toutes les précautions médicales requises dans cette éventualité soient mises en place. Celles-ci devront être différentes de celles jusqu'alors utilisées dans les centres d'orthogénie : les moyens devront être intégrés dans une structure disposant d'un plateau technique chirurgical ; ils devront concerner non seulement les équipements et les locaux, mais aussi la compétence des intervenants et le recours habituel à la discipline d'anesthésie-réanimation. »
Comment réagiront les médecins et les personnels médicaux des centres d'orthogénie placés dans cette nouvelle situation ?
Lors des auditions, la commission a perçu des réticences, voire des refus, ce que confirme l'enquête réalisée par notre collègue Claude Huriet.
Allonger le délai de deux semaines aura aussi des répercussions sur le diagnostic prénatal.
Les échographies se font, dans notre pays, à la onzième semaine. Or, les progrès stupéfiants de l'imagerie médicale permettent de déceler tel ou tel défaut éventuel plus ou moins grave. Cela signifie qu'en reculant le délai pour l'avortement et en remontant de plus en plus tôt la date de l'examen prénatal du foetus on augmente le nombre d'IVG qui, majoritairement, ne correspondraient pas à des anomalies graves de l'enfant. Selon l'expression du professeur Nisand, le croisement de ces deux courbes est « mortifère ».
Bien entendu, on ne peut en aucun cas parler d'eugénisme collectif ou d'Etat, et ce serait faire injure aux femmes de penser qu'un avortement se décide sans raison majeure. Mais on met en place, sans l'avoir voulu, les instruments de la sélection individuelle des enfants à naître. (Applaudissements sur les travées du RPR. - Mme Pourtaud proteste.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Francis Giraud, rapporteur. Votre rapporteur, de ce point de vue, sait de quoi il parle, puisque, dans le département de génétique médicale qu'il a dirigé à Marseille, il a créé, en 1984, avec le professeur Jean-François Mattei, un centre de diagnostic prénatal.
La vérité impose de tenir compte des progrès médicaux. Comment réagira une femme enceinte de onze semaines à qui l'on apprend qu'une légère modification de la nuque de son foetus nécessite, à la dix-huitième semaine, d'autres examens pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une trisomie 21 ? Acceptera-t-elle ce risque ou cette incertitude, alors qu'elle peut avorter légalement sans justification jusqu'à douze semaines ?
En définitive, l'allongement du délai légal constitue une réponse inadaptée à un problème réel.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Francis Giraud, rapporteur. Cette mesure est une fuite en avant qui revient à déplacer les frontières de l'échec. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Donnant la priorité à l'impératif de santé publique, la commission a donc fait le choix de s'opposer à l'allongement du délai légal et de formuler, parallèlement, six propositions de nature à apporter une solution effective aux difficultés rencontrées.
Première proposition : se doter des moyens d'appliquer correctement les lois existantes.
La commission ne peut que rappeler qu'il est aujourd'hui de la responsabilité du Gouvernement de mettre enfin en place les moyens nécessaires au bon fonctionnement du service public de l'IVG.
Si ces moyens en personnels formés et disponibles, en structures proches et accessibles, avaient pu être dégagés ou pouvaient l'être aujourd'hui, le projet de loi perdrait sa raison d'être dans ses dispositions essentielles.
De même est-il également de la responsabilité du Gouvernement de définir une politique ambitieuse d'éducation responsable à la sexualité et d'information sur la contraception, qui mobilise autant le corps enseignant que le corps médical et ouvre le dialogue au sein des familles.
Deuxième proposition : permettre la prise en charge des situations les plus douloureuses dans le cadre de l'interruption médicale de grossesse, l'IMG.
La commission propose que ces situations puissent être prises en charge dans le cadre de l'interruption médicale de grossesse. Chaque cas serait alors examiné par une commission pluridisciplinaire comprenant un médecin choisi par la femme, un médecin gynécologue obstétricien et une personne qualifiée non-médecin, qui pourrait être une conseillère conjugale, une psychologue ou encore une assistante sociale. Cela représenterait, en moyenne, un cas par département et par semaine ; notre pays a, à l'évidence, les moyens d'organiser une telle prise en charge.
L'interruption médicale de grossesse, comme le prévoit la loi Veil, peut être pratiquée à tout moment si la poursuite de la grossesse met en péril la santé de la femme ou s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Ici, aucun changement.
De plus, la commission propose que la référence à la santé de la femme inclue sa santé psychique, appréciée notamment au regard de risques avérés de suicide ou d'un état de détresse consécutif à un viol ou un inceste. Cette précision permettrait la prise en charge des situations les plus douloureuses, qui constituent souvent l'essentiel des cas de dépassement de délais.
La troisième proposition vise à maintenir le caractère obligatoire de l'entretien social préalable.
Cet entretien est aujourd'hui l'occasion pour la femme d'exposer ses difficultés personnelles, conjugales, familiales, d'être informée des aides et soutiens dont elle peut bénéficier, de parler de la contraception et de préparer ainsi l'avenir.
Contrairement à ce que semblent croire les députés, « obligatoire » ne signifie pas « dissuasif ». S'il est exact que la grande majorité des femmes qui demandent une IVG ont déjà arrêté leur décision, en quoi cet entretien serait-il préjudiciable ? La femme serait-elle moins libre parce qu'elle serait mieux informée ?
Rendre cet entretien facultatif aboutira à ce qu'un bon nombre de femmes n'en bénéficient pas, surtout celles pour lesquelles il pourrait être le plus utile.
M. Dominique Braye. C'est évident !
M. Francis Giraud, rapporteur. La quatrième proposition tend à entourer de garanties la difficile question de l'accès des mineures à l'IVG.
Si le projet de loi réaffirme que l'autorisation parentale reste la règle en matière d'IVG des mineures, il ouvre cependant une possibilité de dérogation à ce principe.
Si la jeune fille persiste dans son souhait de garder le secret ou si, malgré son souhait, elle ne peut obtenir le consentement de ses parents. Elle pourra finalement prendre seule la décision de demander une IVG. Elle choisira alors une personne majeure pour l'accompagner dans sa démarche.
Chacun comprendra que cette disposition législative est symboliquement lourde et que ses conséquences juridiques sont graves. Après avoir longement réfléchi, la commission vous propose cependant d'en accepter le principe. En effet, si, dans la très grande majorité des cas, la mineure obtient l'accord de l'un de ses deux parents, il est des situations où le consentement parental paraît impossible à obenir, soit pour des raisons culturelles, soit pour des raisons simplement matérielles. Il est des cas où la simple annonce d'une grossesse mettrait en danger la vie de la jeune fille. Le recours au juge des enfants paraît alors inadapté.
Si la commission propose d'accepter cette dérogation, elle souhaite entourer cette possibilité d'un certain nombre de garanties : il n'est pas envisageable, en effet, que la mineure puisse être livrée à elle-même ou qu'elle soit, comme le prévoit le projet de loi, simplement « accompagnée » par une personne de son choix qui pourrait être n'importe qui.
Elle propose par conséquent que cette personne ne se limite pas à accompagner la mineure, concept qui n'a aucune signification juridique, mais l'assiste, par référence aux dispositions du code civil qui prévoient, dans certaines situations, l'assistance d'un mineur par une personne adulte. Cette modification terminologique a naturellement des conséquences juridiques puisqu'elle suppose l'exercice d'une responsabilité à l'égard de la mineure. La responsabilité de la personne référente ne pourrait cependant pas être mise en cause par les parents de la mineure puisque la loi lui confie cette mission.
Il s'agit aussi de réaffirmer la nécessité d'un suivi médical de la contraception. Le projet de loi supprime l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance de contraceptifs hormonaux, obligation qui résulte de la loi Neuwirth de 1967. Ces contraceptifs pourraient ainsi être mis en vente libre si l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé jugeait qu'ils ne présentent aucun danger.
Le Gouvernement fait valoir que la modification qu'il propose ne changera rien dans la pratique puisque aucun contraceptif hormonal, à l'exception du NorLevo, contraceptif d'urgence, ne remplit aujourd'hui les conditions pour être mis en vente libre.
La modification proposée vise donc à modifier le droit actuel pour préparer un avenir hypothétique : celui où apparaîtraient sur le marché des contraceptifs hormonaux qui ne présenteraient absolument aucun danger pour la santé.
Favorable à tout ce qui peut développer la contraception, qui est le meilleur garant de la diminution des IVG, la commission s'oppose pourtant à cette disposition, en particulier en ce qui concerne la première prescription.
En effet, une information sur la contraception mieux développée, mieux comprise et mieux acceptée permettrait de diminuer sensiblement le nombre des IVG. Or, la diffusion d'une contraception bien comprise suppose un accompagnement médical. Comme l'a souligné l'Académie nationale de médecine, à condition d'être l'objet d'un suivi médical, la contraception ne comporte que de très faibles risques pour la santé. »
En effet, l'obligation de prescription permet un bilan et un suivi médical de la femme et un dépistage précoce de certaines pathologies. Le dialogue entre le médecin et la femme est indispensable pour assurer une bonne compréhension et un bon usage d'une contraception efficace ; il assure en outre le choix d'une contraception adaptée à la situation de chaque femme.
Au regard des impératifs de santé publique, et quand bien même apparaîtraient des contraceptifs hormonaux sans danger pour la santé, il paraît nécessaire à la commission des affaires sociales de maintenir l'obligation de prescription médicale pour ces contraceptifs.
Notre dernière proposition vise à encadrer la pratique de la stérilisation à visée contraceptive.
La commission regrette que l'Assemblée nationale ait cru bon d'introduire dans ce projet de loi, par voie d'amendement et de manière un peu précipitée, un important volet relatif à la stérilisation à visée contraceptive, comportant deux articles additionnels.
La stérilisation constitue, à l'évidence, un acte grave qui méritait à tout le moins une réflexion préalable approfondie et un véritable débat.
Si la commission reconnaît la nécessité de donner un cadre légal à la pratique de la stérilisation à visée contraceptive, elle a souhaité encadrer cette possibilité afin de protéger la santé des personnes et d'éviter que des excès ne puissent être commis. Il serait en effet dommageable que la loi puisse par exemple autoriser une stérilisation sur une femme âgée de vingt-cinq ans, sans descendance et sans contre-indication à la contraception.
Elle vous propose par conséquent de n'autoriser la stérilisation à visée contraceptive que dans deux cas : si la personne est âgée de trente ans au moins, cet âge pouvant naturellement donner lieu à débat, ou lorsqu'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en oeuvre efficacement. La personne doit, en outre, être informée du caractère généralement définitif de cette opération.
S'agissant de la stérilisation des majeurs sous tutelle, elle vous propose de prévoir qu'elle ne peut être pratiquée qu'à la demande des parents ou du représentant légal de la personne concernée et que, si la personne concernée est apte à exprimer sa volonté, son consentement doit être systématiquement recherché. Il ne peut être passé outre à son refus ou à la révocation de son consentement.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les orientations que la commission des affaires sociales vous propose d'adopter sur ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Raymond Courrière. Bonjour la liberté !
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas beaucoup évolué, à droite !
M. le président. La parole est à Mme Terrade, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mme Odette Terrade, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la délégation aux droits des femmes a été saisie, à sa demande, par le président de la commission des affaires sociales, du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
La délégation a examiné, il y a quelques semaines, un rapport d'information présentant les raisons qui sont à l'origine de l'examen de ce texte, le contexte dans lequel il s'inscrit et ses conséquences pratiques. Elle a ensuite approuvé à une voix de majorité le projet de recommandations que je lui avais soumis, certaines de ces recommandations ayant tout de même été approuvées à l'unanimité.
A titre liminaire, je souhaite faire observer que le droit à la maîtrise de leur fécondité par la contraception et, éventuellement, par l'IVG, a constitué, pour les femmes, un acquis majeur pour leur émancipation et une condition favorable à l'égalité de leurs chances avec les hommes au sein de la société.
Cet acquis a, avant tout, résulté de luttes importantes des femmes, mais aussi de l'engagement de certaines personnalités. A ce sujet, je voudrais saluer la détermination, l'action et le courage politique de notre collègue Lucien Neuwirth dans la prise en compte de ces luttes par la loi de 1967 sur la contraception qui porte son nom. Je souhaitais, au-delà de nos divergences politiques, lui rendre hommage avec beaucoup de sincérité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyens, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
La maîtrise de leur fécondité par la contraception et, éventuellement, par l'IVG constitue un droit essentiel pour les femmes, disais-je. Pour autant, le recours à l'IVG est un droit dont chacun voudrait qu'aucune femme ne soit placée dans l'obligation de l'exercer, parce qu'il est vécu douloureusement la plupart du temps. Tout le monde regrette que plus de 220 000 femmes y recourent chaque année en France, alors que d'autres pays comparables au nôtre et à la législation parfois plus libérale ne connaissent pas de tels chiffres.
Dès lors, si le droit à l'IVG doit être préservé et renforcé, des améliorations doivent dans le même temps être apportées au droit à la contraception, précisément parce qu'il doit contribuer à réduire naturellement le nombre des IVG.
A cet égard, le rapport d'information de la délégation insiste délibérément sur le volet « contraception » du projet de loi, considérant comme nécessaire d'engager un effort accru en faveur de l'information et de l'accès à la contraception.
La première partie de ce rapport dresse un état de la situation actuelle du droit des femmes à la maîtrise de leur fécondité, résultat d'un siècle de luttes mais qui est encore loin d'être satisfaisante. Les droits obtenus par les femmes depuis trente ans doivent ainsi faire l'objet d'une grande vigilance car leur exercice n'est pas toujours facilité, quand ils ne sont pas tout simplement combattus.
Enumérant les problèmes existants, le rapport cite notamment les lacunes de l'information des adultes et des jeunes sur les méthodes contraceptives, la trop faible participation du corps médical à cette information, faute notamment d'une formation initiale et permanente suffisante, le désintérêt relatif des chercheurs pour l'amélioration des produits contraceptifs, le mauvais remboursement des produits les plus efficaces. Il relève également les actions illégales et condamnables visant à empêcher les services d'orthogénie de fonctionner ou à interdire aux femmes de s'y rendre, l'usage extensif de la clause de conscience par certains médecins qui empêche nombre de femmes d'accéder à l'IVG dans les meilleurs délais, ainsi que la diminution inquiétante du nombre des médecins pratiquant l'IVG, activité éprouvante n'offrant guère de motifs de satisfaction et, comme telle, relativement méprisée par le corps médical.
La seconde partie du rapport est consacrée au contenu du projet de loi que Mme la ministre vient de présenter. Je vous indique simplement que la délégation est favorable à ce projet de loi et que, dans le corps de son analyse, elle fait état des pistes qu'elle suggère de suivre dans ses recommandations pour, de son point de vue, améliorer le dispositif d'accès à la contraception et à l'IVG.
Enfin, dans la dernière partie de son rapport, la délégation a jugé impératif que des moyens accompagnent ces avancées législatives, qu'un engagement plus prononcé des pouvoirs publics en faveur d'une véritable politique de la contraception soit affirmé et que les dispositifs d'accueil des femmes qui demandent une IVG soient renforcés.
Parmi les pistes que suggère le rapport figurent l'information de nos concitoyens et de nos concitoyennes, particulièrement des jeunes, sur la contraception, l'implication plus grande des médecins, conditionnée par une réflexion sur leur formation, la reprise de la recherche en matière de traitements contraceptifs, un meilleur remboursement de ceux-ci, un renforcement des moyens budgétaires pour les centres d'IVG, une réflexion sur le recrutement, le statut, la rémunération et l'avenir des professionnels, notamment des médecins, et, enfin, la planification de l'ouverture des centres pendant la période estivale et l'institution de « numéros verts » régionaux.
J'en viens, pour conclure, aux recommandations adoptées par la délégation.
A la majorité d'une voix, elle s'est déclarée favorable au dispositif du projet de loi, ayant déjà exprimé, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence, son soutien de principe à toute mesure de nature à diminuer le nombre des grossesses non désirées et, par conséquent, celui des interruptions volontaires de grossesse, qui demeure encore important.
Elle a estimé en particulier indispensable de promouvoir une véritable politique publique en faveur de la contraception qui, à terme, devrait permettre de ramener le nombre d'IVG en France à un niveau comparable à celui de ses principaux partenaires européens.
A l'unanimité, la délégation s'est félicitée des engagements pris en faveur de la pérennisation des campagnes publiques d'information sur la contraception et des efforts entrepris par le ministère de l'éducation nationale pour assurer aux adolescents des séquences d'éducation à la sexualité tout au long de leur scolarité, mais elle a relevé que des moyens suffisants devront être dégagés pour garantir l'efficacité de ces méthodes de sensibilisation.
Elle a observé, à l'unanimité, que cette information et cette éducation, qui concernent tout autant les hommes que les femmes, pourraient être mieux relayées auprès de ces dernières par le corps médical, et tout spécialement les médecins généralistes, qui crédibiliseraient ainsi le discours public.
Elle a, dès lors, recommandé un renforcement et une amélioration de la formation des étudiants en médecine sur la contraception et ses méthodes, et sur les façons d'aborder ces questions avec leurs patientes.
S'agissant plus particulièrement du projet de loi, la délégation, à la majorité d'une voix, a considéré que ses dispositions étaient propres à faciliter l'accès à la contraception. Elle s'est déclarée favorable à la suppression de l'accord parental pour la délivrance aux mineures de méthodes et de traitements contraceptifs ainsi qu'à l'institution d'un dispositif de gratuité pour la contraception des mineures, à l'instar de celui qui a été mis en place, sur l'initiative du Sénat, pour la contraception d'urgence.
Par ailleurs, concernant la légalisation de la stérilisation volontaire à visée contraceptive, notre délégation a recommandé à la majorité d'une voix la prise en charge totale de ces opérations par la sécurité sociale.
Elle s'est cependant interrogée sur les financements qui devraient accompagner l'ensemble des mesures relatives à la contraception pour les rendre pleinement effectives.
La délégation a, à la même majorité d'une voix, considéré comme indispensable que les pouvoirs publics oeuvrent, par tous les moyens dont ils disposent, à favoriser les progrès de la recherche en matière de techniques contraceptives, notamment en termes de sûreté et d'allégement des contraintes, et pour les rendre accessibles à toutes et à tous par leur remboursement total par la sécurité sociale.
Elle a estimé que, loin de susciter des dépenses supplémentaires, une telle politique serait au contraire globalement économe des deniers publics et sociaux, la charge collective, directe et induite, du recours important à l'IVG devant en effet, grâce à elle, être rapidement réduite.
En ce qui concerne l'IVG, la délégation a été, toujours à la majorité d'une voix, favorable à la prolongation de deux semaines du délai légal d'intervention, qui devrait permettre de diminuer le nombre de femmes contraintes de se rendre à l'étranger ou de poursuivre une grossesse qu'elles ne désirent pas.
A l'unanimité, la délégation a toutefois recommandé plusieurs actions.
Il s'agit, d'abord, d'accroître les moyens humains, matériels et financiers des centres d'orthogénie, d'améliorer le statut des personnels médicaux et non médicaux, et de renforcer leur formation afin de favoriser un meilleur accueil des patientes, de parvenir à une réduction générale des délais d'intervention et d'organiser les interruptions de grossesse au-delà de la dixième semaine dans des conditions de sécurité maximales.
Il s'agit ensuite d'instituer, dans chaque département, des « numéros verts » offrant des renseignements pratiques - adresses, coordonnées téléphoniques, horaires d'ouverture - sur les centres de planification, les centres d'orthogénie et les associaitons susceptibles de recevoir et de délivrer aux femmes, en particulier aux adolescentes, des informations sur la contraception, sur l'IVG et sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles.
Par ailleurs, la délégation a recommandé d'apprécier le motif médical susceptible de permettre une interruption médicale de grossesse au-delà de la douzième semaine de grossesse conformément aux prescriptions de l'Organisation mondiale de la santé, qui définit la santé comme un « état de bien-être physique, mental et social ».
Enfin, à la majorité d'une voix, la délégation a également recommandé d'accélérer, sur le fondement de la disposition du projet de loi donnant une base légale au développement des IVG en médecine ambulatoire, la mise en oeuvre de l'engagement du Gouvernement de favoriser, au cours des cinq premières semaines de la grossesse, le recours aux méthodes médicamenteuses d'interruption de la grossesse.
S'agissant des jeunes filles mineures, la délégation a observé, à la majorité d'une voix, que le dispositif du projet de loi institué pour leur permettre, si le consentement des parents n'a pas pu être recherché ou obtenu, de subir une IVG dans le secret devra, pour être applicable, être précisé en ce qui concerne la responsabilité tant du corps médical que de l'adulte référent. Cette majorité a, en outre, souligné l'attention toute particulière qu'il conviendra de porter à l'accompagnement post-IVG de ces jeunes filles en détresse, lorsqu'elles ne pourront compter sur le soutien affectif de leur famille.
Enfin, la délégation a recommandé, à la majorité d'une voix, d'étendre le délit d'entrave à la pratique légale des IVG aux pressions, menaces et actes d'intimidation exercés à l'encontre de l'entourage des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés à l'article L. 2212-2 du code de la santé publique.
Tels ont été, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les travaux et les recommandations de la délégation aux droits des femmes. Ce fut un plaisir et un l'honneur pour moi de rapporter un projet de loi relatif à l'IVG et à la contraception, qui est un volet majeur des droits des femmes et de leur émancipation, et qui, je sais, est attendu par des milliers de femmes dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'exposé tout à fait important et je crois juste de notre rapporteur, M. Francis Giraud, et les propos de Mme Terrade, je voudrais faire un certain nombre d'observations et, peut-être, mettre en garde le Gouvernement sur la voie dans laquelle il tente d'entraîner le Parlement.
Lorsque nous avons abordé ce projet de loi, nous nous sommes demandé s'il ne s'agissait pas tout simplement d'une loi d'imitation, tant était mise en avant la situation dans certains pays voisins où, en effet, les délais légaux d'interruption de grossesse sont beaucoup plus longs.
Il se trouve que j'ai rapporté la loi de 1979, qui visait à pérenniser la loi de 1975, dite loi Veil : nous nous étions déjà posé la question de savoir s'il fallait dépasser le délai de dix semaines qui était préconisé.
Les motivations qui nous ont amenés à maintenir ce délai n'ont pas changé : Francis Giraud l'a dit, elles sont d'ordre non pas éthique, mais médical. Sans doute ne proposerons-nous pas, au gré des tenants du discours que nous entendons ici ou là, une loi politiquement correcte ; ce qui nous importe, c'est qu'elle soit médicalement correcte. (Tout à fait ! sur les travées du RPR.) Je pense, en effet, que le rôle du législateur n'est pas de suivre l'air du temps. Dans un domaine comme celui-ci, il est de veiller à ce que la décision qu'il prend n'entraîne pas pour la santé publique, donc pour les citoyens, en l'occurrence les citoyennes, des difficultés dont il serait, en tant que législateur, responsable.
M. le rapporteur l'a indiqué tout à l'heure, nous sommes dans une procédure d'urgence ; c'est la première fois qu'un tel texte est proposé en urgence, et il l'a été dès le départ.
Je lisais tout à l'heure une déclaration du président de l'Assemblée nationale, M. Raymond Forni, qui, après avoir constaté que le Sénat avait mis un certain temps pour traiter du problème du calendrier électoral, a dit que nous aurions mieux fait de consacrer notre temps à étudier l'allongement du délai de l'IVG et les textes restés en souffrance... Pour qui nous prend-on ?
Le projet de loi relatif à l'IVG et à la contraception a été déposé en octobre 2000 et a été examiné en première lecture par nos collègues députés le 30 novembre 2000. Nous ne discutions pas encore du calendrier électoral. Or, dès son examen par l'Assemblée nationale, il a été assorti de la déclaration d'urgence. Comment imaginer que, pour un texte de cette importance et auquel vous êtes légitimement attachée, madame le secrétaire d'Etat, on puisse déclarer l'urgence, c'est-à-dire empêcher les deux assemblées de dialoguer ? Tout cela au bénéfice de quoi ? D'un texte qui était une proposition de loi, que le Gouvernement pouvait inscrire à l'ordre du jour prioritaire mais qu'il pouvait également décider de retirer pour permettre la discussion du texte relatif à l'interruption volontaire de grossesse. Il ne l'a pas fait : ce n'est donc pas le Sénat qui est responsable de ce retard ou du recours à l'urgence. L'urgence avait été déclarée avant et le Gouvernement avait toute latitude de faire en sorte que nous puissions discuter de l'IVG. La commission était prête, les rapports étaient rédigés. Je voudrais donc que l'on n'impute pas au Sénat un retard qui n'est nullement de sa responsabilité.
Un certain nombre d'autres points méritent également réflexion. Tout à l'heure, notre collègue Claude Huriet fera état du résultat de l'enquête qu'il a réalisée. Elle est très instructive en ce qui concerne la presque totalité des centres d'interruption volontaire de grossesse et les inquiétudes, les réticences, voire les refus des médecins de s'engager dans un débat qui reviendrait finalement à dire : « Que les femmes se débrouillent ! ».
Nous devons faire attention, quand nous légiférons dans ce domaine-là, de ne pas faire une loi d'hommes, c'est-à-dire une loi faite par des hommes qui dégageraient leur responsabilité sous le prétexte que les femmes, dont nous respectons la décision, sont responsables de leur corps et, par conséquent, libres de demander une interruption volontaire de grossesse, ce que nous avions prévu en 1974 et confirmé en 1979. Que la femme se débrouille donc jusqu'à dix semaines, douze semaines ; il lui suffit de savoir qu'elle peut solliciter une interruption volontaire de grossesse !
Non ! Une grossesse commence à deux, et son interruption est une décision grave, même si elle peut paraître facile à prendre. Dans le dispositif que nous proposons, il y a un certain partage de la décision, même s'il est vrai qu'au bout du compte la femme doit pouvoir décider. Je m'attendais par conséquent plus à être taxé de laxisme que considéré comme adoptant des positions rétrogrades ou sans lien avec la modernité.
Or, cette responsabilité, c'est aussi celle des médecins. On peut dire, comme Mme le ministre l'a fait tout à l'heure, que les médecins sont protégés en l'occurrence comme ils le sont pour tout acte médical, sauf que la loi ne les oblige pas à pratiquer cet acte-là. Ils acceptent de le faire, ce qui n'est pas tout à fait la même chose que de répondre à l'obligation d'apporter les meilleurs soins possibles au malade et de consacrer les meilleurs moyens à son traitement.
Ainsi, on leur demande d'être volontaires et il ne me semble pas possible qu'il puisse en aller autrement. On ne peut pas « instrumentaliser » le médecin et lui dire : « prenez la canule et la curette et arrêtez les grossesses jusqu'à douze semaines ! »
Le médecin qui accomplit cet acte engage donc sa responsabilité au-delà de ce qu'exigent le code de déontologie et la loi. D'ailleurs, nous aussi nous engageons notre responsabilité, comme vous, madame le secrétaire d'Etat.
Les propos qui seront tenus au cours de ces deux journées, trop courtes, comme je l'ai dit au ministre chargé des relations avec le Parlement, seront lus un jour, non pas par les hagiographes de certains d'entre nous ni par les sociologues - le débat sera largement dépassé d'ici là ! - mais par les avocats et les magistrats qui auront à traiter d'incidents, voire d'accidents qui seront survenus dans le cadre des dispositions qui nous viennent de l'Assemblée nationale. Nos concitoyens cherchant de plus en plus, lorsque quelque chose ne fonctionne pas bien, à trouver des responsables, on verra alors que des mises en garde avaient été faites, mises en garde qui n'auront pas été prises en compte.
Bien d'autres sujets mériteraient un développement. Mais, pour ne pas allonger le débat, je ne les aborderai pas maintenant. Nous en discuterons lors de l'examen des articles.
En tout cas, je pense que les propositions mesurées que nous ferons permettront, mieux que les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, de trouver une solution à un certain nombre de situations ; je pense notamment, à cet égard, aux femmes qui auront dépassé la douzième semaine de grossesse.
Je me rappelle que, en 1979, Pierre Simon, qui travailla sur la contraception avec Lucien Neuwirth, avant d'être le conseiller de Simone Veil, lors de l'élaboration de la loi de 1975, considérait qu'il était certes possible d'autoriser l'interruption volontaire de la grossesse au-delà de la dixième semaine, mais que les risques de dérives imposaient que l'on en reste là.
Notre ambition n'est pas aujourd'hui de marquer un arrêt à une pratique qui est entrée dans les moeurs, au sens sociologique du terme. Nous n'avons aucunement l'intention de revenir en arrière. Mais, si nous acceptons d'aller plus loin, nous voulons que ce soit avec toutes les précautions nécessaires pour mettre les femmes à l'abri d'un certain nombre de difficultés.
On entend tous les jours actuellement, à la radio, à la télévision, invoquer le principe de précaution : belle invention, fort utile, qui permet aux responsables de tous ordres d'ouvrir des parapluies successifs au-dessus d'eux !
Est-ce vraiment faire preuve de responsabilité que de laisser une jeune fille prendre une pilule pour la première fois de sa vie sans prescription médicale ?
N'est-ce pas oublier que, dès douze ans, une jeune fille peut avoir un cancer de l'ovaire ? Ainsi, on laisserait une jeune fille s'engager dans un traitement hormonal répété, au risque de s'apercevoir, peut-être un an après, que ce n'est pas la pilule qui lui convient et qu'il faut modifier le traitement ! Sachant qu'il n'y aura pas eu de consultation médicale à l'origine, qui sera responsable ? La jeune fille ? Certes pas ; elle n'aura fait que suivre éventuellement le conseil d'une « copine ».
J'estime donc nécessaire de maintenir le principe de la première prescription par un médecin, pour éviter les contre-indications évidentes. Je ne vise pas, bien sûr, les renouvellements de traitement.
Permettez-moi enfin de relever l'incohérence qu'il y a à entourer d'un certain nombre de précautions l'interruption de grossesse des mineures alors que, pour la vie sexuelle, si l'on peut dire, la majorité est fixée à quinze ans, dans la mesure où le détournement de mineur n'est caractérisé que lorsque la personne concernée a moins de quinze ans. N'y-a-t-il pas là quelque chose d'anormal ? Ne pourrait-on définir une majorité sanitaire qui permettrait de faire en sorte que, dès quinze ans, une jeune femme ou un jeune homme soient libres de consulter un médecin quand ils le veulent, de prendre un certain nombre de médicaments, sans pour autant solliciter systématiquement l'accord de leurs parents ?
Voilà, monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais formuler en ce début de discussion. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 74 minutes ;
Groupe socialiste, 62 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 48 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 45 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 33 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 29 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant toute chose, je tiens à dire à quel point je mesure le caractère délicat de toute intervention dans un domaine aussi sensible que celui dont nous débattons aujourd'hui.
En pareille matière, seuls ont droit de cité, ce qui n'a pas toujours été le cas à l'Assemblée nationale, des propos mesurés, fussent-ils appelés à traduire des convictions qui ne le sont pas.
Très brève, ma démarche s'attachera tout d'abord à exprimer ma réaction face au texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, puis à la prolonger par une réflexion de caractère plus général sur la philosophie qui sous-tend l'initiative gouvernementale, aggravée au Palais-Bourbon.
Il n'apparaît pas inutile de s'interroger, dès l'abord, sur ce qui a constitué le fondement de la loi à laquelle demeurera attaché le nom de Mme Simone Veil. Et quoi de plus probant, en pareille matière, que de se référer aux paroles mêmes qu'elle prononçait le 26 novembre 1974 à l'Assemblée nationale pour défendre le projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse ? « Je le dis avec toute ma conviction : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue. »
Et Mme Veil d'ajouter : « Tout d'abord, l'interruption de grossesse ne peut être que précoce parce que ses risques physique et psychique deviennent trop sérieux après la dixième semaine qui suit la conception pour permettre aux femmes de s'y exposer. »
Or, dès le premier abord, il est patent que le texte dont nous sommes saisis relève d'un tout autre registre qu'une loi qui se voulait - et je reprends ici les termes dont se servait alors le ministre de la santé - « dissuasive » et « protectrice », car la notion d'ultime recours s'efface aujourd'hui devant celle d'ouverture d'un droit socialement garanti.
De la dixième semaine, l'on en vient à la douzième...
Aussi bien est-ce à juste titre qu'a été mis en lumière le changement de nature à ce stade de l'acte chirurgical, à ce point ressenti par les personnels de santé que nombre de praticiens endurcis, parmi ceux-là mêmes qui pratiquent couramment des IVG, avertissent qu'ils refuseront de s'y livrer, en raison du caractère mutilant d'une intervention réalisée au moment où l'embryogenèse est achevée.
A cette objection tenant au traumatisme lié à l'acte lui-même, s'ajoutent celles qu'appellent des dispositions annexes dont il est légitime de penser qu'elles ont pour seul objet de dissuader certaines femmes de garder leur enfant.
Ainsi en va-t-il de la suppression prévue dans le « dossier-guide » remis à une femme, lors de la première consultation médicale pré-IVG, de l'énumération des droits, des aides et des avantages garantis par la loi aux mères et à leur enfant.
Aussi en va-t-il de la suppression, dans ce document, des passages consacrés aux possibilités offertes par l'adoption et de la liste des organismes susceptibles d'apporter une aide morale ou matérielle.
Ainsi en va-t-il de l'abandon, pour les personnes majeures, du caractère obligatoire de la consultation sociale préalable.
Et que dire du transfert, dans le code de la santé publique, de certaines des dipositions du code pénal relatives à la pratique illégale des IVG ?
Que dire de l'intrusion subreptice, par voie d'amendement lors de la discussion à l'Assemblée nationale, de deux articles relatifs à la stérilisation à visée contraceptive ?
Que dire - et je regrette que Mme le ministe de l'emploi et de la solidarité ait quitté l'hémicycle - de l'aberration, identique à celle qui a vicié la loi sur la présomption d'innocence malgré les avertissements du Sénat, consistant à étendre le champ d'application de l'IVG, alors même que le manque de moyens pour appliquer la loi de 1975 apparaît patent ?
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Christian Bonnet. Comment qualifier, enfin, le fait que le Gouvernement ait cru pouvoir, sur un sujet aussi grave et complexe, imposer une discussion en urgence quand on sait la valeur ajoutée qu'apporte, en tout domaine, une seconde lecture ? On ne saurait, dès lors, trop se féliciter du travail effectué par la commission des affaires sociales, qui vient d'inviter le Sénat, par la voix de son rapporteur, puis par celle de son président, tantôt à écarter, tantôt à corriger certaines des mesures figurant dans le projet de loi et certains des ajouts qu'a cru bon d'y introduire l'Assemblée nationale.
Cela étant, le texte me paraît appeler, au-delà même de sa rédaction, et sur un plan plus général, des réserves de deux ordres.
La première a trait à la multiplication des textes de circonstance tendant à valider des situations particulières, en fonction de l'air du temps et de l'humeur des groupes de pression.
Tout problème rencontré paraît appeler une loi, et la notion même de loi se trouve alors détournée : ainsi le projet qui nous occupe aujourd'hui intéresse-t-il environ 2000 femmes selon les experts, soit 1 % des IVG pratiquées chaque année en France, 2000 femmes dont bon nombre relèvent, à n'en pas douter, de l'interruption médicale de grossesse, ouverte, sans condition de délai, par la législation existante aux cas de détresse authentique, que celle-ci ait une origine physique ou un fondement moral, générateur de pulsions suicidaires.
De loi en loi, d'assouplissement en assouplissement, on en vient à laisser croire à des adolescents fragiles - et pas seulement à eux - que tout est flexible. Et le professeur Nisand de nous mettre en garde : « Si nous laissons le texte tel qu'il est actuellement, nous y reviendrons encore et encore. »
La seconde réserve à l'endroit de ce projet de loi tient au fait qu'il ouvre, peut-être inconsciemment, mais à coup sûr dangereusement, la voie à des pratiques de nature à remettre en cause les assises mêmes de notre société.
L'allongement de la période jusqu'à un stade où les images échographiques en trois dimensions sont devenues extrêmement précises risque de faire naître la tentation de la recherche cauchemardesque et mortifère d'un enfant parfait.
Chef du service de gynécologie obstétrique à l'hôpital Antoine-Béclère, le professeur René Frydman - pourtant peu suspect, on le sait, d'être hostile à la pratique des IVG - n'a pas hésité à énoncer cette phrase saisissante : « Le dépistage précoce est, en France, le gage de meilleures chances pour la vie. Il sera, dans ces conditions-là, un arrêt de mort. »
Lorsque le discours dominant véhicule des images ambivalentes sur la question du respect de la vie, aujourd'hui à propos de l'enfant à naître, demain, peut-être, comme aux Pays-Bas, à travers une euthanasie présentée, elle aussi, dans un premier temps - avant sa banalisation - comme le remède à une situation de détresse de malades ou de vieillards, comment s'étonner du mépris de l'existence d'autrui que manifestent de plus en plus de jeunes, et de plus en plus jeunes ?
Symptomatique d'une législation privilégiant la prise en compte de la fluctuation des moeurs par rapport au fondement même d'une civilisation, le projet, puise en réalité sa source dans la philosophie libertaire de certain mois de mai où Moustaki pouvait chanter : « Tout est permis, tout est possible ! »
Pour ma part, indifférent au vent qui souffle en tempête dans le sens d'une transgression des interdits et du primat, sur toute règle, des droits de l'individu, je tiens, à l'instar de notre éminent collègue le professeur Mattei, président d'un groupe à l'Assemblée nationale, « qu'on gagne parfois à rester soi-même, accroché à ses valeurs, en dépit des modes et des convenances ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la démarche du Gouvernement est pour le moins paradoxale : il demande au Parlement de légiférer à nouveau sur des sujets pour lesquels des dispositions ont déjà été votées et alors même que la validité de celles-ci n'est contestée par personne ; ce qui pèche, c'est l'application qui en est faite. Ainsi, plutôt que de s'atteler à la mise en oeuvre des possibilités qu'offrent les textes déjà en vigueur, le Gouvernement nous propose, pour remédier aux carences en termes de moyens, d'élargir les marges d'accès. Le thème deviendra récurrent puisque les causes de dépassement des délais ne sont pas traitées au fond.
Alors que deux ou trois décennies se sont écoulées depuis le vote des deux lois fondamentales auxquelles se réfère le projet de loi que nous discutons aujourd'hui, il convient de faire le point.
Dans un pays où le vote des femmes est intervenu tardivement et où celles-ci ont dû attendre plus longtemps encore pour se voir accorder la faculté d'ouvrir un compte en banque, notre collègue Lucien Neuwirth a su entendre une demande et faire valoir ses convictions afin que les Françaises soient en mesure d'assumer des maternités voulues. La loi en question date de décembre 1967, soit six mois avant qu'il soit « interdit d'interdire » : les résistances étaient alors plus fortes !
Huit ans plus tard, la loi Veil autorisait l'interruption volontaire de grossesse. Des échanges passionnés eurent lieu en 1975, mais les réactions que provoquent le texte proposé aujourd'hui montrent que le débat n'est pas près d'être clos. Toutefois, l'observation de la réalité montrait, d'une part, que des départs avaient lieu vers des pays étrangers qui pratiquaient l'IVG et que ces voyages étaient réservés à celles qui en avaient les moyens, d'autre part, que les progrès médicaux avaient fait reculer considérablement les décès liés aux accouchements alors que les pratiques clandestines d'IVG présentaient tous les risques.
Ces deux initiatives fondent tout particulièrement la parité entre les hommes et les femmes : maîtrise de la fécondité, d'abord, et possibilité d'interrompre, en dernier recours, une grossesse impossible.
La vérité m'oblige à rappeler que ces textes ont été déposés sous les présidences du général de Gaulle et de Valéry Giscard d'Estaing.
Ainsi, les dispositifs existent, mais la volonté de les mettre en oeuvre manque, tout comme les moyens.
Tout d'abord, qu'en est-il de l'information sur la contraception ?
J'ai interrogé des élèves de seconde, de première et de terminale de mon département. Tous et toutes ont déclaré n'avoir fait l'objet d'aucune sensibilisation particulière sur la contraception au sein de leurs établissements scolaires. Il y a bien une ou des affiches à l'infirmerie, mais encore faut-il s'y rendre...
Ce qu'ils ont retenu des campagnes récentes, c'est essentiellement la prévention contre le sida, non la maîtrise de la fécondité.
De plus, si, en ce qui concerne les maladies sexuellement transmissibles, filles et garçons se sentent concernés au même titre, pour ce qui est de la transmission de la vie, les garçons considèrent la plupart du temps qu'ils ne sont pas les premiers impliqués.
L'école et la famille sont les lieux privilégiés de sociabilisation ; or elles ont l'une et l'autre failli. La pilule du lendemain est de trop récente introduction en milieu scolaire pour que l'on puisse disposer de données chiffrées sur les demandes enregistrées. Toutefois, en dehors de cas liés à des conditions exceptionnelles, le recours à cette pratique montrera bien l'échec de la prévention, échec dû non à l'inefficacité de celle-ci, mais à son absence.
S'agissant des familles, il paraît étonnant que les mères des adolescents d'aujourd'hui, qui avaient à peu près dix ans lors de la promulgation de la loi Neuwirth et qui ont donc toujours vécu avec la possibilité d'accéder aux moyens contraceptifs ne jouent pas vis-à-vis de leurs enfants le rôle d'éducateurs qu'on serait en droit d'attendre d'elles. Preuve est ainsi faite que ces moyens n'ont pas été intégrés ; sinon, on aurait constaté la transmission des pratiques par les femmes, comme cela se fait dans toutes les sociétés.
Autre preuve de cet échec : le nombre d'IVG pratiquées annuellement en France est beaucoup plus important que dans des pays voisins qui ont su développer une politique publique d'éducation sexuelle ; aux Pays-Bas, par exemple, le taux d'IVG a été significativement réduit.
Ce droit, qui est peut-être le seul qu'une femme souhaiterait n'avoir jamais à exercer, se révèle, dans la pratique, difficile à faire valoir ; temps de réponse trop longs, réticences des structures d'accueil - quand elles existent -, manque de formation des personnels sont autant de facteurs d'allongement des délais.
Si les dysfonctionnements ne sont pas traités à la racine, il ne sert à rien d'accorder quinze jours de plus pour placer un acte dans la légalité. Cette nouvelle échéance apparaîtra toujours comme léonine à qui aura à pâtir de lenteurs inexpliquées.
Néanmoins, il convient de considérer les cas de dépassement limité par rapport aux demandes traitées. La proposition de la commission des affaires sociales émise par la voix de son excellent rapporteur, M. Francis Giraud, en prévoyant le recours à une commission pluridisciplinaire qualifiée qui statuera sur chaque dossier, me paraît répondre à des situations qui ne sauraient être ignorées. Toutefois, il conviendra que cette commission pluridisciplinaire ne tarde pas à prendre sa décision, faute de quoi elle manquera à sa vocation.
A la fuite en avant je préfère une éducation des conduites par une solide information précoce et la possibilité d'exercer librement des droits inscrits. Cela suppose une volonté nationale soutenue par des moyens appropriés.
Prenons les choses dans l'ordre logique.
La diminution du nombre des IVG passe par l'éducation des jeunes. Le milieu le mieux contrôlé pour l'implantation d'unités de sensibilisation est constitué par les établissements scolaires. Pourquoi ne pas introduire, au sein de ceux-ci, des antennes du Planning familial ou, si le statut de cette structure ne le permet pas, quelque chose d'analogue ? L'accès à ces lieux s'inscrira dans une démarche facile et quotidienne, en dehors des moments programmés de diffusion de l'information.
Pour cela, il convient de prévoir un personnel ayant reçu une formation adaptée. Certes, les infirmières pourraient être les intervenants désignés. Toutefois, comme ceux des médecins scolaires, leurs effectifs sont très en dessous des besoins. J'en veux pour preuve un lycée de Vesoul qui est contraint d'appeler régulièrement les sapeurs-pompiers, son infirmerie n'étant pas ouverte tous les jours.
Par ailleurs, le remboursement par la sécurité sociale des contraceptifs doit être systématique quelle que soit la qualité du prescripteur. Même si leur coût n'est pas très élevé, il peut être parfois dissuasif. Au demeurant, si l'on suit un raisonnement purement mathématique, dénué de tout aspect humain, voire cynique, force est de constater que la dépense sera moins élevée que celle qu'entraîne une IVG.
Au-delà des jeunes scolarisés, la population qui renouvelle les générations a également besoin de lieux de proximité où l'on pourra répondre à des questions qui, visiblement, pour l'instant, n'ont pas trouvé de réponses. Pour que nous ne nous retrouvions pas, une fois encore, devant une proposition d'allongement des délais, un effort immédiat et important doit être entrepris.
Malgré tout, il y aura encore des recours à l'IVG, et ce pour des motifs bien différents. Là encore, il pourraît être satisfait aux exigences de délai si les structures de prise en charges étaient en nombre suffisant pour permettre l'accueil correct, et en temps utile, de toutes les demandes.
Sur ce plan-là aussi, la proximité est un facteur favorisant une démarche plus immédiate et une première consultation dans les premiers jours d'incertitude. On sait, en effet, que plus l'IVG intervient précocement, plus le risque de complications est faible et plus le choix des techniques utilisables est large.
Au sein des établissements, le service qui pratique l'IVG doit bénéficier de la même signalétique que les autres services. Bien souvent, ce service reste dissimulé, obligeant à une reconnaissance du parcours d'autant plus difficile que la démarche est déjà douloureuse. Pourquoi ne pas instituer un « numéro vert » comme il en existe pour le SAMU social, l'enfance maltraitée et, hélas ! bien d'autres détresses ?
Avant de terminer, je voudrais dénoncer le procès d'intention fait par un grand quotidien national à notre assemblée : « Certains sénateurs souhaitent sans l'avouer que tout soit fait pour que les femmes puissent revenir sur leur décision d'avorter. » Quelle objectivité ! J'ai surtout envie de dire : quel souci de nuire !
En conclusion, je souhaite que, avant d'envisager un allongement des délais ouverts pour pratiquer une IVG, on mette en oeuvre tous les moyens pour l'éviter. C'est pourquoi je suivrai les propositions de la commission des affaires sociales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Fischer. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la maîtrise de la fécondité par la contraception et l'interruption volontaire de grossesse sont des éléments essentiels de l'émancipation féminine qui ont marqué ces dernières décennies.
Rappelons-nous qu'avant de devenir des droits arrachés de haute lutte par les femmes, ils ont été durement réprimés par la loi. Il a fallu en effet bien des combats féministes pour que les femmes obtiennent le droit à la maîtrise de leur corps et de leur fécondité.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Guy Fischer. On peut évoquer ici quelques grands moments de ces combats de femmes.
Tout d'abord, il y a le manifeste des « 343 salopes » - le terme n'est pas de moi, vous l'aurez compris -, paru en avril 1971. Des femmes célèbres, comme Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve, Marguerite Duras, Delphine Seyrig, Jeanne Moreau ou Micheline Presle, se sont jointes à d'autres femmes, inconnues, pour s'en faire les porte-parole en affirmant avoir recouru à l'avortement, acte réprimé par la loi jusqu'à l'adoption de la loi Veil en 1975.
En octobre 1972, c'est le cas de Marie-Claire, enceinte à la suite d'un viol, et de sa mère, poursuivies pour avortement, jugées par le tribunal de Bobigny, et que Gisèle Halimi défend avec succès.
En mai 1976, 331 médecins, dont quatre prix Nobel, publient à leur tour leur manifeste, dans lequel ils déclarent avoir pratiqué ou pratiquer encore des avortements.
Depuis, et sous des formes diverses, les femmes continuent d'exprimer leur volonté de ne pas être réduites au simple rôle de mères.
Aujourd'hui, de nombreuses associations donnent au féminisme un visage moderne, l'enracinant dans la réalité du quotidien des femmes. Je pense notamment à la CADAC, qui coordonne de très nombreuses associations agissant sur tous les aspects de l'égalité ; je pense également à Mix-Cité, qui considère que les hommes sont partie prenante du combat pour l'émancipation des femmes.
Plusieurs décennies après les lois Neuwirth et Veil, nous sommes obligés de faire le constat que notre pays, en raison de trop nombreux échecs de contraception et d'un taux d'interruptions volontaires de grossesse toujours élevé, se doit de faire évoluer sa législation en la matière, afin de prendre en compte l'évolution des mentalités et des techniques médicales et de répondre aux dysfonctionnements qui résultent aujourd'hui de l'application de ces textes.
Le texte que nous examinons aujourd'hui vise à actualiser la loi Neuwirth de 1967 et la loi Veil de 1975, qui représentaient des étapes courageuses et décisives dans la lutte des femmes. J'ouvre d'ailleurs une parenthèse pour rendre hommage, au nom de tout mon groupe, au courage politique de notre collègue Lucien Neuwirth, qui a beaucoup contribué et contribue toujours à faire que le droit de maîtriser leur fécondité soit reconnu aux femmes, alors que sa famille politique y était majoritairement opposée. Elle n'a d'ailleurs guère évolué, si j'en juge par le contre-projet élaboré par la commission des affaires sociales !
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Guy Fischer. Le texte que nous examinons tient compte de l'évolution des mentalités comme des progrès techniques et médicaux, qui rendent nécessaire l'actualisation de notre législation.
Que constatons nous ?
Si, en France, plus de deux femmes sur trois âgées de vingt à quarante-neuf ans utilisent une méthode contraceptive, le nombre de grossesses non désirées n'a malheureusement pas baissé.
Nous ne pouvons pas, bien évidemment, nous satisfaire des 220 000 IVG pratiquées chaque année en France : cela représente une interruption volontaire de grossesse pour trois naissances, contre une pour neuf aux Pays-Bas, qui, grâce à une législation relative à la contraception et à l'IVG plus libérale que la nôtre, qui plus est conjuguée avec une éducation sexuelle très précoce, obtiennent des résultats bien meilleurs dans ce domaine. Nous ne pouvons non plus nous accommoder du fait que 5 000 femmes soient contraintes chaque année de se rendre à l'étranger pour y faire pratiquer une IVG parce qu'elles ont dépassé le délai de dix semaines actuellement en vigueur dans notre pays.
Face à cette situation d'échec, le texte proposé a le mérite d'apporter de vraies réponses, élaborées dans le cadre d'une réflexion globale, puisqu'il s'attache à faciliter l'accès à la contraception et à élargir le droit à l'IVG.
Il nous semble important et très positif que le projet de loi aborde de façon conjointe la contraception et l'IVG, qui sont les deux volets indissociables de la prise en compte des problèmes que rencontrent les femmes lorsqu'elles souhaitent affirmer leur droit à la maîtrise de leur fécondité.
Je n'énumérerai pas de façon exhaustive les nombreuses avancées que le texte apporte dans le domaine de la reconnaissance du droit des femmes à la contraception et à l'IVG, ma collègue Odette Terrade les ayant rappelées dans son intervention au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Je tiens d'ailleurs à saluer la qualité de son travail et à remercier la délégation pour la pertinence de son analyse et de ses recommandations : ses travaux contribuent à donner de notre assemblée une image en phase avec les réalités de notre temps.
Mmes Odette Terrade et Hélène Luc. Très bien !
M. Guy Fischer. Je m'attarderai seulement sur trois points qui me paraissent constituer une évolution attendue des lois Neuwirth et Veil.
Tout d'abord, je citerai la mesure phare de ce projet de loi, à savoir l'allongement du délai légal d'interruption volontaire de la grossesse de dix à douze semaines.
Comme je vous le disais, 5 000 femmes sont actuellement obligées de se rendre à l'étranger pour y subir une IVG, car elles ont dépassé le délai légal de dix semaines en vigueur dans notre pays.
La plupart du temps, ce voyage, dont elles se passeraient fort bien, concerne les femmes les plus démunies sur le plan social, les plus fragiles psychologiquement, mais également les plus jeunes.
A la décision d'interrompre une grossesse s'ajoutent les difficultés pour obtenir des informations sur les établissements étrangers ainsi que le coût inhérent au voyage et à l'intervention.
Nous ne pouvons plus tolérer qu'un pays comme la France, souvent à la pointe pour la qualité des soins médicaux, laisse ainsi des milliers de femmes seules avec leur détresse.
L'allongement de deux semaines du délai légal pour une IVG résoudrait donc la plupart de ces cas.
Mme Odette Terrade. Eh oui !
M. Guy Fischer. Il s'impose comme une évidence, ne serait-ce que pour que la France se mette au niveau de la législation de bon nombre de ses voisins européens, qui est souvent plus avancée que la sienne dans ce domaine et leur permet d'obtenir de meilleurs résultats dans la réduction du nombre d'IVG. En effet, le délai légal en France pour pratiquer une IVG est actuellement, avec dix semaines, l'un des plus courts en Europe, où la moyenne se situe à quatorze semaines, l'Espagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bays ayant même voté, dans des conditions particulières, en faveur d'un délai de vingt-deux semaines.
D'une part, on constate qu'un allongement du délai légal ne provoque en aucun cas d'augmentation du nombre d'IVG, puisque la Grande-Bretagne a un taux d'IVG comparable au nôtre et que l'Espagne et les Pays-Bas présentent des taux bien inférieurs : pour les femmes âgées de quinze à quarante-quatre ans, le taux d'IVG est de 15,4 en France, contre 5,7 en Espagne et 6,5 aux Pays-Bas.
D'autre part, cet allongement du délai ne présente aucun danger supplémentaire pour la santé des femmes, comme la plupart des professionnels fortement investis dans cette pratique qu'ont auditionnés la délégation et la commission des affaires sociales nous l'ont confirmé. Des interruptions de grossesse bien plus tardives sont d'ailleurs pratiquées, pour des raisons médicales, sans danger pour les femmes.
En outre, des IVG sont d'ores et déjà pratiquées au-delà de la dixième semaine, car il existe parfois une imprécision sur la date exacte du début de la grossesse, le nombre de semaines d'aménorrhée ne correspondant pas strictement au nombre de semaines de grossesse.
Devons-nous continuer à fermer les yeux, à faire semblant ? Devons-nous ignorer les IVG déjà pratiquées aujourd'hui au-delà de dix semaines, sous la responsabilité de médecins confrontés à l'extrême détresse de certaines femmes qui n'ont pas les moyens d'aller à l'étranger ? Non !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Ah !
M. Guy Fischer. Le même problème se pose pour les jeunes filles mineures n'ayant pu obtenir l'autorisation de leurs parents, comme cela nous a été confirmé par le Pr Milliez, gynécologue obstétricien, qui, lors de son audition par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, s'est réjoui de ce que le projet de loi légalise une situation de fait en prolongeant le délai de deux semaines.
Mes chers collègues, dans ce domaine comme dans d'autres, le fait s'impose toujours à la loi.
Au demeurant, contrairement aux craintes que certains ont exprimées, une telle mesure n'est pas susceptible d'engendrer des dérives eugéniques. Le comité consultatif national d'éthique, saisi par M. le président du Sénat, est d'ailleurs très clair sur ce point et affirme dans son avis qu'« invoquer cette connaissance facilitée du sexe ou de l'existence d'une anomalie mineure pour empêcher la prolongation du délai légal apparaîtrait excessif et, d'une certaine façon, attentatoire à la dignité des femmes et des couples. Ce serait, en effet, leur faire injure et les placer en situtation d'accusés potentiels que de penser que la grossesse est vécue de façon si opportuniste que sa poursuite ou son arrêt ne tiendrait qu'à cette connaissance ».
Cette prolongation du délai ne pose pas de problème d'éthique ; en revanche, il répond à un problème de santé publique et, surtout, permet de respecter les droits des femmes.
La seconde évolution législative que l'on nous propose, et qui me paraît primordiale, concerne l'aménagement de l'obligation pour les mineures demandant une IVG d'obtenir l'autorisation parentale. En cela, le projet prend en compte les cas encore trop nombreux - 6 700 par an - de mineures confrontées à ce douloureux problème.
L'autorité parentale n'est pas remise en cause ; elle demeure la règle, puisque le consentement parental sera toujours recherché. Cependant, le texte permet à une mineure d'avoir recours à l'IVG lorsque le consentement parental est impossible à obtenir ou lorsqu'elle souhaite conserver le secret.
C'est pourquoi, dans l'esprit qui a prévalu lors de l'adoption unanime de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence, une jeune fille mineure pourra également se voir prescrire, délivrer et administrer des contraceptifs sans l'aval de l'autorité parentale.
Toutes ces avancées sont de nature à élargir le droit à la contraception et à l'IVG. C'est loin d'être négligeable, quand on sait que 60 % des premiers rapports sexuels des mineures se dérouleraient sans aucune contraception et que notre pays compte encore 10 000 grossesses non désirées par an chez les mineures, dont les deux tiers aboutissent à une interruption volontaire de grossesse.
Tout doit être mis en oeuvre pour favoriser la diffusion la plus large possible de la contraception, en particulier auprès des jeunes, car ils n'ont pas toujours une bonne connaissance du fonctionnement de leur corps.
Faciliter l'accès à la contraception devrait donc être une exigence partagée par nous tous, mes chers collègues, même si, je le sais bien, certains d'entre vous y voient, comme ils l'ont déclaré en novembre dernier, lors du débat relatif à la contraception d'urgence, un risque de « banalisation de l'acte sexuel », et même si d'autres craignent - ils l'avaient exprimé lors du même débat - que la facilité d'utilisation du NorLevo ne banalise la contraception d'urgence.
J'évoquerai enfin un dernier point : la suppression du caractère obligatoire de l'entretien social préalable à l'IVG, qui constitue, à nos yeux, un progrès important attendu par de très nombreuses femmes. L'évolution en cours témoigne, comme le marque le terme même d'« interruption volontaire de grossesse », que la décision d'avoir recours à un tel geste appartient à la femme, et à elle seule.
Le projet de loi nous paraît donc extrêmement positif puisqu'il indique qu'un entretien sera systématiquement proposé avant et après l'IVG.
Mais, pour de très nombreuses femmes, cet entretien est encore vécu, il faut bien le reconnaître, comme une contrainte, comme une pression psychologique visant plus à les culpabiliser qu'à les aider.
M. Jean-Louis Lorrain. C'est faux !
M. Guy Fischer. Le caractère facultatif de cet entretien est, selon nous, de nature à dédramatiser la démarche conduisant à une IVG et permettra aux femmes de choisir librement, de discuter de leur intention bien souvent irrévocable d'interrompre leur grossesse. En revanche, l'obligation pour les établissements de le proposer et de l'organiser, dans l'intérêt des femmes, doit être maintenue.
Ce moment de dialogue, pour peu qu'on en définisse mieux le contenu et qu'on reconnaisse, au travers d'un véritable statut, la qualité des personnels chargés de l'assumer, permettra, pour les femmes qui auront accepté librement d'en bénéficier, de déceler leurs difficultés, voire d'éventuelles violences dont elles auraient pu être victimes.
Ce projet de loi constitue donc un vrai pas en avant en matière d'accès à la contraception et à l'IVG. Il s'inscrit dans une logique de reconnaissance du droit, car il s'agit du droit des femmes à décider elles-mêmes, et elles seules, du moment où elles désirent leur maternité.
Contrairement à ce que pensent certains de nos collègues, les femmes ne sont pas des êtres irresponsables qui ne seraient pas aptes à prendre des décisions les concernant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Charles Descours. Il ne faut pas caricaturer !
M. Jean Chérioux. Changez votre discours ! Nous n'avons jamais dit cela !
M. Guy Fischer. J'ai employé le conditionnel. De surcroît, monsieur Chérioux, je ne généralise pas !
M. Charles Descours. Gardez de la hauteur au débat !
M. Guy Fischer. Je suis très modéré !
M. le président. Monsieur Fischer, ne répondez pas à ceux qui vous interrompent.
M. Guy Fischer. Le contre-projet issu de la réflexion de la majorité de la commission des affaires sociales ne vise ni plus ni moins qu'à cantonner les femmes dans un rôle de mineures et à leur dénier, au bénéfice du corps médical, toute liberté de décision.
M. Charles Descours. C'est grotesque !
M. Guy Fischer. Or, on ne le dira jamais assez, la femme doit, dans les limites du cadre législatif, être la seule à pouvoir décider de mener ou non une grossesse à son terme.
M. Hilaire Flandre. Cela devrait tout de même être décidé en couple !
M. Guy Fischer. Je vais y venir !
M. Hilaire Flandre. Ah, tout de même !
M. Guy Fischer. Mais vous, vous ne parlez jamais du couple !
M. Jean Chérioux. Si !
M. le président. Monsieur Fischer, je vous en prie, ne répondez pas aux interruptions ! Poursuivez votre exposé.
M. Guy Fischer. Si une information objective s'avère indispensable, aucune structure ou comité, fût-il composé des experts les plus éminents, ne doit décider à la place des femmes. De toute façon, une femme qui a décidé d'avorter le fera, parce qu'elle seule sait si elle veut vraiment assumer sa maternité ou pas.

(M. Blanc s'exclame.)
L'autre ambition du texte - on a parfois tendance à l'oublier - est de faire baisser significativement le nombre d'IVG dans les années à venir.
Il est clair que la prévention doit être développée. Cet objectif ne sera atteint que par une plus large diffusion de l'éducation sexuelle et un accès renforcé à la contraception.
Nous présenterons d'ailleurs des amendements en ce sens. Nous proposerons une meilleure prise en charge par la sécurité sociale du coût des contraceptifs les plus récents, mieux dosés et mieux tolérés. Il conviendra aussi de systématiser l'éducation sexuelle, dès l'école primaire,...
M. Hilaire Flandre. A la maternelle !
M. Guy Fischer. Il faut le faire intelligemment ! Il conviendra, disais-je, de systématiser l'éducation sexuelle en proposant un enseignement adapté à l'âge des enfants, mais aussi mieux doté en termes de fréquence et de volume horaire. Il est consternant de voir combien les jeunes méconnaissent le fonctionnement de leur corps et les mécanismes de la fécondité.
Mme Hélène Luc. Exactement !
M. Guy Fischer. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les pays qui ont le plus développé l'éducation sexuelle, à tous les niveaux de la scolarité, sont ceux qui ont les taux d'IVG les plus bas.
M. Francis Giraud, rapporteur. C'est exact !
M. Guy Fischer. Cela nous amène à réfléchir sur l'implication des hommes dans les domaines de la contraception et de l'IVG. A notre avis, plus tôt les garçons se sentiront concernés par les questions liées à la sexualité et à la contraception, plus responsable sera leur attitude lors des rapports sexuels.
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Odette Terrade. Eh oui !
M. Guy Fischer. On peut naturellement penser que leur présence et l'accompagnement de leur partenaire lors d'une IVG en seront renforcés.
Enfin, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, il faudra s'assurer que toutes les structures chargées de la pratique de l'IVG ont les véritables moyens humains et matériels de fonctionner correctement. De ce point de vue, le secteur public a une responsabilité particulière qu'il n'assume pas toujours, notamment en région parisienne. La loi doit être appliquée partout et pour tous. L'hôpital public doit donner l'exemple. De trop nombreux centres d'IVG souffrent d'un déficit de moyens et en personnels tel que leur existence est menacée, même si nous notons positivement les efforts budgétaires récemment faits.
Si nous voulons réellement faire chuter le nombre d'IVG, nous ne pouvons faire l'économie de ces mesures.
Pour ce qui nous concerne, nous aborderons ces débats dans un esprit constructif. Nous soutiendrons toutes les initiatives qui iront dans le sens d'un progrès pour les femmes. En revanche, nous nous opposerons sereinement, mais tout aussi fermement, à toutes les tentatives de remise en question de leurs droits.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. Guy Fischer. Le contre-projet de la majorité de la commission des affaires sociales ne nous convient pas, dans la mesure où il s'oppose, à notre avis, aux avancées que constituaient, pour les droits des femmes, les lois Neuwirth et Veil.
Ce projet de loi nous offre l'opportunité d'actualiser notre législation en matière de contraception et d'IVG, de la rendre plus complète, plus cohérente, plus moderne, mieux adaptée et en adéquation avec les réalités et ce que veulent les femmes. Mes chers collègues, nous débattrons sous leur regard, ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le XXe siècle restera sans nul doute marqué de l'empreinte des femmes. Au même titre que l'accès au droit de vote ou à leur capacité juridique personnelle, le droit à la maîtrise de la fécondité constitue un acquis majeur qui a permis aux femmes d'assurer en même temps leur fonction d'acteur économique et social et leur fonction de mère.
Au cours des trente-trois dernières années, l'évolution des moeurs et de la place de la femme dans notre société ont déjà amené le législateur à effectuer un recadrage, que ce soit, par exemple, à travers la loi sur la parité ou à propos de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Nous sommes appelés aujourd'hui à apporter une pierre de plus à l'édifice, en adaptant la législation, tant dans le domaine de la contraception que dans celui qui est relatif à l'interruption volontaire de grossesse.
La contraception tout comme l'IVG sont l'expression du droit des femmes à disposer de leur corps et à maîtriser leur maternité. Elles sont au coeur du processus historique de l'émancipation de la femme. Mais l'une comme l'autre ne peuvent être confondues ! En effet, si c'est, de nos jours, une liberté, ne minimisons pas cet acte ! Il s'agit toujours d'un événement vécu dans la douleur, souvent dans la solitude et ressenti comme un échec.
La conquête de ces droits est récente. L'IVG a été autorisée en France, sous certaines conditions, et de façon temporaire, par la loi Veil du 17 janvier 1975, puis, de façon définitive, par la loi Neuwirth du 31 décembre 1979. Mais son remboursement, pris en charge par l'Etat, n'a été mis en oeuvre qu'en 1983.
Aujourd'hui, toute femme en situation de détresse peut, dans les délais impartis par la loi, c'est-à-dire jusqu'à dix semaines de grossesse, souhaiter recourir à une IVG, en en faisant la demande auprès d'un médecin. Après un entretien social et une semaine de réflexion, elle doit confirmer sa demande.
Par ailleurs, et compte tenu du nombre et de la qualité des techniques contraceptives, les femmes ne devraient plus subir de grossesses non désirées.
Pourtant, comme nous l'avons dit dout à l'heure, le nombre d'IVG n'a pas diminué depuis plus de vingt ans en France, bien au contraire. Une étude, publiée en juin 2000 par le ministère de l'emploi et de la solidarité, comptabilise 214 000 IVG pratiquées en 1998, ce qui représente une augmentation de 6 % par rapport aux chiffres enregistrés au début des années quatre-vingt-dix. Le taux a notamment crû pour les jeunes femmes âgées de moins de vingt-cinq ans : plus 26,7 % pour les dix-huit - dix-neuf ans.
D'après les informations relevées par les centres de planification, on estime à 5 000 le nombre de femmes contraintes de partir pour l'étranger parce qu'elles ne trouvent pas de réponse adaptée à leur situation en France. Enfin, 10 000 adolescentes sont confrontées à une grossesse non désirée et 7 000 d'entre elles ont alors recours à l'IVG.
Il ne s'agit nullement aujourd'hui de remettre en question le droit à l'IVG ou de réécrire les lois en la matière. Ce débat a été longuement ouvert, confondant les questions de santé publique ainsi que d'égalité sociale liée aux difficultés financières des femmes souhaitant une IVG et les questions qui relèvent de l'éthique, et donc du libre choix de l'individu.
A ceux qui relancent le problème de la moralité, je réponds que ce débat est clos. Il a été abordé au fond et réglé par notre société avec le vote des lois de 1975 et 1979. Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est donnée pour rendre hommage à ces femmes et à ces hommes qui ont permis aux femmes de maîtriser leur fécondité.
Il s'agit aujourd'hui de discuter de la disposition la plus emblématique de la loi, à savoir l'allongement du délai légal de l'IVG, puisque la majorité des situations dites de « délai dépassé » se situe entre la dixième et la douxième semaine de grossesse.
Le passage de dix à douze semaines est donc conforme à une réalité et répond à une nécessité. Il répond en outre à une attente : celle de toutes les femmes qui ne comprennent pas pourquoi elles basculent brutalement dans l'illégalité parce qu'elles ont dépassé le délai pour pratiquer une IVG. L'allongement apporte aussi une solution à celles qui, dans cette même situation d'illégalité, n'ont pas les moyens de partir à l'étranger et n'ont d'autre possibilité que de poursuivre une grossesse non désirée.
Une politique de santé publique responsable ne pouvait s'exonérer à bon compte plus longtemps de la question soulevée par le désarroi que connaissent chaque année des milliers de femmes. En effet, la décision d'interrompre une grossesse ne se réume pas, loin s'en faut, à l'existence ou non d'un refus d'enfant.
Les travaux de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, montrent à quel point une interruption volontaire de grossesse peut avoir de multiples origines : la découverte tardive d'une grossesse, une rupture sentimentale, des difficultés d'accès aux soins. Une interruption volontaire de grossesse a toujours un coût moral ou psychologique. La décision est, le plus souvent, un moment de remise en cause personnelle.
Pour ceux qui seraient tentés de relancer le débat éthique en suggérant un risque d'eugénisme, je ferai référence aux observations du président de l'Académie de médecine, du président du conseil national de l'ordre des médecins et du comité consultatif national d'éthique, qui nous ont dit que l'allongement du délai ne pose pas de problème d'éthique.
M. Jean Chérioux. Nous n'entendons pas les choses de la même façon !
Mme Claire-Lise Campion. D'ailleurs, l'exemple des Pays-Bas, sur ce point, est éloquent : le délai légal d'intervention est de vingt-deux semaines, alors que le taux d'IVG est le plus bas en Europe, avec 6,5 pour 1 000 femmes.
La crainte de l'eugénisme porte en réalité sur la place et le sens qu'on peut donner au progrès technique et médical dans notre société et fait l'objet d'un autre débat.
Enfin, ce serait faire injure aux femmes de penser qu'un avortement se décide à la légère.
Sur cette nouvelle proposition, le vrai débat, le débat légitime, doit s'apprécier en termes d'interrogation : cet allongement présente-t-il des risques pour la santé des femmes ? Non, il ne présente pas de risques notables supplémentaires. L'avis de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé est clair. Il est possible, sur le plan matériel et en termes de sécurité sanitaire, sous réserve de certaines précautions, notamment d'une formation des personnels avec l'apport de moyens adaptés, de porter le délai de l'IVG à douze semaines.
Ma seule réserve, quant à ce premier volet, est que toutes les situations de dépassement du délai ne sont pas couvertes par le texte. Je le regrette.
Je le regrette d'autant plus qu'on pourrait encore aller plus loin, en bousculant encore plus les certitudes. Mais notre société est telle que l'évolution du droit des femmes s'est toujours faite pas à pas. On l'a vu pour le droit de vote, l'avortement, la parité, l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Il nous aura fallu presque vingt ans pour apporter un nouveau progrès dans la liberté de la femme à recourir à l'IVG.
Aussi, laissons le temps à cette nouvelle loi de produire ses effets, tout en nous réservant le droit - c'est aussi un devoir - d'y apporter des corrections, dans un avenir proche, si cela est nécessaire.
D'ailleurs, s'agissant de progrès et d'avancée, le projet de loi prévoit également un certain nombre de dispositions tendant à supprimer les sanctions pénales liées à la prohibition de la propagande et de la publicité pour l'IVG, afin d'assurer une meilleure information dans les démarches à effectuer.
Des mesures sont destinées également à pallier certaines carences du service public pratiquant les IVG. Un volet est ainsi consacré à l'amélioration de l'organisation de l'IVG : amélioration de l'accueil des femmes et diversification des centres de pratique de l'IVG. La réforme législative ouvre, en effet, la possibilité de pratiquer une IVG médicamenteuse, en ambulatoire, par des médecins ayant conclu une convention. Cette disposition laisse une plus grande souplesse à la femme, qui a ainsi la garantie d'une écoute bienveillante de son médecin.
Afin de lutter contre les difficultés d'accès aux soins, tout en respectant la clause de conscience dont les médecins peuvent se prévaloir, ce projet de loi, rappelant que l'IVG est une mission de service public, s'attache également à encadrer la place et le rôle du médecin en milieu hospitalier. Ce dernier a une obligation d'information et les chefs de service, en charge de ces interventions, sont tenus de les organiser dans leur service, même s'ils ne les pratiquent pas eux-mêmes.
Cependant, je regrette que le principe d'unité fonctionnelle n'ait pas été retenu comme clef de voûte de l'activité d'orthogénie et d'interruption volontaire de grossesse. Cette unité de base, ainsi clairement identifiée, aurait permis de mettre en évidence la nécessité d'un personnel adéquat ayant reçu une formation spécifique et bénéficiant, de ce fait, d'une meilleure reconnaissance.
Ne réduisons pas les avancées de ce projet de loi au seul allongement du délai de l'IVG. Voyons-y encore dans la dérogation à l'obligation de l'autorisation parentale pour les mineures souhaitant interrompre leur grossesse, lorsqu'elles sont dans l'impossibilité d'obtenir ce consentement, un progrès dans l'appréhension de notre société et de ses évolutions.
A ce jour, en effet, une mineure désirant interrompre sa grossesse doit obtenir le consentement de ses parents. Dans certains cas, cette autorisation parentale peut finalement permettre de nouer ou de renouer un dialogue parents-enfant. Cependant, nous connaissons tous la situation de certaines mineures qui, essentiellement pour des raisons culturelles et religieuses, ne peuvent aborder cette question avec leurs parents, pour lesquels la révélation des relations sexuelles de leur fille ne peut déboucher sur une relation plus confiante entre eux.
Sans remettre en cause l'autorité parentale, le projet de loi permet ainsi, pour ces jeunes filles, d'être accompagnées dans leur démarche par un adulte référent auprès de qui elles pourront trouver soutien et conseils.
Les différentes mesures évoquées ci-dessus ne prennent cependant tout leur sens que si, en amont, tout est mis en oeuvre pour faciliter, dans un cadre éducatif, institutionnel ou associatif, l'accès à la connaissance de la vie affective et sexuelle, le sens de la relation, de la maternité et de la paternité. Surtout, l'accès à l'information doit se doubler d'une réelle démarche politique favorisant l'accès de toutes les femmes aux méthodes et de la contraception et de l'IVG.
Selon le collège national des gynécologues, 60 % des femmes qui demandent une IVG ne connaissent pas la contraception d'urgence. Plus grave encore, le bulletin de l'ordre des médecins de mai 2000 révèle que 90 % des médecins généralistes français n'exercent aucune activité de gynécologie courante.
On comprend mieux ainsi pourquoi trop d'adolescentes continuent de croire qu'un premier rapport sexuel n'est pas fécondant. Trop de femmes de plus de quarante ans n'ont aucune contraception parce qu'elles pensent qu'à leur âge le risque est nul. Trop d'accouchées se retrouvent à la sortie de la maternité sans conseils ni prescription contraceptive.
Pour reprendre l'exemple des Pays-Bas, l'éducation à la sexualité et à la contraception fait depuis longtemps partie intégrante des actions de santé publique et des programmes pédagogiques, dès l'école primaire notamment. Nous aurions tort de ne pas mettre à profit les expériences, menées chez nos voisins étrangers, qui ont prouvé toute leur efficacité.
Le gouvernement français a déjà amorcé une politique de prévention. Tel est le sens de la campagne menée l'hiver dernier sur la contraception, ou encore de celle qui a été lancée par Ségolène Royal dans les établissements scolaires sur « l'éducation à la sexualité et à la vie ». Nous souscrivons pleinement à ces campagnes, mais nous souhaitons également une meilleure collaboration entre les acteurs. Les médecins doivent être impliqués dans les campagnes publicitaires et l'enseignement, car ils sont les mieux à même de parler avec les jeunes de ces sujets. Dans le même esprit, un effort de globalisation entre l'Etat et les conseils généraux doit être accompli.
Les professionnels eux-mêmes doivent être mieux formés. Par exemple, l'enseignement dispensé en faculté de médecine peut-il ne compter que deux heures consacrées à la contraception ?
Je terminerai cette présentation générale du projet de loi en évoquant la stérilisation. Elle est actuellement absente des textes de loi. Or, chaque année, entre vingt-cinq mille et trente mille femmes y ont recours. Cela nécessitait donc un encadrement juridique. C'est là un autre élément de l'esprit novateur de cette loi qui se révèle.
Toutefois, cette législation impose une très grande vigilance. La stérilisation ne deviendra jamais un acte ordinnaire. Elle ne sera jamais une contraception banale, car ses conséquences sont quasi irrémédiables quant à la fécondité des hommes ou des femmes. C'est pourquoi le législateur a tenu à mettre en place un dispositif permettant de s'assurer que la décision sera prise en toute connaissance de cause et avec le total consentement de l'homme ou de la femme. Si l'on peut légitimement adhérer à cette évolution législative, la stérilisation des personnes handicapées mentales pose, quant à elle, de nombreuses interrogations éthiques, politiques et économiques.
Je regrette que, face à toutes ces questions difficiles, délicates, il n'y ait pas eu de réel débat de fond sur le sujet et que le Comité consulatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé n'ait pas été saisi à ce propos. Sa seule déclaration remonte à 1996, et, hélas ! reste floue.
En légiférant, notre volonté est d'assurer la protection de ses droits à la personne handicapée, en tant qu'être humain, sans pour autant refuser d'affronter la réalité, à savoir les difficultés techniques, matérielles, humaines qui ne manqueront pas de se présenter pour la personne handicapée comme pour son entourage.
Il s'agit donc bien, aujourd'hui, de répondre à une évolution de notre société en matière de contraception et d'interruption volontaire de grossesse. Mais ce projet de loi n'aura de sens que si le Gouvernement s'engage à poursuivre et à prolonger la démarche qui est la sienne depuis plus de trois ans sur le plan de la prévention et de l'information, dans le domaine de la prise en charge matérielle, technique et humaine des IVG, et par un soutien aux personnes et aux familles dans le cadre de la stérilisation. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que dire de plus après l'excellente intervention de notre rapporteur Francis Giraud ? Je reviendrai simplement sur deux ou trois points pour y insister.
Je crois que nous devons aborder ce problème - beaucoup d'orateurs l'ont dit - avec tout le respect qui est dû à un domaine qui est éminemment sensible puisqu'il s'agit de la transmission de la vie, sujet qui intéresse tout homme et toute femme. Il faut donc s'efforcer d'éviter tout abord partisan et idéologique.
Pour quelle raison - ce sera ma première remarque - dans un domaine aussi sensible et aussi complexe, le Gouvernement a-t-il déclaré l'urgence, alors que la navette aurait sans doute permis de rapprocher les points de vue ? Ce problème existe depuis de nombreuses années !
Il faut, et nous sommes tous d'accord sur ce point, me semble-t-il, être à l'écoute de ces femmes. Pour la majorité d'entre elles, une interruption volontaire de grossesse reste une décision douloureuse, quelquefois un drame, qui peut marquer profondément leur vie. C'est la raison pour laquelle nous devons éviter coûte sur coûte le recours à ce qui ne doit être qu'une solution extrême, comme le disait Simone Veil lorsqu'elle défendait sa loi et comme le rappelait tout à l'heure notre collègue Christian Bonnet.
Il eût donc été préférable - et il ne s'agit pas d'une simple nuance sémantique - que le projet de loi fût intitulé « Contraception et interruption volontaire de grossesse » et non pas « Interruption volontaire de grossesse et contraception ». En effet, par cette inversion dans la formulation, on semble privilégier l'IVG comme moyen de contraception. (M. le président de la commission fait un signe d'approbation.)
Je tiens à noter que Mme Guigou, lorsqu'elle a défendu le projet de loi tout à l'heure, a commencé par évoquer longuement la contraception. Je sais que ce n'est pas elle qui était en fonction lorsque la discussion de ce projet de loi a commencé, mais il s'agit pour le moins d'une maladresse.
J'ai indiqué que je ne voulais pas polémiquer ; je ne dirai donc pas qu'il s'agit d'un point de départ idéologique. Toutefois, avoir retenu comme intitulé du projet de loi « Interruption volontaire de grossesse et contraception » est une erreur psychologique. En effet, comme tout le monde l'a dit, force est malheureusement de constater que, dans notre pays, la contraception est un échec : on compte encore, chacun l'a répété, plus de 200 000 interruptions volontaires de grossesse contre seulement, si je puis dire, 250 000 voilà vingt-cinq ans. Par conséquent, on ne constate pas une diminution significative du nombre d'IVG.
Il est clair que, quelles que soient les majorités, notre pays ne s'est pas doté d'une véritable politique d'information en matière de sexualité et de contraception et que le corps médical - et j'en suis - n'a pas, en ce domaine, pris suffisamment ses responsabilités, pas plus d'ailleurs que les pouvoirs publics ou l'éducation nationale.
L'un des intervenants déclarait que, dans certains établissements scolaires, les informations sur la contraception et la sexualité étaient affichées à l'infirmerie. Il s'agit donc d'une maladie puisque l'on ne se rend en ce lieu que si l'on est malade ! Tant que les informations en ce domaine seront dispensées à l'infirmerie, on n'abordera pas les choses dans le bon ordre.
Depuis des centaines de millions d'années, la sexualité est à la base de l'activité humaine ; il s'agit donc d'une activité normale, sur laquelle nos concitoyens doivent être informés.
Comme M. le rapporteur l'a souligné, notre pays doit d'abord mettre en place une politique contraceptive efficace, accessible à tous ; je pense notamment au remboursement par la sécurité sociale de contraceptifs chimiques ou mécaniques : les contraceptifs chimiques les moins dosés, c'est-à-dire les moins dangereux, ne doivent pas, comme aujourd'hui, être peu ou pas remboursés.
Or, aujourd'hui, après le vote de ce texte en première lecture par l'Assemblée nationale, il apparaît, à tort ou à raison, que la première disposition qui est soulignée concerne l'allongement de dix à douze semaines du délai légal pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse. De ce fait - et le titre d'un grand journal du soir le montre - tout le reste est occulté, alors que c'est précisément tout le reste qui est important. C'est évidemment un non-sens eu égard à une politique contraceptive que nous n'avons pas pu ou pas su mettre en place.
Pourquoi sommes-nous hostiles à cette disposition, comme M. le rapporteur l'a indiqué ? Il est clair que, sur les cinq mille femmes qui dépassent le délai de dix semaines, à peu près la moitié auront également dépassé le délai de douze semaines. La mesure envisagée ne résoudra donc pas leur problème.
Il est clair aussi - le chirurgien que j'ai longtemps été le sait, et le professeur Francis Giraud le sait encore mieux - qu'en passant du stade foetal au stade embryonnaire on franchit un pas médical, voire chirurgical, notable, sans parler du risque d'eugénisme qu'on ne peut balayer d'un revers de main.
A cet égard, il faut souligner les réticences des centres d'interruption volontaire de grossesse, que M. Claude Huriet explicitera mieux que quiconque tout à l'heure. La majeure partie de ces centres s'inquiètent fortement de cette prolongation de dix à douze semaines, non pas pour des raisons philosophiques ou éthiques, mais pour des raisons techniques et de responsabilité vis-à-vis des femmes qui iront les consulter.
Il convient de rappeler aussi les termes du communiqué du groupe de travail de l'Académie de médecine, dirigé par M. Sureau : « L'IVG devra être précédée d'une information complète sur les risques que l'intéressée pourrait encourir pendant et après l'intervention ». Or, c'est au moment où le délai passe de dix à douze semaines, sachant que tous les experts s'accordent à dire que, de ce fait, le risque est plus grand - même s'ils peuvent discuter sur l'évaluation de son augmentation - que l'on choisit de supprimer l'entretien préalable ! Très justement, M. le rapporteur en demandera le maintien, et je crois que c'est faire preuve de bon sens.
Dans une société développée comme la nôtre, l'information n'est pas contradictoire avec la liberté individuelle,...
M. Jean Chérioux. Au contraire !
M. Charles Descours. ... d'autant qu'elle s'adresse non pas seulement et non pas prioritairement à toutes celles qui, de par leur savoir, n'apprendront rien au cours de l'entretien, mais à toutes celles qui, du fait de leur position sociale, n'ont pas eu accès à ce savoir. Nous savons bien, en effet, pour avoir vu souvent les femmes qui recourent à l'IVG, qu'il s'agit le plus souvent de jeunes femmes ou de jeunes filles issues des couches sociales qui n'ont pas accès au savoir.
La maîtrise de la fécondité, individuelle et collective, reste un grand problème, qui se pose évidemment de façon différente selon les pays où l'on vit. Il importe cependant de ne jamais oublier les valeurs éthiques fondamentales sur lesquelles se fonde notre civilisation.
S'agissant d'un problème aussi délicat, la liberté de vote sera, bien sûr, la règle pour le groupe des Républicains et Indépendants, mais la très grande majorité de ses membres et moi-même soutiendrons la position équilibrée de M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vingt-cinq ans après l'adoption de la loi Veil, le 17 janvier 1975, nous examinons aujourd'hui le projet gouvernemental tendant à réformer l'interruption volontaire de grossesse. Il contient principalement deux nouvelles dispositions : d'une part, l'allongement du délai légal de deux semaines, en autorisant l'avortement jusqu'à douze semaines de grossesse ; d'autre part, la faculté offerte à toute jeune fille mineure de subir une IVG en dérogeant à l'autorisation parentale.
Je ferai donc, successivement, diverses observations.
La première concerne l'échec de la loi Veil, qui a conduit notre pays à détenir le triste record du nombre d'avortements en Europe : plus de 200 000 par an, alors même qu'on estimait, en 1975, si l'on en croit les discours des parlementaires de l'époque, que la loi devait entraîner une rapide diminution des avortements grâce à l'information et à l'ensemble des mesures préventives votées.
Aujourd'hui, madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement nous propose, en prolongeant de deux semaines la possibilité d'intervention, d'augmenter de cinq mille à dix mille ce triste chiffre.
A ce projet de loi, je souhaite opposer quelques arguments.
Le premier concerne le respect de l'enfant à naître. La douleur qui frappe un couple quand il perd accidentellement un enfant, par fausse couche, à trois mois et demi ou quatre mois, laisse toujours des traces profondes. Alors, madame la secrétaire d'Etat, comment ne pas imaginer, même si son choix est délibéré, qu'une jeune maman désireuse de faire disparaître un enfant vivant, biologiquement constitué, que l'échographie rattache très tôt sentimentalement à elle, ne puisse, à terme, subir de graves désordres psychologiques ?
Un embryon, puis un foetus, ne sont pas moins « humains » à douze semaines qu'à dix. Pour moi, ils le sont dès les premières minutes de leur conception et conservent leur dignité d'être humain tout au long de leur processus de développement.
Dans ce projet de loi, le Gouvernement nous propose de passer subrepticement de la « dépénalisation de l'avortement », inscrite dans l'esprit de la loi Veil, au « droit à l'avortement », dont vous prenez ici la responsabilité pleine et entière, ce qui, à mes yeux, est inacceptable.
Ma deuxième observation concerne les « dérives inévitables » qu'entraîneront les dispositions que vous préconisez. Vous venez d'ouvrir toute grande la voie de la recherche de l'enfant parfait. En facilitant l'avortement et en votant cette nouvelle disposition légale, on risque bien d'assister à 4 000 avortements supplémentaires tant certaines femmes seront tentées de choisir le sexe de l'enfant ou d'éliminer l'embryon pour malformations mineures, afin de favoriser les enfants « bien nés » ou « eugéniquement conçus » ! Le phénomène est déjà constaté dans plusieurs pays où une « petite erreur de la nature » est définitivement éliminée par un acte chirurgical.
En retour, madame la secrétaire d'Etat, votre projet de loi est étrangement muet en ce qui concerne les moyens alloués aux jeunes femmes, mineures ou non, désireuses de garder leur enfant. En effet, il aurait dû assurer, avant tout, l'accompagnement des femmes enceintes plongées dans le désarroi par la perspective d'une grossesse dont elles craignent de ne pouvoir assurer la charge du fait d'une détresse morale, matérielle ou physique relevant de notre responsabilité collective. Il convient donc que soient renforcées les dispositions et les structures d'accueil propres à permettre à une femme enceinte en détresse qui le désirerait de mener sa grossesse à terme.
Votre texte est aussi étrangement muet en ce qui concerne l'information sur la contraception, insuffisante puisqu'elle aboutit au constat que nous connaissons : 20 000 grossesses par an chez les mineures, entraînant 7 000 avortements.
C'est pourquoi j'émets de profondes réserves sur la possibilité offerte aux mineures de déroger à l'autorisation parentale. La préservation du lien entre parents et enfants reste en effet primordiale.
Par ailleurs, madame la secrétaire d'Etat, contre l'avis du gouvernement auquel vous appartenez , vous avez fait voter la « dépénalisation de l'interruption illégale de grossesse ». Je m'oppose fermement à cette décision, qui fait sortir les dispositions relatives aux pratiques non autorisées de l'IVG du code pénal pour les transférer dans le code de la santé publique.
Pour conclure, j'ai la conviction profonde que votre texte n'est, dans votre esprit, qu'une étape avant l'allongement supplémentaire du « curseur fatal ». En voulant à tout prix défendre le « droit à l'avortement », vous radicalisez dangereusement la loi Veil, qui, elle, se voulait protectrice, et vous engagez, au nom de la « liberté des femmes », notre société dans une dérive coupable.
Votre idéologie est celle de « l'abandon » là où les jeunes auraient besoin d'un soutien. C'est pourquoi, comme la commission des affaires sociales, je fais le choix de m'opposer à l'allongement du délai que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le ministre, mes chers collègues, rarement le jugement de Montesquieu selon lequel « les lois inutiles affaiblissent les nécessaires » n'a été aussi justifié que pour le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.
« Inutile », le texte l'est à l'évidence. Il fait presque totalement l'impasse sur les facteurs qui expliquent le nombre élevé d'IVG pratiquées en France et sur la situation des 4 000 à 5 000 femmes qui doivent se rendre à l'étranger pour avorter. Faute d'en analyser les causes, le texte n'y apporte comme réponse, outre la prolongation du délai, que la contraception par stérilisation.
Une loi inutile affaiblissant les nécessaires, c'est à craindre, car la mise en oeuvre et les conséquences de la prolongation de deux semaines du délai « légal » de l'IVG risquent d'aller à l'encontre du but que l'on cherche à atteindre.
La loi est inutile car, comme le souligne Israël Nisand, « si des difficultés subsistent, la loi de 1975 est globalement bien appliquée ».
Le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, dans la réponse qu'il a adressée au président de notre assemblée qui l'avait saisi, consacre une page sur cinq à des réflexions pertinentes dont le Gouvernement ferait bien de tirer profit : « Le nombre et la proportion de femmes qui recourent à l'IVG dans notre pays sont supérieurs à ceux d'autres pays d'Europe... ce qui est inacceptable et blesse tant l'esprit que la lettre de la loi de 1975... »
Le Comité suggère que tout soit fait « pour faciliter, dans un cadre éducatif, institutionnel ou associatif l'accès à la connaissance de la vie affective et sexuelle, du sens de la relation, de la maternité et de la paternité ».
Il souligne ainsi que « le recours excessif à l'IVG met en évidence avec force les insuffisances du maniement et de la mise à disposition de la contraception en France » et conclut que « le Comité consultatif national d'éthique considère que le débat éthique se situe en amont et non seulement dans l'allongement du délai prévu par la loi ».
La composition pluraliste du Comité et la pertinence de ses avis devraient indiquer au Gouvernement la marche à suivre pour répondre à l'échec patent de la politique de contraception menée depuis des années, échec souligné à juste titre par notre excellent rapporteur M. Francis Giraud.
En matière d'éducation sexuelle, l'exemple des Pays-Bas est révélateur : le nombre d'IVG a diminué du jour où une éducation sexuelle précoce a été mise en oeuvre.
Quant à la politique d'information sur la contraception, elle ne saurait se borner à des campagnes médiatiques, ne s'inscrivant pas dans une stratégie cohérente de communication et ne servant somme toute que de faire-valoir à tel ou tel ministre.
Monsieur le ministre, je m'empresse de vous dire que ce n'est pas vous qui êtes visé ! (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Nous avons une responsabilité et un honneur collectifs à défendre. (Nouveaux sourires.)
M. Claude Huriet. Les campagnes en faveur du préservatif ont été particulièrement mal ciblées, la prévention contre le sida ayant été privilégiée au détriment de la contraception. J'en veux pour preuve un sondage récemment publié par Sciences et Vie junior et L'Express : « 26 % des garçons et 19 % des filles estiment "qu'on n'a pas besoin de préservatif quand on est depuis longtemps avec la même personne" ». Une même constatation apparaît dans l'enquête GINE menée par l'INSERM l'an dernier.
A l'éducation sexuelle défaillante, à l'information sur la contraception insuffisante, le projet du Gouvernement n'apporte aucune réponse. Heureusement, un amendement de l'Assemblée nationale et un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat y pourvoient !
Un troisième facteur intervient, pouvant expliquer les recours tardifs à l'IVG : c'est l'insuffisance des moyens actuels. Israël Nisand regrette la réponse insuffisante du service public tant en quantité - difficultés de recrutement des professionnels, contingentement des IVG - qu'en qualité - accueil parfois inadapté, faible disponibilité de l'IVG médicamenteuse. Par ailleurs, le CCNE constate que « le fonctionnement des structures pratiquant l'IVG ne reçoit pas (...) des pouvoirs publics l'attention et l'aide matérielle suffisantes ».
Chacun devrait convenir qu'il eût été logique d'apporter d'abord des solutions à de telles insuffisances. Le Gouvernement en a décidé autrement.
« Une loi inutile affaiblissant les nécessaires », ai-je dit.
Pour apporter une réponse à un peu plus de 1 %, sur 210 000 IVG selon l'enquête de l'INSERM - des femmes « hors délai », le projet de loi dispose dans son article 2 que l'interruption de la grossesse ne peut être pratiquée qu'« avant la fin de la douzième semaine de grossesse ».
M. le rapporteur souligne que la prolongation de deux semaines du délai d'IVG ne pose pas de questions éthiques ou morales différentes par rapport aux dispositions actuelles de la loi. On peut en convenir.
En revanche, obnubilé par des considérations idéologiques et politiques, le Gouvernement fait fi des conséquences médicales et logistiques qui risquent d'aller à l'encontre du but qu'il s'est fixé.
Les mises en garde ne lui ont pourtant par manqué. L'Académie de médecine et l'ordre des médecins ont insisté sur la nécessité de précautions médicales renforcées, l'existence d'un plateau technique chirurgical, la compétence des intervenants et le recours à la discipline d'anesthésie-réanimation.
Pour le CCNE, « les interruptions tardives nécessitent l'aménagement de moyens hospitaliers adéquats, actuellement insuffisants dans notre pays ».
Mme Martine Aubry a émis une contre-vérité qu'a reprise à son compte Mme Guigou lorsqu'elle a déclaré, en juillet, que, selon les experts de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, « il n'y a pas de justification de santé publique à prévoir un environnement technique et médical particulier, spécifiquement lié à la période de dix à douze semaines ».
C'est faux, monsieur le ministre. L'avis rendu par l'ANAES indique, en effet - qui pourrait le contester ? - que les interruptions de grossesse dans les treizième et quatorzième semaine d'aménorrhée relèvent de la technique chirurgicale et précise que la technique médicale n'est pas recommandée, sauf cas particulier. Il prescrit également certaines contraintes d'organisation : une hospitalisation conventionnelle, une anesthésie péridurale ou une anesthésie générale, une révision utérine, etc.
Je ne comprends donc pas que deux ministres prononcent des contre-vérités en se référant à l'ANAES, dont l'autorité dans ce domaine est pourtant reconnue.
Outre la nécessité de disposer d'un plateau technique chirurgical, le conseil scientifique de l'ANAES précise que « deux semaines supplémentaires de grossesse ne sont pas anodines, en particulier pour l'IVG médicamenteuse ». Le taux de rétentions placentaires justifiant la réalisation d'une évacuation chirurgicale de l'utérus sous anesthésie générale atteint pratiquement 10 %.
En ce qui concerne les IVG chirurgicales, le conseil scientifique de l'ANAES ajoute ceci : « Du fait du volume foetal, la simple aspiration du contenu utérin n'est pas toujours possible et il peut alors être nécessaire d'avoir recours à des pinces spécifiques. »
Enfin, le professeur Nisand préconise dans son rapport de maintenir le délai actuel et de désigner dans chaque région une structure hospitalière spécifiquement habilitée à recevoir les patientes dépassant le délai légal. La suite de mon propos lui donnera d'ailleurs amplement raison.
Concrètement, ces mises en garde devraient imposer au Gouvernement des dispositions qui nécessiteront des moyens financiers supplémentaires, une nouvelle organisation des centres d'orthogénie qui, tous, ne pourront accéder à un niveau d'équipement suffisant pour assurer la « sécurité sanitaire » des patientes, et des mesures permettant de répondre rapidement à la pénurie de gynécologues et d'anesthésistes réanimateurs, deux spécialités médicales actuellement considérées comme sinistrées.
Afin d'appréhender plus directement les conditions actuelles de fonctionnement des centres d'orthogénie et de connaître les réactions et les intentions des équipes pratiquant l'IVG, j'ai pris deux initiatives que je souhaite vous faire connaître, monsieur le ministre, mes chers collègues.
J'ai interrogé, dans les conditions que je vais préciser dans un instant, les « équipes lorraines » effectuant des IVG, tant publiques que privées - et non pas, je le souligne, des médecins opposés à l'IVG - puis les représentants d'un grand nombre de centres répartis sur tous l'hexagone.
Le 26 janvier, j'ai convié à Nancy des représentants des centres d'IVG de Lorraine. La plupart d'entre eux étaient présents ou représentés.
Je souhaite vous donner lecture de la lettre d'un confrère pratiquant des IVG qui n'avait pu se libérer mais dont la position résume clairement ce que j'ai entendu dire à ses confrères présents.
« Cette loi est mauvaise pour plusieurs raisons.
« Premièrement, après douze semaines d'aménorrhée révolues, il nous semble que le système nerveux de l'enfant est déjà bien formé et nous sommes convaincus, intuitivement, que l'interruption volontaire de grossesse, surtout par la méthode instrumentale, provoque à cet enfant des douleurs atroces qu'on pourrait comparer chez l'adulte à l'écartèlement avec arrachement des membres, et dilacération du tronc. C'est une réalité anatomique que personne ne pourra contester. A noter que cette vérité choquera tout le monde parce qu'un déni collectif sur la gravité de l'IVG s'est installé, pour contourner la difficulté morale de l'acte, que ce soit pour la patiente, pour le médecin, pour la famille ou pour les politiciens. C'est ce déni qui fait que le passage de douze à quatorze semaines paraît peu de choses, alors qu'il y a une différence énorme : la souffrance physique de l'enfant.
« Deuxièmement, après douze semaines d'aménorrhée, l'IVG devient un geste dangereux pour la patiente, en particulier sur le plan hémorragique : nombre de centres d'IVG avisés refuseront de pratiquer ce geste et transféreront la patiente en CHU, surtout en raison de la centralisation des moyens transfusionnels.
« Troisièmement, cette loi a été proposée et votée sans prendre en compte l'avis du corps médical... Cette attitude va aggraver l'idée, parfaitement fausse et absurde, que le médecin n'a pas son mot à dire dans les décisions en matière d'IVG et que son rôle se limite à exécuter la décision de la patiente. Or la loi actuelle est mal appliquée parce que le corps médical a abdiqué, dans la pratique quotidienne, sa responsabilité dans la décision en matière d'IVG. »
J'ajouterai ces remarques d'un autre confrère : « A quatorze semaines, l'aspiration simple est impossible. L'IVG nécessite un protocole d'hospitalisation de trente-six heures avec péridurale, voire quanrante-huit heures. Une décision d'interruption de grossesse est difficile à prendre. Cela génère un "effet seuil" visant à "tarder" jusqu'à la proximité de la date limite la réalisation de l'acte. Ainsi, actuellement, l'essentiel des IVG réalisées sont âgées de neuf à onze semaines. Porter la date butoir à quatorze semaines va amener beaucoup de patientes à quatorze semaines, un grand nombre d'actes techniques difficiles, à hospitaliser quarante-huit heures, ce que nous n'avons pas les moyens de faire. »
Voici la principale conclusion de cette rencontre : « Si les délais d'interruption de grossesse sont prolongés de deux semaines, nous ne pourrons pas prendre en charge ces IVG tardives et nous les transférerons vers des centres équipés. »
Une telle attitude unanime, je le répète, lors de la réunion de Nancy, pouvant constituer une « exception lorraine », j'ai pensé qu'il était souhaitable d'étendre le champ de mes investigations, ce que j'ai fait en interrogeant par courrier deux cent vingt centres d'IVG répartis à travers toute la France.
Les questions étaient les suivantes : « Si le délai d'IVG est porté à douze semaines, poursuivrez-vous normalement votre activité ? Assurerez-vous les IVG au-delà de dix semaines ? Transférerez-vous les IVG tardives dans un centre mieux équipé ? »
Le nombre de réponses à ce questionnaire très simple est déjà, par lui-même, révélateur.
Sur un retour de 132 questionnaires sur les 220 qui ont été adressés, il ressort que 45 centres poursuivront normalement leur activité - tout en soulignant, pour nombre d'entre eux, les réserves d'une partie des équipes, le besoin de moyens matériels et humains renforcés, la nécessité de former les médecins à des techniques différentes et les risques supplémentaires encourus par les patientes -, et 84 centres poursuivront les IVG jusqu'à la dixième semaine, mais n'assureront pas les IVG au-delà. Sur ces 84 centres, 47 envisagent de transférer à un centre « mieux équipé » les IVG tardives. Cela signifie, monsieur le ministre, que deux centres sur trois refusent de pratiquer des IVG au-delà de la dixième semaine.
Les raisons de ce refus sont multiples et se conjuguent le plus souvent au pluriel pour les centres qui ont motivé leur réponse.
Pour nombre d'équipes, la loi de 1975 était une loi équilibrée - M. le rapporteur l'a souligné - et qui fonctionnait correctement : l'allongement du délai est donc vécu comme une déstabilisation des équipes et du fonctionnement actuel. La grande crainte est que, « pour permettre à quelque 5 000 personnes qui se font avorter à l'étranger... et qui, de toute façon, dépasseront le délai quel qu'il soit, on va mettre en l'air toute l'IVG en France ».
Le facteur risque est un facteur déterminant. « Le délai "le meilleur" est de six à huit semaines de grossesse : il faut une information pour le dire et ne pas faire croire que tout est normal et facile », selon un extrait d'une réponse du centre hospitalier du Mans. « Le terme de la dixième semaine de grossesse nous paraît être une limite largement suffisante. Au-delà, la taille du foetus impose une technique différente, l'aspiration par une canule est impossible, l'ossification de la tête du foetus et du corps rend le geste médical aussi délicat techniquement que psychologiquement », selon un extrait d'une réponse du centre hospitalier de La Ciotat. Parole de médecin, parole de sage-femme : je voudrais citer également cette sage-femme de Lorraine, pourtant volontaire au centre d'IVG de la maternité régionale de Nancy « pour aider les femmes » : « c'est de la boucherie », dit-elle.
Le risque hémorragique pour la femme est largement souligné.
Le problème éthique est aussi mentionné : « A douze semaines d'aménorrhée, le diagnostic de sexe est possible en échographie vaginale ; on pourra entendre alors en consultation : "si c'est un garçon, je n'en veux pas" », selon le centre d'Evry.
Il sera impossible de confier à des médecins vacataires non expérimentés un acte techniquement plus difficile.
Pour les établisements privés se pose aussi la question de la cotation annuelle de l'IVG. « Après dix semaines, la cotation misérable n'est pas en rapport avec la difficulté et la responsabilité de l'acte », selon une clinique privée de Quimper.
De nombreuses équipes plaident pour une prise en charge des IVG tardives au cas pas cas, au besoin par une commission départementale ad hoc ou par un centre référent.
Monsieur le ministre, pour que vous n'ayez pas le sentiment que j'ai tiré de mon imagination les réponses que je viens de donner et les citations que je vous ai imposées, je tiens à vous faire remettre par un huissier les deux tomes contenant les réponses dont je viens de faire état, distinguant celles des établissements qui accepteront de prendre en charge les IVG après dix semaines - avec les conditions qui y sont suggérées - et celles - deux sur trois - des établissements qui n'accepteront pas de le faire. (Les documents sont remis à M. le ministre).
Mme Odette Terrade. Si la loi l'impose, ils seront obligés de l'accepter !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Les médecins ne sont pas des instruments !
M. Claude Huriet. Trois constatations s'imposent.
Première constatation : aucune initiative comparable à la mienne n'a été prise par les pouvoirs publics en vue de l'élaboration du projet de loi. Le Gouvernement s'en est remis exclusivement aux exigences d'un lobby, enfermé dans son idéologie, coupé des réalités du terrain et refusant même de prendre en compte l'expérience et les inquiétudes des militants de la première heure de l'IVG.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Claude Huriet. Ce sont les mêmes qui ont accusé, sur la chaîne Public Sénat, le professeur Nisand d'avoir trahi leur cause parce qu'il avait en conscience fait part de quelques interrogations et de quelques réserves quant aux conditions de mise en oeuvre et aux conséquences de la prolongation du délai de l'IVG. Parmi les réponses dont j'ai fait état, la remarque : « C'est bien la première fois qu'on nous consulte ! » revient comme un leitmotiv.
Deuxième constatation : les équipes les plus engagées dans la pratique de l'IVG expriment un certain sentiment de lassitude. Elles affirment qu'une IVG tardive, au-delà des particularités techniques qu'elle comporte, entraîne, pour ceux qui la pratiquent, une charge psychologique et émotionnelle très lourde, qui devient vite épuisante.
Troisième constatation : l'insuffisance des moyens humains et matériels actuels est considérée comme incompatible avec la réalisation d'IVG au-delà de dix semaines dans les deux tiers des centres interrogés. Cela signifie que la démarche qui s'imposera consistera à transférer les femmes dans des centres spécialement équipés. La prise en charge technique nécessitera impérativement des moyens qu'il eût été bien préférable de dégager avant de légiférer. La concentration d'un nombre important de ces IVG tardives sera une épreuve pour les soignants des centres concernés et retentira inéluctablement sur l'accueil et la prise en charge de ces patientes.
De ces constatations, une conclusion s'impose : monsieur le ministre, je vous en conjure, ne succombez pas aux pressions idéologiques qui se sont exercées depuis quelques mois. Bien que je tienne à votre disposition tous les éléments que j'ai pu recueillir et que je viens de vous communiquer à l'instant, si vous n'avez pas confiance dans un parlementaire de l'opposition, interrogez vous-même les praticiens : à défaut de l'avoir fait plus tôt, menez une enquête auprès des centres d'orthogénie. Vous disposerez rapidement des résultats. Ayez le courage politique de surseoir à une décision qui va - j'en suis désormais convaincu - à l'encontre du but que vous vous êtes fixé.
Il va de soi qu'en ce qui nous concerne, nous, membres du groupe de l'Union centriste, nous voterons contre l'allongement du délai d'IVG. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vingt-cinq ans après l'adoption de la loi Veil, le Parlement se réunit pour examiner la proposition du Gouvernement d'allonger la durée légale pour l'interruption volontaire de grossesse.
Une telle question, qui met en cause notre conception de la personne humaine, son rapport avec la société, le sens de son existence, méritait que plus de temps soit consacré à la préparation du débat, ne serait-ce que pour mettre la réforme de l'IVG en perspective avec deux autres réformes tout aussi importantes : celle de la loi sur la bioéthique et celle du droit de la famille.
Au lieu de cela, le Gouvernement a choisi de recourir à la procédure d'urgence. M. Delaneau, président de la commission des affaires sociales, l'a parfaitement expliqué cet après-midi. Ce choix est d'autant plus regrettable que le texte qui nous parvient de l'Assemblée nationale a été sensiblement modifié, perturbant l'équilibre de la loi Veil.
En effet, des dispositions - et non des moindres - ont été ajoutées par voie d'amendement ; je songe notamment à la stérilisation à visée contraceptive qui mériterait de faire, avec la contraception, le sujet d'une loi.
Pour l'heure, il nous appartient de répondre à la question suivante : la prolongation de dix à douze semaines du délai légal de l'IVG résoudrait-elle les problèmes rencontrés par les femmes enceintes en situation de détresse ? Si nous voulons traiter de cette question au fond, il nous faut, je crois, laisser de côté certaines hypocrisies.
La première consiste à brandir l'étendard de la modernité pour justifier je ne sais quel clivage. Il ne saurait y avoir, d'un côté, les vieux démons du patriarcat, pourfendeurs des droits de la femme devant l'Eternel, et, de l'autre, les modernes, qui font de l'IVG un fondement essentiel de la liberté de la femme. Une caricature en chasse souvent une autre. Prenons-y garde si nous voulons avoir un dialogue utile.
La deuxième hypocrisie est celle qui pourrait conduire certains à chercher dans les arguments scientifiques matière à nourrir leurs certitudes. Une certitude, c'est une conviction que l'on oublie de confronter à la réalité. Pour ma part, je n'ai que des doutes, et rien ne me gêne plus que la référence systématique faite aux avis de telles institutions ou aux rapports de telle personnalité. Si autorisés soient-ils, ils ne doivent pas se substituer à la décision politique que nous avons à prendre en conscience.
La dernière hypocrisie - à mes yeux la principale - est celle qui voudrait nous faire croire que le débat sur l'IVG a été tranché en 1975, par crainte sans doute de raviver la querelle. Or la seule querelle qui vaille, n'est-elle pas celle de l'homme ? Si l'on entend par là que personne ici ne propose de remettre en cause l'IVG, alors soit. Si l'on croit, en revanche, que son application ne pose plus de problème, alors on se trompe lourdement.
Monsieur le ministre, je n'étais pas parlementaire en 1975, mais j'aurais voté la loi Veil. Une chose est claire : certaines circonstances doivent nous conduire à faire preuve d'humilité devant la détresse des femmes et à ne pas les juger.
Après la loi Neuwirth de 1967, cette loi, adoptée, on l'oublie, sur l'initiative du gouvernement Chirac et du président Giscard d'Estaing, a mis un terme à une situation dans laquelle des femmes mouraient dans des conditions inacceptables parce qu'elles n'avaient pas l'argent nécessaire pour se faire avorter à l'étranger. C'est pourquoi je suis, sans équivoque, favorable à la loi Veil.
En revanche, je crois que nous n'avons pas la même lecture de la loi que le gouvernement et la majorité auxquels vous appartenez, sans doute parce que nous n'avons pas la même conception de la personne humaine.
Ainsi, vous affirmez que le Parlement a décidé de faire de l'avortement un droit. Or, pas plus dans les attendus de la loi que dans le débat et dans l'argumentation de Mme Veil, il n'a été question de « droit » à l'avortement.
Que précisait la loi du 17 janvier 1975 dans son article 1er ? « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la loi. »
La loi Veil visait à éviter les avortements clandestins, dont un certain nombre avaient des conséquences dramatiques sur la santé des femmes. Elle avait posé en préambule le respect de toute vie. C'est pourquoi elle avait instauré des mesures destinées à aider les femmes en difficulté à poursuivre leur grossesse si elles le souhaitaient. Supprimer ces références à l'accueil de la vie relèverait d'un choix purement idéologique.
A cet égard, ne confondons pas l'IVG et la contraception. Dans votre texte, il est révélateur que le titre Ier porte sur l'IVG et le titre II sur la contraception. Ne devrait-ce pas être l'inverse ?
Je comptais déposer un amendement pour rétablir un ordre plus conforme à la réalité : d'abord l'éducation sexuelle et l'information dans le cadre de la prévention ; ensuite la contraception ; puis l'accompagnement des femmes enceintes ; enfin, et enfin seulement, l'IVG comme ultime solution. On m'a expliqué que c'était difficile à envisager, sauf à réécrire le texte. Soit. Il n'empêche que la présentation et l'ordre des arguments dans une loi n'est jamais neutre.
Autant la contraception fonde l'autonomie de la femme qui fait le choix d'être mère quand elle le veut - et c'est une liberté fondamentale que personne ne lui conteste - autant l'IVG doit rester une mesure d'exception à un droit fondamental, le droit à la vie.
Grâce à la contraception, la femme dispose de son corps, mais de son corps seulement. Le problème évolue quand la femme porte en elle un enfant, personne distincte, dont le devenir dépend de sa mère. Cette dépendance crée autant de devoirs que de droits. C'est toute la différence d'approche entre nous.
Vous considérez la femme en tant qu'individu, jouissant de ses droits, indépendante dans ses choix, assumant seule les conséquences de ses décisions. A travers la femme, nous considérons plutôt la personne humaine qui trouve sa dignité dans les responsabilités qu'elle contracte librement à l'égard des autres, à commencer par son enfant.
« Querelle philosophique dépassée », me direz-vous. Je ne le crois pas. Ce que je viens d'évoquer a des répercussions concrètes.
Par exemple, une chose me frappe dans ce débat, comme à la lecture de la loi : c'est l'absence de l'homme, du père, du géniteur - appelez-le comme vous le voudrez.
Je sais, j'ai l'air de découvrir une évidence. Quand une femme est conduite à avorter, c'est souvent parce qu'elle est seule pour porter son fardeau. Mais ce n'est pas toujours le cas.
Où qu'il soit, l'homme est aussi responsable de la grossesse. On parle sans cesse, actuellement, de la parentalité, du projet parental. Qu'est-ce que cela signifie si la loi fait reposer l'entière responsabilité de la décision sur la femme ? Comment parler d'autorité parentale si nous ignorons la responsabilité de l'homme ? Si nous sommes attachés à préserver l'autorité parentale, remise en cause dans ce texte, c'est bien pour cette raison.
Je ne suis pas aveugle et je sais que, dans bien des cas, l'autorité des parents ne trouve plus à s'exercer là où des jeunes, privés de leur enfance, ont appris depuis longtemps à vivre par eux-mêmes. Est-ce une raison pour nous résigner devant cette dérive ?
N'est-ce pas plutôt une bonne raison pour mettre en oeuvre une politique familiale qui aide aussi les parents à remplir leur rôle ?
Comment ne pas percevoir une contradiction entre la politique que vous préconisez, qui fait son deuil de l'autorité parentale, et celle que Mme Royal s'efforce de mettre en oeuvre, justement pour restaurer cette autorité ?
Le texte que vous proposez ne répond pas à ces questions. Loin d'apporter une solution aux difficultés des femmes enceintes, son application risque de poser de nouveaux problèmes.
Que se passera-t-il pour les femmes qui auront dépassé la douzième semaine de grossesse ? Allons-nous les abandonner à leur sort et nous défausser vers les pays voisins où elles seront contraintes d'aller avorter, si elles en ont les moyens financiers ? Dans quelques semaines ou dans quelques mois, n'allez-vous pas, monsieur le ministre, nous saisir d'un nouveau texte pour reporter à nouveau le délai ?
Nous pensons que, avant d'étendre le champ de la loi Veil, il vaudrait mieux s'attaquer à toutes les carences et dysfonctionnements qui empêchent la loi d'être appliquée correctement et qui expliquent que des femmes enceintes dépassent le délai légal.
Repousser ce délai de deux semaines n'y changera rien.
Si l'application de ce texte pose un problème pour les femmes, il en posera également pour les médecins et le personnel qui les assistent.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit quant au changement de nature de l'acte au-delà de dix semaines, d'autant que cette question soulève des avis contrastés dans le monde médical. Mais je constate que nombre de médecins font jouer la clause de conscience, ce qui est leur droit le plus strict. J'observe que l'acte d'IVG reste un acte marginalisé dont l'exécution requiert des personnels formés, qui font aujourd'hui défaut. Si, dans nombre d'hôpitaux les chefs de service imposent l'anesthésie générale quel que soit le stade de grossesse, ce n'est pas un hasard.
Derrière cette réticence, c'est bien sûr la responsabilité médicale qui est en cause, mais plus encore la conscience de porter atteinte à la vie quand on a vocation à donner la vie.
Un problème se pose enfin pour les parents susceptibles d'être confrontés à un choix délicat, choix que favorise le diagnostic prénatal au stade de la onzième semaine.
Pour ma part, je n'agiterai pas l'épouvantail de l'eugénisme pour suggérer de remettre en cause l'IVG et priver la femme de sa liberté de choix. Je dirai simplement que, à partir du moment où les parents prennent conscience des perspectives que leur ouvrent les progrès de la science, ils peuvent être tentés de se dire : après un enfant si je veux, un enfant quand je veux, un enfant tel que je le veux.
Le législateur ne peut pas ignorer ce risque. C'est tout le problème du combat entre l'éthique et la réalité, notre combat permanent.
L'éthique veut que nous soyons tous égaux devant la vie et le droit ou non de donner la vie. Les réalités économiques, sociales, culturelles bafouent souvent cette éthique.
Il n'y a pas de choix éthique sans tension morale. C'est une tension entre, d'une part, notre éthique de conviction, avec nos valeurs métaphysiques, religieuses, personnelles, et, d'autre part, cette éthique de responsabilité qui fait que légiférant, nous essayons de faire une loi pour tous.
Quand on parle de bioéthique et de diagnostic prénatal, c'est tout le sort des handicapés dans notre société qui est sous-jacent. Quel regard allons-nous porter sur eux, comment allons-nous accueillir les plus fragiles ?
Mettrons-nous le doigt dans l'engrenage de la recherche, d'abord, de l'enfant normal, puis de l'enfant parfait ?
Comme vous, j'ai été choqué par les conclusions de la Cour de cassation dans l'affaire Perruche. Quelle était la signification de l'arrêt rendu ? La naissance d'un enfant handicapé constitue en soi un préjudice dès lors que l'on pouvait avoir connaissance du handicap pendant la grossesse.
Imagine-t-on, demain, une société dans laquelle les enfants se retourneraient contre leurs parent au moif que ceux-ci auraient eu tort de les laisser naître handicapés ?
Sans doute me suis-je laissé entraîner dans une digression, mais, si tel est le cas, c'est bien parce que l'allongement de la durée légale de l'IVG est directement lié dans ses conséquences aux progrès en matière de bioéthique. C'est aussi parce que cette dimension renvoie à notre conception de la personne humaine, dont la dignité se fonde sur son autonomie et sur sa responsabilité.

Au nom de cette conception, nous réclamons une politique alternative qui donne le choix aux femmes et permette à celles qui le souhaitent de garder leur enfant. L'IVG doit rester l'ultime recours.
La France enregistre 210 000 avortements par an, soit environ une grossesse interrompue sur cinq. Treize à quinze Françaises sur 1 000 ont recours chaque année à l'avortement, alors que le chiffre n'est que de huit en Allemagne, où le délai est pourtant de douze semaines, et de six aux Pays-Bas, où il est de vingt-deux semaines.
Personne sur nos travées ne considère comme satisfaisants ces chiffres, qui témoignent tristement d'une exception française.
C'est pourquoi je rejoins tout à fait la proposition de la commission d'afficher clairement dans la loi comme objectif de santé publique la diminution du nombre d'avortements. C'est un effort dans la durée dont il s'agit, notamment en matière de prévention, et il n'apparaît pas dans votre texte.
Pour atteindre cet objectif, il convient d'abord de déployer une vraie politique d'accès à la contraception. C'est non pas en érigeant des barrières légales que la question sera résolue mais en facilitant l'accès à la connaissance de la vie affective et sexuelle, au sens de la relation, de la maternité et de la paternité.
Avant toute chose, il faut un nouveau regard de la société sur la sexualité.
Il importe notamment de développer une éducation à la sexualité et à la contraception en direction des jeunes. Je fais plus particulièrement référence aux jeunes en lycée professionnel et en apprentissage, qui reçoivent l'éducation à la sexualité et à la contraception la plus déficiente. C'est dans ces filières courtes que les filles sont le plus exposées à des grossesses non désirées, d'autant que l'âge du premier rapport sexuel est plus précoce.
Un effort doit être porté sur les centres d'information à la contraception et à la sexualité, surtout dans les quartiers en difficulté.
Pour cela, les compétences de l'Etat, du département, des caisses d'assurances maladie doivent être harmonisées. Il n'est pas normal, par exemple, que le département soit chargé de l'information en matière de maladies sexuellement transmissibles alors que l'Etat est responsable de l'information sur le virus du sida. Dans le cadre de ses compétences sociales et scolaires, pourquoi ne pas envisager de regrouper la protection maternelle et infantile et la santé scolaire sous une même responsabilité ?
S'agissant de l'information des femmes et des jeunes filles enceintes, comment ne pas réagir lorsqu'est remis en cause le caractère obligatoire de l'entretien préalable ? Nombreux - le planning familial en tête - sont ceux qui le disent : l'entretien préalable avec la psychologue, le travailleur social ou la sage-femme, les moments de dialogue sont utiles aux femmes enceintes qui hésitent. Ils lui donnent la possibilité de prendre sa décision en étant mieux informée.
Encore faut-il créer les conditions d'accueil et d'écoute nécessaires. Or le projet de loi passe cette question sous silence ; vous partez du postulat que ces femmes ont déjà décidé d'avorter. Heureusement, ce n'est pas toujours le cas ! Pour notre part, nous pensons que l'avortement n'est pas la seule réponse à leur détresse. Les droits de la femme enceinte doivent être respectés.
La remise d'un dossier-guide par le médecin ne suffit pas pour aider les personnes concernées, et cela d'autant moins que certaines d'entre elles savent à peine lire et ne peuvent donc s'en servir.
L'intitulé du dossier-guide actuellement distribué n'a trait qu'à l'interruption volontaire de grossesse alors qu'il s'adresse théoriquement à toutes les femmes enceintes en difficulté.
Votre majorité est allée encore plus loin en supprimant toute mention aux aides dont peuvent bénéficier les femmes qui veulent garder leur enfant.
Reste le problème de l'accompagnement des femmes enceintes en difficulté.
Le planning familial accomplit un travail considérable. A ce titre, il bénéficie d'un soutien financier important de l'Etat. Peut-on espérer que les associations qui aident les femmes en difficultés à avoir leur enfant reçoivent le même soutien ? Ce serait assurer l'égalité des chances.
L'IVG est toujours le résultat d'un échec : échec personnel, mais aussi échec de la société, qui n'a pas su protéger, comprendre, accompagner. Il arrive alors que l'avortement soit la moins mauvaise des solutions.
Dans ce cadre, il faut que la loi Veil puisse être appliquée correctement pour permettre de traiter les cas extêmes de manière aussi digne que possible. A cette fin, avons-nous besoin d'étendre le délai légal ?
En France, il n'y a pas de délai limite applicable aux interruptions médicales de grossesse réalisées pour un motif grave tenant à la femme ou au foetus. Dès lors, pourquoi ne pas aménager le cadre de l'interruption médicale de grossesse comme l'a proposé notamment le professeur Jean-François Mattei ?
Après la dixième semaine, l'interruption médicale de grossesse se substituerait à l'IVG. Chaque cas serait alors soigneusement examiné au cours d'une consultation pluridisciplinaire, selon des procédures accréditées respectant la situation des femmes.
M. le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi Veil fait aujourd'hui partie des lois de la République. J'en approuve et j'en respecte le principe dans la mesure où elle laisse intacte la liberté de choix de la femme et de la mère.
Au demeurant, monsieur le ministre, je ne peux voter votre texte. Pour expliquer mon choix, j'ai développé plusieurs raisons. Mais s'il n'en fallait qu'une, ce serait la suivante : la solution que vous nous soumettez reflète une vision désenchantée de la vie. Voter votre projet de loi, c'est faire de l'avortement un postulat, une fin en soi, sans autre issue. C'est concéder que la loi et l'Etat sont impuissants à faire évoluer la société. C'est renoncer tout simplement à appliquer la loi Veil, et je m'y refuse.
Ce texte n'est qu'un palliatif aux insuffisances de notre société. Sous couvert d'humanité, de tolérance et de modernité, vous confondez solidarité et compassion, autonomie et indépendance, liberté et responsabilité. Ce n'est pas ma conception de la société.
Aussi, je voterai les propositions de la commission, excellemment rapportées par notre collègue Francis Giraud. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une semaine après l'entrée de 38 000 femmes dans les conseils municipaux, nous pouvons être fiers, parlementaires de la majorité plurielle, d'avoir, aux côtés du Gouvernement, fait franchir un pas décisif à l'égalité hommes-femmes dans ce pays ; Mme Elisabeth Guigou le rappelait cet après-midi.
Le sujet dont nous débattons aujourd'hui est une conquête encore plus majeure pour les femmes puisqu'il s'agit de consolider, de renforcer ce droit fondamental qui conditionne presque tous les autres : le droit de maîtriser sa fécondité.
Plus de vingt-cinq ans après la loi Veil, ce projet de loi doit permettre de faire respecter pleinement le droit à l'avortement et d'améliorer les conditions d'exercice de ce droit, en particulier pour les femmes les plus défavorisées ou pour les plus jeunes.
Aujourd'hui, 5 000 Françaises par an vont avorter à l'étranger parce qu'elles ont dépassé le délai de dix semaines de grossesse, ce qui ajoute problèmes financiers et angoisse d'un voyage vers l'inconnu à la détresse humaine.
Aujourd'hui, 10 000 mineures se retrouvent enceintes sans l'avoir désiré. Pour certaines d'entre elles - au moins 10 % - en raison d'un contexte social ou familial, cette grossesse est inavouable et les conséquences en sont dramatiques, qu'il s'agisse de fugue, d'avortement clandestin dans les pires conditions ou même d'accouchement sous X.
Notre objectif est de répondre aux situations de détresse que le système actuel ne permet pas de traiter. Par ailleurs, l'exercice de cette liberté doit être mieux protégé et ses entraves, avouées ou souterraines, mieux sanctionnées.
Naturellement, contrairement à ce que voudrait nous faire croire la majorité sénatoriale, l'intention du Gouvernement n'est pas de banaliser l'interruption volontaire de grossesse ou, pire, d'inciter les femmes à en faire un mode de contraception. (MM. Flandre et Lorrain s'exclament.)
Les femmes qui ont avorté savent combien l'avortement est un choix difficile, un événement douloureux, parfois traumatisant.
Mme Elisabeth Guigou le rappelait cet après-midi : « Il ne faut pas rendre cette épreuve encore plus difficile à vivre par des conditions d'accès inégales ou insuffisantes, qu'il s'agisse des délais d'intervention ou des conditions d'accueil et d'information. »
Premier objectif : il faut traiter le problème des délais.
Le projet de loi propose d'abord d'allonger le délai légal autorisé pour pratiquer l'interruption volontaire de grossesse de dix à douze semaines.
M. Hilaire Flandre. En attendant !
Mme Danièle Pourtaud. Je l'ai dit à l'instant, 5 000 femmes, chaque année, sont obligées de fuir la France pour les pays voisins : l'avortement est autorisé jusqu'à quatorze semaines de grossesse en Allemagne et en Belgique, seize semaines en Grande-Bretagne et vingt-deux semaines aux Pays-Bas.
Il s'agit d'ailleurs de mettre fin à une hypocrisie, puisque de nombreux médecins, que je tiens à saluer, préfèrent braver la loi plutôt que d'abandonner à leur sort les femmes les plus démunies. Les centres de Roubaix, Créteil, Colombes, Grenoble, les Lilas et, à Paris, les Bleuets, se sont volontairement mis dans l'illégalité pour accueillir les femmes qui ont dépassé les délais.
Je ne comprends pas l'obstination de la droite sénatoriale à rejeter cette réforme majeure...
M. Patrick Lassourd. Qu'en savez-vous ?
Mme Danièle Pourtaud. ... ou, plutôt, je devine les non-dits.
M. Paul Blanc. Allons donc !
Mme Danièle Pourtaud. Je vous ai écoutés ; à vous maintenant de me laisser parler ! (Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Vous invoquez, mes chers collègues, des « risques graves » pour la santé des femmes, et l'inexpérience des médecins. Mais, si cette intervention ne pose aucun problème technique dans la majorité des pays de l'Union europénne, et cela bien au-delà de dix semaines - jusqu'à vingt-deux semaines aux Pays-Bas, je le répète - pourquoi mettrait-elle en danger la santé des Françaises ? Soupçonneriez-vous, par hasard, nos médecins d'incompétence ? Le corps médical appréciera !
Autre argument : vous nous parlez d'« eugénisme » d'avortement de confort. Il est vrai que les progrès de la science sont considérables : à partir de dix semaines, il est aujourd'hui possible de connaître les caractéristiques chromosomiques d'un foetus. Tant mieux si l'on peut ainsi limiter le nombre des naissances avec handicaps très lourds, mais vous en concluez que les femmes ou les couples vont désormais se comporter, vis-à-vis de la paternité ou de la maternité, comme des consommateurs, choisissant sexe, couleur des yeux ou des cheveux de leur progéniture. Ce n'est pas sérieux, et vous le savez. Avoir un enfant est d'abord un acte d'amour qui engage profondément, et cela n'a rien à voir avec l'achat d'une voiture.
Monsieur le ministre, permettez-moi cependant de regretter l'absence de solution pour ces quelque 2 000 Françaises qui, au-delà de douze semaines, se retrouveront encore hors délais.
M. Paul Blanc. Nous y voilà !
Mme Danièle Pourtaud. Quelles que soient leurs raisons, il ne nous appartient pas de les juger. Il me semble impossible de ne pas leur venir en aide.
Certes, il existe, pour des cas extrêmement limités, l'interruption médicale de grossesse. La droite sénatoriale nous propose d'ailleurs d'élargir son accès aux femmes dont « la santé psychique » est menacée. Mais, comme surpris par sa propre hardiesse, le rapporteur propose aussitôt de limiter ce cas « au risque avéré de suicide, à un état de détresse consécutif à un viol ou à un inceste ».
Je souhaite profondément que « les femmes en détresse », dont vous vous souciez tant, ne puissent jamais tenir entre leurs mains ce texte que vous voulez leur imposer. Faudra-t-il demain faire une tentative de suicide pour avoir le droit de faire un choix qui engage toute une vie ?
M. Jean-Louis Lorrain. N'importe quoi !
Mme Danièle Pourtaud. Quoi qu'il en soit, il ne me semble pas acceptable de placer les femmes sous la tutelle d'un comité d'experts pour une décision qui leur appartient si intimement. Nous pensons que les femmes sont responsables ; vous voulez les infantiliser. Nous voulons garantir la venue d'un enfant dans les meilleures conditions, favoriser les enfants désirés, les « heureux événements ».
Je crois mes chers collègues, que vous avez peur de donner aux femmes leur pleine autonomie, leur entière liberté.
M. Patrick Lassourd. Sûrement !
M. Jean-Louis Lorrain. Ben voyons !
Mme Danièle Pourtaud. Je m'associe totalement à la proposition de mon collègue et ami Serge Lagauche de créer des établissements spécialisés, formés à la pratique des IVG au-delà des douze semaines. Si ce n'est pas le dispositif idéal, c'est une solution humaine. Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.
J'en viens à la deuxième situation de détresse à laquelle le projet de loi vise à remédier : les jeunes filles mineures qui ne peuvent, en aucun cas, compter sur le soutien de leur famille.
Je l'ai dit, 10 000 adolescentes se trouvent enceintes chaque année, et 7 000 d'entre elles avorteront.
Dans l'état actuel de notre droit, l'avortement pour les mineures nécessite une autorisation parentale. Mais nous savons que, dans certains quartiers, dans certaines familles, la culture et la religion interdisent toute sexualité hors mariage. Une grossesse est susceptible de provoquer la peur panique d'une déchéance sociale, d'un banissement, voire d'une punition physique pouvant aller jusqu'à l'assassinat. Ne rien faire pour ces adolescentes reviendrait à fermer les yeux sur des situations extrêmement dramatiques. Personne dans cet hémicycle ne peut nier de bonne foi cette évidence.
M. Paul Blanc. Personne ne la nie !
Mme Danièle Pourtaud. Le Gouvernement propose à cet égard un régime dérogatoire, à savoir la possibilité de recourir à un « adulte référent ». Mais la commission s'est ingéniée à compliquer la mise en oeuvre de ce dispositif en réintroduisant la responsabilité de l'adulte.
Pour ma part, avec mon collègue Serge Lagauche, sans remettre en cause l'accompagnement de la mineure par un adulte si elle le désire, je défends une position plus radicale, centrée sur la notion de majorité sanitaire. Une jeune fille mineure peut aujourd'hui, mes chers collègues, accoucher sous X et se voir ainsi reconnaître le droit d'abandonner son enfant. Est-il cohérent qu'on ne lui reconnaisse pas la pleine capacité de décider, seule, de son avortement ? Nous y reviendrons dans la discussion des articles.
Troisième avancée que prévoit le texte du Gouvernement : mieux garantir l'exercice de cette liberté qu'est l'avortement. Le rapport Nisand a dénoncé un vrai scandale : les hôpitaux publics limitent volontairement les IVG à 25 % des interventions chirurgicales dans les services d'obstétrique. A Paris, en particulier, le service public ne réalise qu'un tiers des IVG, alors qu'en province il en assure en moyenne les deux tiers. Plus de la moitié des grands hôpitaux parisiens ferment leur centre d'IVG trois semaines au mois d'août et 92 % des femmes sont alors contraintes à se tourner vers les cliniques privées !
Par ailleurs - nous ne pouvons plus l'ignorer - l'interruption volontaire de grossesse est une pratique très dévalorisée dans le milieu médical. La moitié des médecins travaillant en centre d'IVG sont volontaires et vacataires, rémunérés au temps de travail, 200 francs la demi-journée. Je sais que le Gouvernement réfléchit à ce problème, monsieur le ministre. J'espère que des mesures seront rapidement mises en oeuvre.
Soyons clairs : il ne s'agit pas de remettre en cause la clause de conscience, mais obligation doit être faite aux médecins de réorienter les femmes vers l'un de leur confrère.
M. Jean-Louis Lorrain. C'est ce qu'ils font !
Mme Danièle Pourtaud. Autre garantie essentielle : la sanction du délit d'entrave, instauré par la loi Neiertz de 1993, que mes collègues députées ont élargi à toute forme de « pressions morales et psychologiques ». Dans le même esprit, le groupe socialiste du Sénat défendra un amendement obligeant les directeurs d'établissement à porter plainte, de manière que les commandos anti-IVG, dont les membres sont depuis longtemps connus des services de police, soient enfin poursuivis et condamnés.
Quant à l'entretien préalable obligatoire, il était nécessaire de mieux l'adapter à la réalité des besoins des femmes. Beaucoup trop de femmes l'ont vécu comme la remise en cause de leur décision. Il faut cesser de culpabiliser les femmes en les obligeant à se justifier. Nous savons aussi que certaines femmes ont besoin d'une écoute et demandent un véritable soutien psychologique. C'est pourquoi nous souhaitons non supprimer cet entretien, mais le rendre facultatif, ...
M. Hilaire Flandre. Et voilà !
Mme Danièle Pourtaud. ... et cela, avant comme après un avortement.
Je ne saurais achever mon propos sans souligner l'apport de l'Assemblée nationale à travers le vote d'un amendement qui n'a rien de symbolique. En sortant les dispositions relatives aux pratiques illégales de l'interruption volontaire de grossesse du code pénal pour les transférer dans le code de la santé, nos collègues députées ont conforté l'instauration d'un « droit à l'avortement ».
Avant de conclure, je soulignerai le rôle essentiel que doit jouer l'Etat en matière de prévention et d'information. Nous l'avons tous constaté, le nombre d'avortements a trop faiblement diminué en vingt-cinq ans, passant de 250 000 en 1976 à 214 000 en 1998. Il aurait même fortement augmenté chez les mineures depuis 1990.
A l'opposé, les Pays-Bas, avec le délai le plus long de tout le continent pour pratiquer une IVG, ont le plus faible taux d'avortements d'Europe : on y dénombre ainsi trois fois moins d'IVG qu'en France, et cela grâce à une politique de sensibilisation à la sexualité et à la contraception dès le plus jeune âge.
M. Hilaire Flandre. C'est par là qu'il faut commencer !
Mme Danièle Pourtaud. Tout à fait !
Il est clair que l'éducation sexuelle en France, limitée à une heure annuelle au collège, en classe de biologie, doit devenir une priorité absolue, comme le prévoit d'ailleurs ce projet de loi.
Nous aurons aussi à nous battre contre l'ignorance. Il est anormal qu'aujourd'hui encore un tiers des femmes n'utilisent aucun moyen contraceptif. Il est tout autant anormal que 15 % des filles de moins de dix-huit ans n'en utilisent pas lors de leur premier rapport sexuel. Trop d'adolescentes ne savent pas ce qu'est un planning familial et 60 % des femmes demandant une IVG ne connaissent pas la contraception d'urgence.
Nous devons également conbattre certains clichés. Non, il n'est pas vrai que « la pilule fait grossir », en tout cas pas la pilule de la troisième génération. Non ce n'est pas « l'association pilule-tabac » qui est dangereuse pour la santé ; c'est bel et bien la consommation excessive de tabac !
Il reste que certains contraceptifs sont encore trop chers. Une pilule de troisième génération remboursée sera enfin mise sur le marché dans quelques mois. Vous nous l'avez confirmé cette après-midi, madame la ministre, et je crois qu'il faut en féliciter le Gouvernement.
Mes chers collègues, l'ambition du Gouvernement est triple : développer la prévention, dédramatiser l'IVG et garantir son accès à toute les femmes.
Nous ne sommes pas une académie de morale : nous sommes au Parlement ! Ce texte a pour ambition de mieux garantir une liberté essentielle des femmes de ce pays. J'espère que la droite sénatoriale ne se trompera pas de combat et aura à coeur de nous suivre dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préalable, je dois vous préciser que je m'exprime ici à titre tout à fait personnel et non pas au nom de mon groupe.
Il aurait été plus conforme à la nature des choses que, dans ce texte, la conception et la contraception viennent avant la grossesse. Peut-être faudrait-il que la politique, enfin, retrouve un peu de logique, sinon d'humanité !
Une fois de plus, je vais dire que l'avortement n'est pas une forme de contraception. La contraception est un acte volontaire, réfléchi, un acte d'amour qui concrétise l'union de deux êtres, lesquels ajoutent à leur projet de vie celui d'un enfant désiré, souhaité, dont ils veulent le bonheur. C'est aussi la manifestation de la liberté et de la maîtrise de la sexualité de chacun. Cependant, l'accomplissement de l'acte sexuel n'implique une naissance que si chacun a la volonté qu'il en soit ainsi.
J'évoquerai d'abord ce qui aurait dû constituer la première partie de votre texte.
Transmettre la vie est un acte considérable. Ce doit être un acte lucide, l'exercice d'une véritable responsabilité vis-à-vis de l'être appelé à naître. On ne peut mettre au monde cet être sans envisager quelle sera sa place, ses chances, sans savoir s'il aura un berceau, une famille, un avenir. Que diable ! Nous sommes entrés dans le xxie siècle ! On pourrait en douter ! Ne serait-il pas temps de sortir de l'irresponsabilité ? C'est un choix à faire. Encore faut-il avoir la capacité de le faire.
Malheureusement, dans notre pays - et on le voit au nombre d'interruptions volontaires de grossesse -, les adolescentes comme les adolescents n'ont pas reçu une information, une éducation concernant ce pouvoir créateur qui est le leur, celui de transmettre la vie.
Je sais que l'on bute encore sur la difficulté, voire le malaise qu'éprouvent, pour des raisons de pudeur, certains parents à expliquer que cette transmission de la vie tient à deux facteurs indissociables qui sont la sexualité et la fécondité, alors même que l'une et l'autre sont désormais totalement maîtrisables, pour peu que l'on soit bien informé.
Mais ces adolescents, qui les a mis en garde en temps utile ? Qui leur a expliqué simplement, naturellement, ce processus de la transmission de la vie, lequel, depuis la nuit des temps, immuablement, assure la survie de l'humanité ?
N'est-ce pas, dans notre pays, un problème culturel ?
C'est pourquoi il n'y a rien de plus urgent que de remédier à l'insuffisance criante de cette information, de cette éducation, qui relève à la fois des parents et de l'école. Un effort conjoint et coordonné entre les deux est nécessaire, sinon indispensable. J'ai déposé un amendement à ce sujet.
Je pense qu'aujourd'hui tout le monde est d'accord pour reconnaître que, dans un tel domaine, l'information ne peut se résumer en quelques images télévisuelles, quelles que soient les qualités de la société de communication ; la transmission de la vie ne peut s'expliquer seulement à la façon dont on lance une marque de fromage !
Par ailleurs, il convient de guider les jeunes filles vers un suivi médical et gynécologique, étape indispensable à un double titre : d'abord, pour la connaissance de son propre corps, ensuite pour la sécurité par le dépistage, car on sait quels ravages produisent des cancers féminins. C'est pourquoi je pense que, en tout état de cause, une première visite s'impose, même si les contraceptifs sont en vente libre. C'est une question de protection et d'hygiène de vie. Mes chers collègues, avant d'acheter une première voiture, il n'est pas inutile d'apprendre comment fonctionne la mécanique !
Quant à la deuxième partie de ce texte, elle n'est pas la révision des législations précédentes. Sur le fond, le débat a eu lieu. La loi Veil a réglé le problème : le concept de vie n'est plus en question. A la phase philosophique succède aujourd'hui la phase thérapeutique, qui ne peut être la révision de la première.
En réalité, ce projet de loi se voudrait être la tentative de résolution des troubles de la société par une morale pragmatique. Cet essai peut-il réussir tel quel et, si j'ose m'exprimer ainsi, « brut de décoffrage » ? Je ne le pense pas.
C'est pourquoi je suis de ceux qui regrettent que l'urgence ait été déclarée et qu'il n'y ait pas de navette entre nos deux assemblées. Je suis certain que le résultat aurait été positif. (Applaudissements sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Patrick Lassourd. C'est l'habitude !
M. Lucien Neuwirth. Tout d'abord, il est établi que l'Etat a failli deux fois à ses devoirs. Il a failli une première fois dans la mise en oeuvre de la contraception, et j'ai hurlé dans le désert pendant vingt ans. Il a failli une seconde fois en n'assurant pas la réalisation des missions prescrites par la loi au délai des dix semaines prévues.
En effet, les articles 13 et 14 de la loi Veil du 17 janvier 1975, qui sont devenus les articles L. 2214-2 et L. 2311-3 du code de la santé publique sont clairs.
L'article L. 2214-2 est ainsi rédigé : « En aucun cas l'interruption volontaire de la grossesse ne doit constituer un moyen de régulation des naissances. A cet effet, le Gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour développer l'information la plus large possible sur la régulation des naissances, notamment par la création généralisée, dans les centres de protection maternelle et infantile, de centres de planification ou d'éducation familiale et par l'utilisation de tous les moyens d'information.
« La formation initiale et la formation permanente des médecins, des sages-femmes, ainsi que des infirmiers et des infirmières, comprennent un enseignement sur la contraception. »
Quant à l'article L. 2311-3, il est ainsi libellé : « Chaque centre de planification ou d'éducation familiale constitué dans les centres de protection maternelle et infantile sera doté des moyens nécessaires pour informer, conseiller et aider la femme qui demande une interruption volontaire de grossesse. »
Les auditions auxquelles notre excellent rapporteur, Francis Giraud, a procédé ont révélé les dysfonctionnements, que je connaissais déjà et qui étaient repérés depuis longtemps, dans les structures chargées d'accueillir les femmes en demande d'IVG : manque de personnels médicaux et paramédicaux - soit dit en passant, sous-indemnisés, souvent critiqués, voire menacés -, délais d'entretiens trop longs à obtenir...
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Lucien Neuwirth. Je vous le demande, mes chers collègues, comment condamner à comparaître devant une commission pluridisciplinaire...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Lucien Neuwirth. ... des femmes qui auront dépassé de moins de quatorze jours le délai légal, alors que ce dépassement est dû principalement aux dysfonctionnements établis des services dont l'Etat a la responsabilité ?
MM. Patrick Lassourd et Paul Blanc. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. Voilà !
M. Lucien Neuwirth. Tant qu'il n'aura pas été remédié en priorité à ces dysfonctionnements, dans l'état actuel de notre législation, les femmes devront-elles être une fois de plus les victimes expiatoires de nos propres insuffisances ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Très bien !
M. Lucien Neuwirth. Les dix semaines prévues dans la loi Veil, au terme de minutieuses réflexions et consultations, auxquelles j'ai participé, étaient accompagnées par la certitude - c'est important - que tous les moyens de soutien psychologique, social et médical seraient mis en place dès la promulgation de la loi. Dérision ! En vingt-six ans, laxisme, irresponsabilité et imprévisions budgétaires nous ont conduits à la situation présente.
M. Claude Huriet. Eh oui !
M. Lucien Neuwirth. La loi Veil, prudente, prévoyait son réexamen dans un délai de cinq ans. Mon amendement, plus modestement encore, prévoit un délai de trois ans - c'est un problème d'autorité de l'Etat et de volonté de l'administration ; on se demande d'ailleurs, quelquefois, si la France est gouvernée ou administrée ! -... (Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. C'est bien dit !
M. Lucien Neuwirth. ... un délai de trois ans, donc, pour qu'enfin toutes les structures d'accueil indispensables soient mises en place et que puisse être respecté le délai de dix semaines convenu depuis vingt-six ans, étant entendu que le dispositif que propose le rapporteur du Sénat au-delà, en cas de dépassement, sera mis en oeuvre.
Lorsque ces dysfonctionnements auront été corrigés, lorsque le délai de dix semaines pourra être respecté, on peut penser logiquement que les choses rentreront dans l'ordre : aucune femme n'ira par plaisir vers les douze semaines, et donc vers une chirurgie gynécologique : au-delà de dix semaines, l'embryon devenant foetus, l'acte change en effet de nature.
Mais commençons par le commencement, même si ce que nous avons à entendre n'est pas plaisant : le trop grand nombre d'IVG dans notre pays nous interpelle, et la France a mauvaise conscience. Elle le peut !
A l'époque où la République avait encore du souffle, deux lois qui allaient à contre-courant des idées reçues furent votées : d'abord, la loi de 1967 sur la contraception, puis, sept ans plus tard, la loi Veil concernant l'interruption de grossesse en cas de détresse ; les deux textes sont complémentaires. Les débats furent denses, parfois pathétiques, mais, finalement, le Parlement en admit les principes et nous n'y reviendrons pas.
Mais comment respecter une loi quand on ne lui donne pas les moyens d'exister ? (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Un sénateur de l'Union centriste. Tout à fait d'accord !
M. Lucien Neuwirth. En réalité - et qui pourrait prétendre le contraire ? -, le problème de la grossesse non désirée se situe en amont, c'est-à-dire au moment de la conception.
Je m'exprimerai sur les autres thèmes du projet de loi lors de la discussion des articles.
Madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'humanité a connu au fil des siècles l'infanticide, l'abandon et le sort peu enviable de ceux qu'on appelait les « bâtards », puis l'avortement.
Aujourd'hui, la connaissance, la contraception, nous permettent d'accueillir dans la sécurité le petit de l'homme, ce petit de l'homme du xxie siècle qui, si nous le voulons bien, marchera dans la lumière d'un nouvel humanisme. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas anodin de prendre la parole après M. Lucien Neuwirth. C'est pour moi un honneur et un devoir d'humilité.
Dans notre société, le droit à l'interruption volontaire de la grossesse est désormais acquis, et les membres de mon groupe n'ont nullement l'intention de le remettre en cause. Le combat des femmes et de leurs associations a permis de conquérir un droit plein et entier à l'avortement.
Le projet de loi qui est soumis aujourd'hui à notre approbation par le Gouvernement avait pour objectif initial d'aménager la loi Veil afin de tenir compte, d'une part, de la détresse des 5 000 femmes qui, chaque année, se trouvent hors délais et doivent se rendre à l'étranger pour y subir une IVG et, d'autre part, de celle des jeunes filles mineures qui ne peuvent obtenir le consentement parental.
Mais les discussions en séance publique à l'Assemblée nationale, en novembre dernier, ont abouti à modifier profondément le texte du projet de loi initial. En effet, d'un aménagement de la loi Veil, on est passé à une réécriture complète de celle-ci, ce qui, en réalité, en transforme complètement l'équilibre et la logique.
En fait, deux conceptions de l'IVG s'opposent : d'un côté, l'affirmation d'un droit absolu de la femme, de l'autre, la reconnaissance d'un devoir de la société, celui de répondre à la détresse de certaines femmes confrontées à une grossesse non désirée.
L'Assemblée nationale et sa majorité plurielle ont donc transformé un devoir de la société à l'égard des femmes en détresse en un droit absolu des femmes à disposer de leur corps. Plusieurs amendements, adoptés par l'Assemblée nationale sur proposition de la commission, modifient radicalement l'équilibre de la loi : ainsi, les références à l'aide apportée aux femmes enceintes désirant poursuivre leur grossesse ont été supprimées du dossier guide, tandis que l'entretien préalable à toute intervention a été rendu facultatif, sauf - il faut le reconnaître - pour les mineures.
L'IVG est donc devenue un droit absolu ne supportant aucune entrave. Par là même, le Gouvernement fait de l'affirmation de ce droit un combat idéologique, prétendument dans l'intérêt des femmes.
Or, l'affirmation de ce droit est, semble-t-il, contraire à l'esprit de la loi Veil, dont l'article 1er réaffirmait le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. L'IVG constituait une exception à ce droit fondamental, mais une exception nécessaire au regard de la prise en compte par la société de la détresse de certaines femmes.
La liberté des femmes, c'est de prendre leur décision de façon éclairée en ayant bénéficié de toutes les informations. Or, la suppression du caractère obligatoire de l'entretien préalable restreindra ces possibilités d'information et, surtout, de dialogue. L'entretien préalable représentait l'occasion pour la femme de mettre en mots sa souffrance, de dénouer des situations difficiles, pour pouvoir ensuite mieux assumer son choix. Plutôt que de le supprimer, il eût été préférable d'améliorer la formation de ceux qui l'assurent et d'augmenter les structures d'accueil dont la défaillance est connue.
L'IVG est toujours une situation de détresse où la femme - voire le couple, car, souvent, les jeunes hommes accompagnent les jeunes filles aux consultations - est aux prises avec des émotions tout à fait contradictoires. L'entretien préalable est souvent la première possibilité de parler de soi de façon personnelle et approfondie, il apporte une aide psychologique dans une situation de crise, un soutien à la réflexion et à la décision : il n'est en rien une tentative de dissuasion ou de banalisation. C'est en tout cas ce qui ressort des différents entretiens que j'ai pu obtenir.
Les conseillères conjugales sont des femmes exceptionnelles qui sont là pour informer, conseiller, soutenir, aider, enfin, pour accompagner lorsque la décision d'IVG est prise. Leur rôle est essentiel aussi bien avant qu'après.
Pour la très grande majorité des femmes, le recours à l'avortement est accidentel. Elles ont donc besoin d'un accompagnement moral pour traverser cette épreuve.
La liberté de choisir des femmes, c'est aussi qu'elles aient la possibilité de poursuivre leur grossesse si elles le désirent. En supprimant toute référence aux aides apportées aux femmes enceintes en difficulté désirant poursuivre leur grossesse, le projet de loi va, à mes yeux, à l'encontre de la liberté des femmes, qui exige qu'elles puissent bénéficier de la totalité des solutions et non pas seulement d'une partie.
En supprimant les références à l'accueil de la vie, l'Assemblée nationale a complètement dénaturé la loi et placé le texte hors des préoccupations réelles des femmes, qui ont besoin d'être écoutées et entourées. Il ne s'agit pas d'exercer sur elles des pressions dans un sens ou dans l'autre, la loi Veil est claire sur ce point, il s'agit de donner le choix. Et souvent, les références que nous avons entendues sur ce sujet, en particulier au sein de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, émanaient de prestataires qui, pour partie, avaient été choisis de manière tout de même très orientée, si bien que nous avons constaté un certain déséquilibre dans les avis entendus. Les personnes que nous avons auditionnées étaient généralement, c'est vrai, des spécialistes nationaux sélectionnés - Mme la ministre l'a rappelé dans son préambule - mais qui confondaient souvent militantisme et expertise.
Les femmes qui ont décidé d'avorter doivent pouvoir le faire le plus tôt possible. Or, cela exige que soient mis en place des moyens supplémentaires en matière d'accès aux soins. Mais - d'autres l'ont dit avant moi - rien n'est prévu en matière de revalorisation du montant de la vacation ou du statut du praticien pour tenir compte de la pénibilité du travail.
Il faut également permettre aux femmes de choisir la méthode d'intervention. L'IVG médicamenteuse est encore trop peu utilisée : dans 20 % des cas seulement. Alors que l'association de la voie médicamenteuse et de la voie intravaginale peut être utilisée jusqu'à la dixième semaine, la plupart des médecins préfèrent encore utiliser des anesthésies générales.
Je voudrais également faire observer que le coût d'un test de grossesse en pharmacie est exorbitant, puisqu'il s'élève à 150 francs environ. Cela ne facilite pas les choses, même si là n'est pas le fond du problème !
La vraie liberté de la femme n'est-elle pas de maîtriser sa fécondité et de ne pas avorter ?
L'accès à la contraception doit être facilité, et chacun est d'accord sur ce point. La suppression de la prescription médicale qui est envisagée pour les contraceptifs hormonaux suscite un certain nombre d'inquiétudes ; cela justifie que la prescription soit maintenue, au même titre que pour les contraceptifs intra-utérins.
Par ailleurs, la consultation médicale, vous le savez, permet au médecin de procéder à divers examens, dans une démarche de prévention. Il s'agit non pas de les multiplier à tout va, mais de les concentrer plus particulièrement sur le tabac, le cholestérol et l'hypertension, ou encore sur le dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus. De plus, l'entretien entre le médecin et la femme est l'occasion de définir la contraception la mieux adaptée et la mieux supportée.
Nous sommes d'accord : le nombre des IVG - 220 000 par an, soit une pour trois naissances - reste trop élevé dans notre pays. Le faire baisser ne relève pas d'une mission impossible. Aux Pays-Bas, nous dit-on, sont pratiqués trois fois moins d'avortements qu'en France ; mais ajoute-t-on que, si les cliniques y sont aussi florissantes, c'est qu'elles font payer ce type d'interventions ? Précise-t-on que la stérilisation y est beaucoup plus répandue qu'ailleurs ? Les comparaisons entre pays peuvent être interprétées de bien différentes façons !
En matière d'information, tout est à faire, et les quelques dispositions prévues par le projet de loi sont malheureusement bien timides. Les jeunes doivent pouvoir bénéficier d'une éducation répétitive à la sexualité qui soit dispensée de préférence en milieu scolaire, milieu beaucoup plus favorable que les centres de planification et d'éducation familiale : en effet, il faut aller chercher les jeunes là où ils se trouvent, dans leur univers, dans leur quotidien, et ne pas leur demander de faire eux-mêmes la démarche de se rendre dans un centre de planning, car on sait très bien qu'ils ne le feront pas.
La responsabilité des adolescents à l'égard de leur sexualité passe par une information de qualité dans une démarche de prévention. Or, comme nombre d'entre nous l'ont dit, l'éducation sexuelle reste particulièrement insuffisante dans notre pays. De plus, elle doit faire face - il faut le dire - à une réticence du corps enseignant ainsi qu'à une insuffisance de moyens : elle est donc souvent réduite à quelques heures au cours de la scolarité, ce qui, au fond, ne rime pas à grand-chose.
Pour être efficace, l'éducation sexuelle doit être précoce, continue et faite par des professionnels. Seul un temps suffisant consacré à l'éducation et à la santé avec des interlocuteurs ayant eu la formation requise et avec des intervenants extérieurs à l'établissement, comme les centres de planification, permet d'initier à la sexualité et à la contraception.
Quant aux méthodes contraceptives, elles restent trop chères et sont encore peu diversifiées. La grande majorité des femmes ont recours à la pilule, alors qu'il s'agit d'une méthode relativement contraignante, qui n'est pas forcément adaptée à toutes les femmes, notamment aux jeunes filles qui ont une sexualité irrégulière, voire intermittente. De fait, la grande majorité des IVG est encore due à un échec de la contraception.
L'allongement des délais, proposé par le Gouvernement, ne peut constituer qu'une solution partielle. S'agit-il d'une loi idéologique ? Peut-être. Ou bien cherche-t-on à évacuer le problème du manque de moyens, notamment la pénurie de praticiens et d'anesthésistes, qui amène nombre de femmes à se retrouver hors délais faute d'avoir pu trouver à temps les réponses appropriées ?
Plutôt que de se donner les moyens pour assurer la mise en oeuvre dans les meilleures conditions de la loi Veil, le Gouvernement semble nous proposer une fuite en avant. En effet, loin de résoudre la situation de cinq mille femmes hors délai, cette solution risque en réalité d'aggraver les difficultés qu'elles peuvent rencontrer en matière d'accès aux soins.
M. Paul Blanc. Absolument !
M. Jean-Louis Lorrain. En effet, de par le changement de nature de l'intervention, qui devient chirurgicale à partir de douze semaines, certains médecins qui pratiquent aujourd'hui des IVG ne se sentiront pas capables de procéder à cette intervention au-delà du délai actuel de dix semaines.
A ce propos, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse s'agissant d'un organisme que je respecte beaucoup et qui est de grande qualité : il s'agit de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Si j'en crois un journaliste du Quotidien du médecin , cet organisme, qui a rédigé un rapport relatif aux risques sur le plan physique que représente l'IVG au-delà du délai légal, émet quelques timides réserves quant à l'avortement de type médicamenteux. De surcroît, le journaliste, quelque peu impertinent, écrit que, si les sénateurs veulent faire de l'obstruction à l'IVG, c'est parce qu'ils n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent. Mais nous ne voulons pas faire d'obstruction à l'IVG ! Cependant, nous aurions souhaité que l'ANAES soit un peu plus objective en ce qui concerne les risques liés au prolongement du délai légal pour l'IVG. Certes, il est précisé que l'IVG de type médicamenteux n'est pas anodine, mais la pratique est en quelque sorte banalisée. On peut dire que nous émettons simplement quelques réserves, affirme un expert de l'ANAES, selon le Quotidien du médecin en date du 31 janvier 2001. Monsieur le ministre, malgré d'autres sources dont vous disposez, votre information sur ce point méritait mieux. Il est dangereux de modifier la nature des interventions.
M. Huriet, en nous faisant part de statistiques, a poussé un cri de vérité s'agissant de ce que pensent les médecins. Dans la région de Mulhouse, 1 200 IVG sont pratiquées par an, soit plus qu'à Strasbourg. Les équipes sont dans un état de souffrance alors qu'elles jouent particulièrement le jeu.
L'un de nos collègues vantait les mérites des équipes d'IVG de Colombes, qui font bien leur travail. Selon le journal que je citais voilà quelques instants, certains membres de centres d'IVG affirment de façon terrible : « Nous sommes des avorteuses heureuses. » Quelques lignes plus loin, on parle d'une équipe d'intervention de la région de Colombes. Si j'ai pris cet exemple parmi les dizaines d'articles que nous avons pu lire, c'est parce que ces équipes disent qu'elles ne sont pas en état de souffrance lorsqu'elles font des IVG. Or, je puis vous assurer que la majorité de ceux qui pratiquent des IVG sont en état de souffrance. Il est tout de même des références que l'on pourrait éviter !
Sur les 5 000 femmes hors délais qui se rendent à l'étranger pour pratiquer une IVG, près de 60 % se retrouvent déjà au-delà de douze semaines. L'allongement de deux semaines ne va donc en rien régler le problème. En effet, on laisse de côté celles qui ont le plus besoin d'aide, qui sont dans la plus grande détresse.
Par ailleurs, l'allongement des délais va créer de nouveaux risques d'interférences avec le diagnostic prénatal ; mais je n'irai pas plus loin et je ne parlerai pas d'eugénisme. En effet, en France, contrairement à ce qui se fait chez nos voisins européens, la première échographie se pratique de manière quasi systématique à partir de la dixième semaine de grossesse, et de manière systématique à partir de la onzième.
Lors de l'échographie, dans au moins 5 % des cas, soit 40 000 grossesses par an, le praticien soupçonne des pathologies potentielles, qui disparaissent souvent par la suite, mais dont il a le devoir d'informer le couple. Imaginez la réaction du couple à qui on communique une information de ce type !
Si la loi est adoptée, les médecins envisagent de reculer d'autant la première échographie, ce qui aurait d'autres incidences médicales.
Enfin, s'agissant de la question de l'aménagement de l'autorisation parentale pour les mineures, de nombreuses incertitudes subsistent. En effet, la question de la responsabilité de l'adulte référent n'est toujours pas réglée et pose un grand nombre de problèmes, notamment juridiques. Le Gouvernement s'est contenté d'affirmer que cette question, pourtant essentielle, serait traitée dans le cadre de la réforme de l'aléa thérapeutique. Or, cette réforme est loin d'être achevée et elle a déjà été plusieurs fois repoussée. Cela risque d'aller à l'encontre des jeunes filles, car certaines personnes seront peut-être réticentes pour assumer la responsabilité d'adulte référent en l'absence de cadre juridique clair. J'ai bien entendu ce qui a été dit par Mme la ministre. Malgré toutes ses assurances, je ne suis pas convaincu, notamment en cas d'IVG pratiquée après dix semaines, puisqu'il s'agira alors d'un acte chirurgical avec anesthésie et ses aléas.
Par ailleurs, l'interruption volontaire de grossesse est une épreuve particulièrement douloureuse pour une mineure, qui doit pouvoir bénéficier du soutien de ses parents, tout au moins de l'un de ses parents. Cette épreuve peut être l'occasion de renforcer des liens entre les parents et leur fille. Souvent, au début, la situation semble bloquée et dramatique. Or, après un contact, après des rapports humains très forts, on peut, par le dialogue, libérer le noeud qui s'est constitué.
La loi Veil pose le principe de l'obligation du consentement de l'un des titulaires de l'autorité parentale pour la jeune mineure qui veut subir une IVG, comme pour n'importe quelle intervention médicale, sauf en cas d'urgence.
Malheureusement, il existe des situations où la jeune fille ne peut pas en parler à ses parents : soit parce qu'il y a démission parentale, soit parce que les parents ne sont pas là et ne peuvent donc assumer leur responsabilité parentale. Mais il est aussi des situations, certes peu nombreuses, mais toujours extrêmement douloureuses, dans lesquelles la santé physique et psychologique de la mineure serait sérieusement en danger si les parents étaient consultés. Il s'agit là de situations de détresse et elles doivent bien sûr être prises en compte et réglées au cas par cas. Ces situations ne représentent pas la majorité des cas, mais - il ne faut pas le nier - ils existent. Cependant, est-il judicieux de légiférer pour une petite minorité, au détriment de l'ensemble ? En tout état de cause, il est essentiel d'obtenir le consentement de l'un des deux parents dans le propre intérêt de la jeune fille.
Pour terminer, j'évoquerai les amendements de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, adoptés en séance publique en novembre dernier, relatifs à la stérilisation à visée contraceptive des personnes majeures et des handicapés mentaux. Il s'agit là d'un sujet extrêmement sensible qui soulève un certain nombre d'enjeux éthiques et médicaux, et non pas moraux, comme on l'a encore entendu cet après-midi ! Cela aurait mérité un vrai débat et la consultation de spécialistes. Le principal intérêt de la stérilisation est d'éviter les IVG après trente-cinq ans, qui représentent 21 % des IVG. C'est un chiffre important. On cherchait une façon de réduire les IVG ; c'est une manière de le faire.
De plus, la charte européenne des droits fondamentaux, qui vient d'être adoptée au sommet de Nice, sous présidence française, interdit toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur et le handicap, à l'article 21 ; elle reconnaît le droit des personnes handicapées non seulement à leur intégration sociale et professionnelle, mais aussi, dans son article 26, à leur participation à la vie de la communauté.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres de mon groupe et moi-même sommes très réservés sur les dispositions adoptées. Environ 30 000 stérilisations ont lieu en France chaque année, en dépit d'un encadrement juridique peu clair, qui laisse la porte ouverte à de possibles dérives.
Le consentement des personnes handicapées devra donc systématiquement être recherché ; à défaut, la stérilisation sera décidée par le juge des tutelles. Il semble, à nos yeux, pourtant essentiel que le juge entende auparavant les parents ou le représentant légal de la personne.
Je voudrais, avec les membres du groupe de l'Union centriste, rendre hommage au travail de la commission des affaires sociales et à son rapporteur, notre collègue Francis Giraud, avec lequel nous avons pu travailler pendant plusieurs semaines. M. Giraud a su dépassionner le débat et proposer à notre assemblée les meilleures réponses possibles à l'ensemble de nos interrogations, avec, croyez-le, beaucoup d'humanité et de clairvoyance.
Notre groupe apportera donc son soutien aux amendements de la commission qui permettent de rétablir la logique et l'équilibre de la loi présentée voilà vingt-cinq ans par Mme Veil, à laquelle je souhaite d'ailleurs rendre hommage aujourd'hui à cette tribune. Si un aménagement de la loi de 1975 apparaît désormais nécessaire, il ne faut pas pour autant, comme veulent le faire le Gouvernement et sa majorité, changer radicalement l'esprit de cette loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, vers quel destin personnel avancent les deux cent vingt mille femmes qui ont recours à l'avortement chaque année ? Chacune parviendra-t-elle à construire un avenir serein, débarrassé de toute détresse pour elle-même ? Qui les gardera de s'enfoncer dans une spirale de détresses accumulées ? Quel peut être simultanément le destin collectif de la société qui ne les retient pas sur cette pente, si même elle ne les y incite pas indirectement ? Où cette société trouvera-t-elle demain la garantie de la paix pour elle-même quand l'Etat organise le pouvoir unilatéral d'avorter, sans défendre l'être humain embryonnaire ? Qui la protégera de ses propres contradictions et de l'anéantissement qui ne peut qu'en résulter ? Où sont les signes d'un mouvement en sens inverse fondateur d'un véritable espoir en l'avenir ? Pouvons-nous en effet espérer sérieusement croître en liberté en prétendant guérir des détresses par la suppression des vies humaines ? L'avortement n'est pas seulement un drame personnel, c'est aussi un malheur collectif. On le répète mais on ne le prend pas suffisamment au sérieux. Aujourd'hui encore, avec ce texte, la progression dans le drame se confirme, sous prétexte d'éviter d'autres malheurs !
Depuis près de trente ans, inexorablement, pas à pas, l'opinion est progressivement conduite à la passivité et à consentir à repousser les frontières de l'intolérable. Les délais se distendent, les techniques se raffinent pour surmonter les difficultés qui croissent avec l'âge du foetus pour l'avorter. Aujourd'hui douze semaines. Demain un peu plus, jusqu'à couvrir toute la grossesse, n'en doutons pas, après le franchissement de ce seuil décisif. La recherche aurait-elle besoin de foetus de douze semaines, et demain de foetus encore plus âgés ? On doit s'inquiéter de voir l'indifférence croître et le lien social se distendre tandis que progresse la négation de l'être humain au commencement de sa vie. Il n'y a pas, quoi qu'on en dise, de progression de la liberté avec l'avortement, puisqu'il sera toujours le résultat de la contrainte et de la violence.
Le principe de précaution, de plus en plus invoqué ailleurs, n'est ici jamais soulevé alors que le sujet l'imposerait. Ne s'agit-il pas d'une intervention délibérée et irréversible sur la vie humaine ? Qui peut encore croire que la société et la qualité de son humanisme survivront à nos comportements en ces domaines ? Qui ne voit le parallélisme entre toutes les formes de violence dans la société ? Où se trouvent les forces pour arrêter cette dynamique du malheur, cet engrenage nihiliste ? La dénonciation ne peut suffire. Il faut des actes. Le premier concerne la mémoire et nous incite à nous remémorer le destin des civilisations qui n'ont pas su enrayer les enchaînements de cette nature. Le deuxième acte est de courage intellectuel et consiste à penser que l'avortement n'est pas inéluctable. Il faut ensuite arrêter la fuite en avant où nous sommes entraînés. Il convient enfin de développer une éducation affective et sexuelle formatrice de la responsabilité et du respect du corps de l'autre, parce qu'il est le siège d'une personnalité appelée à se construire elle-même et à construire son histoire et celle d'une famille.
La contraception atteint également dans ce texte son stade indépassable et la négation absolue de la vie par la stérilisation des personnes. Vers quel type de société nous conduit en définitive cet individualisme absolu qui veut s'affranchir de tout don de la vie pour ne retenir que la vie consommée ?
La femme risque d'y être de plus en plus malheureuse, quels que soient par ailleurs les progrès de son statut institutionnel et juridique, car l'irresponsabilité masculine semble à l'abri de toute mise en cause. La plus grande puissance de la femme ne réside-t-elle pas dans la maternité ? Or tout est fait pour la dissuader de s'y aventurer. On parle d'éducation sexuelle dans les écoles. De quoi s'agit-il en fait, sinon de prévention de la maternité ? Où trouvera-t-on un enseignement sur la responsabilité paternelle pour les garçons ?
On nous propose aussi, dans ce texte, de supprimer l'entretien préalable, qui serait une contrainte insupportable. Mais qui dira l'abîme de la solitude ? Qui pourra la rompre sinon par une forme d'amicale ingérence ? Où trouver quelqu'un de confiance qui dissuade d'avorter, dans une société qui a déjà renoncé à son avenir ? Comment trouver la personne pour encourager et aider à résister à la tentation de l'irréparable ? L'avortement serait-il déjà et presque partout posé comme inéluctable ? Nouvel impératif catégorique des temps modernes. Nouveau contrat social garantissant à chacun l'isolement spirituel. Décidément, le contexte existentiel de la sexualité libertine paraît bien carcéral, quand chacun construit ainsi sa propre prison et celle du voisin.
C'est toute une conception de la vie qui est en cause, et même peut-être plus encore, sans nous en douter, une fascination de la mort, comme il y a la tentation du vide. La défense de la vie humaine menacée par les excès de l'individualisme absolu est inséparable du combat pour la paix sociale elle-même.
Le respect mutuel est indivisible et ne peut pas tenir en dehors de son champ une partie des êtres humains, fussent-ils au stade embryonnaire. La solidarité ne peut pas être sélective par principe.
Nous devons relever l'un des plus grands défis de tous les temps auquel nos pays de vieille civilisation sont confrontés. Ayons le courage de le faire, avec la douceur et l'humilité qui conviennent. Notre rapporteur Francis Giraud a fait un excellent travail dans ce sens, et je tiens à lui rendre hommage. J'approuverai la plupart de ses amendements, tout en les complétant ou en proposant quelques nouvelles dispositions. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons vise à améliorer la situation des femmes et des couples qui souhaitent maîtriser leur procréation. Il leur propose un accès dédramatisé et plus digne à l'IVG. Il favorise l'accès à la contraception.
Mon propos portera essentiellement sur la suppression du caractère obligatoire de l'entretien social préalable à l'IVG, qui est imposé aux femmes, et sur l'inscription de la stérilisation dans notre législation.
Il convient de replacer ces deux questions dans le contexte de la loi de 1975. Celle-ci a permis d'éviter des avortements clandestins. Elle a mis fin aux risques graves pour la santé et à la réelle détresse psychologique des femmes, enceintes sans avoir désiré mettre au monde un enfant, alors que celles et ceux qui les aidaient encouraient des sanctions pénales lourdes.
Ces objectifs sont-ils parfaitement atteints ? Oui, pour les femmes qui ont utilisé cette loi. Mais nous ne devons pas ignorer les cinq mille femmes qui, chaque année, dépassent le délai de dix semaines pour une IVG, et qui se trouvent contraintes d'aller à l'étranger. C'est pourquoi le texte que nous allons examiner porte cette limite à douze semaines. Nous pourrions envisager une solution pour les femmes qui, malgré elles, auraient dépassé ce nouveau délai. Il s'agit souvent de personnes en grande difficulté sociale ou qui se heurtent à de nombreux problèmes d'intégration. Il faut les aider et ne pas accroître les inégalités en ce qui les concerne, elles ou leur famille, qui, souvent, doit supporter une partie des frais d'un voyage à l'étranger.
Pour qui est opposé à l'avortement et pour qui prétend se substituer à la femme concernée pour lui indiquer qu'elle doit mener à terme sa grossesse, l'avortement sera toujours une mauvaise solution. Faut-il rouvrir ce débat ? Il est déjà résolu et ceux qui veulent y revenir expriment bruyamment des positions très marginales, en fait. Le droit de la femme ou du couple à accueillir un enfant quand il l'a souhaité a été reconnu et acquis par la loi. Nous n'accepterons pas qu'il soit remis en question, d'autant moins qu'il s'ajuste et ne s'oppose en aucune façon, comme certains voudraient le laisser entendre, à celui de l'enfant qui, lui, a le droit de naître en ayant été désiré et non rejeté, et en ayant fait l'objet d'un projet parental.
Chaque femme, comme chaque homme et comme chaque couple, a son projet de vie, dont notre République garantit la libre détermination. Confrontant sa situation sociale, qu'elle y adhère ou qu'elle la subisse, avec son projet de vie, la femme est conduite à accepter ou non sa grossesse. Il en est de cette démarche, qui consiste à vouloir continuer ou changer, comme pour tous les actes de la vie. Dénier à la femme la faculté de faire ce choix, qui exprime la libre maîtrise de son corps, c'est-à-dire d'elle-même, c'est limiter le champ de sa vie et donc amoindrir sa dignité d'être humain.
En 1975, dans un souci d'apaiser les tensions, quelques concessions avaient été faites, dans la loi, aux opposants à l'IVG. Sous prétexte d'aider les femmes, on avait ménagé les moyens de leur faire sentir que la société se défiait d'un choix fait par elle, en conscience. L'un de ces moyens est l'obligation faite à la femme d'un entretien social préalable à l'accomplissement de l'IVG.
Il faut distinguer obligation et nécessité. Nous approuvons tout à fait que cet entretien ait lieu, car il peut être nécessaire et souhaité, mais nous sommes choqués qu'il soit imposé.
Certaines femmes ne souhaitent pas cet entretien. Qu'il leur soit imposé leur donne le sentiment de subir une brimade qui s'ajoute aux aspects traumatisants de l'IVG. C'est particulièrement odieux : cet entretien est paradoxalement présenté comme un avantage tel qu'il serait inconvenant et, finalement, illégal de s'y dérober. Faut-il rappeler que, face à la diversité des existences, le bonheur ne se décrète pas et que les tentatives allant dans ce sens ont, historiquement, douloureusement marqué les sociétés ? Il faut donc supprimer sans remords cette obligation-là.
Mais je veux m'attarder plus longuement sur les femmes qui souhaitent et apprécient cet entretien, pour lesquelles il est utile et pour lesquelles il constitue un moment privilégié au cours de la démarche de l'interruption de grossesse. Il est bien évident que, si cet entretien est proposé, elles l'accepteront. La Belgique peut ici être citée en exemple. Alors, pourquoi dire que si cette obligation disparaît les femmes fuiront cet entretien ? C'est absurde ! Si obligation il doit y avoir, il faut non pas qu'elle soit faite à la femme, mais qu'elle porte sur les moyens pour les professionnels, afin que ceux-ci soient en mesure de satisfaire la demande de toute femme qui souhaiterait bénéficier de ce dialogue.
N'étant plus obligatoire, l'entretien se fera de façon moins mécanique. Les professionnels auront plus de temps et d'attention à consacrer aux patientes qui auront accepté cet entretien. Celles qui en ressentiront le besoin, appréciation qui incombe à leur liberté, bénéficieront donc d'un service de meilleure qualité. Les professionnels seront plus motivés, sachant leurs compétences recherchées.
Je tiens à rappeler que nous disposons pour cela du fruit de l'expérience de professionnels consciencieux qui ont mis en place des entretiens avec le réel souci d'être utiles aux femmes, de les faire bénéficier d'une écoute et d'un accompagnement adéquats.
Ce qui est fondamental, c'est le contact humain qui permet cet entretien avec des professionnels participant à un travail d'équipe, l'écoute et l'accompagnement ne pouvant être proposés que par des intervenants formés et reconnus dans leur statut. Il faut donc parfaitement définir celui-ci.
J'ai reçu, comme la plupart d'entre nous, de nombreux courriers de professionnels pratiquant ces entretiens qui craignent de voir disparaître un outil qu'ils ont construit avec sérieux et loyauté vis-à-vis des femmes. Ils ont des idées claires sur ce qui pourrait être renforcé en termes de moyens ou précisé par voie réglementaire.
Sans doute convient-il même de s'appuyer sur d'autres expériences d'accompagnement développées pour d'autres circonstances. Je pense, notamment, à certains protocoles développés pour l'accouchement sous X. Dans le même temps, ce souci d'accompagnement devrait être généralisé à l'ensemble de l'univers médical où, trop souvent, chacun a le sentiment d'être confronté trop exclusivement à un froid appareillage technique.
Peut-être qu'à l'occasion d'un entretien choisi des femmes seront conduites à décider qu'elles mèneront à terme leur grossesse. Nous ne pourrons que nous en féliciter.
S'il ne saurait être question d'empêcher la femme d'avoir recours à l'IVG dans le cadre légal, mieux vaut promouvoir en tout état de cause les moyens lui permettant d'éviter une grossesse non désirée. Il faut donc faire porter l'effort sur la contraception. Les dispositions du texte que nous allons examiner permettront un meilleur accès à la connaissance et aux techniques de contraception. Sans doute conviendrait-il d'aller plus loin et d'inscrire l'éducation sexuelle dans les programmes de l'éducation nationale. Pourquoi ne pas donner aussi aux enseignants, à l'occasion de leur formation continue, et aux collégiens ou aux lycéens qui l'acceptent, les informations nécessaires pour leur permettre de faire face avec justesse et sûreté à certaines situations dont ils peuvent avoir connaisance ?
Aux Pays-Bas, souvent cités depuis le début de cette discussion générale, où l'IVG est autorisée jusqu'à vingt-deux semaines de grossesse mais où son taux est faible, l'éducation sexuelle se fait dès l'école. La société néerlandaise s'était fixé des objectifs ambitieux dans le domaine de la contraception. En assouplissant les conditions d'accès à l'IVG, elle admet donc sa responsabilité en aidant les femmes pour lesquelles sa politique aurait été un échec.
Je souhaite ici dire un mot sur le nombre encore élevé d'IVG pratiquées en France. L'une des explications - ce n'est pas la seule - réside paradoxalement dans le développement des méthodes de contraception. En effet, en même temps que la société s'approprie de plus en plus les méthodes contraceptives, elle devient de moins en moins tolérante aux échecs de la contraception. Ce que je veux dire, c'est que toute politique ambitieuse en matière de contraception, contrairement à ce que l'on peut parfois entendre, va de pair avec un accès facilité à l'IVG.
Je voudrais maintenant concentrer la fin de mon propos sur une forme ultime de contraception : la stérilisation.
Il y a actuellement, dans notre pays, un vide juridique en ce qui concerne la stérilisation. Cette pratique semble assez répandue. Elle doit bénéficier d'un encadrement précis. Statistiquement, le taux de succès de la réversibilité semble plutôt important : 1 à 10 % des femmes stérilisées souhaitent redevenir fécondes. Selon les auteurs, 60 % à 90 % le redeviennent effectivement. Mais, au cas par cas, la réversibilité ne peut être garantie et il convient donc de faire comme si elle n'était pas possible.
Je reviendrai dans quelques instants sur le problème que soulève le cas des personnes handicapées mentales, mais je veux d'abord bien mettre en évidence l'importance, pour la personne concernée, homme ou femme, d'être parfaitement éclairée sur les conséquences de l'intervention.
La stérilisation est une pratique bien admise dans de nombreux pays, qui l'ont codifiée dans des législations dont nous pouvons nous inspirer. En France, chaque année, trente mille stérilisations seraient pratiquées. Parce qu'il s'agit en fait d'une mutilation, non encore reconnue comme un acte médical, les médecins ont pris toutes les précautions pour s'entourer des garanties nécessaires. Celles-ci résident dans la responsabilisation et la satisfaction la meilleure possible du patient. Là encore, le présent texte ne fait que transposer dans notre législation le fruit d'une solide expérience de terrain.
Il s'agit de recevoir la personne une première fois, de s'entretenir avec elle, de lui remettre un dossier d'information et de lui imposer un délai de réflexion qui tient au caractère a priori irréversible de l'intervention. Puis il convient de la revoir pour une ultime confirmation.
L'objectif de ces précautions est double. D'abord, elles permettent de s'assurer que, psychologiquement, la stérilisation ne posera pas de problème dans la mesure où elle pourrait être vécue comme une atteinte à l'intégrité féminine ou masculine, qui provoquerait un véritable traumatisme.
Ensuite, il convient de s'assurer que le non-désir d'enfant est aussi irréversible que peut l'être l'opération. Là, des éléments objectifs et subjectifs interviennent. C'est pourquoi la stérilisation telle qu'elle est pratiquée, sauf cas particuliers, s'adresse à des personnes d'un certain âge et ayant déjà eu des enfants. En effet, toute situation de couple peut évoluer : pour diverses raisons, des séparations peuvent se produire, auxquelles peuvent succéder de nouvelles rencontres et de nouveaux projets de vie pouvant inclure le désir d'enfant. Ce sont ces données qu'il convient de bien intégrer.
Encore une fois, je crois qu'il doit s'agir d'une pratique ultime et non pas d'une solution de facilité, et que l'information doit être la plus complète et la plus sincère possible entre le patient et le médecin.
En ce qui concerne les personnes handicapées mentales, tout le monde est unanime pour reconnaître que le problème est majeur et grave. L'aborder fait peur pour des raisons à la fois philosophiques et historiques. Pour autant, faut-il fermer les yeux ? Ce n'est pas possible. L'affaire des disparues de l'Yonne est là pour nous rappeler que les personnes handicapées mentales, quand elles sont en difficulté, le sont d'abord à cause de l'indifférence.
Recensons avec lucidité ce qui pose problème et ce qui nous conduit à nous interroger.
Même s'il y a différents degrés de handicap mental, ce qui pose d'abord problème, c'est l'incapacité de la personne à bien évaluer les conséquences de l'intervention.
Ces personnes ont droit à une vie sexuelle, à une vie sexuelle conforme à la dignité de tout être, faut-il préciser, c'est-à-dire qui ne soit ni interdite ni forcée. Dès lors qu'il y a des relations sexuelles, il y a la possibilité biologique, sauf dans des cas particuliers, que la femme handicapée mentale ait une grossesse. D'où une série de questions.
C'est là, je crois, l'un des points de repère essentiels du débat. On sait trop comment le régime nazi s'est identifié sur cette question. Mais que doit faire une société démocratique et républicaine, respectueuse des droits de l'homme, face à la sexualité, souvent revendiquée, des personnes handicapées mentales ?
La première réaction peut être de ne pas admettre que la question se pose. Mais les faits sont là : des personnes handicapées mentales sont stérilisées. Or, il n'y a pas eu un débat public suffisant.
Pour aborder cette question, nous devons reconnaître que chaque cas est particulier. C'est une façon d'approcher le sujet qui, culturellement, nous sépare des régimes totalitaires, qui nient l'humanité en proposant une solution unique là où il n'y a pas deux situations identiques.
Les questions philosophiques et les termes du débat général doivent être ramenés à la situation concrète de chaque personne handicapée, qui, comme toute autre, a droit à la liberté, à l'égalité, à la fraternité. C'est donc dans le rapport de la personne handicapée mentale à son environnement social, familial, affectif, qu'il faut examiner l'enjeu de la stérilisation. Je parle d'« enjeu », car ce qui est en cause, c'est le bonheur de la personne.
Encore faut-il que la situation de la personne handicapée mentale soit envisagée dans le contexte de l'entourage qui assume plus ou moins bien son handicap. Il faut que l'entourage bénéficie lui-même du soutien de la solidarité nationale ou locale, en termes aussi bien matériels que juridiques.
Avec le problème de la stérilisation, ce qui est donc en jeu, c'est la question de la possibilité et du choix, pour une personne handicapée mentale, d'avoir un enfant et d'avoir une vie sexuelle. Pour la clarté de la réflexion, il faut bien identifier ces deux aspects.
Concernant le fait d'avoir des enfants, on sait bien que, dans la réalité, il n'en est pratiquement pas question. Pourtant, si l'on pose la question de savoir si humainement une personne handicapée mentale peut avoir un enfant, la réponse est « oui ». Toute considération eugénique doit ici être fermement condamnée. Le risque que l'enfant soit lui-même handicapé mental est faible et une IMG est toujours possible grâce aux diagnostics prénataux.
Dans la pratique, la personne handicapée mentale peut être tenue pour incapable d'élever son enfant par son entourage. La question est de savoir si l'entourage est en mesure de prendre en charge l'enfant, s'il en a le désir, s'il a celui de gérer la potentialité d'une naissance. Par « entourage », j'entends l'univers familial, mais aussi l'univers médico-social et juridique ; il doit mener ce débat, et la loi doit être son partenaire pour encadrer sa délibération.
Notons ici que la naissance n'est pas un événement ponctuel, qu'elle implique un engagement durable auprès de l'enfant. Une personne ou un couple doit normalement assurer cette continuité. Dans le cas d'une personne handicapée mentale dépendante de son entourage, la continuité temporelle de l'engagement est problématique.
On sait qu'un des plus grands malaises des parents de personnes handicapées mentales réside dans l'angoisse de ce qu'il adviendra de leur enfant après leur mort. Cette angoisse est multipliée par la perspective que leur enfant pourrait lui-même avoir des enfants.
On peut donc circonscrire en partie le problème à la capacité de l'entourage à assumer un choix dont la crédibilité soulève des difficultés. Se pose ici la question de savoir en fonction de quoi une personne est considérée comme handicapée mentale : est-ce celle qui est incapable de faire des choix motivés et de les assumer ou celle qu'on a mise dans ce statut de handicapé mental par commodité ?
La difficulté à définir au cas par cas un handicap mental ne peut être contournée longtemps si l'on veut vraiment avancer dans la réflexion. D'où l'importance de tenir compte de l'entourage, de le responsabiliser, mais de ne pas l'accabler non plus de charges qu'il ne pourrait pas assumer.
Symétriquement au désir de parentalité, peut-on connaître la réalité du souhait d'être stérilisé ? Si le consentement de la personne est nécessaire, reconnaissons que les personnes handicapées mentales sont plus vulnérables à une présentation tendancieuse de leur intérêt, mais également que la question de la stérilisation prend aussi une dimension passionnelle parce qu'il s'agit d'une mutilation pratiquée sur une personne déjà fragilisée physiquement et qui tendrait à le devenir encore plus.
L'autre aspect à prendre en compte, moins lourd à gérer que la question de la parentalité, mais plus commun, est le droit des personnes handicapées mentales à la vie sexuelle. Une personne handicapée mentale est-elle en mesure d'avoir des relations avec un partenaire réellement désiré et qui la respecte ? On sait les abus. Il ne faut pas qu'une stérilisation, en permettant d'éviter les conséquences d'abus sexuels, fasse que l'on ferme plus facilement les yeux sur les abus eux-mêmes ou que la personne ne bénéficie plus d'un réel suivi en matière de dépistage.
J'ai beaucoup évoqué l'entourage, qui est là pour pallier le handicap mental et qui l'assume, en fait. Nous croyons que c'est ensemble que tous ces acteurs - parents, médecins, magistrats, experts, etc. - qui forment l'entourage d'une personne handicapée mentale prise individuellement doivent décider.
C'est donc aussi en tenant compte de l'entourage qu'il faut légiférer, en maintenant la personne handicapée le plus possible dans le droit commun.
Ainsi, il faut bien prendre conscience que notre volonté de légiférer sur la stérilisation des personnes handicapées mentales, contrairement à ce qui s'est historiquement et tragiquement passé, part de la volonté de protéger ces personnes contre l'indifférence de la société et que les contraintes de ce qui pourra être demain la loi pèsent en fait sur la société.
Pour conclure, l'article du texte que nous examinons, sur le sujet, a été introduit par l'Assemblée nationale. Il nous semble qu'il ne donne pleinement satisfaction ni à ceux qui voudraient que la stérilisation des personnes handicapées mentales ne soit pas admise, ni à ceux qui, en fonction d'une situation particulière, souhaitent de bonne foi que la stérilisation des personnes handicapées mentales soit possible.
Encore une fois, n'oublions pas qu'elle se pratique, actuellement, hors de la légalité. S'il faut légiférer, si le droit existant n'est pas suffisant, ou mal appliqué, faisons-le après un large débat public...
M. Francis Giraud, rapporteur. Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... dans lequel se seront exprimées les grandes autorités éthiques de notre pays et dans lequel auront été analysées les pratiques et les législations en cours dans d'autres pays.
Chacun doit s'approprier les termes du débat pour faire qu'il ait lieu au plus près des personnes concernées. Autour de chaque cas doit émerger un véritable lieu de parole qui donne un sens positif au fait d'entourer la personne.
La société doit s'interroger sur les moyens matériels et juridiques qu'elle est capable de mettre à la disposition de l'entourage pour mieux accompagner la sexualité des personnes handicapées mentales et la potentialité de la parentalité. C'est d'autant plus nécessaire que, dans ce domaine, comme pour les personnes qui ne sont pas handicapées mentales, il y a de grandes inégalités sociales. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'apprendrai rien à nombre d'entre vous en déclarant que je suis un ardent défenseur de la vie et de l'institution familiale. J'ajouterai même qu'en 1979 je n'ai pas voté le texte qui rendait définitif celui de 1975.
Mais cette loi existe et, comme l'a très justement dit notre collègue Jean-Claude Carle, elle fait partie de la législation de la République. Par conséquent, il ne saurait être question de la remettre en cause et de reprendre le débat sur ce texte, qui est maintenant acquis.
Aujourd'hui, madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez propose de nouvelles mesures qui vont beaucoup plus loin que celles du texte de Mme Veil, et comme il a déjà été dit beaucoup de bonnes choses, surtout par notre excellent rapporteur, je limiterai mon propos à cet aspect des choses.
En effet, contrairement aux arguments que vous avez développés devant la commission des affaires sociales, madame la ministre, il existe une véritable rupture - j'insiste sur ce terme - entre la philosophie de la loi de 1975 et celle de votre texte. L'article 4 - nous y reviendrons plus en détail - est d'ailleurs l'élément le plus révélateur de ce regrettable état de fait.
Pour bien replacer le débat dans son contexte, il me semble pertinent d'identifier la finalité principale de la loi de 1975. En fait, cette loi se voulait dissuasive. Bien sûr, je comprends qu'il vous soit très difficile d'entendre et d'utiliser ce mot, mais telle est bien la réalité !
Pour s'en convaincre, il suffit d'ailleurs de relire rapidement quelques extraits de l'exposé des motifs de cette loi : « La décision éventuelle d'interrompre une grossesse doit être laissée à l'appréciation et à la responsabilité du couple, et, en dernier ressort, de la femme. Encore faut-il que, envisageant une décision aussi lourde de conséquence, la femme soit suffisamment éclairée et aidée afin que, en tout cas, elle ne se détermine pas sous l'impulsion d'une angoisse irraisonnée ou momentanée.
« C'est pourquoi il est proposé d'instituer une procédure à laquelle devra obligatoirement se soumettre la femme qui envisage d'interrompre sa grossesse en raison de la situation de détresse dans laquelle son état la placerait. Cette procédure prévoit l'intervention de deux conseils successifs : l'un médical, l'autre social. Le refus de l'enfant à naître est souvent passager. Le colloque direct avec le médecin suffit parfois à faire prendre conscience à la femme de son désir profond de donner le jour à son enfant.
« En outre, bien souvent, la femme enceinte ignore les possibilités que lui assure la législation, qu'il s'agisse de sauvegarder le secret de l'accouchement ou qu'il s'agisse des aides que la mère peut recevoir après la naissance de son enfant ou encore la solution que peut dans certains cas apporter l'adoption.
« Le projet prévoit donc l'instauration obligatoire d'un conseil social... »
Voilà ce sur quoi vous proposez de revenir. En effet, comme l'a excellemment dit tout à l'heure notre collègue Bernard Joly, une grande partie de l'information qu'il était prévu de mettre à la disposition de la femme pour lui faire connaître tous les moyens de faire face éventuellement à sa grossesse lui est maintenant refusée dans le projet de loi que vous nous présentez. (Mme le ministre fait un signe de dénégation.)
Madame la ministre, tout est dit : le texte de 1975 avait réellement et légitimement un esprit dissuasif ; aujourd'hui, force est de constater que l'article 4 de votre projet de loi supprime tout simplement le caractère obligatoire de l'entretien, obligatoire non seulement pour l'intéressée mais aussi dans le cadre de la procédure mise en oeuvre dans l'établissement où elle se rend pour éventuellement faire pratiquer une IVG.
Votre justification repose sur un argument fondamental : le respect de la liberté de la femme. Cet argument ne me paraît pas recevable pour des raisons de fait et, de surcroît, il m'apparaît pernicieux. Pourquoi ? Soyons francs, madame la ministre, une femme en détresse est-elle vraiment libre ? Son libre arbitre gouverne-t-il ses actes ? Je suis, pour ma part, loin d'en être persuadé. Ne perdons tout de même pas de vue que la panique peut mener à des actes irréfléchis et irréversibles. Voilà pourquoi il faut venir en aide à cette femme, tout simplement !
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. Jean Chérioux. La liberté, ce n'est pas décider quelque chose quand on n'est pas capable de le faire en toute responsabilité.
En agissant de la sorte, le Gouvernement et sa majorité plurielle commettent une faute grave, qui s'apparente à la non-assistance à personne en danger.
Alors que vous êtes face à une personne en état de panique, en sérieuse difficulté, vous ne voulez pas lui permettre d'examiner toutes les possibilités qui lui sont offertes de surmonter la situation difficile dans laquelle elle se trouve. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Patrick Lassourd. Eh oui, il a raison !
M. Jean Chérioux. En effet, cette consultation auprès d'un organisme social a pour objet d'« écouter la femme ou le couple, s'il y en a un, de lui laisser exprimer sa détresse, de l'aider à obtenir des aides si cette détresse est financière, de lui faire prendre conscience de la réalité des obstacles qui s'opposent ou semblent s'opposer à l'accueil d'un enfant. »
Bien des femmes apprendront ainsi, à l'occasion de cette consultation, qu'elles peuvent accoucher anonymement et gratuitement à l'hôpital et que l'adoption éventuelle de leur enfant peut constituer une solution.
Les différentes phrases qui mettent l'accent à juste titre sur le rôle pédagogique de cet entretien, madame la ministre, sont non pas de moi, mais de Mme Veil elle-même. Relisez les débats de l'époque, et vous verrez que nous sommes à 100 000 lieues de l'esprit de la loi de 1975.
A l'évidence, refuser à ces femmes en difficulté cette bouée de sauvetage...
Mme Hélène Luc. Un enfant qui n'est pas désiré, est-ce le bonheur de l'enfant et des parents ?
M. Jean Chérioux. Je ne vous ai pas interrompue, madame, et laissez-moi donc parler ! Il ne s'agit pas de les obliger, il s'agit de leur donner toutes les possibilités de faire face à leur situation !
Mme Hélène Luc. Il faut que ces femmes puissent choisir !
M. Jean Chérioux. Il n'y a pas d'obligation de résultat, il y a une obligation de moyen : l'entretien obligatoire !
Je suis le premier à reconnaître que l'efficacité de ces entretiens a pu se révéler, dans la pratique, décevante. Le plus souvent, c'est parce que le caractère obligatoire de la loi a pu être contourné, ce qui est d'autant plus regrettable que l'expérience a montré que cet entretien préalable pouvait se révéler efficace.
La loi a été contournée. Je connais même des cas où la loi a été violée puisqu'il n'y a pas eu d'entretien du tout. Pourtant, il n'y a pas eu de sanction, et c'est malheureux.
Pour illustrer mon propos, je citerai l'exemple de Paris. A Paris - je connais particulièrement bien cette situation pour de nombreuses raisons - pendant des années, la ville a développé, pour venir en aide à ces femmes, une coopération étroite entre ses services sociaux et une association spécialisée. Elle avait mis en place le « service des urgences familiales ».
Tout à l'heure, quelqu'un a parlé d'un « numéro vert » qui pourrait être utilisé par les femmes en détresse. C'était un peu cela.
Lorsque, au cours des entretiens que pratiquait cette association, il apparaissait que des femmes avaient des difficultés matérielles, des problèmes de logement, des problèmes administratifs à régler, on s'adressait directement au service des urgences familiales de la ville de Paris - il fonctionnait en permanence - et l'on trouvait la solution.
Le constat a été positif, et plusieurs dizaines de vies ont ainsi pu être sauvées chaque année. Certes, ce n'est pas glorieux, mais c'est important, une vie. Et ces vies ont été sauvées non pas parce qu'on a imposé aux femmes de conserver leur enfant, mais parce qu'on leur a donné les moyens de faire face à leur situation.
Vous savez, accepter que l'IVG soit une solution, c'est un peu une lâcheté de la part de la collectivité. La collectivité se défausse de ses responsabilités. Or, il y a des moments où la collectivité doit pouvoir faire face à ses responsabilités et aider la femme qui est en détresse. C'est ce que nous avions fait à Paris.
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. Jean Chérioux. Malheureusement, madame la ministre, monsieur le ministre, vos amis politiques, aidés par un certain nombre d'autres membres de l'assemblée parisienne, ont supprimé la subvention qui était accordée à cette association - il n'y a pas très longtemps, à peine deux ans - et ce malgré mon opposition. Ils ont eu bien tort.
On a, à ce moment-là, fait une campagne de désinformation en prétendant que cette association violait la loi de 1975. Ce n'était pas du tout le cas : l'association entrait absolument dans le cadre de la loi ; elle n'obligeait ni ne dissuadait, coûte que coûte ; elle essayait de donner les moyens aux femmes de faire face à une situation difficile.
Ce qu'il aurait fallu faire à l'occasion de votre texte, c'est prendre des mesures permettant une réelle application de la loi de 1975, en exigeant que les entretiens soient effectivement organisés - hélas ! bien souvent, ils ne le sont pas - et réalisés et, éventuellement, appliquer les sanctions prévues par cette loi.
Les sanctions sont prévues, mais elles n'ont jamais été prises. C'est pourquoi on a souvent abandonné l'entretien.
Deux pistes auraient pu être privilégiées.
La première tendait à exiger que ces entretiens soient organisés, et dans de bonnes conditions, cette obligation devant légitimement s'accompagner d'un volet « sanction » si les spécialistes concernés n'accomplissaient pas leur mission. Cet entretien aussi est en effet une obligation non pas seulement pour l'intéressé, mais pour ceux qui sont amenés à mettre en oeuvre la procédure de l'IVG.
La seconde piste visait à donner l'agrément à des associations présentant toutes les garanties de jouer loyalement leur rôle de conseil. Il conviendrait alors peut-être d'écarter certaines d'entre elles qui, quasi systématiquement, recommandent aux femmes l'IVG - cela existe malheureusement.
Si la loi Veil n'a peut-être pas évité assez d'avortements, c'est peut-être parce que tout ce qui avait été bien prévu n'a pas été mis en oeuvre. S'il en avait été autrement, au lieu d'enregistrer 215 000 à 220 000 IVG par an, il y en aurait eu beaucoup moins.
Madame la ministre, en campant sur vos positions idéologiques, vous ne contribuez pas à servir la cause des femmes auxquelles vous prétendez apporter une nouvelle liberté, loin s'en faut !
Je pense donc qu'il convient, autant que faire se peut, de s'en tenir aux dispositions législatives actuellement en vigueur. C'est pourquoi je m'opposerai à toutes les modifications que vous voulez apporter à celles-ci. C'est la raison pour laquelle, malgré quelques divergences avec certaines propositions de notre excellent rapporteur, le professeur Giraud, divergences que j'ai notamment concrétisées sous forme d'un amendement et d'un sous-amendement, je soutiendrai sa position avec ardeur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Heureusement que les femmes ne vous ont pas attendu pour conquérir leur liberté, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. Je ne vois pas pourquoi vous vous permettez de m'attaquer sur ce point ! J'ai fait tout ce que j'ai pu pour aider les femmes en tant que membre de la commission des affaires sociales, et j'en suis très fier !
Mme Hélène Luc. C'est scandaleux !
M. Jean Chérioux. Ce qui est scandaleux, c'est votre attitude !
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, une société s'honore lorsqu'elle est capable de lever le voile de l'hypocrisie. C'est la raison pour laquelle, si j'avais été parlementaire en 1975, j'aurais voté la loi Veil.
Depuis vingt-cinq ans, cette loi a permis à la femme, au couple, à la famille, de résoudre de nombreuses situations de détresse en supprimant les drames de la clandestinité, en déculpabilisant les intéressés, en assurant une sécurité médicale et une plus grande justice sociale.
L'objectif principal de la loi de 1975 - celui que poursuivait ses auteurs - était non pas de légaliser l'avortement, mais d'en réduire le nombre et l'importance dans notre société.
C'est la raison pour laquelle je voudrais aujourd'hui rendre hommage à Mme Simone Veil pour son courage, son humanité et pour la dignité avec laquelle elle a su mener à bien cette loi dans des conditions particulièrement difficiles et hostiles.
Certes, le débat philosophique et moral sur l'avortement restera encore longtemps ouvert. C'est un débat auquel chacun doit répondre personnellement, individuellement, en fonction de ses croyances, de son éthique, en fonction aussi de son souci de comprendre les autres.
L'interruption volontaire de grossesse reste néanmoins un acte grave, une souffrance et en aucun cas elle ne doit être considérée comme banale. Elle doit rester un ultime recours.
Il faut dire également que l'avortement, tel qu'on l'appelait autrefois, est une pratique aussi ancienne que l'humanité et qu'elle est tenace dans tous les pays. Toutes les sociétés ont connu les deuils de l'avortement et toutes, à un moment de leur histoire, ont dû chercher une réponse à cette situation dramatique.
Le législateur a pour mission de fixer les règles de la vie sociale. Pour cela, s'il doit tenir compte des grands principes qui ont fondé notre civilisation, il ne peut, il ne doit ignorer la réalité.
Aujourd'hui encore, dans les pays où il n'a pas été médicalisé, l'avortement clandestin est une des principales causes de mortalité des femmes en âge d'avoir des enfants.
La France, pour sa part, au terme d'une réflexion rigoureuse et largement ouverte, a choisi, voilà vingt-cinq ans, la voie de la raison.
Aujourd'hui, le projet de loi qui est soumis au vote du Sénat dénature profondément la logique de la loi Veil, comme l'a rappelé mon collègue Jean Chérioux.
En effet, le 5 décembre dernier, l'Assemblée nationale a adopté, dans l'urgence, selon le souhait du Gouvernement, un projet de loi dont les mesures phares sont : l'allongement des délais légaux de dix à douze semaines pour une IVG et l'aménagement de l'autorisation parentale avec la possibilité pour une mineure de faire appel à un adulte référent.
Par ailleurs, plusieurs amendements de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale ont été adoptés, dont certains modifient radicalement l'équilibre de la loi Veil.
Ainsi, les références à l'aide apportée aux femmes enceintes désirant poursuivre leur grossesse ont été supprimées du dossier guide, tandis que l'entretien préalable à toute intervention a été rendu facultatif, j'en reparlerai.
De même, des amendements retirant du code pénal plusieurs infractions pour les transférer dans le code de la santé publique ont été adoptés, certains d'ailleurs contre l'avis du Gouvernement. Il s'agit des IVG pratiquées hors délais, celles qui sont réalisées dans des établissements non agréés et le fait de fournir à une femme les moyens d'un auto-avortement.
Je me permettrai de regretter que l'amendement qui avait été présenté et défendu par notre collègue député du groupe UDF de l'Assemblée nationale Mme Marie-Thérèse Boisseau, prévoyant une solution alternative à l'allongement du délai légal de deux semaines, ait été repoussé par le Gouvernement. Cet amendement avait pour objet, afin de répondre à la détresse des 5 000 femmes qui se trouvent chaque année hors délais et sont obligées de partir pour l'étranger, d'élargir le recours à l'interruption médicale de grossesse à des motifs psychosociaux d'une particulière gravité.
Dans ce cas, l'intéressée serait prise en charge par une équipe pluridisciplinaire qui pourrait l'accompagner dans sa démarche et l'aider à trouver la réponse la plus adaptée à sa situation, et ce en toute liberté, puisqu'elle aurait connaissance des choix à faire.
Cet amendement a été repoussé au nom du droit absolu des femmes à choisir seules. Ce faisant, le Gouvernement refuse de prendre en compte la détresse des femmes qui ont dépassé le délai de douze semaines - elles sont estimées à 3 000 -, détresse à laquelle l'amendement de Marie-Thérèse Boisseau avait apporté une réponse.
S'agissant de la levée de l'obligation du consentement parental à l'IVG des mineures, cela constitue à mes yeux une mauvaise réponse à un vrai problème. S'il est vrai que certaines jeunes filles ne peuvent sans danger recueillir le consentement de leurs parents, leur situation doit évidemment être prise en compte. Mais faut-il pour autant rompre le lien parents-enfant dans ce moment dramatique en autorisant une mineure à avorter à la seule condition d'être accompagnée d'un « adulte référent » ?
D'autres solutions, qui ne remettent pas en cause le lien parental, sont possibles et doivent être étudiées. Pourquoi, en effet, ne pas traiter les situations exceptionnelles dans le cadre d'une procédure spécifique permettant à la mineure en danger d'être exemptée du consentement parental, par une personne dont ce serait la mission ?
S'agissant de la suppression du caractère obligatoire de l'entretien préalable, je voudrais, là aussi, m'opposer à la décision des députés de la majorité plurielle.
En effet, l'entretien préalable constitue une aide psychologique essentielle dans une situation de crise et un soutien dans la réflexion et dans la décision. Elle ne constitue nullement une tentative de dissuasion ou de banalisation.
Le caractère obligatoire de cet entretien permet à toutes les femmes, malgré, parfois, un premier réflexe de réticence, d'être écoutées avec respect et neutralité, de nommer leurs angoisses, leurs désirs contradictoires, leurs conflits relationnels, de chercher du sens à leur grossesse au sein de leur histoire, enfin, de s'approprier les informations sur la fécondité et la contraception.
L'écoute spécifique de la conseillère ouvre souvent un meilleur dialogue avec le compagnon, concerné par la grossesse, et avec les parents, notamment pour les jeunes.
Cette démarche demande, certes, un effort, mais les femmes expriment le plus souvent, en fin d'entretien, « combien cela fait du bien d'avoir pu en parler ». Supprimer le caractère obligatoire de l'entretien préalable, sous prétexte d'éviter une contrainte, serait, en fait, « déshumaniser » les démarches d'IVG, qui ne peuvent être réduites à l'aspect purement médical.
Par ailleurs, l'entretien post-IVG est aussi important. L'article L. 162-9 de la loi Veil du 15 janvier 1975 dispose que « tout établissement dans lequel est pratiquée l'IVG doit assurer, après l'intervention, l'information de la femme en matière de régulation des naissances ».
En réalité, cette information est très peu diffusée. La pratique montre que l'entretien préalable est un moment psychologiquement mal choisi pour aborder cette question. Cet accueil et cet entretien post-IVG devraient rendre impossible toute récidive. C'est là un point capital à mon sens.
Egalement nécessaire est l'application de la loi du 28 décembre 1967, dite loi Neuwirth, prônant une véritable éducation sexuelle, et dont l'objet n'est pas réduit à la contraception. Je tiens aussi à rendre hommage à notre collègue Lucien Neuwirth, qui siège parmi nous, à sa grande tolérance et à sa profonde humanité. Il avait, dans sa loi, prévu, en nombre suffisant, des établissements d'information, des consultations et des conseillers familiaux ainsi que des centres de planification afin de promouvoir les responsabilités de chacun.
Je dirai, en conclusion, qu'il est temps de s'attaquer au vrai problème, c'est-à-dire à la diffusion de la contraception et des moyens des centres d'IVG. En clair, cela signifie qu'il faut donner aux lois existantes - les lois Neuwirth et Veil - leur véritable ampleur pour qu'elles soient appliquées avec une véritable volonté politique, avec peut-être quelques aménagements, ce qui est normal puisqu'il s'agit de lois qui ont déjà vingt-six et trente-quatre années de vécu.
Sur les 100 000 femmes partant avorter à l'étranger, la moitié environ dépassent douze semaines de grossesse ; pour celles-là, le projet du Gouvernement ne change rien.
Ce qu'il faut, c'est une vraie politique pour mettre fin à cette situation, d'une part, en rattrapant notre retard en matière de diffusion de la contraception, qui est la meilleure prévention au drame de l'avortement, et, d'autre part, en donnant aux équipes des centres d'IVG les moyens qui leur manquent cruellement pour assurer dignement et efficacement leur mission.
L'interruption de grossesse ne doit être que l'ultime recours pour des situations extrêmes. Elle doit garder son caractère exceptionnel et surtout ne pas devenir un moyen de contraception.
C'est la raison pour laquelle le développement de l'information sur les méthodes contraceptives limitera le nombre d'avortements, cet acte restant toujours un échec sur les plans tant individuel que social.
Pour toutes ces raisons, je voterai le texte amendé par la commission en m'opposant à celui qui est présenté par le Gouvernement qui illustre véritablement une dérive d'une société sans autres valeurs fondamentales que celles de l'égoïsme, de l'épanouissement individuel et de l'isolement conduisant à des choix sans issue. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'interruption volontaire de grossesse est non pas une permission accordée généreusement par la société à certaines femmes, mais une réponse au droit des femmes à disposer de leur corps et à maîtriser leur fécondité. Elle n'est jamais un acte banal ni un acte vécu comme anodin, mais je m'insurge contre le discours qui consiste à en faire systématiquement un drame et, finalement, à culpabiliser de manière indirecte, voire inconsciente, les femmes.
Non, les femmes qui avortent ne sont pas condamnées à en souffrir toute leur vie ! Chaque interruption volontaire de grossesse relève d'une histoire personnelle, intime, qu'on ne peut pas dissoudre dans les 220 000 IVG annuelles. Alors arrêtons les généralisations abusives et culpabilisantes. Certaines femmes qui avortent le vivent bien, n'en déplaise à ceux qui ne peuvent entendre cette vérité, parce que cette interruption volontaire de grossesse, avec le recul, n'est plus vécue seulement comme un échec ; elle prend sens dans leur parcours de vie. Et ce n'est pas banaliser l'avortement que de dire qu'il peut être un passage dans la sexualité et la matenité des femmes.
Notre responsabilité est avant tout d'apporter une réponse à toutes les femmes qui ont décidé d'interrompre leur grossesse. Nous ne pouvons pas continuer à laisser partir des femmes pour l'étranger, fût-ce un pays européen, pour une IVG, parce qu'elles sont « hors délai », même avec un délai légal à douze semaines de grossesse, d'autant que ce sont bien souvent les femmes les plus fragiles, dans les situations les plus délicates, qui sont amenées à dépasser le délai. Souvent, elles ne comprennent pas pourquoi, du fait de leur situation, elles se retrouvent dans l'illégalité et la clandestinité, et doivent, pour celles qui le peuvent, partir pour l'étranger. Psychologiquement, cela est forcément traumatisant.
Nous nous devons de prendre en compte la situation de ces femmes en instaurant un dispositif de prise en charge au-delà de la douzième semaine. Je vous présenterai donc, avec plusieurs de mes collègues, un amendement en ce sens.
La majorité sénatoriale, de son côté, propose un aménagement du cadre de l'IMG, l'interruption médicale de grossesse très restrictif.
En premier lieu, ce n'est pas la solution adaptée au cas de ces femmes. Elles ne peuvent pas être mises sur le même plan que des femmes qui ont un projet parental, un désir d'enfant concrétisé dans une grossesse voulue et acceptée. Ce n'est fondamentalement pas la même démarche. Et, surtout, la décision ne revient pas à la même personne. Nous ne pouvons laisser la décision aux professionnels quand il s'agit du droit des femmes à disposer de leur corps. C'est à la femme, et non aux médecins, de choisir en toute connaissance des risques ; l'interruption volontaire de grossesse n'est pas une liberté conditionnelle sous tutelle médicale.
En second lieu, les motifs psychiques invoqués pour une IMG sont proprement scandaleux : « risques avérés de suicide ou état de détresse consécutif à un viol ou un inceste ». Messieurs de la majorité sénatoriale, savez-vous que, sans vivre des situations aussi dramatiques, une femme peut se trouver facilement hors délai, ne serait-ce que si elle croit avoir eu ses règles ou si elle a un cycle irrégulier et que, pour elle, tomber enceinte est tout bonnement inimaginable ? Sous couvert de médicalisation et de santé publique, la majorité sénatoriale cache une opposition de fond au droit à l'interruption volontaire de grossesse. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Paul Blanc. Ce n'est pas vrai !
M. Serge Lagauche. Concernant les mineures, elles peuvent déjà accomplir seules certains actes : accoucher sous X, abandonner ou reconnaître leur enfant. Dans ces trois cas, elles sont considérées comme capables. Je ne vois pas en vertu de quelle logique notre droit leur accorde une autonomie en cas de poursuite de leur grossesse, mais non dans le cas d'une interruption volontaire de grossesse. C'est pourquoi nous pouvons estimer que la jeune fille doit être considérée comme capable, à partir du moment où elle est enceinte, pour tout acte concernant l'interruption de grossesse et la contraception.
Je m'attarderai un instant sur l'abrogation de l'interdiction de publicité et de propagande en faveur de l'avortement, qui constitue une avancée essentielle.
Elle permettra enfin une meilleure information, ce qui est indispensable pour garantir à toutes les femmes un droit égal d'accès à l'IVG. Je ne doute pas d'ailleurs que le Gouvernement réfléchisse déjà aux actions à mettre en place pour développer l'information sur l'IVG.
Nous allons enfin pouvoir combattre ouvertement les contrevérités de la propagande des anti-IVG. Il est inadmissible et surtout périlleux de les laisser dire que « les contraceptifs hormonaux sont tous abortifs », que « plus il y a de contraception, plus il y a d'avortements » ou que « l'avortement et la contraception sont des aliénations utilisées à des fins de contrôle politique ! »
Il est intolérable que des associations ouvertement anti-avortement obtiennent un agrément pour dispenser des entretiens pré-IVG. D'ailleurs, elles se sont beaucoup mobilisées pour le maintien de l'obligation de cet entretien, important vecteur de leur propagande.
Pour ma part, je suis tout à fait favorable à ce que l'entretien soit systématiquement proposé, mais non imposé : il ne peut pas être un vrai lieu de parole si la parole est obligée et s'il est vécu comme une autorisation à avorter. Mais il est vrai aussi que, souvent, la conseillère conjugale est la seule personne susceptible de mettre des paroles positives sur ce qu'est en train de vivre la femme, de faire surgir le sens de cette grossesse-là, à ce moment-là, dans son histoire personnelle. C'est bien pour cela qu'il doit être systématiquement proposé.
Enfin, j'insisterai, comme nombre de mes collègues, sur l'éducation à la sexualité et l'information sur la contraception.
C'est l'éducation à la sexualité et le développement de la contraception qui doivent être une priorité de santé publique, et non la réduction du nombre des IVG, qui ne peut être qu'une conséquence indirecte. Cette inversion de la démarche par la majorité sénatoriale est symptomatique de sa vision moralisatrice de l'IVG. En outre, elle passe complètement à côté des normes socioculturelles de la sexualité, telles que l'acceptation sociale et la reconnaissance de la sexualité des jeunes par exemple.
La contraception est au coeur de la relation homme-femme, relation qui reste marquée par la domination masculine. Pour tous les hommes, aimer une femme, cela devrait être partager avec elle des sentiments, du plaisir, mais aussi les responsabilités, et toujours veiller à respecter sa liberté, quelle que puisse en être la difficulté. Et l'on se heurte bien là à la limite des politiques publiques et à la limite de la réduction du nombre des IVG.
La violence faite aux femmes dans tous les domaines, et plus particulièrement dans celui de la sexualité, est un véritable problème de société auquel nous devons nous attaquer.
Nous nous devons d'être plus offensifs en matière d'éducation à la sexualité. Elle doit être adaptée à chaque âge, commencer le plus tôt possible, dès l'école maternelle, et apporter à l'enfant la connaissance et le respect de son corps et de celui de l'autre. Elle doit être, enfin, continue durant tout le parcours scolaire. Les campagnes d'information sur la contraception et la sexualité doivent être pérennes, beaucoup plus visibles, et toucher tous les âges de la population.
La contraception reste aussi très médicalisée, ce qui participe à déposséder certaines femmes du véritable choix d'une contraception appropriée à leurs besoins et à leur mode de vie. Il faut élargir l'offre de contraception et son accessibilité. A cet égard, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quand la pilule générique de troisième génération sera en vente ?
En conclusion, je souhaite que l'on trouve une solution satisfaisante pour les femmes qui dépasseront le délai de douze semaines de grossesse, afin de n'en laisser aucune sur le bord du chemin. C'est à cette condition, notamment, que ce projet de loi sera une avancée majeure pour le droit des femmes, bien plus fondamentale dans leur vie quotidienne que la parité homme-femme en politique. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord féliciter et surtout remercier notre rapporteur de son excellent travail. En effet, le document qu'il a réalisé me semble constituer la pièce maîtresse du débat que nous avons aujourd'hui.
Je voudrais ensuite souligner le caractère éminemment éthique du débat sur l'intervention volontaire de grossesse qui nous réunit ce soir. Il ne s'agit pas, en effet, d'un sujet neutre, d'un banal sujet de société. Sont engagées ici la conscience et les convictions de chacun. Il convient donc d'aborder avec respect et humilité ces enjeux si importants qui concernent la vie humaine, l'équilibre et la liberté des femmes, leur choix de donner ou non la vie.
Le vrai problème qui nous alarme tous, ce sont les chiffres inquiétants de l'avortement en France. Ils sont nettement supérieurs à ceux de nos voisins européens : 220 000 avortements par an pour 730 000 naissances, soit un avortement pour 3,5 naissances. C'est trop ! De treize à quinze Françaises sur mille ont recours chaque année à l'IVG, contre huit en Allemagne et six aux Pays-Bas.
Ce constat révèle que la loi Veil, votée en 1975, n'a pas tenu ses promesses en termes d'information, de prévention et d'accès à la contraception. Cette loi pionnière, qui visait essentiellement à mettre un terme aux avortements clandestins, dangereux pour la vie des femmes, n'a donc pas fait baisser de manière significative le nombre des avortements dans notre pays.
M. Lucien Neuwirth. On ne lui en pas donné les moyens !
M. Patrick Lassourd. L'espoir suscité n'a pas été tenu. Pourtant, les bases d'une information sur la contraception étaient jetées. Mais la loi Veil, loi sanitaire, n'a été ni pleinement ni correctement appliquée.
Un toilettage de cette loi s'imposait donc, vingt-cinq ans après, afin de rendre plus performants les outils de la prévention et d'offrir aux femmes la possibilité d'échapper à ce dernier recours, toujours douloureux, de l'IVG.
Or, que nous propose le Gouvernement ? Il nous propose une loi technique et quantitative, manifestement inadaptée, visant essentiellement à allonger le délai légal de dix à douze semaines. C'est une réponse partielle, lacunaire, décalée et qui dénature la philosophie et l'humanité mêmes de la loi de 1975 !
Réponse partielle, car l'allongement du délai à douze semaines ne concerne que 2 000 femmes sur les 5 000 hors délai, qui partent chaque année avorter à l'étranger. Quid des trois mille femmes ainsi laissées pour compte ? En outre, comment croire raisonnablement que le seul report de délai suffira à réduire le nombre d'avortements ? Quand on sait, à l'expérience, que de nombreuses femmes se décident au dernier moment, ce report peut signifier pour elles deux semaines supplémentaires de doutes, de souffrances, de risques pour aboutir à une IVG plus délicate à réaliser à ce stade de la gestation.
Réponse lacunaire, ensuite, car le projet de loi ne porte pas l'effort sur les causes réelles du nombre élevé d'avortements. Alors qu'il fallait agir en amont et chercher à rendre plus performants les outils de la prévention - éducation sexuelle et accès à la contraception - vous ignorez, madame la ministre, la nécessité de mettre en place une véritable éducation à la sexualité précoce et complète auprès des jeunes, vous négligez l'accompagnement des femmes en détresse, vous ne résolvez pas les problèmes de moyens médicaux - un certain nombre de femmes se retrouvent hors délai à la suite des lenteurs et des réponses tardives de l'administration - et, surtout, vous ne privilégiez pas la contraception.
J'insiste sur l'importance de l'éducation sexuelle qui - on peut le constater à la lumière des chiffres - joue un rôle vital dans la prévention de l'IVG : la plus forte augmentation des femmes ayant recours à l'IVG concerne les 18-19 ans ; sur dix mille adolescentes enceintes par an, 6 500 subissent une IVG et 60 % des femmes qui demandent l'IVG ne connaissent pas la contraception d'urgence. Des idées fausses continuent de circuler sur les risques de stérilité, de cancer, de prise de poids attribués à la pilule. Peu de jeunes femmes savent ce qu'est le planning familial.
Cet échec de l'éducation devrait faire réagir un gouvernement responsable ! Il est du devoir des pouvoirs publics que les adultes de demain que sont les adolescents soient informés, mais aussi responsabilisés à l'importance d'un contexte affectif, sensibilisés au respect de leur corps et de celui de l'autre, notions essentielles, actuellement absentes des plaquettes « biologiques » navrantes établies par l'éducation nationale !
Il faudrait également étendre l'aide de l'Etat dans le cadre du mouvement familial.
On le voit, le problème central, qu'il fallait prendre à bras-le-corps, c'est l'ignorance qui entoure la vie sexuelle des jeunes filles, particulièrement dans notre pays !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Et la sexualité des jeunes hommes ?
M. Patrick Lassourd. Réponse décalée, enfin, que révèle l'intitulé même du projet de loi relatif à l'IVG et à la contraception ! Dans une confusion affligeante, vous placez le mal et le remède sur le même plan. La contraception ne saurait en aucun cas constituer une alternative à l'IVG, car elle est un élément de sa prévention. C'est l'esprit de la loi Veil qui se trouve ainsi totalement détourné.
Cette loi ne posait-elle pas, dans son article 1er, que la loi « garantit le respect de tout être humain, dès le commencement de la vie » ? L'ennemi n° 1 de la femme, comme de l'enfant, c'est bien l'avortement !
Or la loi que vous nous présentez supprime précisément toutes les garanties destinées à encadrer cet acte grave qu'est une IVG, aux conséquences psychologiques souvent désastreuses dans le coeur des femmes ! Je veux parler notamment de la suppression de l'accord parental, du caractère obligatoire de l'entretien préalable, du dossier-guide incitatif vidé de son rôle informatif sur les voies autres que l'IVG.
Tout concourt désormais à laisser la femme dans la plus grande des solitudes à un moment où elle aurait précisément besoin d'être rassurée, écoutée, conseillée, informée.
A ce titre, je voudrais dire combien j'ai été choqué par les discours féministes militants, totalement obsolètes, qui ont tenus à l'Assemblée nationale, revendiquant fièrement l'IVG comme une « conquête », un « progrès », un « droit de disposer de son corps » ! Triste progrès ! L'IVG - c'est incontestable et tous les témoignages concordent - est toujours un échec, une épreuve, une souffrance, un acte grave qui altère l'histoire de celles qui l'ont vécu ! L'IVG n'est jamais une victoire, c'est un ultime recours. Si elle peut correspondre pour certaines à un droit, encore que l'on puisse en discuter, cette IVG doit néanmoins rester une exception.
La vraie conquête, ce serait celle d'une maîtrise parfaite de la fécondité qui, bien évidemment, écarterait définitivement le recours à l'IVG. La première des libertés, c'est non pas d'avorter mais d'être informé, c'est de savoir !
C'est pourquoi je souhaiterais insister sur le rôle important joué par l'entretien préalable, dont je déplore la suppression du caractère obligatoire, c'est-à-dire la suppression tout court (Mme Dieulangard proteste.) , car, ne nous leurrons pas, devenu facultatif, cet entretien va probablement disparaître ! Vous nous dites que les femmes qui se présentent sont déjà déterminées. C'est sans doute vrai, mais c'est contestable. L'entretien répond à un vrai besoin. C'est un moment vital pour écouter, rassurer, expliquer et informer. C'est un lieu de concertation et d'échange.
On ne soulignera jamais assez le pouvoir libérateur de la parole prononcée, le pouvoir pacificateur de l'écoute apportée ! Dans cet espace de parole et de confiance, la femme peut s'exprimer librement, mettre en mots sa détresse, faire le point sur son parcours, réaliser la portée de sa décision. Tout doit être fait pour qu'il n'y ait aucun regret et, pour cela, l'information doit être maximale, c'est-à-dire ouverte sur les autres solutions que l'IVG. Une femme enceinte en détresse doit connaître les moyens matériels, financiers et psychologiques dont elle dispose pour mener à terme sa grossesse. Elle doit recevoir aussi une information complète sur l'avortement et sur ses risques. Elle doit envisager toutes les voies possibles.
C'est alors seulement que l'on pourra parler de libre arbitre, de décision réfléchie, prise en pleine connaissance de cause !
Mme Touraine s'est félicitée, à l'Assemblée nationale, de la suppression du caractère obligatoire de l'entretien, prétendant que cela permet « de bien établir que ce sont les femmes qui décident pleinement ». C'est tout le contraire ! On retire ainsi à la femme les moyens d'exercer son libre arbitre. Où est le libre arbitre, en effet, quand l'information n'est pas complète, quand la possibilité de ne pas avorter n'est ni évoquée ni proposée ? On accentue la solitude d'un choix tardif.
La philosophie de la loi me paraît donc dangereuse, terriblement restrictive et incitative, consistant à refuser à la femme d'autres voies que l'IVG, banalisant ainsi ce qui ne devrait être qu'un ultime recours !
Dans le même esprit, ajoutons que le dossier-guide remis à toute femme désireuse d'entamer une procédure d'IVG reste un document froid et impersonnel, pas toujours bien lu et compris. En outre, y sont supprimées toutes les informations relatives aux aides dont pourraient bénéficier celles qui voudraient garder leur enfant. Très insuffisant, il ne saurait en aucun cas remplacer la dimension humaine de l'écoute et de l'information dispensée par les conseillers de l'entretien préalable.
L'entretien est donc essentiel pour briser la solitude, pour aider les femmes à être sûres de leur décision, à exercer leur liberté individuelle dans un lieu de confiance. Le caractère obligatoire, que je souhaite voir conservé, correspond non pas à une contrainte, mais à un service que la collectivité a le devoir de rendre à ces femmes en détresse. Au lieu de supprimer ce caractère obligatoire, il fallait prendre des mesures pour améliorer la formation des personnels sociaux qui assurent ces entretiens, moments subtils de transition entre la sphère privée et la sphère médicale.
Dans ces entretiens, il s'agit non pas d'influencer la femme, mais de l'accompagner et de lui donner enfin les moyens d'être « pleinement responsable » de sa décision !
En ce qui concerne les mineures, le complément nécessaire à l'IVG, qui reste pour elles un acte grave, est l'accord parental. Il est clair, à mes yeux, que l'exception à cette autorisation doit précisément demeurer une exception ! Le chef de l'Etat l'a très justement rappelé.
Dans 90 % des cas, nous indiquait le professeur Nisand, les parents sont les meilleurs protecteurs de l'enfant, et revenir vers eux lors d'un tel événement est souvent la meilleure solution. La famille reste malgré tout, dans bien des cas, un lieu naturel de protection, même lorsque le dialogue et l'autorité sont rompus. La loi doit donc s'employer à encourager l'exercice de la parentalité.
Dans les cas de détresse où l'intervention de « l'adulte référent » est néanmoins nécessaire, il me paraît très important de préciser que ce dernier doit être sérieusement qualifié, issu du milieu éducatif, associatif ou médical. Une jeune mineure ne peut en effet confier sa décision à un adulte qui, même proche, ne saura pas lui prodiguer une réelle assistance en termes d'information et de soutien psychologique. Cette exigence d'un accompagnement de qualité devrait figurer dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui.
En conclusion, je dirai que cette loi n'apporte pas les réponses adaptées au problème de l'IVG. Elle n'évoque pas non plus une quelconque existence juridique de l'embryon. Or je suis convaincu que, dans la perspective des lois à venir - je pense à la révision des lois sur la bioéthique ou au spectre du clonage -, on n'échappera pas à la nécessité d'adopter un véritable statut de l'embryon. Il aurait été pertinent de le faire dès maintenant, pour éviter les dérives et les abus, comme la commercialisation.
Nous avons beaucoup parlé du droit de la femme à décider de son propre destin. J'y souscris, mais que devient le droit de l'enfant à naître ? Qui le défend ?
La loi Veil posait comme principe premier le respect de la vie. J'adhère, bien entendu, tout à fait à ce principe. Légiférer sur l'IVG est donc une concession, dont je reconnais le bien-fondé, à l'évolution de la société. Toutefois, pour assurer le respect de ce principe, le droit doit prendre en compte l'embryon comme « être humain » et lui assurer une existence.
Ainsi, grâce à des mesures énergiques de prévention et d'information, grâce à l'amélioration de la contraception et grâce à ce statut protecteur, nous pourrons espérer réduire enfin notablement le nombre des IVG, dans l'intérêt et pour le bonheur et l'équilibre des femmes de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, plus de vingt-cinq ans après le vote de la loi du 17 janvier 1975, nous voici amenés à examiner un texte tendant à prolonger de dix à douze semaines de gestation le délai légal autorisé pour pratiquer l'IVG.
Mes chers collègues, je vais essayer de vous exposer de la façon la plus claire l'analyse du problème que fait, à la lumière de son expérience, le praticien de campagne que je suis.
La prolongation de quinze jours du délai légal de l'IVG pose-t-elle des problèmes moraux nouveaux ou supplémentaires concernant l'avortement lui-même ? A cette question, je réponds par la négative. Les problèmes moraux liés à l'avortement ont été largement évoqués en 1975, ainsi qu'en 1979 lors de la rediscussion de la loi Veil. Il n'est donc pas question d'y revenir aujourd'hui, contrairement à ce que certains voudraient le laisser entendre.
Je ne vois pas, sur le plan moral, dès lors que la loi de 1975 a posé le principe d'une interruption possible dans des conditions clairement et précisément définies, de différence entre des avortements réalisés à dix ou à douze semaines de grossesse.
La prolongation de quinze jours du délai pose-t-il des problèmes médicaux spécifiques ? Sur le plan de la sécurité et de la santé de la femme, non ! Des interruptions médicales de grossesse sont pratiquées en France bien après dix semaines pour un motif grave tenant à la mère ou au foetus.
En revanche, il faut bien comprendre qu'entre la dixième et la douzième semaine l'embryon devient foetus, ce qui implique un changement de nature de l'intervention et des techniques à utiliser : une aspiration simple ne peut plus être réalisée ; il faut donc recourir à une intervention plus lourde impliquant le plus souvent une anesthésie générale pour permettre un curetage et une aspiration par une canule d'un diamètre beaucoup plus important, dans des conditions beaucoup plus difficiles.
Les praticiens le savent bien : la compétence et l'expérience requises sont alors différentes ; l'acte peut provoquer des complications plus graves qu'une simple aspiration. Dès lors, la responsabilité médicale est d'une autre nature et la femme doit être informée de la façon la plus claire de ce qui va lui être fait.
Au-delà du problème de la responsabilité médicale au regard des conséquences éventuelles, le respect de la clause de conscience me paraît s'imposer plus que jamais. Or le texte qui nous est proposé aborde mal cet aspect, en minimisant la dimension médicale, en banalisant cet acte grave, alors que la seule solution serait, à l'inverse, de médicaliser l'intervention.
IVG jusqu'à dix semaines par simple aspiration, laquelle est alors toujours possible ; IMG au-delà de dix semaines, après une consultation pluridisciplinaire selon des procédures clairement définies et respectant la situation des femmes, avec une véritable prise en charge, médicale et psychologique.
Une prolongation de deux semaines du délai légal d'interruption de grossesse apporte-t-elle une solution au problème des 5 000 femmes concernées en France chaque année ? Certainement pas : la loi de 1975 n'est pas appliquée dans les délais prévus par manque de moyens en structures, équipements et personnels. De nombreuses femmes se trouvent donc hors délai en raison de l'impossibilité pour les équipes de les recevoir.
Au lieu d'analyser ces différentes carences et de trouver des solutions en amont, dans la prévention et l'information, le projet de loi met l'accent sur la prolongation du délai légal de l'IVG, ce qui, par effet mécanique, va encore accroître l'ampleur du problème.
Ce n'est pas en érigeant des barrières légales que la question sera résolue ; c'est plutôt en faisant tout pour faciliter l'accès à la connaissance de la vie affective et sexuelle, au sens de la relation, de la maternité et de la paternité.
Arrêtons la fuite en avant et efforçons-nous de renouer le dialogue entre celles qui sont dans la détresse et les différents moyens d'accueil, d'accompagnement, de conseil, de prise en charge ; luttons, enfin, contre la solitude et l'abandon de nos enfants en grande difficulté.
En outre, nombre de femmes se trouvent hors délai parce qu'elles hésitent jusqu'au dernier moment à prendre une décision. Repousser de quinze jours le délai ne les aidera pas. Repousser le délai, c'est prendre le risque de repousser le moment de leur décision.
Enfin, que deviennent les 3 000 femmes qui sont hors délai, au-delà de la douzième semaine ?
Reprendrons-nous ce débat dans quelques années voire avant, pour prolonger encore le délai ? Et jusqu'à combien de semaines ? Seize ? Dix-huit ?
La prolongation de deux semaines du délai légal d'interruption de grossesse n'apporte pas, à mon avis, de solution aux problèmes posés. Et n'en soulèvera-t-elle pas de nouveaux ?
Les progrès de la médecine prénatale, notamment en matière d'échographie en trois dimensions, permettent de savoir de façon très précise si le foetus est porteur d'anomalie plus ou moins grave. Autrement dit, en reculant le délai pour l'IVG et en effectuant de plus en plus tôt l'examen prénatal du foetus, on est de fait involontairement en situation de choisir les enfants à naître, avec toutes les dérives que l'on peut craindre : choix du sexe, eugénisme...
Par ailleurs, des parents ne seront-ils pas poussés vers l'avortement pour éviter d'être poursuivis en justice par leur enfant devenu adulte alors que les progrès de la science auraient permis de déceler un risque de handicap ? Songez à la récente décision de la Cour de cassation.
N'avons-nous pas d'autres solutions que de légiférer pour allonger le délai légal de l'IVG ? Ne pourrait-on pas, tout simplement, appliquer enfin le volet « prévention » de la loi Veil ?
Nous savons tous combien un avortement est une expérience dramatique pour celles qui y ont recours, expérience dont les effets se prolongent douloureusement, quelquefois pendant de nombreuses années ; j'ai eu de tels cas à traiter au cours de ma carrière de médecin.
Enfin, pourquoi déclarer l'urgence sur ce texte alors même que nous venons de voter une loi permettant d'éviter le recours à l'IVG - ce fut une des justifications avancées - grâce à la « pilule du lendemain » ? Pourquoi ne pas attendre les premiers résultats de ce nouveau dispositif, dont la mise en oeuvre ne remonte qu'à quelques semaines et dont les effets n'ont donc pas encore pu être mesurés ?
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je suivrai les conclusions de la commission des affaires sociales et de son éminent rapporteur, notre ami Francis Giraud, que je tiens, à mon tour, à remercier et à féliciter pour le travail tout à fait remarquable qu'il a accompli. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat auquel j'ai assisté, même si je n'ai pas pu entendre toutes les interventions, en particulier celle du président Delaneau - mais on me l'a rapportée -, m'a paru, dans l'ensemble, de bonne tenue, à la hauteur du sujet que nous abordons. Il y a certes eu quelques caricatures, mais finalement assez peu.
M. Patrick Lassourd. A gauche surtout ! (Sourires sur les travées du RPR.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. On peut constater un large accord sur toutes les travées de cette assemblée pour dire qu'il faut, d'abord, privilégier la contraception.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Oui !
M. Paul Blanc. Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai entendu personne dire le contraire. Il n'y a donc pas de procès d'intention à faire à quiconque à cet égard, et je m'associe évidemment à l'hommage qui a été rendu par plusieurs orateurs à M. Neuvirth.
De manière corollaire, nous sommes tous d'accord également pour considérer qu'il ne faut pas banaliser l'IVG.
Cela implique que soit améliorée l'information sur la contraception. Je rappellerai dans quelques instants les efforts qui ont été accomplis sur ce point.
Nous sommes aussi tous d'accord sur l'important effort supplémentaire qui doit être consenti en matière d'éducation sexuelle. Dans ce domaine, nous accusons un manque évident. Il semble que, dans notre pays, on ne sache pas parler simplement de sexualité aux enfants et aux adolescents. C'est un problème culturel qu'il nous faut résoudre. Il va de soi que le fait de parler avec simplicité de sexualité aux enfants et adolescents est aussi une façon de faciliter l'accès à la contraception.
Que prévoit le projet présenté par le Gouvernement ?
Dès lors qu'une femme est décidée à recourir à une IVG, il convient de faire en sorte que cela se passe sans drame, autant qu'il est possible, étant entendu qu'une IVG est certainement une souffrance, même si M. Lagauche a eu raison de souligner que, dans beaucoup de cas, celle-ci était surmontée dans le parcours d'une vie. En tout cas, ce n'est pas un acte anodin.
C'est pourquoi nous devons trouver le moyen de ne plus avoir à enregistrer dans notre pays ces chiffres tout de même assez effrayants : chaque année, plus de 200 000 IVG et 10 000 mineures en état de grossesse non désirée. Cela mérite que nous nous mobilisions !
Je souhaite maintenant répondre à quelques-unes des remarques qui ont été formulées par plusieurs orateurs, et d'abord en ce qui concerne la décision du Gouvernement de déclarer l'urgence.
Monsieur le président Delaneau, en commission, vous aviez déjà fait part de votre point de vue sur cette procédure. Je vous avais répondu que ce problème dépassait peut-être le seul cas de ce texte.
En tout cas, le Gouvernement n'a pas escamoté le débat. Vous le savez, nous avons procédé à un long travail préparatoire. De nombreux rapports et de nombreuses consultations ont précédé le dépôt du projet de loi, en juillet 2000. Un grand débat public a d'ailleurs été ouvert à cette occasion. Puis l'Assemblée nationale a mené, comme vient de le faire le Sénat, un débat très approfondi sur ce texte.
Il est vrai que la Haute Assemblée aurait dû discuter ce texte au début du mois de février. C'est d'ailleurs dans cette perspective que j'avais été auditionnée par la commission des affaires sociales le 23 janvier. Mais vous savez mieux que moi, monsieur Delaneau, dans quelles circonstances ce débat a dû être reporté.
M. Patrick Lassourd. Ça, c'est la faute du Gouvernement !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est le Sénat lui-même qui, pour des raisons qui lui sont propres, a considéré que ce texte ne méritait pas d'être abordé dans les délais prévus, ce qui a d'ailleurs permis à la commission de bénéficier d'un mois et demi de réflexion supplémentaire, accroître le nombre des auditions de qualité auxquelles elle a procédé et, au passage, de mettre au point un nombre important d'amendements.
M. Patrick Lassourd. Et l'attitude intolérante du Gouvernement ?
M. Jean Delaneau, président de la commission. Me permettez-vous de vous interrompre, madame le ministre ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de Mme le ministre.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Madame le ministre, je me doutais bien que vous ne partageriez pas mon interprétation quant à ce déplacement dans l'ordre du jour.
Je vous rappellerai simplement que la maîtrise de l'ordre du jour prioritaire est entre les mains du Gouvernement : c'est le Gouvernement qui a décidé que le Sénat devait continuer à discuter la proposition de loi relative à la prolongation des pouvoirs de l'Assemblée nationale, ce n'est pas le Sénat lui-même ! A tout moment, le Gouvernement avait la possibilité d'inscrire de nouveau le présent texte à l'ordre du jour prioritaire du Sénat. La commission avait fait son travail. Les rapports étaient publiés, et il ne tenait qu'à vous que le Sénat puisse discuter ce texte.
Le retard qui a été pris n'est donc absolument pas imputable au Sénat, je l'ai dit à plusieurs reprises et je le redis aujourd'hui (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Veuillez poursuivre, madame le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je maintiens naturellement ma propre analyse.
M. Jean Delaneau, président de la commission. C'est votre droit, mais vous ne changerez pas la Constitution ni le règlement du Sénat !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Peut-être, mais je maintiens l'interprétation que je livre au nom du Gouvernement.
Plusieurs d'entre vous sont intervenus pour souligner l'insuffisance des moyens et lui imputer le fait que des femmes se retrouvent hors délai.
A cet égard, je rappellerai d'abord que ce gouvernement a été le premier à augmenter les moyens accordés aux centres d'orthogénie, et cela pour un montant total de 12 millions de francs en 1999. Ces crédits ont permis la création de postes de praticien contractuel dans les établissements publics de santé qui ne parvenaient pas à assurer la prise en charge des IVG. Les régions qui se heurtaient aux difficultés les plus aiguës ont bénéficié de crédits importants. C'est ainsi que les régions Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes ont été dotées de 1,2 million de francs et l'Ile-de-France, de 2,4 millions de francs.
Cependant, les crédits accordés en 1999 n'ont pas permis de répondre à tous les besoins constatés. C'est la raison pour laquelle nous avons dégagé une dotation supplémentaire de 15 millions de francs sur le budget de 2001, afin de permettre le renforcement des centres en personnel. Ces crédits doivent être répartis en cours d'année en fonction des résultats de la dernière enquête annuelle - elle a été effectuée en 2000 - sur l'activité des centres qui pratiquent les IVG et d'une enquête spécifique réalisée auprès des agences régionales de l'hospitalisation.
Je vous demande également de ne pas oublier que le projet de loi prévoit un dispositif qui élargit la prise en charge des IVG médicamenteuses à la médecine de ville, ce qui va augmenter considérablement l'offre de soins, d'autant plus que l'IVG médicamenteuse sera, comme je l'ai indiqué dans mon discours introductif, accessible au-delà du quarante-neuvième jour, sous réserve toutefois de la confirmation de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
L'expérience des centres d'IVG qui nous est transmise montre que les délais d'accueil pour l'IVG ne sont pas la cause principale des dépassements. Dans la plupart des cas, ces derniers sont dus à un retard dans la décision de la femme. Comme vous l'ont dit Claire-Lise Campion et Odette Terrade, l'allongement de dix à douze semaines correspond donc à une véritable demande des femmes.
En outre, je le répète, régler par l'allongement des délais le cas de 4 000 femmes, ce n'est pas rien ! Même si nous ne réglons pas le cas de toutes les femmes qui se trouvent hors délai, il n'est pas négligeable d'éviter à 4 000 d'entre elles de se rendre à l'étranger pour pouvoir bénéficier d'une interruption volontaire de grossesse.
En ce qui concerne les risques liés à l'allongement du délai, il est évident que l'ajout de deux semaines doit conduire à prendre des précautions supplémentaires ; tous les médecins le disent et nous le ferons donc ; mais nous ne devons pas non plus en tirer argument pour refuser cet allongement du délai.
Nombre d'entre vous ont cité l'Académie de médecine ou le Conseil national de l'ordre des médecins. Je rappelle que ces deux institutions ne se sont pas opposées à un tel allongement ; elles ont seulement souligné les précautions techniques qui sont nécessaires.
Le Gouvernement a pris en considération ces observations ainsi que celles de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, qui a réuni un comité d'experts, a réalisé une revue de toute la littérature internationale, et a conclu à une très faible augmentation des risques.
Je demande donc que l'on fasse confiance aux jugements qu'ont formulés les médecins. Je rappelle que M. Bernard Maria, président du Collège national des gynécologues obstétriciens français, a souligné que les étrangers regardaient les Français en souriant. Ils considèrent en effet que, s'agissant des aspects techniques de l'IVG, nous nous battons sur de faux problèmes : il suffit d'observer le tableau qui montre que, dans la plupart des pays européens, le délai est de douze semaines ou plus et que ces problèmes techniques, qu'il ne faut pas négliger, ces précautions supplémentaires, qu'il faut prendre, ont pu être pris en compte de façon satisfaisante !
Je dirai également à M. Huriet que, même s'il est probable qu'une IVG est toujours un échec et vécue comme tel, il faut parler des situations de souffrance et de détresse avec mesure. Parler de l'IVG dans des termes qui l'assimilent à un acte barbare, c'est, je le crois profondément, faire insulte aux femmes ainsi qu'aux personnels médicaux et non médicaux qui les accompagnent dans cette épreuve.
M. Claude Huriet. Madame le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Un instant, s'il vous plaît ! Je termine mon raisonnement, et je vous laisserai volontiers la parole ensuite.
L'IVG a été reconnue non pas pour contourner la difficulté morale de l'acte, mais pour mettre fin à la clandestinité et pour garantir la sécurité médicale aux femmes qui ne désiraient pas leur grossesse.
Mme Odette Terrade. Absolument !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quant à laisser entrevoir que l'on ne trouvera pas de médecins, j'estime qu'il s'agit, là encore, d'un argument qu'il convient de manier avec beaucoup de précaution, parce que les médecins, en d'autres circonstances, ont déjà fait la preuve de leur dévouement et de leurs capacités d'adaptation.
Monsieur le président, si M. Huriet souhaite intervenir, je lui laisse volontiers la parole maintenant.
M. le président. La parole est à M. Huriet, avec l'autorisation de Mme le ministre.
M. Claude Huriet. Bien sûr, vous n'étiez pas en séance au moment où je suis intervenu, madame la ministre, et mes propos ne vous ont peut-être pas été rapportés fidèlement. Mais à aucun moment - et le compte rendu de nos travaux pourra en faire foi - je n'ai assimilé l'IVG à un acte « barbare ». Absolument pas !
On aurait dû vous dire aussi que j'avais procédé par citations de propos tenus par des médecins et par des sages-femmes qui pratiquent, souvent depuis des années, les interruptions volontaires de grossesse à la fois en tant que personnel médical et en tant que militants.
Donc, je récuse les propos que vous m'avez prêtés.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez fait une sélection des citations qui n'était pas anodine, et vous êtes responsable de cette sélection !
M. Claude Huriet. Madame la ministre, j'ai remis à M. le ministre délégué l'ensemble des documents que j'ai reçus en réponse à un questionnaire ; pour ne pas être amené à mettre en cause la fiabilité du questionnaire, il eût été préférable que le Gouvernement prenne lui-même l'initiative d'interroger ceux qui pratiquent des IVG. Cela n'a pas été fait.
M. le président. Veuillez poursuivre, madame le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Gouvernement a consulté...
M. Claude Huriet. Non !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... de nombreux médecins avant de déposer le projet de loi. Martine Aubry l'a fait elle-même.
M. Hilaire Flandre. Elle a dû aussi les choisir !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous pouvez considérer que cela n'a pas été suffisant, mais le Gouvernement a procédé à ces consultations.
M. Claude Huriet. C'est inexact !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous me dites que c'est inexact ; moi, je dis que c'est exact. On peut continuer ainsi encore pendant un quart d'heure...
M. Hilaire Flandre. C'était sélectif !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez mené vos propres consultations. C'est votre droit ! Mais ne dites pas que le Gouvernement n'a pas consulté de médecins, c'est faux !
M. Hilaire Flandre. Dans ce cas-là, il aurait dû publier !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant de la contraception, il est clair qu'elle constitue la première des priorités, comme je l'ai dit dans mon propos introductif, et c'est d'abord ainsi qu'il faut comprendre le projet de loi.
J'ai rappelé que le Gouvernement avait entrepris de gros efforts et lancé des campagnes d'information répétées, d'un coût de vingt millions de francs chacune. Il n'en a pas toujours été ainsi puisque, notamment, aucune campagne n'a été réalisée entre 1993 et 1997, alors que cela aurait été possible.
Des difficultés ont pu se faire jour dans certains établissements scolaires au sujet des campagnes sur la contraception ; mais ce que je sais, c'est que le Gouvernement a diffusé à cinq millions d'exemplaires le guide de poche extrêmement simple que voici. (Mme le ministre montre un dépliant.) Jamais effort semblable n'avait été fait auparavant.
Quant à la mobilisation locale, citons notamment la diversification des actions régionales de valorisation de la campagne, les conférences de presse, les émissions sur les radios locales, les émissions de télévision sur France 3, les articles dans la presse locale, les journées « portes ouvertes », les rencontres-débats et les tables rondes, les expositions itinérantes, les expositions dans des locaux publics, les projections de films, ou encore les stands avec diffusion de documents. L'originalité de ces différentes initiatives mérite d'être citée.
Toutefois, je le reconnais volontiers, l'effort doit être poursuivi puisque, manifestement, nous n'obtenons pas encore en la matière les résultats que nous sommes en droit d'attendre.
En région Aquitaine, sur l'initiative de Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, le lancement de la campagne par vidéoconférence a réuni le 14 janvier 2000 tous les partenaires institutionnels, les acteurs de terrain, les personnalités qualifiées, au même moment dans chaque département. Nous pouvons saluer ce type d'initiative.
Il faut, me semble-t-il, nous garder de tirer des conclusions trop hâtives de l'absence de résultats de ces efforts, car on ne peut les apprécier que dans la durée. Il nous faut au contraire les poursuivre pendant plusieurs années, si l'on considère que les Pays-Bas, que tout le monde cite en exemple, ont une avance de cinquante ans sur nous en matière d'éducation sexuelle et de promotion de la contraception. Ce sera donc probablement encore assez long, et c'est là une raison supplémentaire pour persister dans notre effort et l'intensifier.
S'agissant de l'éducation à la sexualité en milieu scolaire, je suis tout à fait d'accord, je l'ai dit, avec celles et ceux qui ont insisté sur la nécessité de faire plus et, surtout, de faire mieux.
L'éducation à la sexualité relève d'un apprentissage complexe qui suppose de la part des personnels de l'éducation nationale la maîtrise de nombreuses compétences. C'est la raison pour laquelle, en partenariat avec le ministère chargé de la santé, la direction de l'enseignement scolaire a mis en place un dispositif de formation qui prend appui sur deux axes.
D'abord est constitué - c'est le premier axe - un réseau national composé d'environ deux cents personnes-ressources : médecins, infirmières, assistants de service social, assistants de sciences de la vie et de la terre, de vie sociale et professionnelle, conseillers principaux d'éducation. Ces personnels ont reçu pendant une année une formation interuniversitaire en sexologie médicale, complétée par une formation en méthodologie et psychopédagogie de l'éducation à la sexualité. Ils organisent et animent des stages dans les académies et les départements pour former des équipes d'établissement volontaires pour développer des actions d'éducation à la sexualité.
Il faut aussi, bien entendu, former les personnels de terrain. Actuellement au nombre de 8 000, ils sont amenés à prendre en charge des séquences d'éducation à la sexualité pour les élèves.
Par ailleurs - et c'est le deuxième axe - pour développer une culture commune, le ministère de l'éducation nationale a élaboré un programme de formation qui intègre des principes reposant pour l'essentiel sur la relation éducative, les normes et les valeurs laïques, ainsi que sur le rôle et les limites de l'école.
Nous avons fait réaliser des documents d'appui pour aider les différents personnels et donner des repères pour l'éducation à la sexualité et à la vie : une mallette pédagogique intitulée Bonheur d'aimer et le guide de poche sur la contraception que je vous ai montré, édité à cinq millions d'exemplaires. On peut raisonnablement reconnaître que nous avons développé les outils.
Je vous livrerai maintenant quelques réflexions complémentaires sur l'entretien préalable à l'interruption volontaire de grossesse.
D'abord, je souhaite que l'on ne se méprenne pas sur l'intention des dispositions du projet de loi : il n'est absolument pas question de refuser de donner des informations à la femme ; il y a au minimum l'information donnée par le médecin sur l'interruption volontaire de grossesse, sur les techniques, sur les méthodes proposées, sur les procédures et sur les risques, puisque telle est, évidemment, la démarche qui sous-tend l'IVG et que confirme l'article 3 bis du projet de loi. L'entretien avec le médecin a donc lieu en tous les cas : il ne faut pas faire, ainsi que je l'ai entendu dans quelques-unes des interventions, comme s'il n'y avait plus d'entretien du tout si la femme en décidait ainsi. C'est faux !
Je soulignerai ensuite que le médecin remet à la femme un dossier-guide, mis à jour au moins une fois par an, qui comporte la liste des lieux où elle peut accéder à l'IVG et obtenir toutes les autres informations et conseils qui lui sont nécessaires.
Enfin, l'article 4 précise qu'il est systématiquement proposé aux femmes qui veulent recourir à l'IVG, à la fois avant et après l'intervention, une consultation avec une personne qualifiée en conseil familial ou exerçant dans un service social, un centre de planning familial ou d'éducation familiale.
Cette consultation n'est plus obligatoire, certes, mais elle est proposée systématiquement, et toute femme qui souhaite l'entretien supplémentaire que je viens d'évoquer peut l'obtenir : aucune femme qui aurait un doute ne se verrait, naturellement, empêchée d'y recourir.
J'ajoute que nous n'avons pas décidé de réduire l'information des femmes : nous avons simplement considéré que les femmes étaient à même, une fois l'entretien avec le médecin réalisé, l'accès aux documents devenu effectif et la procédure suivie, de décider si elles avaient besoin d'un entretien supplémentaire.
Je constate avec satisfaction que l'IVG chez les mineurs n'a pas fait l'objet de débats trop conflictuels au sein de la Haute Assemblée. J'ai bien entendu quelques réflexions sur le fait que le lien avec les parents était primordial. Evidemment ! Personne n'a songé à nier que le rôle de la famille devait être absolument privilégié et que, chaque fois que c'était possible, il valait mieux que la jeune fille mineure puisse trouver dans sa propre famille le dialogue dont elle a besoin pour affronter cette difficulté ! Il n'y a absolument aucune espèce de doute là-dessus. Mais lorsque ce n'est pas possible - et j'ai cité des cas dans mon introduction -, il vaut mieux trouver une autre solution. Je constate avec satisfaction que, finalement, cette disposition a été très peu contestée.
Enfin, vous avez été nombreux à souligner que les articles relatifs à la stérilisation qu'a votés l'Assemblée nationale avaient le mérite d'encadrer par la loi des pratiques qui s'étaient beaucoup répandues et se diffusaient sans que l'on sache véritablement qui en prenait la décision. Cette inscription dans la loi me semble en effet importante à la fois pour la protection des personnes et pour tenir compte de la nécessité de répondre à des difficultés.
Pour la stérilisation des personnes majeures capables, il est primordial d'insister, comme le fait le projet de loi, sur le consentement libre et éclairé et sur le temps nécessaire à la réflexion. J'ai indiqué dans mon discours introductif que, pour ma part, je n'étais pas opposée à ce que l'on réfléchisse à ce temps nécessaire ; en revanche, je ne suis pas favorable à la mention de l'âge : pourquoi celui-ci plutôt qu'un autre ? Mais il est assurément important de laisser le temps de la réflexion, s'agissant d'une procédure médicale dont on dit aujourd'hui qu'elle peut être réversible, mais qui reste un acte chirurgical lourd.
Je reconnais comme vous que la stérilisation des personnes handicapées mentales est un sujet délicat. Comment définit-on le degré de handicap mental ? Les amendements que la commission a adoptés me semblent encadrer ce problème de façon pertinente.
Il est important, à mes yeux, que la stérilisation ne puisse être pratiquée que si le juge est saisi à la demande des parents ou du représentant légal. Il est primordial de pouvoir apporter ces précisions.
Il faudra évidemment - mais je m'y engage - assurer un suivi précis de ces dispositions, en liaison avec toutes les associations concernées. D'ailleurs, ce suivi pourrait être exposé devant le Comité national des personnes handicapées, qui se réunit chaque année.
Telles sont les quelques remarques que je voulais formuler. Nous poursuivrons ce débat demain, avec l'examen des amendements. Vous voyez que le Gouvernement n'est pas du tout fermé - c'est d'ailleurs le cas pour la plupart des textes que nous examinons - à des améliorations, mais je tenais à souligner que nous avions le souci de remédier aux manques, aux échecs - on peut le dire ainsi - rencontrés depuis l'adoption de la loi Veil : échec sur la généralisation et l'efficacité des méthodes contraceptives. Nous avons bien sûr le souci de donner les moyens nécessaires pour que l'allongement de deux semaines du délai légal de l'interruption volontaire de grossesse se passe dans les meilleurs conditions possible. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de formuler quelques brèves remarques, j'exprimerai un sentiment. Ce débat, qui fut un bon débat, me rappelle celui qui s'était instauré en 1975, que j'avais suivi avec beaucoup d'attention. Si MM. Neuwirth et Huriet veulent bien le reconnaître, cela s'était passé ainsi. Oui, on feint de parler du problème précis, mais on parle d'autre chose. Comme vous l'avez très bien souligné, il existe en effet un engagement personnel, un problème moral, une éthique. Il était normal qu'il en soit ainsi ici. Mais souvenez-vous de ce qui s'est passé en 1975. Certaines personnes qui approuvent cette loi aujourd'hui l'avaient alors combattue. Souvenez-vous du débat.
Mme Hélène Luc. Ah oui, on s'en souvient !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il a fallu bien du courage à Mme Simone Veil pour faire adopter son texte. Il ne s'agissait pas d'un problème de camp, d'un problème gauche-droite, quoique un peu quand même. Souvenez-vous de tout cela. Nous avons reproduit ce débat à propos de l'allongement de deux semaines du délai légal de l'IVG.
J'aime les propos de M. Blanc. Je ne citerai que lui tout en faisant référence à d'autres intervenants. A la question : l'allongement de deux semaines du délai de l'IVG pose-t-il un problème moral ? - si nous avions pu nous passer de cet allongement nous l'aurions fait volontiers -, M. Blanc a répondu par la négative. Je partage son sentiment. Il existe un problème moral général dont le pays a débattu depuis maintenant plus de vingt-cinq ans. Quelle lenteur !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je l'ai dit en 1979 ! C'est écrit dans mon rapport !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Bravo ! Je l'ai dit avec vous en 1979. Pour que Mme Veil puisse le dire, ce qu'elle a fait volontiers, combien de militantes et de militants ont-ils dû défiler dans les rues ? Comme M. Fischer l'a rappelé, le manifeste des 343, qui avait fait scandale, est aujourd'hui historique ; et il y a eu également l'action de M. Neuwirth. Alors, s'il vous plaît, un peu de mémoire !
Existe-t-il un problème médical ? Non, a répondu M. Blanc. Sur ce point, je ne suis pas réellement sûr d'être d'accord avec lui. Je remercie M. Huriet de nous avoir communiqué ces deux gros paquets de réponses à son questionnaire, l'un étant positif et l'autre négatif. Il a d'ailleurs moins cité celui qui est négatif. A la première page du tome dans lequel on répond positivement à l'allongement de deux semaines du délai de l'IVG en ces termes : « Non, cela ne me pose pas de problème », un grand centre parisien donne la réponse. Je reconnais pour ma part qu'il existe un problème technique différent, avec, en effet, quelques risques particuliers. Bien sûr, il existera des risques en matière d'anesthésie. Selon que l'intervention sera effectuée à dix semaines ou à douze semaines, les risques ne seront pas exactement les mêmes. Je le répète : si nous avions pu nous passer de l'allongement du délai de l'IVG, nous l'aurions fait.
A la première page d'un des deux tomes figure donc la réponse : quelque 5 000 interruptions volontaires de grossesse sont effectuées au-delà du délai de dix semaines. Comme vous l'avez vous-même calculé, cela représente à l'heure actuelle treize IVG effectuées au-delà du délai de dix semaines. J'espère que ce chiffre diminuera. Je déteste les avortements. J'en ai moi-même pratiqué. C'est en effet une pratique qui marque ; mais elle est nécessaire pour le progrès de la décision féminine, de l'appropriation féminine de soi-même et pour éviter des drames qui se déroulaient avant. Cela représente donc, disais-je, treize IVG par jour, soit quelque quatre-vingt dix par semaine, c'est-à-dire environ un par département. Comme cela est précisé à la première page, cela correspond à un centre un peu spécialisé, comme on le demande. Nous allons devoir examiner en détail ce problème et prendre une décision. Il faut que dans un endroit très particulier, en effet, mieux équipé en personnel, en capacité de décision et doté des renforcements indispensables, nous puissions disposer de la sécurité nécessaire.
Je dirai un mot à propos de la santé publique. Il s'agit bien, là encore, d'un problème de santé publique. Je m'engage - Mme Guigou vient de le dire - à ce que nous poursuivions ces campagnes nécessaires, insuffisantes et inachevées en permanence, en faveur de la contraception. Je prends l'engagement qu'un grand déploiement, de moyens je l'espère, mais en tout cas de décisions relatives à l'information sur les actions en santé publique, soit fait sur la question de la sexualité et de l'information en faveur de la contraception comme une des grandes lignes des programmes de santé publique.
Mais interrogeons-nous sur les raisons pour lesquelles ce pays très particulier qui est le nôtre refuse l'éducation sexuelle. Mme Guigou avait raison de dire que, dans les écoles, des programmes sont mis en oeuvre. Nous pouvons les renforcer. C'est dans les familles que l'on ne parle jamais ou que l'on parle très peu de sexualité. Comment se fait-il que plus on va vers le Sud et moins on en parle ?
M. Jean Delaneau, président de la commission. C'est que nous sommes latins !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. En effet. Tout cela est assez classique. Là est notre échec. C'est un échec collectif de la société française.
En effet, nous avons renforcé, par rapport à d'autres gouvernements, les mesures d'information. Souvenez-vous : après 1975, y a-t-il eu des campagnes d'information en faveur de la contraception ? Pas assez, et beaucoup moins que ce que nous avons fait. Ce n'est pas un reproche que je ferai à Mme Simone Veil, c'est un reproche collectif. Cela ne marche pas !
M. Lucien Neuwirth. C'est culturel !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. C'est en effet culturel. En France, il faut insister dix fois plus qu'aux Pays-Bas. Voilà la réalité qui a incité le Gouvernement, parce que l'on dénombre ces 5 000 femmes en détresse, en grande difficulté, qui n'ont pas la connaissance suffisante et qui n'ont pas non plus les moyens de faire face à leur situation difficile, à proposer dans le présent projet de loi cet allongement de deux semaines du délai de l'IVG ; ces deux semaines supplémentaires ne soulevant ni un problème moral ni un grand problème médical.
D'ailleurs, y a-t-il beaucoup de médecins qui parlent de contraception avec les femmes ? Pas assez. Y a-t-il beaucoup de prises en charge élémentaires dans des associations ? Pas assez ! On en dénombre quelques-unes, qui sont très bonnes. Je crois que nous pouvons tous nous interroger sur ce point. Qu'il s'agisse de gouvernements de gauche ou de gouvernements de droite, ce fut un échec et c'est encore un échec.
Voilà les quelques remarques que je voulais formuler, en vous remerciant de ce débat. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 8 mars 2001, l'informant de l'adoption définitive des trente-huit textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1168. - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à la mise en oeuvre d'actions visant à approfondir l'Union douanière CE-Turquie. Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à la mise en oeuvre d'actions visant au développement économique et social de la Turquie. (Première proposition adoptée le 10 avril 2000. - seconde proposition adoptée le 22 janvier 2001 [date de signature Parlement européen/Conseil]).
N° E 1242. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et la République populaire du Bangladesh (adopté le 26 février 2001).
N° E 1462. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole définissant, pour la période du 3 décembre 1999 au 2 décembre 2002, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le Gouvernement de Maurice concernant la pêche dans les eaux de Maurice (adopté le 26 février 2001).
N° E 1464 : annexe n° 1. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Volume 5. - Section IV. - Cour de justice (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 2. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Volume 8. - Section VII. - Comité des régions (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 3. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Volume 0. - Introduction générale (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 4. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Volume 7. - Section VI : Comité économique et social (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 5. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Partie A. - Crédit de fonctionnement (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 6. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Crédits opérationnels. - Sous-section B 2 (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 7. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Etat général des recettes (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 8. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Crédits opérationnels. - Sous-section B 1 (Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section « garantie ») (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 9. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001 : document de travail Crédits opérationnels. - Sous-section B 0 (garanties et réserves) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 10. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - (Ressources humaines) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 11. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Crédits opérationnels. - Sous-section B 4 (Energie, contrôle de sécurité nucléaire d'Euratom et environnement) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 12. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Volume 1. - (Etat général des recettes, financement du budget général, effectifs, patrimoine immobilier) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 13. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Crédits opérationnels. - Sous-section B 8 (Politique étrangère et de sécurité commune Parlement européen SC) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 14. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Crédits opérationnels. - Sous-section B 6 (Recherche et développement technologique) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 15. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Crédits opérationnels. - Sous-section B 5 (Protection des consommateurs, marché intérieur, industrie et réseaux transeuropéens) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 16. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Crédits opérationnels, sous-section B 3 (formation, jeunesse, culture, audiovisuel, information, dimension sociale et emploi) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 17. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Volume 4, partie A (crédits de fonctionnement) ; partie B (crédits opérationnels) (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 18. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Bilan d'évaluation 1999 : principaux résultats de l'évaluation des programmes de dépenses (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 19. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Volume 2. - Section I. - Parlement (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 20. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Volume 9. - Section VIII. - Médiateur européen (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1464 : annexe n° 21. - Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001. - Section III. - Commission. - Crédits d'engagement restant à liquider ; application de l'AII bases légales (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1465. - Proposition de règlement du Conseil portant création du dispositif de réaction rapide (adopté le 26 février 2001).
N° E 1492. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le Gouvernement de la République de Guinée concernant la pêche au large de la côte guinéenne, pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001 (adopté le 26 février 2001).
N° E 1498. - Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en oeuvre de projets visant à promouvoir la coopération et les relations commerciales entre l'UE et les pays industrialisés d'Amérique du Nord, d'Extrême-Orient et d'Australasie (adopté le 26 février 2001).
N° E 1531. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 3030/93 relatif au régime commun applicable aux importations de certains produits textiles originaires des pays tiers (§ 8, article 12, § 5, article 17 + article 17 a, annexes III et VIII) (adopté le 26 février 2001).
N° E 1544. - Lettre rectificative n° 1 à l'avant-projet de budget pour 2001, section III. - Commission (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1575. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2820/98 du Conseil portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées (SPG) pour la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001, afin d'étendre aux produits originaires des pays les moins avancés la franchise des droits de douane sans aucune limitation quantitative (adopté le 26 février 2001).
N° E 1584. - Lettre rectificative n° 2 à l'avant-projet de budget pour l'exercice 2001, section III. - Commission (adopté suite à l'arrêt définitif du budget signé par la présidente du Parlement européen le 14 décembre 2000).
N° E 1593. - Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord entre la Communauté européenne et le Gouvernement du Canada renouvelant un programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la formation.
Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et le Gouvernement du Canada renouvelant un programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la formation (présentées par la Commission), (première proposition adoptée le 5 décembre 2000. - seconde proposition adoptée le 26 février 2001).
N° E 1594. - Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique renouvelant le programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de l'enseignement et de la formation professionnels.
Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique renouvelant le programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de l'enseignement et de la formation professionnels (présentées par la Commission), (première proposition adoptée le 5 décembre 2000. - seconde proposition adoptée le 26 février 2001).
N° E 1615. - Proposition de règlement relatif à la conclusion d'accords sous forme d'échanges de lettres entre la Communauté européenne et la République de Bulgarie, la République de Hongrie et la Roumanie concernant l'établissement de concessions commerciales préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux et modifiant le règlment (CE) n° 933/95 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains vins (adopté le 26 février 2001).
N° E 1625. - Proposition de règlement concernant la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le Gouvernement de la République d'Angola sur la pêche au large de l'Angola, pour la période du 3 mai 2000 au 2 mai 2002 (adopté le 26 février 2001).
N° E 1634. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, d'un accord sous forme de protocole d'accord (paraphé le 5 décembre 2000) entre la Communauté européenne et la République socialiste démocratique de Sri Lanka concernant des arrangements dans le domaine de l'accès au marché des produits textiles et d'habillement, et autorisant son application provisoire (adopté le 26 février 2001).
N° E 1645. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord sur le commerce des produits textiles entre la Communauté européenne et la Bosnie-Herzégovine paraphé à Bruxelles le 24 novembre 2000 (adopté le 26 février 2001).
N° E 1678. - Proposition de décision du Conseil prorogeant la décision 91/482/CEE relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne (adopté le 26 février 2001).
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 27 mars 2001, l'informant de l'adoption définitive des vingt-quatre textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1163. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE relative au développement de chemins de fer communautaires. Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 95/18/CE concernant les licences des entreprises ferroviaires. Proposition de directive du Conseil concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité. Document de travail de la Commission : commentaire des différents articles de la proposition de directive concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (adopté le 26 février 2001).
N° E 1391. - Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Hongrie établissant certaines conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du transport combiné. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Hongrie établissant certaines conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du transport combiné (première proposition adoptée le 28 mars 2000. - seconde proposition adoptée le 19 mars 2001).
N° E 1392. - Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Bulgarie établissant certaines conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du transport combiné. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Bulgarie établissant certaines conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du transport combiné (première proposition adoptée le 28 mars 2000. - seconde proposition adoptée le 19 mars 2001).
N° E 1449. - Proposition de directive du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements (adopté le 12 mars 2001).
N° E 1460. - Communication de la République portugaise. - Initiative de la République portugaise en vue d'une décision-cadre relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales (adopté le 15 mars 2001).
N° E 1493. - Proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne à appliquer ou à continuer d'appliquer des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (carburants d'une teneur en soufre de 10 ppm) (adopté le 12 mars 2001).
N° E 1524. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant un ensemble d'actions relatives au réseau transeuropéen de collecte, de production et de diffusion des statistiques sur les échanges de biens intra et extra-communautaires (EDICOM 2) (adopté le 12 mars 2001).
N° E 1538. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil prorogeant certains programmes d'action communautaires dans le domaine de la santé publique adoptés par les décisions n° 645/96/CE, n° 646/96/CE, n° 647/96/CE, n° 102/97/CE, n° 1400/97/CE et n° 1296/99/CE et modifiant ces décisions (adopté le 26 février 2001).
N° E 1541. - Lettre de la Commission européenne du 25 août 2000 relative à une demande de dérogation présentée par le Gouvernement italien conformément à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales (émulsions stabilisées de gazole ou de fuel lourd) : lettre de la Commission aux Etats membres (adopté le 12 mars 2001).
N° E 1543. - Demande d'autorisation de différenciation du taux d'accise sur le gazole utilisé par les véhicules utilitaires, présentée par la France conformément à l'article 8, paragraphe 4, de la directive n° 92/81/CEE du 19 octobre 1992 modifiée (carburants Diesel des véhicules publics locaux de passagers) : note de la représentation permanente du 20 juin 2000 (adopté le 12 mars 2001).
N° E 1589. - Lettre de la Commission européenne du 17 octobre 2000 relative à une demande de dérogation présentée par l'Italie en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (secteur des matériaux usagés et des déchets) (adopté le 19 mars 2001).
N° E 1603. - Proposition de décision du Conseil relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (adopté le 12 mars 2001).
N° E 1604. - Lettre de la Commission européenne du 6 novembre 2000 relative à une demande de dérogation présentée par les Pays-Bas conformément à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales (gazole, GPL) : lettre de la Commission aux Etats membres (adopté le 12 mars 2001).
N° E 1613. - Lettre de la Commission européenne du 27 novembre 2000 relative à une demande de dérogation présentée par l'Espagne en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (secteur des matériaux usagés et des déchets) (adopté le 19 mars 2001).
N° E 1617. - Lettre de la Commission européenne du 24 novembre 2000 relative à une demande de dérogation présentée par les Pays-Bas en application de l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE du Conseil (gazole utilisé par les taxis pendant l'année 2000) (adopté le 12 mars 2001).
N° E 1618. - Lettre de la Commission européenne du 4 décembre 2000 relative à une demande de dérogation présentée par l'Autriche en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (transport international de personnes) (adopté le 19 mars 2001).
N° E 1638. - Initiative du Royaume de Suède en vue de l'adoption de l'acte du Conseil modifiant le statut du personnel d'Europol : actes législatifs et autres documents (adopté le 15 mars 2001).
N° E 1640. - Proposition de règlement du Conseil adoptant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Pologne (adopté le 6 mars 2001).
N° E 1644. - Proposition de règlement du Conseil portant reconduction en 2001 des mesures prévues au règlement (CE) n° 1416/95 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires en 1995 pour certains produits agricoles transformés originaires de Norvège (adopté le 19 mars 2001).
N° E 1646. - Proposition de règlement du Conseil interdisant l'exportation de certaines marchandises et de certains services vers l'Afghanistan, renforçant l'interdiction des vols et le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l'encontre des taliban d'Afghanistan, et abrogeant le règlement (CE) n° 337/2000 du Conseil (adopté le 6 mars 2001).
N° E 1677. - Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1334/2000 concernant la liste des biens et des technologies à double usage destinés à l'exportation (adopté le 6 mars 2001).
N° E 1681. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne, la République d'Islande et le Royaume de Norvège sur les critères et les mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un Etat membre, en Islande ou en Norvège (adopté le 15 mars 2001).
N° E 1682. - Projet de recommandation du Conseil du ... sur la décharge à donner à la Commission sur l'exécution du budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999 (adopté le 12 mars 2001).
N° E 1683. - Projet de décision du Conseil sur la communication au public de certaines catégories de documents du Conseil (adopté le 19 mars 2001).

18

DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 8 FÉVRIER 2001

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 16 février 2001 de MM. Hubert Haenel, Pierre André, Jean Bernard, Jean Bizet, Louis de Broissia, Robert Calmejane, Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard Cornu, Xavier Darcos, Luc Dejoie, Michel Doublet, Hilaire Flandre, Francis Giraud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Alain Hethener, André Jourdain, Robert Laufoaulu, Philippe Marini, Jean-Luc Miraux, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Robert-Denis Del Picchia, Victor Reux, Louis Souvet, Martial Taugourdeau et René Trégouët une proposition de loi constitutionnelle instaurant pour le Président de la République, pour le Président du Sénat et pour le Président de l'Assemblée nationale, une prestation de serment.
Cette proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le n° 231, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

M. le président du Sénat a reçu de MM. Hubert Haenel, Pierre André, Jean Bernard, Jean Bizet, Louis de Broissia, Robert Calméjane, Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard Cornu, Xavier Darcos, Luc Dejoie, Michel Doublet, Hilaire Flandre, François Gerbaud, Francis Giraud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Emmanuel Hamel, Alain Hethener, André Jourdain, Lucien Lanier, Robert Laufoaulu, Philippe Marini, Jean-Luc Miraux, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Robert-Denis Del Picchia, Victor Reux et René Trégouët une proposition de loi organique modifiant l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
Cette proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 232, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de MM. Aymeri de Montesquiou et Jean François-Poncet une proposition de loi tendant à créer, pour les départements du Gers et du Lot-et-Garonne, un fonds de compensation des nuisances occasionnées par les transports routiers de fuselages et divers matériaux de l'Airbus A 380.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 227, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 16 février 2001 de MM. Hubert Haenel, Pierre André, Jean Bernard, Jean Bizet, Louis de Broissia, Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard Cornu, Xavier Darcos, Luc Dejoie, Michel Doublet, Hilaire Flandre, Francis Giraud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Emmanuel Hamel, Alain Hethener, André Jourdain, Lucien Lanier, Robert Laufoaulu, Philippe Marini, Jean-Luc Miraux, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Robert-Denis del Picchia, Victor Reux et René Trégouët une proposition de loi instaurant pour le maire, le président de conseil général et le président de conseil régional une prestation de serment.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 233, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 12 mars 2001 de M. Michel Dreyfus-Schmidt une proposition de loi tendant à la suppression du régime de l'offense à chef d'Etat étranger issu de l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 234, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

M. le président du Sénat a reçu le 9 février 2001 de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux lois de finances.
Cette proposition de loi organique a été imprimée sous le n° 226, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président du Sénat a reçu, le 9 février 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de règlement du Conseil fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la Convention de Dublin : note introductive de la future présidence suédoise au groupe « asile ».
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1655 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 13 février 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1656 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 13 février 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du quatrième protocole fixant les conditions relatives à la pêche prévues dans l'accord en matière de pêche entre la Communauté économique européenne, d'une part, et le Gouvernement du Danemark et le Gouvernement local du Groenland, d'autre part.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1657 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 13 février 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Bulgarie concernant la participation de la Bulgarie à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1658 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 13 février 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République tchèque concernant la participation de la République tchèque à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1659 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Pologne concernant la participation de la Pologne à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1660 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République slovaque concernant la participation de la République slovaque à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1661 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Roumanie concernant la participation de la Roumanie à l'Agence européenne pour l'environnement et au Réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1662 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Slovénie concernant la participation de la Slovénie à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1663 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Turquie concernant la participation de la Turquie à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1664 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Hongrie concernant la participation de la Hongrie à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1665 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Malte concernant la participation de Malte à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1666 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2000 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Lettonie concernant la participation de la Lettonie à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1667 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Estonie concernant la participation de l'Estonie à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1668 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Lituanie concernant la participation de la Lituanie à l'Agence européeene pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1669 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Chypre concernant la participation de Chypre à l'Agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1670 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 15 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, le stockage et la distribution du sang humain et des composants sanguins, et modifiant la directive 89/381/CEE du Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1671 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 15 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil prévoyant la participation du public lors de l'élaboration de certains plans et programmes relatifs à l'environnement et modifiant les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1672 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 15 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de proposition de décisions du Conseil relatives à la signature et à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et le Japon sur la reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de la conformité.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1673 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 15 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant mode de gestion de contingents tarifaires communautaires et de quantités de référence pour des produits susceptibles de bénéficier de préférence en vertu d'accords avec certains pays méditerranéens, et abrogeant les règlements (CE) n°s 1981/94 et 934/95.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1674 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 15 février 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil modifiant le règlement (CE, Euratom) n° 58/97 relatif aux statistiques structurelles sur les entreprises.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1675 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 19 février 2001, de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil instituant, à l'occasion de la réforme de la Commission, des mesures particulières concernant la cessation définitive de fonctions de fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 260/68 portant fixation des conditions et de la procédure d'application de l'impôt établi au profit des Communautés européennes. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (Euratom, CECA, CEE) n° 549/69 déterminant les catégories de fonctionnaires et agents des Communautés européennes auxquels s'appliquent les dispositions de l'article 12, de l'article 13, deuxième alinéa, et de l'article 14 du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés : communication de la Commission suite à la communication de la Commission du 26 juillet 2000 relative à l'adéquation entre ressources humaines et tâches de l'institution.
Ces textes seront imprimés sous le n° E 1676 et distribués.
M. le président du Sénat a reçu, le 20 février 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1334/2000 concernant la liste des biens et des technologies à double usage destinés à l'exportation.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1677 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 20 février 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil prorogeant la décision 91/482/CEE relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1678 et distribué.
M. le président du Sénat à reçu, le 20 février 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions : programme de travail de la Commission pour 2001.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1679 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 23 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux machines et modifiant la directive 95/16/CE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1680 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 23 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne, la République d'Islande et le Royaume de Norvège sur les critères et les mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un Etat membre, en Islande ou en Norvège.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1681 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 février 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de recommandation du Conseil sur la décharge à donner à la Commission sur l'exécution du budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1999.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1682 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 1er mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision du Conseil sur la communication au public de certaines catégories de documents du Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1683 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 1er mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre vert sur la politique intégrée de produits.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1684 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 1er mars 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil dérogeant à certaines dispositions du règlement (CE) n° 2792/1999 définissant les modalités et conditions des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1685 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 3 mars 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CEE) n° 1911/91 relatif à l'application des dispositions du droit communautaire aux îles Canaries.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1686 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 3 mars 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'application des normes comptables internationales.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1687 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 6 mars 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 2 février 2001 relative à une demande de dérogation présentée par l'Allemagne en application de l'article 30 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (accord international avec la République tchèque, travaux d'élargissement du pont frontalier).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1688 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 6 mars 2001, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 2 février 2001 relative à une demande de dérogation présentée par l'Allemagne en application de l'article 30 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (accord international avec la République de Pologne, travaux d'élargissement du pont frontalier).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1689 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 7 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif aux procédures prévues par les dispositions régissant les échanges préférentiels entre la Communauté européenne et certains pays et destinées à faciliter la délivrance des certificats de circulation des marchandises EUR. 1, l'établissement des déclarations sur facture et des formulaires EUR. 2 et la délivrance de certaines autorisations d'exportateurs agréés.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1690 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 9 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil sur le statut et le financement des partis politiques européens.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1691 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 9 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord entre la Communauté européenne et la Roumanie établissant certaines conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du transport combiné. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Roumanie établissant certaines conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du transport combiné.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1692 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 12 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant ouverture d'un contingent tarifaire communautaire pour l'orge de brasserie relevant du code NC 1003 00.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1693 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 12 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Ajustement technique des perspectives financières pour 2002 à l'évolution du PNB et des prix (point 15 de l'Accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1694 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 16 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Demande d'octroi d'une exonération fiscale en faveur des biocarburants, conformément à l'article 8 paragraphe 4 de la directive 98/21/CEE du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1695 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 16 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre blanc, stratégie pour la future politique dans le domaine des substances chimiques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1696 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 16 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement européen et du Conseil sur les comptes trimestriels non financiers des administrations publiques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1697 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 16 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord de stabilisation et d'association entre les communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne république yougoslave de Macédoine. Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de l'accord de stabilisation et d'association entre les communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne république yougoslave de Macédoine, d'autre part (volumes I et II).
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1698 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 19 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la formation des conducteurs professionnels de marchandises ou de voyageurs par route.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1699 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 19 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1254/1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1251/1999 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1700 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 20 mars 2001 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune de marché de l'alcool éthylique d'origine agricole.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1701 et distribué.

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président du Sénat a reçu, le 14 février 2001, de M. Hubert Durand-Chastel un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine (n° 173, 2000-2001).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 228 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 14 février 2001, de M. Robert-Denis Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine (n° 174, 2000-2001).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 229 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 14 février 2001, de M. André Rouvière un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba (n° 175, 2000-2001).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 230 et distribué.

19

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 28 mars 2001, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 120, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Rapport (n° 210, 2000-2001) de M. Francis Giraud, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Rapport d'information (n° 200, 2000-2001) de Mme Odette Terrade, fait au nom de la délégation des droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites
pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Question orale avec débat n° 28 de M. Jacques Valade à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la politique énergétique de la France :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 28 mars 2001, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant création d'une prime pour l'emploi (n° 217, 2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 2 avril 2001, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 2 avril 2001, à seize heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la forêt (n° 408, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 2 avril 2001, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 avril 2001, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 28 mars 2001, à zéro heure cinquante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





E R R A T A
au compte rendu intégral de la séance du 7 février 2001
DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Page 618, 2e colonne, dans le 2e alinéa du texte proposé par l'amendement n° 14, 5e ligne :
Après : « Corse »,
Ajouter : « sont inéligibles ».
Page 623, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 18, au 4e alinéa (2°), 2e ligne :
Après : « chaussées, »,
Ajouter : « les ingénieurs ».

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 27 mars 2001
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 28 mars 2001 :
A quinze heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception (n° 120, 2000-2001).
Jeudi 29 mars 2001 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente :
1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution européenne de M. Hubert Haenel (n° 53, 2000-2001), présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du règlement, sur les propositions de la République fédérale d'Allemagne, d'une part, et du Portugal, de la France, de la Suède et de la Belgique, d'autre part, relatives à la création d'EUROJUST (n°s E 1479 et E 1509) ;
2° Question orale européenne avec débat (n° QE 12) de M. Pierre Lefebvre à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le doublement du fret ferroviaire d'ici à 2010 ;
3° Question orale européenne avec débat (n° QE 10) de M. Jacques Oudin à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les objectifs et moyens de la politique de l'Union européenne en matière de transports.
(Le débat sur ces deux questions orales européennes sera organisé conformément à l'article 83 ter du règlement.)
A quinze heures :
4° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.)

5° Question orale avec débat n° 28 de M. Jacques Valade à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la politique énergétique de la France.
(Pourront intervenir dans le débat, l'auteur de la question [20 minutes], un orateur par groupe [10 minutes] et un sénateur ne figurant sur la liste d'aucun groupe [5 minutes], ainsi que le Gouvernement. En outre, chacun des intervenants disposera d'un droit de réponse au Gouvernement [5 minutes] ;
L'ordre des interventions sera fixé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance avant le mercredi 28 mars 2001, à dix-sept heures.)
Mardi 3 avril 2001 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 982 de M. Bernard Fournier à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Droit du travail et activités des maîtrises de chant et de musique) ;

- n° 989 de M. Daniel Goulet à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Couverture du département de l'Orne par les réseaux de téléphonie mobile) ;

- n° 1004 de M. Louis Souvet à M. le ministre de l'éducation nationale (Situation des titulaires d'un doctorat bénéficiant d'un emploi-jeune) ;

- n° 1011 de M. Alain Gournac à M. le ministre des affaires étrangères (Conséquences de la professionnalisation de l'armée) ;

- n° 1015 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'intérieur (Financement du réseau d'eau potable) ;


- n° 1016 de Mme Nicole Borvo à M. le ministre de l'intérieur (Situation des locataires taxis) ;

- n° 1017 de M. Xavier Darcos à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Usage abusif du droit de réquisition des médecins généralistes de Dordogne) ;

- n° 1018 de M. Jean-Paul Hugot à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Accès forfaitaire à Internet) ;

- n° 1019 de M. Kléber Malécot à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Obligations des collectivités territoriales en matière de prévoyance et d'assurance maladie complémentaire) ;

- n° 1020 de M. Jacques Oudin à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (Recours excessif à la procédure de mise à disposition des agents publics) ;

- n° 1021 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Remise en circulation du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines) ;

- n° 1022 de M. Jacques Donnay à M. le ministre de l'intérieur (Délinquance et dépénalisation du cannabis) ;

- n° 1025 de M. Fernand Demilly à M. le ministre délégué à la santé (Effets de seuil de la couverture maladie universelle) ;

- n° 1026 de M. René-Pierre Signé à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Développement des nouvelles technologies en zone rurale) ;

- n° 1027 de M. Nicolas About à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Concession de terrain faite par la SNCF à une entreprise privée de concassage industriel sur la commune de Montigny-le-Bretonneux [Yvelines]) ;

- n° 1028 de M. Robert Bret à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Devenir de l'association Solidarité Enfants Sida) ;

- n° 1029 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Diminution des effectifs des perceptions des Pyrénées-Orientales) ;

- n° 1030 de M. Henri de Richemont à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Conséquences de la crise de la vache folle en Charente).

A seize heures et le soir :
2° Eloge funèbre de Pierre Jeambrun.

Ordre du jour prioritaire

3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant création d'une prime pour l'emploi (n° 217, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 2 avril 2001, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures, la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 2 avril 2001.)
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la forêt (n° 408, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 3 avril 2001, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures, la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 2 avril 2001.)

Mercredi 4 avril 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A dix heures, à quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la forêt (n° 408, 1999-2000).

Jeudi 5 avril 2001 :

A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la forêt (n° 408, 1999-2000).
A quinze heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel au protocole de Sangatte entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni (n° 220, 2000-2001) ;
4° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part (ensemble sept annexes, quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un échange de lettres) (n° 484, 1999-2000) ;
5° Suite de l'ordre du jour du matin.

*
* *

Le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance publique du dimanche 8 avril 2001 au lundi 16 avril 2001.

*
* *



Mardi 17 avril 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A seize heures :
1° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Le soir :
2° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale (n° 216, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mardi 17 avril 2001, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
3° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (n° 208, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mardi 17 avril 2001, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mercredi 18 avril 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 201, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 17 avril 2001, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 17 avril 2001.)
Jeudi 19 avril 2001 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite de la nouvelle lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif aux nouvelles régulations économiques (n° 201, 2000-2001).
A quinze heures et le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité (n° 314, 1999-2000).
5° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la répression des rejets polluants des navires (n° 207, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 18 avril 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes.)
Mardi 24 avril 2001 :
A neuf heures trente :
1° Douze questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 993 de M. Philippe Richert à M. le Premier ministre (Réparations en faveur des enfants de déportés non juifs) ;

- n° 1007 de M. Gérard Delfau à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Statut des caisses d'épargne) ;

- n° 1024 de M. Ambroise Dupont à M. le ministre de l'intérieur (Maintien du personnel de la police de l'air et des frontières du port d'Ouistreham) ;

- n° 1033 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l'éducation nationale (Manque de personnel dans les établissements scolaires) ;

- n° 1035 de M. Roland Courteau à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Harcèlement moral au travail) ;

- n° 1036 de M. Bernard Dussaut à M. le ministre délégué à la santé (Devenir de l'hôpital de La Réole) ;

- n° 1037 de Mme Gisèle Printz à Mme le ministre de la culture et de la communication (Avenir des cinémas de proximité) ;

- n° 1038 de M. Ivan Renar à Mme le ministre de la culture et de la communication (Avenir de la production audiovisuelle publique) ;

- n° 1040 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Situation de l'association intercantonale d'aide à domicile pour personnes âgées à Tulle) ;

- n° 1042 de M. Roland du Luart à M. le ministre de l'éducation nationale (Financement par les conseils généraux des travaux de sécurité des collèges de l'enseignement privé) ;

- n° 1043 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Etat d'avancement de l'autoroute A 28) ;

- n° 1044 de M. Jean Besson à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Financement du service de l'enlèvement et de l'élimination des ordures ménagères).

A seize heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation sociale (n° 185, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé :
- de fixer à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- d'attribuer à la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes un temps d'intervention de quinze minutes ;

- de limiter à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 23 avril 2001.)

Mercredi 25 avril 2001 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation sociale (n° 185, 2000-2001).
A dix-sept heures quinze :
Communication de M. Bernard Stasi, Médiateur de la République, sur son rapport annuel, en application de la loi n° 2000-23 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Jeudi 26 avril 2001 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente :
1° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons (n° 115, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 25 avril 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A quinze heures :
2° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Claude Huriet relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale (n° 221, 2000-2001).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 25 avril 2001, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

A N N E X E
1. Questions orales européennes avec débat inscrites
à l'ordre du jour du jeudi 29 mars 2001

I. - M. Pierre Lefebvre interroge M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'important objectif que ce dernier a fixé de doubler le fret ferroviaire d'ici à 2010. Cet objectif constitue un enjeu crucial de société pour les décennies à venir. M. Pierre Lefebvre demande à M. le ministre, pour permettre une évolution significative des parts de marché entre les différents modes de transport et pour favoriser ainsi le rééquilibrage entre le rail et la route, si le Gouvernement envisage un engagement plus fort encore dans le domaine financier en particulier. Cet engagement permettrait de soutenir plus efficacement encore les entreprises publiques, la SNCF et RFF, qui s'inscrivent dans cet objectif. Enfin, M. Pierre Lefebvre interroge M. le ministre sur le bilan de sa présidence européenne du conseil des ministres des transports et sur les résultats des négociations dites du « paquet ferroviaire » (n° QE 12).
II. - M. Jacques Oudin interroge M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les objectifs et les moyens de la politique de l'Union européenne en matière de transports, à partir du triple constat d'une croissance rapide des besoins, d'une saturation des infrastructures et d'un retard dans la réalisation des réseaux transeuropéens. Il lui demande quelles sont les perspectives d'une relance de la libéralisation et de l'harmonisation dans le secteur des transports, quels sont les progrès à espérer en matière de sécurité routière et maritime, quel est l'état de la réflexion communautaire sur la tarification des infrastructures de transport et sur l'intermodalité, et quelles sont les modalités de financement prévues pour les réseaux transeuropéens de transport. Il lui demande quels projets français de grandes liaisons routières et ferroviaires sont inscrits au titre des réseaux transeuropéens de transport, et quelle aide l'Union européenne peut apporter à la France pour les réaliser (n° QE 10).

2. Question orale avec débat
inscrite à l'ordre du jour du jeudi 29 mars 2001

M. Jacques Valade attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la nécessité de mener et de développer une politique énergétique cohérente. En effet, aujourd'hui, du fait de l'accroissement des coûts énergétiques marqué par la flambée du prix des carburants, du fioul domestique et la hausse des tarifs du gaz, la politique énergétique de la France doit permettre aux entreprises et aux citoyens d'accéder à l'énergie la plus sûre et la plus compétitive possible. La politique énergétique de la France reste à définir, elle doit garantir la sécurité de l'approvisionnement national, éviter une trop forte dépendance énergétique de notre pays et respecter les obligations à l'égard de l'environnement, telles qu'elles ont été définies dans les accords internationaux à partir de Kyoto. Dans ce contexte, il lui demande quelle place le Gouvernement envisage d'accorder aux différents modes de production d'énergie électrique, sans choix arbitraire ou passionnel, et dans quelle mesure et par quels moyens le Gouvernement entend oeuvrer pour concilier les objectifs de sûreté et de compétitivité (n° 28).

3. Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 3 avril 2001

N° 982. - M. Bernard Fournier appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés rencontrées par les maîtrises de musique et de chant, et engendrées par l'interprétation des textes relatifs au travail des enfants. Les maîtrises tombent en effet sous le coup de la législation lorsqu'elles assurent des spectacles dans lesquels les enfants se produisent, lorsque ces prestations font l'objet de droit d'entrée pour les auditeurs. La présomption légale découlant de l'application de l'article L. 762-1 du code du travail confère ainsi aux maîtrises le statut d'employeur lorsqu'elles donnent des concerts. Des mises en examen d'artistes ont eu lieu sur le fondement de la prohibition du travail des enfants. Une insécurité juridique majeure est donc née de l'application stricte des textes du droit du travail. S'il n'est pas question de revenir sur la prohibition du travail des enfants, il lui demande de bien vouloir lui préciser le cadre légal dans lequel les maîtrises peuvent continuer à assurer des concerts où les enfants se produisent, lesquels constituent nécessairement un volet capital de la formation de ces jeunes chanteurs et musiciens.
N° 989. - M. Daniel Goulet considérant l'engouement pour les téléphones portables et les négociations en cours pour les attributions des autorisations pour les téléphones dits « de la prochaine génération » souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de certaines parties de la région de Basse-Normandie, et en particulier sur le département de l'Orne, en butte à des graves et persistants dysfonctionnements. En effet, notamment les zones de Tourouvre, de Vimoutiers, de Sées, de Carrouges ne sont pas couvertes par les réseaux de téléphonie mobile, quel que soit d'ailleurs l'opérateur. Il lui demande quelles mesures il compte prendre pour remédier à cette situation intolérable.
N° 1004. - M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation des titulaires d'un doctorat occupant un emploi-jeune. Malgré leur qualification importante et les discours ministériels des 23 juin 2000 et 11 octobre 2000 tenus respectivement devant les directeurs des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) et dans le cadre du projet de rénovation des IUFM, il semble que l'éducation nationale se désintéresse de leur sort, leur faible nombre, il est vrai, une soixantaine, ne risquant pas de provoquer de gros désordres devant le ministère. Pour autant, ne pas prendre en compte leur revendication c'est avaliser les dysfonctionnements d'un système mais c'est aussi les mépriser alors qu'ils ont fait bénéficier les IUFM de leur temps et de leur savoir. Il demande si le Gouvernement prévoit une solution globale pour régulariser une situation ubuesque mais ô combien dramatique pour les intéressés.
N° 1011. - M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les conséquences de la mise en oeuvre de la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 relative à la professionnalisation des armées. En effet, à un an de la fin définitive de la conscription, il lui demande, tout d'abord, de bien vouloir lui préciser le nombre global d'appelés incorporés au titre de la coopération et plus spécialement le nombre d'appelés servant, à ce titre, dans les services de nos ambassades et de nos consulats. Il lui demande enfin de bien vouloir lui faire savoir quels personnels il envisage d'affecter à ces postes qui, à partir du 1er janvier 2002, ne seront plus pourvus par la conscription.
N° 1015. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le financement du réseau d'eau potable. La plupart des collectivités distributrices d'eau potable (syndicats intercommunaux ou communes) ont recours à la perception d'un droit fixe de branchement en accueillant les nouveaux abonnés. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies fait part, dans sa lettre n° 161, d'une décision du Conseil d'Etat mettant en cause le versement d'un droit de branchement à l'occasion d'un nouveau raccordement au réseau de distribution d'eau potable. Les collectivités publiques, dès les années cinquante, ont entrepris une oeuvre considérable en dotant les milieux ruraux de réseaux d'eau potable. Certes, des subventions des pouvoirs publics ont été obtenues mais la majeure partie de ces importants investissements a été assurée par des emprunts à long terme. Le principe des droits de branchement est alors apparu comme une obligation pour honorer la charge de la dette. A ce jour, ces collectivités se trouvent encore lourdement endettées. Par ailleurs, elles doivent faire face à de coûteux investissements pour se conformer dans les meilleurs délais aux normes européennes. La perte éventuelle de la ressource des droits de branchement entraînerait une augmentation substantielle du prix de l'eau et ferait ainsi supporter aux abonnés, ayant déjà financé cette partie de l'investissement, une deuxième contribution, ce qui paraît injuste, immoral, et violerait le principe de l'équité des usagers devant le service public. Il est à noter que l'article L. 35-4 du code de la santé publique autorise la perception d'un droit de branchement pour le raccordement aux réseaux d'eaux usées. L'application de cette même mesure aux réseaux d'eau potable semble découler de la même logique. S'il en est autrement, on peut redouter de graves conséquences sur les équilibres financiers et les projets d'investissement des collectivités distributrices d'eau potable. Il lui demande de lui faire part de son sentiment sur ce problème.
N° 1016. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des locataires taxis. La Cour de cassation a rendu le 19 décembre 2000 un arrêt qui requalifie en contrat de travail un « contrat de location d'un véhicule équipé taxi ». En effet, le contrat de location aboutit à exonérer le loueur de toutes les responsabilités qu'un employeur normal devrait assumer et à priver le locataire, ni salarié, ni artisan, ni travailleur indépendant, de tout droit social. Lors de la rupture du contrat, il ne peut prétendre à des indemnités, pas plus qu'à des allocations de chômage et, lorsqu'il travaille, il ne peut exiger le respect ni du repos hebdomadaire ni des congés payés. La jurisprudence de la Cour de cassation est un coup de boutoir porté à cette réorganisation ultra-libérale du travail. Les parlementaires communistes ont déposé en mars 1998 une proposition de loi en ce sens, qui prévoit la suppression des contrats de louage. Il est plus que temps de mettre sa discussion à l'ordre du jour pour mettre fin au système de la location. Elle lui demande les intentions du Gouvernement à ce sujet.
N° 1017. - M. Xavier Darcos appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des médecins généralistes de Dordogne, réquisitionnés par arrêté préfectoral entré en vigueur pour la période du 23 décembre au 2 janvier dernier. D'une part, il s'étonne qu'il ait été fait usage à l'encontre de 120 médecins, sur les 400 que compte ce département, de mesures exceptionnelles résultant d'une loi du 11 juillet 1938 applicable en temps de guerre sans la moindre concertation préalable avec la profession qui l'avait pourtant réclamée ; d'autre part, il constate que la préfecture de Dordogne, pour assurer la continuité du service public, a soumis ces praticiens à des conditions de travail inacceptables : 228 heures consécutives d'injonction de travail obligatoire pouvant mettre en danger la santé des médecins et la vie des patients. Dès lors, il lui demande de bien vouloir lui apporter des précisions sur les motifs qui ont pu conduire à ces conditions exceptionnelles de réquisition, qui ne répondent aucunement aux pratiques utilisées dans les secteurs d'activité mettant en jeu la responsabilité ou la sécurité collective et de lui faire connaître les mesures qu'elle envisage de prendre pour réparer le préjudice subi par ces médecins. Par ailleurs, il souhaite connaître sa position sur l'opportunité d'apporter des modifications à la législation ou à la réglementation sur le droit de réquisition afin d'éviter que les abus dont ont été victimes les médecins généralistes de Dordogne et, par voie de conséquence, la population ne se reproduisent.
N° 1018. - M. le secrétaire d'Etat à l'industrie a indiqué le vendredi 8 décembre 2000 que l'accès forfaitaire à internet était un dossier majeur pour le développement d'internet, que cette mesure devait être effective au début de 2001, et que son coût serait financé par France Télécom. Or, à ce jour, les conditions d'une véritable concurrence entre les différents opérateurs, les conditions de fixation d'un niveau de prix susceptible de favoriser la démocratisation d'internet et le délai dans lequel l'offre d'interconnexion forfaitaire illimitée (IFI) sera opérationnelle restent très vagues. M. Jean-Paul Hugot demande à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie de préciser les informations dont il dispose sur l'avancée de l'IFI ainsi que les initiatives qu'il envisage de prendre afin que soient respectés les engagements pris par le Gouvernement en décembre dernier.
N° 1019. - M. Kléber Malécot attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les obligations des collectivités territoriales par rapport à leurs personnels en matière de prévoyance et d'assurance maladie complémentaire. En application de la circulaire du ministère de l'intérieur et de la sécurité publique n° B 9300063 C du 5 mars 1993, les collectivités territoriales ont la possibilité d'inscrire à leur budget des subventions en faveur de mutuelles dont leurs agents sont adhérents en application du principe de parité avec ceux de l'Etat et comme cela est admis en matière de prestations d'action sociale. Ces subventions sont limitées à 25 % des cotisations effectivement versées par les membres participants sans pouvoir excéder le tiers des charges entraînées par le service des prestations qui leur sont allouées. Elles sont destinées notamment à développer l'action sociale et à participer à la couverture des risques sociaux assurée par les mutuelles et ne peuvent prendre le caractère de complément de traitement. La circulaire n° 248 du 11 avril 1996 relative à la mise en oeuvre de la taxe sur les contributions pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance indique que l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics sont, en tant qu'employeurs, assujettis à la taxe dans les conditions de droit commun. Ainsi, la fraction d'une subvention allouée à une mutuelle représentant la part des prestations complémentaires de prévoyance dans l'ensemble des actions de cette mutuelle est soumise à la taxe. L'assiette de la taxe est constituée par les contributions à la prévoyance complémentaire servies par les régimes de base de sécurité sociale concernant les capitaux décès et allocations d'obsèques, les rentes de conjoint survivant ou d'orphelin, les prestations d'incapacité, les rentes d'invalidité, le remboursement de soins de santé. Il lui demande en premier lieu si une mutuelle de fonctionnaires et agents des collectivités territoriales qui assure à ses membres adhérents, en contrepartie de leurs cotisations, des remboursements en complément de ceux de la sécurité sociale (de frais médicaux pharmaceutiques, d'hospitalisation, soins dentaires, optique, des secours exceptionnels d'urgence, ainsi que des primes forfaitaires de mariage, naissance et décès, tant à l'adhérent qu'à son conjoint et ses enfants à charge, qu'ils soient en activité ou retraité) peut être considérée comme un organisme tiers financé pour des prestations relevant de la prévoyance lorsqu'elle perçoit des collectivités employeurs de ses adhérents en activité une subvention calculée à raison de 25 % de leur cotisation. Dans un tel cas, la subvention est versée à la mutuelle mais ne vient pas en déduction de la cotisation. Il ne s'agit donc pas d'une prise en charge même partielle de la cotisation sociale. Les prestations versées par la mutuelle étant financées en totalité et même au-delà par les seules cotisations des adhérents, la contribution des collectivités est une ressource qui assure le financement partiel des charges de la structure. Il lui demande enfin si, dans ces conditions, les collectivités sont assujetties à la taxe de prévoyance de 8 % et si leurs agents doivent subir les retenues contribution sociale généralisée (CSG) et contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) sur 25 % de leur cotisation.
N° 1020. - M. Jacques Oudin attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur le problème du recours excessif, par l'ensemble des ministères, à la procédure de mise à disposition des agents publics dans d'autres organismes ou administrations que ceux où ils sont censés travailler. Cette pratique facilitée par les dispositions des lois n° 84-16 du 11 janvier 1984 et n° 84-53 du 26 janvier 1984 et n° 91-715 du 26 juillet 1991 est un obstacle majeur à la transparence des comptes publics et à la connaissance des effectifs de la fonction publique. Les personnes concernées sont réputées occuper un emploi dans une administration ou un établissement public alors qu'en fait, elles exercent leurs fonctions dans un autre organisme, qu'il soit de statut public ou privé. Les administrations ou établissements publics d'origine continuent à les rémunérer sans bénéficier de contreparties financières. Leurs moyens d'action sont donc diminués d'autant alors même qu'ils ont, à leur demande, bénéficié de dotations budgétaires ou obtenu des ressources financières pour assumer des missions qu'ils ne remplissent pas. Quant aux organismes ou administrations bénéficiaires, ils disposent ainsi de moyens supplémentaires qui échappent au contrôle du législateur. La pratique des mises à disposition fausse donc de façon particulièrement grave la sincérité et la transparence des comptes publics comme l'a trop souvent dénoncé la Cour des comptes sans que ses remarques n'aient été suivies de la moindre action correctrice. De surcroît, ces pratiques rendent encore plus difficile, voire impossible, la connaissance des effectifs réels occupés par la fonction publique comme l'a montré la lenteur, l'imprécision voire l'absence de réponse aux questions posées à ce sujet par l'intervenant aux différents ministres dont les administrations sont concernées par ces errements. En conséquence, et dans le cadre des préoccupations manifestées par le Parlement pour la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles sont ses intentions pour réduire ces pratiques, modifier les textes qui les autorisent et engager une plus grande moralisation de la gestion des effectifs de la fonction publique. Il souhaite, enfin, savoir si le Parlement pourra disposer très rapidement des tableaux exhaustifs et précis faisant apparaître la totalité des effectifs concernés par ces pratiques et indiquant à la fois les administrations ou organismes d'origine et ceux qui en bénéficient.
N° 1021. - M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'état d'avancement des études sur la future viabilité du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines qui est fermé aux poids lourds depuis le 1er mars 2000. Parmi les conséquences de la suppression de ce passage, on note le transit et le report du flux des camions qui génèrent des nuisances pour la population concernée et l'impact économique pour les entreprises de fret. La logistique riveraine s'est considérablement compliquée. Le cabinet mandaté par la région pour élaborer une étude d'impact économique a évalué la perte à 252,4 MF par an, ce qui représente sur quatre ans une perte de 600 MF, qui serait majoritairement subie par les entreprises de la région. Les travaux nécessaires à la réouverture, hors danger, du tunnel sont axés sur deux possibilités : soit la construction d'un second tunnel, soit celle d'une galerie de sécurité servant de passage technique et d'évacuation des usagers. Cette dernière solution a été sélectionnée et des études sont en cours. La clé de répartition des financements n'a pas été fixée. Cette négociation de répartition était annoncée pour décembre 2000 mais elle n'a toujours pas eu lieu. Tout retard risque d'être mal perçu des populations car il a des conséquences financières qui s'ajoutent aux nuisances précitées sur les routes concernées. Il lui demande à quel stade en sont les négociations en cours et quelles sont ses intentions au sujet de ce passage qui fait sérieusement défaut aux transporteurs locaux.
N° 1022. - M. Jacques Donnay attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation de la délinquance dans le département du Nord et sa possible évolution, après la dépénalisation du cannabis en Belgique. En effet, la récente publication des chiffres de la délinquance en France pour l'année 2000 soulève de nombreuses inquiétudes. Le Nord - Pas-de-Calais n'échappe pas à la tendance nationale et affiche des pourcentages parfois étonnamment élevés. Lille accuse une recrudescence de la délinquance de 3,31 %, Roubaix de 6,62 %, Tourcoing de 7 %, Douai de 4 %, Dunkerque de 2,32 %, Valenciennes de 2,1 %, Maubeuge de 1 % et Cambrai de 5 %. Dans ce contexte, il est à craindre, au lendemain de l'annonce de la dépénalisation de l'usage du cannabis en Belgique, que l'exemple belge ne tarde pas à avoir une influence certaine sur les deux maux nordistes très présents : la délinquance croissante des mineurs et les trafics des stupéfiants. Le Nord était déjà l'une des régions les plus touchées par ce dernier phénomène en raison de sa proximité avec le marché libre des Pays-Bas, que va-t-il désormais en être puisque l'offre va incontestablement croître avec le cannabis qui circulera librement de l'autre côté d'une frontière, qui, pratiquement, n'existe pas ? Inéluctablement, cette nouvelle situation va entraîner une augmentation des trafics générateurs d'économie souterraine, une augmentation des trafics de stupéfiants, une augmentation des phénomènes de violence et, plus généralement, une montée de la délinquance dans les villes, les milieux périurbains et les zones rurales. En conséquence, il lui demande, face au risque de cette spirale, et donc d'une montée en puissance de la délinquance dans le département du Nord, quel plan d'actions il entend mettre en oeuvre.
N° 1025. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur la question des effets de seuil de la couverture maladie universelle (CMU). Ainsi, le plafond des ressources arrêté par les pouvoirs publics, soit 3 600 francs, pour bénéficier de la CMU complémentaire entraîne des cas d'exclusion : bénéficiaires de l'allocation adultes handicapés, minimum vieillesse entre autres. L'Etat, par l'intermédiaire des caisses primaires d'assurance maladie, demande aux départements de s'associer à une action d'incitation et de soutien envers ces personnes dont le revenu est compris entre 3 600 et 3 800 francs (seuil de pauvreté) et qui n'adhèrent pas à un organisme complémentaire. Les crédits consacrés par le département à la prise en charge de l'aide médicale des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse ont été prélevés sur la dotation globale de fonctionnement et restitués à l'Etat. Or, aujourd'hui, on sollicite les départements pour qu'ils consacrent de nouveaux crédits dans une aide facultative destinée à pallier les effets de seuil introduits par la loi. De surcroît, cela aurait pour conséquence de contredire le caractère universel de la CMU et introduirait une nouvelle aide individuelle donnée après appréciation de la situation particulière des intéressés et donc différente selon chaque département. Il lui demande donc de lui préciser les intentions du Gouvernement pour ne pas solliciter, encore une fois, les deniers des collectivités pour un programme centralisé.
N° 1026. - M. René-Pierre Signé attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les nouvelles technologies où il semble que le discours soit sensiblement en avance sur les technologies elles-mêmes. Est-il besoin de préciser que cet état de fait est plus vrai encore en zone rurale, sans nier les changements radicaux entraînés par l'introduction des nouvelles technologies de l'information dans nos sociétés. Internet, notamment et surtout, permet en effet de modifier en profondeur les méthodes de productivité puisqu'il abaisse fortement le coût de l'information entre les acteurs économiques. La relation avec les clients s'en trouve par ailleurs modifiée, l'offre de produit s'individualisant de plus en plus. Mais les changements ne se limitent pas à la sphère marchande puisque les citoyens voient eux aussi leurs rapports aux administrations évoluer vers plus de transparence, vers plus d'accessibilité. Internet est donc le vecteur d'une transformation essentielle de l'organisation de notre économie, et partant de là de notre société. C'est précisément ce qui doit nous pousser à fournir cette technologie à l'ensemble de la population, donc sur l'ensemble de notre territoire. Or les opérateurs n'investissent pas là où il n'y a pas de réseau dense d'entreprises, pas assez de population, il s'agit avant tout des zones rurales. Les nouvelles technologies sont donc loin de constituer la panacée pour le désenclavement de nos campagnes. La responsabilité des pouvoirs publics est ici clairement engagée. En somme, quelles actions peuvent être menées afin d'éviter l'affaiblissement annoncé des zones rurales, puisqu'elles semblent exclues de la dernière révolution technologique ? Moins radicalement, n'y a-t-il pas des mesures qui pourraient inciter les opérateurs à s'investir dans nos campagnes ?
N° 1027. - M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la concession de terrain faite par la SNCF à une entreprise privée de concassage industriel sur la commune de Montigny-le-Bretonneux (Yvelines). Le 9 janvier dernier, la SNCF a annoncé que, pour la première fois depuis plus de quinze ans, tous ses comptes seraient positifs, à l'issue de l'exercice 2000. M. Louis Gallois, son président, s'est même félicité d'avoir vécu une « année de croissance historique ». Or, parallèlement, la SNCF continue de concéder ses terrains _ qu'elle n'utilise plus _ à des entreprises privées qui mènent des activités bien peu compatibles à ce que l'on est en droit d'attendre d'un service public. Ainsi, la société Ypréma, implantée sur la commune de Montigny-le-Bretonneux dans les Yvelines, exploite un centre de recyclage de matériaux de démolition sur un terrain appartenant à la SNCF. A aucun moment, le concessionnaire public ne s'est interrogé sur les risques sanitaires qu'elle faisait courir à la population, en acceptant une telle activité industrielle sur ses propres terrains. Sait-on si, parmi les milliers de mètres cubes de poussières et de particules générées dans l'atmosphère, aucun résidu d'amiante ou de produits toxiques n'a jamais été dispersé, au gré des vents, jusqu'aux habitations voisines, depuis de si longues années ? En tant que maire de cette commune, il réclame la visite immédiate de M. le préfet sur les lieux de cette exploitation. Il est impératif que des prélèvements soient effectués dans l'air, ou dans les matériaux stockés, afin d'évaluer en toute impartialité les nuisances générées et les risques sanitaires que cette activité industrielle fait courir aux populations riveraines. Il lui demande enfin s'il trouve normal qu'en dépit d'un tel excédent financier une entreprise publique continue de gagner de l'argent, en louant ses terrains à une entreprise privée de concassage industriel, en plein coeur de ville, au mépris des pollutions atmosphériques que ces activités sont susceptibles d'engendrer pour la population, sans même s'inquiéter des retombées qu'elles peuvent avoir sur la santé publique de nos concitoyens.
N° 1028. - M. Robert Bret rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que l'association Sol en Si connaît de sérieux problèmes financiers pouvant être lourds de conséquences, à savoir de très probables restructurations, dans chacun des sept centres d'accueil, allant de la fermeture d'accueil de nuit à des licenciements économiques. Restructurations qui remettraient en cause, bien évidemment, les divers services de soutien mis en place pour répondre aux besoins des enfants et de leurs parents touchés par le sida. Créée en 1990 et reconnue d'utilité publique par décret du 5 juillet 1996, l'association Sol en Si a pris son envol et affirmé sa raison d'être à une époque où un grand vide faisait face aux familles touchées par le sida. Il serait inconcevable et inacceptable de voir ce réseau d'aide péricliter à l'heure où l'efficacité des nouveaux traitements permet à de nombreuses familles de pouvoir enfin envisager l'avenir, non plus sur du court terme, mais avec des échéances un peu plus lointaines. L'association, qui a toujours fonctionné grâce à des fonds privés pour l'essentiel et publics pour un tiers, voit ses moyens financiers baisser de façon très inquiétante. Pourtant le sida « frappe » toujours et l'efficacité des nouveaux traitements a modifié le rôle et le fonctionnement de Sol en Si qui apporte un soutien psychologique, moral et matériel dans la durabilité dorénavant. Il lui demande de nouveau quelles sont les intentions de l'Etat pour subvenir aux besoins de cette structure et mettre fin à cette crise financière.
N° 1029. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la très inquiétante diminution des effectifs dans les perceptions rurales des Pyrénées-Orientales.
N° 1030. - M. Henri de Richemont attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation de plus en plus difficile des éleveurs de bovins en région Charentes-Poitou. En effet, comme la plupart des régions en France, la région Charentes-Poitou subit de plein fouet la crise de la vache folle qui menace de faillite un grand nombre d'élevages bovins. La colère monte chez les producteurs qui sont désormais dans une situation très difficile et souhaitent la prise en charge des pertes liées à la chute des cours. Mais la crise de la vache folle qui dure depuis quelques mois touche, plus largement, tous les maillons de la filière bovine : certains abattoirs, notamment, enregistrent des pertes de près de 5 millions de francs par semaine, ce qui, on le comprend aisément, entraîne des risques de chômage technique pour les salariés... Se pose, plus largement, le problème de l'arrêt des ventes de jeunes bovins à destination des pays membres de la Communauté qui assuraient une source de revenus réguliers. Le refus de certains pays de l'Union européenne d'acheter les jeunes bovins en provenance de France constitue, d'une part, un manque à gagner pour les éleveurs et, d'autre part, représente un coût de plus en plus lourd à supporter pour ces éleveurs qui doivent désormais assumer la charge de l'entretien de ces jeunes bovins. Une aide significative de l'Etat et de l'Union européenne est donc nécessaire et urgente. C'est pourquoi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les dispositions que le Gouvernement entend proposer pour permettre, d'une part, le maintien du régime des primes spéciales jusqu'en 2006 et, d'autre part, l'instauration d'une aide directe aux éleveurs et aux différents maillons de la filière touchés par la crise mais aussi pour permettre aux éleveurs de compenser le manque à gagner lié à la « non-vente » des jeunes bovins à l'exportation.

AVIS DE DÉCÈS D'UN SÉNATEUR

M. le président du Sénat a le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs qu'il a été avisé du décès de M. François Abadie, sénateur des Hautes-Pyrénées, survenu le 2 mars 2001.

DÉMISSION D'UN SÉNATEUR

Dans sa séance du 27 mars 2001, le Sénat a pris acte de la démission de M. Bertrand Delanoë de son mandat de sénateur de Paris.

REMPLACEMENT DE SÉNATEURS

Conformément aux articles LO 325 et LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 319 du code électoral M. François Fortassin est appelé à remplacer, à compter du 3 mars 2001, en qualité de sénateur des Hautes-Pyrénées, M. François Abadie, décédé le 2 mars 2001.
Conformément à l'article LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 320 du code électoral M. Jean-Yves Mano est appelé à remplacer en qualité de sénateur de Paris, à compter du 28 mars 2001, M. Bertrand Delanoë, démissionnaire de son mandat.

MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE SOCIALISTE
(73 membres au lieu de 74)

Supprimer le nom de M. Bertrand Delanoë.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE
ET SOCIAL EUROPÉEN
(22 membres au lieu de 21)

Ajouter le nom de M. Pierre Guichard.
Supprimer le nom de M. François Abadie.
Ajouter le nom de M. François Fortassin.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(8 au lieu de 7)

Ajouter le nom de M. Jean-Yves Mano.

COMMUNICATION RELATIVE À LA CONSULTATION
DES ASSEMBLÉES D'OUTRE-MER

M. le président du Sénat a reçu, le 26 mars 2001, de M. le Premier ministre une communication relative à la consultation de l'assemblée de la Polynésie française, du congrès de Nouvelle-Calédonie et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna sur le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Ce document a été transmis à la commission compétente.

NOMINATIONS DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES

Dans sa séance du mardi 27 mars 2001, le Sénat a nommé membres de la commission des affaires culturelles :
M. Pierre Guichard, en remplacement de M. Pierre Jeambrun, décédé ;
M. François Fortassin, en remplacement de M. François Abadie, décédé.

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE
ET DES FORCES ARMÉES

M. Paul Masson a été nommé rapporteur du projet de loi n° 220 (2000-2001), autorisant l'approbation du protocole additionnel au protocole de Sangatte entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Charles Descours a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 217 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant création d'une prime pour l'emploi, dont la commission des finances est saisie au fond.

COMMISSION DES FINANCES

M. Philippe Marini a été nommé rapporteur du projet de loi n° 217 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant création d'une prime pour l'emploi.
M. Philippe Marini a été nommé rapporteur du projet de loi n° 219 (2000-2001) portant ratification de l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie législative du code monétaire et financier.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Obligations des collectivités territoriales en matière de prévoyance
et d'assurance maladie complémentaire

1019. - 9 février 2001. - M. Kléber Malécot attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les obligations des collectivités territoriales par rapport à leurs personnels en matière de prévoyance et d'assurance maladie complémentaire. En application de la circulaire du ministère de l'intérieur et de la sécurité publique n° B 9300063 C du 5 mars 1993, les collectivités territoriales ont la possibilité d'inscrire à leur budget des subventions en faveur de mutuelles dont leurs agents sont adhérents en application du principe de parité avec ceux de l'Etat et comme cela est admis en matière de prestations d'action sociale. Ces subventions sont limitées à 25 % des cotisations effectivement versées par les membres participants sans pouvoir excéder le tiers des charges entraînées par le service des prestations qui leur sont allouées. Elles sont destinées notamment à développer l'action sociale et à participer à la couverture des risques sociaux assurée par les mutuelles et ne peuvent prendre le caractère de complément de traitement. La circulaire n° 248 du 11 avril 1996 relative à la mise en oeuvre de la taxe sur les contributions pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance indique que l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics sont en tant qu'employeurs assujettis à la taxe dans les conditions de droit commun. Ainsi, la fraction d'une subvention allouée à une mutuelle représentant la part des prestations complémentaires de prévoyance dans l'ensemble des actions de cette mutuelle est soumise à la taxe. L'assiette de la taxe est constituée par les contributions à la prévoyance complémentaire servies par les régimes de base de sécurité sociale concernant les capitaux décès et allocations d'obsèques, les rentes de conjoint survivant ou d'orphelin, les prestations d'incapacité, les rentes d'invalidité, le remboursement de soins de santé. Il lui demande en premier lieu si une mutuelle de fonctionnaires et agents des collectivités territoriales qui assure à ses membres adhérents en contrepartie de leurs cotisations, des remboursements en complément de ceux de la sécurité sociale (de frais médicaux pharmaceutiques, d'hospitalisation, soins dentaires, optique, des secours exceptionnels d'urgence, ainsi que des primes forfaitaires de mariage, naissance et décès, tant à l'adhérent qu'à son conjoint et ses enfants à charge, qu'ils soient en activité ou retraité) peut être considérée comme un organisme tiers financé pour des prestations relevant de la prévoyance lorsqu'elle perçoit des collectivités employeurs de ses adhérents en activité une subvention calculée à raison de 25 % de leur cotisation. Dans un tel cas, la subvention est versée à la mutuelle, mais ne vient pas en déduction de la cotisation. Il ne s'agit donc pas d'une prise en charge même partielle de la cotisation sociale. Les prestations versées par la mutuelle étant financées en totalité et même au-delà par les seules cotisations des adhérents, la contribution des collectivités est une ressource qui assure le financement partiel des charges de la structure. Il lui demande enfin si, dans ces conditions, les collectivités sont assujetties à la taxe de prévoyance de 8 % et si leurs agents doivent subir les retenues contribution sociale généralisée (CSG) et contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) sur 25 % de leur cotisation.

Recours excessif à la procédure de mise à disposition
des agents publics

1020. - 10 février 2001. - M. Jacques Oudin attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur le problème du recours excessif, par l'ensemble des ministères, à la procédure de mise à disposition des agents publics dans d'autres organismes ou administrations que ceux où ils sont censés travailler. Cette pratique facilitée par les dispositions des lois n° 84-16 du 11 janvier 1984 et n° 84-53 du 26 janvier 1984 et n° 91-715 du 26 juillet 1991 est un obstacle majeur à la transparence des comptes publics et à la connaissance des effectifs de la fonction publique. Les personnes concernées sont réputées occuper un emploi dans une administration ou un établissement public alors qu'en fait elles exercent leurs fonctions dans un autre organisme, qu'il soit de statut public ou privé. Les administrations ou établissements publics d'origine continuent à les rémunérer sans bénéficier de contreparties financières. Leurs moyens d'action sont donc diminués d'autant, alors même qu'ils ont, à leur demande, bénéficié de dotations budgétaires ou obtenu des ressources financières pour assumer des missions qu'ils ne remplissent pas. Quant aux organismes ou administrations bénéficiaires, ils disposent ainsi de moyens supplémentaires qui échappent au contrôle du législateur. La pratique des mises à disposition fausse donc de façon particulièrement grave la sincérité et la transparence des comptes publics comme l'a trop souvent dénoncé la Cour des comptes sans que ses remarques n'aient été suivies de la moindre action correctrice. De surcroît, ces pratiques rendent encore plus difficile, voire impossible, la connaissance des effectifs réels occupés par la fonction publique, comme l'ont montré la lenteur, l'imprécision, voire l'absence de réponse aux questions posées à ce sujet par l'intervenant aux différents ministres dont les administrations sont concernées par ces errements. En conséquence, et dans le cadre des préoccupations manifestées par le Parlement pour la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles sont ses intentions pour réduire ces pratiques, modifier les textes qui les autorisent et engager une plus grande moralisation de la gestion des effectifs de la fonction publique. Il souhaite, enfin, savoir si le Parlement pourra disposer très rapidement des tableaux exhaustifs et précis faisant apparaître la totalité des effectifs concernés par ces pratiques et indiquant à la fois les administrations ou organismes d'origine et ceux qui en bénéficient.

Remise en circulation du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines

1021. - 13 février 2001. - M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'état d'avancement des études sur la future viabilité du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines qui est fermé aux poids lourds depuis le 1er mars 2000. Parmi les conséquences de la suppression de ce passage, on note le transit et le report du flux des camions qui génèrent des nuisances pour la population concernée et l'impact économique pour les entreprises de fret. La logistique riveraine s'est considérablement compliquée. Le cabinet mandaté par la région pour élaborer une étude d'impact économique a évalué la perte à 252,4 MF par an, ce qui représente sur quatre ans une perte de 600 MF, qui serait majoritairement subie par les entreprises de la région. Les travaux nécessaires à la réouverture, hors danger, du tunnel sont axés sur deux possibilités : soit la construction d'un second tunnel, soit celle d'une galerie de sécurité servant de passage technique et d'évacuation des usagers. Cette dernière solution a été sélectionnée et des études sont en cours. La clé de répartition des financements n'a pas été fixée. Cette négociation de répartition était annoncée pour décembre 2000 mais elle n'a toujours pas eu lieu. Tout retard risque d'être mal perçu des populations car il a des conséquences financières qui s'ajoutent aux nuisances précitées sur les routes concernées. Il lui demande à quel stade en sont les négociations en cours et quelles sont ses intentions au sujet de ce passage qui fait sérieusement défaut aux transporteurs locaux.

Délinquance et dépénalisation du cannabis

1022. - 15 février 2001. - M. Jacques Donnay attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation de la délinquance dans le département du Nord et sa possible évolution, après la dépénalisation du cannabis en Belgique. En effet, la récente publication des chiffres de la délinquance en France, pour l'année 2000, soulève de nombreuses inquiétudes. Le Nord - Pas-de-Calais n'échappe pas à la tendance nationale et affiche des pourcentages parfois étonnamment élevés. Lille accuse un recrudescence de la délinquance de 3,31 %, Roubaix de 6,62 %, Tourcoing de 7 %, Douai de 4 %, Dunkerque de 2,32 %, Valenciennes de 2,1 %, Maubeuge de 1 % et Cambrai de 5 %. Dans ce contexte, il est à craindre, au lendemain de l'annonce de la dépénalisation de l'usage du cannabis en Belgique, que l'exemple belge ne tarde pas à avoir une influence certaine sur les deux maux nordistes très présents : la délinquance croissante des mineurs et les trafics des stupéfiants. Le Nord était déjà l'une des régions les plus touchées par ce dernier phénomène en raison de sa proximité avec le marché libre des Pays-Bas, que va-t-il désormais en être puisque l'offre va incontestablement croître avec le cannabis qui circulera librement de l'autre côté d'une frontière qui, pratiquement, n'existe pas ? Inéluctablement, cette nouvelle situation va entraîner une augmentation des trafics générateurs d'économie souterraine, une augmentation des trafics de stupéfiants, une augmentation des phénomènes de violence et, plus généralement, une montée de la délinquance dans les villes, les milieux péri-urbains et les zones rurales. En conséquence, il lui demande, face au risque de cette spirale, et donc d'une montée en puissance de la délinquance dans le département du Nord, quel plan d'actions il entend mettre en oeuvre.

Etat d'avancement du projet de TGV Rhin-Rhône

1023. - 16 février 2001. - M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'état d'avancement du projet de TGV Rhin-Rhône. Le coût de ce projet qui détermine l'avenir de trois régions (Alsace, Bourgogne et Franche-Comté) est très inférieur au projet Lyon-Turin (70 milliards de francs) pour lequel le Gouvernement prend des engagements ; or son intérêt européen n'est pas moindre et son utilité est reconnue, de même que sa rentabilité qui sera supérieure à d'autres projets déjà financés. Or, l'enquête publique relative à la branche Est dont la réalisation conditionne la suite du projet, entre autres la branche Sud, vient de recevoir l'avis favorable des commissaires enquêteurs. Un tour de table des trois régions, de la Confédération helvétique et de l'Union européenne aurait pu être entamé dès mars 2000 à la nomination du mandataire pour cette mission. Pour l'Etat et le Réseau ferré de France (RFF), qui n'ont pas encore déterminé le montant de leur contribution respective, ce projet n'est pas totalement couvert par les divers partenaires. Or l'engagement de la Suisse et de l'Union européenne et le montant de leur participation dépendent de celui de l'Etat et du RFF. L'Etat s'est engagé pour le TGV Est à hauteur de 3,45 milliards de francs étalés sur cinq ans dès 2003, dans la perspective d'une mise en service en 2008 ; un engagement de l'Etat similaire est attendu pour le TGV Rhin-Rhône afin de mettre sur pied un comité de pilotage à très brève échéance. Les régions Alsace, Bourgogne et Franche-Comté ont pris, quant à elles, leurs responsabilités : elles ont arrêté entre elles la clé de répartition de la part de financement qui leur reviendra et leurs assemblées respectives ont approuvé cette répartition. Sera-t-il possible très bientôt de connaître le montant des contributions de l'Etat et du RFF ainsi que l'échéancier de leur mise à disposition, afin de ne pas freiner davantage la réalisation de ce projet prometteur d'expansion, dans le cadre de la priorité affirmée par le Gouvernement en faveur du transport ferroviaire ?

Maintien du personnel de la police de l'air
et des frontières du port d'Ouistreham

1024. - 19 février 2001. - M. Ambroise Dupont appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la récente décision de retirer du port de Ouistreham les 18 personnes de la police de l'air et des frontières (PAF) qui y travaillent. Cette décision est très préoccupante : d'une part, il paraît fort improbable que la douane et la gendarmerie puissent assurer le travail de la PAF, comme il nous l'a été dit. Deux entités ayant déjà leurs propres travail et responsabilité peuvent-elles remplacer dix-huit personnes dont les moyens sont plus importants ? D'autre part, la douane n'a pas de compétences judiciaires pour interpeller les clandestins. Et que se passera-t-il si la gendarmerie dépasse, pour arriver sur les lieux d'appréhension des passagers clandestins, le délai de garde à vue récemment réduit à une heure ? Le port de Ouistreham accueille des cargos en provenance de tous les continents et notamment d'Afrique. Il enregistre un transit de plus d'un million de passagers et cent mille camions. Un nouveau car-ferry sera bientôt mis en service entre Ouistreham et Portsmouth. Le développement du transport de passagers et marchandises qui devrait s'ensuivre risque fort d'être nul car les transporteurs routiers vont hésiter, voire renoncer à passer par Ouistreham s'il n'y a plus de police de l'air et des frontières. Les transporteurs britanniques doivent payer de fortes amendes si des passagers clandestins sont découverts dans leur véhicule. Pour toutes ces raisons et dans un contexte d'augmentation continue du nombre de passagers clandestins, c'est moins le moment que jamais de relâcher le contrôle. C'est pourquoi il insiste avec la plus grande vigueur pour que le personnel de la PAF soit maintenu sur le port de Ouistreham.

Effets de seuil de la couverture maladie universelle

1025. - 21 février 2001. - M. Fernand Demilly attire l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur la question des effets de seuil de la couverture maladie universelle (CMU). Ainsi, le plafond des ressources arrêté par les pouvoirs publics soit 3 600 francs, pour bénéficier de la CMU complémentaire, entraîne des cas d'exclusion : bénéficiaires de l'allocation adultes handicapés, minimum vieillesse entre autres. L'Etat, par l'intermédiaire des caisses primaires d'assurance maladie, demande aux départements de s'associer à une action d'incitation et de soutien envers ces personnes dont le revenu est compris entre 3 600 et 3 800 francs (seuil de pauvreté) et qui n'adhèrent pas à un organisme complémentaire. Les crédits consacrés par le département à la prise en charge de l'aide médicale des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse ont été prélevés sur la dotation globale de fonctionnement et restitués à l'Etat. Or, aujourd'hui, on sollicite les départements pour qu'ils consacrent de nouveaux crédits dans une aide facultative destinée à pallier les effets de seuil introduits par la loi. De surcroît, ceci aurait pour conséquence de contredire le caractère universel de la CMU et introduirait une nouvelle aide individuelle donnée après appréciation de la situation particulière des intéressés et donc différente selon chaque département. Il lui demande donc de lui préciser les intentions du Gouvernement pour ne pas solliciter, encore une fois, les deniers des collectivités pour un programme centralisé.

Développement des nouvelles technologies en zone rurale

1026. - 22 février 2001. - M. René-Pierre Signé attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les nouvelles technologies où il semble que le discours soit sensiblement en avance sur les technologies elles-mêmes. Est-il besoin de préciser que cet état de fait est plus vrai encore en zone rurale, sans nier les changements radicaux entraînés par l'introduction des nouvelles technologies de l'information dans nos sociétés ? Internet, notamment et surtout, permet en effet de modifier en profondeur les méthodes de productivité puisqu'il abaisse fortement le coût de l'information entre les acteurs économiques. La relation avec les clients s'en trouve par ailleurs modifiée, l'offre de produit s'individualisant de plus en plus. Mais les changements ne se limitent pas à la sphère marchande puisque les citoyens voient eux aussi leurs rapports aux administrations évoluer vers plus de transparence, vers plus d'accessibilité. Internet est donc le vecteur d'une transformation essentielle de l'organisation de notre économie, et partant de là de notre société. C'est précisément ce qui doit nous pousser à fournir cette technologie à l'ensemble de la population, donc sur l'ensemble de notre territoire. Or les opérateurs n'investissent pas là où il n'y a pas de réseau dense d'entreprises, pas assez de population, il s'agit avant tout des zones rurales. Les nouvelles technologies sont donc loin de constituer la panacée pour le désenclavement de nos campagnes. La responsabilité des pouvoirs publics est ici clairement engagée. En somme, quelles actions peuvent être menées afin d'éviter l'affaiblissement annoncé des zones rurales, puisqu'elles semblent exclues de la dernière révolution technologique ? Moins radicalement, n'y a-t-il pas des mesures qui pourraient inciter les opérateurs à s'investir dans nos campagnes ?

Concession de terrain faite par la SNCF
à une entreprise privée de concassage industriel
sur la commune de Montigny-le-Bretonneux (Yvelines)

1027. - 22 février 2001. - M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la concession de terrain faite par la SNCF à une entreprise privée de concassage industriel sur la commune de Montigny-le-Bretonneux (Yvelines). Le 9 janvier dernier, la SNCF a annoncé que, pour la première fois depuis plus de quinze ans, tous ses comptes seraient positifs, à l'issue de l'exercice 2000. M. Louis Gallois, son président, s'est même félicité d'avoir vécu une « année de croissance historique ». Or, parallèlement, la SNCF continue de concéder ses terrains _ qu'elle n'utilise plus _ à des entreprises privées qui mènent des activités bien peu compatibles avec ce que l'on est en droit d'attendre d'un service public. Ainsi, la société Ypréma, implantée sur la commune de Montigny-le-Bretonneux dans les Yvelines, exploite un centre de recyclage de matériaux de démolition sur un terrain appartenant à la SNCF. A aucun moment, le concessionnaire public ne s'est interrogé sur les risques sanitaires qu'elle faisait courir à la population, en acceptant une telle activité industrielle sur ses propres terrains. Sait-on si, parmi les milliers de mètres cubes de poussières et de particules générées dans l'atmosphère, aucun résidu d'amiante ou de produits toxiques n'a jamais été dispersé, au gré des vents, jusqu'aux habitations voisines, depuis de si longues années ? En tant que maire de cette commune, il réclame la visite immédiate de M. le préfet sur les lieux de cette exploitation. Il est impératif que des prélèvements soient effectués dans l'air, ou dans les matériaux stockés, afin d'évaluer en toute impartialité les nuisances générées et les risques sanitaires que cette activité industrielle fait courir aux populations riveraines. Il lui demande enfin s'il trouve normal qu'en dépit d'un tel excédent financier une entreprise publique continue de gagner de l'argent, en louant ses terrains à une entreprise privée de concassage industriel, en plein coeur de ville, au mépris des pollutions atmosphériques que ces activités sont susceptibles d'engendrer pour la population, sans même s'inquiéter des retombées qu'elles peuvent avoir sur la santé publique de nos concitoyens.

Devenir de l'association Solidarité Enfants Sida

1028. - 26 février 2001. - M. Robert Bret rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que l'association Sol en Si connaît de sérieux problèmes financiers pouvant être lourds de conséquences, à savoir de très probables restructurations, dans chacun des sept centres d'accueil, allant de la fermeture d'accueil de nuit à des licenciements économiques. Restructurations qui remettraient en cause, bien évidemment, les divers services de soutien mis en place pour répondre aux besoins des enfants et de leurs parents touchés par le sida. Créée en 1990 et reconnue d'utilité publique par décret du 5 juillet 1996, l'association Sol en Si a pris son envol et affirmé sa raison d'être à une époque où un grand vide faisait face aux familles touchées par le sida. Il serait inconcevable et inacceptable de voir ce réseau d'aide péricliter à l'heure où l'efficacité des nouveaux traitements permet à de nombreuses familles de pouvoir enfin envisager l'avenir, non plus sur du court terme, mais avec des échéances un peu plus lointaines. L'association, qui a toujours fonctionné grâce à des fonds privés pour l'essentiel et publics pour un tiers, voit ses moyens financiers baisser de façon très inquiétante. Pourtant, le sida « frappe » toujours et l'efficacité des nouveaux traitements a modifié le rôle et le fonctionnement de Sol en Si qui apporte un soutien psychologique, moral et matériel dans la durabilité dorénavant. Il lui demande de nouveau quelles sont les intentions de l'Etat pour subvenir aux besoins de cette structure et mettre fin à cette crise financière.

Diminution des effectifs des perceptions des Pyrénées-Orientales

1029. - 26 février 2001. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la très inquiétante diminution des effectifs dans les perceptions rurales des Pyrénées-Orientales.

Conséquence de la crise de la vache folle en Charente

1030. - 26 février 2001. - M. Henri de Richemont attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la situation de plus en plus difficile des éleveurs de bovins en région Charentes-Poitou. En effet, comme la plupart des régions en France, la région Charentes-Poitou subit de plein fouet la crise de la vache folle qui menace de faillite un grand nombre d'élevages bovins. La colère monte chez les producteurs qui sont désormais dans une situation très difficile et souhaitent la prise en charge des pertes de revenus liées à la chute des cours. Mais la crise de la vache folle qui dure depuis quelques mois touche, plus largement, tous les maillons de la filière bovine : certains abattoirs, notamment, enregistrent des pertes de près de 5 millions de francs par semaine, ce qui, on le comprend aisément, entraîne des risques de chômage technique pour les salariés... Se pose, plus largement, le problème de l'arrêt des ventes de jeunes bovins à destination des pays membres de la Communauté qui assuraient une source de revenus réguliers. Le refus de certains pays de l'Union européenne d'acheter les jeunes bovins en provenance de France constitue, d'une part, un manque à gagner pour les éleveurs et, d'autre part, représente un coût de plus en plus lourd à supporter pour ces éleveurs qui doivent désormais assumer la charge de l'entretien de ces jeunes bovins. Une aide significative de l'Etat et de l'Union européenne est donc nécessaire et urgente. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer les dispositions que le Gouvernement entend proposer pour permettre, d'une part, le maintien du régime des primes spéciales jusqu'en 2006 et, d'autre part, l'instauration d'une aide directe aux éleveurs et aux différents maillons de la filière touchés par la crise mais aussi pour permettre aux éleveurs de compenser le manque à gagner lié à la « non-vente » des jeunes bovins à l'exportation.

Projets autoroutiers

1031. - 28 février 2001. - M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur un courrier qu'il lui a adressé le 16 mai 2000, et resté, à ce jour, sans réponse. Un accusé de réception du ministère a été fait le 13 juin 2000. Le 7 novembre 2000, il lui a fait parvenir un nouveau courrier indiquant qu'il avait, à cette époque, un besoin urgent de réponse à ces questions qui sont les suivantes : quels sont les différents projets de construction d'autoroutes ? Quel est le nombre de kilomètres d'autoroutes déjà construits, actuellement en construction et actuellement en prévision ? Il le remercie donc de bien vouloir lui répondre.

Elaboration du projet de loi
sur la modernisation du système de santé

1032. - 1er mars 2001. - M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur le retard pris par ses services dans l'élaboration du projet de loi sur la modernisation du système de santé. Malgré les annonces répétées du Gouvernement, ce projet de loi semble en panne. En effet, la troisième partie du texte concernant l'indemnisation de l'aléa thérapeutique et l'assurabilité des risques aggravés n'est pas achevée, les derniers arbitrages interministériels définitifs restent à faire et aucune place n'a été, à ce jour, réservée au projet dans le calendrier parlementaire. Malgré les demandes répétées de nombre d'associations, ni le Premier ministre ni ses services n'ont jugé bon de répondre à leurs interrogations et d'apaiser leurs craintes. Ainsi, les Françaises et les Français ont-ils le sentiment d'avoir été trompés aussi bien sur le caractère prioritaire de ce projet et sur les intentions du Gouvernement de faire participer les associations à son élaboration, que sur la volonté politique de celui-ci de reconnaître les droits individuels et collectifs des usagers du système de santé et, partant, de réformer les institutions sanitaires. Ce dossier concerne au premier chef la vie quotidienne de tous les Français. Or, durant ces derniers mois, nombre d'associations n'ont pas ménagé leurs efforts pour souligner l'urgence des décisions à prendre en matière de santé et pour prolonger leurs analyses par des propositions constructives. Il lui demande donc s'il peut lui apporter quelques informations rassurantes à ce sujet.

Manque de personnel dans les établissements scolaires

1033. - 3 mars 2001. - M. Jean-Claude Carle souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les difficultés que rencontrent un certain nombre d'établissements scolaires pour entretenir leur réseau informatique. Bien évidemment, on ne peut que se réjouir des efforts entrepris par l'Etat et les collectivités locales pour doter les collèges et lycées en matériel performant. Néanmoins, chacun sait que l'entretien de ce type d'équipement nécessite de réelles compétences en la matière. Or, force est de constater que ce personnel qualifié fait actuellement défaut. Cette carence nuit gravement à la bonne utilisation des matériels. Cette situation n'est pas sans rappeler celles que connaissent de nombreux lycées et collèges en matière d'entretien et de maintenance des bâtiments. Départements et régions, dans le cadre des lois de décentralisation, ont réalisé des investissements considérables pour construire, restructurer ou rénover les établissements dont ils ont la charge. Parallèlement, l'Etat n'a pas accompagné l'effort des collectivités locales et n'a pas créé les postes de personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service (ATOS) nécessaires au bon entretien et à la maintenance de ces bâtiments. Il a déjà eu l'occasion de le souligner à maintes reprises. C'est d'autant plus regrettable que, dans le même temps, de nombreux postes d'enseignants ont été créés, alors que ces derniers sont déjà en surnombre. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement compte prendre des mesures pour faire face au problème spécifique de l'entretien des matériels et des réseaux informatiques par la création de postes d'agents spécialisés, la reconversion du personnel au sein du ministère ou encore par l'externalisation de cette activité à l'instar de la restauration dans certains établissements. Il s'interroge également sur l'action du Gouvernement face au déficit chronique en personnel ATOS, maillon indispensable au bon fonctionnement de la chaîne éducative.

Manque de postes d'enseignants du premier degré
dans l'académie de Paris

1034. - 5 mars 2001. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le manque de postes dans le premier degré à Paris. Celui-ci combiné au manque de locaux a des conséquences néfastes comme la scolarisation insuffisante et même dans certains endroits la non-scolarisation des enfants de moins de trois ans, une adaptation et intégration scolaire (AIS) en détresse et aucun moyen pour les nouveaux enseignements. La dotation supplémentaire de neuf postes prévue ne correspond qu'à l'augmentation des effectifs prévus mais ne permet pas d'avancer sur les objectifs prioritaires que l'académie s'est pourtant fixée elle-même, dans lesquels figurent notamment une scolarisation accrue des moins de trois ans, l'efficience des remplacements et la transformation de classes de perfectionnement en classe d'intégration scolaire (CLIS) et classes d'adaptation. Pour toutes ces raisons, nombre d'organisations des enseignants et des parents d'élèves revendiquent une dotation supplémentaire de 60 postes qui paraît répondre à un minimum des besoins d'urgence. Elle lui demande quels moyens supplémentaires il compte effectuer pour répondre aux besoins ?

Harcèlement moral au travail

1035. - 5 mars 2001. - M. Roland Courteau expose à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que la proportion des salariés français victimes de ce que l'on nomme harcèlement moral au travail ou harcèlement psychologique a tendance à s'accroître. Il lui rappelle que ce phénomène se traduit de différentes manières et de façon répétitive par des agressions verbales, humiliations, vexations, refus de communication ou encore pressions psychologiques diverses - mutations ou changements de postes - dans le but de déstabiliser le salarié. Si le harcèlement moral au travail peut être le fait de dérives perverses de supérieurs, et plus rarement de collègues, il peut aussi, en certains cas, être un moyen de pousser le salarié à la démission et d'échapper ainsi aux procédures légales de licenciement. Par ailleurs, et selon certaines sources, « les personnes de plus de cinquante ans et celles occupant une responsabilité syndicale sont davantage exposées que les autres ». Ainsi, la répétition de ces agressions ou autres brimades constitue des atteintes à la dignité humaine, conduisent les salariés qui en sont victimes à de dures souffrances, anxiété généralisée, troubles du sommeil, voire à des tendances suicidaires et se traduisent par une détérioration « intentionnelle » des conditions de travail, ce qui constitue un abus de droit indiscutable et inacceptable. Or, si le harcèlement sexuel est puni depuis la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992, il apparaît que les dispositions du droit en vigueur concernant le harcèlement moral au travail manquent en réalité d'efficacité. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son sentiment sur les dispositifs actuellement applicables au harcèlement moral au travail et s'il ne lui apparaît pas nécessaire et urgent de proposer le renforcement des mesures législatives permettant de mieux prévenir et de sanctionner de telles pratiques, comme c'est le cas pour d'autres législations européennes.

Devenir de l'hôpital de La Réole

1036. - 6 mars 2001. - M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur le devenir de l'hôpital de La Réole en Gironde et de ses services de chirurgie et d'urgence. En effet, la décision de fermeture du service de maternité au 30 mars 2001 prise par l'agence régionale d'hospitalisation d'Aquitaine conduira à une situation désastreuse et entraînera la disparition quasi automatique des urgences et du service de chirurgie car il n'y aura plus de médecin anesthésiste sur le site réolais. Pourtant, avec 258 accouchements réalisés au cours de l'année 2000, on constate un taux de progression de 50 % par rapport à 1999 du nombre d'accouchements pratiqués. Si cette décision était confirmée, l'hôpital ne serait plus, à terme, en mesure d'assurer sa mission de service public. Les répercussions sur le développement économique local et sur la sécurité des habitants seraient alors très préoccupantes. Lui demandant de bien vouloir prendre en compte également la démission, dès l'annonce de la fermeture, des sept médecins pompiers du centre de secours de La Réole qui travaillaient avec l'hôpital ainsi que la mobilisation des médecins libéraux qui ont déposé un préavis de grève à compter du 26 février dernier, il souhaiterait savoir comment il envisage l'avenir de l'hôpital de La Réole.

Avenir des cinémas de proximité

1037. - 8 mars 2001. - Mme Gisèle Printz appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les conséquences de l'implantation des multiplexes cinématographiques en périphérie pour le cinéma de proximité. En effet, beaucoup de salles situées au coeur des villes, des villages et des quartiers ont dû fermer alors qu'elles constituaient souvent l'unique forme de sortie culturelle et d'animation sociale de la commune. Les « survivants », exploitants privés, associatifs ou publics sont aujourd'hui très inquiets quant à leur avenir au même titre que les élus et les citoyens. Si l'heure n'est plus aujourd'hui de remettre en cause l'existence même des multiplexes, il semblerait opportun de contrôler leur prolifération. Elle cite l'exemple de son département où deux complexes étaient implantés à 30 km l'un de l'autre, un troisième a ouvert entre les deux et un quatrième a récemment obtenu l'autorisation de construire. Elle comprend donc les craintes des petits exploitants, dont l'imagination, les initiatives ne pourront bientôt plus rien faire, face à des adversaires aux armes démesurées et de plus en plus nombreux. Lui rappelant son attachement à la culture de proximité accessible à tous, à une diversité de programmes, à une animation des centres-villes en partenariat avec les associations ainsi qu'à un développement des actions culturelles au coeur des villages et des quartiers, elle en appelle à sa vigilance et lui propose des pistes de réflexion en vue de la survie des cinémas de quartiers, et pour que soit maintenue l'égalité d'accès à l'offre cinématographique sur l'ensemble du territoire. Celles-ci tiennent tout d'abord en la création d'un fonds public pour le maintien et la modernisation des salles de proximité ainsi que pour l'encouragement à la diffusion des films d'art et d'essai. Elles tiennent ensuite à une réforme des commissions départementales d'équipement commerciales, responsables, semble-t-il, de l'implantation abusive des multiplexes ; enfin, elles plaident pour la tenue d'assises régionales du cinéma, afin que tous les acteurs concernés se rencontrent et conviennent ensemble de solutions pour préserver l'avenir du cinéma de proximité. Elle lui demande de bien vouloir lui faire savoir si le Gouvernement entend agir vers l'une ou l'autre de ces alternatives ou s'il entend prendre d'autres mesures favorisant la survie des salles obscures de proximité.

Avenir de la production audiovisuelle publique

1038. - 9 mars 2001. - M. Ivan Renar attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les multiples inquiétudes suivies des mouvements sociaux qui naissent aujourd'hui dans les services publics de l'audiovisuel autour des thèmes de la sauvegarde et de la promotion de la production audiovisuelle publique. Il demande ce que seront les axes de sa politique permettant de redonner une place originale au service public de l'audiovisuel, et notamment à France-Télévision, en le dotant de véritables moyens de production publique de nature à permettre un rééquilibrage entre la production audiovisuelle publique et la production audiovisuelle privée.

Revalorisation salariale des praticiens-conseils

1039. - 16 mars 2001. - M. Bernard Joly appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la non-application par ses services de la décision d'augmentation de salaire dont les praticiens-conseils devraient bénéficier depuis novembre 1995. Un accord est intervenu à ce sujet entre le syndicat général des praticiens-conseils des organismes de sécurité sociale (SGPC) et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Le conseil d'administration de cette dernière a pris, en conséquence, une délibération positive le 24 octobre 1995. Cet accord a été agréé par le ministère de la santé. Or, les services du budget refusèrent d'avaliser la mesure. Le tribunal administratif de Paris, dans un délibéré du 30 juin 2000, prononcé en audience publique le 5 juillet, a annulé la décision du ministre du budget du 6 novembre 1995 et a ordonné au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de pourvoir à l'exécution de son jugement. Alors que les jugements des tribunaux administratifs sont exécutoires, il lui demande les raisons pour lesquelles plus de sept mois se sont écoulés sans que les praticiens-conseils obtiennent satisfaction sur la revalorisation salariale attendue et quelles dispositions il entend prendre pour appliquer la décision de justice dans les meilleurs délais.

Situation de l'association intercantonale d'aide à domicile
pour personnes âgées à Tulle

1040. - 20 mars 2001. - M. Georges Mouly appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'excellent bilan du service de garde à domicile pour personnes âgées créé en 1992 par l'association intercantonale d'aide à domicile pour personnes âgées des quatre cantons de Tulle, en Corrèze, service dont l'existence est remise en cause par la direction départementale du travail et de l'emploi qui lui refuse la reconnaissance de « chantier d'insertion » et, par conséquent, le renouvellement de son personnel. Compte tenu du service rendu, aussi bien aux personnes âgées qu'aux chômeurs en grande difficulté, il lui demande de bien vouloir faire en sorte que cette action, inscrite au plan départemental d'insertion adopté chaque année par le conseil général de la Corrèze et l'Etat, soit reconnue chantier d'insertion et puisse être pérennisée.

Situation des retraités de la Société marseillaise de crédit

1041. - 20 mars 2001. - M. Robert Bret attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le contentieux qui oppose l'association des retraités de la Société marseillaise de crédit (SMC) à la banque et sa caisse de retraite depuis sa privatisation. En effet, d'abord nationalisée au début des années 80, la SMC a été transférée au secteur privé, sous l'égide du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en 1998. L'Etat, agissant comme actionnaire principal, a alors procédé à une recapitalisation, à hauteur de 2,9 milliards de francs, qui avait pour but de permettre l'apurement du passif mais aussi de financer, d'une part les provisions inscrites pour 57,6 millions de francs dans ce passif, garantissant le remboursement intégral de la retenue de 3 % sur la totalité de l'ancienne pension bancaire, et d'autre part une provision de 330 millions de francs pour garantir la pérennité du versement intégral du complément bancaire de retraite des personnels actifs et inactifs. Or, à ce jour, la banque qui dispose pourtant des fonds refuse de les attribuer à la caisse de retraite et aux ayants droit de celle-ci. Il lui demande d'intervenir auprès de la banque afin d'obtenir des garanties pour que l'argent public, versé par l'Etat pour abonder les fonds sociaux de l'entreprise au moment de la privatisation, soit réellement utilisé à cette fin.

Financement par les conseils généraux des travaux de sécurité
des collèges de l'enseignement privé

1042. - 21 mars 2001. - L'intervention des départements en faveur des établissements privés du second degré pour les opérations d'investissement s'inscrit dans le cadre de la loi Falloux (art. L. 151-4 du code de l'éducation), c'est-à-dire dans la limite légale de 10 % des dépenses annuelles des établissements. M. Roland du Luart souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les graves problèmes de sécurité existant dans ces établissements privés dont font état les commissions de sécurité, et qu'il convient de juguler au plus tôt s'agissant de la protection des enfants et des adolescents. Au regard des programmes lourds engagés depuis de nombreuses années par les conseils généraux dans les collèges publics, il apparaît indispensable que la collectivité départementale s'intéresse au problème posé dans les établissements privés et puisse intervenir largement au-delà des 10 % actuellement autorisés par la loi pour les seules opérations relevant de la sécurité, afin de permettre un accueil sans risques des élèves et de la communauté éducative. Il est en effet impensable à cet égard de faire une différence entre les collégiens selon qu'ils sont accueillis dans un établissement public ou un établissement privé. Pour permettre aux associations de gestion des collèges privés d'entreprendre, dans les plus brefs délais, les travaux les plus urgents exigés par les commissions de sécurité et soulignés par les bureaux de contrôle technique, il conviendrait que les assemblées départementales soient le plus rapidement possible habilitées à intervenir de manière significative dans le financement des travaux de mise aux normes de sécurité des établissements privés car il est insupportable d'imaginer que la sécurité soit assurée pour certains élèves et pas pour d'autres.

Etat d'avancement de l'autoroute A 28

1043. - 21 mars 2001. - M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'état d'avancement de l'autoroute A 28. Cette dernière, engagée depuis plusieurs années, s'arrête actuellement à Ecomoy, dans le département de la Sarthe, alors que les travaux se poursuivent en direction d'Alençon, et permettent d'envisager la mise en service de la section concernée pour la mi-2001. Cette incertitude, l'absence même de tout calendrier pour la section Ecomoy - Montabon - Tours ne sont plus tolérables, compte tenu des conditions de circulation sur la RN 138. C'est la raison pour laquelle il lui demande de bien vouloir s'engager sur un échéancier de réalisation de cette autoroute.

Financement du service de l'enlèvement et de l'élimination
des ordures ménagères

1044. - 22 mars 2001. - M. Jean Besson sollicite l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les modalités de financement du fonctionnement du service de l'enlèvement et de l'élimination des ordures ménagères. Il existe essentiellement deux types de mécanismes fiscaux et financiers, comme outil des collectivités en charge de cette compétence : la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM). Les élus locaux doivent donc choisir entre ces deux alternatives alors que les assiettes de calcul et de recouvrement sont totalement différentes. La redevance calculée en fonction du service rendu présente des difficultés de recouvrement et donc déséquilibre financièrement les structures compétentes. La taxe permet d'assainir cette situation, puisqu'elle a un caractère d'imposition, mais constitue une injustice flagrante puisque totalement indépendante du service rendu. Il souhaite savoir si une évolution de ce dispositif fiscal est actuellement à la réflexion et propose que des critères supplémentaires, comme le nombre de personnes au foyer, soient introduits dans le calcul de l'assiette de la taxe pour la rendre plus équitable pour nos concitoyens.

Conditions de détention en garde à vue

1045. - 22 mars 2001. - M. Jacques Pelletier appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conditions de détention en garde à vue. Du port des menottes aux conditions d'hygiène élémentaires non respectées dans les lieux de détention provisoire, les témoignages se multiplient de part et d'autre, et font état de similaires atteintes à la dignité des droits individuels. Il souhaiterait savoir s'il entend prendre des mesures pour réglementer de manière très précise les conditions de garde à vue.