SEANCE DU 30 MAI 2001


M. le président. Par amendement n° 73, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'ajouter, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions du III de l'article 2 et celles de l'article 15-1 du décret du 18 avril 1939 précité, dans leur rédaction résultant des articles 1er et 3 de la présente loi, entreront en vigueur deux mois après la publication des décrets mentionnés à ces articles et au plus tard le 1er janvier 2002. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de rétablir à la fin du texte la disposition retardant l'application de la mise en oeuvre de l'autorisation préfectorale des établissements de commerce de détail et des prescriptions relatives à la conservation des armes par les particuliers.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il s'agit d'un amendement de coordination, et j'y suis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 73, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32.
Par amendement n° 95, M. Karoutchi propose d'ajouter, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 27 à 32 du présent texte sont applicables en l'état en Ile-de-France jusqu'à la mise en place d'un service de police régionale des transports, couvrant l'ensemble du territoire régional - ville de Paris incluse -, sous l'autorité du préfet de police qui l'organise et le coordonne en sa qualité de préfet de zone de défense d'Ile-de-France. »
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Il s'agit de tirer concrètement les leçons d'un certain nombre d'incidents graves qui se sont produits dans les transports publics d'Ile-de-France.
Nous savons tous que les transports publics en Ile-de-France, en raison de la densité des réseaux et de l'intensité de la fréquentation, sont les plus dangereux de France. De fait, nous assistons, depuis une dizaine d'années, à une recrudescence considérable des agressions.
Les articles que nous venons d'examiner concernent les services de sécurité interne des entreprises. Mais, en réalité, la sécurité n'est plus assurée dans les transports publics d'Ile-de-France parce qu'il n'y a pas de coordination entre les différents services concernés. Y interviennent en effet conjointement, outre les services de sécurité de la RATP et de la SNCF, des effectifs de la préfecture de police et du ministère de l'intérieur, de la gendarmerie nationale, de la police de l'air et des frontières et des services des douanes. Or il n'y a aucun poste de commandement commun à ces différentes forces.
Ce défaut de coordination est une des raisons qui expliquent que des bagarres très graves aient pu se produire récemment à la Défense. On se souvient que des délinquants sont venus de Mantes-la-Jolie et de Chanteloup-les-Vignes sans que personne ait été prévenu dans les trains qu'ils ont empruntés, alors même que des policiers étaient présents dans les gares de départ.
Ma proposition est relativement simple : compte tenu de la situation particulière de l'Ile-de-France, n'est-il pas possible d'envisager, sous l'autorité du préfet de police, préfet de la zone de défense - il n'est pas question de créer ni une police régionale au sens institutionnel ni une police privée -, la création d'une police régionale des transports qui assurerait la coordination de l'ensemble des forces de sécurité engagées dans la surveillance des transports publics d'Ile-de-France.
Il n'est pas possible de continuer à avoir des forces insuffisantes en nombre et ne faisant l'objet d'aucune coordination.
Le préfet de police de Paris a déjà annoncé qu'il était en contact à la fois avec les deux grandes entreprises et avec les préfets de la région parisienne. Il faut avancer sur ce dossier. Nos concitoyens ne peuvent plus tolérer l'augmentation considérable de la délinquance. L'Etat se doit de les rassurer en apportant une vraie réponse.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est très sensible aux arguments qu'a développés mon collègue et ami M. Karoutchi. Le remords que j'éprouve à émettre un avis défavorable sur son amendement est tempéré par l'avancée qu'il a lui-même effectuée en insistant beaucoup sur la nécessaire coordination.
Cette idée d'une police régionale des transports a semblé séduisante ; mais la commission n'a pas bien compris comment elle pourrait être mise en oeuvre dans la pratique. S'agirait-il de fusionner dans un corps unique, placé sous l'autorité du préfet de police, les agents de la SNCF, de la RATP et les policiers nationaux appartenant aux brigades des chemins de fer ?
En tout état de cause, cette idée met l'accent sur la nécessité absolue d'une coordination entre les différents intervenants, mais cette coordination ne nécessite peut-être pas la création d'un corps unique.
La commission n'a donc pas souhaité retenir cet amendement en l'état, mais elle reconnaît, avec M. Karoutchi, qu'il faut impérativement, monsieur le ministre, mener une réflexion sur ce sujet et adopter un traitement spécial pour l'Ile-de-France.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'article 6 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 - la LOPS - a confié au préfet de police de Paris, dans le domaine de l'ordre public, un pouvoir de coordination des actions entreprises dans toute l'Ile-de-France.
Ce dispositif a été concrètement appliqué, pour les transports publics, par la circulaire du 24 février 1998, qui renforce, sous l'autorité du préfet de police, la coordination opérationnelle entre les différents services concernés par la sécurité dans les transports de la région d'Ile-de-France, à savoir : le service de protection et de surveillance des réseaux ferrés parisiens, relevant de la préfecture de police et dont dépendent 502 policiers ; la brigade des chemins de fer, qui dépend de la police aux frontières et qui représente 643 policiers ; les directions départementales de la sécurité publique de petite et grande couronnes ; enfin, en tant que de besoin, les services de sécurité de la RATP - groupe de protection et de sécurité du réseau, ou GPSR - et de la SNCF - surveillance générale, ou SUGE.
Cette coordination se concrétise, notamment, par l'échange d'informations et la mise en place d'opérations communes en fonction des évolutions de la délinquance constatées sur les réseaux.
La salle d'information et de commandement du service de protection et de surveillance des réseaux ferrés, dite PC 2000, installée dans les locaux de la RATP, constitue le pivot opérationnel de ce dispositif de sécurité.
Dans le courant du second semestre de cette année, cet outil sera complété par un PC rapproché, en gare du Nord, entre la brigade des chemins de fer de la police de l'air et des frontières et la surveillance générale de la SNCF.
Le préfet de police qui vient de prendre ses fonctions a, par ailleurs, engagé, à ma demande, une réflexion avec le président du conseil régional d'Ile-de-France, la SNCF et la RATP, en vue de renforcer la dimension régionale de l'action des différents services, ce qui constitue l'une de ses priorités d'action.
Il faut aussi souligner que le développement de la police de proximité et les contrats locaux de sécurité spécifiques aux transports signés dans les départements de la région Ile-de-France contribuent également à mieux assurer la sécurité des gares, stations et lignes.
En tout état de cause, il ne saurait être question de rassembler dans un seul et même service des fonctionnaires de la police nationale et des personnels de la SNCF et de la RATP.
Pour toutes ces raisons, il me paraît préférable de renforcer la coordination opérationnelle, notamment dans des postes de commandement commun, et le travail en partenariat, plutôt que de s'engager dans la voie proposée par M. Karoutchi. C'est en ce sens que travaille, à ma demande, M. le préfet de police.
Je souhaite que ces explications permettent à l'auteur de l'amendement de le retirer, faute de quoi je devrai émettre un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 95.
M. Roger Karoutchi. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, dans votre propos, je relève des éléments extrêmement intéressants et d'autres qui me paraissent quelque peu contradictoires.
Ce que je critique dans le dispositif actuel, c'est justement le manque de volonté des entreprises, et peut-être d'autres partenaires, de mettre en place un PC unique. Il est complètement aberrant qu'il existe un PC quai de la Rapée pour la RATP et un autre à la gare du Nord pour la SNCF.
Il eût été beaucoup plus cohérent qu'il y ait pour l'ensemble de l'Ile-de-France un PC unique, placé sous l'autorité du préfet de police. Quand vous prenez le RER, vous ne savez pas si vous roulez avec la RATP ou avec la SNCF ! Or, lorsque vous passez d'un réseau à l'autre, vous changez de centre de contrôle !
En réalité, je souhaite que le préfet de police soit l'autorité unique sur la sécurité dans les transports publics en Ile-de-France. Je ne demande pas la création d'un corps unique : je sais bien que les membres de la SUGE ont le statut de cheminot ; je ne demande pas qu'ils deviennent policiers !
Vous dites parfois, monsieur le ministre, que nous voulons un peu trop régionaliser ou municipaliser la police nationale. Eh bien, moi, je ne suis pas franchement partisan d'une discussion entre l'autorité régionale - président du conseil régional ou autre - et le préfet de police sur la mise en place de cette police régionale des transports. Pour moi, l'expression « police régionale » ne signifie en aucun cas que la collectivité régionale doit avoir une autorité sur la police : elle n'en a ni la capacité ni la compétence. La police doit rester sous l'autorité absolue de l'Etat, sous l'autorité du préfet de police.
Que le conseil régional intervienne pour équiper la police régionale des transports, lui apporter une aide à l'investissement, c'est une chose. Mais tout le reste doit dépendre uniquement du préfet de police.
Mon sentiment est que, si cet amendement est adopté, cela ne changera rien au statut des personnels mais tout le monde sera incité à discuter avec le préfet de police pour enfin se mettre d'accord et parvenir à une autorité unique.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le ministre, vous avez évoqué une réflexion. Dans votre esprit, cette réflexion doit-elle aboutir à ce que le préfet de police soit le seul responsable dans ce domaine ?
Par ailleurs, les autorités de la SNCF et de la RATP acceptent-elles cette autorité unique que nous appelons tous de nos voeux ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je croyais avoir été assez explicite, mais il semble préférable de repréciser les choses. Il est clair que M. le préfet de police a l'autorité de coordination sur l'ensemble de ces services.
Les mots ont un sens, monsieur Karoutchi ! Je suis contre la création d'une police régionale, ou d'un corps de police régionale au sens habituel du terme. Mais il n'y a aucune ambiguïté : le préfet de police est responsable de la rationalisation et de la coordination. Il en allait ainsi lorsque M. Massoni était préfet, il en ira de même avec M. Proust.
En outre, la coordination sera renforcée, puisque le PC police-SNCF et le PC police-RATP travailleront ensemble, toujours sous autorité de M. le préfet de police.
Dans la pratique, la coordination et l'homogénéité de commandement que vous souhaitez existent sans qu'il soit nécessaire d'aller jusqu'à la création d'un service de police régionale. Ma réponse est extrêmement claire et vaut engagement.
Le dispositif actuel ne pose pas de problème. On en a d'ailleurs éprouvé l'efficience dans une circonstance particulière - je pense aux incidents qui se sont produits à la Défense - même si elle nous a valu des critiques : en trente minutes, l'ensemble des policiers concernés ont pu être présents et régler la difficulté ! Restait à savoir où les jeunes viendraient et où ils s'arrêteraient, mais c'est une autre question.
En règle générale - je touche du bois ! - à Paris, les manifestations et les divers incidents sont réglés avec la coordination souhaitable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 95, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32.
Mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des articles qui ont été précédemment réservés, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures.)